L’AFA organise en Aquitaine le rassemblement des passionnés de la photographie du ciel
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Du 12 au 16 septembre
© P. Pelletier
Le rendez-vous des photographes du ciel
Au programme : rallyes photo nocturnes à thème, ateliers d’échanges de pratique, tests de
matériel, conférences et présentation de travaux photographiques et en libre activité : excursions Cap Ferret,
Ce rassemblement se déroule au Village Vacances Les Bruyères à Carcans-Maubuisson (Gironde) en pension complète, chambre double : 500 € (450 € accompagnant) Programme et inscription sur www.afastronomie.fr
Arcachon, visites de caves du Bordelais, randonnées, piscine, voile, vtt, observations astronomiques.
Une collaboration avec VTF
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ÉDITORIAL
© Laurence Honnorat
I
Alain Cirou directeur de la rédaction
l y a tout juste un demi-siècle, alors que la contestation étudiante enflamme Paris, une bombe cinématographique explose sur les écrans européens. Avec des images qui s’ouvrent sur l’aube de l’humanité, il y a 4 millions d’années, quand deux bandes de singes se disputent un point d’eau. Et là, sous l’influence d’un mystérieux monolithe noir fiché dans le sol, l’inspiration vient aux hominidés de se servir d’un os comme d’une arme... Vous avez reconnu évidemment l’ovni du réalisateur américain Stanley Kubrick, 2001 : l’odyssée de l’espace, et sa scène culte où l’os jeté en l’air se transforme en station spatiale, inondée de soleil, sur la musique d’Ainsi parlait Zarathoustra du compositeur Richard Strauss. Le spectateur, projeté dans le futur lointain de 1968, découvre une époque où les hommes vont dans l’espace et filent vers Jupiter à bord d’un vaisseau confortable. La découverte d’un autre monolithe noir sur la Lune leur a indiqué la destination de l’exploration en cours. Basé sur une nouvelle d’Arthur C. Clarke (à qui l’on doit l’invention de l’orbite géostationnaire), le film sidère ses spectateurs. Un autre cinéaste, Ridley Scott, résume le sentiment général : “Après 2001, la science-fiction est morte” ! L’homme n’a pas encore tourné autour de la Lune — il le fera huit mois plus tard — mais Kubrick a déjà inventé une station spatiale avec deux roues qui tournent autour d’un moyeu central et fabriquent une gravité artificielle. Les habitants de l’ISS en rêvent aujourd’hui, après avoir compris les dégâts occasionnés par l’impesanteur sur les organismes. De la même façon, l’informatique s’est inscrite tout naturellement dans le design du futur avec un ordinateur central — HAL 900, un clin d’œil à l’entreprise monstre d’alors dont les lettres H, A, et L, précèdent celles de la célèbre société américaine — et… des tablettes individuelles. Bien plus tard, quand Apple tentera de faire condamner Samsung pour violation de brevet sur l’iPad, cette dernière produira pour sa défense les images de 2001 ! À l’époque, la firme à la pomme n’existait pas... Enfin, l’intelligence artificielle est au cœur du film à travers l’œil cybernétique rougeoyant qui symbolise la surveillance permanente qu’exerce HAL sur l’équipage. Jusqu’au conflit final où, de manière très rationnelle, l’IA privilégie la réussite de la mission à la survie de l’équipage qui la met en cause. Un intégrisme de silicium, un terrorisme de la pure conviction. Mais comment parler de ce sentiment étrange, lorsque l’astronaute Bowman décide de débrancher HAL, et que sa voix artificielle opère un changement de ton équivalant à un retour à l’enfance, de ce moment où nous ressentons pour la première fois de l’empathie avec une machine ? “L’imagination est plus importante que la connaissance”, écrit Albert Einstein. En évoquant les traces d’une intelligence inconnue, mais aussi des voyages spatiaux, le monde des machines, l’IA et les univers parallèles, Stanley Kubrick nourrit les rêves de plus d’une génération et reste au cœur des débats actuels. Mieux encore, il nous fait ressentir la déprime et la solitude de l’espace silencieux en laissant résonner l’Adagio du ballet Gayane de Khatchatourian. Comme l’excitation et l’effroi, à l’approche du monolithe flottant près de Jupiter, quand retentissent les chœurs du Lux Æterna de Ligeti. En entrant dans l’histoire, 2001 : l’odyssée de l’espace confirme son statut d’œuvre philosophique sur le destin de l’humanité, sur sa relation au progrès, au temps, à l’art et aux grands mystères de l’Univers. Un regard prophétique, sans inspiration divine ; une pensée libre qui flotte toujours dans l’air d’un futur rêvé.
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SOMMAIRE 7 télescopages 8 tout image 14 actualités
24 regard sur l’actualité Les véritables apports de Stephen Hawking
26 interview de Stéphane Israël, pdg d’Arianespace : “Ariane 6 va devoir évoluer dans un paysage qui change très vite” 32 Expansion de l’Univers : Hubble persiste et signe 38 Galaxie d’Andromède : ses étoiles racontent toute son histoire 66 portfolio Terre et ciel à l’équilibre 72 Petits meurtres entre astronautes 76 reportage L’aube d’une astronomie XXL
84 l’œil de Denis Mourard
86 histoire Des pierres levées sous les étoiles du Néolithique
92 observation Regardez bouger les planètes 98 éphémérides 108 nouveautés La monture de voyage Astrotrac
CHINE : LES AMBITIONS CÉLESTES
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En quelques années, la Chine a réussi à prendre une place de choix sur le devant de la scène astronomique et spatiale. © Xinhua
3 éditorial
MAI JUIN 2018
120 initiatives Le festival de la Plage aux étoiles fait son grand retour à Collioure
122 du côté de l’association Petite Ourse : les enfants s’épanouissent grâce à l’astro !
110 vous avez la parole La lunette Takahashi FOA-60
126 agenda
112 ouvert la nuit
130 regard La terre, dans l’idéal
128 lire, voir
Revue de l’Association française d’astronomie 17, rue Émile-Deutsch-de-la-Meurthe 75014 Paris. Tél. : 01 45 89 81 44 Fax : 01 45 65 08 95. Sites : www.cieletespace.fr - www.afastronomie.fr - www.galleryastro.fr Directeur de la publication : le président de l’Association française d’astronomie, Olivier Las Vergnas. Directeur de la rédaction : Alain Cirou, alain.cirou@cieletespace.fr. Rédacteur en chef : Philippe Henarejos, philippe.henarejos@cieletespace.fr. Rédacteur en chef adjoint : David Fossé, d.fosse@cieletespace.fr. Chefs de rubrique : Jean-Luc Dauvergne, jl.dauvergne@cieletespace.fr, Émilie Martin, e.martin@cieletespace.fr. Ont collaboré à ce numéro : Julie Kern, Clément Plantureux, Aurélien Barrau, Simon Devos, Michel Blanc, Jean-Marc Bonnet-Bidaud, Julie Le Baron, Florian Audureau, Emmanuel Beaudoin, Stéphane Alix. Secrétaire de rédaction : Emmanuelle Lancel, e.lancel@cieletespace.fr. Direction artistique : Olivier Hodasava, o.hodasava@cieletespace.fr, assisté de Florence Can. Publicité et développement commercial : Adrien Champagne, a.champagne@cieletespace.fr. Ciel & Espace Radio : Nicolas Franco, n.franco@afanet.fr. Renseignements aux lecteurs, Illustration de couverture : Nilesh Mistry contact photo : Sandrine Dorbais, s.dorbais@cieletespace.fr. Comptabilité : Catherine Allart, c.allart@cieletespace.fr. - 1 Ventes en kiosque : Europresse-IMT. Tél. : 01 42 24 50 94. Mail : europromo@orange.fr. Abonnements : Abomarque Ciel & Espace CS 63656 - 31036 Toulouse Cedex 1. Tél. : 05 34 56 35 60 (10 h-12 h/14 h-17 h). Site : https://www.cieletespace.fr/abonnement . Abonnement Canada : Express Mag, 3339 rue Griffith, Saint-Laurent QC H4T 1W5. Tél. : 1(800) 363 – 1310 ou (514) 355-3333. Mail : expsmag@expressmag.com. Abonnement États-Unis : Express Magazine, PO Box 2769 Plattsburgh (New York) 12901 – 0239. Tél. : 1(800) 363 1310 ou (877) 363 1310. Mail : expsmag@expressmag.com. ISSN n° 0373-9139 — CPPAP n° 1018 G 83672. Impression : Agir Graphic 53000 Laval, France. Imprimé en France. Distribué par Presstalis. N° 559 – 05/06 2018. Dépôt légal à parution. © 2018 AFA.
Papier certifié FEPC. Origine : Autriche et Finlande. Fibres recyclées : 0. Eutrophisation : 0,01 kg/t (couverture) et 0,1 kg/t (intérieur).
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559 | 7 Télescopages ÉCRIVEZ-NOUS Ciel & Espace, 17, rue Émile-Deutsch-de-la-Meurthe, 75014 Paris revue@cieletespace.fr
Pleine Lune éclatante : la preuve par l’observation notre article d’observation soulignait le fort surcroît de luminosité de notre satellite naturel lors de la Pleine Lune. Nous annoncions qu’elle est 12 fois plus lumineuse que lors d’un quartier, et non 2 fois plus lumineuse comme on pourrait le croire. Un de nos lecteurs, Thomas Hebbeker, a vérifié cette affirmation par l’observation : “J’ai mesuré la clarté de la Lune en fonction de la phase lunaire. La phase lunaire est l’angle entre la Lune et le Soleil. Dans la phase de Pleine Lune, l’angle est de 180°. La Nouvelle Lune correspond à un angle de 0° ou de 360°. Le graphique ci-joint illustre mes résultats. Les mesures sont représentées par des points rouges. La ligne bleue qui relie les points de données a une forme de polynôme. On voit bien que la Pleine Lune brille particulièrement fort. Le point le plus lumineux est celui du 1er mars 2018.” JLD
Unité de puissance
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ans votre légende sur la centrale martienne de la Nasa (C&E n°558, page13), vous écrivez que cette centrale peut “fournir une cinquantaine de kilowatts/ heure”. Je pense qu’il s’agit plutôt d’une puissance, exprimée en kilowatts (kW). […] Dommage que ce genre de coquille contribue à cette éternelle confusion entre puissance (kW), énergie (kW.h) et les unités correspondantes. Malgré tout, cela n’entame pas mon intérêt toujours renouvelé pour votre revue.
VARIATIONS DE LA LUMINOSITÉ DE LA LUNE
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1er mars 2018
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1 Phase lunaire 0,1 0°
60°
120°
180°
240°
© T. Hebbeker
Dans le numéro de janvier-février (C&E n° 557, p. 106),
300° 360°
L’échelle verticale indique la luminosité de la Lune ; notez qu’elle n’est pas linéaire. On constate bien que les observations (points rouges) sont supérieures à une simple fonction mathématique (courbe bleue) à cause des effets décrits dans notre article du C&E n° 557.
Picsat appelle le Cnes
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JEAN-PIERRE PECQUEUR,
ême si nous n’avons pas pu faire de l’astronomie avec Picsat (lire Périgée p. 23), nous avons démontré que l’on pouvait monter une mission spatiale en trois ans seulement ! Ce n’est que le début. Les avancées techniques iront dans ce sens. Il y a plein d’expériences scientifiques possibles : étoiles proches et brillantes, physique fondamentale, détecteur d’ondes gravitationnelles… […] Notre principal financeur est l’European Research Council. Sans l’Europe, ce projet n’aurait pas pu naître. Le CNRS a fait tout ce qu’il a pu pour nous aider, mais ça a été dur. Son service juridique a, par exemple, été dépassé lors de l’achat du lancement. Tant de problèmes juridiques insoupçonnés… Le Cnes, qui a l’habitude de tout cela, ne nous a malheureusement que très peu aidés. C’est dommage. […] Pour l’instant, ce ne sont que les universités qui lancent des nanosatellites (et essuient les plâtres). Et c’est là que le Cnes pourrait avoir un rôle fondamental à jouer. Financer de grands groupes, comme Arianespace, Thalès, ou Airbus, est une bonne chose. Mais l’avenir se joue aussi dans les petites start-up. Or, ces start-up existent ! Le problème est que, pour les faire émerger, il faut des investissements.
CORNILLÉ-LES-CAVES
SYLVESTRE LACOUR, ASTROPHYSICIEN AU LESIA, RESPONSABLE DE LA MISSION PICSAT
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Les volcans des Carpates D’une durée de vie initiale d’un an, la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter, lancée en 2009, n’en finit pas de jouer les prolongations. Cela lui permet de réaliser de spectaculaires vues obliques de la surface lunaire, comme celle-ci, qui montre une portion des monts Carpates, au nord-ouest du cirque Copernic. Ces montagnes sont en réalité le bord du gigantesque bassin d’impact Imbrium. Et elles sont marquées par des éruptions volcaniques (zones sombres) qui datent de plus de 3 milliards d’années. Le cratère visible en haut à gauche mesure 7 km de diamètre. © NASA/GSFC/Arizona State Univ.
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Un amas très bien situé L’amas stellaire NGC 6397 se trouve à 7 800 années-lumière de la Terre. Sa distance a été calculée avec une marge d’erreur de 3 % (contre 10-20 % en général). La mesure de la parallaxe a permis d’obtenir un tel degré de précision : le télescope Hubble a observé une étoile depuis deux positions différentes de l’espace. Entre les deux positions, l’étoile oscille légèrement par rapport à l’arrière-plan fixe, induisant un petit angle qui ne fait que 1/100 de pixel. Grâce à la trigonométrie, la distance a pu être déduite de cet angle minuscule. La méthode a été répétée sur quarante étoiles de l’amas pour obtenir cette précision. © Nasa/ESA/STScI
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Anneau d’Einstein Il n’y a pas que dans le désert que les mirages se manifestent. Dans l’Univers aussi, des mirages, dits gravitationnels, sont parfois observés. C’est le cas autour du centre de l’amas de galaxies SDSS J0146-0929. Cet arc presque parfait, appelé anneau d’Einstein, se forme lorsque la lumière d’une source lointaine est déviée par la masse d’un objet en avant-plan qui déforme l’espace ; ici, un amas de galaxies. © ESA/Hubble & Nasa 559 |
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Io en feu La sonde Juno n’a pas été envoyée autour de Jupiter pour observer ses satellites. Mais à l’occasion d’un rapprochement, elle a tourné sa caméra infrarouge vers Io, la première des quatre lunes galiléennes de la planète géante. L’image, traitée par un amateur à partir des données brutes, est étonnante, car chaque point brillant visible à sa surface est un volcan actif. Les scientifiques en comptent une soixantaine ! © R. Tkachenko/Nasa/JPL-Caltech/Jiram
Les flammes de Falcon 9 Le 2 avril, une fusée Falcon 9 quittait cap Canaveral, en Floride, pour propulser un cargo automatique Dragon vers la station spatiale internationale (ISS). Au moment du décollage, le photographe Tom Cross a saisi grâce à des temps de pose extrêmement courts les flammes s’échappant des neuf moteurs Merlin 1D de la fusée, seulement quelques secondes après son décollage. © Space X
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VÉNUS, UNE NOUVELLE PISTE POUR LA VIE EXTRATERRESTRE ?
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a-t-il de la vie sur Vénus ? La question est posée très sérieusement par une équipe de chercheurs menée par Sanjay Limaye, planétologue à l’université du Wisconsin. L’idée est pour le moins iconoclaste, car avec ses pluies d’acide sulfurique et sa
Les particules fines situées dans les nuages sombres de Vénus en ultraviolet sont suspectées d’être des bactéries par certains scientifiques. Cette vue en fausses couleurs a été obtenue par la sonde japonaise Akatsuki. © Akatsuki Orbiter/Jaxa
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température de plus de 400 °C, la planète n’emprunte à la déesse de l’amour que le nom. Certes, mais cela n’a pas toujours été le cas, nous apprend l’article de Sanjay Limaye publié dans la revue Astrobiology. “Vénus a largement eu le temps de voir émerger la vie”, estime-t-il. Il souligne
que des modèles montrent qu’elle a déjà eu de l’eau liquide pendant environ 2 milliards d’années, soit bien plus que sur Mars. Pour Olivier Mousis, astronome au LAM, ce point fait consensus : “Pour que le deutérium soit aussi abondant par rapport à l’hydrogène dans l’atmosphère de Vénus,
Le projet Vamp (Venus Atmospheric Maneuverable Plateforme) est une aile de 30 m d’envergure gonflée comme un ballon et capable de voler pendant un an. Ce concept américain pourrait partir avec la mission russe Venera D. © Northrop Grumman
il faut un réservoir d’eau initial très important.” La vie a-t-elle donc pu s’y développer et trouver plus tard refuge dans l’atmosphère ? Vers 50 km d’altitude, la pression est comparable à celle que l’on connaît à la surface de la Terre, et la température est de 60 °C. “Or, nous connaissons des formes de vie proliférant dans des conditions acides, capables de se nourrir de dioxyde de carbone, et de produire de l’acide sulfurique”, argumente Sanjay Limaye. L’idée est soutenue par certaines observations. En effet, les nuages sombres de Vénus contiennent des particules d’une taille comparable à celle de bactéries et absorbant la lumière ultraviolette. Pour l’exobiologiste Purificación López-García, ces coïncidences ne sont pas convaincantes et n’apportent en aucun cas une
preuve de vie sur Vénus : “Dans les conditions actuelles, il est complètement impossible que la vie existe sur Vénus. Ce n’est pas un milieu viable”, tranche la chercheuse. Pourtant l’idée de vie sur Vénus a été formulée pour la première fois en 1967 par Carl Sagan et refait surface épisodiquement depuis. La seule façon d’en avoir le cœur net serait d’aller directement sur place. C’est ce que propose Sanjay Limaye. Il fait partie des promoteurs de la mission Venus Atmospheric Maneuvrable Plateform. Il s’agit d’une aile volante conçue par Northrop Gruman, suffisamment légère pour voler comme un dirigeable. Si elle est financée, cette mission pourrait partir en 2026 accrochée à la mission russe Venera D (lire ci-dessous).
Venera, le retour Le projet Venera D signe le retour de la Russie vers Vénus. Du temps de l’URSS, près de 30 sondes avaient été envoyées vers cette planète, dont 15 avec succès. Avec cette nouvelle mission, l’Académie des sciences russe compte envoyer un orbiteur capable de déployer des ballons et des atterrisseurs. Après plusieurs reports depuis son début en 2003, les ambitions de ce projet ont été revues à la baisse, faute de financements. La Russie s’est finalement rapprochée de la Nasa depuis 2014 pour réaliser en commun l’atterrisseur et un ballon atmosphérique. Les discussions sont en cours. Dans le meilleur des cas, la mission aura lieu en 2026.
LA TOUR DE LA DISCORDE Avec ses 116 m de hauteur, la tour mobile de lancement qui flanquera la fusée géante de la Nasa SLS fait parler d’elle. D’abord suspectée de pencher comme la tour de Pise (information démentie par la Nasa), elle est aujourd’hui sur la sellette en raison de son coût : un milliard de dollars pour une ou deux utilisations seulement. Alors que la passerelle d’accès des astronautes vient d’être installée, la Nasa martèle qu’elle servira au-delà des deux premières missions du SLS et a annoncé qu’une deuxième tour ne serait pas mise en chantier.
DEUX STATIONS LUNAIRES ? Et s’il y avait finalement deux Deep Space Gateway (DSG) en orbite autour de la Lune ? Le 27 mars, lors d’une réunion à la Nasa, Bill Gerstenmaier, administrateur chargé de l’exploration humaine, a dit que l’architecture de la DSG était assez ouverte pour que deux modules propulsifs soient construits. De son côté, Jason Crusan, directeur de la division des systèmes d’exploration avancés, n’a pas écarté l’idée de réaliser plus d’un module d’habitation.
LE MYSTÈRE DE L’ÉTOILE DE TABBY CONTINUE Du 16 au 22 mars, l’étoile de Tabby KIC 8462852 a vu son éclat baisser anormalement de 4 %. Cet astre découvert avec le télescope spatial Kepler est coutumier du fait. En 2015 déjà, sa luminosité a baissé de 20 % ! Les esprits se sont enflammés en imaginant la présence d’une civilisation extraterrestre. En fait, des observations récentes montrent qu’il s’agissait d’un vaste nuage de poussières, mais personne ne sait expliquer qu’elle est son origine.
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actualités
D’une masse comparable à celle du Soleil, ces jeunes étoiles ont moins de 10 millions d’années. Le coronographe de l’instrument Sphere les masque pour dévoiler leur environnement : des disques de poussières très variés. © ESO
LE VLT VOIT GERMER DES SYSTÈMES SOLAIRES
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phere vient de permettre une avancée dans la compréhension de la formation des systèmes planétaires. Cet instrument de nouvelle génération du Very Large Telescope (VLT), au Chili, nous montre directement les disques de poussières autour de très jeunes étoiles de type T Tauri. Ce qui surprend le plus, c’est l’extraordinaire diversité de ces structures pour le moment inexpliquée. Il ne semble pas y avoir de lien entre la masse des étoiles étudiées et l’aspect du disque.
Néanmoins, la quasi-totalité de ces disques présente une forme d’anneaux circulaires plutôt qu’elliptiques. Il n’y a aucune structure spirale, comme l’avait détecté Sphere autour d’étoiles plus massives. Cette série d’observations n’est qu’un premier pas pour découvrir comment naissent les planètes autour d’étoiles comparables au Soleil. Pour aller plus loin, les mêmes cibles vont être visées par le réseau d’antennes Alma à des longueurs d’onde millimétriques.
CLIN D’ŒIL
Votre selfie sur la Lune Vous avez toujours rêvé d’aller sur la Lune ? Grâce au projet Sanctuary, vous allez peutêtre pouvoir y envoyer votre portrait... L’année prochaine, pour fêter les 50 ans du premier pas sur le Lune, une sonde privée se posera à proximité du site de la mission Apollo 17. À son bord — en plus d’un rover qui ira explorer les vestiges de 16
la dernière mission lunaire —, dix-sept disques de saphir gravés de 3 milliards de pixels de 1,4 micron, comportant un témoignage de notre époque pour les millénaires à venir. Textes, diagrammes, données du génome humain, mais aussi 3 000 selfies seront du voyage. Site : http://www.sanctuaryproject.eu
Q& R
Julien Salmon planétologue au Southwest Research Institute (Colorado)
“LES SATELLITES DE MARS SONT NÉS DE LA COLLISION AVEC UN ASTÉROÏDE DE LA TAILLE DE CÉRÈS” Les simulations de Julien Salmon et Robin Canup le confirment : les satellites Phobos et Deimos sont bien nés de l’impact d’un corps céleste sur la planète rouge, il y a environ 4,5 milliards d’années. La masse de cet astre doit cependant être revue à la baisse : il n’était pas plus gros que Cérès. On a longtemps pensé que Phobos et Deimos étaient des astéroïdes capturés par Mars. Mais depuis quelques années, c’est l’hypothèse d’une collision qui est privilégiée. Qu’est-ce qui a fait changer d’avis les planétologues ? La théorie de la capture s’appuie sur le fait que Phobos et Deimos ressemblent à des astéroïdes primitifs. Mais elle a un gros problème : il n’y a pratiquement aucune chance pour que deux astéroïdes soient capturés dans le même plan de révolution, qui plus est le plan équatorial de Mars ! On s’est aussi rendu compte récemment que la façon dont ils réfléchissent la lumière n’est pas due à leur composition, mais à la granularité de leur surface. Leur aspect n’est donc pas spécifique aux astéroïdes primitifs. Pour sa part, l’hypothèse de l’impact formulée en 2011 justifie beaucoup mieux les orbites coplanaires de Phobos et de Deimos : ils seraient nés dans le disque
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constitué par la matière éjectée lors du choc. C’est une explication plus naturelle. On est d’ailleurs à peu près convaincu que c’est ainsi que s’est formée notre Lune.
Vos travaux révisent à la baisse la puissance de cet impact et la taille de l’impacteur. Pour quelles raisons ? Les cas de la Lune et des deux satellites martiens ne peuvent pas être strictement identiques, car si la masse de la Lune vaut 1 % de celle de la Terre, la masse totale de Phobos et de Deimos ne représente que 0,000 002 % de celle de Mars. Nous avons commencé par nous demander quelles devaient être les propriétés du disque pour former ces objets, puis nous avons cherché quel type d’impact pouvait donner naissance à un tel disque. Le modèle en vigueur jusqu’ici mettait en scène une collision géante, avec un astre de quelques pour cent de la masse de Mars. Nous avons montré que ça ne
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fonctionnait pas : dans ce cas, l’impact aurait créé un disque très massif, puis de gros satellites qui n’auraient pas laissé la possibilité de survivre à des petits corps comme Phobos et Deimos. Nous avons donc exploré la classe inférieure des “gros impacts”. Et là, effectivement, ça marche : un astéroïde d’un millième de la masse de Mars — grosso modo entre Vesta et Cérès — donne un disque où peuvent apparaître Phobos et Deimos. L’impact a pu créer les bassins Utopia ou Hellas.
Comment valider votre modèle ? Nos simulations montrent que toute l’eau contenue dans l’impacteur a dû être volatilisée lors du choc, et que le disque s’est essentiellement formé à partir de matériaux martiens. Nous faisons donc une prédiction : Phobos et Deimos doivent avoir la même composition que Mars. La mission franco-japonaise MMX pourra le vérifier dès 2025. Propos recueillis par David Fossé
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Astéroïde Mars 30 min
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L’impact d’un astéroïde de la masse de Cérès produit un disque de matière (en rouge, après 10 h). Sa taille, un peu au-delà de 5 rayons martiens, explique l’origine de Phobos et de Deimos. © R. Canup et J. Salmon
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COMÈTES PERTURBÉES Une étoile est-elle venue perturber les comètes du Nuage d’Oort il y a 70 000 ans ? D’après une étude espagnole, l’étoile de Scholz, une étoile double composée d’une naine rouge d’environ 9 % de la masse solaire et d’une naine brune, se serait aventurée à moins de 1 année-lumière du Soleil au cours de la préhistoire. L’étoile double s’est depuis éloignée et se trouve aujourd’hui à une vingtaine d’années-lumière.
HAYABUSA 2 FOND SUR RYUGU Lancée fin 2014, la sonde japonaise Hayabusa 2 est sur le point de rejoindre Ryugu, un astéroïde dont l’orbite côtoie celle de la Terre. Hayabusa 2 entamera, courant juin, une phase d’approche qui la placera sur orbite, à 20 km de l’astéroïde. Dès lors, sa mission consistera à envoyer une série d’impacteurs vers Ryugu afin de rapporter des échantillons sur Terre. Le 26 février, la sonde a pris 9 clichés de l’astéroïde distant alors de 1,3 million de kilomètres.
HYPERVÉLOCE SOLITAIRE La première étoile supergéante jaune errante a été découverte dans la galaxie naine du Petit Nuage de Magellan. Elle fonce seule à plus de 300 km/s à travers sa galaxie. L’étoile faisait sans doute partie d’un système binaire et a été propulsée dans l’espace quand sa compagne a explosé en supernova. Beaucoup d’étoiles supermassives sont errantes et leur mort pourrait être un des mécanismes à l’origine de la dispersion des éléments lourds dans les galaxies.
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NAISSANCE DE LA LUNE : L’AUTRE HYPOTHÈSE
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t si, finalement, la Lune n’était pas un morceau de Terre éjecté dans l’espace par une collision ? Selon deux chercheurs de l’université de Californie Davis, notre planète et son satellite seraient nés dans le même berceau : un gigantesque nuage de roche et de gaz. Mais pas n’importe lequel, un “synestia”, qui résulte de la collision entre deux protoplanètes. Dans le cataclysme, les deux corps célestes sont complètement pulvérisés. Poussières et roches en fusion s’agencent alors en un nuage qui a la forme d’un donut géant : le synestia. Ce scénario se distingue donc de celui jusque-là couramment admis pour la naissance de la Lune : une formation à partir du matériau issu de la collision de la jeune Terre avec un bolide de la taille de Mars, baptisé Théia.
Les chercheurs américains supposent que le synestia était assez grand et sa vitesse de rotation assez élevée pour créer une planète et à son satellite, voici 4,5 milliards d’années. La roche en fusion se serait condensée au centre du nuage pour donner la Terre, alors que la Lune aurait émergé des gaz et des poussières, moins denses, à l’extérieur. Au fur et à mesure de l’agglomération de la matière, le nuage aurait rétréci pour laisser place à la jeune Lune en orbite autour d’une boule de lave qui allait devenir la Terre. Selon ses auteurs, l’une des forces de ce modèle théorique est qu’il semble être le seul, pour le moment, à prédire parfaitement la composition de la Lune telle que nous la connaissons (lire aussi “Énigmes lunaires”, C&E n° 549, septembre 2016).
Selon une théorie récente, la Terre et la Lune seraient issues d’un même nuage de débris en forme de beignet, créé par une collision planétaire. © Mike Zeng
Zoom sur la matière originelle des étoiles d’Orion La nébuleuse d’Orion n’a plus tout à fait le même aspect quand on l’observe dans différentes longueurs d’onde. Notamment si l’on se focalise sur les rayonnements millimétriques. C’est ce qu’a fait une équipe d’astronomes qui a utilisé pour cela le réseau d’antennes Alma. Grâce à la très bonne résolution fournie par les 66 paraboles installées à 5 000 m d’altitude au Chili, Alvaro Hacar Gonzales et ses collègues ont détaillé un large filament de gaz froid qui traverse la nébuleuse M 42. Et ils ont pu voir comment celui-ci se divisait en 55 filaments plus petits donnant une indication sur leurs mouvements qui conduisent à alimenter la formation d’étoiles.
UN FILAMENT CENTRÉ SUR LE TRAPÈZE Les données d’Alma (en orange), superposées à une photo classique de la nébuleuse d’Orion prise à l’aide du Very Large Telescope (en bleu), permettent de remarquer qu’un large filament traverse cette région de formation stellaire en passant par l’amas de jeunes étoiles du Trapèze d’Orion. “Nos observations montrent que ce qui semble être un simple filament monolithique est en fait un réseau complexe de ce que nous appelons des fibres — ou des filaments à petite échelle”, indique Alvaro Hacar Gonzales. LA MATIÈRE PREMIÈRE DES ÉTOILES Les filaments s’estompent au niveau du Trapèze. Cela est dû au fait que les étoiles massives détruisent les molécules de gaz avec leur puissant rayonnement ultraviolet. Mais Alma permet de conclure que ces étoiles ont été alimentées en matière par ces filaments, comme l’explique Alvaro Hacar Gonzales : “Plusieurs d’entre elles sont partiellement enrobées dans la dense épine dorsale du filament.” Dans une étude précédente, l’astronome a d’ailleurs montré que l’amas stellaire grandit encore en accrétant du matériau venu du filament principal. UNE VUE PLUS LARGE PAR HERSCHEL La même région avait déjà été observée par le satellite européen Herschel, sensible à l’infrarouge lointain et au rayonnement millimétrique. Son cliché à plus large champ permet de bien voir le filament principal et M 42. Outre une résolution 5 fois meilleure, Alma fournit des informations sur les mouvements du gaz froid qui alimente la nébuleuse. Philippe André, astrophysicien au CEA, auteur de la photo prise par Herschel, adhère à l’hypothèse : “Il est probable que la structure filamentaire étudiée avec Alma et Herschel ait nourri la formation d’étoiles dans l’amas du Trapèze.”
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actualités
GALAXIES : LES PLUS RONDES SONT LES PLUS VIEILLES
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ne étude menée sur 772 galaxies, à l’aide du Télescope anglo-australien à l’observatoire de Siding Spring (Australie), vient de mettre en évidence un lien entre leur forme et l’âge de leurs étoiles : plus les galaxies sont rondes, plus leurs étoiles sont vieilles. Les astronomes se doutaient déjà que l’aspect d’une galaxie témoignait de son histoire ; les simulations numériques suggèrent par exemple que les collisions répétées ont tendance à former des galaxies triaxiales. Il n’empêche, précisent les auteurs de l’étude publiée dans Nature Astronomy, que la relation qui vient d’être découverte va au-delà de la notion générale bien connue des spécialistes selon laquelle, chez les galaxies, “les disques sont jeunes” et “les bulbes sont vieux”. En lui donnant une valeur quantitative, elle fournit un nouvel outil pour l’archéologie galactique — l’étude de l’évolution des galaxies.
Deux galaxies à l’histoire très différente. À gauche, M60 est une galaxie elliptique peuplée de vieilles étoiles rouges. À droite, NGC 4647 est une galaxie spirale dominée par les jeunes étoiles bleues. © Nasa/ESA and the Hubble Heritage (STScI/Aura)
SUR LA TOILE
Balade lunaire La Nasa nous offre une promenade au plus près de notre satellite. Grâce aux images de Lunar Reconnaissance Orbiter, d’une qualité et d’une précision saisissantes, ses cratères les plus fameux nous semblent être à portée de main. La vidéo en 4K nous emmène aussi vers des vues plus insolites, comme celles des pôles,
où les cratères acérés se détachent à peine de l’obscurité. Ou encore des vestiges de l’humanité avec l’atterrisseur de la mission Apollo 17 et les traces de son rover, toujours visibles dans la poussière sélène. Ce voyage à 400 000 km de la Terre est à faire sur YouTube avec, idéalement, une connexion internet supportant la 4K.
https://www.youtube.com/watch?v=nr5Pj6GQL2o 20
DES GLACES SAISONNIÈRES OBSERVÉES SUR CÉRÈS
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n orbite autour de Cérès depuis 2015, la sonde Dawn nous révèle les secrets de cette planète naine, le plus gros corps de la Ceinture d’astéroïdes. Alors qu’on pensait l’astre figé, sa surface est en réalité dynamique et complexe, façonnée au rythme de son voyage autour du Soleil. Les nouveaux relevés, réalisés d’avril à octobre 2016, montrent que de la glace s’étend dans certains cratères, comme le cratère Juling. C’est le tout premier phénomène actif détecté sur Cérès. L’émergence de glace ou d’autres molécules dépend de la position de la planète naine sur son orbite, de sorte qu’il y a une saisonnalité du phénomène. La chaleur du Soleil, alliée aux éventuels impacts qu’elle subit, modifie la structure de sa croûte, dévoilant alors des composés
autrefois emprisonnés sous la surface. D’où “l’apparition” de glace. Au début de sa mission, Dawn avait déjà cartographié la surface de Cérès. Grâce à un spectromètre infrarouge, de l’eau sous forme de glace avait été découverte au centre d’une douzaine de cratères. L’Ahuna Mons, le point culminant de la planète naine, est également une zone propice au changement. Des traces de carbonate de sodium ont été retrouvées sur son sommet. Ces molécules peuvent exister sous forme hydratée, c’est-àdire qu’elles contiennent de l’eau. En arrivant à la surface, l’eau se sublime immédiatement en l’absence d’atmosphère. Elle ne laisse derrière elle que des dépôts de carbonates de sodium anhydres. Hormis la Terre, Cérès est le seul corps du Système solaire où ils ont été détectés.
CARTE JAPONAISE DE LA MATIÈRE NOIRE La gigantesque carte cosmique de la matière noire débutée en 2014 avec le télescope de 8,2 m Subaru est complétée à 60 %. Les premières analyses de l’équipe japonaise, basées sur les données de 2016 (11 % de la carte finale), indiquent un déficit de halos de matière noire par rapport à ce que prédit le modèle cosmologique. À confirmer.
LONGUE MARCHE 5 ANALYSÉE L’échec de la fusée chinoise Longue Marche 5, survenu le 2 juillet 2017, est maintenant compris. Pour cela, l’agence spatiale chinoise a mené des simulations numériques et des essais de moteurs au sol. Conclusion : un défaut structurel d’une turbine était à l’origine d’une baisse soudaine de la propulsion après 346 secondes de vol. Des modifications ont été apportées à ce type de moteur et validées par des essais au sol, de sorte que Longue Marche 5 devrait pouvoir décoller à nouveau avant la fin de 2018.
MISSION HORIZONS POUR L’ISS Le 6 juin prochain, l’astronaute allemand de l’Agence spatiale européenne Alexander Gerst doit s’envoler à bord d’un Soyouz pour rejoindre la station spatiale internationale (ISS). Pour son deuxième vol orbital, il fera équipe avec le Russe Sergueï Prokopyev et l’Américaine Serena AuñonChancellor. Au cours de sa mission nommée Horizons, il prendra le commandement de l’ISS.
TGO RENIFLE L’AIR DE MARS Sur son orbite finale à 400 km d’altitude de Mars depuis février, la sonde européenne TGO (Trace Gas Orbiter) a désormais lancé sa mission scientifique. Son but : étudier les gaz à l’état de traces dans l’atmosphère martienne (qui représentent moins de 1 % de son volume), notamment le méthane, pour en déterminer leur origine. La sonde Dawn a photographié Ahuna Mons (en bas), ce qui a permis d’en produire une reconstitution 3D (en haut). De fortes concentrations de carbonate de sodium ont été trouvées en haut de ce volcan (image de droite, en rouge). © Nasa/JPL-Caltech/DLR/IDA
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actualités
DOUBLE LENTILLE POUR L’ÉTOILE LA PLUS LOINTAINE
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a découverte de l’étoile la plus lointaine jamais observée, nommée Icarus, a été rendue possible grâce à un sacré coup de pouce de l’Univers. En pointant le télescope spatial Hubble vers l’amas de galaxies MACS J1149-2223, situé à 5 milliards d’années-lumière, un groupe d’astronomes a décelé la présence de la supergéante bleue non pas grâce à une, mais à deux lentilles gravitationnelles dont les effets se sont conjugués. Les résultats de l’étude ont été publiés en avril dans la revue Nature Astronomy. MACS J1149-2223 était déjà sous surveillance. Car il se trouve exactement en avant-plan de galaxies bien plus éloignées. Et comme il déforme l’espace autour de lui, la lumière de ces galaxies distantes est déviée et focalisée vers la Terre. C’est grâce à ce phénomène de lentille gravitationnelle que les astronomes avaient déjà observé une supernova lointaine. Cette fois, ce n’est pas une, mais deux lentilles gravitationnelles qui ont permis sa détection. “La première est due à l’amas galactique, d’environ 1 000 fois la masse de notre galaxie, et permet d’augmenter la lumière d’Icarus d’un facteur 600, précise Jose Maria Diego, de l’Institut de physique de Cantabrie, à Santander (Espagne). La deuxième est due à la présence soit d’une étoile, soit d’une étoile à neutrons ou d’un trou noir de quelques masses solaires, parfaitement aligné avec l’amas et Icarus. Avec cette deuxième
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lentille, la lumière d’Icarus est, au total, amplifiée près de 2 000 fois !” conclut l’astrophysicien espagnol. Bien que très lointaine, Icarus ne fait pas partie pour autant des premières étoiles de l’Univers (dont l’empreinte de leur rayonnement a été détectée récemment, lire sur notre site : https://bit.ly/2EPoZ1x ). Sa lumière a été émise il y a 9 milliards d’années, quand l’Univers avait alors 30 % de son âge actuel.
L’étoile la plus lointaine jamais observée est apparue sous la forme d’un petit point bleu dans l’image déformée et amplifiée d’une galaxie situé bien au-delà de l’amas MACS J1149-2223, bien visible sur cette photo du télescope Hubble. © Nasa/ESA/Hubble Space Telescope
ous sommes encore loin des mouvements de plaques tels qu’observés sur Terre. Néanmoins, deux groupes de chercheurs pensent avoir décelé une forme nouvelle d’activité tectonique qui aurait agité, ou agiterait toujours, la plaque lithosphérique de Vénus.
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AU PÉRIGÉE
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Team /LESIA
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Rubrique réalisée par J.-L. Dauvergne, D. Fossé, P. Henarejos, J. Kern et C. Plantureux
À L’A P O G É E
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C’est le nombre de trous noirs stellaires détectés autour de Sagittarius A*, le trou noir supermassif de notre galaxie, grâce au télescope spatial Chandra. Les astrophysiciens estiment qu’il en existerait environ 20 000 dans un rayon de 3 années-lumière autour de Sgr A*.
Forte de plus de 25 ans d’expérience en aérospatiale, dont trois ans à la tête du département scientifique de la Nasa, Ellen Stofan devient la première femme à diriger le prestigieux National Air and Space Museum, à Washington. Cette institution, qui attire plus de 8 millions de visiteurs par an, possède la plus grande collection d’objets liés à l’aviation et l’exploration spatiale au monde. Il est aussi impliqué dans des missions planétaires, comme sur Mars.
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12 EN CHIFFRES
ELLEN STOFAN
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Fractures dans la croûte vénusienne vues par le radar de la sonde Magellan (fausses couleurs). © Nasa/JPL/USGS
Ils ont présenté leurs travaux lors de la 49e conférence Lunar and Planetary Science, qui s’est tenue du 19 au 23 mars à Houston (Texas). De nouvelles analyses des données radar obtenues par le satellite Magellan, qui a observé la voisine de la Terre entre 1990 et 1994, montrent que sa surface est constellée de crêtes et de failles qui semblent dessiner les contours de plaques tectoniques, sans pour autant être pleinement dissociées les unes des autres comme c’est le cas sur notre planète. Bien que les mouvements de convection du manteau de Vénus soient plus faibles que ceux du manteau terrestre, les conditions extrêmes qui sévissent à sa surface (température de 460 °C pour une pression 90 fois plus intense que la pression terrestre) auraient tendance à fragiliser la croûte, alors plus à même de se fissurer. Une théorie qu’Akatsuki, la seule sonde actuellement en orbite autour de Vénus, ne pourra pas tester, car elle étudie surtout l’atmosphère de la planète.
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INDICES DE TECTONIQUE SUR VÉNUS
PICSAT Le nanosatellite français, lancé en janvier pour étudier l’étoile Bêta Pictoris, est perdu. Le 20 mars, après une ultime communication avec l’observatoire de Meudon, Picsat est devenu mystérieusement muet. Les astronomes, même s’ils privilégient la piste d’une défaillance informatique, ignorent pourquoi leur mission a tourné court.
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regard sur l’actualité
aurélien barrau
LES VÉRITABLES APPORTS DE STEPHEN HAWKING
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es dernières semaines, sont apparus dans la presse “people” quelques articles sensationnalistes qui annonçaient un travail révolutionnaire de Stephen Hawking, publié post-mortem, et qui lui aurait valu le prix Nobel. Il serait question de démontrer l’existence de mondes parallèles et de statuer sur la fin de l’Univers. Tout cela est un peu désolant : Hawking mérite mieux que cette “fake news”. L’article en question est tout à fait recevable, mais il n’a pour l’essentiel rien à voir avec ce pour quoi il fut mis en avant dans les journaux grand public et il est globalement ignoré par la communauté scientifique. Ce travail est tout sauf révolutionnaire. Mais cette clarification ne renie rien de la grandeur des travaux passés de Stephen Hawking qui ont profondément infléchi la science du XXe siècle. Ses contributions majeures à la physique sont nombreuses et il est aisé de citer quelquesunes des plus notables. D’abord, Hawking, avec le très grand physicien et mathématicien Roger Penrose, a travaillé à la fin des années 1960 sur des “théorèmes de singularité”. Les singularités sont des lieux ou des temps pour lesquels les grandeurs mathématiques caractérisant l’espace-temps deviennent infinies. Moins que des pathologies du monde en lui-même, ces singularités signent en réalité l’effondrement de la théorie utilisée pour le décrire, en l’occurrence la relativité générale d’Einstein. Or, il était alors cru qu’en regardant de plus près la structure de l’espace-temps, les singularités s’évanouiraient. Il était espéré qu’elles ne constituaient que des artefacts apparents. Un peu comme pour la surface des trous noirs qui a longtemps été supposée singulière, mais qui s’est avérée ne pas l’être après une étude minutieuse. Or, Hawking et Penrose ont montré que, dans certaines situations, ces singularités sont bel et bien réelles et même inévitables. C’est un résultat important de physique mathématique qui a marqué
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notre compréhension de l’espace et ouvert des pistes pour prolonger la relativité générale. Puis, Hawking a établi le théorème de l’aire pour les trous noirs. Les trous noirs sont des zones de l’espace dans lesquelles il est possible d’entrer, mais dont il est impossible de sortir. Ils sont les lieux de voyage à sens unique. Leur existence ne fait maintenant plus aucun doute. On peut estimer que notre galaxie compte par exemple environ 100 millions de trous noirs ; ce ne sont plus des objets considérés comme rares. Et chaque galaxie — ou presque — semble compter un trou noir “supermassif ” en son centre. Le théorème de Hawking énonce que l’aire de la surface (c’est-à-dire de l’horizon) d’un trou noir ne peut que croître avec le temps. Ce qui implique par exemple qu’il est impossible de scinder un trou noir en deux trous noirs. Et ce qui conduit également à comprendre que la résultante de la fusion de deux trous noirs, ce qu’on nomme une coalescence, donne naissance à un nouveau trou noir dont l’aire est supérieure à la somme des deux aires initiales. Cette prédiction a récemment été confirmée par la mesure des ondes gravitationnelles par l’instrument Ligo : le trou noir résultant vérifie bien le théorème de l’aire. Ensuite, Hawking a obtenu le résultat pour lequel il est sans doute aujourd’hui le plus connu : l’évaporation des trous noirs. Il s’est intéressé au comportement des champs quantiques qui sont utilisés et bien compris pour décrire par exemple les particules élémentaires. Mais il s’est intéressé à leur comportement au voisinage d’un trou noir, et cela change tout ! De même que la Lune induit un étirement de la Terre par “effet de marée”, le trou noir va étirer les paires de particules qui apparaissent spontanément par fluctuations du vide. Et si cet effet est assez fort, une des particules va être éjectée vers l’extérieur. Un observateur distant verra donc le trou noir émettre des particules, ou s’évaporer. Ce résul-
tat semble être en contradiction avec le théorème de l’aire et c’est effectivement le cas ! À ce détail près que le théorème est purement classique et s’applique aux trous noirs massifs. Au contraire, le phénomène d’évaporation est fondamentalement quantique et concerne les trous noirs de faibles masses. Les trous noirs stellaires ou supermassifs, ceux que nous connaissons et observons, ne sont pas soumis à ce phénomène d’évaporation, car leur température est trop faible. La température est donnée par une célèbre formule de Hawking qui est d’une élégance remarquable parce qu’elle fait intervenir toutes les constantes fondamentales de la physique : la constante de Planck qui témoigne du caractère quantique, la constante de Newton qui témoigne du caractère gravitationnel, la constante de Boltzmann qui témoigne du caractère statistique et la vitesse de la lumière qui témoigne du caractère relativiste. Cela montre que l’évaporation des trous noirs convoque presque toutes les branches de la physique. Il s’agit d’un phénomène très profond qui impose de penser de façon unifiée des domaines usuellement disjoints. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas encore entièrement compris. On ignore ce qui advient à la fin de l’évaporation : s’interrompt-elle ? Une relique se forme-t-elle ? Il faudrait une théorie de gravitation quantique pour le savoir ! De même que pour résoudre le paradoxe de l’information qui est associé : les trous noirs semblent amnésiques alors que la conservation de l’information est un principe très important en physique. Qu’advient-il réellement lors de l’évaporation ? Cette question demeure ouverte et le mérite de Hawking consiste également à avoir ouvert des pistes qui sont aujourd’hui encore abondamment étudiées. Enfin, Hawking a proposé, avec le physicien James Hartle, un nouvel état possible pour l’Univers primordial. Il n’y aurait plus alors strictement de temps, mais en réalité uniquement de l’espace. Ceci est à la fois motivé par des arguments mathématiques et des considérations conceptuelles. L’Univers n’aurait alors pas d’origine au sens usuel du terme. Cette hypothèse a connu un succès notable et se trouve étonnamment remise au goût du jour par des approches indépendantes qui conduisent à des situations comparables. Les apports de Hawking à la physique théorique sont donc nombreux et profonds. Il s’est intéressé à des problématiques qui, souvent, n’étaient pas “à la mode”. Alors que la plupart de ses collègues s’intéressaient exclusivement à la mécanique quantique, il a voulu étudier aussi la relativité générale. L’un de ses mérites essentiels consiste justement
à avoir soulevé des questions essentielles qui demeurent parfois irrésolues et à avoir su mettre en lumière des paradoxes novateurs. Or, les paradoxes sont des guides précieux pour rechercher des effets de “nouvelle physique”. Et le fait est que, sur la piste du Graal de la physique théorique que constitue la gravitation quantique, les découvertes de Hawking sont d’irremplaçables jalons. En contrepoint de son immense talent de chercheur se pose la question de son rôle de vulgarisateur et de penseur engagé. L’ouvrage Une brève histoire du temps a connu un succès planétaire et a suscité de très nombreuses vocations. La communauté des physiciens ne peut qu’en savoir gré à Hawking. Pour autant, il faut reconnaître que l’ouvrage était fort difficile et peu explicite ! Il est probable que la plupart des lecteurs n’aient pas compris l’essentiel de son message scientifique. Ce qui révèle quelque chose d’intéressant dans le rapport du public à la science : il ne s’agit pas seulement de comprendre, mais aussi de développer une forme de fascination. Il en va de même pour les déclarations étonnantes de Hawking dans l’espace public. Qu’un intellectuel s’exprime sur des questions sociétales est acceptable et même sans doute souhaitable. Mais le crédit et la visibilité donnés à ses positionnements parfois iconoclastes et peu argumentés étaient pour le moins troublants. La pensée scientifique a partie liée avec l’étonnement et la remise en cause : prendre ses idées sur l’intelligence artificielle ou la conquête spatiale pour des paroles d’évangile était certainement déplacé. Il mérite qu’on lui fasse l’honneur de douter de lui. On m’a demandé plus d’une fois si Hawking était l’égal de Newton ou d’Einstein. En termes “objectifs”, la réponse est évidemment négative. Mais il n’y a pas grand sens à classer les grands hommes. Comme les nombres complexes, ils ne sont pas ordonnés. La question n’est pas de savoir si Hawking était ou non un génie, mais plutôt d’observer la belle manière dont il a usé du génie qui était en lui pour ouvrir des pistes extraordinairement fructueuses. Et, peutêtre plus encore qu’un incontestable grand scientifique, il demeure un modèle de courage et d’opiniâtreté.
Aurélien Barrau, professeur à l’université Grenoble-Alpes, astrophysicien au CNRS, membre honoraire de l’Institut universitaire de France. © J.-L. Dauvergne/C&E
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STÉPHANE ISRAËL PDG D’ARIANESPACE Bien moins chère, mise en œuvre rapidement, la nouvelle fusée européenne est une première réponse à un marché des lancements en extension et à une concurrence qui se durcit. Mais ce n’est que le début d’une aventure dont l’Europe doit conserver la maîtrise, souligne le PDG d’Arianespace.
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ace à la montée en puissance de la société privée américaine Space X, qui ouvre la voie des fusées réutilisables, l’Europe doit adapter sa stratégie. Engagée dans la conception de sa nouvelle Ariane 6, prévue pour 2020, va-t-elle réussir à maintenir sa position de leader en matière de lancements de satellites ? Nous avons posé la question à Stéphane Israël, qui dirige la structure chargée des lancements européens, Arianespace.
Quel est le bilan de 2017 pour Arianespace ? Stéphane Israël : Nous avions un objectif de onze lancements que nous avons pleinement tenu : six Ariane, trois Vega et deux Soyouz. Sur le plan commercial, nous avons consolidé le carnet de commandes à la fois sur le segment géostationnaire et non géostationnaire. Dans un contexte de marché géostationnaire calme, nous avons capté neuf satellites
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pour Ariane, ce qui est une très belle performance. Nous avons signé des contrats pour les trois premières Vega C et les deux premières Ariane 6. Elles lanceront quatre nouveaux satellites de la constellation Galileo, et nous travaillons maintenant de façon très active sur les commandes commerciales.
Mais, dans le même temps, en 2017, la société privée Space X est passée en tête au nombre des lancements (dix-huit). Il s’agit d’un concurrent dont la première stratégie a été de proposer des prix de lancements très inférieurs. Est-ce cela qui a conduit à la définition de la nouvelle fusée européenne Ariane 6 ? En fait, Ariane 6 a été pensée par la France dès la fin des années 2000, parce qu’Ariane 5 présentait l’inconvénient majeur d’être peu adaptée aux lancements institutionnels européens. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous
avons fait venir Soyouz en Guyane : la fusée russe a comblé un manque qui va progressivement s’estomper au cours de la prochaine décennie. Donc, Ariane 6 n’a pas été pensée au départ comme une réponse à Space X. Mais il est certain qu’à partir de la décennie 2010, les premiers succès de Space X ont conforté les Européens dans la volonté d’aller le plus vite possible vers un lanceur moins cher. Ariane 6 s’est alors définitivement imposée. En outre, si Space X a effectué dix-huit lancements en 2017, c’était aussi lié au fait qu’ils avaient un retard à rattraper après plusieurs années émaillées de difficultés et très en deçà des objectifs. Je donnerai tout de même une indication : leur fusée Falcon Heavy a mis une voiture en orbite au début de l’année 2018… avec cinq ans de retard. Ensuite, le carnet de commandes de Space X est alimenté, en valeur, aux deux tiers par l’État américain — les
“ARIANE 6 VA DEVOIR
© P. Henarejos/C&E
ÉVOLUER DANS
missions pour la Nasa et pour l’US Air Force. Pour nous, c’est exactement l’inverse : seul un tiers de notre carnet de commandes provient de l’Europe. Il n’est donc pas surprenant qu’en vitesse de croisière, Space X fasse plus de lancements qu’Ariane. Space X a un marché protégé aux États-Unis sans commune mesure avec celui dont nous aimerions bénéficier en Europe. Le marché européen est plus étroit et il n’est pas captif. Par conséquent, la question n’est pas tant de se demander qui fait le plus de lancements. L’important pour nous est d’avoir un lanceur fiable et compétitif, adapté aux évolutions du marché et aux besoins institutionnels de l’Europe, ce qui est le but d’Ariane 6. Cette fusée doit être 40 % moins chère qu’Ariane 5 [NDLR : un tir d’Ariane 5 est estimé à 160 M€, ce qui place Ariane 6 autour de 95 M€]. Grâce au Vinci, un
moteur de son étage supérieur capable de se rallumer, elle aura la possibilité de déployer des constellations de
UN PAYSAGE QUI CHANGE TRÈS VITE ” satellites. Enfin, elle volera avec une version à deux boosters, l’Ariane 62, pleinement adaptée au marché institutionnel européen. Dans ce contexte, Ariane 6 marque le début d’une aventure dans laquelle les Européens vont devoir innover et évoluer toujours plus vite. Autour de nous, le paysage spatial n’a rien de commun avec ce qu’il était il y a quinze ans. Nous avions alors face à nous des lanceurs russes, et des Américains qui étaient concentrés sur leur marché gouvernemental. Maintenant, nous avons Space X, avec un comportement beaucoup plus agressif. Demain, ce sera Jeff Bezos [NDLR : avec sa société Blue Origin], puis ULA [United Launch Alliance] qui voudront accrocher des commandes commerciales pour compenser leur perte de domination sur le marché institutionnel due à l’arrivée de Space X… Donc nous allons entrer dans un monde où il va y avoir de plus en plus de lanceurs. On peut voir cela comme une situation
qui se complique. Mais on peut aussi considérer — et c’est ma conviction — que s’il y a plus de lanceurs, c’est parce que, potentiellement, il y a un marché, une demande et une volonté de démocratisation de l’accès à l’espace ; et que, par conséquent, le marché peut s’accroître. Comment bénéficier de ces opportunités ? En ayant le lanceur le moins cher possible, le plus disponible possible, et le plus fiable possible.
Comment parviendrez-vous à produire Ariane 6 à un prix 40 % moins cher qu’Ariane 5 ? D’abord par une nouvelle gouvernance. L’industrie a regroupé ses forces au sein d’ArianeGroup et a récupéré la compétence de conception du lanceur. Elle a fait d’Arianespace sa filiale. Ce travail de rationalisation est générateur d’économies. Auparavant, Airbus et Safran signaient des contrats ; maintenant, c’est la même entreprise. Ensuite, il y a un effet dû à la
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La future fusée européenne sera en mesure de placer sur orbite des constellations de satellites, ou de répondre aux demandes du marché institutionnel avec sa version à deux boosters (ci-dessus). © Arianespace
cadence de production. Alors que nous fabriquions entre cinq et sept Ariane 5 par an, nous aimerions construire onze Ariane 6. Nous allons ainsi faire baisser les coûts unitaires de production. Nous allons aussi moderniser toutes les méthodes de développement, de production et d’exploitation. Notamment par une intégration à l’horizontale de toutes les parties du lanceur qui permettra de réaliser une campagne de lancement en neuf jours, alors qu’il faut actuellement 31 jours pour Ariane 5. Cette réduction des coûts 28
n’est qu’un début. Il y aura d’autres évolutions rapides d’Ariane 6 qui doivent nous permettre d’améliorer sa compétitivité en continu.
Après la baisse des prix, Space X a mis sur la table ses fusées réutilisables. Déjà neuf de ses étages de Falcon 9 ont revolé (deux avec le Falcon Heavy). Est-ce que l’une de ces évolutions d’Ariane 6 que vous évoquez consiste à aller vers un lanceur réutilisable ? Il est encore un peu tôt pour le dire, mais le scénario d’un lanceur au
moins partiellement réutilisable en fait partie. Pour cela, tout commence par le moteur. D’ailleurs quand Space X a été fondée, en 2002, elle a récupéré le moteur Merlin, qui avait été développé par la Nasa, qu’elle a fait évoluer et qui est réutilisable. Nos moteurs actuels n’ont pas été conçus pour cela. Donc, au moment de se lancer dans Ariane 6, les Européens ont décidé d’ores et déjà de se doter de Prometheus, un moteur à bas coût, dix fois moins cher que l’actuel Vulcain d’Ariane 5 et potentiellement réutilisable. Prometheus pourrait être
“Ariane 6 est une première réponse, un point de passage obligé vers la suite de l’histoire, parce que nous ne pouvions pas traverser la prochaine décennie avec Ariane 5” opérationnel en 2025. Il sera la pierre angulaire d’une éventuelle évolution vers le réutilisable. On peut citer également Callisto, conçu par le Cnes, le DLR et la Jaxa [NDLR : respectivement, les agences spatiales frnaçaise, allemande et japonaise] et qui doit donner lieu à
une démonstration de récupération d’un petit premier étage en 2020. Mais il n’y a pas que la réutilisation. On peut alléger l’étage supérieur d’Ariane grâce à une technologie fondée sur les matériaux composites, ce qui permettrait de diminuer le coût de la mise sur orbite. En outre, la réutilisation dépend de plusieurs paramètres. Plus vous avez de missions à effectuer, plus c’est intéressant. Et il est certain qu’aux États-Unis, à travers cet immense marché captif et les ambitions de Space X de déployer sa propre constellation de 4 000 satellites, on voit bien qu’il y a des horizons de cadences visés nettement supérieurs à ceux des Européens. Enfin, il y a les coûts de remise en état. Et il faut savoir qu’aujourd’hui Space X ne réutilise son étage qu’une seule fois. Bien entendu, cette situation peut évoluer puisqu’elle envisage de se doter d’un étage ayant plus de capacités à être réutilisé. En tout cas, même s’il est clair que le bilan économique de la réutilisation dépend d’un contexte qui n’est pas le même qu’en Europe, nous envisageons d’ores et déjà de possibles évolutions d’Ariane 6 dans ce sens. Mais cela
prendra du temps. Or, nous sommes dans une course contre la montre. Il nous a été demandé en 2014 d’arriver le plus vite possible sur le marché avec un nouveau lanceur, dans le cadre d’un développement le moins risqué possible. Et cela ne pouvait être qu’Ariane 6, dont nous avions besoin dès 2020.
Certains observateurs avancent qu’Ariane 6, du fait qu’elle ne sera pas partiellement réutilisable, pourrait être obsolète dès cette entrée en service. Que leur répondez-vous ? Que la vie est faite de réalités ! Et que celles-ci sont extrêmement simples : Ariane 5 est un excellent lanceur qui doit encore voler à vingt-deux reprises [au 26 mars 2018]. Elle nous occupera jusqu’en 2022. Mais elle ne peut déployer ni des constellations ni une partie des satellites institutionnels. De plus, on ne pourra pas baisser ses coûts fortement. La seule manière d’améliorer le plus vite possible cette situation, c’est Ariane 6. Aujourd’hui, nous travaillons sur la période de transition entre ces deux lanceurs. Entre 2020 et 2022, nous avons déjà identifié sept missions institutionnelles auxquelles Ariane 6 répond parfaitement. Et nous avons des prospections sur des constellations et sur des satellites géostationnaires. Au point que, dans ces trois ans, la moitié des quatorze Ariane 6 que nous devons lancer ne demande qu’à faire l’objet d’un achat institutionnel.
Quant à l’autre moitié, elle est faite de clients commerciaux déjà identifiés. Ariane 6 est une première réponse, un point de passage obligé vers la suite de l’histoire, parce que nous ne pouvions pas traverser la prochaine décennie avec Ariane 5. Ensuite, il faudra voir comment nous la ferons évoluer. La compétitivité de ce nouveau lanceur dépend de l’industrie, mais, tout aussi fondamentalement, de l’ambition des Européens. Soit les institutions européennes baissent la garde et remettent leur destin dans les mains d’entrepreneurs privés de la Silicon Valley, soit l’Europe conserve son ambition d’autonomie d’accès à l’espace et y consacre les moyens nécessaires.
Arianespace doit respecter des règles de répartition géographique de sa production industrielle dans les différents pays européens. Cette contrainte ne la défavorise-t-elle pas par rapport à Space X ? Si oui, ces règles devraient-elles évoluer ? Le modèle américain et le modèle européen sont différents. En Europe, le développement du lanceur est financé par les États, avec un retour géographique et avec une coordination par l’Agence spatiale européenne (ESA). Le retour géographique a cela de vertueux qu’il pousse les États à cotiser parce qu’ils ont l’assurance d’avoir des emplois et des technologies chez eux. Donc, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du
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bain. Maintenant, Ariane 5 est faite par douze pays, Ariane 6 par treize quand notre concurrent californien fait l’essentiel sur le même site. Évidemment, le retour géographique entraîne des surcoûts. Mais dans ce cadre, il est prévu que le deuxième lot d’Ariane 6 puisse donner lieu à davantage de mise en compétition entre nos fournisseurs. Ensuite, la question qui nous est posée, c’est : comment le système européen, avec sa diversité, peut-être pour certains sa complexité, s’organise pour aller plus loin, plus fort, face à une compétition internationale complètement renouvelée ? La question est posée à tous : aux États, à l’ESA, à l’industrie. Il va falloir, dans les évolutions
d’Ariane 6, concilier les spécificités de notre système avec un paysage spatial qui évolue très vite. Il faut raccourcir les temps de décision et les temps de mise en œuvre. Il faudrait aussi arriver à avoir plus de capitaux privés. Le problème est que ceux-ci financent d’autant plus qu’il existe une perspective de marché sûre. C’est exactement le cas aux États-Unis où il y a une énorme commande publique, civile et militaire, qui donne aux inventeurs et aux innovateurs des perspectives de rentabilité de nature à leur donner des ailes. Nous ne pourrons pas copier le modèle américain. Nous devons tracer notre propre voie en tenant compte des évolutions.
Dans ce contexte de compétitivité, l’accès indépendant à l’espace pour les pays européens, reste-t-il un enjeu stratégique important ? Plus que jamais. Quand la première Ariane a été créée, il faut se souvenir qu’Henry Kissinger, qui dirigeait la diplomatie américaine, a interdit au satellite franco-allemand Symphonie, qui devait être lancé par une fusée américaine, d’avoir certaines applications. Ariane est née de cette situation. Aujourd’hui, veut-on laisser l’accès à l’espace à des milliardaires de la côte ouest des États-Unis ? À la Chine ? Ou considèret-on que, quand on maîtrise l’espace, on maîtrise un paramètre essentiel de la souveraineté ? La réponse est
Les deux premières Ariane 6 ont d’ores et déjà leurs contrats signés : elles lanceront quatre satellites de la constellation Galileo, le système de géopositionnement européen. © ESA
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évidente : l’espace reste plus que jamais un enjeu de souveraineté. Aux États-Unis, le National Space Council a été réactivé. Les crédits spatiaux sont plus importants que jamais. Qui peut douter que la maîtrise de l’espace soit un paramètre clé de la souveraineté ? Ce n’est pas parce qu’il y a des acteurs venus de la Silicon Valley que cela a changé. Space X, c’est un investissement de quelques dizaines millions de dollars de monsieur Musk et près d’une dizaine de milliards de dollars de la Nasa et de l’US Air Force. L’espace sert à observer, à naviguer, à surveiller le changement climatique, à communiquer à des fins civiles et militaires. Or communiquer, ce n’est pas seulement distribuer des chaînes de télévision, c’est connecter tout le monde, partout. Il ne fait aucun doute que l’espace a une dimension de bien public. Il serait donc absolument catastrophique pour l’Europe de remettre son destin entre d’autres mains, qu’il s’agisse d’acteurs privés ou de puissances non européennes.
Certains voient l’espace proche comme une future sphère d’activités dans laquelle il faudra fournir des services nouveaux : refaire le plein des satellites, réparer des satellites qui seront très nombreux, car lancés en constellations… Avez-vous des plans pour faire éventuellement partie de cette aventure ou cela vous semble-t-il irréaliste ? C’est vrai que les grandes banques
américaines disent que la valeur du marché spatial pourrait tripler et dépasser 1 100 milliards de dollars à l’horizon 2040. Mais cela recouvre des choses très différentes. Il y a d’un côté l’ambition humaine de l’exploration. On voit bien qu’il y a un attrait vers la planète Mars, qui passera d’abord, et sans doute pour longtemps, par un retour sur la Lune. Cela demandera des financements publics importants. Je ne crois pas que des fonds privés, même si des acteurs privés font la mise en œuvre, permettent d’y arriver. Le vol habité interpelle singulièrement les Européens qui n’en ont jamais fait avec leur propre lanceur… Ce serait dommage, dans ce moment où il y a de plus en plus de Terriens qui pourraient aller vers l’espace, que l’Europe ne fasse pas partie de l’aventure. Ensuite, est-ce qu’il y aura une économie cislunaire [NDLR : dans l’espace entre la Terre et la Lune] qui va apparaître ? De l’exploitation d’astéroïdes ? Des hôtels dans l’espace ? Cela relève encore un peu de la science-fiction. Mais on ne peut pas exclure qu’il y ait une forme de colonisation de l’orbite cislunaire et une volonté d’avoir de plus en plus d’activités dans ce qu’on appelle l’espace proche, même si aujourd’hui en n’en voit pas encore tout à fait la rationalité économique. Après, il y a quelque chose de plus traditionnel : les satellites. On en aura de plus en plus dans les orbites basses ou moyennes pour assurer de la
connectivité et de l’observation. Et cela, j’y crois beaucoup. On reste dans un usage de l’espace classique sauf qu’au lieu d’avoir des dizaines de satellites en orbite géostationnaire, il y aura peutêtre des centaines, voire des milliers de satellites sur des orbites plus proches. Ce n’est pas simple, car une infrastructure en orbite, cela coûte cher ; il va falloir l’entretenir, la réapprovisionner… Enfin, dans un monde robotisé, on pourrait avoir davantage de services en orbite. Par exemple, des ravitailleurs qui vont accomplir des missions auprès d’objets existants, et j’y crois assez. Nous allons lancer en 2020 le MEV-2 (Mission Extension Vehicle) d’Orbital ATK, un satellite ravitailleur, qui va aller s’amarrer à des satellites et leur donner cinq ans de vie supplémentaires en les remorquant.
Ariane 6 pourrait-elle être qualifiée pour les vols habités ? Elle n’aura aucun problème pour l’être, car elle aura les mêmes exigences de fiabilité qu’Ariane 5. Ensuite, pour faire des vols habités, il faudrait développer une capsule. Nous, Européens, avons réalisé le cargo ATV et participons au vaisseau Orion de la Nasa. Donc nous avons déjà toutes les compétences pour nous lancer. Mais c’est une décision politique. Et si demain, nous voulions que le prochain vol de Thomas Pesquet se fasse depuis le Centre spatial guyanais, nous avons toutes les technologies pour le faire. Propos recueillis par Philippe Henarejos
“L’espace a une dimension de bien public. Il serait donc absolument catastrophique pour l’Europe de remettre son destin entre d’autres mains.” 559 | 31
EXPANSION DE L’UNIVERS : HUBBLE PERSISTE ET SIGNE Le prix Nobel de Physique Adam Riess publie la mesure la plus précise à ce jour du taux d’expansion de l’univers, obtenue grâce au télescope spatial Hubble. Problème : cette mesure est toujours en désaccord avec celle déduite des observations de cosmologie...
Actuellement, les deux mesures les plus précises du taux d’expansion de l’Univers sont issues des données des satellites Hubble et Planck. Malheureusement, elles diffèrent. © Nasa/ESA
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C
’est un résultat superbe, d’une précision exquise, auquel Edwin Hubble lui-même aurait à coup sûr applaudi. Après dix années de travail méticuleux, repoussant les limites du télescope spatial Hubble (HST), le prix Nobel de physique Adam Riess et son équipe ont publié en mars la mesure la plus précise à ce jour du taux d’expansion de l’Univers. Chaque seconde, selon l’astrophysicien du Space Telescope Science Institute, chaque cube d’Univers de 1 mégaparsec (1) de côté s’étend de 73,24 km. À 1,74 km près. Un tel exploit devrait réjouir, et pourtant il plonge dans l’embarras tous ceux qui se piquent de comprendre l’évolution de l’Univers. Pourquoi cette valeur de la “constante de Hubble” H0 ne colle-t-elle pas avec celle, plus précise encore, déduite des observations du satellite de cosmologie Planck en 2016 ? Bien sûr, l’écart peut sembler minime — un peu moins de 7 km/s/Mpc, celle de Planck valant 66,93 ± 0,62 km/s/Mpc — mais chacune est si précise que la différence est réelle. Or, nous n’avons qu’un
Univers, dans lequel la valeur exacte de H0 joue d’ailleurs un rôle fondamental. N’est-ce pas elle qui permet de dater le big bang, ou d’établir la géométrie de l’Univers ? En réalité, ce n’est pas la première fois que la constante de Hubble tracasse les astrophysiciens. Les débats sur la valeur de H0 sont même l’une des grandes traditions de la discipline ! C’est qu’elle a beaucoup varié au cours du temps... Dans les années 1930, H0 valait 550 km/s/Mpc. Dans les années 1960, 75 km/s/Mpc seulement, mais avec une marge d’incertitude telle que 50 ou 100 étaient encore possibles. Dans les années 1970-1980, elle devint l’objet d’une guerre de publications scientifiques sans merci entre les Américains Allan Sandage et Gérard de Vaucouleurs : les mesures du premier impliquaient une valeur nécessairement inférieure à 70, tandis que celles du second disaient exactement l’inverse. C’est ainsi que, tout naturellement, la détermination de H0 fut dans les années 1990 l’un des objectifs majeurs du télescope spatial... Hubble. Pour bien comprendre pourquoi la controverse dure toujours — malgré la publication des résultats du HST en 2001 —, il faut se reporter plus d’un siècle en arrière, dans les locaux du département de photométrie de l’observatoire de Harvard, aux États-Unis. En 1908, l’astronome Henrietta Leavitt a l’idée de classer les étoiles variables céphéides qu’elle a découvertes dans le Grand Nuage de Magellan en fonction de leur luminosité maximale et de leur période de pulsation. Surprise, elle découvre qu’elles sont liées par une relation mathématique. Plus les étoiles battent lentement, plus elles sont brillantes. Cette propriété en fait de précieuses “chandelles standards” : si deux céphéides de même période paraissent avoir un éclat différent, c’est que l’une est plus éloignée que l’autre ! On peut donc les utiliser pour mesurer des distances... Au milieu des années 1920, Edwin Hubble s’appuie sur les céphéides qu’il a découvertes dans M33 et M31 pour estimer les distances de ces “nébuleuses spirales”. Il démontre qu’elles sont bien plus éloignées que les étoiles de la Voie lactée et établit ainsi l’existence d’objets “extragalactiques”, que l’on considérera bientôt comme des galaxies à part entière. Mais il fait encore mieux en 1929 : en systématisant ses mesures à d’autres galaxies, puis en comparant les distances obtenues aux vitesses apparentes de ces objets — qui d’ailleurs s’éloignent presque tous — il réalise que la vitesse et la distance d’une galaxie ne sont pas indépendantes. Elles sont liées par une loi simple, selon laquelle la vitesse d’éloignement d’une galaxie est égale à sa distance multipliée par une certaine constante — baptisée depuis comme il se doit “constante de Hubble”. Comment expliquer ce prodige ? Bien sûr, la loi
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Prix Nobel de physique en 2011 pour sa découverte de l’accélération de l’expansion de l’Univers, Adam Riess travaille depuis des années à améliorer la précision de la mesure de la constante de Hubble. © MacArthur Foundation
universelle qui lie la vitesse d’une galaxie à sa distance n’est pas le fruit d’une conspiration générale, les galaxies ne se sont pas coordonnées à travers tout l’Univers pour nous fuir. Simplement, comme l’avait anticipé le cosmologiste belge Georges Lemaître dès 1927, elles sont emportées par la dilatation de l’espace lui-même. Edwin Hubble n’y croira jamais tout à fait, mais il vient de mesurer l’expansion de l’Univers. Fondamentalement, c’est toujours la même technique qui est utilisée aujourd’hui pour déterminer la valeur de H0. À ceci près que les astronomes s’appliquent à faire leurs mesures sur des galaxies plus lointaines. Suffisamment éloignées, en tout cas, pour que leur vitesse propre soit négligeable devant celle de l’expansion. Par exemple, M 31 n’obéit pas à la loi de Hubble parce qu’à sa distance (environ 2,5 millions d’années-lumière, 34
soit 800 000 pc), sa vitesse d’éloignement est inférieure à sa vitesse de chute vers la Voie lactée sous l’effet de l’attraction gravitationnelle. Il faut observer les galaxies situées au-delà d’un milliard d’années-lumière pour que leur mouvement propre devienne inobservable, et qu’ainsi la mesure de H0 devienne fiable. Elles semblent alors toutes nous fuir passivement dans ce que l’on appelle le “flot de Hubble”. Le problème, c’est que les céphéides ne permettent pas de mesurer des distances au-delà d’une centaine de millions d’années-lumière. Elles ne sont pas assez brillantes ! Elles peuvent heureusement nous faire la courte échelle... “Pour mesurer la distance des galaxies lointaines, on procède en trois étapes, explique Stefano Casertano, deuxième auteur de l’étude signée par Riess. D’abord, on détermine la luminosité intrinsèque de céphéides
proches en mesurant leur distance par la méthode de la parallaxe.” Elle consiste à mesurer l’angle (la parallaxe) duquel semble se déplacer un astre sur le fond du ciel lorsqu’on l’observe à six mois d’intervalle, c’est-à-dire depuis les deux points les plus éloignés possible de l’orbite terrestre. Plus cet angle est petit, et plus l’astre bien sûr est éloigné (faites le test en observant votre pouce tendu à bout de bras avec un œil puis l’autre, alternativement, et répétez l’expérience en rapprochant le pouce).
UNE ANCRE POUR LES MESURES Cette étape est essentielle pour étalonner la mesure des distances de manière absolue. Car si la relation de Leavitt permet de dire qu’une céphéide est deux fois plus lointaine qu’une autre, seule elle ne peut rien dire sur la distance réelle de celle qui est la plus proche. Cette céphéide dont on mesure l’éloignement — et donc l’éclat absolu — par une méthode indépendante, géométrique, est baptisée “ancre” dans le jargon des spécialistes. “Ensuite, grâce à la période des céphéides dont la luminosité a été ainsi calibrée, on mesure la distance de galaxies où ont été observées par ailleurs des supernovae de type Ia.” Les “SN Ia” sont des étoiles naines blanches qui explosent lorsque leur masse dépasse une certaine limite. Cette limite étant la même pour toutes, ces supernovae ont toutes le même éclat intrinsèque. Dès lors que celui-ci est connu, justement grâce à la mesure de distance donnée par les céphéides, les SN Ia deviennent elles aussi de précieuses “chandelles standards”, plus rares, mais beaucoup plus brillantes que les céphéides. “On peut alors les utiliser pour mesurer la distance de galaxies encore plus lointaines, dans le flot de Hubble, ce qui nous permet de déterminer correctement H0”, termine Stefano Casertano. Évidemment, chaque barreau de cette échelle cosmique introduit sa petite imprécision, qui se répercute in fine sur celle de la constante de Hubble. Le but du jeu est donc de les réduire au minimum, ou au moins de les quantifier... C’est précisément ce à quoi s’attachent Adam Riess et ses collègues en se concentrant depuis plus de dix ans sur les céphéides — le premier barreau de l’échelle, qui contribue à la moitié de l’incertitude globale sur H0. “Notre méthode nous permet d’atteindre une précision record sur la mesure de la parallaxe des céphéides, explique Stefano Casertano. Elle consiste à les observer en faisant bouger le télescope pendant la pose. L’image d’une étoile est alors un trait. Cette méthode permet de s’affranchir de plusieurs limitations qui affectent les mesures d’étoiles brillantes. D’abord, elle permet de gommer les irrégularités de la caméra (dues à de mauvais pixels, à l’optique elle-même) qui sont alors moyennées. Ensuite, comme la lumière est captée par plusieurs pixels, on peut en collecter beaucoup plus et la précision astrométrique est ainsi accrue.”
La Terre en juin
Observation de décembre
Soleil
Céphéide
La Terre en décembre
Observation de juin
La méthode de la parallaxe consiste à mesurer l’angle apparent dont se déplace une étoile sur le fond du ciel, lorsqu’on l’observe depuis deux positions différentes. © C&E
Un pixel de CCD est en effet une sorte de puits à photons, qui ne peut en absorber qu’une certaine quantité (typiquement 100 000). Comme la précision astrométrique évolue comme la racine carrée du nombre de photons captés, on a avantage à en capter le plus possible, à “remplir” plusieurs puits... “Dans notre cas, la lumière de chaque étoile est collectée par plusieurs milliers de pixels, on peut donc collecter plusieurs centaines de millions de photons !” s’enthousiasme l’astrophysicien. Avec l’instrumentation actuelle du HST, cette méthode du “scan spatial” patiemment mise en œuvre pendant quatre ans a permis d’atteindre la précision record de 45 microsecondes d’arc sur la mesure de la parallaxe de sept céphéides de la Voie lactée, et même 29 microsecondes d’arc pour une huitième. Une telle précision permet une calibration inégalée de la relation période-luminosité. Pour mémoire, le satellite d’astrométrie Hipparcos, lancé par l’ESA en 1989, atteignait les 3 millisecondes d’arc. Et le Fine Guidance Sensor du HST, utilisé dans les années 1990 lors de sa grande campagne de mesure de H0, 200 microsecondes d’arc.
À LA FOIS PRÉCISE ET ERRONÉE Alors en définitive, la valeur de la constante de Hubble mesurée avec tant de précautions peut-elle être fausse ? Observateur attentif de ce débat, le spécialiste des céphéides Antoine Mérand (ESO) alerte sur le fait qu’une mesure peut être à la fois extrêmement précise et parfaitement erronée. C’est toute la différence entre un bruit de mesure et un biais... “Si vous mesurez la température d’une pièce à plusieurs endroits avec un thermomètre, vous trouverez plusieurs valeurs. Des valeurs proches, mais, à un certain degré de précision, différentes car affectées d’un certain bruit de mesure. Vous pouvez réduire ce bruit en multipliant les mesures. Mais imaginez maintenant que votre thermomètre est faux, qu’il affiche systématiquement 5 °C
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10% Évolution de l’incertitude sur le taux d’expansion de l’Univers, mesuré grâce aux Céphéides
9% 8%
Erreur totale sur H0
7% 6% 5% 4% 3% 2% 1% 0%
L’éclat absolu de la supernova de type Ia vue dans NGC 1015 est déterminée grâce à ses céphéides, qui donnent la distance. Les SN Ia deviennent ainsi un étalon. © Nasa/ESA/STScI
de moins que la température réelle. En multipliant les mesures, vous allez réduire le bruit et donc obtenir une valeur de plus en plus précise, mais cette valeur sera affectée d’un biais systématique. Elle sera fausse de 5 °C, et vous ne pourrez la corriger que si vous prenez conscience de l’existence de ce biais. Par exemple, en utilisant un autre thermomètre. En fait, avoir une mesure juste est bien plus difficile que d’avoir une mesure précise !” Appliquée à la constante de Hubble, cette remarque signifie que la différence entre la mesure de Riess et celle de l’équipe de Planck pourrait provenir d’une propriété des céphéides (ou des SN Ia) encore inconnue. Stefano Casertano n’y croit guère : “Très peu d’effets astrophysiques pourraient introduire un biais systématique dans nos mesures. Les propriétés des supernovae pourraient varier entre l’Univers local et lointain, mais il faudrait que ces variations soient d’une grande ampleur, et qu’elles soient confinées dans les quelques centaines de derniers millions d’années de la vie de l’Univers. Idem pour les céphéides, dont nous contrôlons déjà les variations de couleur et de luminosité. Il est difficile d’éliminer complètement l’hypothèse d’un effet caché, mais nous faisons ces mesures depuis plus de dix ans et nous avons toujours confirmé notre mesure précédente en la raffinant.” À l’inverse, un effet astrophysique caché pourrait affecter le fond diffus cosmologique, émis 380 000 ans après le big bang. Mais Stefano Casertano ne pense pas non plus 36
2001
2009
2011
2016
Contribution sur l'erreur totale due à... Défauts de la caméra WFPC2 du télescope spatial Nombre de céphéides observées, composition chimique, etc. Rougissement interstellaire et calibration entre instruments Distance des céphéides "ancres"
que l’équipe de Planck ait été mystifiée par le cosmos. Il se prononce plutôt pour une différence réelle, signe d’une faille fondamentale dans notre compréhension de l’Univers. Reste à savoir laquelle, et là, “la question est totalement ouverte”. En 2022, le satellite Gaia fournira les mesures définitives des parallaxes d’un milliard d’étoiles (dont des centaines de céphéides de la Voie lactée) avec une précision de 5 à 25 microsecondes d’arc. Grâce à ces nouvelles données, la valeur de H0 mesurée à partir de la fuite des galaxies atteindra enfin la précision de 1 % revendiquée par l’équipe de Planck. Si cette nouvelle valeur est en accord avec celle déduite du fond diffus cosmologique, tout rentrera dans l’ordre ; c’est que la précision des mesures actuelles aura été surestimée. Mais dans le cas d’un désaccord persistant, les mêmes questions qu’aujourd’hui se poseront à nouveau. Avec simplement plus d’acuité. Certains chercheront à remettre en cause le modèle de standard de la cosmologie, qui permet de déduire H0 des observations de fond diffus. D’autres invoqueront un chaînon manquant — un biais systématique à découvrir. Il faut espérer que d’ici là, les méthodes alternatives de mesure de H0 auront atteint la même précision (lire C&E n° 552, p. 14). Peut-être pourront-elles enfin trancher le nœud gordien. David Fossé
(1) Mpc, soit 3,26 millions d’années-lumière.
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GALAXIE D’ANDROMÈDE
SES ÉTOILES RACONTENT TOUTE SON HISTOIRE La trajectoire des étoiles de M 31 vient de nous dévoiler un pan méconnu du passé de notre voisine, mais elle nous éclaire également sur sa rencontre future avec la Voie lactée.
O
n imaginait tout savoir d’elle, à quelques détails près. Et pourtant, la galaxie d’Andromède M31, la galaxie spirale la plus proche de nous, semble aujourd’hui bien loin d’avoir livré tous ses secrets. Depuis quelques années, les astronomes vont de révélation en révélation à son sujet. Ainsi, deux publications récentes, début 2018, montrent que notre voisine est à la fois beaucoup plus jeune et moins massive que l’on ne pensait. Ces études aux répercussions bien distinctes partagent toutefois un point commun : toutes deux ont comme origine non pas l’étude de M 31 comme système global, mais celle du mouvement individuel des étoiles au sein de la galaxie. Le premier article nous fait voyager quelque 4 milliards d’années en arrière. S’il y avait eu quelqu’un sur Terre à cette époque, il aurait pu admirer non pas une, mais deux galaxies à l’emplacement actuel de M 31.
Cette photo, composée à partir de données des télescopes Subaru et Hubble, permet de discerner les étoiles sur une partie de la galaxie d’Andromède. Leur étude permet aux astronomes de comprendre les mouvements qui s’y opèrent. © Subaru Telescope (NAOJ)/HST/R. Gendler
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Vu en ultraviolet par le satellite Galex, le disque de la galaxie d’Andromède (aussi appelée M 31) apparaît légèrement gauchi. C’est le résultat de la collision survenue avec une autre galaxies voici 2 à 3 milliards d’années. © Nasa/JPL-Caltech
Celle-ci serait en effet le résultat d’une collision galactique récente. Pour le découvrir, les chercheurs se sont basés sur une série d’observations minutieuses menées entre 2006 et 2014. Des données qui ont permis pour la toute première fois d’appréhender le mouvement propre des étoiles au sein de M 31. “Ces trois campagnes ont dévoilé un fait étonnant : un grand nombre d’étoiles semblent suivre des trajectoires désordonnées, ce qui n’est pas le cas dans notre galaxie”, révèle François Hammer, astronome de l’observatoire de Paris. En effet, la majorité des étoiles de la Voie lactée, Soleil compris, tournent autour du centre de la galaxie à une vitesse d’environ 220 km/s. On sait que cette vitesse peut, du fait de l’attraction gravitationnelle des étoiles voisines, subir des variations momentanées. Mais celles-ci sont générale40
ment assez minimes, de l’ordre de 10 km/s. Pour M 31 en revanche, les observations ont montré qu’un grand nombre d’étoiles dont la vitesse de croisière était semblable (environ 230 km/s) subissaient des variations de vitesse jusqu’à dix fois plus importantes — de l’ordre de 90 à 100 km/s ! Le mouvement individuel d’un grand nombre d’étoiles est ainsi largement plus désordonné que dans notre galaxie. Or, ces astres aux orbites chaotiques sont tous âgés de plus de 2 milliards d’années. Pour François Hammer, cette observation n’a rien d’une coïncidence. Cela indique qu’un événement de grande ampleur est survenu il y a quelques milliards d’années “seulement”. Avec son équipe franco-chinoise, le spécialiste de l’archéologie galactique a donc mis au point une simulation numérique qui permet de retracer le passé de
notre voisine et de cerner au mieux ce qui a pu se passer. “Nous avons modélisé la galaxie d’Andromède comme étant un ensemble de 24 millions de particules possédant chacune une masse, une position et une vitesse et interagissant les unes avec les autres via l’attraction gravitationnelle, résume l’ingénieur de recherche CNRS Yanbin Yang. Nous avons ensuite regardé comment le système évoluait en fonction des conditions initiales que nous lui imposions.” De nombreux scénarios ont ainsi pu être envisagés. Dans le lot, l’équipe a fini par en découvrir un qui permettait d’expliquer au mieux les mouvements chaotiques des étoiles. “Notre modèle suggère que M 31 est bel et bien issue d’une fusion récente de deux galaxies”, indique Yanbin Yang. Tout aurait commencé voici 7 milliards d’années. En lieu et place de M 31 se trouvaient deux galaxies, la première environ 4 fois plus massive que la seconde. Ces galaxies se seraient tout d’abord frôlées timidement sans se mélanger. Puis à force de se tourner autour, elles auraient fini par se rencontrer il y a 4 milliards d’années. Un rendez-vous bouleversant qui a abouti, au bout de 1 à 2 milliards d’années supplémentaires, à la formation de la galaxie d’Andromède telle que nous la connaissons. “Notre voisine serait donc très jeune en comparaison de la Voie lactée, s’amuse François Hammer. Il y a 2 à 3 milliards d’années, le Soleil et la Terre existaient déjà, et la vie avait même probablement commencé à pointer le bout de son nez !”
sociable galaxie d’Andromède ne se serait pas arrêtée à une unique rencontre avec ses voisines. L’existence d’un pont de gaz entre M 31 et la galaxie du Triangle (troisième galaxie du Groupe local pour la masse, loin derrière la Voie lactée et M 31) semble indiquer une interaction entre les deux galaxies voici 2,5 milliards d’années. D’autres études font état d’une collision frontale entre M 31 et un autre de ses satellites, la galaxie M 32, il y a seulement quelques centaines de millions d’années. De telles collisions majeures n’ont pour l’instant pas été mises en évidence dans le passé de notre galaxie. De nombreuses observations, parmi lesquelles la présence de surdensités d’étoiles relatée dans un article en mars 2018 et de courants stellaires auparavant, ont certes montré que
Courants géants d’étoiles Mais le modèle des astronomes ne s’arrête pas là. Leur étude publiée en février 2018 dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, montre qu’il éclaire également certains phénomènes étranges à propos de M 31. C’est le cas par exemple des courants géants d’étoiles, révélés au cours des dernières années, et qui forment un gigantesque halo autour d’elle. Selon François Hammer, ces courants stellaires seraient les restes de la plus petite des deux protagonistes. Les traces de la galaxie massive se retrouveraient, quant à elles, dans une autre anomalie jusqu’ici inexpliquée : les déformations du disque géant de M 31. Enfin, la proportion d’éléments lourds dans le halo, plus faible que dans le disque, indiquerait que la plus petite des deux galaxies aurait été un peu moins riche en ces éléments. “Cette étude semble montrer que l’histoire de la galaxie d’Andromède est bien différente de la nôtre, confirme Pierre-Alain Duc, directeur de l’observatoire de Strasbourg. Notre voisine aurait en effet pu subir plusieurs collisions, dont une majeure il y a 4 milliards d’années.” Selon des travaux parus en 2012 dans le journal Nature, la très
Systématiquement photographiés par le télescope de 2,5 m Isaac Newton, aux Canaries, les abords de M 31 révèlent une queue d’étoiles qui s’étire en direction de la galaxie du Triangle, hors du champ de l’image (ci-dessus à gauche). Sur des clichés classiques, moins exposés, cette structure n’apparaît pas (à droite). © ING/IAC et R. Gendler
Ces images sont extraites de la simulation numérique qui a remonté le temps jusqu’à la collision de deux galaxies qui ont formé M 31, telle que nous la connaissons actuellement. © P. WheelerI/CRAR
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C’est quasiment sûr : dans quelques milliards d’années, la Voie lactée (à gauche) va entrer en collision avec M 31, qui occupera alors une grande surface sur la voûte céleste. © Nasa/ESA/STScI
la Voie lactée était en train d’absorber petit à petit sa voisine, la galaxie du Sagittaire. Toutefois, cette dernière étant une galaxie naine, on ne peut pas parler ici d’une collision majeure qui bouleverse la structure de notre Voie lactée.
Seule M 31 vient vers nous Si l’étude minutieuse des étoiles de M31 nous emmène quelques milliards d’années en arrière, elle peut aussi nous faire voyager dans le futur. Alors qu’aujourd’hui, la galaxie d’Andromède fait déjà partie des objets les plus étendus du ciel puisqu’elle pourrait héberger l’équivalent de six Pleines Lunes, sa taille apparente devrait continuer à croître. En effet, depuis 1917 et les observations de l’Américain Vesto Slipher, nous savons que M 31 fonce droit sur nous. La découverte de Slipher se base sur l’effet Doppler, un phénomène bien connu depuis le XIXe siècle qui explique le décalage en fréquence des ondes provenant d’un objet en mouvement. La majorité des autres galaxies nous apparaissent plutôt rougies, ce qui indique qu’elles s’éloignent de nous du fait de l’expansion de l’Univers. En revanche, la lumière de M 31 est décalée vers le bleu, ce qui nous permet d’établir qu’elle s’approche de la Voie lactée à une vitesse d’environ 130 km/s. Le destin de notre galaxie serait-il donc lui aussi d’interagir et de fusionner avec notre gloutonne voisine ? Pour Pierre-Alain Duc, ce n’est pas aussi simple : “Si nous 42
pouvons facilement déterminer la vitesse radiale [dans la ligne de visée, NDLR] à laquelle les deux galaxies s’approchent, il nous manque un autre élément crucial : la vitesse tangentielle de M 31.” Il s’agit de la composante de sa vitesse dans le plan du ciel. En effet, rien ne permet d’affirmer que notre voisine fonce droit sur nous. Et si cette vitesse tangentielle est trop grande, le rendez-vous des deux géantes pourrait finalement tomber à l’eau. En 2012, une équipe américaine avait effectué une première estimation de cette vitesse tangentielle. “Nous avons pris deux images de M 31, en 2002 puis en 2010, avec le télescope Hubble, explique Tony Sohn, du Space Telescope Institute de Baltimore. En comparant la position de la galaxie sur ces deux clichés avec celle d’astres beaucoup plus lointains, nous avons montré que la vitesse tangentielle de la galaxie d’Andromède était négligeable par rapport à la vitesse radiale.” Cette affirmation a toutefois été remise en question en 2016 dans une étude d’une équipe de l’université de Strasbourg. Publiées fin avril, les données du satellite Gaia, qui a déterminé méticuleusement le mouvement propre d’un grand nombre d’étoiles de M31, pourraient bien permettre de trancher la question une bonne fois pour toutes. Encore un peu de patience, donc, le temps que les chercheurs les analysent. Néanmoins, si la vitesse à laquelle les deux galaxies s’approchent l’une de l’autre est bien connue, leur accélération ne l’est pas — un paramètre intrinsèquement lié à leur masse. Or, rappelle François Hammer, “la masse des galaxies est l’une des composantes que nous avons le plus de mal à estimer correctement !” Dans une publication datée de janvier 2018, les chercheurs australiens ont utilisé une nouvelle méthode pour déterminer celle de M 31, une donnée essentielle pour tenter de prédire quand interviendra la fusion des deux galaxies et à quoi elle ressemblera. “Nous avons observé en détail le mouvement de certaines étoiles peuplant la partie externe de M 31 afin de calculer la vitesse de libération de cette galaxie”, détaille Geraint Lewis, de l’université de Sydney. Cette valeur, qui est définie comme la vitesse à atteindre pour se libérer de l’attraction de la galaxie, est directement liée à la masse. Elle a ainsi permis de revoir le gabarit de M 31. “Alors qu’on l’imaginait deux à trois fois plus massive que la Voie lactée, il s’avère qu’elles ont en fait à peu près la même masse. Cela change pas mal de choses pour leur rencontre future : c’est comme si l’on passait d’une collision entre un camion et une petite voiture, à celle de deux voitures. Vraisemblablement, aucune des deux galaxies ne dominera véritablement la fusion”, conclut le chercheur australien. Simon Devos
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CHINE
LA RÉVOLUTION TOUCHE AU CIEL La Chine a mis en service, il y a un an, le plus grand radiotélescope du monde. Elle marque ainsi, de façon spectaculaire, la volonté de ses dirigeants de reprendre une place abandonnée depuis des siècles sur le devant de la scène astronomique. Et pour le pays qui a inventé la poudre, de décrocher la Lune comme un symbole de puissance retrouvée. Reportage dans les hauts lieux célestes de l’Empire du Milieu.
I PÉKIN
5
CHINE TIBET
Shanghai
4 1 Guiyang Kumming 2 3
Hongkong Macao
1 Observatoire du Yunnan 2 Observatoire solaire du lac Fuxian 3 Observatoire de Lijang
4 Fast, province de Guizhou 5 Observatoire de Xinglong : Lamost, etc.
ls sont jeunes, motivés, travailleurs en diable, et l’avenir leur appartient. Nombre d’entre eux ont étudié en Europe ou aux États-Unis et enseignent aujourd’hui dans les grandes universités chinoises. L’optique, la physique, l’électronique, les mathématiques, l’informatique, l’intelligence artificielle et les big data ; aucun domaine ne leur est étranger. Ils voyagent à travers le monde, participent à des congrès et des colloques, font partie de cette communauté internationale pour qui la planète est sans frontières, mais obéissent strictement à l’ordre et la hiérarchie nationale. Les mandarins sont invisibles, mais leurs noms connus de tous. Personne ne conteste leur autorité. Deuxième pays au monde, depuis dix ans, par le nombre des publications issues de ses laboratoires, la Chine est devenue une superpuissance scientifique qui menace la production américaine de connaissances et de brevets dans la plupart des domaines à l’horizon de la prochaine décennie. Car la Chine a un
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À 2 200 km au sud-ouest de Pékin, dans la province de Guizhou, une immense cuvette naturelle abrite l’antenne de Fast. Un radiotélescope sphérique de 500 m de diamètre, trois fois plus grand que son concurrent américain, soit l’équivalent de plus de 30 terrains de football pour écouter toute la zone équatoriale céleste et une bonne partie de l’écliptique. © Xinhua
Dans la salle de contrôle du radiotélescope, de jeunes scientifiques tentent de détecter de nouveaux pulsars. En utilisant les signaux de ces étoiles denses en rotation rapide comme un réseau GPS capable de mesurer les distances, les astronomes chinois visent la détection d’ondes gravitationnelles.
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Dans la province du Yunnan, perchée sur une colline boisée, l’observatoire historique de Kunming domine une ville de six millions d’habitants. Tout près d’une antenne de 40 m et de petites coupoles, ses bâtiments neufs accueillent une nouvelle génération de scientifiques, souvent formés à l’étranger, et en contact avec la communauté internationale.
avantage : elle voit loin et elle a le temps. Mieux encore, elle a les moyens de ses ambitions. L’astronomie fait partie de celles-là. L’inauguration récente de Fast — le plus grand radiotélescope du monde avec ses 500 m de diamètre — est un coup de gong annonçant le
À 160 km au nord-est de Pékin, au-delà de la Grande Muraille, le site de Xinglong héberge depuis 2009 un télescope à grand champ baptisé Lamost. Géré par l’Académie des sciences, il est le plus grand au monde de ce type (Schmidt), mais souffre de sa faible altitude (960 m) et des conditions météo parfois délicates. Mais le climat sec assure des nuits claires et très noires.
lever de rideau sur un nouvel acte de l’histoire de l’Empire du Milieu. Comme l’observatoire du mont Palomar (États-Unis) en son temps — un œil de cyclope en pyrex qui fut le plus grand du monde de 1947 à 1975 —, l’oreille géante surgie en quelques années dans une cuvette natu-
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relle de la province de Guizhou, parce qu’elle est trois fois plus grande que sa concurrente d’Arecibo, propulse la Chine au premier rang de la radioastronomie et annonce une ère nouvelle pour les observatoires chinois. À 2 700 km au sud-ouest de Pékin, dans la province de Yunnan, l’observatoire ancien de la ville de Kunming est… flambant neuf. Installé sur une colline arborée qui surplombe la métropole provinciale et ses six millions d’habitants, le bâtiment principal sent la peinture fraîche. Il a été rasé, puis entièrement reconstruit. Depuis les nouveaux bureaux lumineux, à peine investis par les astronomes et leurs étudiants, une petite route conduit à un jardin luxuriant et à des massifs de bambous. Autour, des télescopes sous coupoles et une antenne radio de 40 m de diamètre rappellent que des activités de recherche sont en cours. Mais la présence d’engins de chantier indique aussi que le plan de rénovation concerne l’ensemble des lieux pour toutes les années à venir. Ce que confirme l’ancien directeur des lieux, tout récemment nommé membre de l’Académie des sciences par les autorités de Pékin. Une reconnaissance et un atout majeur pour le soutien d’actions à long terme. D’autant que les observatoires du Yunnan contribuent à valoriser l’image d’une province dynamique, accueillante (c’est une destination touristique prisée des Chinois aisés) et soucieuse de valoriser ses atouts environnementaux et culturels. Témoins, les deux sites incontournables d’une visite des grands équipements régionaux : l’observatoire solaire du lac Fuxian et l’observatoire de Lijiang. Le premier est installé sur le bord nord-est du troisième plus grand lac d’eau douce de Chine. Deux cents kilomètres carrés de surface liquide qui stabilisent l’atmosphère et compensent les variations thermiques d’une région montagneuse prisée pour sa douceur de vivre. À 1720 m au-dessus du niveau de la mer, le Télescope solaire du Yunnan est un réflecteur de 1 m de diamètre, dont le chemin optique est placé sous vide pour réduire la turbulence de l’ensemble. Son objectif est de surveiller l’activité de notre étoile et de réaliser des images à très haute résolution de sa surface. L’équipe qui le pilote recueille aussi des données d’observations spectrales, à de petites échelles, sur l’évolution des champs magnétiques.
© Xinhua
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Mais aussi sur les transferts d’énergie entre la photosphère et la couronne, ou encore la naissance et le développement des protubérances. Dans la salle de contrôle de l’instrument, dont les larges vitres plongent le visiteur dans le bleu azuréen du lac, les photographies des détails de la surface solaire — taches et granules — témoignent de la qualité du site et de l’instrumentation. Stabiliser la turbulence thermique est un défi permanent relevé par les astronomes solaires. Il faut prendre l’avion en direction du Tibet pour rejoindre le plus grand observatoire optique de Chine, qui est installé dans les montagnes proches de la ville de Lijiang, à 300 km de là. Au cœur de la région de peuplement de la minorité Naxi, son centre
L’observatoire solaire du lac de Fuxian est installé au bord de cette immense réserve d’eau douce dans une région prisée des touristes chinois pour son cadre et sa douceur. Avec un télescope de 1 m, et des équipements complémentaires, les astronomes surveillent l’activité solaire, comme cette tache et ces granules photographiées à très haute définition.
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Le plus grand télescope optique de Chine — un miroir de 2,40 m — est installé à 3 193 m d’altitude, à 3 heures de voiture de la ville de Lijang. Il a été construit par une société anglaise sur le site de Gaomeigu, qui bénéficie de 250 nuits claires par an et de conditions d’accès très favorables. Dont une route qui traverse des villages où l’on chasse, comme autrefois, avec des oiseaux de proie.
La visite des observatoires du Yunnan est aussi l’occasion de découvrir une région montagneuse prisée des Chinois en quête de soleil et d’air pur. Au cœur de la région historique de peuplement de la minorité Naxi, les occasions ne manquent pas de découvrir d’anciens cœurs de villages préservés des destructions d’une urbanisation aveugle à l’histoire. Le centre de Lijiang est classé au patrimoine mondial pour sa qualité de “ville exceptionnelle” sise dans un paysage spectaculaire.
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historique est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en tant que “ville exceptionnelle sise dans un paysage spectaculaire”. Un dédale de canaux et de rues étroites, bordées de maisons où se mélange la pierre, la brique et le bois, plonge le visiteur des siècles en arrière. Dans une cité commerçante, servant d’étape aux caravaniers sur la route du thé et des chevaux. Reconstruite et rénovée après un tremblement de terre en 1996, elle est aujourd’hui un quartier musée peuplé de commerçants et de touristes. À trois heures de voiture de Lijiang, sur le versant sud du mont Yulong couvert de neige, le site de Gaomeigu (littéralement “endroit plus élevé que le ciel” en langue naxi) accueille à 3 193 m d’altitude “le
télescope de recherche le plus productif de Chine”, selon son directeur M. Jinpin Bai. Un télescope de 2,4 m qui bénéficierait de 250 nuits claires par an selon les rapports officiels. Construit par une société anglaise, cet instrument au foyer duquel est installé un spectrographe pour l’étude des noyaux galactiques actifs et des quasars à haut redshift est un excellent instrument. Mais il est aussi loin des ambitions réelles de la Chine qui rêve à une meilleure place au sein de l’astronomie mondiale. Celle d’instruments totalement made in China, de grands diamètres, installés dans des sites de très haute altitude. Cette idée s’est traduite en 2015 par un projet baptisé LOT, pour Large Optical Telescope.
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Un instrument de 12 m de diamètre dont la construction devait démarrer cette année sur le site choisi, à plus de 5 000 m d’altitude dans la région autonome du Tibet. Le coût du projet, évalué à 300 millions de dollars, avait été inscrit dans le plan quinquennal 2016-2020 pour les grands équipements de recherche. Avec une première lumière attendue pour… 2023. Las, un conflit a bloqué le développement du projet. Il oppose deux visions et deux institutions. La première, défendue par un institut de l’Académie des sciences, préconise un design de l’instrument basé sur la combinaison de quatre miroirs. Un système expérimental jugé compliqué et risqué par nombre de chercheurs. La seconde, proposée par un groupe de l’université des sciences et technologies de Huazhong, est une combinaison Ritchey-Chrétien à trois miroirs, comme il en existe pour les télescopes Keck à l’observatoire du Mauna Kea, à Hawaï. Pour juger et départager les deux propositions, les responsables de l’astronomie chinoise ont fait appel à un panel d’experts internationaux. Lesquels ont préconisé la simplicité du montage à trois miroirs. “Pourquoi les étrangers devraient-ils se mêler de nos propres télescopes ?” ont argué sur les réseaux sociaux les promoteurs de la première solution. L’argument, s’il a marqué, a aussi aggravé la situation. Un nouveau panel, 100 % chinois celui-ci, a préconisé finalement un soutien au projet à quatre miroirs et fait reculer la décision d’engagement à un horizon inconnu. Nul doute, la Chine croit en sa bonne étoile et parie sur cette nouvelle génération de scientifiques qu’elle entend doter de moyens modernes. Le grand radiotélescope Fast est un modèle que le pouvoir aimerait dupliquer. Pour la science bien sûr, mais aussi pour l’image internationale et le tourisme. Dans la petite ville la plus proche, un quartier tout neuf a poussé comme un champignon. Au centre, un hôtel de luxe flambant neuf, baptisé Fast, propose des chambres avec lunettes astronomiques sur les balcons. La nuit tombée, pour le spectacle, les autorités éclairent les montagnes en forme de pain de sucre de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ! La révolution ne se fera pas en un jour… Texte et photos d’Alain Cirou
À une dizaine de kilomètres du grand radiotélescope Fast, dans la petite ville voisine, un quartier tout neuf a surgi. Entièrement dédié au tourisme astronomique et au grand œuvre tout proche, un très bel hôtel baptisé logiquement Fast propose un hébergement de luxe et des animations tournées vers la découverte du ciel. Dans chaque chambre, des lunettes permettent de viser les montagnes… éclairées la nuit.
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LE RÊVE DE NAN RENDONG
Le père du radiotélescope géant Fast a remué ciel et terre pour faire construire dans une cuvette naturelle la plus grande oreille tournée vers le cosmos. Nan Rendong, décédé récemment, cumulait les expériences d’ingénieur et de scientifiques. © Team of Fast Project/NAOC
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ais qui a bien pu construire ce géant ? Qui a un jour rêvé de son existence ? Dans la voiture qui me conduit à la découverte de Fast (Five Hundred Meter Aperture Spherical Telescope), le plus grand radiotélescope du monde depuis deux ans, je regarde défiler l’étonnant paysage karstique caractéristique de la Chine du Sud, ému à l’idée de découvrir bientôt l’œuvre de Nan Rendong, le “père” de la gigantesque oreille cosmique chinoise. Décédé le 15 septembre 2017, le jour du plongeon final de la sonde Cassini dans l’atmosphère de Saturne, ses amis comme Leonid Gurvits, un radioastronome hors pair, m’en ont parlé, mais j’ai hâte de vivre une expérience que je devine… unique. Tang Ningyu, un jeune astronome, m’accueille dans les bureaux du site en me montrant une vidéo consacrée
à la construction de Fast, dont Nan est naturellement la vedette. Sa voix, affaiblie par la maladie, un cancer du poumon, est particulièrement émouvante. Il raconte comment la communauté radioastronomique chinoise s’est mobilisée autour de ce projet de Titan, et comment il a fait appel à plus de dix disciplines différentes, radioastronomie bien sûr, mais aussi mécanique, génie civil, géotectonique, hydrologie, électronique, automatique, pour faire de la dépression karstique inhospitalière de Dawodang le berceau du plus grand radiotélescope du monde. Fast est aujourd’hui en fonctionnement ! Après m’avoir fait abandonner mon téléphone portable et tout appareil électrique susceptible de perturber l’environnement d’écoute radio, Tang Ningyu m’entraîne à sa rencontre le long d’une route sinueuse.
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Ce n’est qu’après le dernier virage que Fast se découvre soudain dans toute sa majesté. J’ai du mal à réaliser que l’instrument est large de “seulement” 500 m, tant est forte l’impression d’étendue et de profondeur que produit son élégant miroir sphérique. Le laboratoire focal, suspendu à 138 m de haut par six filins métalliques, semble exécuter un lent ballet aérien au-dessus de lui. Et une longue marche, sur le chemin qui serpente sous l’étonnante structure suspendue et déformable, me conduit au cœur de l’oreille dont les mouvements sont contrôlés en permanence. Un moment magique, inoubliable. Voilà donc l’œuvre de Nan Rendong. Un homme simple et discret au parcours exceptionnel. Né en 1945, le jeune élève ingénieur voit sa formation interrompue par la Révolution culturelle, pendant laquelle il part travailler en usine. De retour à l’université Tsinghua, à Pékin, il parachève sa double formation d’ingénieur et d’astronome qui sera un atout décisif par la suite. Et quand la Chine décide d’envoyer ses jeunes radioastronomes se former aux Pays-Bas (l’un des meilleurs pays du monde dans ce domaine), c’est Nan Rendong qui arrive le premier pour un séjour de deux ans. À cette époque, la communauté internationale décide de concentrer ses efforts sur la réalisation d’un nouveau géant : le Square Kilometre Array (SKA), un réseau d’antennes interférométriques dont la surface collective totale devait atteindre 1 km2 ! Plus de sept projets différents sont en compétition, et parmi eux, un concept original porté par Nan et la communauté radioastronomique chinoise. L’idée est brillante : utiliser le relief unique de la Chine du Sud, qui offre de nombreuses cuvettes naturelles, pour réaliser SKA sous la forme d’un réseau de plusieurs “Arecibo” ! Mais un autre concept, en cours de réalisation aujourd’hui en Afrique du Sud et en Australie, fut préféré à ce projet. C’est alors que le “déclic fondateur” de Fast s’est produit : Nan Rendong et ses collègues décidèrent de relever un formidable défi. La Chine n’accueillera pas SKA ? Soit, mais elle allait construire à la place, pour elle et pour la communauté internationale, le plus grand radiotélescope du monde. En tirant parti des études faites pour SKA, on pouvait réaliser non un réseau, mais une antenne géante de 500 m de diamètre en choisissant une dépression suffisamment large pour l’accueillir ! Fast était né et Nan, devenu le porteur naturel du projet, allait consacrer le reste de sa vie à le promouvoir et le réaliser. Pendant la longue période du “préprojet”, Nan est sur tous les fronts, visitant lui-même plus de cent sites potentiels avant d’aboutir au choix de Dawodang et super-
visant tous les aspects des études “papier”. Quand en 2007 le gouvernement chinois décide d’inscrire Fast dans la liste des grands équipements de recherche nationaux, le NAOC (National Astronomical Observatory of China) nomme tout naturellement Nan chief scientist et chief engineer pour le conduire, utilisant ainsi l’atout exceptionnel de sa double formation d’ingénieur et de scientifique. On le voit, casque sur la tête, conduire en maître d’œuvre déterminé les entreprises et les équipes d’ingénieurs et d’ouvriers qui participent à la construction. Laquelle s’achève en 2016 dans le calendrier prévu.
La relève est assurée Lorsque je rejoins la salle de contrôle, l’équipe qui pilote le télescope est occupée à chronométrer des pulsars connus et à tenter d’en découvrir des nouveaux. Des vingt collègues du NAOC qui tiennent les rênes du télescope, le plus âgé a moins de 30 ans ! Parmi eux, je rencontre Rui Yao, la jeune ingénieure qui a eu la responsabilité de la réalisation du laboratoire focal. Encore sous l’émotion de la disparition récente de Nan, elle décrit à grands traits pour moi celui qu’elle appelle “le père spirituel” de Fast. Cet homme modeste et discret doué d’un charisme exceptionnel, travailleur infatigable à l’écoute de tous, ingénieurs, techniciens et astronomes, est capable de rentrer dans les détails de chaque difficulté technique, de faire émerger des solutions par le dialogue et d’en imposer avec rigueur la mise en œuvre. Rui Yao, alors étudiante en génie mécanique, rencontre Nan en 2005 à l’université Tsinghua, où il enseigne. La rencontre est décisive pour sa carrière puisque, une fois son diplôme en poche, elle décide de rejoindre l’équipe Fast. Comme chaque année plusieurs jeunes ingénieurs font ce choix, la relève des personnels chevronnés sur lesquels Nan s’est appuyé au cours des premières années est aujourd’hui assurée. C’est l’une des plus belles réussites de Nan que d’avoir fait de la construction de Fast un outil de formation pour les jeunes qui vont assurer la relève. Fast m’apparaît comme un double miracle : le plus grand et le plus jeune des radiotélescopes est entre les mains de la plus jeune équipe opérationnelle au monde ! Peu d’hommes et de femmes, sans doute, ont eu le privilège de porter en eux un rêve grandiose au service d’une communauté, et de faire de sa réalisation le chef-d’œuvre de leur vie, grâce à un talent exceptionnel et à beaucoup de détermination, d’enthousiasme et de charisme. Nan Rendong a été l’un d’entre eux. Son rêve est accompli. Il peut maintenant dormir en paix. Michel Blanc, ISSI Beijing
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L’ASTRONOMIE CHINOISE EN QUINZE DATES
-2100 LE STONEHENGE CHINOIS L’observatoire néolithique de Taosi, daté de – 2100 sous la première dynastie des Xia, témoigne de l’ancienneté de l’astronomie chinoise. Découvert en 2004, il permettait de repérer les positions du Soleil à son lever.
Prédiction des éclipses, atlas de comètes, carte des constellations, consignation précise des événements célestes : l’observation des étoiles a laissé des vestiges sur plus de 40 siècles.
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L’ATLAS CÉLESTE DE DUNHUANG Les astronomes chinois ont maîtrisé très tôt l’art des cartes célestes. La plus ancienne carte d’étoiles connue au monde a été découverte sur la route de la Soie. Datée de l’an 650, elle comporte plus de 1 300 étoiles réparties en 257 constellations.
100 LA COSMOLOGIE CHINOISE Sous la dynastie des Hans, trois grandes thèses cosmologiques coexistent : la théorie du dôme céleste, celle de la sphère céleste et celle du vide infini. Dans cette dernière, les astres sont de la vapeur condensée immergée dans le vide cosmique.
- 90 L’ENCYCLOPÉDIE DU CIEL CHINOIS Dans la première grande encyclopédie chinoise, l’historien astronome Sima Qian décrit le catalogue complet des constellations chinoises et les cinq points cardinaux associés aux quatre animaux mythiques et au palais central de l’empereur céleste.
1054 725 LE MÉRIDIEN CHINOIS Dix siècles avant la détermination du système métrique, l’astronome Yi Xing réalise à l’aide de gnomons la mesure d’une méridienne sur plus de 2 500 km pour déterminer la valeur de la lieue chinoise des Tang.
LA SUPERNOVA DES SONG Les explosions d’étoiles (supernovae) ont été notées en Chine avec une grande précision. Leurs positions exactes ont permis de retrouver les restes actuels de ces supernovae, comme la nébuleuse du Crabe (ci-contre), issue d’une explosion observée en juillet 1054.
-1400 LES PREMIÈRES ARCHIVES ASTRONOMIQUES La première explosion d’étoile dont l’humanité ait gardé mémoire est consignée sur un os gravé datant de la dynastie Shang. L’observation des phénomènes célestes (supernovae, comètes…) servait de base à des prédictions astrologiques.
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-1000 LE CIEL MIROIR En Chine, le Ciel était le miroir de la Terre et le pôle céleste symbolisait l’empereur. Dans le temple du Ciel à Pékin, l’empereur célébrait des cérémonies rituelles pour conserver l’harmonie du Ciel et de la Terre.
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LES TACHES SOLAIRES La présence de taches à la surface du Soleil est rapportée en Chine dès le IIe siècle avant l’ère moderne. Elles sont souvent représentées par le symbole d’un corbeau sur le disque solaire, présent sur des bannières funéraires.
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L’HORLOGE ASTRONOMIQUE DE SU SONG S’inspirant de réalisations antérieures, le scientifique Su Song réalise à la fin du XIe siècle une imposante horloge astronomique. De plus de 12 m de haut, elle était mue mécaniquement par une clepsydre.
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1279 L’INVENTION DE LA MONTURE ÉQUATORIALE Sous la dynastie mongole des Yuans, l’astronome Guo Shouxing invente la monture équatoriale des télescopes. Il érige également un gnomon géant de 10 m de haut et construit une panoplie d’instruments pour équiper le premier observatoire astronomique de Pékin.
LE CALENDRIER DES ÉCLIPSES Le calendrier chinois était établi notamment pour prédire les éclipses du Soleil. Dès – 721, les dates des éclipses étaient soigneusement consignées avec leur temps et leur magnitude.
LA THÉORIE DES CINQ PLANÈTES Les cinq planètes visibles à l’œil nu étaient constamment observées en Chine. La position et la période de retour de Jupiter, Saturne et Vénus sont consignées avec précision dans un texte couvrant la période entre – 245 et – 176.
L’ATLAS DES COMÈTES DES ZHOU Un atlas découvert sur un livre de soie dans une tombe datée de – 185 atteste de la précision et du détail des observations chinoises : vingt-neuf formes de comètes y sont représentées, collectées sur plusieurs centaines d’années.
1442 L’OBSERVATOIRE HISTORIQUE DE PÉKIN L’observatoire historique de Pékin est une haute terrasse aux limites de la Cité interdite. Créé en 1442, il comporte aujourd’hui une panoplie de grands instruments, les plus anciens de ce type, réalisés entre 1673 et 1744, sous la direction de jésuites européens.
Images : DR et © British Library, Xinhua et Nilesh Mistry
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L’HARMONIE DU CIEL ET DE LA TERRE
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n juin 2016, la Chine a inauguré au fond de la province du Guizhou le plus grand radiotélescope du monde, Fast, un gigantesque collecteur de 500 m de diamètre, près de 3 fois la taille de son prédécesseur étasunien d’Arecibo. Ce spectaculaire bond en avant marque de façon emblématique le retour de l’Empire du Milieu sur le devant de la scène astronomique. Bien peu sont ceux qui
pensaient que la Chine rattraperait son retard si vite, après une éclipse de plus de trois siècles qui a vu le pays d’abord dominé par les grandes puissances coloniales au travers des guerres de l’opium, puis ravagé par l’invasion japonaise et enfin écartelé par des problèmes politiques internes. Mais si long soit-il, ce hiatus semble dérisoire par rapport à la très longue tradition astronomique chinoise qui a traversé
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plus de quarante siècles en continu, une exception à la surface du globe. Sur la durée, les Chinois ont été les plus grands observateurs astronomiques de la planète, découvreurs des comètes, des taches solaires, des explosions d’étoiles… Leurs avancées sont restées longtemps ignorées en Europe, mais de multiples travaux et découvertes archéologiques récentes contribuent aujourd’hui à les remettre en lumière. Si les Chinois ont été les spectateurs assidus des plus grands phénomènes cosmiques, c’est avant tout en raison de conceptions philosophiques très particulières qui n’ont jamais séparé le Ciel et la Terre, mais les ont associés au contraire comme les deux complémentaires du yin et du yang. À la différence des conceptions européennes qui faisaient du Ciel un domaine séparé inaccessible, royaumes des dieux, le Ciel chinois est le miroir de la Terre. Il y a un lien invisible permanent entre les régions célestes et les provinces de l’empire. Tout événement L’observatoire ancien de Pékin aux environs de 1906. Situé au centre de la capitale, à la périphérie de la Cité interdite, il comporte encore aujourd’hui sur sa terrasse une imposante batterie d’instruments astronomiques en bronze. © Digital Commonwealth
céleste informera donc sur des circonstances terrestres. Il faudra donc avant tout déceler et décrire très précisément tout changement cosmique pour en tirer présages et oracles. Très tôt dans l’histoire chinoise, cette fonction sera dévolue au souverain, Tian Zi, le “fils du Ciel”, dont le rôle principal est d’être le garant de l’harmonie du Ciel et de la Terre. Son mandat n’est ni héréditaire ni vraiment politique ; c’est un mandat céleste, le Tian Ming en chinois. Son destin dépend donc de sa capacité à prévoir ou à expliquer le Ciel. Tout empereur chinois recevait une instruction approfondie en astronomie et en retour maintenait un corps entier de fonctionnaires (observateurs, calculateurs du calendrier, responsables des clepsydres…), un CNRS avant la lettre, chargé par lui de scruter en permanence la voûte étoilée, nuit après nuit. Les débuts de cette astronomie chinoise sont encore incertains, mais elle remonte au moins à la première dynastie des Xia (– 2100 à – 1600). Une découverte archéologique a en effet mis au jour en 2004 sur le site de Taosi, dans le centre de la Chine, une vaste esplanade dont la périphérie était plantée d’encoches délimitant, à partir d’un point d’observation matérialisé, des directions particulières marquant le lever du Soleil. Analogue aux pierres levées de Stonehenge en Angleterre, cet observatoire antique situé au cœur de restes archéologiques datés d’environ – 2100 servait très probablement à l’établissement des premiers calendriers. Progressivement, l’observation assidue et compulsive des cieux a amené les Chinois à constituer des catalogues d’événements rares qu’ils ont su consigner dans des documents qui ont franchi le fossé du temps. En 1972, a ainsi été exhumé d’une tombe datée de l’an – 185, un spectaculaire “livre de soie”, un texte de plus de 100 000 caractères, soigneusement composé sur un fin tissu de soie. Surgi du passé, le document
La plus ancienne carte d’étoiles connue au monde découverte à Dunhuang. Datée de l’an 650, elle positionne les constellations chinoises selon une double projection cylindrique et azimutale pour le pôle. © British Library
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contient un éblouissant catalogue de comètes. Vingt-neuf formes différentes de comètes y sont dessinées avec précision distinguant la variété des noyaux cométaires et la multiplicité des queues. Aucune précision ne figure sur la forme et la durée des observations à la base de cette encyclopédie cométaire, mais la fréquence des comètes observables à l’œil nu (environ une par dizaine d’années) permet d’estimer que ce catalogue compile plusieurs siècles d’observations, probablement réparties sur l’ensemble de la dynastie des Zhou (– 1045 à – 220). Les astronomes chinois ont également été les premiers à consigner dans leurs chroniques les étranges figures qui apparaissent parfois à la surface du Soleil. Dès le début des Hans (– 205 à 220), les taches solaires sont en effet signalées sous des termes variés de pièces de monnaie ou de prunes, et souvent représentées symboliquement par la forme du corbeau noir se détachant sur le disque solaire qui figure sur des bannières funéraires. L’observation de ces taches à l’œil nu est relativement complexe. La méthode employée était aussi celle utilisée pour les éclipses de Soleil. On observait le Soleil par reflet sur une surface d’eau noircie par l’encre de Chine. Le planisphère de Suzhou est l’une des plus spectaculaires cartes célestes chinoises, réalisée en l’an 1193 pour l’instruction de l’empereur. Centré sur le pôle Nord céleste, il représente les constellations chinoises selon une projection polaire azimutale ainsi que l’écliptique, l’équateur et les limites de la Voie lactée. Il a été gravé sur pierre en 1247 sur une stèle d’environ 2 m de haut. © Stone Carving Museum
La présence des taches était particulièrement consignée au début du mois lunaire, période où pouvaient également se produire les éclipses. Bien que parcellaires, les observations chinoises sur plus de vingt siècles ont permis de vérifier que le cycle de 11 ans d’apparition des taches existait bien déjà il y a 2 000 ans, mais qu’il avait varié de 9,9 à 12,3 ans. De façon cocasse, lorsque les jésuites européens sont arrivés en Chine au XVIIe siècle, ils furent très fiers de montrer à leurs collègues chinois la découverte toute récente des taches solaires que venaient de faire Galilée et Scheiner en 1612. Mais ceux-ci connaissaient ces taches déjà depuis des siècles ! La plus grande renommée des astronomes chinois a été certainement leur capacité à capter dans le passé le phénomène le plus important de la Galaxie, l’apparition des supernovae ou super “nouvelle” étoile, signalant en réalité l’explosion d’un astre massif. Alors que ce phénomène a été largement occulté dans le reste du Monde, les Chinois en ont donné des descriptions précises qui, jointes à leur localisation exacte, permet aujourd’hui de retrouver dans l’espace cosmique les restes brûlants de ces étoiles qui ont explosées, parfois il y a plu-
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sieurs millénaires. Dans les registres chinois, la plus ancienne supernova, apparue près d’Antarès, date des environs de l’an – 1500. La plus célèbre est celle survenue le 4 juillet 1054 dans la constellation du Taureau où subsiste aujourd’hui une magnifique nébuleuse aux formes de crabe. Au gré des siècles, plusieurs dizaines de ces apparitions spectaculaires ont été décrites en Chine, désignées par le terme poétique de ke-xing, étoiles “invitées”. Elles dépassent parfois l’imagination puisque certaines de ces explosions se sont traduites par l’apparition temporaire d’une lueur aussi brillante que la Lune pendant plusieurs semaines. Et pourtant, seuls les Chinois semblent leur avoir accordé l’attention qu’elles méritent. Tardivement, certains textes japonais et coréens seront disponibles et certaines des plus brillantes seront également notées à partir du XIe siècle par les astronomes arabes. Mais en Europe, aucune mention fiable ne sera faite avant l’astronome danois Tycho Brahé en 1572 ! C’est en quelque sorte une énigme culturelle. Comment un continent entier a-t-il pu négliger de tels phénomènes naturels ? C’est justement la comparaison avec la Chine qui nous donne la réponse. Alors que la tradition chinoise attachée au mandat céleste considérait le Ciel comme un champ d’investigation aussi vaste que celui de la Terre, l’Europe était enchaînée à un dogme idéologique très prégnant. Issu des conceptions des Grecs anciens qui avaient imaginé enchâsser l’Univers dans des sphères fixes et parfaites, le monde européen fera perdurer abusivement cette idée de perfection des cieux pour la rendre compatible avec le monothéisme et la notion d’un dieu associé au ciel et créateur d’un monde parfait. Rien ne pouvait se passer dans le Ciel. Ce dogme religieux sera sans doute un élément déterminant qui figera sur place la connaissance astronomique, écartant taches solaires et supernovae du domaine du possible. La longue tradition du questionnement du Ciel fera de la Chine un pays pionnier dans de nombreux domaines. Ainsi la nécessité de localiser précisément les phénomènes transitoires donnera naissance à des catalogues incluant de nombreuses constellations (près de 300) et à l’établissement de cartes célestes très élaborées, basées sur différents types de projection. La plus ancienne connue au monde a été découverte dans le désert de Gobi et est datée de l’an 650. De même, pour leurs mesures astronomiques des étoiles, les Chinois seront amenés les premiers à utiliser des coordonnées basées sur l’équateur céleste (au lieu de l’écliptique communément utilisé en Europe pour les planètes) et concevront dès 1279 le concept de monture “équatoriale” qui équipera les télescopes modernes à partir du XVIIIe siècle. Au-delà de ces réalisations, la différence culturelle entre la Chine et l’Europe sera aussi incarnée dans des conceptions très opposées. Alors que l’Europe développera une pensée
L’instrument à monture équatoriale inventée en Chine en 1279. Cette monture est similaire à celle de nombreux grands télescopes modernes. Cette copie datée de 1437 est conservée à l’observatoire de Nankin. © J.-M. Bonnet-Bidaud
analytique et théorique, la Chine privilégiera une approche globale et pragmatique. Ainsi dès la période des Han, la cosmologie chinoise inclura plusieurs conceptions du monde concurrentes en même temps, allant de la Terre plate à une conception sphérique, et même à une vision assez moderne de corps condensés dispersés dans le vide cosmique. Le principe de non-contradiction n’est pas très présent en Chine et chacun de ces points de vue pouvait être invoqué selon les circonstances, la réalité étant imaginée comme la fusion harmonieuse de ces différents éclairages. La fin de la dynastie des Ming, après 1640, verra péricliter l’astronomie en Chine comme en témoigne l’observatoire ancien de Pékin laissé en l’état et désormais perdu au centre de la capitale, au milieu des buildings. Aujourd’hui avec Fast, baptisé Tian yan, “l’œil céleste”, et bien d’autres réalisations, y compris spatiales, la Chine renoue de façon tonitruante avec l’astronomie. Apportera-t-elle à nouveau une contribution originale et déterminante à l’étude de l’Univers est désormais la question la plus passionnante. Le grand historien astronome Sima Qian avait déjà tracé la voie en l’an – 90 : “Si, dans tout le cycle du commencement à la fin, et de l’Antiquité aux temps modernes, on a observé profondément les changements qui se produisent et si on en a examiné les détails et l’ensemble, alors la science des Gouverneurs du Ciel est complète.” Jean-Marc Bonnet-Bidaud
Jean-Marc Bonnet-Bidaud est l’auteur de 4 000 ans d’astronomie chinoise, paru aux éditions Belin en 2017.
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L’EMPIRE TRÈS CÉLESTE
N
ombre d’anecdotes, plus ou moins romancées, entourent le lancement de Spoutnik 1 en 1957. Selon l’une d’elles, le président Eisenhower, désireux de rassurer les États-Unis quant à la mise en cause de leur suprématie technologique, a tranquillement joué au golf lors du week-end qui a suivi la mise sur orbite du satellite. D’autres rapportent que le secrétaire du Parti communiste chinois, Mao Zedong, aurait déploré le fait que son pays ne soit même pas en mesure de lancer une pomme de terre dans l’espace. Six décennies plus tard, la République populaire de Chine de Xi Jinping possède un programme spatial suffisamment ambitieux pour détourner Donald Trump du plus verdoyant des greens. La Chine prévoit ainsi d’être la première nation à poser un véhicule sur la face cachée de la Lune. Dans le cadre de la mission Chang’e 4, un satellite sera mis en service en juin 2018, afin
de pouvoir relayer les communications du rover qui y sera lancé six mois plus tard. Il est prévu que ce rover — pourvu d’un kit agricole comprenant des pommes de terre, des graines et des vers à soie — étudie la géologie du bassin Pôle Sud-Aitken, permettant ainsi de déterminer s’il est possible d’y cultiver des plantes et d’y établir une base lunaire. Selon l’Agence spatiale européenne (ESA), qui souhaite s’associer avec la Chine pour entamer la construction d’un “village lunaire”, il s’agit d’une étape essentielle pour développer l’exploitation minière et le tourisme spatial. Et alors que les jours de la station internationale sont comptés, le directeur de l’ESA Jan Wörner estime que ce village pourrait constituer un point de rassemblement important pour que différents pays coopèrent afin d’être en mesure de lancer des missions d’exploration vers Mars.
L’ingénieur Tsien Hsue-Shen, lors d’un dîner avec le secrétaire du parti communiste Mao Zedong en 1956 (à gauche). Son expertise scientifique permettra notamment de développer le premier satellite mis sur orbite par la Chine en 1979, Dong Fang Hong I (à droite). DR
L’exploration de la face cachée ne constitue que l’un des nombreux projets annoncés par la Chine pour 2018 : au total, une quarantaine de lancements sont envisagés. Et si la Chine a quasiment achevé sa phase de rattrapage technologique grâce à un essor économique effréné, tout n’était pas gagné d’avance. Encore récemment, le pays accusait d’un lourd retard sur les États-Unis et l’Union soviétique, et une bonne partie du développement de son programme a été marquée par une pléthore de bouleversements politiques. L’histoire du scientifique Tsien HsueShen, largement considéré comme le père du programme spatial chinois, en est l’une des nombreuses illustrations. Durant la Longue Marche, entre le 15 octobre 1934 et le 19 octobre 1935, l’Armée rouge a effectué un périple de 12 000 km à travers la Chine pour fuir les forces nationales
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de Tchang Kaï-chek. Cette période sanglante, qui donnera ultérieurement son nom à une famille de fusées chinoises, a causé la mort de centaines de milliers de personnes et permis à Mao de s’affirmer en tant que chef des forces communistes. C’est dans ce contexte que Tsien Hsue-Shen a quitté Shanghai pour aller étudier aux États-Unis, avant de travailler au Caltech (1). Sur place, il s’est vite investi dans des expérimentations concernant des fusées au sein d’un groupe d’ingénieurs talentueux (parmi lesquels se trouvaient Frank Malina et Theodore von Kármán, surnommé le “Suicide Squad” en raison de ses activités risquées (2). Cette équipe a permis de fonder le Jet Propulsion Laboratory, qui dirige les missions non habitées de la Nasa. Malgré son statut de théoricien reconnu, Tsien a été arrêté en 1950, accusé d’être un sympathisant communiste au tout début du maccarthysme. Assigné à résidence, il a été renvoyé en Chine cinq ans plus tard, en échange de pilotes américains capturés lors de la guerre de Corée — une décision que
l’ancien secrétaire à la Marine Dan Kimball a qualifié comme “la plus stupide que [les États-Unis] aient jamais prise”. Mao a accueilli Tsien à bras ouverts et l’a placé à la tête du programme de missiles balistiques chinois. D’autres chercheurs chassés des États-Unis lors de cette période de paranoïa anticommuniste ont permis à la Chine de commencer à développer ses activités spatiales au sein d’un institut de recherche sur les missiles et fusées, fondé le 8 octobre 1956. Le programme spatial chinois venait de naître. À l’époque, la Chine est un pays peu développé économiquement, mais elle bénéficie du soutien de l’Union soviétique — dont l’expertise et le matériel lui ont permis de concevoir la première fusée Longue Marche. Leur collaboration se déroule sans heurts pendant un temps, mais en 1960, Mao décide de faire cavalier seul. Quelques années plus tard, au moment où Neil Armstrong fait ses premiers pas sur la Lune, la Chine est en pleine Révolution culturelle. Alors que Mao cherche à consolider son pouvoir, intellectuels et chercheurs sont harcelés par les gardes
rouges. En conséquence, le Premier ministre Zhou Enlai fait placer le secteur spatial sous protection militaire. Le lancement d’un satellite est devenu le principal objectif — et toute personne se mettant en travers serait considérée comme antipatriote. Le 24 avril 1970, la Chine lance son premier satellite, Dong Fang Hong 1 (“L’Orient est rouge”). Durant ses 20 jours sur orbite, l’engin diffuse l’hymne à la gloire de Mao dont il porte le nom. L’événement fait de la Chine la cinquième puissance spatiale derrière l’Union soviétique, les États-Unis, la France et le Japon, et encourage les Chinois à se concentrer sur un programme de vol spatial habité en 1970. Dix-neuf astronautes sont entraînés dans des conditions draconiennes. Les ressources du programme sont si limitées qu’ils se nourrissent de pain bouilli et œuvrent à l’intérieur de maquettes de vaisseaux faites de bois et de carton, comme le rapporte le spécialiste Philippe Coué dans son livre Shenzhou : Les Chinois dans l’espace. Mais en 1972, alors que la Révolution culturelle bat
Le 15 octobre 2003, Yang Liwei (à gauche) devenait le tout premier “taïkonaute”. Cinq ans plus tard, celui qui officiait en tant que doublure pour son vol, Zhai Zhigang, profitait d’une sortie extravéhiculaire pour agiter le drapeau chinois dans l’espace (à droite). © Xinhua et DR
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son plein, le groupe d’astronautes est finalement dissous par Mao, qui déclare vouloir se concentrer sur ses affaires terrestres avant de se tourner à nouveau vers les étoiles. Le programme est ressuscité peu de temps après que le président américain Ronald Reagan eut rendu publique son initiative de défense stratégique en mars 1983. La Chine voit alors en la science et la technologie des enjeux importants pour le développement du pays. En 1986, après quelques tracasseries bureaucratiques, le gouvernement finit par soutenir un programme de vol habité, mais il faudra attendre que le projet 921 — dont le nom souligne le fait qu’il constitue le premier (“1”) projet majeur de son année de lancement, 1992 (“92”) — soit officiellement approuvé pour qu’il prenne la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. Le soutien de la Russie, qui vend plusieurs de ses technologies à la Chine, permet d’élaborer Shenzhou (“Vaisseau divin”). Entre 1999 et 2002, quatre vols inhabités partent avec succès de
la base de lancement de Jiuquan, dans le désert de Gobi. Dans le plus grand secret, la Chine s’apprête à marcher dans les pas des autres puissances spatiales en envoyant son premier astronaute dans l’espace. Dans la lignée des héros fabriqués par les États-Unis et la Russie, un pilote issu d’un milieu modeste et au parcours exemplaire, Yang Liwei, est choisi pour la mission. Son nom ne sera connu des médias que quelques jours avant son départ. Le matin du 16 octobre 2003, après 14 orbites autour de la Terre, Yang Liwei atterrit sur la steppe herbeuse de la région autonome de Mongolie-Intérieure. Comme l’a plus tard révélé un employé de l’agence de presse nationale Xinhua, le vaisseau Shenzhou 5 souffre de petits défauts techniques et Yang est soumis à une forte pression lors de son atterrissage. Lorsque des ouvriers ouvrent sa capsule, le visage de Yang Liwei est couvert de sang. Pour ne pas entacher ce moment de gloire, il est immédiatement nettoyé et repositionné sur son siège — il apparaît, blême, mais sou-
L’équipage de la mission Shenzhou 9 amarre sa capsule à la station spatiale Tiangong 1, en juin 2012 (ci-dessus). Parmi eux se trouvait notamment la toute première astronaute chinoise, Liu Yang, qui fut suivie de Wang Yaping, un an plus tard (à droite). DR
riant, face aux nombreuses caméras déployées pour l’occasion. La Chine tout entière exulte et devient par la même occasion le troisième pays à envoyer un homme dans l’espace par ses propres moyens. En plus de constituer une étape cruciale pour le programme chinois, l’exploit de Yang Liwei permet de rassurer un pays en besoin de cohésion nationale. Le premier “taïkonaute” fait le tour des médias, parade dans les écoles pour inspirer les plus jeunes et va même jusqu’à pousser la chansonnette avec l’acteur Jackie Chan au Hong Kong Stadium, devant 40 000 personnes qui agitent frénétiquement fleurs et drapeaux rouges. Cette réussite sera la première d’une longue série. Au cours de ces dernières années, la Chine a notamment lancé avec succès des équipages de deux et trois astronautes, célébré sa première sortie extravéhiculaire, avant de mettre sur orbite le laboratoire Tiangong-1 et d’envoyer un rover sur la Lune. Lors d’une conférence de presse en 2016, Wu Yanhua, chef adjoint de la CNSA (3),
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déclarait que l’objectif global du pays était de “faire partie des puissances spatiales majeures à l’horizon 2030”, avant d’insister sur les collaborations prévues par Pékin avec d’autres agences. Celles-ci restent “marginales”, selon Isabelle Sourbès-Verger, directrice de recherche au CNRS et coauteure du livre Un Empire très céleste : la Chine à la conquête de l’espace, mais permettent au pays d’être considéré comme “un acteur comme les autres”. Les raisons de l’accélération de la stratégie spatiale chinoise sont multiples : en dehors du prestige national, cette démonstration de force technologique peut potentiellement bénéficier à la communauté scientifique mondiale et permettre à la Chine de s’affirmer toujours plus en tant que puissance militaire et économique. Dans son livre Beyond : Our Future in Space, l’astronome Chris Impey explique que les suspicions quant aux véritables motivations de la Chine vont toujours bon train dans les sphères politiques américaines. En 2011, le Congrès américain interdisait à la Nasa de collaborer avec la Chine
pour des raisons de sécurité nationale, au grand dam de Charles Bolden, alors administrateur de l’agence. “Le rapport Cox, qui fait office de pierre angulaire à cette interdiction du Congrès, repose sur des assertions dont il a été démontré par plusieurs rapports scientifiques qu’elles étaient exagérées ou fantaisistes, commente Isabelle Sourbès-Verger. Mais pour le Congrès, il est important de ne pas normaliser ses relations avec la Chine et de continuer à la mettre dans la posture de l’adversaire. Au rythme du développement économique actuel de la Chine, on peut concevoir que les Américains cherchent à préserver leurs acquis en restant la première puissance sur le plan militaire, où ils conservent une avance phénoménale. Au final, les enjeux de sécurité dans l’espace sont essentiellement symboliques.” Bien que Pékin ait répété ad nauseam que le pays ne dissimulait aucune velléité guerrière derrière ses envies d’exploration spatiale, la Nasa a toujours l’interdiction de coopérer avec des agences chinoises, et le manque de transparence inhérent au milieu spatial ne favorise pas de rela-
tion de confiance entre les deux pays. Il est encore difficile de se prononcer sur une future coopération entre la Chine et les États-Unis, sachant qu’elle relève toujours littéralement de la science-fiction — en témoigne une scène du film Seul sur Mars, dans laquelle les deux nations s’associent pour une mission de sauvetage. Le directeur de la CNSA, Xu Dazhe, a pour sa part affirmé qu’il percevait cette scène comme un appel du pied de la part des Américains. En décembre 2017, la Chine a publié une feuille de route détaillant ses nombreux objectifs spatiaux jusqu’en 2040 (voir infographie p. 60). Si elle a affirmé ses envies de coopération internationale et déclaré à plusieurs reprises qu’elle n’était pas engagée dans une course à l’espace, la Chine semble quand même en passe de prendre quelques foulées d’avance. Julie Le Baron
(1) California Institute of Technology. (2) Lire C&E n° 547, “L’histoire occulte de la conquête spatiale”, p. 78. (3) China National Space Administration.
En 2013, la Chine envoie son rover Yutu sur la Lune (à gauche) à l’aide d’une fusée porteuse Longue Marche. L’une des variantes de cette famille de lanceurs est la fusée Longue Marche 5 (à droite), dont le premier vol a eu lieu en novembre 2016. © Xinhua
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FEUILLE DE ROUTE
2020
Afin de poursuivre la progression fulgurante de son programme spatial, la Chine s’est fixé de nombreux objectifs pour les décennies à venir, comme en témoignent ces étapes récemment dévoilées par les acteurs du secteur spatial chinois, ainsi que différents observateurs et médias nationaux.
CHANG’E 6 Dans la lignée de Chang’e 5, cette mission sera lancée sur une fusée Longue Marche 5 et permettra également d’étudier des échantillons lunaires.
2018
2019 Chang’e 5
40 LANCEMENTS PRÉVUS En 2017, la Chine a effectué 18 lancements spatiaux sur les 30 qu’elle avait initialement planifiés. Cette année, elle envisage de doubler ce chiffre avec une quarantaine de lancements, ce qui constituerait un record pour le pays — et peut-être même pour le monde entier. Pôle Sud lunaire Cratère Aitken
2020-2030
2020 LONGUES MARCHES Le pays prévoit de mettre en service les fusées Longue Marche 8, Longue Marche 7 et une variation de la Longue Marche 5.
EXPLORATION D’ASTÉROÏDES D’ici 2025, il est prévu qu’une mission d’exploration d’astéroïdes ait été effectuée. L’observatoire de la montagne Pourpre, chargé de son développement, souhaite faire voler une sonde près de l’astéroïde Apophis pour l’étudier, avant d’atterrir sur l’astéroïde 1996FG3.
2022 CHANG’E 5 Décalée après à l’échec de lancement d’une fusée Longue Marche 5 en juillet 2017, cette mission de retour d’échantillons du sol lunaire constitue la troisième et dernière étape du programme chinois d’exploration de la Lune. L’objectif est de rapporter 2 kg d’échantillons sur Terre, ce qui pourrait notamment permettre d’en savoir plus sur les origines de l’activité volcanique lunaire et d’ouvrir la voie à des missions plus ambitieuses.
2018
2019
CHANG’E 4 Après avoir lancé le rover Yutu (“Lapin de jade”) avec succès en 2013, la Chine espère réaliser une première mondiale en explorant la face cachée de la Lune. Dans le cadre de cette mission, une sonde spatiale et un rover seront lancés, possiblement sur le bassin Pôle Sud-Aitken.
LANCEMENT D’UN SATELLITE CBERS Suite à la signature d’un accord en 1988, la Chine a lancé cinq satellites de télédétection CBERS (pour “ChinaBrazil Earth Resources Satellite”), conçus conjointement avec le Brésil. Il est prévu que le sixième soit lancé sur une fusée Longue Marche 4B.
LM 5
LM 7
LM 8
2020 OBJECTIF MARS Sur les pas des missions américaines et européennes Mars 2020 et Exomars 2020, cette mission a pour objectif final de déployer un rover sur la planète rouge.
2020 2020 LANCEMENT DU MODULE TIANHE-1 Achevé en 2017, Tianhe-1 est le module central de la station spatiale chinoise. Deux autres modules, Wentian et Mengtian, devraient être lancés dans les années qui suivent.
MISE EN SERVICE DE LA STATION SPATIALE CHINOISE Après les lancements des deux laboratoires spatiaux Tiangong (“Palais céleste”) en 2011 et 2016, la Chine devrait être en mesure de mettre en service sa station spatiale en orbite basse. Elle sera composée de trois modules de 20 tonnes — ce qui représente à peu près un cinquième de la masse de l’ISS. Il est prévu que trois astronautes l’habitent de manière permanente, pour des missions allant de trois à six mois.
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2025-2030
2060
2050
DES ROBOTS ET DES HOMMES SUR LA LUNE En 2017, la Chine a annoncé un projet de mission lunaire habitée, qui devrait se concrétiser dans les années 2030. Avant cela, elle prévoit de construire une base sur la Lune, qui sera dans un premier temps contrôlée par des robots et permettra une exploration plus efficace.
2040
2040 2030
Uranus
2025 LANCEMENT D’UN AVION SPATIAL RÉUTILISABLE Après un lancement initialement prévu en 2020, la Chine devrait lancer l’avion spatial réutilisable dont elle parle depuis quelques mois — l’objectif étant notamment de réduire les coûts de lancement et de développer le secteur du tourisme spatial.
LM 9
2028 LONGUE MARCHE 9 Le premier vol de la fusée Longue Marche 9 est prévu en anticipation de la mission lunaire habitée. La production du lanceur est toujours à l’étude, mais il devrait faire 10 m de diamètre et être capable de lancer plus de 100 tonnes.
Fin de la décennie MARS À L’ÉTUDE Pour l’heure, aucune puissance spatiale n’a pu parvenir à concrétiser une mission de retour d’échantillons martiens. Si le lanceur Longue Marche 9 est un succès, la Chine devrait pouvoir être en mesure de lancer celle qu’elle a prévue — ce qui permettrait d’étudier plus précisément la géologie de la planète rouge.
Mars
DÉVELOPPEMENT D’UNE NAVETTE SPATIALE À PROPULSION NUCLÉAIRE Si peu de détails sont connus de ce projet dévoilé en 2017, la Chine a néanmoins dit qu’il jouera un rôle important dans l’exploration spatiale et le développement de ses ressources, et permettra à terme la construction d’une centrale solaire spatiale.
2036-2046
2040-2060
DES ORBITEURS SUR JUPITER ET URANUS En 2017, l’agence spatiale chinoise a annoncé son désir d’explorer le reste du Système solaire, avec l’envoi d’un orbiteur autour de Jupiter en 2036. La mission se focalisera notamment sur son satellite Ganymède. Une mission analogue sur Uranus est prévue dix ans plus tard.
MISSIONS HABITÉES SUR MARS À supposer que les missions non habitées de la Chine se déroulent sans anicroche, des astronautes pourraient atterrir sur Mars dans un futur plus lointain. En amont de cette mission, la Chine a notamment participé à l’étude Mars 500 avec la Russie et l’Europe — six membres d’équipage ont ainsi été isolés sur une installation expérimentale pendant 520 jours.
Sources : CASC / Global Times / Xinhua / China Daily
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PNA 2018 : TERRE ET CIEL À L’ÉQUILIBRE La quatrième édition des Photo Nightscape Awards fait la part belle à l’image sensible.
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STEPHAN LIEBERMANN
DEAD VLEI L’Allemand Stefan Liebermann remporte le 1er prix de la catégorie “Paysage de nuit” avec cette image réalisée en Namibie, dans le parc national de Namib-Naukluft. Au premier plan, les arbres morts de Dead Vlei sont auréolés par l’arche de la Voie lactée, qui semble flotter sur les dunes de sable du désert.
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PAUL ZIZKA
CHECK MY DREAM
CLAUDIA SOLTER
OUT OF THE BLUE
THE RENARDO LEGACY
THE LITTLE CHAPEL
Le Canadien Paul Zizka a photographié le ciel dans un tunnel au sein du glacier Skaftafell, au sud de l’Islande. Jesse Milner est alors en pleine ascension. Son image remporte le 2e prix de la catégorie “Paysage de nuit”.
Les photos d’aurores polaires ont été peu récompensées lors de cette édition des PNA. Mais le jury n’est pas resté insensible à cette vue de la plage de Flakstad, dans l’archipel norvégien des Lofoten, où les reflets verdâtres de l’aurore boréale créent une ambiance mystique, envoûtante…
Le 1er prix de la catégorie “En ville”, décerné à l’Allemande Claudia Sölter, est en fait la combinaison de deux clichés. Le ciel d’été, au sein duquel on discerne la Voie lactée, a été photographié le 20 août 2017. Quant à la chapelle, située près de Francfort, en Allemagne, elle a été captée durant la nuit de Noël.
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MICAH ADAMS
PEACEFUL DESERT NIGHT Sur ce cliché de l’Américain Micah Adams le 27 mai 2017, le point est fait sur le cactus de premier plan. Le désert et le ciel, floutés, contribuent à l’aspect féérique de l’image.
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es résultats des Photo Nightscape Awards (PNA), prix récompensant les meilleures images de ciel et de paysage de nuit, sont tombés (1). Cette année encore, la sensibilité artistique du jury a primé sur la technique des compétiteurs. Et une tendance se précise : les proportions de paysage et de ciel nocturne tendent à s’équilibrer. Les PNA ne sont pas un prix astrophotographique. Depuis sa création en 2014, allier le paysage à la voûte céleste fait partie de la consigne. Pourtant, ce n’est que récemment que le paysage tient une place de premier plan sur les photographies proposées au jury. “C’est seulement depuis 2017 que l’équilibre terre-ciel se concrétise sur les photos que l’on reçoit”, révèle Franck Seguin, créateur et directeur artistique des PNA. Quatre catégories composent les PNA depuis sa création : “Paysage de nuit” (Nightscape), “En ville” (In town), “Timelapse” et “Junior” (moins de 18 ans). Une catégorie supplémentaire récompense cette année la prise de vue et la technique : le “prix du président”. Les raisons de l’équilibre paysage et ciel de nuit de plus en plus marqué sont multiples. D’une part, le jury du PNA est composé à majorité de rédacteurs photo, peu de photographes. “Avec un tel jury, c’est la lecture de la photo qui prime, ce qu’elle raconte, plus que la prise de vue ou la technique”, explique Franck Seguin. Un des photographes ayant participé à toutes les éditions du PNA et vainqueur de la catégorie “En ville” en 2015, Philippe Jacquot, parle même d’effet de mode. “Avant, on prenait la Voie lactée, les planètes,
sans vraiment prendre en considération le paysage, concèdet-il. Maintenant, l’avant-plan est plus travaillé, plus mis en valeur.” Le 1er prix de la catégorie “Paysage de nuit”de Stefan Lieberman en est un parfait exemple. Et celle ayant remporté le 2e prix de cette même catégorie, prise dans un glacier islandais par Paul Zizka, met même bien plus en avant le tunnel de glace du premier plan que le ciel étoilé. D’autre part, la qualité de l’instrumentation a beaucoup progressé. Elle permet aujourd’hui de réaliser de très beaux clichés mettant en valeur à la fois le paysage et le ciel. “Avant, quand on voulait éclairer un paysage de nuit pour le prendre en photo, on utilisait l’éclairage de la Lune”, explique Philippe Jacquot. Dorénavant, avec une simple lampe torche, il est possible de réaliser des clichés de qualité. “La sensibilité des capteurs permet d’obtenir des photos plus détaillées et un temps très court !” Mais photographier des paysages de nuit n’est pas simple pour autant. L’évolution de l’instrumentation permet certes de prendre des clichés de meilleure qualité, et le prix des appareils devient de plus en plus accessible, mais la photographie reste un art. “Cela ne s’improvise pas. Il y a un vrai travail de prise de vue et de composition d’image qui demande d’avoir l’œil”, précise Philippe Jacquot. Toujours est-il que grâce à un concours tel que les PNA, la photographie de paysage de nuit se démocratise. Cette année, ce sont 353 clichés qui ont été retenus pour la compétition. Clément Plantureux
(1) www.photonightscapeawards.com
RÉMI BOUCHER
RÊVE D’UN VOYAGE CÉLESTE Premier prix de la catégorie “Junior”, Rémi Boucher a dû prendre trois clichés pour réaliser sa photographie aux abords d’une voie ferrée. Le personnage au premier plan, presque transparent, tente d’atteindre le ciel en frôlant du doigt la traînée lumineuse laissée par une étoile filante, le 24 février.
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PETITS MEURTRES ENTRE ASTRONAUTES Un astronaute italien tue son collègue français dans le module russe de la station spatiale internationale. Que fait-on ?
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e 4 février 2007, sept mois après sa mission sur la navette Discovery, l’astronaute américaine Lisa Nowak quitte Houston en voiture. Dans le coffre de sa BMW, une perruque brune, un trench-coat, une bombe lacrymogène, une corde, un couteau, des sacs poubelle, un pistolet et des munitions. Pendant deux mois, elle a scrupuleusement espionné Colleen Shipman, capitaine de l’armée de l’air qui fréquente l’homme dont elle est follement éprise : le pilote William Oefelein, son coéquipier à bord de Discovery, avec qui elle a entretenu une liaison de deux ans et pour lequel elle a quitté son mari. Après un trajet de 1 400 km, elle arrive à l’aéroport d’Orlando et suit discrètement Shipman, qui vient de descendre de son avion, jusqu’à sa voiture. Après avoir revêtu son déguisement, elle toque à la vitre de sa rivale. Lorsque Shipman baisse sa vitre, elle est aspergée de gaz lacrymogène, mais elle parvient tout de même à s’enfuir. Selon la police d’Orlando, Nowak avait l’intention de la kidnapper et de l’assassiner à l’abri des regards. Elle sera inculpée pour tentative de meurtre et licenciée par la Nasa, avant de plaider coupable pour des charges moins graves et d’être libérée sous caution. Ce fait divers montre que personne, pas même une mère aimante et une astronaute brillante, n’est à l’abri de commettre l’irréparable. Sur Terre, on sait comment la justice détermine la sanction d’un criminel. Mais qu’en aurait-il été dans l’espace ? L’affaire Nowak a fait grand bruit dans la presse et suscité un vent de panique à la Nasa, dont les critères de recrutement ont été publiquement Être dans l’espace ne place pas les astronautes au-dessus des lois. Illustration : © Nasa/O. Hodasava
remis en cause. À l’époque, l’administrateur de l’agence, Michael Griffin, a demandé au directeur du centre spatial Johnson de “revoir les examens psychologiques utilisés pour sélectionner les astronautes, ainsi que les procédures de suivi de [leur] santé mentale et physique”. Dans son ar ticle “Crimes in Space…” (1), Julian Hermida, professeur de droit à l’université d’Algoma, rappelle que l’isolement auquel les astronautes sont soumis en mission, au même titre que l’environnement hostile dans lequel ils évoluent, peut entraîner des séquelles psychologiques. Il cite l’exemple d’un test mené par le Russian Institute of Biomedical Problems en 1998, pour lequel l’aspirante astronaute canadienne Judith Lapierre a cohabité avec sept hommes de nationalité russe, autrichienne et japonaise à bord d’une réplique de la station Mir. Après cette expérience de quatre mois, Lapierre a rapporté que le commandant de la mission, Vasily Lukyanyuk, l’avait embrassée de force à l’écart des caméras de surveillance, peu de temps après s’être battu avec l’un de ses compatriotes. Un troisième astronaute russe a même décidé de cacher les couteaux de la cuisine, de peur que les deux protagonistes ne concrétisent leurs menaces de mort. Ce type de comportement n’a heureusement jamais été recensé en orbite. Mais si un passager de l’ISS affichait une volonté de nuire au reste de l’équipage, les consignes pour le maîtriser existent. Dans l’International Space Station Integrated Medical Group Medical Checklist (2), figure un passage concernant les potentielles urgences “comportementales”. Les astronautes y ont pour instruction d’attacher le fauteur de trouble à l’aide de ruban adhésif et de cordes élastiques, avant de lui administrer des tranquillisants.
En 2007, le porte-parole de la Nasa James Hartsfield déclarait à l’Associated Press qu’il serait du ressort d’un médecin de vol basé sur Terre et du commandant de bord de déterminer s’il faut mettre fin à la mission.
ET LE CORPS ? Mais les astronautes ne sont pas nécessairement tous préparés à la mort, qu’elle soit accidentelle ou non — comme en atteste le trouble du Français Thomas Pesquet lorsqu’un enfant lui a posé la question “Si quelqu’un meurt, que faites-vous du corps ?” durant son séjour à bord de l’ISS. Au vu de la courte durée des missions spatiales, de la santé optimale des astronautes, de la sécurité renforcée et donc du caractère hautement improbable d’une telle situation, la Nasa n’a pas établi de protocole à ce sujet. Dans un premier temps, il reviendrait au commandant de la station de décider du sort du cadavre. “Si quelqu’un mourait, par exemple lors d’une sortie extravéhiculaire, je l’amènerais tout d’abord dans le sas, a expliqué le Canadien Chris Hadfield au site Popular Science. Je le laisserais dans sa combinaison pressurisée afin de nous épargner l’odeur des gaz expulsés par le corps et de sa chair en décomposition. Ensuite, je le placerais dans un endroit froid, quelque part dans la station.” En dehors des mesures prévues pour empêcher et contrôler de multiples événements moins problématiques qu’un meurtre, se pose aussi la question des armes qui seraient à la disposition de l’équipage. À en croire Richard Garriott, fils d’astronaute et concepteur de jeux vidéo qui a déboursé une trentaine de millions de dollars pour partir à bord du vol Soyouz TMA-13, les armes potentielles ne manquent pas sur l’ISS. Sur le site
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collaboratif Quora (3), il rappelle que les Russes ont disposé pendant plusieurs années d’un kit de survie comportant un pistolet TP-82, afin d’être en mesure de se défendre contre des prédateurs lors de leur atterrissage en Sibérie. “Ce pistolet n’est plus apporté à bord, car il est désormais considéré comme inutile. Mais les moyens de blesser un autre astronaute sont nombreux ! Certaines parties de l’ISS sont suffisamment fines pour que quelqu’un y plante un tournevis, s’il en ressent l’envie.”
UN ESPACE JURIDIQUE Le scénario d’un meurtre à bord de l’ISS, aussi fantaisiste puisse-t-il paraître, reste tout à fait analysable sur le plan judiciaire. “L’espace n’est pas nouveau sur le plan juridique, et des règles s’y appliquent”, résume Armel Kerrest, président de l’Association pour le développement du droit de l’espace en France. En 1958, alors que les États-Unis et l’Union soviétique se disputaient la course à l’espace, le Comité des Nations unies pour l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique a été mis en place. Parmi les accords et traités dont il contrôle la mise en œuvre se trouve le Traité de l’espace de 1967 — dont l’article VIII précise : “L’État partie au Traité sur le registre duquel est inscrit un objet lancé dans l’espace extra-atmosphérique conservera sous sa juridiction et son contrôle ledit objet et tout le personnel dudit objet, alors qu’ils se trouvent dans l’espace extra-atmosphérique ou sur un corps céleste.” En tant qu’envoyés de l’humanité tout entière, les astronautes sont ainsi protégés par les États parties au Traité, qui doivent leur porter assistance en cas de problème. Suite à la ratification du traité, l’accord sur le retour et le sauvetage des
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astronautes de 1968 est né. Comme le souligne Armel Kerrest, il a été rédigé en contexte de guerre froide, alors que Soviétiques et Américains nourrissaient l’inquiétude que l’un de leurs astronautes soit considéré comme un espion s’il retombait sur le territoire de l’autre. Pour le cas précis de l’ISS, il existe un code de conduite pour les astronautes (4), ainsi qu’un Accord intergouvernemental (IGA), signé en 1988 par le Canada, les États membres de l’ESA, le Japon, la Russie et les États-Unis, puis révisé en 1998. L’article 22 de cet accord stipule que chaque partenaire peut “exercer sa juridiction pénale sur les personnels dans ou sur tout élément de vol où sont ses ressortissants” — mais dans le cas où une infraction mettrait en péril la vie ou la sécurité de l’équipage, un État peut étendre sa juridiction à “d’autres personnes que leurs nationaux et même en dehors de leur élément national”. Ainsi, chaque partenaire devra faciliter l’extradition de l’auteur d’une infraction et, selon ses propres lois et régulations nationales, assister judiciairement les autres États. Admettons que, dans l’ISS, un Italien tue un Français. À son retour sur Terre, l’astronaute peut en premier lieu être jugé en fonction de la loi italienne. “La loi pénale s’applique également dans les endroits internationaux, compare Armel Kerrest. Si un enfant naît sur un paquebot français qui vogue sur les eaux internationales, il naît sur le territoire français. Il y a une extension de la territorialité par la nationalité.” Mais l’ISS a la particularité d’être internationale, ce qui complique la situation : “On ne peut pas appliquer la loi du pavillon, puisqu’il en existe plusieurs et que chacun des modules est immatriculé auprès de son
fournisseur. Un accord particulier a donc été établi pour la station : le droit national de l’auteur de l’acte s’applique, mais éventuellement aussi celui de la victime. La France serait en droit d’exercer sa juridiction si elle n’était pas satisfaite de la manière dont l’affaire est traitée par l’Italie”, poursuit Armel Kerrest. L’IGA ne concerne pour l’heure que les États partenaires. “Le problème s’est posé avec le touriste sud-africain Mark Shuttleworth. S’il avait tué une astronaute canadienne dans un module japonais lors de son séjour sur l’ISS, le droit de la victime ou de celui de l’État du module où le crime aurait été perpétré serait appliqué”, explique Armel Kerrest. En dépit de tous ces accords internationaux, il y a fort à parier que le jour où ils seraient invoqués suite à un drame, ils se trouveraient confrontés à des intérêts politiques, diplomatiques et médiatiques qui rendraient assez complexe leur simple application à la lettre.
VOYAGES EXPRESS À l’heure où agences gouvernementales et compagnies privées rêvent de développer le tourisme spatial, on peut se demander comment ce type d’accords évoluera. Le sous-comité juridique du Bureau des affaires spatiales des Nations Unies, qui a pour mission d’étendre le droit international au rythme du développement des activités dans l’espace, est encore loin de tergiverser sur de tels cas de figure. Lors de sa réunion annuelle, à Vienne en mars 2017, les thèmes abordés relevaient plutôt de l’exploitation minière des astéroïdes et des corps célestes. Il faut dire que, pour l’heure, seuls sept riches touristes ont pu embarquer à bord de l’ISS pour des trajets d’environ une semaine.
Dans la station, c’est d’abord la législation nationale de l’auteur du crime qui s’applique. Illustration : © Nasa/O. Hodasava
Parallèlement, les vols prévus par des compagnies privées comme Virgin Galactic auront une durée limitée. Il est ainsi peu probable que l’acteur américain Leonardo DiCaprio, qui a fait l’acquisition de son ticket il y a quelques années, soit en mesure d’abattre l’un de ses coéquipiers en l’espace de quelques heures. “Le tourisme spatial, tel qu’il est envisagé pour le moment, n’est rien de plus que des montagnes russes un peu améliorées, et les éventuels problèmes juridiques liés à ces petits bonds en orbite sont natio-
naux”, estime Armel Kerrest. Mais dans un futur bien plus éloigné, dans l’hypothèse d’une colonie humaine dans l’espace, ces questions devront nécessairement être prises en considération. Si le “village lunaire” de l’ESA voit le jour, il pourrait, selon Armel Kerrest, “s’inspirer d’une correspondance historique assez simple : celles des colonies espagnoles dans le Nouveau Monde, qui ont appliqué leur droit pendant un temps, jusqu’à ce qu’elles deviennent sujettes au droit international”. Dans un avenir toujours plus lointain, Christopher J. Newman, professeur en droit spatial à l’université de Sunderland, estime que l’approche de la justice criminelle appliquée au
sein de l’ISS ne se révélera pas satisfaisante dans l’hypothèse d’une mission interplanétaire à très longue durée. Lorsque les différentes nations spatiales concrétiseront leur désir de s’aventurer là où aucun être humain n’est jamais allé, il leur faudra avoir quelques juristes sous la main. Julie Le Baron
(1) Crimes in Space: A Legal and Criminological Approach to Criminal Acts in Outer Space, Julian Hermida, 2004. www.julianhermida.com/ dossier/dossiercrimmcgill.pdf (2) www.nasa.gov/centers/johnson/ pdf/163533main_ISS_Med_CL.pdf (3) www.quora.com/Are-thereweapons-aboard-the-ISS (4) www.law.cornell.edu/cfr/text/14/1214.403
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REPORTAGE AU VERY LARGE TELESCOPE
L’AUBE D’UNE ASTRONOMIE XXL Depuis vingt ans, l’observatoire du VLT demeure à la pointe de la recherche mondiale. Une suprématie due à des instruments sans cesse innovants et à un site exceptionnel, le désert chilien de l’Atacama, où le rejoindront bientôt les futurs géants de l’astronomie.
Les télescopes de 8,2 m du VLT, dont on voit ici deux des coupoles, seront bientôt rejoints sous le ciel le plus pur du monde par l’ELT de 39 m ou l’observatoire CTA. D’ici 2020, le Chili concentrera 70 % des infrastructures astronomiques de la planète. © E. Martin/C&E
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En vingt ans, Gerhard Hudepohl a vu s’ériger les coupoles du VLT et les performances du géant constamment s’améliorer. Photos : © E. Martin/C&E
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l y a la Silicon Valley, en Californie, il y aura la Photon Valley, au Chili. Nous œuvrons pour que cette zone soit officiellement reconnue comme la région du monde où l’on capte le plus de lumière en provenance de l’Univers.” Le site dont parle Fernando Cameron, le représentant de l’Observatoire européen austral (ESO) au Chili, c’est un morceau de Terre aride coiffé d’un ciel cristallin, qui s’étend sur 1000 km du sud au nord, en plein désert d’Atacama (voir carte p. 80). D’ici à 2020, elle concentrera 70 % des infrastructures astronomiques de la planète, “dont la plupart seront situées ici, au mont Paranal, et juste à côté, sur le mont Armazones, où l’on construit l’Extremely Large Telescope (ELT)”, précise Fernando Cameron. Dès Antofagasta, ville côtière aux portes de l’Atacama, 135 km plus au
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nord, la rareté du végétal frappe déjà. Faites fi du soleil écrasant, du vent qui dessèche encore plus vos yeux et vos lèvres, et grimpez au sommet du cerro (mont) Paranal. Figure de proue de la future Photon Valley, l’observatoire est perché à 2 635 m d’altitude. Là, tels des colosses, les quatre coupoles argentées du VLT (Very Large Telescope) dominent les fauves ondulations du désert. Le quatuor de télescopes de 8,2 m célèbre aujourd’hui ses vingt ans. Prodige de la génération des géants à l’aube du millénaire, le VLT a su non seulement tenir son rang au fil du temps, mais aussi gagner en puissance. Il faut dire que, telle une écurie de F1 au chevet de son bolide, astronomes et techniciens entourant le VLT veillent à ce que son champion mène
toujours la course en tête. En particulier, ceux qui l’ont vu naître. Lorsque le VLT capte ses premiers photons venus du ciel, en mai 1998, Gerhard Hüdepohl est ingénieur au Paranal depuis deux ans. Sa mission : tester tous les systèmes électroniques, résoudre le moindre bug, pour que l’accouchement de l’engin à 330 millions d’euros se déroule sans accroc. “Pour accompagner l’ouverture de la coupole, et ajouter à la dramaturgie, nous avions choisi une musique de moines tibétains, c’était très chargé en émotions !” se souvient l’ingénieur allemand. Si majestueux soit-il, le VLT n’est pas le premier de sa génération. Érigés au sommet du Mauna Kea (4145 m), à Hawaï, les deux Keck de 10 m de diamètre chacun scrutent déjà l’Univers depuis 1993 et 1996. C’est vrai
L’ESO ne cesse de déployer ses bijoux astronomiques au nord du désert d’Atacama, sur des terrains cédés par le gouvernement chilien. Derrière les quatre télescopes Speculoos, on aperçoit un sommet aplati. C’est là que l’institution européenne construit l’ELT, un monstre de 39 m de diamètre.
qu’en astronomie, les Américains sont coutumiers de la première marche du podium : avant le Keck, tour à tour le 2,5 m du mont Wilson, puis le 5 m du mont Palomar ont été les plus grands télescopes du monde.
MONTÉE EN PUISSANCE Mais avec le VLT, les États-Unis ont un compétiteur plus sérieux que jamais : “Dès le départ, l’ESO avait prévu une montée en puissance avec la mise en service successive de plusieurs générations d’instruments, raconte Gerhard Hüdepohl. Par ailleurs, l’ensemble a été conçu de sorte que ses quatre réflecteurs puissent fonctionner de concert pour constituer un télescope virtuel dont le diamètre peut atteindre 200 m, le VLTI (Very Large Telescope Interferometer). Et dans mon équipe, nous sommes constamment
à l’affût des meilleures solutions techniques afin que, malgré ses 20 ans, le VLT demeure à la pointe de la technologie.” Aujourd’hui, l’ingénieur allemand, allure sportive, yeux bleus perçants et cheveux blancs, est devenu directeur de l’électronique au Paranal. Pour nous, en ce début d’été austral, il rejoue le ballet qu’il a tant de fois donné ces deux dernières décennies : l’ouverture des coupoles à la nuit. Dans l’antre de Melipal, l’un des quatre géants du VLT (1), il se tient debout, casque de chantier sur la tête. À son ordre au talkie-walkie, la cathédrale d’acier pivote en même temps que bascule le colosse de verre qu’il abrite. Plusieurs tonnes se meuvent, sans le moindre à-coup ni le moindre grincement. À 20 h 10, tout est en position : le dôme s’ouvre, laissant
apparaître un segment de ciel bleu foncé que le Soleil vient de quitter. Aux astronomes de jouer. 22 h 30. Salle de contrôle. Écrans colorés de g raphiques, canapés confortables, et café chaud à volonté. Les discussions sont animées. Ce soir, on teste Matisse, l’un des instruments de seconde génération qui équipent les réflecteurs de 8,2 m. Sensible à l’infrarouge et nourri d’une débauche de lumière collectée par le VLTI, Matisse doit, entre autres prouesses, ausculter les cocons de gaz et de poussières entourant les jeunes étoiles afin d’assister, avec un niveau de détails sans précédent, à la naissance de planètes. À la manœuvre : le Néerlandais Willem de Wit, astronome résident au Paranal depuis 2010, spécialiste de la formation des étoiles. Et fier de
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Cerro Paranal (VLT)
La Silla Cerro Tololo
© ESO/J. Clolosimo
VLT
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VLTI
Alma Cerro Armazones (ELT)
Las Campanas
Paranal
Cerro Pachon
quatre réflecteurs de 8,2 m pourront leur être associés. Outre Matisse, d’autres instruments de deuxième génération équipent les géants du Paranal. Le 13 février 2018, Espresso, conçu pour détecter des Terre dans la zone habitable de leur étoile, a pour la première fois utilisé la lumière issue des quatre colosses. Avant lui, Gravity, dont la
Mis en service entre 1998 et 2001, les quatre télescopes du VLT restent à la pointe de l’astronomie grâce aux instruments de nouvelle génération couplés à leur optique de 8,2 m de diamètre.
© J.-L. Dauvergne/C&E
LA “PHOTON VALLEY”
Le 5 mars 2018, quelques semaines après cette soirée de test, Matisse a réalisé sa toute première observation, sa “première lumière” dit-on dans le jargon, sur l’étoile Bételgeuse. Cette fois-ci, seules les unités auxiliaires — les quatre télescopes de 1,8 m de diamètre qui permettent de moduler la taille virtuelle du VLTI — ont été couplées. Mais bientôt, les
Le VST (VLT Survey Telescope) est un télescope de 2,6 m doté d’OmegaCam, une caméra à très grand champ de 268 millions de pixels ! Depuis 2011, il repère des cibles pour le VLT dans le domaine visible.
© ESO/G. Lombardi
son observatoire : “C’est toujours aussi exaltant de travailler avec le VLT, en dépit de ses 20 ans. D’ailleurs, il est de plus en plus sollicité par la communauté internationale. Tout le monde veut venir observer ici ! Il faut dire que l’ESO fonctionne sur un modèle remarquable : quinze États membres, c’est potentiellement beaucoup d’argent pour innover, concevoir des instruments toujours plus performants...”
VST
Depuis 2006, quatre télescopes de 1,8 m ont rejoint le VLT pour former le VLTI (Very Large Telescope Interferometer) en combinant leurs faisceaux lumineux (jusqu’à quatre simultanément) et gagner en sensibilité.
surtout pas Muse, souligne Willem de Wit. Dédié à l’observation des galaxies, il fonctionne avec un seul 8,2 m, Yepun. Mais il est doté d’une merveille de technologie : une optique adaptative, un système qui permet de compenser en temps réel les turbulences de l’atmosphère. Nommé Galacsi, ce système envoie quatre faisceaux laser vers le ciel. Ceux-ci excitent les atomes de sodium, qui se mettent à
© G. Hüdepohl/ESO
Avec son miroir de 4,1 m, Vista est le plus grand télescope de surveillance du ciel dans l’infrarouge. En 2020, il recevra un nouveau spectrographe, 4Most, capable de suivre 2 400 cibles en même temps.
briller et créent ainsi quatre étoiles artificielles. Mesurer leur scintillement permet d’estimer le niveau de turbulence et de corriger celle-ci en déformant très légèrement le miroir secondaire du télescope.” Fin 2017, Muse débusquait 72 galaxies jusqu’alors inconnues et pourtant situées dans le célèbre Hubble Ultra Deep Field, un champ de galaxies très lointaines photographié
Depuis fin 2017, les quatre “1 m” de Speculoos traquent les exoplanètes autour des naines rouges. Ce projet de l’université de Liège s’est déjà illustré avec la découverte du système Trappist-1 et de sept planètes.
© H. Zodet/ESO
vocation est de mesurer des mouvements stellaires avec une grande finesse (comparable au fait de distinguer depuis la Terre une pièce de 1 € sur la Lune), a reçu le quadruple jet de lumière du VLTI. Il a ainsi épié avec une précision diabolique l’étoile S2, qui gravite autour du trou noir central de la Voie lactée. “Dans la collection des nouveaux instruments, n’oublions
ELT © J.-L. Dauvergne/C&E
CTA
SPECULOOS
À partir de 2022, les 99 télescopes du CTA (Cherenkov Telescope Array) épieront les gerbes de lumière bleue créées par l’entrée dans l’atmosphère des particules de haute énergie.
À 30 km du VLT, le cerro Armazones va accueillir le plus grand télescope optique du monde : l’ELT, de 39 m de diamètre. Il sera piloté depuis l’observatoire du Paranal. Première lumière en 2024.
© ESO/L. Calçada/Ace Consortium
© CTA
VISTA
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par le télescope spatial. Le VLT marque alors les esprits en surpassant Hubble. “C’est monté à 18 m/s. Plus le choix, il faut fermer !” Il suffit de sortir de la salle de contrôle feutrée pour comprendre la décision de Fernando Selman, le technicien de nuit : dehors, sous une voûte noir et diamants, le vent gifle le visage. Pas de quoi faire trembler les spectaculaires lasers qui émanent de Yepun. Mais au-delà de 65 km/h, il menace l’intégrité des télescopes. Il est 22 h au Paranal : en une émouvante chorégraphie, les coupoles se referment. Café aidant, les astronomes patienteront quelques heures avant que le vent ne s’apaise et que le virtuose qu’ils ont réservé depuis des mois se remette à observer.
SPECULOOS OU ELT Lendemain, 9 h. La lumière est déjà drue sur le désert. Reflex en bandoulière, Gerhard Hüdepohl s’approche de quatre petites coupoles flambant neuves, étincelantes dans la poussière : les Speculoos. Opérationnels depuis décembre 2017, ces télescopes belges de 1 m de diamètre ont pour mission de traquer les Terres habitables autour d’étoiles froides. Mais ce matin, Gerhard n’est pas là pour eux. Il est à l’affût de fleurs, braves petites touffes rosées qui s’épanouissent même dans l’extrême aridité de l’Atacama. L’image qu’il en fera viendra compléter le remarquable portfolio qu’il a assemblé en vingt ans de pérégrinations dans la région (2). Face aux Speculoos, loin sur l’horizon est, un mont arasé détonne au milieu des courbes dorées. C’est le cerro Armazones, site de l’ELT. Comme le VLT en son temps, ce futur titan ne sera pas le premier de la génération de 20 m et plus. Plus au sud, à l’observatoire de Las Campanas, le Giant Magellan Telescope de 24 m de diamètre, prin82
cipalement américain, devrait être prêt avant lui (lire C&E n° 558). 2023 contre 2024. Mais l’ELT européen sera largement plus grand : 39 m ! Statut des opérations ? Optimal, promet Fernando Cameron : “Nous sommes à l’heure sur le planning, les 1,2 milliard d’euros de budget sont sur la table, 90 % des marchés sont alloués et huit instruments sont déjà en conception.” En janvier 2018, le premier segment de miroir a été coulé. Mais du chantier au sommet, nous ne verrons rien. “Il est pour l’heure interdit d’accès, même aux personnels ESO !” regrette Gerhard Hüdepohl. Puis, pointant son doigt vers le sud : “À quelques kilomètres là-bas, un autre projet excitant se prépare : celui du CTA [Cherenkov Telescope Array].” Sur un site formant un triangle avec Paranal et Armazones, 99 antennes de 4 m de diamètre fleuriront bientôt pour constituer le plus puissant observatoire du ciel gamma. Objectif : déterminer quels violents phénomènes cosmiques sont à l’origine de ces rayonnements ultra-énergétiques. “La signature finale pour l’installation du CTA ici, dans le giron de l’ESO, est imminente”, assure Fernando Cameron. C’est l’heure du déjeuner. Le Soleil s’abat sur la residencia, long navire couleur désert, lieu de vie des astronomes si photogénique qu’il servit de décor à James Bond dans Quantum of Solace. À l’intérieur, une odeur de peinture gâte la volupté du lieu : au milieu des palmiers, bananiers, bougainvilliers, havre tropical en territoire aride, la piscine est en réfection. Le restaurant, lui, est quasi bondé, bien que certains dorment encore pour récupérer de leur nuit de veille. “Quelque 180 résidents logent ici de façon pérenne, et nous recevons 2 500 demandes d’observation par an du monde entier. C’est cinq fois plus que ce que l’on peut offrir,
Conçue par les architectes allemands Auer+Weber, la résidence des astronomes se fond dans le paysage ocre de l’Atacama. Sa surface est de 10 000 m2 et pourtant, elle est désormais trop petite pour accueillir les astronomes toujours plus nombreux au cerro Paranal. Une extension devrait être construite.
Le Néerlandais Willem de Wit, l’un des astronomes résidents de l’observatoire, pose devant le jardin tropical de la Residencia. “C’est exaltant de travailler avec le VLT”, s’enthousiasme ce spécialiste de la formation stellaire. Photos : © E. MartinC&E
et ce nombre est en constante augmentation, affirme Fernando Cameron. Nous sommes de plus en plus souvent au maximum de notre capacité d’hébergement.” Parfois même, il faut mobiliser la “résidence Bond”, des Algeco érigés pour le tournage, et laissés sur place depuis.
LA RANÇON DU SUCCÈS Avec les géants en devenir, la tendance n’est pas près de s’inverser. “Au moment de la conception de la residencia, il a fallu estimer en avance la popularité du VLT. Nous avions prévu grand, mais nous étions en dessous de la réalité. Et à l’époque, personne n’avait pensé au CTA ou à l’ELT... Pour répondre à la considérable demande qui s’annonce, nous allons construire une extension”, indique Fernando Cameron. À moins que le noir profond du ciel ne pâlisse ? Pour se rendre au Paranal depuis Antofagasta, il faut traverser La Negra, vaste complexe industriel établi par l’exploitant de cuivre Altonorte et le cimentier Inacesa. Répartis de part et d’autre de la route 28, juste avant de piquer à droite sur la panaméricaine, usines, stations essence, parkings et conteneurs se succèdent. Apparu en 1998, au même moment que le VLT, le site est en plein essor. Ses lumières aussi. “La pollution lumineuse, c’est un sujet brûlant ici, où éclairage et sécurité sont volontiers associés, admet Fernando Cameron. Des lois nous protègent, mais nous allons tout de même entreprendre un travail de pédagogie et de communication pour que les Atacamiens, culturellement très attachés à leur ciel nocturne, continuent de le préserver.” Et que Paranal demeure l’emblème tant courtisé de la Photon Valley. Émilie Martin
(1) Les télescopes de 8,2 m du VLT ont été baptisés Antu (le Soleil, en langue mapuche), Kueyen (la Lune), Melipal (la Croix du Sud) et Yepun (Vénus). (2) https://www.atacamaphoto.com/
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l’Œil de
denis mourard
LE DÉFI DE NOS AÎNÉS
N
ous sommes le 3 juin 1948, l’événement fait grand bruit dans les milieux astronomiques. Plus d’un millier de personnes sont réunies dans la coupole flambant neuve du télescope Hale au mont Palomar, en Californie, pour l’inauguration du plus grand réflecteur jamais construit : un miroir primaire de plus de 5 m de diamètre et de 60 cm d’épaisseur, une coupole géante de plus de 40 m de diamètre. Ce télescope doit poursuivre l’œuvre scientifique ouverte par le télescope Hooker du mont Wilson quelques décennies plus tôt, notamment dans le domaine de l’Univers profond. Pendant ce temps, l’Europe se relève de la Seconde Guerre mondiale et commence une profonde évolution pour se créer réellement et en grande partie grâce à la science. C’est peu après cet événement spectaculaire au mont Palomar, et dans la dynamique européenne de l’époque que le physicien Louis de Broglie propose en décembre 1949 la création d’un laboratoire européen de physique atomique. Six mois plus tard, lors de la cinquième conférence générale de l’Unesco (1), les scientifiques font inscrire une résolution autorisant cette institution à “assister et encourager la création de laboratoires régionaux pour accroître la coopération scientifique internationale”. Dix-huit mois sont encore nécessaires pour adopter la première résolution concernant la fondation d’un Conseil européen pour la recherche nucléaire (Cern) ; l’accord est signé par onze pays, et c’est en septembre 1954 que l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire voit officiellement le jour. En Europe, l’astronomie est à cette époque fortement concentrée sur la physique stellaire et la nucléosynthèse primordiale mais, face aux progrès apportés par le télescope Hooker du mont Wilson et le nouveau géant du Palomar, les astronomes européens font ce constat alarmant : “L’astronomie américaine, basée sur de grands instruments, semblait destinée à rester un monologue, même si la science féconde exige le dialogue, voire la controverse” (2). Cette situation, ainsi que le contexte favorable en Europe après l’élan donné par le Cern conduisent l’Allemagne,
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la Belgique, la France, les Pays-Bas et la Suède à créer, en 1962, l’Observatoire européen austral (ESO). À la même époque, l’idée d’un programme spatial scientifique européen, sur le modèle du Cern, germe et aboutira en une dizaine d’années à la convention de l’Agence spatiale européenne (ESA) autour de trois axes phares : les lanceurs via le programme Ariane, la recherche via le module Spacelab de la navette américaine, les télécommunications par satellite. En France, cette époque est celle d’une très grande fertilité scientifique qui va considérablement structurer la recherche moderne en astronomie. La création de l’ESO s’accompagne d’une organisation nationale au service de grands projets ; il devient en effet nécessaire de sortir de l’âge des observatoires “urbains” qui ont structuré notre paysage du XVIIe au XXe siècle, nous offrant par ailleurs un patrimoine historique et culturel absolument fantastique. La vision fortement moderne de quelques grands noms d’alors permet d’accompagner cette structuration européenne (Cern, ESO, ESA) via la mise en place en France du Cnes (3) et de l’Institut national d’astronomie et de géophysique (Inag, devenu en 1985 Insu, l’Institut national des sciences de l’Univers). L’époque voit la mise sur pied du programme du radiotélescope de Nançay, du grand calculateur de l’observatoire de Paris (au service des programmes scientifiques de l’ESO), mais aussi le partenariat avec le Canada et l’université d’Hawaï pour le télescope CFHT, ou avec l’Allemagne puis l’Espagne pour l’Institut de radioastronomie millimétrique (Iram). Cette transformation considérable conduit à des investissements remarquables de la part des puissances publiques, accompagnée par une organisation nationale forte des équipes et des laboratoires. La position française en astronomie devient excellente sur la scène internationale. Aujourd’hui, l’astronomie se place juste derrière la première place des mathématiques en pourcentage mondial de publications et au premier rang français pour le nombre de citations.
Nous fêtions il y a quelques années le 50e anniversaire de l’ESO et célébrions par là même cet observatoire exceptionnel situé au mont Paranal, fruit de plusieurs générations d’astronomes européens. Cet ensemble unique de télescopes et d’instruments fournit la plus grande quantité de résultats au monde avec plus d’un millier de publications scientifiques par an, dépassant celui qui occupait cette première place depuis bien longtemps : le télescope spatial Hubble ! La mise en service dans les années à venir de la partie sud du réseau de télescopes Cherenkov CTA et de l’ELT, de 39 m de diamètre, renforcera encore le caractère exceptionnel de ce coin du désert chilien où la plus grande concentration de fenêtres sur l’Univers sont ouvertes. Ainsi, le défi que nos aînés ont voulu relever il y a plus d’un demi-siècle est très probablement gagné aujourd’hui. Mais ce n’est pas une bataille, c’est un dialogue critique, constructif, bien réel et à très juste titre sur la scène mondiale. D’autres régions de la planète s’engagent aussi maintenant dans ce même défi, au bénéfice de la science et de notre connaissance de l’Univers. Cette compétition est saine, l’Univers nous réserve plein de surprises. Les télescopes géants sont nécessaires, mais de nombreuses découvertes proviennent de petits télescopes que l’on a su adapter et dédier à des programmes impossibles à mener sur des instruments où la pression peut atteindre un facteur 5, 10 ou plus (temps demandé sur temps alloué). Jusqu’ici l’Europe a su conserver cet équilibre important avec des projets à risque. Les indicateurs habituels de performance (publication, citation...) de plus en plus en usage dans les grands observatoires sont, en effet, parfois incapables de quantifier l’impact réel d’une avancée majeure, peut-être anodine au début mais révolutionnaire in fine. Et demain, les interféromètres géants permettront probablement d’aller encore plus loin que les télescopes de 30-40 m. Ainsi c’est en continuant à consolider nos bases, dans les laboratoires, avec les étudiants, les jeunes chercheurs, que ce géant qu’est aujourd’hui l’astronomie européenne pourra continuer à reposer sur des pieds solides. Peut-on dire aujourd’hui que le modèle institutionnel européen de financement de la recherche est supérieur au schéma bien répandu de financements par fonds privés comme aux États-Unis ? Il faut être prudent, car il y a aussi un financement fédéral fort aux États-Unis et une stratégie scientifique commune élaborée lors des 559 |
exercices des Decadal Survey. Le financement par fondation est, certes, très dynamique et souvent les processus de décision peuvent aller beaucoup plus vite que des accords gouvernementaux, parfois longs à faire converger. L’exemple encore récent de la compétition entre les télescopes de 8 m du VLT (première idée en 1977, décision en 1986, première lumière en 1999) et des télescopes de 10 m du Keck (première idée en 1977, décision en 1983, première lumière en 1993) ne doit pas être oublié. Les décisions d’implantation du 30 m américain TMT retardent aujourd’hui ce projet mais son plan de développement est très agressif et selon un schéma différent de l’ELT européen. L’autre projet américain, le GMT, pourrait bien être le premier de la génération des télescopes géants à voir le ciel. Gardons-nous donc de conclure trop vite ! Tous ces projets (ELT, TMT, GMT) connaissent des difficultés de financement et il y a énormément de défis techniques et opérationnels à relever. Nous sommes clairement rentrés dans une ère où l’astronomie repose sur des projets d’ampleur mondiale, comme cela est déjà le cas depuis de nombreuses années dans le domaine spatial par exemple. Ces installations se spécialisent sur des questions scientifiques précises, les collaborations et listes d’auteurs s’étendent et la place pour l’innovation et l’invention tend à se rétrécir. Il est de notre responsabilité de garder cet esprit aventurier nécessaire en science, de savoir avancer et accompagner ces immenses projets et se nourrir de la compétition, mais il est aussi fondamental de bien former les jeunes générations à ce nouvel environnement et de préserver les capacités d’innovation technologique. Ces progrès remarquables de l’astronomie sont et restent le fait d’hommes et de femmes, et c’est sur le génie de quelques-uns que se bâtissent les ruptures nécessaires au progrès de la science. (1) Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (2) Otto Heckmann, premier directeur de l’ESO dans son livre Sterne, Kosmos, Weltmodelle. (3) Centre national des études spatiales.
Denis Mourard est astronome à l’observatoire de la Côte d’Azur, où il développe les projets d’interférométrie optique, notamment pour les réseaux du VLTI/ESO. Directeur adjoint scientifique à l’Insu de 2012 à 2016, il préside aujourd’hui le Conseil scientifique et technique de l’ESO. © B. Eymann
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DES PIERRES LEVÉES SOUS LES ÉTOILES DU NÉOLITHIQUE Sept mille ans avant les pyramides, le temple de Göbekli Tepe avait-il une vocation astronomique ? Son ancienneté et sa complexité posent autant de questions sur les débuts du Néolithique que sur nos préjugés...
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u sud-est de la Turquie, en Anatolie, un site étonnant couronne le sommet d’une colline du nom de Göbekli Tepe. Dominant la vaste plaine d’Harran, les mégalithes qui s’y dressent sont datés du Xe millénaire av. J.-C., la phase la plus précoce du Néolithique, à une époque où la subsistance est encore fondée sur la chasse et la cueillette et où la poterie n’existe pas. Disposées en cercle, avec deux piliers en forme de T au centre de chaque enclos, ces pierres sont gravées de dessins représentant des humains et des animaux, de motifs géométriques et de figures abstraites. Particularité supplémentaire du site : tout indique qu’au lieu de servir à des fins pratiques, tels
Au centre des enclos de Göbekli Tepe, les pierres gravées il y a 12 000 ans ont-elles une signification astronomique ? © Turquietourisme.gov.tr
le stockage des ressources ou l’habitat, il s’agissait d’un lieu de culte. Des activités rituelles s’y déroulaient et faisaient de ce sanctuaire le cœur de l’organisation sociale de la région. Mais vers le VIIIe millénaire, au moment où l’agriculture se développe, le site est abandonné et soigneusement enterré après vingt siècles d’existence. Göbekli Tepe ne serait qu’un site mégalithique de plus si son extraordinaire ancienneté n’en faisait la plus vieille architecture monumentale connue et le premier “temple” de l’histoire. Bâti 7 000 ans avant les pyramides, il a révolutionné l’archéologie du Néolithique ! Connu dès les années 1960, mais redécouvert dans les années 1990, ce lieu est la preuve qu’il y a 12 000 ans, les sociétés humaines étaient déjà suffisamment complexes pour que des groupes de chasseurs-cueilleurs érigent une structure architecturale comme lieu de culte. L’organisation de la religion ne serait donc pas un produit de la sédentarisation... Depuis quelques années, Göbekli Tepe attire aussi l’attention des archéoastronomes qui se demandent quel rôle auraient joué les étoiles dans l’émergence de la religion. En 2016, dans un article publié dans le Nexus Network Journal, l’astronome italien Giulio Magli examine l’orientation de trois enclos pour lesquels la datation est relativement fiable. Ce faisant, il établit une corrélation entre leur orientation et la position du lever de Sirius au sud-est. Il remarque que l’azimut des différentes orientations diminue avec le temps, ce qui s’expliquerait comme un effet de la précession des équinoxes : Sirius (Alpha du Grand Chien) se décale siècle après siècle vers le nord et les enclos enregistrent ce décalage. Magli sait qu’au Xe millénaire, à la latitude de Göbekli Tepe, Sirius n’avait pas la même luminosité qu’aujourd’hui – ni même qu’au temps des pyramides où elle occupait une place importante dans l’imaginaire religieux égyptien. Elle culminait en effet à quelques degrés seulement au-dessus de l’horizon et le phénomène d’extinction atmosphérique la réduisait à une étoile de magnitude 4.
Le site mégalithique de Göbekli Tepe se trouve à une cinquantaine de kilomètres de la frontière syrienne et de la ville de Kobané, connue pour la terrible bataille qui s’y est déroulée en 2014 et 2015. Istanbul Ankara TURQUIE
Antalya
Gaziantep
Göbekli Tepe Kobané
SYRIE
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Les stèles du site mégalithique ont été soigneusement enterrées il y a 10 000 ans pour une raison inconnue. Les dessins d’animaux gravés à leur surface sont parfaitement conservés. © K. Schmidt, DAI / Klaus-Peter Simon. Vue aérienne : © German Archeological Institute, DAI.
Pour l’archéoastronome, ce n’est donc pas son éclat qui rendait Sirius digne d’attention, mais sa lente réapparition dans le ciel après plusieurs millénaires d’occultation sous l’horizon — précisément à cause de la précession des équinoxes. Göbekli Tepe célébrerait ainsi la “naissance” d’une étoile en suivant le déplacement de ses levers... Fort de cette hypothèse, Magli s’aventure alors à interpréter une image fameuse gravée sur l’un des piliers du site : celle d’un homme-vautour soulevant une sphère au-dessus d’un scorpion. Le solstice d’été, à cette époque, ayant lieu dans la 88
constellation du Scorpion, il s’agirait d’une représentation du Soleil accompagnant la naissance de Sirius. Pour l’archéoastronome britannique Andrew Collins, l’orientation principale du site pointe au contraire Deneb, dans la constellation du Cygne. Diamétralement opposée à celle que propose Giulio Magli, cette orientation est déterminée par les piliers centraux de trois enclos. Avec une magnitude de 1,25, Deneb n’est par son éclat que la dix-neuvième étoile du ciel. Mais au Néolithique, elle est en position circumpolaire et aucune étoile majeure n’indique le Nord. Plus tôt encore, vers 15 000 av. J.-C., elle occupe le pôle Nord céleste et cette position dominante doit lui assurer une importance majeure dans l’imaginaire religieux. Collins interprète donc l’image gravée de la façon suivante : le scorpion désigne la constellation homonyme, et en raison des similarités morphologiques, l’homme-vautour représenterait la constellation du Cygne. Pour Collins, l’importance du Scorpion provient de ce que l’écliptique y croise la Voie lactée. Quant au Cygne, outre sa position circumpolaire au Néolithique, il se situe au niveau du “Grand Rift”, l’immense nébuleuse obscure donnant l’impression que la Voie lactée se divise en deux. À partir de ces données et de comparaisons avec des documents d’origines diverses
(maya, grotte de Chauvet, Égypte…), le Britannique reconstitue une cosmologie néolithique : via la route ascendante que forme la Voie lactée vers le Nord céleste, l’âme parcourt l’espace entre terre et ciel. Elle s’incarne en descendant ; et en remontant, elle regagne l’espace supracéleste après sa mort. Collins présente enfin cette cosmologie comme le prototype duquel pourrait avoir découlé une religion astrale mythique — connue dans la littérature arabe médiévale comme le quatrième monothéisme et situé précisément dans la plaine d’Harran. En réalité, probablement aucune de ces deux hypothèses n’est correcte. Construites sur les mêmes arguments (alignement et iconographie), elles se heurtent à plusieurs obstacles méthodologiques et épistémologiques. D’abord, les données archéologiques sont rares et difficiles à établir. Or, pour un ensemble limité d’informations, il est toujours possible de donner des explications divergentes et incompatibles (principe de Duhem-Quine). Les calculs de Magli s’appuient sur trois enclos seulement et Collins est contraint à des parallèles multiples, parfois arbi-
traires, entre différentes cultures et époques pour rendre compte de l’iconographie. La combinaison d’éléments disparates semble alors autoriser des spéculations sur la cosmologie du Néolithique. Ensuite, le choix de l’orientation au nord ou au sud dépend lui-même de postulats interprétatifs. Chez Magli, l’aura de Sirius — étoile mythique — éclipse son état réel : sa faible luminosité ne pouvait pas la qualifier plus que n’importe quelle autre étoile pour servir de cible aux alignements. L’astronome est obligé de supposer que le peuple de Göbekli Tepe avait su observer la très lente apparition d’un astre durant des siècles de précessions. Le choix de cette étoile se justifie donc de manière téléologique : future étoile la plus brillante du ciel — mais comment nos ancêtres du Néolithique l’auraient-ils su ? —, sa “naissance” devient l’occasion de fonder le premier temple. Chez Collins, Deneb est d’abord utilisée pour appuyer le scénario d’une cosmologie néolithique, empruntée en grande partie à des cultures religieuses bien plus récentes... On l’aura compris : même si les habitants du Néolithique avaient ali-
L’homme-vautour soulève un disque, symbole du Soleil accompagnant la naissance de l’étoile Sirius.
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Pourquoi une société néolithique ne pourrait-elle pas construire d’édifice en rapport avec le ciel ?
gné leurs édifices par rapport aux étoiles, nous n’aurons jamais de preuve déterminante pour le démontrer. Dans le cas de Göbekli Tepe, on ne peut qu’établir des corrélations à partir d’hypothèses et de parti-pris : il est possible de vérifier la concordance des hypothèses avec les données, mais pas de confirmer un lien réel derrière ces corrélations. Et ce, d’autant moins que d’autres alignements sont toujours possibles... L’intérêt de l’archéoastronomie est donc moins dans les réponses qu’elle prétendrait apporter que dans les questions qu’elle permet de poser... Par exemple : pourquoi cherchons-nous à interpréter un site archéologique par rapport au ciel ? L’archéoastronomie, sous ses habits neufs, est en fait le dernier produit d’une longue histoire intellectuelle. La tradition consistant à associer l’observation du ciel avec la naissance de la religion remonte à Maïmonide (11381204) : pour ce philosophe judéo-arabe, les êtres humains
ont longtemps rendu un culte aux astres avant que le monothéisme ne s’impose progressivement. L’idée est reprise au XVII e siècle par les théologiens protestants qui veulent voir l’origine de l’idolâtrie dans le culte des astres, alors que les catholiques conçoivent au contraire un monothéisme originel dégénérant en idolâtrie. Au XVIIIe siècle, Charles-François Dupuis (1742-1809) voudra prouver, quant à lui, que la religion universelle provient de l’observation du ciel et que toutes les mythologies en racontent les mouvements. Au regard de cette histoire, l’archéoastronomie est donc la version moderne d’un partipris philosophique sur la religion. Mais à l’inverse, pourquoi une société néolithique ne pourrait-elle pas construire d’édifice en rapport avec le ciel ? La tentation de rejeter par principe les hypothèses de l’archéoastronomie pour des périodes si anciennes, dans l’idée qu’elles supposent un état avancé de développement invérifiable pour la science, se heurte à son propre présupposé : l’évolutionnisme. L’idée que les sociétés “primitives” puissent développer une connaissance des mouvements du ciel ne correspond pas à la représentation d’un progrès des savoirs du simple vers le complexe. Ce présupposé, qui a dominé l’archéologie jusqu’à la découverte de Göbekli Tepe, trouve avec ce site son démenti : une structure architecturale complexe pouvait précéder la sédentarisation, la poterie et la naissance de l’agriculture. La société des chasseurs-cueilleurs était déjà “évoluée” et l’ethnologie nous a appris qu’il n’existe pas de peuples primitifs. Au final, à travers les étoiles, c’est la question anthropologique du “complexe” ou de “l’évolué” contre le “simple” ou le “primitif ” qui fait le fond du débat. De même que celle des savoirs oraux. Est-ce qu’un peuple sans écriture est un peuple qui ne peut transmettre des savoirs complexes ? Ce second présupposé convient à une société alphabétisée comme la nôtre, mais ne rend pas compte de la transmission des savoirs dans des sociétés sans écriture. La naissance de l’écriture n’est que le début d’une histoire écrite. Mais l’histoire existait déjà avant. Et l’observation du ciel ? Florian Audureau
Au XVIIIe siècle, le savant français Charles-François Dupuis veut prouver que la religion naît de l’observation du ciel. DR
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OBSERVATION
REGARDEZ BOUGER LES PLANÈTES En ce début d’été, les cinq planètes visibles à l’œil nu et la Lune sont présentes. Basses sur l’horizon, elles présentent une image médiocre au télescope. Mais nous vous proposons une expérience étonnante qui fait fi de la turbulence : constater sans instrument le déplacement de ces “astres errants” sur le firmament.
Plus rapide sur son orbite, la Terre dépasse Mars (de couleur orangée) et Saturne dans leur ronde autour du Soleil. Du coup, ces deux planètes semblent repartir en arrière pendant quelques nuits (ici, en 2015, dans le Scorpion). © Tunç Tezel/TWAN
559 | 93 Emmanuel Beaudoin
CYGNE
LYRE
BOUVIER
HERCULE PÉGASE
AIGLE SERPENTAIRE
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VIERGE
VERSEAU
Éclipt iq
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4/7
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29/6
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23/6
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BALANCE CAPRICORNE SAGITTAIRE
SCORPION
SUD
La Lune Mouvement réel et apparent Du fait de sa proximité, La Lune est l’astre qui possède le plus fort mouvement apparent par rapport aux étoiles. Elle boucle une orbite autour de la Terre en 27 jours et fait le tour du ciel en quelque 29 jours et demi. Cette période, durant laquelle il est possible d’observer l’ensemble des phases, depuis une Nouvelle Lune jusqu’à la suivante, s’appelle une lunaison ou encore un mois lunaire. Notre satellite naturel se déplace de 15° par jour vers l’est, un angle équivalant à une main tendue devant soi pouce ouvert. Son déplacement à travers le ciel est donc immanquable, en même temps que l’évolution de sa phase.
Déplacement d’une nuit à l’autre La Lune est montante durant les secondes moitiés de mai et de juin : on la
dénomme ainsi lorsque sa fraction éclairée croit, de la Nouvelle Lune vers la Pleine Lune. À cette époque de l’année, notamment en juin, notre satellite se déplace sans prendre beaucoup de hauteur dans le ciel. De soir en soir, notez son changement de position par rapport à un repère terrestre. Les premières quinzaines de juin et de juillet permettent, quant à elles, de voir la Lune se déplacer dans le ciel du matin, dans sa phase dite descendante. Là encore, la migration vers l’est de notre satellite est évidente d’un matin sur l’autre.
Guettez les conjonctions Lorsque la Lune se trouve près d’une étoile, son déplacement devient notable au cours d’une même nuit, même à l’œil nu. Tentez l’expérience le soir du 21 mai : notre satellite s’approche de Régulus durant toute la soirée. Vous pourrez par
exemple mesurer la distance entre les deux astres une première fois en début de nuit, puis de nouveau avant leur coucher. Aidez-vous pour cela de votre auriculaire : il représente un angle voisin de 1° lorsque votre bras est tendu devant vous. Entre 23 h et 2 h, l’écart entre la Lune et l’étoile principale du Lion est divisé par deux. La nuit du 31 mai au 1er juin permet de renouveler l’expérience avec un autre repère de choix : notre satellite passe juste au nord de Saturne et son déplacement est décelable d’heure en heure à l’œil nu, plus rapidement encore aux jumelles. Dans un télescope, concentrez-vous sur le rapprochement entre la Lune et l’étoile Nashira du Capricorne (magnitude 3,6), Avec 100 fois de grossissement, le mouvement propre de notre satellite deviendra visible quasiment en continu par rapport à l’étoile fixe.
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OBSERVATION
Les planètes inférieures Mouvement réel et apparent Toutes les planètes tournent autour du Soleil dans le même sens, d’autant plus rapidement qu’elles sont près de lui. Mercure et Vénus se déplacent sur des orbites plus proches que celle de la Terre : on les appelle les planètes inférieures. Mercure effectue une révolution en 88 jours, contre 225 jours pour Vénus. Dans notre ciel, les planètes inférieures sont animées d’un curieux mouvement apparent lié à la perspective : elles semblent osciller de part et d’autre du Soleil. Continuellement, elles s’écartent de ce dernier jusqu’à un certain angle, appelé élongation maximale, puis
Mercure est la planète dont le mouvement apparent est le plus rapide. © Nasa/JHUAPL
reviennent vers lui et changent de côté. Elles sont en alternance planète du soir et planète du matin. L’élongation maximale de Mercure dépasse ne dépasse guère 25°, contre plus de 45° pour Vénus.
Mercure Toujours discrète dans les lueurs du crépuscule ou de l’aube, Mercure est la planète qui a le mouvement apparent le plus rapide, en même temps qu’elle est celle qui passe le plus facilement inaperçue. Sa période de visibilité se limite en général à quelques jours, lorsqu’elle est proche de son élongation maximale avec une magnitude négative. Il en sera ainsi au crépuscule pendant la deuxième quinzaine de juin. Repérez le point doré de Mercure juste au-dessus de l’horizon nord-ouest. L’écliptique n’est plus aussi ouvert qu’au printemps, si bien que la petite planète demeure assez basse. En filant vers l’est à plus de 1,5° par jour, elle change de position de soir en soir, aussi bien par rapport au
paysage à l’horizon que par rapport aux deux étoiles principales des Gémeaux, Castor et Pollux, visibles à l’œil nu si le ciel est pur. Vous constaterez par ailleurs que Mercure semble alors se déplacer de conserve avec Vénus, située nettement plus haut vers le sud. Leurs vitesses apparentes comparables dans le ciel, alors que Mercure tourne autour du Soleil deux fois et demie plus vite que Vénus, proviennent d’un effet de perspective.
Vénus En ce début d’été, Vénus s’écarte du Soleil vers l’est, en route vers son élongation maximale dans le ciel du soir qui aura lieu le 17 août. Elle est éclatante le soir à l’ouest. Tout comme Mercure, son mouvement propre peut être constaté simplement par rapport à un repère fixe à l’horizon. En particulier, alors qu’elle devrait passer au niveau de ce repère 4 minutes plus tôt chaque soir du fait de la rotation de la Terre autour du Soleil, elle se couche au
Vénus le 15/7 Écl ipt iqu
e
le 9/7 le 1/7
Mercure le 15/7
CANCER
le 25/6 le 20/6 le 4/7
Castor Vénus le 15/6
Pollux
le 28/6 Mercure le 25/6
GÉMEAUX
OUEST
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contraire de plus en plus tard. Son déplacement le long de l’écliptique peut également être repéré grâce aux étoiles. Vénus forme un triangle avec Capella et Pollux à la mi-mai. Cette figure se déforme rapidement de soir en soir, tandis que la planète file vers l’étoile la plus brillante des
Gémeaux. Vénus glisse sous cette dernière début juin et se trouve alors à la même altitude sur l’horizon que Capella. Curieusement, l’étoile du Berger cesse ensuite de prendre de la hauteur, alors qu’elle continue de s’éloigner du Soleil : ce n’est pas son mouvement propre qui est en
cause, mais plutôt le fait que l’écliptique se referme de soir en soir à cette période de l’année. Autour du 9 juillet, vous pourrez voir Vénus croiser juste au nord de Régulus. Compte tenu de la luminosité crépusculaire, cette observation mérite d’être menée aux jumelles.
Les planètes supérieures Mouvement réel et apparent Contrairement à Mercure et Vénus, les planètes supérieures peuvent faire le tour du ciel. Leur trajectoire apparente, habituellement d’ouest en est, prend une
Jusqu’à son passage à l’opposition, fin juillet, nous rapprochons de Mars. © M. Weigand/C&E
curieuse tournure au moment de l’opposition, cette période où le Soleil, la Terre et l’une de ces planètes sont alignés. En effet, la Terre tournant plus vite, elle double alors à la corde la planète en question, qui semble partir à reculons sur la voûte céleste. C’est ce que l’on appelle un mouvement rétrograde. Cette petite pirouette sur l’écliptique, naturelle dans le système héliocentrique, a été un casse-tête à l’époque du système géocentrique : il fallait recourir à des épicycles pour la décrire.
Mars Mars s’apprête à passer à l’opposition cet été, dans ces circonstances exceptionnelles : le 31 juillet, sa distance à la Terre ne sera que de 57,6 millions de kilomètres, un chiffre seulement 3 % plus grand que celui de la fameuse opposition de 2003. En mai et juin, nous nous approchons de la planète rouge et son mouvement apparent est rapide. Seul bémol, elle évolue dans le Capricorne, une constellation dénuée d’étoiles brillantes. Les observateurs citadins
Mars le 10/10
CAPRICORNE
le 20/6 le 30/6
le 10/6
le 30/5
le 30/9
le 20/5
le 30/4
le 20/9
le 10/7
le 10/9
le 20/7
le 30/8 le 30/7
le 10/8
Éclip tique
le 20/8
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OBSERVATION
auront donc du mal à trouver des repères pour constater le déplacement de Mars. Nous conseillons de tracer une ligne de démarcation en direction du sud depuis les deux étoiles les plus brillantes de la constellation, Algiedi et Dabih, de magnitudes respectives 3,5 et 3. Observez en fin de nuit, lorsque le Capricorne est bien dégagé de l’horizon sud-est. Entre mi-mai et mi-juin, Mars suit une trajectoire d’ouest en est. Vous la trouverez à l’ouest de notre ligne de démarcation mi-mai, en plein dessus fin mai et enfin à gauche mi-juin. Remarquez comme la planète rouge semble freiner à partir de début juin, à l’approche de sa rétrogradation. La deuxième quinzaine de juin, une mouche semble avoir piqué Mars, qui cesse d’aller vers l’est et se met à descendre vers le sud. Elle prend le premier virage de sa boucle rétrograde. Ceci étant fait, elle recommence à se mouvoir en juillet… mais cette fois vers l’ouest. Dans un ciel suffisamment sombre, vous la verrez se rapprocher de Phi Cap (magnitude 4,1) jusqu’au 15 juillet. Nous ne serons alors déjà plus qu’à 12 jours de l’opposition.
10/5 29/12
20/4
3/6 17/5
19/2
Spica. La planète est à égale distance des deux étoiles mi-mai, puis se décale vers l’ouest de semaine en semaine. Jupiter met six fois plus de temps que Mars pour boucler une révolution. DR
Jupiter Jupiter est en ce moment dans la Balance. Son opposition s’est produite le 8 mai, si bien qu’elle a entamé la seconde moitié de sa boucle rétrograde et poursuit une trajectoire vers l’ouest. Bien plus lointaine que Mars, elle se meut bien plus lentement : il lui faut six fois plus de temps que la planète rouge pour boucler une révolution autour du Soleil. Sa proximité avec Alpha de la Balance permet toutefois de constater précisément son déplacement apparent. Attention, cette étoile est 100 fois moins brillante que Jupiter, de magnitude –2,5. À l’est d’Alpha Lib mi-mai, la planète géante la contourne par le nord et se place au-dessus d’elle mi-juin. Elle ralentit ensuite sa course. Il est également possible de repérer le déplacement de Jupiter par rapport au segment Antarès-
Puisque Saturne est la planète la plus lointaine visible à l’œil nu, c’est aussi l’astre de notre liste qui bouge le plus lentement par rapport aux étoiles ; il lui faut près de 30 ans pour faire un seul tour du zodiaque. Saturne est à l’opposition le 27 juin. Elle est donc animée actuellement d’un mouvement rétrograde, tout comme Jupiter. Pour détecter ce mouvement, attendez que le Sagittaire culmine au sud. Repérez ses trois étoiles Epsilon, Delta et Lambda, disposées en arc (un ciel bien transparent est nécessaire pour les voir en zone urbaine). Mi-mai, Saturne est dans le prolongement du segment Delta-Lambda Sgr. Un mois plus tard, la planète aux anneaux a migré vers l’ouest et se trouve dans l’axe Epsilon-Lambda Sgr. Encore un mois, et la voici alignée mi-juillet avec Epsilon et Delta du Sagittaire. Saturne poursuivra sa route vers l’ouest durant tout l’été, pour faire demi-tour et reprendre sa marche normale début septembre. N’hésitez pas à l’observer jusque-là.
3/7
13/6 23/6 10/11
1/2 Saturne le 31/10
BALANCE 11/5
Écliptique
21/5 30/8
Jupiter le 9/10
SAGITTAIRE
Saturne
9/3
16/9 28/9
9/9
12/8
ue ptiq Écli
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éphémérides
98
VERS UNE GRANDE OPPOSITION MARTIENNE L
e 27 juillet prochain, la planète Mars sera à l’opposition. C’est un événement, car elle sera alors à sa plus courte distance de la Terre depuis 2003. En moyenne, les oppositions ont lieu tous les 2 ans et 50 jours, mais la distance entre Mars et la Terre dans cette configuration varie notablement d’une opposition à l’autre, en raison de la forme elliptique marquée de son orbite. Les grandes oppositions ont lieu lorsque la planète Mars est à son périhélie (au plus près du Soleil), et cette configuration se reproduit tous les 15 ans environ. Elle est alors quasiment 2 fois plus grande que lors d’une opposition ayant lieu à l’aphélie (point de l’orbite le plus loin du Soleil). C’est le cas en 2018 et c’est donc un très grand cru. Sans attendre la date même de l’opposition, il est intéressant de suivre la planète rouge de semaine en semaine. En effet, à l’heure où elle culmine au-dessus de l’horizon sud, elle présente une face presque identique d’un soir à l’autre. Par un hasard
de la mécanique céleste, sa période de rotation sur elle-même est presque identique à celle de la Terre (24,6 h). Il faut donc laisser filer quelques jours pour voir son aspect changer notablement à une heure donnée. L’observation est particulièrement intéressante en juin, car la taille apparente de Mars devient suffisante pour voir des détails même dans des télescopes de taille moyenne. Elle franchit la barre des 15” fin mai, et à partir du 18 juin, sa taille apparente dépasse celle de Saturne. Pour observer la planète dans de bonnes conditions, il est indispensable de chercher à minimiser la turbulence atmosphérique. Hélas, les oppositions périhéliques ont lieu dans des constellations basses sous nos latitudes. Il faut donc éviter les zones avec des surfaces bétonnées et observer depuis un site réputé pour la stabilité de son ciel. Citons le pourtour atlantique, le Bassin parisien, le plateau de Calern, le mont Pigno en Corse, le Pic du Midi…
Les principales formations de Mars Elysium Mons
Ely s
Syrtis Major
ium
Hellas Planitia
1er juin à 3 h 45 TU / 15,3” arc
Arabia Terra Terra Sabaea Noachis Terra
30 juin à 2 h TU / 20,7” arc
Pla n
Terra Cimmeria
itia
10 juin à 3 h 15 TU / 16,9” arc
Syrtis Major Hesperia Planum Hellas Planitia
10 juillet à 2 h TU / 22,5” arc
Olympus Mons Tharsis Montes
Valles Marineris
20 juin à 2 h 45 TU / 18,8” arc
559 | 99 Rubrique réalisée par
Saturne
Jean-Luc Dauvergne
tique Éclip
MAI
16 M22
2°
mercredi
La Lune revient dans le ciel du soir et se montre sous la forme d’un fin croissant de 32 heures. Elle se couche dans l’Arc de Triomphe, vue depuis le rond-point des Champs-Elysées. Mais l’observation est difficile.
SAGITTAIRE
17
Kaus Borealis
jeudi
L’astéroïde 9 Métis croise la nébuleuse de la Lagune à seulement 0,5°.
mardi
18
15 mai à 1 h
LE MATIN, SATURNE CROISE M 22, à 1,5° au nord de l’amas globulaire. Avec un oculaire à grand champ grossissant une quarantaine de fois, les deux objets sont visibles dans le même champ. À ce grossissement-là, les anneaux de Saturne sont minuscules, mais néanmoins visibles. L’amas M 22, quant à lui, dévoile de nombreuses étoiles.
15
20 dimanche Le gros amas globulaire Messier 22 est dans le même champ de jumelles que Saturne, à moins de 2° au sud de la planète. Les photographes peuvent réaliser de belles images à grand champ.
21 17
VÉNUS S’OFFRE UN CROISSANT. Plein ouest au crépuscule, la planète est à 5° en haut à droite de la Lune. À mesure que la nuit tombe, la lumière cendrée — la région de la Lune plongée dans la nuit doucement éclairée par un clair de Terre — devient de mieux en mieux visible. Au télescope, Vénus se montre en phase gibbeuse avec une taille apparente modeste (12”). jeudi
vendredi
Le croissant de Lune présente une belle lumière cendrée.
17 mai à 20 h 30 ue
tiq lip Éc
Pollux
21
mardi
Équinoxe sur la planète Mars. C’est le début de l’automne dans l’hémisphère Nord martien. Les observateurs équipés d’un télescope pourront suivre la fonte de la calotte polaire sud durant les mois à venir.
Menkalinan Capella
GÉMEAUX
lundi
Vénus se situe à moins de 1° de l’amas ouvert M35 en début de nuit.
22
Castor
lundi
L’astéroïde 4 Vesta passe à 1,5° de l’amas ouvert M25.
COCHER
Procyon
PETIT CHIEN
Vénus
Alhena
20°
Lune phénomène à voir avec
LICORNE Bételgeuse Horizon ouest
œil nu
jumelles télescope
LES HORAIRES SONT EN TEMPS UNIVERSEL Pour obtenir l’heure légale, ajoutez 2 heures.
éphémérides
100
27
dimanche
La planète Jupiter et la Lune passent la nuit non loin l’une de l’autre.
30 mercredi
Le diamètre de Mars franchit le cap des 15” d’arc. Les observateurs peuvent scruter cette planète au télescope sans plus attendre.
ALIGNEMENT JOVIEN. À la tombée de la nuit, les satellites Io, Europe Ganymède et Callisto sont alignés dans leur ordre d’éloignement naturel à la planète. La configuration est intéressante car, en début de nuit, les satellites sont tous proches de leur éloignement angulaire maximal à la planète. On constate que Ganymède et Callisto sont bien plus éloignés que Io et Europe.
26
samedi
26 mai à 21 h Jupiter
JUIN
1er
Europa
vendredi
Moins d’un mois avant son opposition, la planète Saturne reçoit la visite de la Lune presque pleine. Vers 2 h heure légale (0 h TU), moins de 1,5° sépare les deux astres.
3
2’
Io
Ganymède
Callisto
dimanche
Conjonction entre la Lune et Mars en seconde partie de nuit.
9
samedi
L’éclat de Mars dépasse celui de Sirius, l’étoile la plus lumineuse du ciel nocturne. Seules la Lune, Vénus et Jupiter brillent davantage. Mars volera la troisième place du podium à Jupiter début juillet.
16
Io
samedi
Un beau croissant de Lune, fardé de sa lumière cendrée, accompagne Vénus dans le crépuscule. Les deux astres sont à la même hauteur au-dessus de l’horizon ouest.
19
Jupiter
1’ Ganymède
mardi
L’astéroïde Vesta passe à l’opposition dans la constellation d’Ophiuchus
21
jeudi
Solstice d’été. C’est le jour le plus long dans l’hémisphère boréal. Les nuits noires sont très courtes, voire inexistantes dans le nord de la France.
Callisto
7
jeudi juin à 22 h 50
CALLISTO FRÔLE LE PÔLE SUD. À 23 h TU, le satellite Callisto passe à l’aplomb du pôle Sud de Jupiter. Ganymède est non loin. Cette configuration est curieuse vue depuis la Terre, car l’angle de Jupiter par rapport à l’écliptique est si faible qu’il n’est pas perceptible. En fait, Callisto est suffisamment éloigné pour passer en apparence au-dessus des pôles.
7
559 | 101 SERPENTAIRE
26
Sabik
BALANCE
Dschubba
Antarès
Mars commence une petite boucle rétrograde : son mouvement propre s’effectue d’est en ouest (elle reprendra sa course normale à l’avant-plan des étoiles dans deux mois, le 27 août). Dans le même temps, le diamètre apparent de la planète rouge dépasse la barre des 20” d’arc.
Lune
Acrab
Jupiter
20° Écliptiqu e
SCORPION
24 juin à 0 h 30
30
BEAU RAPPROCHEMENT ENTRE LA LUNE ET JUPITER. Dès la tombée de la nuit, le 23 juin, les deux astres forment un beau duo, qui se couche en seconde partie de nuit. Dans les grandes villes, même sous les lampadaires, ils sautent aux yeux en cas de beau temps. La vision de ces deux phares côte à côte peut surprendre le citadin et lui rappeler nos liens ancestraux avec le ciel.
23
OPPOSITION DE SATURNE DANS LE SAGITTAIRE. Saturne vient surplomber la forme de théière formée par la constellation du Sagittaire. La planète est alors à sa plus courte distance de la Terre (9,05 unités astronomiques). Elle reste basse dans le ciel, mais la forte ouverture de ses anneaux rend l’observation intéressante au télescope. Pour la repérer, c’est très simple en raison de la présence de la Lune à ses côtés dans la nuit du 27 au 28 juin.
27
mercredi
27
JUILLET
6
vendredi
Avec une magnitude –2,3, l’éclat de Mars dépasse celui de Jupiter. Puisque Vénus se couche avant la nuit complète, la planète rouge s’octroie pour deux mois le titre de l’astre ponctuel le plus brillant du ciel nocturne.
6
vendredi
Plus grande distance Terre-Soleil : 152 millions de kilomètres.
vendredi
Éclipse partielle de Soleil. Cette éclipse de faible grandeur peut être aperçue depuis la pointe sud de l’Australie ou celle de la Nouvelle-Zélande.
Lune Saturne
Écliptique
Kaus Borealis
20° SAGITTAIRE Kaus Australis Shaula
Horizon sud
samedi
La Lune gibbeuse surplombe Mars durant toute la nuit à environ 4°.
13
27 juin à 23 h 30
Nunki
mercredi
Maximum d’activité de l’essaim d’étoiles filantes des Bootides. Son intensité est variable, mais il a lieu en période de Pleine Lune.
Horizon sud-ouest
dimanche
mardi
éphémérides
102
Mercure 15/5
1/6
MATIN
15/6
1/7
SOIR
EST
OUEST
Magnitude Diam. apparent
15/5
1/6
15/6
1/7
0
– 1,6
– 0,8
0
6,2”
5,2”
5,3
6,6”
Lever
4 h 01
4 h 08
5 h 01
6 h 22
Coucher
17 h 34
19 h 26
21 h 03
21 h 33
MERCURE, mi-mai, est du matin. Sa position sur l’écliptique n’est pas favorable à son observation depuis les latitudes tempérées, mais elle est bien visible sous les tropiques. Elle passe ensuite en conjonction avec le Soleil le 6 juin et est donc inobservable autour de cette date. Elle revient ensuite dans le ciel du soir et fait une belle apparition, culminant le 12 juillet à son élongation maximale.
Intérêt
Vénus 15/5
1/6
SOIR
15/6
SOIR
OUEST
OUEST
Magnitude Diam. apparent
1/7
SOIR
OUEST
SOIR
OUEST
15/5
1/6
15/6
1/7
– 3,9
– 3,9
– 3,9
– 3,9
12,1”
13,1”
14,2”
15,7”
Lever
6 h 21
6 h 45
7 h 15
7 h 53
Coucher
22 h 16
22 h 36
22 h 36
22 h 21
VÉNUS gagne du terrain dans le ciel du soir. Elle passe d’une phase gibbeuse prononcée à une phase proche du quartier. Dans le même temps, sa taille apparente progresse et l’observation au télescope devient de plus en plus intéressante. Visez-la dès le crépuscule.
Intérêt
1/6
Saturne
Jupiter
Mars 1/7
MATIN
EST
Magnitude Diam. apparent
NUIT
1/6
SUD
1/6
1/7
– 1,2
– 2,1
1/7
NUIT
SUD
Magnitude Diam. apparent
NUIT
1/6
EST
SUD
1/6
1/7
– 2,3
– 2,2
1/7
MATIN
NUIT
SUD
Magnitude Diam. apparent
1/6
1/7
0,1
0
15,3”
20,9”
44,1”
41,4”
18,2”
18,4”
Lever
22 h 39
22 h 03
Lever
17 h 27
15 h 19
Lever
21 h 40
19 h 34
Coucher
8 h 35
6 h 48
Coucher
3 h 26
1 h 22
Coucher
6 h 31
4 h 23
Intérêt
Intérêt
Intérêt
MARS devient l’astre immanquable de cette période, à l’approche de la grande opposition du 27 juillet (lire aussi p. 98). Sa taille apparente dépasse celle de Saturne dans la seconde moitié de juin. La planète rouge montre donc de nombreux détails au télescope.
JUPITER est passée à l’opposition le 9 mai. Elle est donc idéalement située en début de période et visible en plein milieu de la nuit. Elle est assez basse, car présente dans la Balance. Les observations d’amateurs obtenues depuis le sol sont utiles pour compléter les vues de la sonde spatiale Juno (voir : www.missionjuno.swri.edu/junocam/).
SATURNE passe à l’opposition le 27 juin. Nous sommes donc dans la meilleure période de l’année pour l’observer au télescope. Profitez de l’ouverture généreuse des anneaux inclinés de 30°. Il faut chercher à minimiser la turbulence atmosphérique, car la planète reste basse depuis nos latitudes.
CHAQUE MOIS, RETROUVEZ LES ÉPHÉMÉRIDES SUR
https://soundcloud.com/ciel-et-espace/sets/les-eph-m-rides
104
éphémérides
LE CIEL NOCTURNE Ciel visible à la latitude de Clermont-Ferrand (45° 47’ N). Si vous habitez au nord de cette ville, l’Étoile polaire sera plus haut dans le ciel et les étoiles de la partie sud de la voûte céleste seront plus proches de l’horizon (et inversement si vous habitez au sud). carte valable le : à 0 h TU
23 h TU à 22 h TU à 21 h TU à
NORD PERSÉ
E
Capella
O N
Mirphak
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OP
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LIO E ÉC LIP TIQ U
DE
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SERPENT
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VIERGE SERPENTAIRE
Lune le 26/5
Saik Nunki
SE
LÉGENDE
Amas ouvert Amas globulaire Nébuleuse diffuse Galaxie ORION Constellation Spica Étoile Planète
SAG IT
Saturn
e
TAIR E
BALANCE
Sabik
Jupiter Pleine Lune le 29/5
Antarès Kaus Australis
SCORPION
SUD
SO
Spica
Lune le 1/6
ÉQ
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OUEST
N
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CH CH IEN AS S D SE E
s
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PE T LIO IT N
ON
DRAG
COURONNE BORÉALE
M3
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M27
M57
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Lune le 23/5
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CÉPHÉE Sadr
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15 mai 1 er juin 15 juin 1 er juillet
559 | 105 carte valable le :
1 h TU
à
à 0 h TU
NORD
er 1 juin 15 juin er 1 juillet 15 juillet
23 h TU à 22 h TU
à
O N
LYNX A
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VIERGE
Lune le 4/7 Lune le 22/6
SERPENT
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Spica
E
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ÉCL I
PTIQ
UE
Lune le 25/6
Jupiter
Pleine Lune le 28/6 Sabik
Nunki
Saturn
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SAGITTAIRE
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Lune le 1/7
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Neptune
CO U BO RONN RÉA E LE
PETIT LION
N D RO M ÈD E PÉGASE
EST
M57
SCORPION
Kaus Australis
COMMENT UTILISER CES CARTES
1 Éloignez-vous de toute source lumineuse. Laissez vos yeux s’habituer à l’obscurité pendant au moins 15 minutes. Pour lire la carte sans être ébloui, utilisez de préférence une lampe rouge.
2 Le centre de la carte correspond au zénith, le point situé au-dessus de votre tête. Une constellation représentée à mi-distance du centre et du bord de la carte est donc à égale distance de l’horizon et du zénith.
3 Si, par exemple, vous observez vers l’ouest, tenez la carte comme indiqué ci-contre, en plaçant le mot “ouest” vers le bas. Les constellations dessinées au-dessus de l’horizon ouest vous font face sur le ciel.
Cartes : © C&E
SUD
éphémérides
106
itinéraire bis
CASSINI C’EST FINI : À VOUS DE JOUER !
P
endant treize ans, la sonde Cassini a surveillé sans relâche l’atmosphère de Saturne. Malgré cette présence assidue, les observations faites par des astronomes amateurs depuis le sol sont restées utiles. En effet, à quelques reprises, le radiomètre de la sonde a détecté des orages alors qu’elle se trouvait du côté nocturne de la planète. Les images prises depuis la Terre sont
Le 1er avril, Damian Peach a photographié la tempête découverte le 29 mars par un autre amateur, Maciel Bassani Sparrenberger. © D. Peach
alors venues compléter ponctuellement les données de Cassini. Ces besoins d’observation par des amateurs sont désormais cruciaux. Depuis la fin de la mission, le 15 septembre 2017, ils sont quasiment les seuls à surveiller les évolutions de l’atmosphère de la planète géante. Ainsi le 29 mars, le Brésilien Maciel Bassani Sparrenberger a débusqué sur Saturne une tache blanche par 65° de
latitude nord. Il a rapidement prévenu le Planetary Virtual Observatory & Laboratory (PVOL). Cette équipe de l’université de Bilbao (Espagne), coordonnée par l’astronome Agustin Sanchez Lavega, fait référence au niveau mondial. Elle a immédiatement donné l’alerte à la communauté des amateurs afin d’obtenir un maximum d’images du phénomène et suivre ainsi son évolution.
559 | 107
Saturne connaît régulièrement des tempêtes. Elles sont d’amplitude variable et peuvent parfois s’étendre à toutes les longitudes, comme ici en 2010. La précédente tempête généralisée remonte à 1990. © Nasa
5 décembre 2010
2 janvier 2011
25 février 2011
22 avril 2011
18 mai 2011
12 août 2011
Une période idéale Le moment est idéal pour suivre Saturne, car elle passe à l’opposition le 27 juin. À cette date, elle est dans la direction opposée au Soleil. Un bémol cependant, une telle opposition proche du solstice d’été est aussi synonyme d’une planète basse sur l’horizon, vue depuis l’hémisphère Nord. Qu’à cela ne tienne. Les progrès des moyens d’observation permettent aujourd’hui de lutter au mieux contre les effets indésirables de l’atmosphère, d’autant plus sensible qu’un astre est proche de l’horizon. L’atmosphère agit à la manière d’un prisme. Or, Saturne se trouve à environ 20° de hauteur. Dans cette situation, sa lumière est dispersée verticalement sur 3 à 4” ! C’est énorme si l’on considère qu’un télescope de 200 mm est capable de résoudre des détails de 0,6”. Certes, il est possible d’utiliser des filtres, mais même ainsi, la dispersion dans le bleu reste forte (plus de 2”). La solution adoptée par de nombreux amateurs
est en fait assez simple : il suffit de faire passer la lumière à travers un prisme produisant une dispersion inverse à celle de l’atmosphère. Ces accessoires nommés correcteurs de réfraction existent sous les marques ZWO, ASH et Pierro Astro. Ils sont dotés de deux prismes actionnés par des molettes afin d’adapter la correction à l’élévation de la planète. Notez que la dispersion est d’autant plus intense que la longueur d’onde de la lumière est courte (vers le bleu). Si vous n’avez pas cet accessoire, vous pouvez donc vous contenter d’observer dans l’infrarouge. De surcroît, c’est un choix judicieux, car la turbulence atmosphérique est également plus faible dans ces longueurs d’onde que dans le visible.
Caméras performantes Autre arme contre la turbulence : utiliser une caméra récente, car les gains en sensibilité et en bruit ont été fulgurants ces dernières années. Les temps de pose sont réduits et la turbulence est mieux
figée. L’ASI 290, par exemple, est particulièrement sensible dans le rouge et l’infrarouge proche. Elle existe en version couleur et en version noir et blanc. La première, moins chère (moins de 400 €), est très intéressante, car elle permet de visualiser directement la réfraction atmosphérique pour la corriger. Et surtout, dans l’infrarouge, les filtres colorés placés devant les pixels (pour restituer la couleur) tendent à devenir transparents. Elle se comporte alors presque comme une caméra noir et blanc, on gagne donc en sensibilité et en résolution. Pour réaliser vos prises de vues, plusieurs logiciels gratuits existent : Firecapture pour l’enregistrement, Autostakkert! pour le traitement, et Registax pour l’accentuation des détails. Une fois que les images sont traitées, ne manquez pas de les partager avec la base de données de l’université de Bilbao (1). De plus en plus d’observations amateurs sont mentionnées dans des publications scientifiques. (1) http://pvol2.ehu.eus
108
Nouveautés
ASTROTRAC REVISITE LA MONTURE DE VOYAGE Les montures équatoriales de voyage sont à la mode, et Astrotrac a été parmi les premières à lancer cette tendance, il y a une dizaine d’années. Ce fabricant britannique sort un nouveau modèle plus ambitieux encore : l’Astrotrac 360. “360”, comme sa capacité à suivre le mouvement des astres dans le ciel sur 360°. C’est la première évolution notable, car le premier modèle n’autorisait un suivi que sur quelques heures. La nouvelle monture est très modulaire. Dans sa version complète, elle se présente comme une mouture équatoriale allemande et fait 5 kg. Elle peut supporter un poids de 10 kg, donc une lunette de 100 mm ou un télescope de 200 mm. Si la charge est plus modeste (un téléobjectif, par exemple), il est possible d’alléger la configuration en se passant du bloc de contrepoids. Si votre but est de faire seulement de la photo avec un objectif grand angle, vous pouvez alléger encore plus l’ensemble, en vous passant du
bloc de déclinaison. Il est alors remplacé par une rotule photo. En fait, le bloc de déclinaison est identique au bloc d’ascension droite, il peut donc lui aussi assurer le suivi des astres pour un appareil photo placé sur une rotule photo. C’est très astucieux. On note que l’entraînement se fait par secteur lisse pour éviter le jeu et gagner en précision.
Ajoutons enfin que le système est Go-To, ce n’est pas le cas pour toutes les montures nomades. Un seul bémol, il s’agit d’un produit haut de gamme avec son tarif de 2 400 livres (environ 2 750 €). Monture de voyage Astrotrac 360
2 400 £
LE RÊVE SUD-AMÉRICAIN DeepSkyChile est une nouvelle startup française dont le but est d’ouvrir un site d’hébergement de télescopes au Chili. Ce service permettra à des amateurs, ou le plus souvent à des groupes d’amateurs d’installer leurs équipements sous un ciel de grande qualité afin de le piloter à distance. Pour le moment, le projet est dans sa phase initiale : DeepSkyChile doit encore à acheter le terrain et construire l’observatoire. “Nous avons prévu de commencer la construction en juillet pour une mise en service en 2019”, indique Franck Jobard, cofondateur du projet. L’offre de lancement est de 10 000 $, sous la forme d’une levée de fonds afin de
mettre en place le projet. Il y a donc une petite prise de risque de la part des premiers souscripteurs. En contrepartie, ils n’auront pas à payer plus les deux premières années. Le tarif est de 8 640 $ par an. Ce prix comprend la location du site, mais aussi la maintenance du matériel en cas de besoin. En raison de la distance, il est bien entendu difficile d’intervenir lorsqu’un composant tombe en panne ou nécessite une réinitialisation. Dans la forme, dix instruments seront installés sous un abri à toit ouvrant. Le site se trouve dans la région de La Serena, non loin des observatoires américains du Cerro Tololo et du Cerro Pachon.
Si vous êtes impatients, sachez qu’il existe d’autres sites d’hébergement déjà actifs. Le pionnier, SpaceObs, plus au nord, est également tenu par un Français, Alain Maury, mais il est proche de la saturation. Obstech, lui, est dans la même région que DeepSkyChile. Il propose un service analogue, et le tarif est du même ordre de grandeur. “Nous avons 25 télescopes en fonctionnement et 32 sont confirmés d’ici décembre”, précise Vincent Suc, son cofondateur, lui aussi français. Pour un particulier, une telle aventure reste coûteuse, car les tarifs de location et de maintenance viennent s’ajouter à ceux d’un équipement complet pour
559 | 109 Rubrique réalisée par Jean-Luc Dauvergne
UNE NOUVELLE CAMÉRA POLYVALENTE La marque chinoise ZWO poursuit son expansion sur le marché des caméras. La dernière en date est l’ASI183 proposée en quatre modèles : version couleur ou noir et blanc, chacune refroidie ou non. Les versions standards se destinent uniquement à l’observation planétaire, alors que les caméras refroidies peuvent en plus photographier des cibles du ciel profond avec de longs temps de pose. Comme a son habitude, la marque est agressive du côté des tarifs : le capteur de 13,2 x 8,8 mm, d’une résolution de 20 millions de pixels, est proposé à 735 € pour la version couleur standard et 860 € pour la version monochrome. Comptez 1 110 € pour la caméra couleur refroidie et 1 230 € pour la monochrome refroidie. On retrouve le même capteur dans de nombreux appareils photo compacts haut de gamme chez Canon, Sony, Panasonic… Autre atout : sa sensibilité est annoncée
l’astrophotographie. Du coup, de plus de plus de groupes d’amateurs se constituent pour mettre en commun du matériel et partager les frais. C’est un choix judicieux, le nombre de nuits claires au Chili étant si élevé qu’il est difficile pour un seul individu de traiter les images d’un instrument exploité sur 100 % des nuits claires. Pour un groupe de quatre ou cinq personnes, l’aventure devient abordable.
à 84 % (c’est-à-dire qu’il peut transformer en électrons 84 % des photons incidents), avec un pic de sensibilité centré sur le bleu et le vert. La sensibilité effective est plus proche de 80 %, comme l’a montré Christian Buil en raison du traitement antireflet du hublot situé devant le capteur. Le bruit de lecture est lui aussi très bas. Il s’agit des incertitudes lors de la lecture des valeurs sur le capteur. Elle se quantifie en électrons et elle est ici de seulement 1,6 électron. Seul défaut de ce capteur : ses petits pixels de 2,4 microns. Leur capacité de charge totale est relativement faible avec 15 000 électrons maximum. Dans la pratique, la dynamique entre les hautes et les basses lumières est plus faible qu’avec des capteurs dotés de plus gros pixels.
La version refroidie de l’ASI 183 (ci-dessus) est proposée en caméra couleur ou en noir et blanc. La version non refroidie est assemblée dans une mécanique similaire, mais plus courte.
Caméra ZWO ASI183
De 735 € à 1 230 € selon les versions
Image de synthèse du futur observatoire DeepSkyChile. Deux abris à toit ouvrant pourront héberger 20 télescopes.
http://deepskychile.com http://www.obstech.net
Cette rubrique est réalisée d’après les données des fabricants. La responsabilité de Ciel & Espace n’est pas engagée si celles-ci se révélaient erronées.
Vous avez la parole
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STÉPHANE ALIX Passionné d’observation planétaire et s’occupe d’un club d’astronomie depuis une douzaine d’années.
“J’AI TESTÉ LA NOUVELLE LUNETTE TAKAHASHI FOA-60” J’observe le ciel depuis quinze ans et j’ai eu plusieurs instruments. Mais j’ai un gros faible pour les images délivrées par les lunettes. Depuis quelque temps, j’en souhaitais une de petit diamètre et polyvalente pour compléter mon matériel. Au hasard d’une recherche sur Internet, j’ai vu une discussion à propos d’une nouvelle lunette : la FOA-60 Takahashi. Je suis tombé littéralement sous le charme ; elle rentrait complètement dans mon cahier des charges. Je connais la qualité des instruments de cette marque japonaise. En effet, depuis 2014, j’ai utilisé plusieurs lunettes Takahashi, d’abord la TSA-102 et la FC76DS. Je les ai revendues pour acheter ensuite la Takahashi FSQ-85. Elle est optimisée pour l’astrophotographie, mais j’ai finalement surtout continué à faire du visuel. C’est alors que j’ai choisi cette FOA-60 pour disposer d’un instrument de qualité, mais aussi léger que possible. Il est vrai que 60 mm c’est peu, mais j’ai toujours recherché la qualité des images en visuel, au détriment d’un manque de lumière. C’est une affaire de goût. Ce qui compte, c’est qu’à l’issue de mes premiers tests, cette lunette me donne
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Lunette Takahashi FOA-60 1 702 €
559 | 111 Rubrique réalisée par Jean-Luc Dauvergne
La photographie de la Lune a été obtenue au foyer de la lunette Takahashi FOA-60, avec une caméra vidéo DMK41. Elle résulte de la combinaison de 1 000 images. © S. Alix
entière satisfaction. Il est difficile de traduire totalement le ressenti, mais j’ai pu constater avec un oculaire Delos de 3,5 mm (151x) sur une étoile brillante que le chromatisme n’est pas perceptible. La focale relativement longue par rapport au diamètre (f/8,8) permet de corriger ce défaut au mieux. Sous un ciel de qualité moyenne, j’ai visé ensuite un classique du ciel d’hiver, la nébuleuse d’Orion M42 avec un oculaire Hyperion de 21 mm (25x). Elle manquait un peu de contraste à ce grossissement-là. L’image s’est révélée bien meilleure avec un oculaire Delos de 12 mm (44x). Le cœur de la nébuleuse apparaît alors très riche, de même que sa périphérie. Les quatre étoiles centrales formant le fameux “Trapèze” sont très nettes, et quelques autres étoiles apparaissent alentour dans les voiles de gaz. Sur des amas
d’étoiles comme M35, l’image optimale est également obtenue avec l’oculaire de 12 mm. L’intérêt d’une lunette de petit diamètre est de permettre de faire de l’observation visuelle à grand champ et à faible grossissement. C’est particulièrement intéressant sur des cibles étendues comme les Pléiades. Outre l’observation visuelle, j’ai commencé à faire des essais avec une petite caméra CCD et un reflex, les résultats sont à la hauteur de mes attentes. Pour les grands capteurs, il faut signaler qu’il est possible d’ajouter un aplanisseur de champ réduisant un peu la focale à 495 mm. Mais la bonne correction des défauts de chromatisme incite à s’intéresser aussi à l’observation planétaire. Dans ce domaine, il est possible d’ajouter un extendeur de 1,7x, qui permet d’augmenter la focale à 901 mm. L’accessoire est très coûteux (677 €), mais il permet donc d’avoir un grossissement natif plus fort tout en augmentant la qualité optique. En effet, le rapport de Strehl passe de 96 % à 99 % ; un instrument parfait a un Strehl
de 100 % (c’est-à-dire que 100 % de l’énergie lumineuse est concentrée dans la tache d’Airy théorique). L’accessoire est donc utile aussi bien en observation visuelle qu’en photo pour observer les planètes, la Lune ou le Soleil. Cette lunette s’adresse plutôt à des personnes ayant déjà une bonne habitude de l’observation, 60 mm reste petit, mais il y a un grand nombre d’objets à voir. Le prix est très élevé pour une lunette de ce diamètre : 1 702 €, mais la haute qualité a un coût. C’est un complément parfait en deuxième instrument, notamment pour les nomades, ou tout simplement pour partir en vacances sans trop s’encombrer. Cette lunette a des arguments aussi pour séduire les amoureux de la marque. Elle complète astucieusement la gamme aux côtés de l’autre lunette de 60 mm de la marque : la FS-60. Celle-ci est plus ancienne, sa focale est plus courte et du coup, la correction du chromatisme n’est pas parfaite. Elle reste néanmoins la plus compacte de la marque et s’adresse surtout à un public photographe, aimant le grand champ.
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ouvert la nuit
Fabrice Millot Cette photo circumpolaire a été prise dans le département de la Marne. La composition est harmonieuse, avec la forme de l’éolienne rappelant le mouvement des étoiles. Il est intéressant de souligner que l’image a été obtenue avec un kit reflex-zoom d’entrée de gamme. Objectif Canon 18-55 mm / Reflex Canon EOS 1000D / 60 poses de 30 s à 800 ISO et f/3,5
559 | 113 Rubrique réalisée par Jean-Luc Dauvergne
COUP DE CŒUR
Jean-Marc François La galaxie des Chiens de chasse M 51 fait partie des plus belles cibles du ciel boréal. Il s’agit d’un couple de galaxies en interaction gravitationnelle. L’intérêt de ce champ large est de montrer des extensions d’étoiles autour des galaxies liées à leur interaction. Ces zones sont révélées en raison du très long temps de pose. Lunette Télescope Service 102/700 mm / Caméra Moravian 8300 / 56 h à travers des filtres L, R, V et B
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ouvert la nuit
Frédéric Vincent
Thomas Lelu
Olivier Bonnavaud
Ce panorama a été obtenu lors d’un voyage organisé par l’Association française d’astronomie. Il résulte de l’assemblage de sept photos et révèle bien l’arche formée par l’ovale auroral. Il montre aussi qu’avec une bonne composition, il est possible de faire de belles photos d’aurores même lorsque l’activité n’est que moyenne. Objectif Samyang 14 mm / Boîtier hybride Sony Alpha 7s / 5 s à 1 250 ISO
Dans la constellation du Lion se niche l’un des plus beaux trios de galaxies avec M66 (en bas à gauche), M65 (en bas à droite) et NGC3628 (en haut). Étant donné le très long temps de pose cumulé, les prises de vues individuelles ont été étalées entre janvier et décembre. Télescope Newton ASA 10” / Caméra Moravian G2-4000 / 13 h avec des filtres L, R, V et B
Les cratères Clavius et Moretus ont été photographiés à la faveur de l’anticyclone polaire, le 24 février. Olivier a combiné 1 000 images extraites de la vidéo prise avec un temps de pose de 2 millisecondes. Un filtre laissant passer l’infrarouge à partir de 742 nm a été utilisé pour réduire la turbulence. Télescope Dobson ES 400 mm / Caméra vidéo QHY III 224C
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ouvert la nuit
Olivier Auguerre
Jean-Paul Mission
La nébuleuse du Têtard, IC 410, est un bel objet de la constellation du Cocher. Très diffuse en observation visuelle, elle se dévoile surtout en photo à long temps de pose. Avec une taille apparente de 40’, IC 410 est plus grande que la Lune sur la voûte céleste. L’image est visualisée en fausses couleurs. Elle a été obtenue avec des filtres étroits centrés sur la lumière émise par l’hydrogène, le soufre et l’oxygène. Télescope Newton 250/1 000 / Caméra Atik One / 6 h à travers des filtres OIII, HII et SII
En profitant du déplacement aux États-Unis en août 2017 pour l’éclipse totale de Soleil, Jean-Paul a saisi quelques paysages de nuit du Grand Ouest américain. Celle-ci a été prise sur le bord du lac Yellowstone, dans le Wyoming. À l’horizon, la couleur verte est due à la luminescence naturelle de l’atmosphère. Zoom Canon 16-35 mm / Canon EOS 6D / 25 s à 8 000 ISO
Adressez-nous vos photos à : ouvertlanuit@cieletespace.fr Merci de nous envoyer vos images à leur résolution maximale, de préférence dans un format JPEG peu compressé.
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Tarifs valables pour la France métropolitaine jusqu’au 31 décembre 2018
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Bon à retourner avec son règlement par chèque à l’ordre de l’AFA (Association française d’astronomie), à :
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INITIATIVES
LA PLAGE AUX ÉTOILES FAIT SON GRAND RETOUR À COLLIOURE
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onne nouvelle pour les habitués de la côte Vermeille, où les Pyrénées plongent dans la Méditerranée : après quatre ans d’absence, le Festival de la plage aux étoiles refait surface cet été dans la pittoresque cité de Collioure, à quelques dizaines de kilomètres de Perpignan. Si le festival renaît, du 30 juillet au 5 août prochain (pendant les Nuits des étoiles), c’est grâce à la détermination de ses instigateurs, Miguel Montargès, Mélody Sylvestre et Pierre Fedou. Ces trois astrophysiciens l’avaient monté en 2011 pour le plus grand plaisir des amateurs du ciel de la région catalane. Leur but était simple : vulgariser l’astronomie et permettre au grand public de jeter un coup d’œil dans des télescopes. Sans même être annoncé sur le programme de l’été de la mairie, le festival accueille pourtant une trentaine de personnes par jour dès son lancement. Puis l’affluence n’a cessé de grimper les années suivantes, et la durée du festival s’allonge à une semaine, avec des conférences, des observations, une exposition… “On devait trouver des astuces pour faire face au monde : on a mis en place des visites guidées à heure fixe pour canaliser les gens. On n’arrivait même pas à dire bonjour à tout le monde !” se souvient Miguel Montargès.
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Mais en mars 2014, le changement de municipalité complexifie la mise en place du festival. “La nouvelle équipe n’avait pas l’habitude de travailler avec nous et beaucoup de choses restaient en suspens, raconte Mélody Sylvestre. L’organisation était devenue beaucoup plus éprouvante…” Cette année-là, l’affluence au festival ayant drastiquement baissé, Miguel et Mélody, sur le point de terminer leur thèse, jettent l’éponge ; le festival n’est pas reconduit pour l’été 2015. Après leur thèse, Miguel devient postdoctorant à Grenoble et Mélody à Bristol, en Angleterre. Mais lorsqu’ils reviennent à Collioure, nombreux sont ceux qui leur demandent s’ils comptent relancer le festival prochainement. Un de leurs anciens bénévoles au festival, Jean-Pierre José, un professeur de mathématiques à la retraite, les a même “pratiquement manipulés”, s’amuse Miguel : “L’été dernier, il a organisé une conférence d’astronomie et nous y a conviés. À la fin, il nous a carrément invités à répondre aux questions du public. En fait, il nous a montré qu’il y avait de la demande !” En automne 2017, Miguel Montargès et Mélody Sylvestre décident alors de fonder une association pour obtenir des subventions, leur permettant de tout
gérer eux-mêmes en vue d’un retour du festival durant l’été 2018. La mairie de Collioure, le département des Pyrénées-Orientales et la Société française d’astronomie et d’astrophysique (SF2A) sont d’ailleurs prêts à y contribuer. Un intérêt qui n’a pas laissé insensibles les deux créateurs du Festival de la plage aux étoiles, qui revient du 30 juillet au 5 août, au centre culturel de Collioure. L’exposition de l’observatoire de Paris, “Une brève histoire de l’Univers”, sera présentée cette année à l’occasion du festival, avec trois conférences : “François Arago, un savant généreux” par James Lequeux, astronome émérite à l’observatoire de Paris (vendredi 3 août à 18 h) ; “Un peu de lumière sur la matière noire de l’Univers” par Françoise Combes, astrophysicienne et professeur au Collège de France (samedi 4 août à 18 h) ; “Nous sommes tous des poussières d’étoiles” par Éric Lagadec, astronome à l’observatoire de la Côte d’Azur (dimanche 5 août à 18 h). Des séances d’observation au télescope suivront les conférences, assurées par le club Terre-Univers. Clément Plantureux
Toutes les informations sur : https://www.astrocollioure.fr
Conférences et séances d’observation sont au programme du festival de Collioure cet été. © M. Montarges / Illustration : S. Cnudde
Formezvous à l’astro à Lille 1 Vous êtes détenteur d’un baccalauréat scientifique (ou équivalent) et vous aimeriez obtenir un diplôme universitaire en astronomie ? L’université de Lille 1 propose, à partir de septembre 2018, des cours du soir à destination des étudiants, salariés, retraités ou simples passionnés d’astronomie. Le cursus “L’Univers et sa mesure” mêle à la fois des cours fondamentaux et des cours pratiques : mécanique céleste, techniques d’observation, histoire de l’astronomie… Ceux-ci seront assurés tous les jeudis, de 17 h à 20 h, par les enseignants-chercheurs de l’université de Lille 1, de l’observatoire de Lille, mais aussi par des intervenants de l’observatoire de Paris. Pour plus d’informations, consultez : http://formationcontinue.univ-lille.fr/ Secrétariat formation continue de Lille 1 : sophie.ramos@niv-lille.fr Secrétariat de l’observatoire de Lille : marie-noelle. peinte@univ-lille.fr
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DU CÔTÉ DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE D’ASTRONOMIE
Petite Ourse : les enfants s’épanouissent avec l’astro ! Promouvoir l’astronomie et sensibiliser
Prochains stages Petite Ourse Du 9 au 10 juillet à Ris-Orangis (91) Planète Sciences Du 9 au 11 juillet à Martigny-lesGerbonvaux (88) Club Ludisky Du 11 au 12 juillet à Vaulx-en-Velin (69) Club d’astronomie de Lyon Ampère Du 16 au 19 juillet à Cuisery (71) Centre Eden Du 16 au 18 juillet à Helfaut (62) Planétarium de la Coupole
Diversifier les approches et les supports pour mener les jeunes vers une pratique autonome de l’astronomie, en maintenant un haut rapport au concret et au “vrai” ciel. © R. Padilla/Planète Marsobservatoire Hubert et S. Morelle/centre Eden
les jeunes à l’observation et à la compréhension des sciences de l’Univers, tel est le projet développé depuis 2013 par l’Association française d’astronomie (AFA) en collaboration avec la Fédération nationale des Francas, au travers du programme Sidéral. Et grâce aux nombreux ateliers proposés, l’objectif est atteint ; plus de 10 300 enfants de 8 à 12 ans, sur les 25 000 sensibilisés par le programme, ont reçu leur Petite Ourse. Suivant le rapport d’enquête délivré en février dernier et permettant d’évaluer l’impact des ateliers Petite Ourse auprès des enfants, les bénéfices d’un tel programme sont multiples. Non seulement les enfants motivés en amont des stages le restent par la suite, mais aussi, et pour ceux qui n’ont pas eu le choix de leur inscription aux ateliers, le souhait
d’approfondir leurs connaissances en astronomie est souvent exprimé à l’avenir. Et bon nombre d’entre eux sont d’autant plus attirés par les veillées nocturnes de fin d’atelier, destinées à l’observation et à la manipulation des instruments. D’après les animateurs, l’esprit de coopération entre les enfants est clairement observé lors des ateliers, notamment durant la manipulation des outils d’observation. En effet, la Petite Ourse n’est pas destinée à favoriser la compétition entre les participants, mais bel et bien de promouvoir l’entraide et la mise en commun des apprentissages. Preuve en est que, même pour les enfants plus “difficiles” ou rencontrant des problèmes dans leur scolarité, ces ateliers leur ont permis de se canaliser et de concentrer leur attention sur les activités proposées. La pédagogie du projet Petite Ourse
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Les jumelles sont les premiers instruments pour une bonne découverte du ciel © Domaine de l’étoile
rce : 3 jours de conférences astronomiques Les Rencontres du ciel et de l’espace (RCE) reviennent pour une 11e édition, les 1er, 2 et 3 novembre 2018 à la Cité des sciences et de l’industrie de Paris, qui en est partenaire, comme Airbus qui la parraine. Plus de trente conférences seront
repose avant tout sur le respect des rythmes d’apprentissage, mais aussi, et surtout sur le plaisir d’apprendre au travers du jeu. En ce sens, les enfants sont d’autant plus ouverts à l’acquisition de nouvelles compétences. Durant les ateliers Petite Ourse, les enfants sont ainsi amenés à reconnaître les constellations ou à faire la distinction entre les planètes, le Soleil et la Lune, dont les différentes phases leur sont décrites. Le phénomène du vent solaire leur est aussi expliqué, notamment au travers des aurores boréales, de même que la gravitation, la distinction entre les lunettes astronomiques et les télescopes ainsi que leur manipulation… Et c’est essentiellement grâce aux jeux mis en place par les animateurs que le souhait d’apprendre s’est fait le plus ressentir de la part des enfants. Des casse-têtes permettant de distinguer les planètes du Système solaire, des chasses au trésor, grâce à l’utilisation de boussoles, et la création de cartes du ciel sont parmi les activités que les enfants ont préférées, d’après le rapport évaluatif. À noter que, du côté des animateurs aussi, le programme Petite Ourse a permis l’amélioration de leurs propres méthodes d’animation, notamment sur le développement de leur capacité de vulgarisation et l’enrichissement de leurs compétences pédagogiques. La réussite d’un tel programme auprès des 8-12 ans conforte l’idée d’ouvrir les ateliers à un public plus large. En effet, l’AFA et ses écoles d’astronomie ont le projet, durant l’année 2018, de proposer aux 6-8 ans des ateliers “Ourson”, ainsi qu’aux 12-15 ans des ateliers “Grande Ourse”.
proposées durant ces trois journées ! Et certaines sont d’ores et déjà connues, parmi lesquelles : “L’étoffe de nos rêves et de l’Univers”, par l’astrophysicien David Elbaz et le neurobiologiste Alain Destexhe, une conférence sur la sonde américaine “Parker Solar Probe”, par Milan Maksimovic, “Trous noirs et gravitation quantique” par Aurélien Barrau, “Origines de l’Univers avec Planck et Euclide” par Hervé Dole, “Le système planétaire Trappist-1 : une porte vers l’étude d’exoplanètes potentiellement habitables” par Michaël Gillon… Seront bien sûr présents Hubert Reeves et bien d’autres, et du côté des pratiques et techniques, on parle déjà de Jean-Claude Merlin, Christian Buil, Thierry Legault, etc. Toutes les informations sur : www.afastronomie.fr
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Nos prochains rendez-vous Stage 1re étoile ★ MAI le 18 à Mauroux (32) le 19 à Paris (75), Vaulx-en-Velin (69), Mauroux (32), Valbonne (06) (suivie d’une 2e étoile le 20) le 26 à Paris (75), Dijon (21) Et un stage immersion 1re-2e étoile le 21 à Moydans (05)
DU CÔTÉ DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE D’ASTRONOMIE
Baïkonour : récit d’un voyage réussi L’Association française d’astronomie a récemment organisé un voyage pour observer le lancement du vol habité Soyouz MKC 55/56 à la base de lancement de Baïkonour, au Kazakhstan, le 21 mars. Le cosmonaute russe Oleg Artemyev et les astronautes américains Andrew
JUIN
Feustel et Richard R. Arnold ont décollé à 23 h 44, heure
le 15 à Mauroux (32) le 16 à Paris (75), Vaulx-en-Velin (69), Poitiers (86), Mauroux (32) le 17 à Moydans (05) le 23 à Paris (75)
locale, pour rejoindre la station spatiale internationale.
JUILLET
nouvel avion pour Kyzylorda, puis la route sur 250 km,
le 7 à Mauroux (32), Ris-Orangis (91) et Rouvroy-les-Merles (60) le 8 à Moydans (05) les 9 et 14 à Mauroux (32) Et un stage immersion 1re-2e étoiles le 15 à Moydans (05)
il arrive au cosmodrome de Baïkonour. Les participants
Stage 2e étoile ★★ JUIN le 2 à Buthiers (77) et Vandœuvre-lèsNancy (54) le 23 à Moydans (05) Du 8 au 10 à Neuvy-sur-Barangeon (18) (en trois jours-2 nuits comprenant un rappel 1re étoile le premier soir) Et un stage d’immersion 1re, 2e et 3e étoiles le 14 à Moydans (05)
Le groupe a été accueilli le lundi 19 mars au matin par la guide, Kamila, dès leur arrivée à l’aéroport d’Almaty, au sud-est du pays. Le surlendemain, après avoir pris un
visitent alors le musée Gagarine et découvrent la navette soviétique Bourane. Puis, le soir même, ils rencontrent les trois astronautes prêts à prendre place dans la fusée. “Nous sommes installés tout près du pas de tir avec nos jumelles et nos appareils photo sur trépied, décrit Patrick Pelletier, un des voyageurs. L’allumage est précis à la seconde près : les flammes des boosters s’allongent, la fumée recouvre la plateforme de tir, la fusée s’élève et prend de la vitesse. Le bruit devient sec et assourdissant, la fusée est déjà très haute dans le ciel étoilé : pari réussi pour ce voyage AFA. Nous sommes tous encore sous l’émotion. Quel spectacle !”
À NOTER SUR VOS AGENDAS Éclipse totale de Lune le 27 juillet Nuits des étoiles les 3, 4 et 5 août Rencontres photographiques de Carcans (33) du 12 au 16 septembre Festival des 2 infinis du 11 au 13 octobre Rencontres du ciel et de l’espace du 1er au 3 novembre Le groupe de l’AFA a assisté au décollage d’Andrew Feustel, d’Oleg Artemyev et de Richard Arnold (de g. à d.) pour la station internationale. © D. Launay et P. Pelletier
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Les voyages de l’AFA L’AFA propose à ses adhérents des voyages aussi exotiques qu’astronomiques. Pour les amoureux des étoiles, voici nos prochaines dates.
Mongolie 2 485 € (12 jours)
© J. Prelle
du 17 au 28 août
du 1er au 13 septembre 5 440 € (13 jours)
L’engouement suscité par la dernière éclipse aux États-Unis en 2017 a mis en effervescence le Chili. La prochaine éclipse totale du 2 juillet 2019 passera dans la vallée de l’Elqui, là où sont installés les observatoires de La Silla et de cerro Tololo, pour ensuite achever sa course en Argentine. Depuis plus près d’un an, nos équipes se sont mobilisées afin de pouvoir faire vivre cette nouvelle rencontre céleste à nos adhérents globe-trotters. Inflation des prix, réservation hôtelière impossible, exigences de déposit prohibitif, il semble que la fièvre de l’éclipse ait pris la plupart des organisations chiliennes… Les Argentins ne sont pas complètement en reste, mais sont plus raisonnables. Il faut dire que la bande de territoire couverte par l’éclipse n’est que d’un peu plus de 1 000 km contre la largeur du continent nord-américain en 2017 ! Bref, il n’y aura que peu d’élus, à moins que la fièvre retombe quand les opérateurs touristiques locaux auront compris que les organisateurs de voyage “Éclipse” ne se contentent pas de faire qu’une seule demande de cotation ! L’AFA avec son agence VTF propose quatre voyages — deux chiliens, deux argentins — et fera partir une centaine de chanceux en ce début d’été 2019. Les programmes sont en ligne et en vente. Il reste encore de la place au moment où nous mettons en page cette information. À consulter sur : www.afastronomie.fr/nos-voyages-astronomiques
4 300 € ( 12 jours)
© S. Chermette
4 au 15 octobre
Kazakhstan
du 12 au 19 novembre 4 150 € (8 jours)
Islande
du 3 au 11 décembre 1 850 € (9 jours)
Programmes détaillés et inscriptions sur www.afastronomie.fr Ces voyages sont proposés par l’Association française d’astronomie, membre de l’Union d’associations VTF, immatriculée au registre des opérateurs de voyages et de séjours n° IM013100049. Garantie financière UNAT FMS, RCP Generali.
© B. Ingalls/Nasa
2 juillet 2019 : une éclipse sur l’Amérique latine
Éthiopie, Dallol
© J.-L. Dauvergne/C&E
Prochaine occasion d’admirer un “Soleil noir” : l’éclipse totale du 2 juillet 2019 au Chili. Un grand rendez-vous astronomique qui met le pays en effervescence. © P. Pelletier
© L. Alan/Nasa
Hawaï
AGENDA
PAIX EN ANTARCTIQUE Au collège Jules Valéri, à Nice, l’astrophysicienne Merieme Chadid tient une conférence sur Paix, le premier programme polaire d’observation robotisée depuis l’Antarctique, lancé avec succès en 2007. Contre vents et marées, Paix et son équipe explorent le ciel austral ans des conditions extrêmes, en sondant l’intérieur stellaire grâce à des mesures photométriques en continu et sans interruption à chaque nuit polaire. Un projet qui témoigne d’une nouvelle technologie d’instrumentation polaire et de sa faisabilité en milieu hostile. L’entrée pour la conférence est gratuite (pièce d’identité requise).
JOYEUX ANNIVERSAIRE BRETON ! En 2018, le planétarium de Bretagne fête ses 30 ans : autant d’années durant lesquelles ses visiteurs quittent le sol terrestre pour découvrir à 360° l’immensité de la voûte étoilée. Le 19 mai, une soirée gratuite est organisée pour le public, avec un spectacle audiovisuel sous le dôme du planétarium, un “son et lumière” en extérieur et un feu d’artifice ! De nombreux événements viendront ensuite jalonner cette année : une exposition sur l’histoire des planétariums, un rendez-vous autour de l’éclipse de la Lune du 27 juillet, ou encore une séance commémorative de l’expédition Apollo 8 en décembre.
Nice (06) – 18 mai, 18 h 30
NIGHTSCAPADES À LOURDES La première édition du festival Nightscapades se tiendra à Lourdes et dans les vallées des Gaves du 31 mai au 3 juin. Son thème : “la rencontre”. Photographes, écrivains, musiciens et autres artistes y sont attendus pour présenter leur vision de la nuit. Au programme notamment : la remise du prix de la 5e édition des PNA (lire p. 66), un Concert sous les étoiles de la Compagnie des musiques télescopiques T60 au château fort de Lourdes, des ateliers photo à Cauterets, un concert-projection Lightspeed Concert, organisé par Benoît Reeves, au palais des congrès de Lourdes… Lourdes (65) – Du 31 mai au 3 juin www.chasseursdenuits.eu
Pleumeur-Bodou (22) – 19 mai
Collège Jules Valéri
Planétarium, Parc du Radôme
https://planetarium-valeri.jimdo.com
http://planetarium-bretagne.fr
© Planétarium de Bretagne
Avenue Saint-Lambert
MEYLAN (38) L’ensemble vocal Atout Chœur et le Groupe d’astronomie du Dauphiné invitent le public à une soirée “Au chœur de la nuit”, où les chants alterneront avec la découverte de la voûte céleste. 23 mai, 21 h 07 68 57 78 11 http://astrosurf.com/gad
MARSEILLE (13) Conférence sur “La découverte d’anneaux autour de deux petits corps du Système solaire” par Bruno Sicardy, de l’observatoire de Paris. Les planètes ne sont pas les seules à posséder des anneaux : Chariclo et Hauméa en possèdent aussi… 25 mai, 20 h 30 5 € 04 13 55 21 55 http://andromede.id.st
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LA COUYÈRE (35) Rendez-vous au Centre d’astronomie de La Couyère, près de Janzé, pour une soirée dédiée à l’observation de la Lune, de Jupiter et de bien d’autres merveilles du ciel de printemps. 25 et 26 mai https://www.astro-rennes.com
SAINT-ÉTIENNE-LES-ORGUES (04) Le 2 juin, venez observer au télescope Jupiter et les objets du ciel profond de printemps. Merci d’annoncer votre venue par mail ou SMS. Prévoyez des vêtements très chauds (altitude 1 600 m), et si possible une lampe de poche. 2 juin 06 20 12 41 82 agau@wanadoo.fr http://www.astrosurf.com/saml
EXPLORATIONS NOCTAMBULES
PORTES OUVERTES À L’OBSERVATOIRE
RENCONTRES PRO-AMATEURS
Au cours d’une veillée aux étoiles, le public est convié à découvrir la vie nocturne, le 3 juin à Nantes, dans le parc du Grand Blottereau. Le crépuscule et la nuit sont des moments propices à l’activité des chauves-souris et de certains insectes. Dès 21 h, accompagné de naturalistes et équipé d’outils d’observation, tout un chacun découvrira ces animaux dans leurs activités quotidiennes et tentera de repérer et d’identifier leurs cris ! Les animateurs du planétarium et de la Société d’astronomie de Nantes, eux, feront découvrir la voûte céleste à l’aide de lunettes et de télescopes.
Cette manifestation bisannuelle permet aux petits et aux grands de découvrir l’astronomie. Deux parcours sont proposés : un parcours famille avec des contes, des fouilles paléontologiques ou encore une course d’orientation, ainsi qu’un parcours adulte avec des conférences, un café-débat ou encore des ateliers sur les mirages de l’Univers. Moment incontournable du week-end : le samedi soir avec une conférence en plein air, une découverte des constellations, du théâtre et surtout l’observation des astres ! Jupiter, Saturne, Venus et la Lune seront présents dans le ciel ce soir-là.
Début juillet, la SAF (Société astronomique de France) propose un atelier sur les collaborations entre astronomes amateurs et professionnels. Ce sera l’occasion de revenir sur les derniers travaux réalisés et les résultats obtenus dans de tels cadres de partenariat. Les projets qui pourraient être lancés seront également discutés, ainsi que les besoins et les moyens à réunir pour ces projets, et les éléments nouveaux entrant dans le paysage, comme l’impact des données Gaia. Alors, venez à Bordeaux prendre part à de telles collaborations scientifiques ! L’inscription est gratuite !
Nantes (44) – 3 juin
Saint-Genis-Laval (69) – Les 23 et 24 juin
Parc du Grand Blottereau
Observatoire de Lyon, avenue Charles-André
Bordeaux (33) – Du 3 au 6 juillet
Boulevard Auguste-Peneau
https://observatoire.univ-lyon1.fr
Antenne Pey Berland de l’université de Bordeaux Place Pey-Berland
www.nantes.fr/le-planetarium
© Nguyenhuuthanh
© Observatoire de Lyon/F. Gobet
http://2018.sf2a.eu
SAINT-JULIEN-CHAPTEUIL (43) Le 9 juin, le club Orion vous ouvre les portes de son observatoire. Vous pourrez participer, avec les adhérents, à une observation à l’aide des instruments du club. Pensez à vous vêtir chaudement, l’observatoire est à 950 m d’altitude. 9 juin
SUTRIEU (01) L’observatoire de la Lèbe vous invite à une découverte du ciel dans un télescope de 610 mm. Une “évasion galactique” personnalisée est mise en place en cas de mauvais temps. 16 juin, 22 h 45 Adulte : 13 € - Enfant : 10 € 04 79 87 67 31
http://www.orion43.fr
http://www.astroval-observatoire.fr
SAUTRON (44) Venez observer le Soleil avec le club Sautron Astronomie ! Des ateliers pour les enfants sont également prévus, ainsi qu’une exposition “Le Soleil, comment ça marche ?”. 17 juin http://sautronastronomie.fr
SERBANNES (03) Les 7es Rencontres des observateurs solaires de Serbannes vous offrent la possibilité de tester, de comparer et de vous informer sur les matériels disponibles en France pour observer le ciel et le Soleil. 23 et 24 juin 5 € 06 77 78 97 45 http://www.soleilactivites.fr
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LIRE, VOIR
ESSAI
VULGARISATION
ODE À LA NUIT
UNE HISTOIRE DE COMÈTES
LE PUBLIC Cette initiation poétique à l’astronomie s’adresse avant tout aux néophytes. EN RÉSUMÉ L’astrophysicien vietnamo-américain Trinh Xuan Thuan emmène son lecteur dans une découverte nocturne à l’observatoire du Mauna Kea, à Hawaï. Le déroulé de sa nuit est prétexte à raconter le ciel. Entre autres exposés : la rotation de la Terre au moment du crépuscule, la formation de notre satellite et son rôle crucial pour la vie sur Terre quand le croissant de Lune devient visible, les corps du Système solaire quand le chapelet des planètes se lève, le paradoxe de la nuit noire quand des milliers d’étoiles scintillent, puis les galaxies, la naissance et l’évolution de l’Univers quand il braque le puissant télescope vers l’infini. NOTRE AVIS C’est d’abord un récit touchant. Jadis, quand il vivait au Vietnam durant la guerre, l’auteur détestait la nuit, annonciatrice de tragédies. Aujourd’hui, il entretient un lien presque charnel avec elle. “J’aime la nuit avec passion. Je l’aime comme on aime son pays ou sa maîtresse, d’un amour instinctif, profond, invincible”, emprunte-t-il à Maupassant en préambule. Tout au long de l’ouvrage, Trinh Xuan Thuan n’aura de cesse d’ailleurs de convoquer écrivains, poètes et artistes qui ont célébré la nuit. Ici et là, entre un passage sur les comètes, le pendule de Foucault ou l’expansion de l’Univers, il y a une citation de Joachim du Bellay, de Bashung, de Rainer Maria Rilke, la reproduction d’un tableau de Munch, de Magritte ou du Douanier Rousseau. Ce mariage entre vulgarisation et poésie est fort réussi. Notamment l’alternance jour-nuit, “un des événements les plus émouvants qui soient”, les marées “qui renversent les châteaux de sable des enfants”, le paradoxe de la nuit noire sont expliqués joliment et avec grande clarté. Comme dans chacun de ses ouvrages, l’auteur saupoudre dans ses lignes une pincée de métaphysique. Pour lui, notre condition de poussières d’étoiles fait écho à la sagesse bouddhiste selon laquelle les phénomènes et les objets sont en transformation et en interaction constante. Un livre pour s’instruire, rêver et méditer. À noter : Une nuit vient de recevoir le prix Ciel & Espace du livre d’astronomie 2018 (https://bit.ly/2EFxewV/). EM
LE PUBLIC L e b o n n ive a u d e vulgarisation de ce livre le met à la portée de tout curieux d’astronomie, sans connaissances prérequises. EN RÉSUMÉ Les comètes nous intriguent depuis l’Antiquité. Les auteures retracent l’histoire de l’observation et de l’étude de ces corps si particuliers, dont la nature exacte n’est vraiment connue que depuis quelques décennies. Ces deux chercheuses ont participé à Rosetta, qui s’est achevée le 30 septembre 2016, et finissent en toute logique sur cette belle mission spatiale autour de la comète Churyumov-Gerasimenko. NOTRE AVIS L’ouvrage est agréable à lire et son fil conducteur chronologique semble assez naturel dans la mesure où l’étude des comètes a régulièrement ponctué l’histoire des sciences. Et, même si les données de la mission Rosetta sont en cours de traitement, L’exploration cométaire offre déjà une première vision d’ensemble de l’enseignement scientifique à en tirer. JLD
L’EXPLORATION COMÉTAIRE / Janet Borg et Anny-Chantal Levasseur-Regourd UNE NUIT / Trinh Xuan Thuan Éditions L’iconoclaste / 250 p. / 24,95 € / 128
Éditions Nouveau Monde / 230 p. / 19,90 € /
À éviter
Pourquoi pas
BANDE DESSINÉE
VULGARISATION
SI GAGARINE AVAIT DÉPRIMÉ
ET L’INCONCEVABLE DEVINT COMPRÉHENSIBLE
LE PUBLIC Bien qu’accessible à tous, cette BD sera plus appréciée d’un public plutôt connaisseur du contexte des premiers vols humains dans l’espace. EN RÉSUMÉ Au début des années 1960, l’URSS a réussi à envoyer un homme dans l’espace à bord d’un vaisseau Vostok. Mais dans cette histoire parallèle, le héros de l’Union soviétique n’est pas Youri Gagarine. Il s’agit du major Akim Smirnov qui, après avoir contemplé la Terre depuis l’orbite, fait face à quelques problèmes psychologiques. Au point qu’il n’est pas en état de revoler. Pour le remettre en selle, les responsables soviétiques s’engagent dans la voie pour le moins originale qui consiste à faire venir un spécialiste américain… NOTRE AVIS L’argument de ce récit est inattendu. La situation engendrée par la confrontation d’un Américain et des dirigeants du programme spatial soviétique n’est pas dépourvue d’intérêt. Toutes les peurs ressenties des deux côtés pendant la guerre froide pimentent une intrigue toute psychologique, qui cependant manque de souffle. PH
Bien
Excellent !
LE PUBLIC Bien que le big bang ne soit pas le sujet le plus simple à traiter, ce livre est toutefois d’une bonne clarté. L’ouvrage est destiné à quiconque souhaiterait parcourir l’histoire et les grandes théories de l’origine de l’Univers. EN RÉSUMÉ Le big bang pour les nuls traite autant des principes scientifiques qui aident à penser le big bang, comme la relativité générale d’Einstein, que de l’histoire et des découvertes successives qui ont permis l’émergence de ces principes. Après avoir posé les bases des connaissances cosmologiques (le temps, l’espace, la matière, l’énergie…), l’auteure décrit les premières secondes, heures, années de notre Univers, de l’infiniment petit à l’infiniment grand… afin de mieux comprendre l’Univers actuel, et d’imaginer son évolution future. NOTRE AVIS Complet, l’ouvrage de plus de 400 pages n’est pas destiné à être lu d’une traite, mais plutôt à être parcouru de chapitre en chapitre, de notion en notion, à la manière d’une encyclopédie. Pour les assoiffés de savoirs scientifiques, la série des “Nuls” est à connaître. Et cet ouvrage ne déroge pas à la règle. CP
D’EN HAUT, LA TERRE EST SI BELLE / Toni Bruno
LE BIG BANG POUR LES NULS / Blandine Pluchet
Éditions Glénat / 210 p. / 20 € /
First Éditions / 420 p. / 22,95 € /
NOS JOURNALISTES PUBLIENT
EXOPLANÈTES Texte de David Fossé, peintures de Manchu / Éditions Belin / 160 p. / 26 €
À quoi ressemblent les exoplanètes, ces mondes détectés autour d’autres étoiles que le Soleil ? Les astronomes ne peuvent que l’imaginer à partir des informations récoltées par leurs télescopes. David Fossé,
rédacteur en chef adjoint de Ciel & Espace, et Manchu, dessinateur de nombreuses couvertures de romans de SF (mais aussi, de Ciel & Espace), offrent une image plausible de ces planètes encore invisibles. Un
ouvrage prospectif rigoureux mais aussi artistique pour explorer par la pensée les paysages exotiques de ces mondes qui peuplent la Galaxie. PH
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© Anton Balazh/Nasa
REGARD
La Terre, dans l’idéal
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L
’artiste, c’est bien connu, n’a de limites que son imagination. Et le graphiste russe Anton Balazh, qui vit à Saint-Pétersbourg, les a toutes bousculées dans sa quête de représentation d’une Terre idéalisée. Amateur de photographies satellites, l’illustrateur a réalisé de vraies fausses vues de notre planète dans l’objectif d’en souligner les reliefs et de rendre compte de l’emprise humaine sur la nature. Toutes les données de base de ce travail sont réelles. L’illustrateur, qui aime travailler avec des programmes 3D, utilise les fichiers des catalogues d’images de la Nasa. Il y ajoute
celles de bathymétrie pour la profondeur des océans ; les dessins des côtes et les niveaux de la mer à proximité ; les cartes des satellites radars. Puis, muni d’un modèle numérique de Terre virtuelle, il soulève les chaînes de montagnes, souffle les nuages et la pollution, colore les forêts, les déserts et les océans, allume les lumières des villes ou éclaire d’un coup de Lune artificiel les zones d’ombres sur la planète. Le résultat est une Terre idéalisée, unique en son genre. Sans conteste, un travail d’artiste perché ! Alain Cirou
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