9 minute read
LA FILIÈRE CIEL : nouveau vivier de talents pour les professionnels de l’électronique et de la cybersécurité
Par Jeanne BIGOT, reporter.
La rédaction des Cahiers de l’Industrie Électronique et Numérique s’attaque, depuis septembre 2022, à la question des formations aux métiers de l’électronique. Un sujet complexe qui bouge cette année grâce à la rénovation de la filière Systèmes Numériques, qui devient Cybersécurité, Informatique et réseaux, Électronique.
La rentrée des classes 2023 s’annonce toute particulière pour les professionnels de l’électronique et de la cybersécurité. En effet, cette année marque la rénovation de la filière système numérique, lourdement critiquée ces dernières années. Tout d’abord, celle-ci change de nom, et devient la filière « Cybersécurité, Informatique et réseaux, Électronique ». Après avoir disparu de l’appellation en 2016, l’électronique revient donc finalement sur le devant de la scène. Une aubaine pour les entreprises du secteur, qui peinent aujourd’hui à embaucher de jeunes recrues, faute de formations adaptées. Il n’y a évidemment pas que le nom qui change : la filière propose 4 nouveaux diplômes. Premièrement, un baccalauréat professionnel « Cybersécurité, Informatique et réseaux, Électronique », et un BTS du même nom, avec deux options : Informatique et réseaux et Électronique et réseaux. Ces deux diplômes sont directement issus du baccalauréatus professionnel et BTS anciennement appelés « Systèmes Numériques ». Ensuite, deux mentions complémentaires de niveau 4 font leur apparition : la première se nomme « Cybersécurité » et la seconde, « Production et Réparation de produits Électroniques ».
D’après le Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, cette nouvelle offre de formation répond non seulement aux besoins des entreprises mais aus- si aux enjeux de souveraineté industrielle et de transitions numérique et énergétique, tels que « l’accompagnement de la réindustrialisation de la filière électronique française » ou « la contribution à la loi du 10/02/2020 relative à la lutte contre le gaspillage et au développement de l’économie circulaire ».
L’UIMM : un intermédiaire privilégié La rénovation de cette filière est le résultat d’un travail de longue haleine qui a associé le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse, la fédération patronale UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), et des entreprises. Tout commence par un appel à l’aide des professionnels de l’électronique :
Nous avons dû trouver un acronyme qui se retient facilement, celui-ci est idéal. De plus, ce choix est la résultante d’un vote : chaque organisation du groupe de travail a envoyé les propositions de nom à leur membre. Elles ont également été envoyées aux lycées. CIEL semble donc représenter la volonté des entreprises et des professionnels de l’éducation...
« Nous avions recueilli depuis plusieurs années des demandes d’évolution des entreprises, alimentées par le SNESE et l’Acsiel puis confortées par le CSF Électronique (Comité Stratégique de la filière Électronique, NDLR) » se rappelle Gilles Saintemarie, chef du service de certification des titres et diplômes de l’UIMM qui porte alors ce sujet au niveau du ministère, dès 2018, sans succès immédiat : « Federico Berera, l’inspecteur général avec qui nous étions en contact, n’a pas vu tout de suite le besoin de réviser le baccalauréat professionnel ou le BTS, il a fallu l’accompagner dans les entreprises pour voir les problèmes sur le terrain, début 2020 » explique Sophie Vidaud, chargée de mission titres et diplômes pour l’UIMM. Convaincu, M. Berera consulte alors le CSF « Industrie de la sécurité » et le CSF « Infrastructures numériques » pour proposer une rénovation beaucoup plus large acceptée par le SNESE et l’ACSIEL. Le rapport d’opportunité de cette rénovation est présenté en juillet 2021, à la Commission Professionnelle Consultative (CPC) Industrie qui émet un avis favorable. Un groupe de travail est alors constitué par le Ministère représenté par des inspecteurs et des enseignants avec l’UIMM, le SNESE et la FEDELEC mais aussi et surtout avec des entreprises telles que CIF, Polygone CAO ou STMicroelectronics. Pendant plus d’une année, ces acteurs clefs du secteur se sont réunis un à deux jours par mois, pour débattre et reconstruire la filière Systèmes Numériques :
« J’admire l’engagement des professionnels, qui n’ont jamais lâché sur des points qui leur paraissaient essentiels » remarque Sophie Vidaud. Leurs propositions ont ensuite été soumises à d’autres professionnels opérationnels tels que Airbus, pour finalement être validées via un décret datant de début janvier 2023. Il reste ainsi 8 mois aux établissements d’enseignements pour s’adapter à ce nouveau diplôme.
Communiquer auprès des élèves, des établissements et des professionnels Après plusieurs années de travail, place à l’application. Dans un premier temps, il s’agit de faire connaître ce nouveau parcours de formation. Prévoyant une application du décret au mois de septembre 2023, soit 7 mois après sa parution, l’Éducation Nationale a tenté d’anticiper :
« Dès 2022, nous avions prévenu les établissements scolaires qu’il fallait se mettre en veille, et nous avons progressivement donné quelques pistes sur le contenu de la nouvelle filière, avec des informations suffisamment précises pour orienter les contenus pédagogiques » explique Federico Berera. Difficile cependant de communiquer précisément avant janvier 2023, date à laquelle les référentiels de formation ont été envoyés aux établissements et aux entreprises : « L’UIMM a travaillé, avec l’inspecteur général de l’Éducation Nationale, sur des outils de communication destinés aux entreprises, aux collèges et lycées, aux familles, aux CFA et à tous les acteurs de l’orientation » explique Sophie Vidaud. Ce travail, indispensable pour attirer les jeunes dans ces métiers, doit aussi se faire au niveau des territoires : chaque bassin d’emploi doit être conscient de ce possible vivier de collaborateurs.
L’électronique, éternelle seconde ?
L’appellation « Cybersécurité, Informatique et réseaux, Électronique » semble placer l’électronique au second plan. Ne risque-t-on pas à nouveau de voir les étudiants privilégier le numérique ?
« D’une part, pour des raisons évidentes de communication, nous avons dû trouver un acronyme qui se retient facilement, celui-ci est idéal. De plus, ce choix est la résultante d’un vote : chaque organisation du groupe de travail a envoyé lle panel d’intitulés retenus à leurs membres avec possibilité d’être en retour, force de proposition. Elles ont également été envoyées aux lycées. CIEL semble donc représenter la volonté des entreprises et des professionnels de l’éducation » répond Sophie Vidaud.
Investir dans les établissements
En première ligne de cette rénovation se trouvent évidemment les enseignants, qui doivent en quelques mois s’adapter aux nouveaux référentiels du Ministère.
Cependant, la présence de l’électronique dans le cursus avant la réforme de 2016 pourrait faciliter les choses. C’est en tout cas l’avis de l’inspecteur général qui compte sur le corps enseignant déjà en activité avant 2016 : « Il y aura probablement un peu de dépoussiérage, mais ce sont des compétences qu’ils ont pour la plupart déjà. » En parallèle, les académies mettent en place des plans de formations dédiés aux enseignants souhaitant se mettre à jour. Ces retours sur les bancs de l’école devraient, pour la plupart, s’effectuer entre paires, c’est-àdire grâce à d‘autres enseignants. De plus, toujours selon Federico Berrera : « Cette remise à niveau passe aussi par les échanges des professeurs avec les entreprises. » En ce qui concerne les équipements nécessaires à la réintégration de l’électronique dans la formation, les établissements pourraient bénéficier d’une partie de l’enveloppe « Compétences et métiers d’avenir » d’un montant de 2,5 milliards d’euros, dans le cadre du plan France 2030. Certains de ces financements seraient déjà en cours, et devraient s’étaler sur les années à venir. « Je sais que le secteur de l’électronique nécessite des investissements importants lorsqu’il s’agit de la production.
À l’échelle des sites de formation, nous souhaitons nous concentrer sur des systèmes de prototypes qui n’existaient pas il y a dix ans, et qui sont plus abordables » reprend Federico Bererra. « De plus, les entreprises auront là encore un rôle clef à jouer : les étudiants apprentis ou en stage pourront découvrir auprès d’elles les moyens de production. »
Les enseignants, réjouis mais inquiets
Le corps professoral, entendait bien les murmures concernant le cursus Systèmes Numériques depuis un an et demi. Pour Marc Alary, enseignant au lycée Antoine Bourdelle de Montauban en BTS, l’annonce définitive est « tombée un peu brutalement » en novembre dernier, soit deux mois avant la publication du référentiel de formation. Cependant, il se réjouit de cette rénovation : « Lorsque je passe dans les entreprises, j’entends bien les hurlements de la profession. On me demande des techniciens supérieurs en électronique, le BTS Systèmes Numériques ne
FILIÈRE CIEL : devenez acteur des moyens de formation.
Arrêtée en 2016 , la filière d’enseignement de l’électronique qui redémarre va très certainement manquer de moyens pour la réalisation des travaux pratiques.
Vous pouvez aider les EPLE (établissements publics locaux d’enseignement) à reconstituer leurs parcs machines et outillages ainsi que leurs stocks de matière (composants, PCB, etc.) soit sous forme de dons (déductibles) soit au titre de la taxe d’apprentissage.
Pour être éligibles les dons doivent répondre à un besoin réel défini par les chefs d’établissement et encadré par un texte réglementaire, à savoir la circulaire n° 2007-031 du 5 février 2007 parue au BO n°7 du 15 février 2007 et son texte de référence, l’arrêté du 27 décembre 2019. Avant de définir la nature du don, il est donc nécessaire de contacter les EPLE afin d’identifier leurs besoins.
Les dons en nature : Les dons en nature sont toujours possibles mais sous conditions. Leur acceptation par l’EPLE est conditionnée par l’intérêt pédagogique incontestable que présente le matériel livré en relation directe avec le caractère de la formation dispensée par l’établissement. Il en sera attesté par la délivrance par le chef d’établissement d’un certificat indiquant la spécialité des sections auxquelles sera affecté le répondant pas à ces besoins. » Pourtant, l’enseignant craint le manque d’investissements du Ministère dans cette nouvelle formation. En effet, les lycées font déjà face à un manque de personnel pour assurer les cours, et peinent à trouver un remplaçant lorsque l’un de leurs professeurs est absent.
Désormais, à cette crise s’ajoute la question des compétences des enseignants, qui n’ont pour les plus jeunes jamais enseigné l’électronique.
« Il n’y a plus que les anciens (en poste avant 2016, NDLR) qui savent encore faire ! » regrette Marc Alary. « Je ne m’inquiète pas matériel livré ainsi que le diplôme préparé par les élèves des dites sections. Le matériel donné au titre de la TA par l’entreprise est soit un bien acquis à titre onéreux soit un bien produit par elle. Le matériel concerné relève soit des comptes de stocks et en-cours soit des comptes d’immobilisations corporelles de l’entreprise. La valeur retenue pour un matériel relevant des stocks et en-cours est la valeur d’inventaire ou valeur actuelle. La valeur retenue pour un matériel relevant des immobilisations corporelles est la valeur comptable résiduelle. L’entreprise attribuant une subvention sous forme de matériels adresse au chef d’établissement bénéficiaire les pièces et extraits de documents comptables justifiant de la valeur des matériels livrés. Cette transmission précise les coordonnées de l’organisme collecteur retenu par l’entreprise. Le chef d’établissement établit un reçu destiné à l’entreprise daté du jour de la livraison des matériels qui indique la valeur comptable dûment justifiée par l’entreprise.
L’utilisation de la taxe d’apprentissage : La nature des dépenses susceptibles d’être financées par les fonds reçus en provenance des versements exonératoires de la taxe d’apprentissage doit être en rapport avec les besoins spécifiques des formations technologiques et professionnelles pour lesquelles la taxe d’apprentissage est perçue. C’est-à-dire pour les établis- pour mes collègues qui enseignent en BTS, mais pour les jeunes qui vont être nommés, et pour qui ce sera un véritable défi. » En ce qui concerne la remise à niveau « entre paires », prévue par le Ministère, le professeur reste réticent :
« Souvent, ces enseignants formateurs ont appris de manière autodidacte, ils ont 10 minutes d’avance sur les personnes qu’ils sont supposés former. Je ne dis pas qu’ils sont incompétents, mais je pense qu’il faudrait mettre plus de moyens pour proposer des formations plus haut de gamme. » sements d’enseignement technologique et professionnel publics : – achat, location et entretien de matériels et de biens d’équipements pédagogiques et professionnels, y compris des photocopieurs, à l’exclusion de tout mobilier à usage administratif ; – rémunérations de conférenciers ou d’intervenants apportant aux auditeurs un complément de formation ou d’information sur la vie professionnelle ; – location de salles destinées à la formation, dépenses destinées à promouvoir les formations dispensées, prestations de services par les entreprises ou leurs organisations professionnelles telles que locations d’ateliers, de machines, indemnisation de formateurs, prise en charge de frais divers à caractère pédagogique incontestable concernant les élèves (notamment financement des stages en entreprises des élèves).
Contact :
Pour identifier les établissements dispensant la nouvelle formation CIEL, contactez la DRAFPIC de votre région académique. Dans chaque DRAFPIC, le DAFPIC –Délégué Académique à la Formation Professionnelle Initiale et Continue, nommé par le ministre de l’Education Nationale participe à la définition et à la mise en œuvre de la politique académique de sa région pour l’ensemble des formations. (drafpic sur education.gouv.fr)
Du côté des équipements tels que des fers à braser, des machines de poses de composants CMS, ou des sérigraphieuses, certains établissements ont fait le ménage après la réforme de 2016 qui supprimait l’électronique des programmes. La plupart des équipements ont été mis au rebut, il faut à présent réinvestir. À Montauban, le lycée professionnel s’arrange : dans la mesure où, en parallèle du BTS, une licence professionnelle CPSE (Conception et Production de Systèmes Électroniques) est dispensée, l’établissement prévoit donc de réorganiser l’occupation du plateau technique, afin que les élèves de BTS puissent eux aussi en bénéficier. Un réaménagement que ne pourront certainement pas proposer tous les lycées, comme l’explique Marc Alary : « Nous ne sommes personnellement pas très inquiets, ni pour les compétences de nos enseignants ni pour notre matériel. Cependant, ce n’est pas le cas de tous les établissements. C’est très anxiogène de voir que le Ministère avance puis recule sans tenir compte des dommages collatéraux… » En parallèle, un autre sujet d’inquiétude potentiel dans les lycées : la réforme des baccalauréats professionnels qui a notamment été décrite en début du mois de mai par le Président Emmanuel Macron. « Si on vise un 100% d’insertion après le bac pro, qui viendra dans nos BTS ? » s’interroge l’enseignant de Montauban.
UIMM Sophie VIDAUD
Chargée de mission titres et diplômes
+33(0)7 86 01 70 64 svidaud@uimm.com