Les enquêtes de Mediapart en bande dessinée 2022 Avenir lycéen + dette

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M E D I A PA R T

ÉDITION SPÉCIALE

LA REVUE DESSINÉE

Les enquêtes de Mediapart

en bande dessinee


A N T TO N

AG N È S

ROUGET

MAUPRÉ

JOURNALISTE

D E S S I N AT R I C E

paye ton syndicat né dans la tempête des contestations lycéennes, hashtag devenu syndicat, avenir lycéen est porté par une poignée de jeunes prêts à voguer au secours d'un ministère de l'éducation arrimé à sa réforme du bac . vidéo de soutien, posts sur les réseaux sociaux… le petit équipage gagnera ses galons, sous la forme d'une généreuse subvention. mais sans contrôle, la coquette somme devient butin. entre chambres d'hôtels étoilés et restaurants gastronomiques, les « chouchous » de jean-michel blanquer s'égarent. et le ministère, alerté, peine à prendre ses responsabilités.


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ROMARIC

VINCENT

GODIN

SOREL

JOURNALISTE

D E S S I N AT E U R

la dette, et alors ? « équilibrer le budget », « réduire la dette », « Maîtriser la dépense publique », Depuis des décennies, nos dirigeants agitent le spectre d’un endettement qui explose, des caisses vides, d’un État en faillite. Pour cela, ils invoquent à l’envi la gestion « en bon père de famille » des deniers publics : est-il possible pour un ménage de rembourser un emprunt plus élevé que ses revenus ? Non. Eh bien, à leurs yeux, pour l’État, c’est pareil. Simple, basique. Un peu trop même. Car, ramenée au niveau des finances d’un pays, la dette devient une illusion, un épouvantail politique au service de l’austérité et des plus riches.


ÉCONOMIE

jeudi 5 avril 2018, chu de rouen (76)

Au quotidien il y a des fermetures de lits dans les services, des fermetures de services, faute de personnel.

On a besoin de moyens !

Emmanuel Macron est interpellé par une aide-soignante.

Les moyens c’est vous qui les payez. Il n’y a pas d’argent magique.

Nous, aujourd’hui, nous vivons à crédit et ça fait des décennies que ça dure. Donc, si nous ne faisons rien, ce seront nos enfants et, eux, n’auront pas le choix.

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La dette. Avec cet argument massue couplé d’un appel au bon sens, le président fait mouche.

Pour tout un chacun, c’est évident : lorsque l’argent vient à manquer, il convient de restreindre ses dépenses. s’endetter serait à terme intenable. Et pourtant…

Jeudi 12 mars 2020

La santé n’a pas de prix.

... quoi qu’il en coûte.

Aussi, tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et nos entreprises.

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Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies...

Nous n’ajouterons pas aux difficultés sanitaires la peur de la faillite pour les entrepreneurs, l’angoisse du chômage et des fins de mois difficiles pour les salariés.

Quoi qu’il en coûte, là aussi.


ÉCONOMIE

Près de deux ans après la rencontre à Rouen et une pandémie plus tard, le discours présidentiel a changé. Pour faire face au Covid-19 et à ses conséquences économiques, Emmanuel Macron a promis un « plan de relance » de 100 milliards d’euros. L’argent semble désormais disponible à la demande, en quantité illimitée.

Selon Olivier Dussopt, le ministre délégué chargé des comptes publics, l’épidémie de Covid-19 coûtera

Le contraste interroge. L’argument de la dette convoqué pour justifier les restrictions budgétaires serait-il moins solide qu’il n’y paraît ? Les pénuries de moyens opposées depuis des années aux demandes des enseignants, des soignants, des travailleurs des services publics seraient-elles artificielles ?

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En réalité, l’argent magique existe. Pour couvrir ses besoins, l’État emprunte sur les marchés financiers.

Dans le même temps, la banque centrale européenne (BCE) rachète massivement cette dette sur les mêmes marchés. Elle détient près d’un tiers de la dette française en circulation.

Ce soutien concret est un gage auprès des investisseurs*, une sorte d’assurance-vie pour les États. Ainsi, ceux-ci trouvent toujours preneurs pour acheter leur dette à bas prix.

Lorsqu’une dette arrive à échéance, les États la remboursent ensuite en contractant un nouvel emprunt. Et ce, perpétuellement. On parle de :

Cette cavalerie financière est évidemment intenable pour un individu ou une entreprise. Mais pas pour un État qui est considéré comme solvable, c’est-à-dire immortel, par les marchés. Tant que la BCE rachète la dette et que l’État est capable de payer les intérêts qu’il doit, il n’y a aucune raison que la cavalerie s’arrête. * Voir les coulisses des rédactions p. 190.


ÉCONOMIE Quant à la BCE… Elle est capable de créer des euros ex nihilo.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle peut racheter de la dette publique sur les marchés. L’argent qu’elle utilise ne vient pas d’un coffre ou d’une réserve, ce n’est pas non plus « l’argent des contribuables ». C’est le simple fruit de sa volonté.

En 2009, Ben Bernanke, alors président de la Réserve fédérale (la fed), l’équivalent états-unien de la BCE, expliquait simplement :

Ainsi, après la crise de 2008, « utiliser l’ordinateur » lui a permis de créer les 1 500 milliards de dollars nécessaires au renflouement des banques.

Les banques ont un compte à la FED, un peu comme vous avez un compte auprès d’une banque commerciale. Alors, pour prêter à une banque, nous avons simplement utilisé l’ordinateur pour augmenter le montant de ce compte. Du côté de l’Europe, la BCE est en théorie limitée dans cette création monétaire par son mandat qui lui impose la maîtrise de l’inflation*.

Malgré les centaines de milliards d’euros déversés sur les marchés et les banques, l’inflation et la croissance sont restées faibles. le « bon sens » économique qui liait automatiquement création monétaire et inflation ne s’est pas vérifié. il n’y a donc quasiment pas de limites aujourd’hui à l’action de la BCE. * l’inflation est une hausse générale et durable des prix. La BCE a pour mission unique d’assurer la stabilité des prix, qu’elle définit comme une inflation à moyen terme autour de 2 %. Si elle estime que cet objectif n’est pas atteint, elle doit relever les taux d’intérêt pour réduire la hausse des prix.

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La dette serait donc un Soulevée par les dépenses liées au Covid-19, la question a fait réagir un certain François Villeroy de Galhau. À l’hiver 2020, le gouverneur de la banque de France a fait le tour des médias, comme pris d’un vent de panique.

Partout, il parle de la dette comme d’un

Une fois la crise terminée,

à partir de la mi-2022,

et mener une stratégie

de désendettement.

sac à dos transmis aux générations futures.

il faudra

stabiliser nos dépenses publiques

Pourquoi un tel déploiement d’énergie de la part de cet homme d’habitude plutôt discret ? Par crainte de voir s’effondrer la croyance selon laquelle la dette publique serait dangereuse ?

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ÉCONOMIE

Pour que l’édifice tienne bon, François Villeroy de Galhau s’empresse de distinguer les dépenses nécessaires, celles liées au Covid-19, des dépenses superflues.

Nous ne pouvons pas tout nous offrir, tout le temps. Il y a une dette justifiée qui est la dette Covid, et il y a une dette dangereuse : c’est celle où nous vivrions durablement au-dessus de nos moyens.

Et il brandit, tel un épouvantail, le ratio dette/PIB.

Nous sommes entrés dans cette crise avec une dette trop élevée,

France Inter, 3 octobre 2020

Or la pertinence de cet indicateur interroge. D’abord, car il mesure des réalités qui n’ont rien à voir : d’un côté, un capital emprunté par l’État que l’on fait rouler à des moments différents,

Ensuite, parce qu’au fil des années le plafond à ne pas dépasser n’a cessé de se déplacer, trahissant son caractère arbitraire.

de l’autre, le flux de richesses générées par l’économie en une année.

En 1992, Le traité de Maastricht fixait comme limite à ne pas dépasser :

Attention, tu dépasses la limite ! Je t’ai prévenu, ne dépasse pas les bornes ! Ah tu dépasses la limite, là !

ce qui, alors, semblait fort élevé. elle apparaît aujourd’hui inatteignable à beaucoup d’États de la zone euro.

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en 2010, deux économistes états-uniens, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, ont déclaré dans un article célèbre qu’au-dessus de

Tu dépasses encore la limite !

de dette publique, le taux de croissance médian recule de 1 % en moyenne. Plusieurs États avaient utilisé cette « règle » pour mener alors des politiques d’austérité…

d’après Fernand Pelez (1848-1913), « le marchand de violettes »

Au-delà de ce niveau, les États risquaient donc d’être pris dans une spirale négative les menant à la faillite.

elle a été démentie par les faits. de plus, l’article de Reinhart et Rogoff comportait une énorme erreur de calcul, faussant totalement les résultats.

En réalité,

J’ai l’impression que tu dépasses la limite, qu’est-ce que je t’ai dit ?

de ratio d’endettement public « idéal » ou « limite ».

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ÉCONOMIE

Cela n’empêche pas françois Villeroy de Galhau d’entonner une ritournelle bien rodée.

Il y a une espèce de sagesse collective que connaissent tous les Français, c’est qu’il y a une limite à la capacité d’endettement.

La sagesse collective demande vraiment que nous ne dépassions pas les 120 %.

En jeu ? La confiance des investisseurs.

Si les investisseurs font moins confiance à la France, ils augmentent le taux d’intérêt.

Ce qui est très important, c’est que la confiance des prêteurs demeure sur notre capacité à payer.

Les Français savent très bien qu’une dette, ça se rembourse.

La dette ne doit pas être prise à la légère.

Une dette, ça se rembourse !

Gérald Darmanin, 11 juillet 2019, devant le Sénat

Christine Lagarde, 7 février 2021, bfm tv

Pour être digne de leur confiance, il faudrait se montrer en capacité de rembourser.

Olivier Dussopt, 10 novembre 2020, Europe 1

Ainsi, les responsables politiques ont pris l’habitude de faire la leçon : l’argent, ça se gagne ou ça s’emprunte, mais

qu’on soit un État, une entreprise ou un ménage. Qu’importe si le parallèle ne tient pas.

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Avec son horizon temporel théoriquement infini, l’État ne rembourse le capital qu’à échéance, et non tout au long du crédit.

un État n’est pas un particulier ni une entreprise.

Par ailleurs, un État peut faire des

avec la dette, Il peut décider d’investir et donc de créer de la richesse pour les générations futures, reportant logiquement une partie du paiement des intérêts sur celles-ci.

pour rembourser sa dette, notamment celui d’une redistribution entre les générations ou les classes sociales.

Il peut aussi se servir de l’impôt et des taxes s’il considère que les dépenses communes doivent être portées par les plus riches.

L’État a les moyens de mobiliser l’épargne nationale par l’impôt, ou, en ultime recours, de modifier unilatéralement les conditions de la dette. c’est historiquement très fréquent.

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Qui c’est qui décide ?


ÉCONOMIE Bref, l’État dispose d’outils et d’une durée de vie qui en font un créancier très particulier.

Sans compter que l’État s’endette pour le bien commun, et que la fonction de la dette est de renforcer la capacité de remboursement du pays en soutenant le niveau de vie et les infrastructures.

Une étude de l’Insee1 a récemment montré que les services publics et la sécurité sociale assuraient une réduction des inégalités.

1. « REVENUS ET PATRIMOINES DES MÉNAGES », ÉDITION 2021, INSEE.

L’éducation permet de disposer d’une force de travail productive et compétente, et les infrastructures de transports ou d’énergie bénéficient à l’ensemble de l’économie.

Tout ceci permet aussi d’assurer que les intérêts de la dette seront bien payés.

Alors Jean-Michel, t’as la confiance ?

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En réalité, le discours sur la dette a surtout une utilité : justifier les

À la sortie de cette crise, il faudra faire des efforts.

Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, 10 avril 2020, europe 1 Pour la sortie de crise, françois Villeroy de Galhau n’a qu’un mot à la bouche :

Ainsi, depuis des décennies, ces discours sur la maîtrise budgétaire et la dangerosité de la dette façonnent l’action publique et justifient les réformes néolibérales.

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La commission sur l’avenir des finances publiques présidée par Jean Arthuis ne dit pas autre chose puisqu’elle préconise de


ÉCONOMIE En février 2020, ces arguments justifiaient le passage en force, par l’article 49-3, de la réforme des retraites, et ils sont convoqués aujourd’hui encore pour défendre la réforme du chômage.

Le 7 août 1926, le président du Conseil Raymond Poincaré crée une « caisse autonome d’amortissement de la dette publique ».

Pendant les trente glorieuses, cette obsession n’est pas abandonnée. Jacques Rueff, l’économiste le plus proche de Charles de Gaulle, juge que :

Le pays a la ferme volonté de s’acquitter de ses obligations dans toute la mesure de ses capacités.

À partir des années 1970, et surtout 1990, la dette est largement utilisée pour justifier le recul de l’État social.

Au fil du siècle qui vient de s’écouler, La peur de la dette publique est devenue une

Les déficits publics gangrènent le corps social.

L’assainissement économique, budgétaire et financier est le préalable indispensable à la remise en marche de notre économie, car c’est à l’État de faire porter d’abord sur lui-même la discipline de l’assainissement.

édouard Balladur, le 22 avril 1986, ministre de l’Économie

Je suis à la tête d’un État en faillite.

François Fillon, 2007, Premier ministre

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Certes, le système de financement actuel de l’État place ce dernier dans la dépendance des marchés financiers.

Et les faillites d’État existent, bien sûr. Cela s’est vu récemment avec l’Argentine ou la Grèce.

Ce que vit le peuple grec correspond exactement à ce que nous, Argentins, avons vécu en 2001.

Cristina Kirchner, le 1er juillet 2015, présidente d’Argentine

Ces États ne peuvent alors plus payer les intérêts ni faire rouler leur dette, parce que les marchés n’ont plus confiance en eux.

La France n’est pas actuellement dans ce cas de figure et l’action de la BCE revient en quelque sorte à diminuer la dépendance vis-à-vis des marchés.

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Ces cas s’inscrivent toujours dans un schéma similaire :

Mais, en cas de retour de l’inflation, la BCE pourrait être tentée de durcir sa politique, de cesser ses rachats et ainsi de redonner aux marchés le pouvoir de faire pression sur l’État.


ÉCONOMIE Cette perspective semble peu probable car elle mettrait en péril l’euro, mais elle existe.

la BCE est indépendante du pouvoir politique. Elle ne doit prendre, en théorie, ses décisions qu’en fonction de son seul objectif d’inflation et d’aucune autre considération.

L’époque actuelle, où la dette ne pose pas de problème, est donc un bon moment pour réduire la dépendance de l’État vis-à-vis des marchés.

C’est pourquoi les économistes font des propositions.

appel de 150 économistes paru dans le journal « Le Monde », le 5 février 2021

l’une d’entre elles consiste à annuler la dette rachetée par la BCE.

Cela permettrait de ne léser aucun investisseur, puisque la banque centrale aura déjà racheté ces titres.

Et cela permettrait d’alléger le ratio de dettes des États.

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Il existe d’autres propositions, plus radicales encore, pour se libérer de la dépendance au budget.

Le sociologue Benjamin Lemoine propose la reconstruction au niveau européen d’un

comme celui qui avait été mis en place en France dans les années 1950 et déconstruit dans les années 1980. C’est un système complexe où l’état draine vers lui l’épargne des particuliers et les liquidités des grandes banques.

Ce circuit a permis de réduire l’appel à l’emprunt pendant ces décennies, et sa destruction a été un choix politique.

Construire un véritable circuit du Trésor européen signifierait bâtir une puissance d’action financière publique réellement émancipée du régime de la dette contrôlée par le débat politique.

Une autre solution serait de recourir à la création monétaire plutôt qu’à l’épargne internationale pour financer les besoins des États.

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ÉCONOMIE

Lors de la Seconde Guerre mondiale, on ne s’est pas posé la question du financement. Lorsqu’on a lancé le New Deal dans les années 1930, on n’a pas soulevé le problème du financement. On a défini ce dont on avait besoin et on l’a financé. Pavlina Tcherneva, économiste américaine

L’option de la création d’argent frais est discréditée par des cas extrêmes comme l’Allemagne de 1923 ou le Venezuela d’aujourd’hui, qui ont connu ou connaissent l’hyperinflation.

L’emballement se produit dans une économie dévastée, où l’appareil productif est inexistant et où les déficits ne servent pas à le renforcer.

Mais le financement monétaire des déficits n’est pas automatiquement hyperinflationniste.

pour les pays dont les économies sont en meilleure santé, l’option dite de « la planche à billets » est défendue par les partisans de la théorie moderne de la monnaie, aux états-Unis.

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car, Historiquement, le moyen le plus utilisé et le plus sûr de faire baisser la dette publique, c’est

La hausse des prix augmente les recettes fiscales, réduit les taux d’intérêt payés et dévalorise les capitaux empruntés.

C’est comme cela que la France a réduit son très fort endettement après la seconde guerre mondiale.

Surtout, depuis 2008, on tente de faire repartir l’inflation. Sans succès.

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Mais aujourd’hui, l’option de l’inflation fait peur et est rejetée par les dirigeants.

Restent donc, à cadre constant, plusieurs options. La première, la plus raisonnable, est de


ÉCONOMIE La dette publique, on l’a vu, ne se rembourse pas, elle est roulée.

Ce que les Français paient, ce sont les intérêts.

Et plus son stock augmente, moins elle coûte cher.

Et ils en paient de moins en moins.

Depuis 2009, le stock de dette a augmenté de

dans le même temps, le service de la dette (la partie du budget qui sert à rembourser les intérêts) a reculé de

Pendant plusieurs mois, la France a pu s’endetter sur le long terme à taux négatif, c’est-à-dire gratuitement.

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dette

dette Mais tout cela suppose de ne plus instrumentaliser la dette publique.

dette dette

dette dette dette dette

Ce n’est évidemment pas le choix du gouvernement.

La dette ne sera pas remboursée par les impôts mais par la maîtrise des dépenses publiques.

En faisant payer davantage aux plus riches les dépenses dont tous bénéficient, on fait jouer la solidarité.

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Pourtant, le recours à l’impôt permet de faire jouer la capacité de redistribution de l’État.

À l’inverse, en faisant jouer l’austérité des dépenses publiques pour préserver le niveau des impôts, on fait payer la dette publique par les plus fragiles et on fait de la redistribution à l’envers.


ÉCONOMIE Ainsi, au motif de faire baisser les charges sociales, la sécurité sociale est confrontée depuis 2010 à une politique d’austérité.

L’Impôt sur la fortune a lui été supprimé en 2018 pour les patrimoines mobiliers ; et les revenus du capital bénéficient d’un « bouclier fiscal ».

On a aussi préféré baisser l’impôt le plus progressif, l’impôt sur le revenu, et augmenter la Contribution sociale généralisée (CSG) dont le taux est le même pour tous les revenus.

Rappelons aussi que les plus pauvres paient la même TVA — l’impôt le plus rentable pour l’État — que les plus riches.

En refusant de toucher à la fiscalité, on fait donc peser le poids (fictif) de la dette sur les plus fragiles.

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Bruno Le Maire choisit donc ses perdants de la crise.

Il décide de refermer sur les classes populaires le piège de la dette.

Ainsi, le ministre de l’économie, des finances et de la relance parle de relancer une réforme des retraites, où le niveau des pensions serait dépendant de l’équilibre comptable du système, et non des besoins de la société.

Et le gouvernement envisage d’établir une

qui établirait un plafond pour cette dernière sans davantage prendre en compte les besoins.

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En choisissant l’austérité et en refusant la solution fiscale, on avance la théorie* du ruissellement : faire payer les riches détruirait des emplois.

* Cette théorie a d’ailleurs été démontée par de nombreux économistes, dont Thomas Piketty : moins prélever aux riches augmente les inégalités, Ce qui à terme ralentit la croissance, et détruit des emplois.

Mais cela revient, de fait, à faire payer aux plus pauvres les intérêts de la dette détenue par ceux qui peuvent avoir une épargne**.

Et ceci n’est pas le simple fruit d’une contrainte économique. C’est UN

** Voir les coulisses des rédactions, page suivante.


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