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Et maintenant, il s’agit de reconquérir la langue!
POLITIQUE • La droite genevoise a gagné les élections. Il lui reste maintenant à mener un combat essentiel, la mère de toutes les batailles: repartir à la conquête de ses propres valeurs. Et ça commence par la guerre des mots.
A Genève, la droite est maintenant aux manettes, pour cinq ans. Sa nette victoire du 2 avril au Parlement a été complétée par une majorité reconquise, dimanche 30 avril, au Conseil d’Etat. Trois magistrats de l’Alliance de droite. Trois de gauche. Et, quelque part au milieu de ce beau monde, un Pierre Maudet qui se voit déjà en faiseur de majorités. Mais qui est tout de même, jusqu’à nouvel ordre, sur la plupart des sujets qui comptent (fiscalité, formation, économie), un homme issu de la pensée de droite. Radicale, républicaine, attachée à l’Etat, fort bien. Mais enfin, la droite. Moins nettement que le Grand Conseil, le gouvernement a tout de même basculé. La gauche est la perdante de ces élections.
Dindons de la farce
Ne revenons pas sur les aspects tactiques de l’élection du 30 avril. Tout au plus, relevons que «l’Alliance» bricolée au dernier moment par des partis de droite si différents les uns des autres, ce bric et ce broc n’ont servi qu’à pérenniser (mais jusqu’aux artifices de quelle éternité?) la survie de la démocratie chrétienne, ci-devant dénommée «Centre», à l’exécutif, alors que ce parti n’avait que timidement tutoyé le quorum à l’élection parlementaire.
Elle a servi à cela, et s’est opérée au détriment total des deux partis souverainistes et populaires, l’UDC et le MCG. Alors qu’eux, au contraire du marais opportuniste, ont nettement progressé le 2 avril. Il y a, dans ce système «d’alliances», quelque chose d’écœurant, avec toujours les mêmes dindons de la farce. Ce système, concocté dans les cuisines des états-majors, est le poison de notre démocratie. Un jour ou l’autre, il faudra en changer.
S’affranchir du sabir des Verts Sa victoire des 2 et 30 avril, la droite doit en faire quelque chose de fort.
D’abord, dans les politiques publiques: mobilité, finances, fiscalité, formation, pouvoir d’achat, classes moyennes. Mais surtout, elle doit reconquérir la langue. En commençant, par exemple, par s’affranchir
Michel Matter, conseiller national (Vert’libéral) du sabir des Verts. Pendant cinq ans, on a entendu un ministre PDC de la Mobilité parler le langage de ses adversaires. On a entendu des gens de droite reprendre, en dociles enfants de chœur, la Sainte Liturgie des mots à la mode: «urgence climatique», «transition», «apaiser le centre-ville» (on se croirait sous Lyautey, au Maroc!). Méprisable droite molle, même plus capable d’avoir ses mots à elle. Perte de toute fierté, toute identité de droite, dans la profondeur et la richesse de ses propres racines philosophiques. Reprendre les mots de l’ennemi, c’est la soumission, à l’état pur.
Circulez, y a rien à voir!
Nous avons été dûment convoqués, avons débattu jusqu’à des heures tardives, sommes rentrés chez nous. Un aller-retour. Deux jours pour comprendre et analyser le fiasco Credit Suisse. Finalement, un deuxième NON majoritaire et définitif est prononcé par le Conseil national à l’arrêté fédéral. C’est NON à l’ensemble des propositions discutées lors de 48 heures qui resteront un échec parlementaire. Tout ça pour ça!
C’est comme si on avait cherché à ajouter des wagons en sachant que l’on ne mettrait pas de locomotive. Totalement stérile et inutile. Une gesticulation des deux plus gros partis du pays comme si octobre et les élections
Alors oui, nous voulons une droite cultivée sur ses propres valeurs, consciente de sa richesse historique et intellectuelle, fière d’elle-même, et non en génuflexion timorée devant les zombies et les prophètes d’Apocalypse. La bataille des mots, en politique, est essentielle. La droite doit retrouver le vocabulaire qui fait son identité, sa fierté. Elle doit non seulement faire à Genève sa politique à elle, et non celle de la gauche. Mais elle doit repartir à la conquête de la langue. C’est un enjeu majeur, parce qu’il touche à l’essentiel: le souffle de l’esprit. Lire aussi en page 3.
EN DIRECT DE BERNE
fédérales étaient déjà à l’heure pascale. Le PS et l’UDC ont deux conseillers fédéraux chacun, trois membres de la délégation des Finances dont la présidence, donc une majorité des décideurs dans le dossier Credit Suisse. Pourtant, ils ont voté le refus au crédit d’engagement de 109 milliards. Un effet de manche confus.
La responsabilité devrait être une force, pas une faiblesse. La lumière devra être faite. Seule une commission d’enquête parlementaire en sera pleinement capable. Pour 109 milliards, on peut au moins aller au bout des choses!
SOUS LA LOUPE de Coline de Senarclens
PETITS COMMERCES • Je veux vous raconter une rue de Genève que j’aime, qui me raconte et qui raconte ma ville: la rue Dizerens.
J’y suis arrivée à 12 ans. Au dernier étage du numéro 1. A l’époque, je regardais pousser le centre commercial de Plainpalais qui emménageait en même temps que moi. Il y avait un kebab incroyable dans la rue où on mangeait souvent. Il a été depuis remplacé par Batista et son JetSet Café, un lieu de sociabilité portugaise.
En 2003, mon paternel a ouvert Château Carton, au numéro 5. On vendait du vin en «bag-in-box». J’y travaillais pendant mes études et j’ai même repris le Biz quelque temps avant de filer la main à l’actuel Bibarium. Mais l’échoppe a également fermé en 2016, nous laissant tous un peu orphelins.
En 2011, Angelo est arrivé sous mes fenêtres avec Casa Mozzarella, une production locale de fromages des
Pouilles par des maîtres italiens. A 11h, on sentait l’odeur de la ricotta fraîche et je pouvais descendre pour en quémander, encore chaude de la préparation.
Et le Spikisi de Kekko et Chicco, avec lesquels on a travaillé une nuit entière pour brainstormer sur le nom de l’enseigne. Le Lovely, salon de coiffure africain… Une tavola calda sicilienne, un luthier, un toilettage canin, un tapissier… Un écosystème. Une jolie vie.
Des petits commerçants, souvent créatifs, toujours investis, qui créent du lien social, une communauté. Mais des commerçants sous tension et qui peinent à faire face à l’arrivée des grandes enseignes.
Pourtant, qui mieux qu’eux peut être partenaire quand il s’agit de lutter contre les incivilités ou l’isolement social? Ils prennent des risques et ce sont eux qui font la Ville. Protégeons ces écosystèmes, individuellement et politiquement.
Commentaire
PASCAL DÉCAILLET
Journaliste indépendant genevois, producteur et animateur d’émissions de télévision
LA GUERRE CULTURELLE
Plus de deux siècles après la Révolution française, la gauche et la droite sont bel et bien vivantes, plus que jamais. Sur tous les fronts, l’antagonisme est tendu: finances, fiscalité, modèles d’assurance maladie, formation, mobilité, logement. Cette dialectique est saine: la démocratie, c’est la confrontation des idées, et surtout pas le consensus mou, au milieu d’un marécage, avant même d’avoir discuté.
Prenons les socialistes. Une fois de plus, je salue l’élection de Carole-Anne Kast, la combattante loyale et de Thierry Apothéloz, dont les tonalités rassembleuses font du bien. Je ne partage pas leurs idées ou très peu d’entre elles, mais nous parlons le même langage. Nous sommes soucieux de cohésion sociale, c’est juste la place du curseur qui fait la différence.
Avec les Verts, la césure est culturelle. Elle est linguistique. Elle est lexicologique. Et elle est profonde. Non seulement nous ne parlons pas le même langage, mais je refuse catégoriquement de parler le leur. C’est la guerre des mots. Elle est d’une intensité que seuls peuvent mesurer ceux qui sont sensibles à la puissance du verbe, sa magie.
La même césure, avec les quelques énergumènes socialistes qui ont déserté le combat pour la cohésion et la juste répartition, infiniment louable, au profit de causes «sociétales», ne concernant que des minorités, excluant le plus grand nombre, se coupant des classes populaires. Avec ces gens-là aussi, la guerre est totale. Elle est celle des mots. Ce front est terrible, parce qu’il touche aux fondements de l’être humain: les structures de sa conscience.
Coup de gueule
On a gagné, on est les champions!
CONSEIL D’ÉTAT • Non, je ne voulais pas parler des dernières élections au Conseil d’Etat. On a déjà beaucoup commenté la victoire de la droite qui, grâce à l’élection de Pierre Maudet, a enfin retrouvé une majorité au gouvernement. Car, on ne fera croire à personne que le «Maudet nouveau» pourrait tourner le dos à la droite pour convoler désormais avec la gauche. Il y a donc aujourd’hui une majorité de droite au pouvoir à Genève. Il n’y a plus qu’à prier pour que chaque membre de ce nouveau parlement laisse au vestiaire ses anciennes animosités et autres rivalités pour ne travailler désormais que pour le bien-être de la population. Même CaroleAnne Kast, nouvelle élue PS devra s’adapter et mettre de l’eau dans son vin, elle qui a clairement affirmé lors de l’émission télévisée de Léman bleu qu’elle pourrait difficilement faire confiance à Pierre Maudet et donc travailler avec lui. En fait, je voulais parler du hockey sur glace et du foot féminin pour rendre hom- mage à tous ceux qui ont œuvré et travaillé dur pour arriver à enfin ramener à Genève ces fameuses coupes convoitées depuis tant d’années. Bravo à tous: aux joueurs et entraîneurs mais aussi à ce public si chaleureux et passionné qui a soutenu sans failles nos équipes. Mon coup de gueule d’aujourd’hui ou plutôt mon appel s’adresse à notre nouveau gouvernement qui doit absolument et urgemment mettre tout en œuvre pour que la nouvelle patinoire du Trèfle-Blanc voie le jour dans les plus brefs délais. Assez de tergiversations et d’atermoiements, nos hockeyeurs viennent de prouver que Genève mérite un nouvel écrin pour faire évoluer ses joueurs dans un endroit digne de leur talent. Pareil pour nos footballeurs qui attendent depuis tant d’années de nouveaux terrains d’entraînement pour remplacer ceux de Balexert. Bon vent au nouveau gouvernement et merci d’avance de respecter vos nombreux engagements et promesses au cours de ces cinq prochaines années.