ON LEUR VEND DES aRMES
... ET LE PIRE C’EST QU’ILS S’EN SERVENT
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D’ENQUÊTES EN BANDE DESSINÉE
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D’ENQUÊTES EN BANDE DESSINÉE
C’est l’histoire d’un « savoirfaire » français. Celui que Michèle Alliot-Marie propose à la police tunisienne, le 11 janvier 2011, alors que la révolution est sur le point de faire tomber le président Ben Ali au pouvoir depuis plus de vingt-trois ans. « Le savoir-faire de nos forces de sécurité, qui est reconnu dans le monde entier, permet de régler des situations sécuritaires de ce type », assure alors depuis l’Assemblée nationale celle qui ne va plus rester ministre des Affaires étrangères encore bien longtemps.
Indécence d’État face à la révolte d’un peuple ? Position contraire à celle du gouvernement ? Si Michèle AlliotMarie fut elle aussi emportée par la vague des révolutions arabes, c’est bien plus une question de forme, voire de timing, que de fond. Car les ministres passent, mais la politique demeure. Quelle que soit la couleur politique au pouvoir, l’État français s’attache depuis des décennies à vendre ce « savoir-faire » sécuritaire sous toutes ses formes. Tout l’enjeu est d’en parler le moins possible… et, les rares fois où le sujet émerge dans l’actualité, d’attendre sagement qu’il disparaisse de lui-même.
L’espoir né en 2011 dans une grande partie du monde arabe a vite été douché dans la plupart des pays concernés.
Ainsi en Égypte : la place Tahrir, embrasée par des dizaines de milliers de manifestants le 25 janvier 2011, n’était plus qu’un lointain souvenir, deux ans et demi plus tard, lorsque les militaires prirent en main le pouvoir à la faveur d’un coup d’État.
Devenu président en 2014, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi allait rapidement
chercher à resserrer la vis à une société qui espérait respirer enfin un peu, après les périodes Nasser (1954-1970), Sadate (1970-1981) et Moubarak (1981-2011).
Quoi de mieux, pour cela, que le « savoirfaire » français ? Des mots mêmes des locataires successifs de l’Élysée, le régime égyptien est devenu depuis fin 2014 « un partenaire précieux », un allié « incontournable », qu’il faut donc choyer. En lui permettant de bénéficier de nos logiciels de surveillance de masse, par exemple, afin de mieux contrôler sa population et de traquer, emprisonner et torturer à loisir. En mettant à sa disposition du matériel militaire et des soldats pour l’aider, aussi, à appliquer sa politique répressive avec des moyens dont les services de sécurité égyptiens manquent.
L’écho retentissant des révolutions arabes s'est tu depuis longtemps, et l’État peut, à nouveau, vendre – dans un silence confortable – son appareil répressif made in France. Tout au plus se contente-t-il de brandir au besoin le joker « lutte antiterroriste », bon à tout justifier, comme pour la mission Sirli, démarrée en février 2016 en Égypte. Le cynisme, aussi, est un « savoir-faire » français plutôt bien maîtrisé.