La représentation des facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux

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LA REPRESENTATION DES FACTEURS AMBIANTS DANS LES IMAGES DE PROJETS ARCHITECTURAUX

ROMAIN CLARET



LA REPRESENTATION DES FACTEURS AMBIANTS DANS LES IMAGES DE PROJETS ARCHITECTURAUX

ROMAIN CLARET

Travail de Fin d’Études - 2013/2014 - Promoteur Marc Crunelle Université Libre de Bruxelles - Faculté d’Architecture LaCambre-Horta


Merci à mon promoteur pour ses conseils, son optimisme et l’intérêt qu’il a porté à la réalisation de ce travail.

Merci à mes lecteurs : Marie, Roland et Cédric, pour leurs conseils et remarques très avisés.

Merci à ma famille de m’avoir soutenu malgré la distance.

Merci à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire.


Résumé L’Homme perçoit sont environnement au travers de ses sens. La vue étant celui qu’il utilise le plus. Par ailleurs, l’image occupe une place très importante dans notre société occidentale. Un projet d’architecture est essentiellement conçu, expliqué et communiqué par le biais de représentations visuelles, notamment par des dessins et des photographies. La représentation de projets architecturaux a donc tendance à se focaliser surtout sur le sens de la vue alors que l’architecture est une discipline dans laquelle l’Homme a une place toute particulière puisqu’il peut la parcourir et dès lors utiliser ses sens. Il peut ainsi percevoir des facteurs ambiants tels que le son, les odeurs les mouvements d’air, l’humidité, la chaleur et la fraîcheur, facteurs qui ont tous la même importance dans l’expérience de l’architecture. De là découle un paradoxe : la représentation de l’architecture est focalisée sur la vue alors que son expérience est multisensorielle. A la suite de nombreux exemples, nous pouvons affirmer le fait que les facteurs ambiants ne sont pas représentés dans les images de projets architecturaux et nous en tirons notre question de recherche : « Est-il possible de représenter les facteurs ambiants d’un projet architectural dans sa représentation, malgré la prédominance de l’aspect visuel ? ». Nous émettons l’hypothèse qu’il est possible, tout en gardant l’aspect visuel de la représentation du projet architectural, de représenter les facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux. Nous identifions ensuite certaines causes et conséquences de la non représentations des facteurs ambiants et mettons en avant les raisons pour lesquelles nous cherchons à les représenter ainsi que l’importance que cela comporte de les représenter. Nous évoquons ensuite différentes manières, outils, déjà existants pour retranscrire le son, l’odeur, le contraste chaud-froid, l’humidité et le vent de manière visuelle et constaterons qu’il en existe un certains nombre. Puis, nous nous en inspirons afin de proposer un système de représentation des facteurs ambiants à intégrer dans les images des projets architecturaux. Nous nous limitons à représenter les facteurs choisis au travers de trois méthodes : les filtres (1), les facteurs ambiants sur une même image (2) et sur des images séparées (3). Ces représentations comportent certaines limites comme l’utilisation de la couleur ou le besoin d’utiliser plusieurs fois la même image. De plus nous ne parlons pas d’autres facteurs ambiants potentiellement présents dans les projets d’architecture tels que l’humeur, la culture, et la personnalité. Nous montrons néanmoins qu’il existe différentes manières de représenter les facteurs ambiants et qu’il est possible d’apporter - à la lecture d’images d’architecture - des informations relatives aux autres sens que celui de la vue. Nous affirmons ainsi notre hypothèse. Cela constitue aussi un rappel au lecteur que des éléments autres que visuels existent dans le projet, qu’ils ont leur importance dans l’expérience de l’architecture et qu’ils peuvent aussi être créateurs d’architecture. Ces représentations ne remplaceront néanmoins jamais l’expérience que l’on fera de l’architecture et sont donc à considérer comme des indicateurs.


Table des matières Introduction..............................................................................................................................p.1 I - Liens entre sens, image et architecture................................................................................p.7 A - Les sens...............................................................................................................................p.7 1 - L’ouïe......................................................................................................................p.8 2 - L’odorat...................................................................................................................p.9 3 - Le toucher..............................................................................................................p.11 4 - La vue....................................................................................................................p.12 B - L’importance de l’image dans la société occidentale actuelle..........................................p.14 1 - L’importance de l’image........................................................................................p.15 2 - L’utilisation de l’image..........................................................................................p.15 a - Utilisations au cours des derniers siècles (XVIIème - XXème)......................p.15 b - Utilisation et média de transmission du XXème siècle à nos jours..............p.17 C - L’architecture et sa représentation.....................................................................................p.18 1 - Formes de représentation.......................................................................................p.19 2 - Rôle de l’image dans la représentation en architecture..........................................p.19 3 - Importance du dessin et média..............................................................................p.20 D - L’architecture et les sens...................................................................................................p.21 1 - Le visuel dans l’appréciation de l’architecture......................................................p.21 2 - Le caractère multisensoriel de l’architecture.........................................................p.21 Conclusion du chapitre...........................................................................................................p.23 II - Le paradoxe de la représentation architecturale visuelle..................................................p.27 A - Paradoxe entre la représentation de l’architecture et l’expérience de l’architecture.........p.27 1 - Mise en évidence du paradoxe...............................................................................p.27 2 - Exemples de la non représentation des facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux...................................................p.30 B - Ambiance..........................................................................................................................p.58 1 - L’ambiance, définition...........................................................................................p.58 2 - Ambiance et architecture.......................................................................................p.60


C - Causes de la non représentation des facteurs ambiants.....................................................p.61 D - Conséquences de la non représentation des facteurs ambiants.........................................p.65 E - Pourquoi chercher à représenter les facteurs ambiants ?...................................................p.67 Conclusion du chapitre...........................................................................................................p.68 III - Eléments pour la représentation des facteurs ambiants et proposition de représentation..................................................................................................p.73 A - Outils pour la représentation des facteurs ambiants.........................................................p.73 1 - Représentation globale et utilisation de l’écrit......................................................p.74 2 - Représentations du contraste chaud-froid..............................................................p.76 3 - Représentations des odeurs....................................................................................p.83 4 - Représentations des sons.......................................................................................p.88 5 - Représentations de l’humidité...............................................................................p.97 6 - Représentationsle du vent....................................................................................p.100 B - Système de représentation des facteurs ambiants..........................................................p.105 1 - Reprise des éléments et échantillons de représentations....................................p.105 2 - Proposition de représentations des facteurs ambiants dans les images de projets archtecturaux.................................................................p.107 Conclusion...........................................................................................................................p.137 Bibliographie.......................................................................................................................p.140



Introduction



Introduction Un projet d'architecture est essentiellement conçu, expliqué et communiqué par le biais de représentations visuelles, des dessins - notamment des plans, des façades et des perspectives - et des photographies. Cependant, l’architecture est une discipline dans laquelle l’Homme a une place toute particulière puisqu’il peut la parcourir et dès lors utiliser ses sens. « « Outre les espaces à deux dimensions - c’est-à-dire les surfaces, que seules nous regardons - l’architecture nous offre des espaces à trois dimensions, capables de contenir nos personnes, et c’est cela le véritable centre de cet art. En bien des points, les fonctions des arts se superposent : ainsi l’architecture a des points communs avec la sculpture, mais, au-delà, elle possède son propre terrain, et procure un plaisir typiquement sien. Elle a le monopole de l’espace. L’architecture seule, parmi les arts, peut donner à l’espace sa pleine valeur ». »1 De ce fait, il nous paraît primordial d'apporter un point d’éclaircissement sur le manque d'éléments sensoriels dans la représentation de projets en architecture. En effet, la représentation de projets architecturaux a tendance à se focaliser surtout sur le sens de la vue et donc sur tout ce qui est visuel. Or, d’autres facteurs environnants tels que le son, les odeurs et les sensations haptiques sont tout aussi importants dans l’expérience de l’architecture. Il serait dès lors intéressant de représenter ces facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux. La question que nous nous posons est la suivante : Est-il possible de représenter les facteurs ambiants d'un projet architectural dans sa représentation, malgré la prédominance de l'aspect visuel ? Par « représentation architecturale » nous entendons ce dont se sert un architecte pour représenter l’architecture, notamment par la photographie, les perspectives, les plans, les coupes et les élévations. Nous émettons l’hypothèse qu’il est possible, tout en gardant l'aspect visuel de la représentation du projet architectural, de représenter les facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux. L'objectif est dès lors de voir si il est possible de rendre intelligible les facteurs ambiants dans les représentations des projets d'architecture. En effet, la question de l’Homme au centre de l’expérience architecturale est essentielle. Ne pas représenter les facteurs ambiants correspond à retirer une partie de ce qu’offre l’expérience de l’architecture. Chercher à les représenter pourrait rappeler qu’ils existent. Cela pourrait aussi amener vers une prise de conscience du fait que les sens peuvent être créateurs d’architecture et qu’ils peuvent être pris en compte tout autant que le fait de vouloir, par exemple, un grand salon dans sa maison. Le cadre du travail, c’est à dire les limites de recherche que nous nous fixons, est le suivant : nous nous limiterons à tenter de représenter six facteurs ambiants, à savoir l’odeur, le son, et quatre perceptions haptiques que sont le chaud, le froid, l’humidité et le vent. Ces représentations de facteurs ambiants pourront être utilisées pour la représentation de projets architecturaux dans deux types de sources, papier et numérique. Dans les sources papiers nous entendons les revues spécialisées d’architecture et les ouvrages, et dans les sources numériques les sites internet de bureaux d’architecture et sites spécialisés en architecture. En effet, ces média sont couramment utilisés et rendent facilement accessible la 1

SCOTT, Geoffrey, in ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l'architecture, Paris, Editions de Minuit, 1959, p. 133


communication de projets architecturaux. Nous nous focaliserons également sur ces média afin de montrer la non représentation des facteurs ambiants dans la communication de projets architecturaux. Ce travail se développera en trois chapitres : Le premier chapitre permettra de contextualiser le sujet. Il sera axé autour de quatre thèmes : les sens, l’image, l’architecture et la représentation de l’architecture. Nous mettrons ces sujets en relation les uns avec les autres selon une suite logique. Nous ferons donc tout d'abord état des sens, de leurs caractéristiques générales et de ce qu’ils nous apportent. Nous nous intéresserons ensuite à l’image et à son importance dans la société contemporaine. Puis nous verrons que l’architecture et l’image sont très étroitement liées. Enfin, nous examinerons les liens qu’entretient l’architecture avec les sens. Le deuxième chapitre reprendra des éléments du premier afin d’exposer la problématique. Des exemples seront donnés afin de témoigner des lacunes de représentation des facteurs ambiants dans les représentations architecturales. Nous nous pencherons ensuite sur la notion d’ambiance et l'enjeu de cette notion au sein de la discipline architecturale. Ensuite, et avant de nous concentrer à répondre à notre question de recherche, nous tenterons d’identifier pourquoi notre représentation actuelle de l’architecture ne prend pas en compte les facteurs ambiants. Nous essaierons aussi d’en voir certaines conséquences. Cela nous permettra de montrer l’intérêt de trouver un moyen de représenter les facteurs ambiants. Dans le troisième chapitre, nous évoquerons différentes manières déjà existantes de retranscrire le son, l'odeur ainsi que les quatre perceptions haptiques - chaud, froid, humidité, vent - de manière visuelle. Ces représentations n'étant pas utilisées pour l'architecture de manière démocratique et usuelle dans la communication de projets architecturaux par les média choisis, nous nous en inspirerons afin de proposer un système de représentation des facteurs ambiants – ceux auxquels nous nous sommes limités - dans les images de projets architecturaux.

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I - Liens entre sens, image et architecture



I - Liens entre sens, image et architecture Ce premier chapitre sera divisé en quatre parties. La première partie évoquera les outils dont l'être humain dispose pour percevoir le monde qui l’entoure. Ces outils, faisant partie des cinq sens, sont la vue, l'ouïe, l'odorat et le toucher. Nous verrons que l'un de ces sens, la vue, a tendance à être interpellé plus souvent que les autres, notamment via l'importance accordée à l'image dans notre société actuelle. Dès lors, il nous paraît important, dans la deuxième partie, de traiter de l'image et de la place privilégiée qu'elle occupe de nos jours dans notre quotidien. Dans la partie suivante, nous verrons en quoi l'image est essentielle dans le domaine de l'architecture et notamment dans la représentation de projets architecturaux. Enfin nous verrons que l’architecture et la vue sont très étroitement liées, mais que l’expérience de l’architecture est manifestement pluri-sensorielle, et fait tout autant appel au toucher, à l'odorat et à l'ouïe qu'au sens de la vue. Cela constituera notre ouverture vers le deuxième chapitre de ce travail.

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A - Les sens « La perception est la sensation organisée en connaissance. »3 Comme le dit Marc Crunelle, docteur en psychologie de l’espace, l’Homme est doté de cinq sens qui lui permettent de percevoir son environnement et lui procurent diverses sensations.4 Cet environnement émet de nombreuses informations - notamment sous forme de sons, de lumière, de chaleur, de fraîcheur, d’odeurs - et celles-ci façonnent le monde de l’être humain. « Nos récepteurs captent les ondes sonores, visuelles, vibratoires, thermiques, etc... et transmettent, via les cellules nerveuses, une très grande quantité d’informations au cerveau, qui, après intégrations successives, construit une image du milieu dans lequel il se trouve. »5

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Illustration personnelle indiquant le déroulement du chapitre PELICIER, Yves, Univers de la psychologie, Paris, Lidis, 1977, p. 282 4 CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, Bruxelles, Presses universitaires de Bruxelles, 3ème édition, 2009, p. 1 5 Ibid., p. 2 3

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Les cinq sens ont chacun une fonction propre, et l'anthropologue américain Edward T. Hall les décrit ici en les divisant en deux types de « récepteurs » différents, qui constituent l’ensemble de « l’appareil sensoriel de l’homme » : « L'appareil sensoriel de l'homme comporte deux catégories de récepteurs que l'on définira schématiquement comme : 1. Les "récepteurs à distance", qui s'attachent aux objets éloignés et qui sont les yeux, les oreilles et le nez. 2. Les "récepteurs immédiats", qui explorent le monde proche, par le toucher, grâce aux sensations que nous livrent la peau, les muqueuses et les muscles. »6 Nous allons nous intéresser à ces sens et comment ils permettent à l’Homme de percevoir son environnement. Nous commencerons par l’ouïe, l’odorat et le toucher, et finirons par la vue. Mise à part la maison de la sorcière dans le conte d’ « Hansel et Gretel » des frères Grimm7, les bâtiments d’architectures ne sont pas comestibles. Nous ne nous focaliserons donc pas sur le sens du goût. 1 - L’ouïe « Ce furent les clip-clop des sabots sur les pavés – un bruit inexplicable jusqu'à ce que je regarde par la fenêtre – qui me réveillèrent au matin. »8 - A propos de Dordrecht L’ouïe est le sens nous permettant d’entendre les sons. Selon Jean-Marie Rapin, ingénieuracousticien nous pouvons dire que « Le son est une vibration de l’air que l’on peut décrire à un instant donné par une amplitude ou niveau de pressions acoustique généralement exprimée en décibel et par une décomposition en différentes fréquences appelée « spectre ». »9 Cependant, comme nous le stipule l'un des intervenants du colloque sur la qualité acoustique des lieux d'écoute organisé par le CNRS, Denis Schmit, l’oreille ne nous permet pas de dire quelle est la « fréquence » ou « l’intensité » de tel ou tel son, mais pourra nous dire si l’un est plus fort que l’autre par exemple.10 Cela met quelque peu sur un même pied d’égalité l’oreille et la vue, puisqu’en effet, « l’oeil [...] nous permet de saisir des rapports et de nous dire que ce récipient transparent est à moitié plein ou au trois quart vide, sans pouvoir pour autant nous renseigner sur le nombre de décilitres de liquide qu’il contient. ».11 Nous verrons dans la partie sur la vue que ce pied d'égalité n'est pas si affirmé qu'il n'y paraît. Les sons sont innombrables, de différentes sortes, peuvent provenir de beaucoup de sources différentes. R. Murray Schafer, professeur à l’université Simon Fraser, propose dans son livre « Le paysage sonore. Le monde comme musique », des exemples de sons, classés par 6

HALL, Edward Twitchell, La dimension cachée, New-York, Doubleday & C°, 1966, rééd. Seuil, 1971, p. 62 Maison faite de pain, sucre et gâteaux ou de pain d’épices selon les versions. 8 Traduit de l’anglais par Guillaume Villeneuve. LEIGH FERMOR, Patrick, Les temps des offrandes – A pied jusqu'à Constantinople : de la Come de Hollande au moyen Danube, Paris, Petite Bibliothèque Payot / Voyageurs, 2003, p.45. Citation recueillie par le professeur Marc Crunelle sur son site internet « La ville des sens », www.lavilledessens.net, dans « XXème » de la rubrique « Sons», http://www.lavilledessens.net/sons20.php, page consultée 10 décembre 2014 9 RAPIN, Jean-Marie, « Le monde sonore vu par un acousticien », in : Urbanisme n°206, Paris, mars 1985, p. 74 10 SCHMIT, Denis, extrait de Pédagogie sonore, in « Colloque qualité acoustique des lieux d’écoute » C.N.R.S. E.R.A. 537, Université Marie Curie, Paris, 13-16 octobre 1980 11 Ibidem 7

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catégories. Nous montrons ici une de ces catégories : les bruits de la nature. Dans ce livre nous pouvons également retrouver d’autres catégories telles que les bruits humains, les bruits et la société, les bruits mécaniques, le calme et le silence et enfin des indicateurs sonores.

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2 - L’odorat « La gare de Sète, c’est le meilleur point d’arrivée dans ce bas-Languedoc. [...]. Tout de suite, vous sentirez l’odeur du sel, de la rouille, de l’eau et, si le sable avait une odeur, ce serait celle-là, l’odeur de Sète. »13 - A propos de la ville de Sète Nous allons maintenant nous intéresser à l’odorat, ou « sens chimique » comme peut l’appeler Edward T. Hall : « L'odeur est à la base d'un des modes les plus primitifs et les plus

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SCHAFER, Murray Raymond, « Bruits de la nature », in SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, Marseille, Editions WildProject, 2010, p. 206 13 SANSOT, Pierre, La France sensible, Seyssel, Champ Vallon, coll. Milieux, 1985, p.119. Citation recueillie par le professeur Marc Crunelle sur son site internet « La ville des sens », www.lavilledessens.net, dans « l’odeur des villes au XXè s » de la rubrique « Odeurs », http://www.lavilledessens.net/odeurs20.php, page consultée 10 décembre 2014

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fondamentaux de la communication. Les mécanismes de l'odorat sont de nature essentiellement chimique, c'est pourquoi on l'appelle aussi « sens chimique ». »14 Comme le stipule Alain Corbin, historien français, le nez possède un caractère particulier comparé aux autre sens, « [...] depuis l’Antiquité, les médecins ne cessent de répéter que, de tous les organes des sens, le nez est le plus proche du cerveau et donc de « l’origine du sentiment. »15. De plus, selon lui « [...] l’odorat ébranle le psychisme plus profondément que l’ouïe ou que la vue ; il semble plonger aux racines de la vie. »16 Marc Crunelle définit les caractéristiques de l’odorat et des odeurs comme suit : « Résumant ces points, nous pouvons dire : 1. que nous sélectionnons sur un mode hédoniste bon/mauvais les odeurs nous provenant. 2. qu’on en perd connaissance avec le temps : phase d’adaptation. 3. qu’on en prend connaissance par contraste d’avec une autre ou un repos inodore. 4. que les odeurs sont de puissants fixatifs d’images et qu’inversément, nous retenons les odeurs par des images. 5. qu’elles nous impliquent, nous enveloppent et que nous ne pouvons être « distants » d’elles. 6. nous ne pouvons pas les représenter visuellement. 7. le nez humain a un grand pouvoir de discrimination des odeurs. »17 Voyons un peu plus en détails certains de ces points. Lorsque nous baignons dans une odeur particulière, nous finissons par nous y habituer et à ne plus y faire attention, au point de ne plus la sentir. C’est un phénomène d’habituation. Marc Crunelle en donne un exemple : « Ceci explique également pourquoi les gens que l’on complimente pour leur parfum soient étonnés que cette odeur, portée depuis des heures et qu’ils ne remarquent plus, existe encore néanmoins pour les autres. ».18 Par ailleurs, il y a un aspect très important des odeurs en terme de mémoire, dans le sens où une odeur peut nous faire remémorer un lointain souvenir, un moment passé. Marc Crunelle utilise ici les termes « puissants fixatifs d’images » qui résument très bien ce pouvoir qu’ont les odeurs sur notre mémoire. Cette capacité à faire remémorer des souvenirs est appelée « Syndrome de Proust »19 par les psychologues. De plus, l’aspect permanent et enveloppant des odeurs induit le fait qu’on ne puisse pas ne pas en tenir compte. Quoi qu’il arrive, nous sentons les choses. Nous n’avons pas à pointer notre nez dans une direction pour en sentir l’odeur, contrairement à la vue où l’on peut regarder dans une autre direction si l’on ne veut pas voir quelque chose. Enfin, il est aussi stipulé le fait qu’on ne peut « pas la représenter visuellement », car, il est vrai, représenter quelque chose d’invisible n’est pas chose facile. Nous aborderons cette question de représentation plus tard dans le travail.

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HALL, Edward Twitchell, La dimension cachée, op. cit., p. 67 CORBIN, Alain, Le Miasme et la Jonquille, L'odorat et l'imaginaire social XVIIIe-XIXe siècles, Paris, Flammarion, 1986, p. V 16 Ibid., p. VI 17 CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., p. 51 18 Ibid., p. 47 19 Ibid., p. 48 15

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3 - Le toucher « Ce vaisseau immense conserve en son sein une température douce, et qui produit d’abord dans ce moment-ci le plus doux effet et vous dispose bien ; puis l’harmonie suave qui règne sous ces belles voûtes dorées, le dôme qui paraît, comme il est en effet, immense, la vapeur tranquille qui le remplit et lui donne une apparence aérienne, vous touchent profondément et vous font tomber dans une rêverie des plus agréables. »20 - A propos de la Basilique Saint Pierre de Rome Marc Crunelle définit le toucher comme étant le « [...] sens de l’instantanéité ainsi que de la pratique corporelle et gestuelle de l’espace, du bouton de porte sur lequel on appuie, jusqu’au toboggan d’eau sur lequel on glisse à toute vitesse. »21 Le sens du toucher est un peu différent de ses homologues. En effet, en comparaison avec les autres sens qui sont « supportés » par un « organe unique ou double », le toucher est plus qualifiable de « système22 », comme nous l’indique Marc Crunelle. Ce système « regroupe en fait quatre formes de sensibilité cutanée : - celles aux pressions - celles aux pressions profondes et à la douleur - celle au chaud - celle au froid ainsi que la kinesthésie (muscles + position des articulations et rotations), la somesthésie et l’équilibre, le tout combiné. ».23 Par ailleurs le toucher est présent sous deux formes : le toucher « passif » et le toucher « actif » comme le précise Edward T. Hall, « Gibson distingue d’ailleurs un toucher actif (exploration tactile) et un toucher passif (le fait d’être touché) »24 Marc Crunelle qualifie aussi la « sensibilité cutanée [comme étant] un réseau informatif ayant comme fonction première la protection du corps. »25. Chose qui semble tout à fait compréhensible, dans le sens où, lorsqu’on approche notre main du feu, notre corps nous fait comprendre qu’il ne faut pas aller plus loin car il y a un risque de brûlure. Cela forme donc un ensemble assez important de différentes manières de « sentir » l’environnement au travers du sens du toucher. « Le système tactile est aussi ancien que la vie même ; la faculté de réagir aux stimuli est un des critères de base de la vie. »26. Comme nous pouvons le voir ici, Edward T. Hall utilise le même terme - à savoir « système » - pour parler du toucher, à savoir d’un système tactile, et non pas d’un sens. De plus, le toucher se distingue des autres sens dans le fait qu'il est apparu en même temps que « la vie » elle-même, aussi que selon Edward T. Hall, « La texture [...] est jugée et appréciée presque entièrement par le toucher, même si elle est offerte à la vue » et que « De tous nos sens, le toucher est le plus personnel. »27 20

VIOLLET LE DUC, Eugène, Lettres d'Italie 1836-1837 adressées à sa famille, Paris, Léonce Laget, 1971, p. 191. Citation recueillie par le professeur Marc Crunelle sur son site internet « La ville des sens », www.lavilledessens.net, dans « Ambiances thermiques» de la rubrique « Touchers », http://www.lavilledessens.net/touchers_thermiques.php, page consultée 10 décembre 2014 21 CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., p. 8 22 Ibidem 23 Ibidem 24 HALL, Edward Twitchell, La dimension cachée, op. cit., p. 83 25 CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., p. 9 26 HALL, Edward Twitchell, La dimension cachée, op. cit., p. 62 27 Ibid., p. 85

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4 - La vue « On se souvient, par exemple, d'avoir vu, tel matin d'hiver, une ville incroyablement blanche, d'un blanc net, ferme et translucide, parcourue par des reflets verts et des éclairs d'arc en ciel. »28 - A propos de Venise Notre oeil nous permet de voir, d’apprécier notre environnement plus ou moins proche. L’oeil est formé de différents éléments que nous pouvons retrouver dans le schéma suivant :

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Ces différentes « parties » nous permettent de voir ce qui nous entoure, mais pas toutes de la même manière, « Ainsi, par exemple, le mouvement est exagéré à la périphérie de l'oeil. »30 En terme d’utilisation, notre oeil nous permet bien des choses, il est sans doute le sens qui nous envoie le plus d’informations possibles : « L'oeil remplit beaucoup de fonctions chez l'homme. Il lui permet entre autres : 1. D'identifier à distance des aliments, des personnes amies, la nature de nombreux matériaux. 2. De se mouvoir sur toutes sortes de terrains en évitant les obstacles et les dangers. 3. De fabriquer des outils, de soigner son corps et celui des autres, de se renseigner sur l'état affectif d'autrui. Les yeux passent en général pour la source majeure d'informations que possède l'homme. »31 La vue est un sens qui occupe une place très particulière dans « l’appareil sensoriel de l’homme » puisque, comme l'ont dit différents professeurs spécialisés sur le thème de la

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VALERI, Diego, Fantaisies vénitiennes, Neuchâtel, Ed. À la baconnière, 1945, p.128. Citation recueillie par le professeur Marc Crunelle sur son site internet « La ville des sens », www.lavilledessens.net, dans « Venise » de la rubrique « Lumières », http://www.lavilledessens.net/lumieres_venise.php, page consultée 10 décembre 2014 29 HOLZSCHUCH, Chantal, ALLAIRE Cécile, BERTHOLET, Laetitia, AGIUS Catherine, MEHEUST, Claire, (dir.), Quand la malvoyance s'installe. Guide pratique à l'usage des adultes et de leur entourage, Saint-Denis, INPES, coll. Varia, 2008, p. 29 30 HALL, Edward Twitchell, La dimension cachée, op.cit., p. 96 31 Ibid., pp. 87-88

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perception, nous pouvons considérer la vue comme étant « le sens des sens » 32. En effet, la vue est considérée comme étant le sens principal de l’Homme, celui qui lui offre le plus d’informations et dont il se sert le plus. Edward T. Hall présente le sens de la vue comme suit : « Le sens de la vue, le dernier qui soit apparu chez l'homme, est aussi de beaucoup le plus complexe. Les yeux fournissent au système nerveux une beaucoup plus grande quantité d'informations que le toucher ou l'ouïe et selon un débit beaucoup plus rapide. L'information recueillie par un aveugle à l'extérieur est limitée à un champ d'un rayon de six à trente mètres. Avec la vision, il atteindrait les étoiles. »33 Le professeur suisse Ola Söderström parle de la vue étant considérée comme un sens « noble » et ce depuis bien longtemps : « La vue, depuis les Grecs, est considérée comme le sens le plus noble à disposition de l'être humain. C'est à travers lui que nous avons l'accès le plus précis et le plus fiable au monde. ».34 Cette importance que nous attachons à la vue de nos jours n’est donc pas nouvelle étant donné qu'elle existe depuis l'Antiquité. En termes de comparaison, avec les oreilles par exemple, Edward T. Hall qualifie les yeux comme étant « des informateurs mille fois plus efficaces que les oreilles. »35. En effet, selon lui, « Le nerf optique contenant environ dix-huit fois plus de neurones que le nerf cochléaire, on peut en conclure qu'il transmet au moins dix-huit fois plus d'informations. »36 De plus, au niveau de la réception des informations par rapport à l’espace, selon Edward T. Hall, l’appareil auditif serait efficace au maximum dans un rayon de six mètres37, alors que l’oeil peut « enregistrer une extraordinaire quantité d'informations dans un rayon de cent mètres, et demeure encore un moyen de communication efficace à un kilomètre et demi. »38 Ainsi, l’oeil est mis beaucoup plus à profit que les autres sens et est donc utilisé de façon bien plus intensive. De ce fait, beaucoup d’éléments dans notre société font que nous utilisons essentiellement la vue, en mettant en arrière plan les autres sens. Un exemple de cela se retrouve dans la consommation vertigineuse que nous faisons d’images dans la société contemporaine. C’est ce que nous allons développer dans la partie suivante.

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AUGOYARD, Jean-François, « Vers une esthétique des ambiances », in AMPHOUX, Pascal, THIBAUD, Jean-Paul, CHELKOFF, Grégoire, Ambiances en débats, Bernin, A La Croisée, 2004, Collection Ambiances, Ambiance, p.21 33 HALL, Edward Twitchell, La dimension cachée, op.cit., p. 87 34 SODERSTROM, Ola, Des images pour agir. Le visuel en urbanisme, Lausanne, Editions Payot Lausanne, 2000, p.20 35 HALL, Edward Twitchell, La dimension cachée, op.cit., p. 63 36 Ibid., pp. 62-63 37 Ibid., p. 63 38 Ibidem

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B - L'importance de l'image dans la société occidentale actuelle

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La partie qui va suivre n’a pas vocation à expliquer de manière exhaustive l’évolution de l’image au cours du temps ni tous ses modes d’utilisations, mais à nous y intéresser en nous focalisant sur une période particulière et à expliquer la place de l’image dans la société contemporaine. Nous avons vu que la vue - l’oeil - est l’élément principal de perception et le plus utilisé de l’être humain. Ceci a pour conséquence de donner une forte importance à tout ce qui est visuel, visible par notre oeil. Le visible est défini comme suit par Steven Bernas dans l’introduction de l’ouvrage intitulé « Autour du visible – l'image et la fuite » : « Le visible incarne ce que la culture désigne comme étant la part du réel que nous pouvons percevoir. Il est ce qui est perceptible ou perçu. Il suffit d’une bonne acuité visuelle, doublée d’un bon sens de l’observation pour percevoir le visible. »40 Les images nous entourent. Partout où nous allons elles sont présentes : dans la rue, dans les maisons, au travers de la télévision, de la presse et des livres par exemple. Comment l’image en est-elle arrivée à avoir cette importance ? Pour quelles raisons ? Est-ce que cela a été toujours le cas ? Afin de répondre à ces questions, nous allons nous intéresser à l’image et à son évolution en nous focalisant sur ces derniers siècles, à partir du XVIIème. Nous verrons aussi la place qu’elle occupe dans la société contemporaine, les utilisations principales que l’on en fait et enfin ses principaux moyens de diffusion.

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Photo prise au Festival d’Avignon, Eté 2014 BERNAS, Steven, « L’image, la fuite et le visible », in : AHIJADO, Jorge Quijano, Autour du visible, l'image et la fuite, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 7 40

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1 - L’importance de l’image Afin de clarifier la situation concernant l’image, il faut bien se rendre compte que celle-ci n’est pas uniquement liée à notre époque. « Au cours des siècles, on le voit, l’image a toujours été étroitement mêlée à la civilisation, de sorte que l’expression « civilisation de l’image », pour qualifier l’époque contemporaine, nous paraît relever davantage du slogan publicitaire que de l’analyse des faits. Il est exact, par contre, de constater des variations, parfois des mutations, dans l’usage comme dans l’aspect de l’image selon les époques. Entre le support matériel, les dimensions, l’emplacement, d’une part, le rôle mystique, symbolique, fantastique, divertissant, éducatif ou politique, d’autre part, il existe des corrélations extrêmement complexes. »41 La professeur de sociologie Anne-Marie Thibault-Laulan résume ici très clairement la place de l’image dans les civilisations, et ce depuis ses origines. L’image n’est pas apparue avec l’époque contemporaine, elle était présente il y a déjà bien longtemps. Toutes les civilisations on eu des rapports avec les images, mais chacune à des degrés différents. L’image a eu des spécificités propres dans différentes civilisations. En effet, autant le support sur lequel l’image est présentée - son moyen de communication - que sa vocation changent. Ainsi, l’image est à un moment au service du « Sacré »42, un autre moment au service de la « politique », de l’ « éducation »43, et son moyen de communication a pu passer de gigantesques fresques à du papier journal par exemple. « L’image est inséparable de toute civilisation. Les traces les plus anciennes de l’humanité, dès lors qu’elle se distingue franchement de l’animalité, offrent précisément à nos yeux des « images », c’est-à-dire des objets symboliques. »44 Il est vrai que nous avons pu trouver certaines traces de nos ancêtres sur les murs de grottes diverses, et ces traces sont des dessins, des images sous le sens d’« objets symboliques ». Nous reviendrons plus en détails sur cela dans la suite du travail. 2 - L’utilisation de l’image a - Utilisations au cours des derniers siècles (XVIIème - XXème) La manière dont les images seront utilisées change, nous l’avons vu, au cours du temps et en fonction des civilisations. En effet, certains facteurs importants ont menés à des changements dans notre société. Nous allons les exposer brièvement. Les images ne pouvaient pas être utilisées de n’importe quelle manière et par n’importe qui. Comme nous l'explique Anne-Marie Thibault-Laulan : « Dès ses plus lointaines origines, en effet, l’image a connu ses geôliers, parce qu’elle a toujours été liée au mystère et au sacré. ».45 De ce fait l’image était « Toujours marquée au sceau du sacré ou du solennel, elle

41

THIBAULT-LAULAN, Anne-Marie, L’image dans la société contemporaine, Paris, Editions E.P. Denoël, 1971, p. 35 42 Ibid., p. 23 43 Ibid., p. 26 44 Ibid., p. 16 45 Ibid., p. 19

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reste le privilège d’une élite aristocratique ou religieuse qui contrôle étroitement d’ailleurs la création des artistes qu’elle tient à sa merci. »46 Cependant, l'utilisation de l'image se démocratise à un certain moment de l'Histoire. Et ce changement est lié à la littérature.47 « Le XVIIIème siècle, par exemple, connaît des mutations profondes et simultanées : la littérature devient une arme pour l’esprit humain, la philosophie découvre le contrat social en même temps que l’imprimerie permet enfin une diffusion massive et peu onéreuse du texte et de l’image. »48 Ceci s’explique entre autre par « l’innovation technique », qui permet notamment la « diffusion massive ». A partir de là se développe une certaine « délivrance » par rapport au « sacré » qui permet dès lors d’utiliser l’image d'une toute autre manière. « On voit se développer ou apparaître en même temps la presse, les almanachs, la prise de conscience du tiers état, l’imagerie populaire, encore naïve, certes, mais délivrée du sacré. »49 Cette démocratisation va permettre à l’image de s’ouvrir à de nouvelles tâches, comme « [...] arme légère des luttes politiques, arme plus lourde de l’éducation permanente [...] »50 Peu de temps après cela, l’invention de la photographie aura un grand nombre de conséquences sur l’image. C’est en 1839, avec le daguerréotype, que la photographie voit le jour51. Se développe ainsi une certaine facilité et aisance à la création et à la production d’image. L'exemple suivant permet de montrer les changements que peuvent occasionner une invention sur l’usage et l'utilité de l’image dans la société. « Il semble bien que l’image ait perdu une partie de son pouvoir et de son prestige dès l’instant qu’elle a cessé d’être une oeuvre unique et signée pour se perdre dans la diffusion massive de la reproduction par milliers d’exemplaires. Voilà en quel sens une invention technique peut modifier, voire bouleverser, la fonction de l’image dans la société. [...] l’image photographique ne se consomme pas du tout comme un tableau, une gravure, une fresque. »52 La photographie donnera à l’image de nouveaux rôles, elle sera par exemple utilisée pour faire des reportages, et se « tournera » aussi « vers » l’art : « La guerre de Crimée, les plaines du Kansas où se construisent les chemins de fer, le mont Blanc, les déserts égyptiens, tout est document, tout est prétexte à reportage. »53 « Cependant se fait jour assez vite une « tentation » artistique. La photographie abandonne le reportage et se tourne vers l’art ; c’est l’époque du flou artistique, des scènes allégoriques composées au montage. »54

46

THIBAULT-LAULAN, Anne-Marie, L’image dans la société contemporaine, op. cit., p. 24 Ibidem 48 Ibidem 49 Ibidem 50 Ibid., p. 26 51 Ibid., p. 27 52 Ibidem 53 Ibidem 54 Ibid., p. 29 47

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b - Utilisation et média de transmissions du XXème siècle à nos jours Suite à ces changements opérés au cours des derniers siècles, la société contemporaine se voit entretenir un lien particulier avec l’image. L’image a toujours fait partie de chaque société, de chaque civilisation, à différents niveaux certes, mais a toujours été « présente ». Cependant, celle-ci occupe une place très importante de nos jours, « Bien plus qu’autrefois, l’image est présente au monde ; elle est de toutes les grandes manifestations, des occasions importantes tant politiques que privées, elle recouvre les murs de la ville et pénètre dans les foyers. »55 Nous nous retrouvons donc dans une époque où l’image possède beaucoup de fonctions, et ce dans de nombreux domaines différents. Elle peut être utilisée pour la propagande56 ou pour la publicité57, son importance devient telle que toutes les activités ont leur lot d’images. « On observe la vogue des caricatures, des graffiti, la guerre des affiches, la nuée des tracts. Aucune manifestation ne se passe désormais des images, que ce soit une foire commerciale, la clôture des jeux Olympiques, les luttes électorales ou les revendications politiques. »58 Des changements et inventions liés à notre époque ont eu pour effet d’amplifier cette importance donnée aux images, « Trois grandes découvertes ont sensiblement modifié le rôle de l’image dans la société, depuis un peu moins d’un siècle : la facilité de transmission et de reproduction photographique dans la presse (bélinogramme et photogravure) d’une part, la cinématographie et la télévision d’autre part. »59 Par ailleurs, ce qui rend l’image si importante dans notre société, c’est qu’elle possède un caractère très intéressant pour l’époque actuelle : l’information. En effet, l’image sert beaucoup à véhiculer des informations, à les partager le plus possible. Couplé au fait que l’information joue un rôle primordial dans notre société60, l'image en devient d'autant plus essentielle et présente. « Les clichés se vendent, s’échangent, parfois même sont volés ou détruits, non pas pour leur valeur « artistique », mais pour l’information qu’ils apportent sur des personnes, des objets ou des lieux. Chacun sait que les journalistes-photographes, en période de troubles, se plaignent fréquemment du vol ou de la confiscation de leur pellicule, de la détérioration de leur matériel. Certains microfilms, en espionnage industriel, peuvent atteindre des prix fort élevés et coûtent parfois des vies humaines. »61 Nous pouvons aussi nous demander quels sont les médias de prédilection pour la transmission des images. Nous pouvons séparer ces médias en deux types : les écrans et le papier62. En effet, les écrans de télévision, d'ordinateur, de cinéma et de téléphone sont des moyens 55

THIBAULT-LAULAN, Anne-Marie, L’image dans la société contemporaine, op. cit., p. 40 L'exposition « Notre Congo/Onze Kongo » La propagande coloniale belge dévoilée, qui a eu lieu au musée Belvue du 4 octobre au 30 novembre 2014 à Bruxelles montre l'utilisation de l'image dans la propagande de manière flagrante. En effet, l'image, souvent scénarisée, servait de justification de la colonisation du Congo devant les Belges. 57 THIBAULT-LAULAN, Anne-Marie, L’image dans la société contemporaine, op. cit., p. 38 58 Ibidem 59 Ibidem 60 Ibid., p. 40 61 Ibid., pp. 39-40 62 Ibid., p. 277 56

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permettant de transmettre les images. De plus, les magazines, les journaux et les livres en tout genre sont aussi un moyen de transmission d'images. Pour conclure nous pouvons dire que l’image a toujours été présente dans les civilisations, mais que celle-ci est d’autant plus présente dans la société contemporaine du fait qu’elle occupe une place privilégiée, entre autre par sa capacité à transmettre des informations. Pour finir nous citerons Anne-Marie Thibault-Laulan, résumant ce pourquoi l’image occupe une place si importante et si présente dans notre société contemporaine, et nous expliquant que ce n’est pas l'image elle-même qui est « victime de son succès », mais que ce sont des facteurs extérieurs à celle-ci qui la rendent si présente. « S’agit-il d’une civilisation de l’image ou, bien plutôt, d’une civilisation dont les valeurs fondamentales sont devenues l’information et la communication offrant par voie de conséquence un traitement privilégié à l’image d’actualité ? Encore une fois, il ne semble pas que l’invention technique ait, d’elle-même, engendré une mutation de la civilisation ; tout au contraire, les changements sociaux ont suscité puis favorisé la puissance actuelle d’un certain type d’image parce qu’elle occupe une place de choix dans l’information contemporaine. »63 C - L’architecture et sa représentation Qu’est-ce qu’un architecte ? Un architecte est un « Professionnel(le) diplômé(e) d’une Ecole d’Architecture, l’architecte est le maître d’oeuvre de l’acte de construire, et « l’homme de l’art » de la construction : il conçoit, pour le compte de tiers, les édifices ou leur transformation, tant sur le plan technique que fonctionnel et esthétique, puis dirige les travaux nécessaires. »64 Suite à cette définition, nous pouvons comprendre que l’architecte est à la fois celui qui conçoit le projet et celui qui en dirige les travaux de construction. Intéressons nous premièrement au fait de concevoir le projet. Si l’on parle de concevoir un édifice, un projet d’architecture, cela sous-entend « projettation », qui se définit comme étant l’« ensemble des opérations jusqu’au dessin définitif »65. En effet, pour un projet d’architecture, l’architecte va chercher à le représenter. Pour cela, il va principalement utiliser le dessin. Ces dessins sont de différents types et ont différentes fonctions. L’architecte doit nécessairement « projeter » ses idées d’une manière ou d’une autre, les rendre intelligibles pour les communiquer. Il va chercher à représenter ce qui est dans sa tête notamment au travers de dessins. « C’est grâce au dessin que l’architecte peut traduire son idée et lui communiquer des formes visibles, c’est le dessin qui nous donne accès ad formam in mente architectoris... (« à la forme dans l’esprit de l’architecte »). »66 Ce n’est cependant pas le seul moment où la représentation joue un rôle. Elle joue également un rôle lorsque le projet est construit. En effet, la communication de cette construction se fait par les supports papiers tels que les livres ou revues spécialisées mais également par l'écran avec les sites internet d'architecture par exemple, au travers des même outils de représentations en y ajoutant la photographie. Nous allons nous intéresser à la représentation 63

THIBAULT-LAULAN, Anne-Marie, L’image dans la société contemporaine, op. cit., p. 40 DE VIGAN, Jean, LE PETIT DICOBAT, Dictionnaire Général du Bâtiment, Paris, Editions ARCATURE, 4ème édition, 2008, p. 81 65 RECHT, Roland, Le dessin d’architecture, Origines et fonctions, Paris, Adam Biro, 1995, p.19 66 Ibid., p.46 64

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du projet d’architecture dans les sous-parties suivantes. Nous allons tout d'abord nous intéresser aux formes que cette représentation peut prendre et ensuite aux rôles qu'on lui attribue. 1 - Formes de représentation L’architecture peut être représentée sous différentes formes. Selon Bruno Zevi, architecte italien notamment célèbre pour son livre « Saper Vedere l'architettura », en français « Apprendre à voir l'architecture », « Plans, façades et sections, maquettes et photographies, voilà nos moyens pour représenter les espaces. Chacun d’eux apporte une contribution originale et renvoie aux autres à cause de ses propres lacunes. »67. A cela nous pouvons rajouter, ou certainement annexer aux « photographies » les images de synthèse qui sont, de nos jours, un moyen très utilisé pour représenter l’architecture. Nous pouvons en effet affirmer cela lorsque l’on regarde les revues spécialisées et les sites internet de bureaux d’architecture. Ce type de représentation abonde. Revenons-en à l’outil cité en premier par Bruno Zevi : les plans. « Les plans constituent un des moyens fondamentaux de la représentation architecturale. »68. Les plans sont en effet très importants dans la représentation de l’architecture. Ils ne sont cependant pas les seuls à avoir de l’intérêt, et comme le dit Bruno Zevi, les moyens de représentations se complètent. Nous pouvons par ailleurs affirmer que les différentes formes de représentations véhiculent différentes informations du projet. En effet, comme le suggère Roland Recht, docteur en Lettres et spécialiste en histoire de l'art, « Plan et élévations ne donnent de l’édifice qu’une image éclatée : pour rendre l’objet architectural parfaitement lisible, ils le décomposent. La représentation perspective cherche au contraire à préserver la forme dans sa globalité, afin d’en produire une image non plus analytique mais sensible. »69. Ainsi, selon le type de projet ou le type d’architecture, l’une ou l’autre représentation sera davantage mise en avant. Certains types d’architecture prônent par exemple la façade. Lorsque l’on voit les cathédrales gothiques, on peut remarquer que beaucoup d'attention a été portée à la conception des façades. Celles-ci prennent donc une place importante dans la représentation du bâtiment. Avec le temps, les moyens de représentation de l’architecture ont aussi évolué. Rappelons une chose : en ce qui concerne l’époque contemporaine, l’image de synthèse occupe une place très conséquente dans la représentation du projet70. Suite à tout cela, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que la représentation de l’architecture est majoritairement visuelle puisqu’elle existe essentiellement sous forme de dessins - qu’ils soient à la main ou à l’ordinateur - et de photographies. Nous reviendrons sur cela plus en aval. 2 - Rôle de l'image dans la représentation en architecture La représentation joue un rôle très important dans la discipline architecturale. Nous avons vu que l’architecture est à la fois conception et construction et que l’architecte fait appel à de nombreuses représentations afin de rendre intelligible, compréhensible et communicable ces intentions. 67

ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l'architecture, Paris, Editions de Minuit, 1959, p.44 Ibid., p.31 69 RECHT, Roland, Le dessin d’architecture, Origines et fonctions, op. cit., p.15 70 Il nous suffit d’ouvrir un magazine d’architecture pour nous rendre compte de cela. Nous en verrons d’ailleurs plusieurs exemples dans le deuxième chapitre. 68

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Nous prendrons ici le parti de diviser la représentation en trois rôles distincts : la représentation permet à l’architecte de concevoir, de communiquer - autant aux clients que dans l’enseignement par exemple - et de construire le projet d’architecture. Deux de ces trois rôles sont ici désignés et l’on peut voir qu’ils font partie de l’architecture depuis quelques siècles. « Depuis le milieu du XIIIème siècle déjà, les dessins d’architecture assurent deux fonctions : ils constituent des dessins à caractère technique, destinés au chantier, et ils offrent des vues d’ensemble, généralement frappées d’une plus-value qui embellit le dessin, le rend suggestif aux yeux du client. ».71 Roland Recht désigne ici le fait de communiquer le projet à l’organe constructif du projet et au client. Nous rajouterons le fait qu’il sert aussi à l’architecte lui-même lors de la conception du projet. Par ailleurs, la réalité d'un plan peut-être difficilement cernable, entre autre par le maître de l'ouvrage. Le dessin, les perspectives et autres modélisations du projet permettent d'aider à régler ce problème en offrant une image du projet au Maître de l'ouvrage. De ce fait, au cours du processus de « projettation », l’utilisation du dessin sera très importante. Le dessin permet aussi à l’architecte de communiquer au client ce qu’il a pensé, avec aussi parfois, un effet de séduction qui s’opérera au travers du dessin. Enfin, lors de la finalisation de la conception, les plans d’exécution seront mis en place et communiqués au constructeur. Le dessin est donc, comme nous pouvons le constater, un élément essentiel pour l’architecte et pour son métier. 3 - Importance du dessin et média Comme nous l’avons vu plus haut, le dessin et l’architecture sont très liés, notamment depuis le XIIIème siècle comme l’explique Roland Recht, où il servait à communiquer au client mais également à l’entrepreneur les plans de construction. Le dessin est donc pour l’architecte un outil indispensable. Ce lien entre dessin et architecture va s’accentuer au cours du temps, comme le dit Ola Söderström, « Le lien étroit entre projet et dessin va se renforcer sous l'influence de deux phénomènes principaux: la mise en place d'une pédagogie du dessin et l'invention de la géométrie descriptive. En France, qui devient à partir du XVIIème siècle le nouveau centre en matière de théorie et de pratique de l'édification, le dessin devient le principal moyen de formation des architectes. »72 De manière plus récente, depuis les années soixante-dix, le dessin connaîtrait une revalorisation importante dans l’enseignement des écoles d’architecture73. Par ailleurs, ce n’est pas uniquement dans les écoles d’architecture que le dessin fut revalorisé, mais « Les manifestations et les publications relatives aux dessins d’architecture se sont multipliées dans les années soixante-dix et quatre-vingts. En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, en Italie et en Allemagne, elles sont devenues fréquentes. »74 Concernant les moyens de transmission de ces représentations, en tant qu'étudiant par exemple, les principales sources nous permettant l’accès aux images des projets d’architecture sont la presse spécialisée, les ouvrages et les expositions. A cela s'ajoutent les sites internet des bureaux d'architecture qui présentent leurs projets, et autres sites spécialisés. Ce ne sont cependant pas les seuls moyens de transmission des représentations de projets d'architecture. 71

RECHT, Roland, Le dessin d’architecture, Origines et fonctions, op. cit., p. 146 SODERSTROM, Ola, Des images pour agir. Le visuel en urbanisme, op.cit., p.53 73 RECHT, Roland, Le dessin d’architecture, Origines et fonctions, op. cit., p.9 74 Ibidem 72

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D - L’architecture et les sens « L’architecture n’est pas seulement un art, pas seulement l’image des heures passées, vécues par nous et par les autres : c’est d’abord et surtout le cadre, la scène où se déroule notre vie. »75 Quels sont les rapports entre architecture et sens ? Nous avons vu que la représentation de l’architecture se fait beaucoup au travers de dessins, que ce soit des plans, élévations, coupes, perspectives - à la main ou assistées par ordinateur - et même de photographies. Nous nous sommes également intéressés aux sens en général, et allons maintenant nous y intéresser en les mettant en relation avec l’architecture. Nous allons examiner dans un premier temps l’architecture et ses relations avec la vue, puis dans un second temps l’architecture et son caractère multisensoriel. 1 - Le visuel dans l’appréciation de l’architecture L’architecture fait beaucoup appel à la vue, certainement plus que les autres sens. Autant au moment de sa conception que lorsqu’elle est construite et vécue. En effet, lors de la conception, l’architecte cherche à représenter l’architecture et dessine donc son projet. Ces représentations sont essentiellement visuelles, elles ne font pas appel à un autre sens que celui de la vue. « Nous avons coutume de dire que l’expérience de l’architecture est essentiellement visuelle, et tout le monde partage cet avis. En effet, on la regarde, on la parcourt, on photographie des intérieurs, on achète des cartes postales de façades ; les revues et les livres d’histoire de l’architecture sont remplis de dessins, d’illustrations en noir et blanc ou en couleurs. »76 Par ailleurs, une fois le projet construit et arpenté, la vue continue de jouer un rôle fort. « Le sens de la vue nous donne, il est vrai, beaucoup d’informations sur un édifice : sa masse, sa couleur générale, sa silhouette se découpant sur le ciel, ses ouvertures, les proportions entre les pleins et les vides, les ombres qui donnent un caractère à la façade, la proportion de l’ensemble, l’enrichissement des détails que l’on découvre petit à petit en s’approchant, etc... A l’intérieur, la vue nous renseigne encore sur les ombres et les lumières, les proportions, la hauteur des pièces, les couleurs, les lignes, les textures, scintillements, reflets, etc... Et c’est ce que les revues que nous avons l’habitude de consulter, tendent à rendre le mieux possible au moyen de coupes, plans, photographies. »77 2 - Le caractère multisensoriel de l’architecture « Ceux qui ont réfléchi au problème savent que le caractère distinctif de l’architecture est qu’elle existe dans un espace tridimensionnel qui inclut l’homme. La peinture existe sur deux dimensions, même si elle en suggère trois ou quatre. La sculpture vit selon trois

75

ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l'architecture, op. cit., p. 25 CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., p. 140 77 Ibidem 76

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dimensions, mais l’homme en reste extérieur. L’architecture, au contraire, est comme une grande sculpture évidée, à l’intérieur de laquelle l’homme pénètre, marche, vit. »78 Suite à cette citation de Bruno Zevi, et à notre expérience de tous les jours, nous pouvons effectivement affirmer le fait que l’homme « pénètre », « marche » et « vit » à l’intérieur de l’architecture. Comme le dit Marc Crunelle, « L’expérience de l’architecture est bien multisensorielle [...]. ».79 En effet, selon Grégoire Chelkoff, professeur à l’école nationale supérieure d’architecture de Grenoble, l’architecture « [...] s'adresse de fait à tous les sens : parcourue, elle fait voir, entendre, sentir en même temps. »80 L’espace que créé l’architecture permet à l’homme de faire partie intégrante de son art, comme le stipule l’historien Geoffrey Scott, « « [... ] l’architecture nous offre des espaces à trois dimensions, capables de contenir nos personnes, et c’est cela le véritable centre de cet art ». »81 L’architecture peut donc être explorée. On peut la voir, apprécier ses dimensions ainsi que la lumière qui y pénètre. Elle peut également nous faire entendre une grande variété de bruits comme celui de la pluie qui tombe sur un matériau particulier ou bien des résonances. Les odeurs sont également présentes : on peut sentir des matériaux particuliers à l’intérieur du bâtiment tout comme laisser les odeurs environnantes pénétrer l’intérieur du lieu. Nous pouvons ressentir la chaleur, la fraîcheur, notre corps en mouvement. L’expérience architecturale fait aussi intervenir des choses moins en rapport avec nos sens mais plus avec notre personne, comme nos émotions, notre sensibilité ou notre culture. De tout cela découle une expérience de l’architecture. L'appel de nos sens est une des caractéristiques de l’architecture, et c'est ce qui rend l’expérience de l’architecture très riche. Cette mise en valeur des sens au niveau de l'architecture permet également de placer l’homme au centre de l’expérience architecturale. C’est l'Homme qui, au travers de ses sens, va faire l’expérience de l’architecture. « [...] partout nous devons « vivre » l’expérience spatiale ; nous devons y entrer nousmême, nous sentir partie et « unité métrique » de l’organisme architectural, nous devons être nous-même dans l’espace. Tout le reste est utile, nécessaire, fécond, mais ne fait que préparer cette heure en laquelle, nous-même, physiquement, spirituellement, humainement, nous vivrons les espaces. Et ce sera l’heure de l’architecture. »82 Ce que dit ici Bruno Zevi est très intéressant, et particulièrement la dernière phrase, car en effet, s’il n’y a pas d’Homme pour vivre l’architecture, il n’y a pas d’architecture. Ce sera « l’heure de l’architecture » quand il y aura des Hommes pour la pratiquer.

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ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l'architecture, op. cit., pp. 18-19 CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., p. 140 80 CHELKOFF, Grégoire, « L’ambiance de tous les sens », in AUGOYARD, Jean-François, 1st International Congress on Ambiances, Grenoble 2008, Sep 2008, Grenoble, A La Croisée, 2011, p. 133 81 SCOTT, Geoffrey, in ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l’architecture, op. cit., p. 133 82 ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l'architecture, op. cit., p. 45 79

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Conclusion Au terme de ce première chapitre nous pouvons dire que l’image occupe une place très importante dans la société contemporaine, que la représentation de l’architecture se fait essentiellement à partir de dessin et de photographies, de représentations visuelles donc, et que l’architecture est un art faisant appel, une fois parcourue, à tous nos sens. Ainsi nous développerons dans le deuxième chapitre le paradoxe du fait que la représentation de l’architecture soit essentiellement visuelle alors que son expérience est multisensorielle. Nous verrons certains exemples nous permettant de justifier ce paradoxe et en tirerons notre question de recherche : « Est-il possible de représenter les facteurs ambiants d'un projet architectural dans sa représentation, malgré la prédominance de l'aspect visuel ? ». Nous partirons du principe que cela est possible. Cependant, avant d’essayer de répondre à notre question de recherche, il nous paraît intéressant de tenter d’identifier pourquoi notre représentation actuelle de l’architecture ne prend pas en compte les facteurs ambiants et nous essaierons aussi d’en voir certaines conséquences.

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II - Le paradoxe de la reprĂŠsentation architecturale visuelle



II - Le paradoxe de la représentation architecturale visuelle Nous avons pu voir, dans notre premier chapitre, que la vue occupe une place importante dans notre société et est considérée comme « le sens des sens »83. De plus, nous avons pu voir que la représentation architecturale fait énormément appel à l’image, puisque cette représentation se fait au travers de dessins et photographies. Cependant nous avons aussi vu que l’architecture une fois construite, est « multisensorielle » et ne fait pas uniquement appel à la vue. Dans ce chapitre nous mettrons tout d’abord en évidence le paradoxe entre la représentation de l’architecture et l’expérience de l’architecture, en voyant ce que la représentation ne nous montre pas. Nous illustrerons cela avec certains exemples et nous évoquerons notre problématique. Après cela nous parlerons de la notion d’ambiance afin de clarifier le terme et de voir son importance pour l’architecture. Nous tenterons ensuite d’identifier pourquoi notre représentation actuelle de l’architecture ne prend pas en compte les facteurs ambiants. Nous ferons cela afin de potentiellement trouver des éléments de réponse à notre question de recherche. Nous essaierons aussi d’en voir certaines conséquences afin de montrer pourquoi il est intéressant de trouver un moyen de représenter les facteurs ambiants. A - Paradoxe entre la représentation de l’architecture et l’expérience de l’architecture 1 - Mise en évidence du paradoxe Nous avons vu dans la partie précédente que l’architecture est une discipline qui s’adresse à tous les sens, malgré le fait que la vue domine tout de même assez largement les autres sens. Or, selon Marshall McLuhan, professeur canadien, le fait qu’un sens soit dominant sur les autres impliquerait une « distorsion de la réalité » : « Ceci n’implique-t-il pas qu’une distorsion de la réalité qui découlerait de l’invention d’un moyen uniforme de traduire tous les aspects de notre univers dans la langue d’un seul de nos sens peut servir à enfermer une culture dans le sommeil. Le réveil se produit lorsque l’excitation d’un autre sens alerte le dormeur. »84 Nous avons aussi vu que la représentation de l’architecture est essentiellement visuelle puisqu’elle se fait par l’intermédiaire de plans, coupes, élévations, maquettes, croquis, perspectives et photographies. Nous savons aussi que l’architecture, c’est du vécu. C’est ce qui en fait sa spécificité, « L’architecture, [...] est comme une grande sculpture évidée, à l’intérieur de laquelle l’homme pénètre, marche, vit. »85. L’architecture a du sens lorsqu’on la vit, et non pas uniquement lorsque l’on en regarde des dessins ou des photographies. Pour résumer nous avons donc le fait que la vue domine les autres sens, que la représentation architecturale se fait principalement à partir de représentations visuelles, et nous savons que l’architecture est tout de même du vécu, un art qui fait appel à tous nos sens, à la différence de la peinture ou la sculpture par exemple. Comme le dit Grégoire Chelkoff, « L'architecture est

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AUGOYARD, Jean-François, « Vers une esthétique des ambiances », in AMPHOUX, Pascal, THIBAUD, Jean-Paul, CHELKOFF, Grégoire, Ambiances en débats, Bernin, A La Croisée, 2004, Collection Ambiances, Ambiance, p.21 84 MCLUHAN , Marshall, La Galaxie Gutenberg, Paris, Gallimard, Idées, 1977, pp. 146-147 85 ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l'architecture, op. cit., pp. 18-19

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un des rares arts qui s'adresse de fait à tous les sens: parcourue, elle fait voir, entendre, sentir en même temps. »86 Les questions que nous sommes en droit de nous poser à ce niveau sont les suivantes : est-ce que les représentations des projets sont représentatives de l’expérience de l’architecture ? Et si non, qu’est-ce que ces représentations enlèvent à l’expérience architecturale ? Quelles sont les conséquences du fait de représenter l’architecture par du visuel alors que l’expérience de l’architecture fait intervenir nos sens ? Ces questions mettent en avant la place de l'Homme dans l’architecture. Marc Crunelle évoque ce que la représentation visuelle implique : « [...] le visuel est parfois loin de rendre tous les aspects de l’expérience que nous avons de l’architecture, et d’autre part, que le fait de montrer par l’image, le dessin, la vidéo, ces constructions, les « nivèlent », leur fait perdre beaucoup de leurs caractéristiques qui, lorsque nous nous trouvons dans le site réel, nous frappent directement et sont constamment présents. S’il est vrai que par rapport aux autres sens, la vue est la moins tributaire des conditions atmosphériques (sauf dans le brouillard), donc plus stable, plus constante, la représentation seulement visuelle de l’expérience de l’architecture contient elle-même ses propres limites. »87 Nous constatons donc un écart entre la réalité et la représentation du projet. Les images ont un caractère « réducteur » et enlèvent certaines informations au projet, elles ne reflètent pas l’expérience que l’on aura de l’architecture. Marc Crunelle met ici en lumière les limites de la représentation uniquement visuelle de l’architecture. « Celles-ci sont de deux ordres : 1° Elle ne peut rendre la température intérieure contenue dans un édifice, son contraste avec l’extérieur, les sons règnant dans l’espace, le vent, les odeurs, en d’autres termes, ce qui est « transporté par l’air » qui est lui-même invisible, mais seulement quelques-uns de ses effets (on ne peut pas voir le vent, mais bien les drapeaux qui flottent). 2° Pour l’étude de l’architecture, qui dit visuel, dit distant de la chose. On est toujours en dehors, jamais impliqué, ne subissant pas les différences de températures, les effets du vent, les contrastes d’humidité et de sécheresse, les effluves des cuisines, le chahut des piscines, etc... toutes qualités de l’espace nous englobant pourtant complètement dans notre vécu. L’architecture réduite au visuel, « à distance » n’est pas un milieu de vie, c’est seulement une image, une représentation partielle et particulière. »88 Dès lors, certains facteurs comme le vent, les sons, les odeurs ou l’hygrométrie ne sont pas exprimés et les images ne laissent donc pas transparaître les sensations que pourra procurer le projet lorsque que nous le parcourrons. Nous allons dans ce travail diviser les projets d’architecture en deux catégories selon leur relation avec les facteurs ambiants. Ces deux catégories constitueront les deux types d’exemple différents que nous examinerons afin de voir si les facteurs ambiants sont représentés. 86

CHELKOFF, Grégoire, « L’ambiance de tous les sens », in AUGOYARD, Jean-François, 1st International Congress on Ambiances, Grenoble 2008, Sep 2008, Grenoble, A La Croisée, 2011, p. 133 87 CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., p. 142 88 Ibidem

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La première catégorie de projets se caractérise par un lien général entre le projet d’architecture et son environnement. En effet, les projets d’architecture font partie d’un environnement et sont dès lors entourés de différents facteurs ambiants. Nous pouvons donner de manière assez simple un exemple. Prenons un projet d’architecture dans un pays d’Afrique, le Bénin par exemple, son environnement sera chaud et humide. Ces deux facteurs constituent une part des facteurs ambiants de ce projet. Nous appellerons ces projets les « projets entourés de facteurs ambiants ». La deuxième catégorie de projets présente des projets entretenant des liens particuliers avec les facteurs ambiants. Certains sont fortement liés à un ou plusieurs facteurs ambiants, d’autres en sont les créateurs et certaines architectures ont même été créées dans le but de répondre à une demande liée à un facteur ambiant. Nous pouvons dès lors voir que les facteurs ambiants peuvent influencer l’architecture et la façonner. Nous appellerons ces projets les « projets liés aux facteurs ambiants ». « L’architecture n’a pas toujours une préoccupation visuelle et ce que nous voyons des choses n’en est pas nécessairement son essence. Les photos des habitations marocaines par exemple, ne montrent pas la chaleur étouffante qui les entoure, le soleil qui tape de toutes ses forces sur les murs, la chaleur qui fait trembler l’asphalte, la fournaise des après-midis. Cette architecture là a un parti thermique et tout ce sur quoi nos yeux se posent ne sont que des réponses à une situation climatique particulière, fort différente de celle que l’on connaît ici à Bruxelles. »89 Marc Crunelle met ici en lumière l’intérêt de l’architecture marocaine pour apporter « des réponses à une situation climatique particulière ». Des architectes ont donc bien évidemment pensé à créer des bâtiments dont l’architecture à été influencée par un facteur ambiant, dans ce cas ci, les habitations marocaines ont donc un « parti thermique » comme le précise l’auteur. Pour résumer, il y a un donc en un effet paradoxe principal qui est identifié, et qui oppose donc l’expérience de l’architecture vécue et les représentations visuelles, les images du projet. « La représentation de l’expérience architecturale s’en est trouvée raccourcie à la seule vue. Ceci n’engendre-t-il pas une singulière déformation d’une expérience pourtant bien plus riche ? »90

89 90

CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., pp. 141-142 Ibid., p. 140

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2 - Exemples de la non représentation des facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux Nous avons donc vu que la représentation de l’architecture ne nous permettait pas de rendre compte de certains facteurs ambiants pourtant bien présents et qui modifient, voire enrichissent notre expérience de l’architecture. Nous allons dans cette partie voir certains exemples qui permettront d’illustrer cela. Comme stipulé auparavant, nous diviserons les exemples en deux types distincts, à savoir d’un côté les exemples illustrant des projets entourés de facteurs ambiants, et de l’autre côté les projets liés aux facteurs ambiants. Par ailleurs, nous nous concentrerons ici sur des images provenant de deux média particuliers, à savoir le numérique et le papier. Nous allons dans un premier temps nous focaliser sur des images provenant de plusieurs magazines. Les projets sélectionnés appartiennent à différentes régions du Globe, conçues par des architectes de divers endroits du monde. Nous commencerons par présenter une série de projets incluant des photos de l’architecture, puis nous continuerons par des projets proposant des images de synthèse. Nous nous focaliserons ensuite sur des images provenant de sites internet, de bureaux d’architecture et de sites spécialisés. Nous procéderons comme cela afin de voir si il existe des différences entre les représentations venant d’internet et celles issus des magazines. Après nous être intéressés aux représentations concernant les projets entourés de facteurs ambiants, nous nous intéresserons à certains projets ayant des liens fort avec certains facteurs ambiants. Nous mélangerons dans ce cas ci les deux types de média. L’objectif est de voir, au travers des différents exemples qui vont suivrent, si les représentations des projets incluent des facteurs ambiants ou non.

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Exemples concernant les projets entourĂŠs de facteurs ambiants. Exemples provenant de magazines, incluant des photos du projet

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BAAN, Iwan, « Aerial View », in Herzog & de Meuron, « Herzog & de Meuron, Parish Art Museum », in A+U, n° 511, Avril 2013, p. 43

Herzog & de Meuron, « Section », in Herzog & de Meuron, « Herzog & de Meuron, Parish Art Museum », in A+U, n° 511, Avril 2013, p. 47

Herzog & de Meuron, « Ground floor plan », in Herzog & de Meuron, « Herzog & de Meuron, Parish Art Museum », in A+U, n° 511, Avril 2013, pp. 44-45

Herzog & de Meuron, Parish Art Museum, New York, Etats-Unis, 2012. 32


HUISMAN, Mika, « New library with the old Seinäjoki library on left side », in « JKMM Architects, City Library in Seinäjoki », in A+U, n° 511, Avril 2013, pp. 102-103

JKMM Architects, « Section », in « JKMM Architects, City Library in Seinäjoki », in A+U, n° 511, Avril 2013, p. 104

JKMM Architects, « Ground floor plan », in « JKMM Architects, City Library in Seinäjoki », in A+U, n° 511, Avril 2013, p. 111

JKMM Architects, City Library, Seinäjoki, Finland, 2012. 33


BEERS, J. H., sans titre, in « Ecole de filles à Nairobi, Kénia », in KULTERMANN, Udo, Architecture Nouvelle en Afrique, Paris, Editions Albert Morancé, 1963, p. 82

ABBEN, Peer, « Plan », in « Ecole de filles à Nairobi, Kénia », in KULTERMANN, Udo, Architecture Nouvelle en Afrique, Paris, Editions Albert Morancé, 1963, p. 82

Peer Abben, Ecole de filles, Nairobi, Kenya 34


Shinkenchiku Sha, « Cross Section », in « Tato plays with scale », in Mark, n° 53, Décembre 2014-Janvier 2015, p. 30

Tato Architects, « Long Section », in « Tato plays with scale », in Mark, n° 53, Décembre 2014-Janvier 2015, p. 31

Tato Architects, « 0 », in « Tato plays with scale », in Mark, n° 53, Décembre 2014-Janvier 2015, p. 31

Tato Architects, House, Hikone, Japan 35


DUJARDIN, Filip, sans titre, in « Twiggy. DVVT », in A+, n° 245, Décembre 2013 - Janvier 2014, p. 63

Architecten de vylder vinck taillieu, sans titre, in « Twiggy. DVVT », in A+, n° 245, Décembre 2013 - Janvier 2014, p. 63

Architecten de vylder vinck taillieu, « niveau 0 », in « Twiggy. DVVT », in A+, n° 245, Décembre 2013 - Janvier 2014, p. 63

Architecten de vylder vinck taillieu, Magasin de vêtements Twiggy, Gand, Belgique, 2012 36


BINET, Helene, « West elevation », in « Studio Mumbai, Utsav House », in A+U, n° 526, Juillet 2014, p. 51

Studio Mumbai, « East-west section », in « Studio Mumbai, Utsav House », in A+U, n° 526, Juillet 2014, p. 52

Studio Mumbai, « Ground floor plan », in « Studio Mumbai, Utsav House », in A+U, n° 526, Juillet 2014, p. 53

Studio Mumbai, Utsav House, Satirje, India, 2008 37


Exemples concernant les projets entourÊs de facteurs ambiants. Exemples provenant de magazines, incluant des images de synthèse du projet

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Jean Nouvel, « View toward residences », in « Jean Nouvel, Oasis Eco Resort », in GA Document, n° 127, Mai 2014, p. 91

Jean Nouvel, « Lobby wing section », in « Jean Nouvel, Oasis Eco Resort », in GA Document, n° 127, Mai 2014, pp. 88-89

Jean Nouvel, « Plan : premium residence », in « Jean Nouvel, Oasis Eco Resort », in GA Document, n° 127, Mai 2014, p. 92

Jean Nouvel, Oasis Eco Resort, Maroc, 2014 39


Johnston Marklee, « South Elevation », in « Johnston Marklee, Menil Drawing Institute », in GA Document, n° 127, Mai 2014, pp. 144-145

Johnston Marklee, « Ground floor », in « Johnston Marklee, Menil Drawing Institute », in GA Document, n° 127, Mai 2014, p. 146

Johnston Marklee, « North-south sections », in « Johnston Marklee, Menil Drawing Institute », in GA Document, n° 127, Mai 2014, p. 146

Johnston Marklee, Menil Drawing Institute, Houston, Texas, USA, 2011-14 40


Frank O. Gehry, « Northwest view », in « Frank O. Gehry, Wohnhochhaus Am Alexanderplatz », in GA Document, n° 127, Mai 2014, p. 43

Frank O. Gehry, « Residential floor », in « Frank O. Gehry, Wohnhochhaus Am Alexanderplatz », in GA Document, n° 127, Mai 2014, p. 41

Frank O. Gehry, « Section », in « Frank O. Gehry, Wohnhochhaus Am Alexanderplatz », in GA Document, n° 127, Mai 2014, p. 42

Frank O. Gehry, Wohnhochhaus Am Alexanderplatz, Berlin, Germany, 201341


Zaha Hadid, « North elevation », in « Zaha Hadid, City of Dreams Hotel Tower », in GA Document, n° 127, Mai 2014, p. 128

Zaha Hadid, « 10th floor », in « Zaha Hadid, City of Dreams Hotel Tower », in GA Document, n° 127, Mai 2014, p. 129

Zaha Hadid, « North elevation », in « Zaha Hadid, City of Dreams Hotel Tower », in GA Document, n° 127, Mai 2014, p. 132

Zaha Hadid, City of Dreams Hotel Tower, Cotai, Macau, 2013 42


Exemples concernant les projets entourés de facteurs ambiants Exemples provenant de sites internet de bureaux et de sites spécialisés dans l’architecture.

Nous nous focaliserons maintenant uniquement sur des représentations en image de synthèse des projets. Sont présentés quatre projets de quatre bureaux à quatre endroits différents. Les bureaux sont dans l’ordre, Herzog & de Meuron, Jean Nouvel, Morphosis, Zaha Hadid. Les emplacements des images sur la page correspondent à un lieu géographique en particulier, défini ci-dessous. Etats Unis

Asie

Moyen Orient

Europe

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Herzog & de Meuron, « 415_CI_1312_801 », herzogdemeuron. com, http://www.herzogdemeuron.com/index/projects/completeHerzog & de Meuron, « 409_CI_1409_001 works/401-425/415-m-plus/IMAGE.html, consulté le 11 décem», herzogdemeuron.com, http://www.her- bre 2014 zogdemeuron.com/index/projects/completeworks/401-425/409-215-chrystie/IMAGE. html, consulté le 11 décembre 2014

Herzog & de Meuron, « 426_CI_Ruppin View », herzogdemeuron.com, http://www.herzogdemeuron.com/index/projects/complete-works/426-450/426-national-library-of-israel/IMAGE. html, consulté le 11 décembre 2014

Herzog & de Meuron, « 404_CI_131210_101_ PRI », herzogdemeuron.com, http://www.herzogdemeuron.com/index/projects/completeworks/401-425/404-one-wood-wharf/IMAGE. html, consulté le 11 décembre 2014

Herzog & de Meuron 44


Ateliers Jean Nouvel, « Tour de Verre », jeannouvel. com, http://www.jeannouvel.com/ fr/desktop/home/#/ fr/desktop/projet/new-york-tour-de-verre, consulté le 10 décembre 2014

Ateliers Jean Nouvel, « Etablissement universitaire », jeannouvel.com, http://www.jean nouvel.com/fr/desktop/home/#/fr/desktop/projet/shinjuku-ku-japan-university1, consulté le 10 décembre 2014

Ateliers Jean Nouvel, « W Hotel », jeannouvel.com, Ateliers Jean Nouvel, « Tour duo », jeannouvel.com, http://www.jeannouvel.com/fr/desktop /home/#/fr/desk- http://www.jeannouvel.com/fr/desktop/ home/#/fr/ top/projet/dubai-united-arab-emirates-w-hotel1, consul- desktop/projet/tour-duo, consulté le 10 décembre 2014 té le 10 décembre 2014

Jean Nouvel 45


Morphosis Team, « Seoul Performing Arts Center Morphosis Team, « Taubman Complex - Exterior Ren- Rendering », morphopedia.com, http://morphopedia. dering 01 », morphopedia.com, http://morphopedia.com/ com/view/seoul-performing-arts-center-rendering-1, view/taubman-complex-exterior-rendering-01, consulté consulté le 11 décembre 2014 le 11 décembre 2014

Morphosis Team, « King Abdullah Petroleum Studies and Research Center - Rendering », morphopedia. com, http://morphopedia.com/view/king-abdullahpetroleum-studies-and-re-2, consulté le 11 décembre 2014

Morphosis Team, « New U.S. Embassy in London - Rendering », morphopedia.com, http://morphopedia.com/ view/new-u-s-embassy-in-london-rendering-5, consulté le 11 décembre 2014

Morphosis 46


HADID, Zaha, « sans titre », zaha-hadid.com, http:// HADID, Zaha, « sans titre », zaha-hadid.com, http:// www.zaha-hadid.com/wp-content/files_mf/nightfull_ www.zaha-hadid.com/wp-content/files_mf/zha_japannalr.jpg, consulté le 11 décembre 2014 tionalstadium01.jpg, consulté le 11 décembre 2014

HADID, Zaha, « sans titre », zaha-hadid.com, http:// HADID, Zaha, « sans titre », zaha-hadid.com, http:// www.zaha-hadid.com/wp-content/files_mf/cbi_ext07_ www.zaha-hadid.com/wp-content/files_mf/1517_ pedestriannight.jpg, consulté le 11 décembre 2014 newb_rend_05.jpg, consulté le 11 décembre 2014

Zaha Hadid 47


Exemples concernant les projets d’architecture liés à des facteurs ambiants

Ces projets sont liés à certains facteurs ambiants, comme par exemple le bruit de la cascade dans la Maison sur la Cascade de Frank Lloyd Wright, ou peuvent aussi être à l’origine de facteurs ambiants, comme l’humidité dans les Thermes de Vals de Peter Zumthor. Un commentaire en bas de page tente de mettre à la lumière des facteurs ambiants potentiellement présents dans les projets.

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QUIRAM, Antje, « St. Niklaus von Flüe Chapel », in JODIDIO, Philip, Architecture Now! 6, Cologne, Taschen, 2009, p. 561

QUIRAM, Antje, « St. Niklaus von Flüe Chapel », in JODIDIO, Philip, Architecture Now! 6, Cologne, Taschen, 2009, p. 565

ZUMTHOR, Peter, « Bruder Klaus Chapel section 01 », archdaily.com, http:// a d 0 0 9 c d n b . a r c h d a i l y. n e t / w p - c o n t e n t / uploads/2010/10/1288297988-bruder-klauschapel-section-01.jpg, consulté le 11 décembre 2014

QUIRAM, Antje, « St. Niklaus von Flüe Chapel », in JODIDIO, Philip, Architecture Now! 6, Cologne, Taschen, 2009, p. 564

Facteurs ambiants potentiellement présents : les odeurs présentes dans le projet, les sensations du toucher sur du bois carbonisé, de fraîcheur à l’intérieur de la chapelle, le crépitement des bougies.

Peter Zumthor, St. Niklaus von Flüe Chapel, Mechernich-Wachendorf, Germany, 2003-2007 49


Andrew Meredith, « sans titre », ArchDaily, http://ad009cdnb.archdaily. net/wp-content/uploads/2012/03/1330639797-a4544443.jpeg, consulté le 10 décembre 2014

Andrew Meredith, « sans titre », ArchDaily, http://ad009cdnb.archdaily. net/wp-content/uploads/2012/03/1330639787-a4544400.jpeg, consulté le 10 décembre 2014

ZUMTHOR, Peter, « Plan and elevation », ARCH[BE]LOG, http://uwarchbelog.com/wp-content/uploads/2014/02/MACKEYalden_05feb14_image4.jpg, consulté le 10 décembre 2014

Facteurs ambiants potentiellement présents : les effluves marines, la fraîcheur de la mer, les diverses odeurs ambiantes, l’écume, les sons produits par le vent qui se faufile entre les éléments en bois, qui le font craquer, la sensation d’humidité sur le bois. Peter Zumthor, Steilneset Memorial, Barents Sea in Vardø, Norway, 2011 50


ZUMTHOR, Peter, « Therme Vals plan 01 », archdaily.com, http:// ad009cdnb.archdaily.net/wp-content/uploads/2010/10/1288298107therme-vals-plan-01.jpg, consulté le 10 décembre 2014

ZUMTHOR, Peter, « One of the indoor pools », archdaily.com, http:// ad009cdnb.archdaily. net/wp-content/uploads/2009/02/1106348761_ inside.jpg, consulté le 10 décembre 2014

ZUMTHOR, Peter, « Outdoor pool », archdaily.com, http://ad009cdnb.archdaily.net/wp-content/uploads/2009/02/801169555_ outdoor-pool1.jpg, consulté le 10 décembre 2014

Facteurs ambiants potentiellement présents : le contraste entre la chaleur des bassins et la fraîcheur de l’air extérieur, les sons produits par les bassins et leur jets d’eau, la propagation des sons à l’intérieur du bâtiment, les odeurs liés à l’eau, à l’environnement, à un espace troglodyte, l’humidité présente, les parois rugueuses, lisses. Peter Zumthor, Therme de Vals, Graubunden Canton, Switzerland, 1996 51


LITTLE, Christopher, « Frank Lloyd Wright, « Fallingwater », Villa pour Edgar J. Kaufmann à Bear Run, Pennsylvanie, 1935-1939 », in GOSSEL, Peter, LEUTHAUSER, Gabriele, L’architecture du XXè siècle, Cologne, Benedikt Taschen, 1991, p. 194

WRIGHT, Frank Lloyd, « Second Floor Plan », fallingwater. org, http://www.fallingwater.org/assets/second%20floor.pdf, consulté le 26 décembre 2014

Facteurs ambiants potentiellement présents : le bruit orchestré par la cascade et la rivière, les senteurs émanents des bois, la fraîcheur dégagée par la rivière, les sensations du toucher sur les pierres utilisées à l’intérieur la maison. Frank Lloyd Wright, Fallingwater, Bear Run, Pennsylvanie, 1935-1939 52


RAKENNUSTAITEEN, Welin / Suomen, « Montée d’escalier principale », in GOSSEL, Peter, LEUTHAUSER, Gabriele, L’architecture du XXème siècle, Cologne, Benedikt Taschen, 1991, p. 186

RAKENNUSTAITEEN, Welin / Suomen, « Vue de l’ouest », in GOSSEL, Peter, LEUTHAUSER, Gabriele, L’architecture du XXème siècle, Cologne, Benedikt Taschen, 1991, p. 187

AALTO, Alvar, « Plan », in GOSSEL, Peter, LEUTHAUSER, Gabriele, L’architecture du XXème siècle, Cologne, Benedikt Taschen, 1991, p. 186

De nombreux éléments kinesthésiques, tactiles sont présents dans le projet. Les manières de peindre les chambres des patients avec les couleurs foncées au plafond et les murs clair, les lumières dirigées vers le plafond, les sensations des mains courantes, cela dans le but d’ameliorer le bien être de la personne, d’adapter l’environnement aux besoins des patients.

Alvar Aalto, Sanatorium pour tuberculeux Paimio, Paimio, Finlande, 1928-1933 53


MCGRATH, Norman, « House evokes numerous images, from 18th-Century manor houses to 1920s « Wall Street Pastoral. » », in « Extra sensory perceptions », in Progressive Architecture, Avril 1978, p. 83

MOORE, Charles, OLIVER, Richard B., « Longitudinal Section », in « Extra sensory perceptions », in Progressive Architecture, Avril 1978, p. 82 MOORE, Charles, OLIVER, Richard B., « First Floor », in « Extra sensory perceptions », in Progressive Architecture, Avril 1978, p. 82

Maison construite pour un client aveugle. Facteurs ambiants potentiellement présents : les différentes textures au sol permettant de se localiser dans la maison, les textures des murs, les sons de la fontaine, les odeurs procurées par les arbres fruitiers, les circuits de l’air dans la maison.

Charles Moore and Richard B. Olvier, House near New York, Etats-Unis 54


MORK, Adam, ESKEROD, Torben, « Therme Bad Aibling », v1.world-architects.com, http://v1.world-architects.com/en/projects/18506_therme_bad_aibling/all/indexAZ, consulté le 29 décembre 2014

Behnisch Architekten, « Therme Bad Aibling, Sectioal Drawing, Floor Plan », v1.world-architects.com, http://v1.world-architects. com/en/projects/18506_therme_bad_aibling/all/indexAZ, consulté le 29 décembre 2014

Facteurs ambiants potentiellement présents : les sons à l’intérieur des coupoles, les bruits de l’eau, l’humidité ambiante et sur les murs, les espaces chauds et frais, les températures des bassins, la circulation de l’air, les odeurs liées à l’eau.

Behnisch Architekten, Therme Bad Aibling, Bad Aibling, Germany, 2007 55


Conclusion Nous pouvons, à la suite de ces exemples, affirmer le fait que certains facteurs ambiants ne sont effectivement pas représentés dans les images de projets. Nous pouvons constater que quelle que soit la provenance de l’exemple, le lieu du projet, le bureau, les représentations n’apportent pas vraiment de différences les unes par rapport aux autres, alors que beaucoup de choses diffèrent d’un projet à l’autre. Le projet peut être situé dans un pays au climat majoritairement chaud, froid, être au bord de la mer ou dans les montagnes, cela n’est pas représenté. On remarque donc une certaine uniformité des langages, et par conséquent une certaine pauvreté des différences environnementales, climatiques par exemple. Cela y compris dans les projets proposant des relations fortes avec certains facteurs ambiants - Maison sur la Cascade - ou étant à la base même de la création de facteurs ambiants - Thermes de Vals -, dans lesquels les facteurs ambiants ont des effets sur l’architecture et inversément. Nous pourrions résumer cela avec l’exemple ci-dessous, qui n’évoque pas de différence entre les deux projets alors qu’un grand nombre d’éléments les différencie.

Illustration personnelle représentant deux plans, un en Islande, l’autre au Bénin, et dont rien ne nous renseigne sur l’environnement du projet, les sons, les odeurs, la chaleur/fraîcheur et les mouvements d’air présents dans le projet.

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Rappelons une chose importante concernant le cadre de notre travail. Nous nous concentrons ici sur des représentations concernant la communication des projets dans les magazines et sites internets. Ce sont donc des représentations relativement courante et facilement trouvable. Nous remarquerons, dans le troisième chapitre, que même si certains architectes se sont intéressés aux facteurs ambiants et les ont représentés dans différentes phases du projet, ceux-ci disparaissent dans la représentation finale du projet. Tout cela nous amène à notre question de recherche, à savoir : Est-il possible de représenter les facteurs ambiants d’un projet architectural dans sa représentation, malgré la prédominance de l’aspect visuel ? Cependant, avant de tenter de répondre à cette question, il nous paraît important de se re-concentrer sur les termes principaux de notre question, à savoir les facteurs ambiants et la représentation d’un projet architectural. Ainsi, nous nous pencherons sur la notion d’ambiance, et l’enjeu de cette notion au sein de la discipline architecturale. Nous tenterons ensuite d’identifier pourquoi notre représentation actuelle de l’architecture ne prend pas en compte les facteurs ambiants, cela afin de potentiellement trouver des éléments de réponse à notre problématique. Nous verrons aussi certaines conséquences de cette non représentations des facteurs ambiants, pour finalement montrer pourquoi il est intéressant de trouver un moyen de représenter les facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux.

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B - Ambiance Il nous parait important de nous intéresser à la notion d’ambiance, étant donné que nous traitons des facteurs ambiants. Le fait d’aborder cette notion nous permettra d’expliquer les raisons pour lesquelles nous nous focalisons sur certains facteurs dans notre travail et non sur tous les facteurs ambiants. Car en effet, l’ambiance n’englobe pas que les sens mais également d’autres éléments tels que la culture, les sentiments et l’humeur. Nous commencerons par évoquer certaines définitions de l’ambiance, en finissant par une définition sous forme de schéma qui essaiera de clarifier la notion, sans pour autant être exhaustive, puis nous continuerons en montrant l’importance de cette notion dans le domaine architectural, et en particulier avec ce qui nous intéresse : les sens. 1 - L’ambiance, définition « [...] l'ambiance est une notion englobante et floue qui échappe par principe à tout effort de définition analytique. »91 En effet, définir la notion d’ambiance est une chose difficile, alors que, paradoxalement, lorsque l’on parle d’ambiance, tout le monde sait de quoi on parle. Les gens comprennent très bien quand on parle de bonne ambiance, de mauvaise ambiance, ou d’ambiance festive par exemple.92. Voici quelques-unes de ces définitions, dont certains éléments pourront être dégagés afin de mieux cerner cette notion. Tout d’abord, nous pouvons dire que la notion d'ambiance est très facilement associable à la notion des sens. Marc Crunelle définit l'ambiance comme suit : « C'est la prise en compte de l'espace architectural au moyen des différentes modalités sensorielles dans le but de rendre plus riche fonctionnellement, émotionnellement et psychologiquement notre vécu spatial. »93 Nous retrouvons cela aussi dans le livre « La notion d'ambiance, une mutation de la pensée urbaine et de la pratique architecturale », dans lequel très rapidement est dégagée une caractéristique qui nous intéresse tout particulièrement : « La notion d'ambiance engage un rapport sensible au monde - que l'on privilégie un canal sensoriel particulier ou non. »94 Nous pouvons aussi voir que la notion d’ambiance n’est pas uniquement liée aux sens, mais aussi à de nombreux autres facteurs. Jean-François Augoyard, co-fondateur et directeur du laboratoire « Ambiances architecturales et urbaines » définit la notion d’ambiance comme suit : « Appliquée à l'espace construit, la notion d'ambiance peut faire l'objet d'une définition formelle plus précise, que je propose d'exprimer en ces termes. Un ensemble de phénomènes localisés peut exister comme ambiance lorsqu'il répond à quatre conditions : 1. Les signaux physiques de la situation son repérables et décomposables; 2. ces signaux interagissent avec : 91

DEGY, Marie, « LA NOTION D’AMBIANCE : savoirs techniques, champs d'application et logiques de projet », in AMPHOUX, Pascal (dir.), La notion d'ambiance, une mutation de la pensée urbaine et de la pratique architecturale, Paris, éd. Plan Urbanisme Construction Architecture, 1998, p.54 92 DROZD, Céline, Représentations langagières et iconographiques des ambiances architecturales : de l’intention d’ambiance à la perception sensible des usagers, Thèse de Doctorat, Ecole Centrale de Nantes, 2011, p. 3 93 Communication personnelle. 94 AMPHOUX, Pascal, « Ouverture. Hypothèses - intersensorialité et transdisciplinarité », in AMPHOUX, Pascal (dir.), La notion d'ambiance, une mutation de la pensée urbaine et de la pratique architecturale, Paris, éd. Plan Urbanisme Construction Architecture, 1998, p. 15

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- la perception, les émotions et l'action des sujets, - les représentations sociales et culturelles; 3. ces phénomènes composent une organisation spatiale construite (construction architectonique et/ou construction perceptive); 4. le complexe [signaux/percepts/représentations] est exprimable (possibilité d'accéder à la représentation experte et/ou usagère). »95 L’ambiance serait donc une « notion englobante », qui prendrait en compte un grand nombre d’éléments divers, qui sont tous reliés, interagissent les uns avec les autres, et qui, dans cette forme complète, créent une ambiance. En effet, de nombreux facteurs différents conduisent à la création d’une ambiance. Nous pouvons citer par exemple la lumière, la culture, les odeurs, les sons, les émotions, le chaud et les souvenirs. Intéressons nous à ce que dit ici Jean-Yves Petiteau, sociologue français : « « L'ambiance préside à l'avènement du lieu ». Pour S. Ostrowetsky, l'ambiance n'est pas le symptôme d'une perte d'identité ou de quelque chose qui efface les différences : elle désigne le moment privilégié qui donne à sentir, en commun, le lieu. »96 Cette citation est importante puisqu’elle met en jeu le mot « différence ». Suite à cela, nous pouvons ajouter deux choses. En effet, « l'ambiance n'est pas le symptôme d'une perte d'identité ou de quelque chose qui efface les différences », dans le sens où elle permet à plusieurs personnes de ressentir un lieu en même temps. Mais à cela nous pouvons ajouter que l'expérience qu'ont les individus ensemble, à un endroit précis, à un même moment, peut aussi être différente d'un individu à l'autre, puisque l'ambiance résulte aussi, comme le disait JeanFrançois Augoyard plus haut, d'une culture, d'une société et d'émotions. De plus, « l'ambiance n'est pas [...] quelque chose qui efface les différences » mais l'ambiance est différence. En effet, l'ambiance, puisqu'elle résulte de nombreux facteurs différents interconnectés, est nécessairement multiple, contextuelle, différente de l'une à l'autre. Cela met donc en avant le caractère « riche » de la notion d’ambiance. Nous présentons ici une vision de la notion d’ambiance - une parmi beaucoup d’autres -, reprenant certaines données que nous avons vue précédemment et la présentant sous forme d’un schéma.

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AUGOYARD, Jean-François, « Vers une esthétique des ambiances », loc. cit., p.20 PETITEAU, Jean-Yves, « Ambiances, esthétique et art contemporain », in AMPHOUX, Pascal (dir.), La notion d'ambiance, une mutation de la pensée urbaine et de la pratique architecturale, Paris, éd. Plan Urbanisme Construction Architecture, 1998, p. 49 97 Illustration personnelle représentant une vision de la notion d’ambiance, de manière graphique. 96

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Concernant la suite de ce travail, nous nous concentrerons sur certains facteurs en particulier, c’est-à-dire ceux ne faisant pas entrer en jeu des caractéristiques personnelles. Nous ne prendrons pas ces autres facteurs en compte à cause du problème de subjectivité, et de liens trop étroit avec la personne elle même - comme le sont les émotions -. Ceux que nous prendrons en compte, rappelons les, seront les odeurs, le chaud, le froid, les sons, l’humidité et les mouvements d’airs. Nous nous concentrerons donc sur ces aspects et sur leurs représentations au travers des images d’architecture. 2 - Ambiance et architecture Tout d’abord, nous pouvons dire que les études sur les ambiances sont intéressantes dans le sens ou elles replacent l'homme au centre de l'expérience architecturale. De plus, les « outils de simulation » concernant ces ambiances pourraient être « porteurs de transformations », comme le suggère Olivier Piron98, secrétaire permanent du Plan Urbanisme Construction Architecture. En effet, ces nouvelles caractéristiques, ces nouveaux facteurs qu'il faut prendre en compte amèneront nécessairement à une transformation, une évolution de notre architecture. De nouveaux métiers peuvent aussi faire leur apparition. Jean-Paul Thibaud, sociologue et docteur en urbanisme et aménagement met en lumière ce que ces études sur la notion d'ambiance induisent dans le domaine de la construction. « La notion d'ambiance est en train de se développer dans le milieu de la recherche architecturale et urbaine. L'émergence de cette nouvelle thématique manifeste l'intérêt croissant accordé au domaine des sens pour penser et produire l'environnement construit. L'espace sensible devient actuellement un véritable enjeu de conception et donne matière à de nouvelles pratiques professionnelles (éclairagisme, scénographie urbaine, design sonore, paysagisme, etc.) »99 Par ailleurs, cela laisse penser que l'étude sur les ambiances permettrait d'à la fois inclure les sens au moment où l'on « pense, conçoit » les espaces, l'architecture, mais aussi au moment où on les « produit », et où on finit par les vivre. Il y aurait donc une prise en compte des sens dès la base de la conception du projet d'architecture, mais aussi une continuité avec la production de l'espace qui serait donc créée en fonction des diverses prises en comptes des sens. Il est aussi intéressant de voir que, comme Jean-Paul Thibaud le stipule, l'étude sur les ambiances amène vers une conception d'espaces sensibles qui amène elle-même beaucoup de « nouvelles pratiques professionnelles », de nouvelles spécialisations. De manière générale, lorsque l'on étudie les ambiances, on étudie tous les sens, puisque l'ambiance découle, entre autres, des sens. C'est donc un apport intéressant dans le domaine architectural puisque cela remet les autres sens en avant. En effet, comme le dit Jean-François Augoyard, « [...] la recherche sur les ambiances architecturales rencontre une collection de signaux et de sensata égaux en droit. S'interroger sur la nature d'une forme non visible, suivre la logique de l'audition ou de l'olfaction pour décrire un territoire habité, se demander 98

PIRON, Olivier, « Présentation », in AMPHOUX, Pascal (dir.), La notion d'ambiance, une mutation de la pensée urbaine et de la pratique architecturale, Paris, éd. Plan Urbanisme Construction Architecture, 1998, p. 7 99 THIBAUD, Jean-Paul, « Configurations sensibles en mouvement et conception des ambiances », in AMPHOUX, Pascal (dir.), La notion d'ambiance, une mutation de la pensée urbaine et de la pratique architecturale, Paris, éd. Plan Urbanisme Construction Architecture, 1998, p. 31

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à quoi ressemble une composition paysagère thermique, olfactive ou aérodynamique : rien de plus scientifiquement légitime. »100 Etant dans une période dans laquelle l'image et la vue occupent une place privilégiée, autant dans la vie de tous les jours qu'en architecture, l'étude sur les ambiances permet de mettre en avant les autres sens, de leur redonner de l'importance, de voir leurs relations avec l’architecture, et surtout de replacer l’homme et ses sensations au centre de l’architecture. Maintenant que nous avons vu ce dont il est question lorsque l’on parle d’ambiance, nous allons poursuivre en essayant d’identifier certaines sources desquelles pourraient provenir cette non prise en compte des facteurs ambiants dans la représentation architecturale. C - Causes de la non représentation des facteurs ambiants Nous pouvons tenter de définir les sources de cette non représentation des facteurs ambiants, afin de peut-être trouver des éléments de réponses à notre question de recherche. Tout d’abord, revenons sur les images de manière générale, en montrant leur caractère particulier. Nous avons précédemment évoqué le terme d’objet symbolique lorsque nous parlions de l’image dans la société dans le premier chapitre. Le terme de symbole est en effet très important, « Une image, quel que soit son format ou son support, n’est jamais purement matérielle, car elle propose un double, un miroir, une représentation »101, en ce sens, une image est toujours un symbole102. Les images sont donc des représentations, elles ne font que représenter une réalité sans pouvoir être cette réalité, sans avoir les caractéristiques de la réalité. Les images, malgré leur caractère très explicite, pouvant être très proches de la réalité, peuvent être très trompeuses. Les images faisant office de trompe l’œil, par exemple comme celles de l’artiste Arthur Cause représentées ci-dessous, sont très nombreuses et illustrent bien ceci.

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AUGOYARD, Jean-François, « Vers une esthétique des ambiances », loc. cit., p.21 THIBAULT-LAULAN, Anne-Marie, L’image dans la société contemporaine, op. cit., p. 16 102 Ibidem 103 Anamorphose par CAUSSE, Arthur, dans les couloirs de l'hôpital Salvator à Marseille, fr.wikipedia.org/, http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Anamorphose_peinte_dans_le_couloir_des_chambres_de_l'h%C3%B4 pital_Salvator_%C3%A0_Marseille.JPG 104 Anamorphose par CAUSSE, Arthur, dans les couloirs de l'hôpital Salvator à Marseille, fr.wikipedia.org/, http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Anamorphose_peinte_dans_le_couloir_des_chambres_de_l'h%C3%B4 pital_Salvator_%C3%A0_Marseille_3.jpg 101

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Certains auteurs et artistes se sont intéressés à la représentation des images. René Magritte, dans son texte « Les Mots et les Images » en fait part au lecteur. « Dans son texte illustré, « Les Mots et les Images », publié dans le douzième et ultime numéro de La Révolution surréaliste en 1929, Magritte propose dix-huit aphorismes, série de considérations sur les différentes relations que peuvent entretenir un mot et une image. Il y met en évidence le lien arbitraire qui existe entre une image et sa dénomination - Ceci n’est pas une pipe - , entre le réel et sa représentation, et sa méfiance face au rôle communicationnel attribué au langage. »105 De plus, le tableau de René Magritte « La Trahison des images », dans lequel il dessine une pipe et sur lequel il ajoute la phrase « Ceci n’est pas une pipe » illustre bien ceci. En effet, la pipe du tableau n’est en rien une pipe, c’est une image de pipe. « Et en effet, « ceci n’est pas une pipe » mais sa représentation tantôt picturale, tantôt scripturale. Et Magritte de relever, « Qui pourrait fumer la pipe de mon tableau ? Personne. »106

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L’image a donc un caractère assez ambigu. Elle ne propose qu’une représentation de la réalité, ne parvenant jamais à devenir cette réalité, mais étant pourtant dans le cas de l’architecture, le moyen essentiel de représentation pour quelque chose qui est ou sera construit, et qui est donc la réalité. Nous pouvons donc affirmer que la base même de la représentation, étant les images, pose d’office certaines questions. Malgré le fait que la représentation de l’architecture soit à base d’images, et donc principalement visuelle, elle pourrait tout de même inclure ces facteurs ambiants. Nous allons essayer ici de comprendre d’où vient le fait que ces représentations ne les incluent pas. D’un point de vue purement lié à la représentation, un premier élément est mis ici en lumière par Roland Recht, la question de l’échelle, « La première règle de transposition propre au dessin d’architecte, mais pas à tous les types de dessin ni à toutes les formes de création plastique, c’est là règle de réduction. Réduction à la fois d’échelle et de propriétés. »108 105

WASEIGE, Julie, Le Musée Magritte, Bruxelles, Anvers, Ludion, 2014, p. 41 Ibidem 107 MAGRITTE, René, « La trahison des images », 1928-29, huile sur toile, Los Angeles county Museum of Art, Los Angeles, http://www.vulgart.be/wp-content/uploads/2010/11/Magritte-La-trahison-de-image.jpg, consulté le 30 décembre 2014 108 RECHT, Roland, Le dessin d’architecture, Origines et fonctions, op. cit., p. 132 106

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Ce qu’y est dit ici nous intéresse tout particulièrement. En effet, lorsque l’architecte va représenter l’architecture, il ne va pas la représenter exactement comme elle sera construite, avec ses dimensions réelles. Il va effectuer une mise à l’échelle et réduire les dessins de sorte qu’ils puissent, par exemple, entrer sur la feuille. Est alors effectuée une « réduction d’échelle ». L’échelle humaine y est alors parfois représentée, pour rappeler la taille des choses. Cependant, à partir du moment où l’on parle de réduction, cela joue aussi sur le nombre d’éléments et d’informations que l’on va transmettre. De ce fait, un certain nombre de choses ne sont pas représentées, comme par exemple les facteurs ambiants. Par ailleurs, nous pouvons aussi nous demander si ce n’est pas le fait de vivre dans un climat tempéré et d’avoir des « espaces de vie confortables » 109, comme le dit Marc Crunelle, qui ne nous pousse pas à représenter ces facteurs ambiants. En effet, le fait de vivre dans des « conditions climatiques favorable », sans chaleur ou humidité extrême, sans trop d’odeurs, ne nous fait pas forcément à prendre en compte ces éléments. De ce fait les facteurs ambiants ne sont pas représentés et ne reste alors que le visuel. La question de l’espace, nous intéresse aussi tout particulièrement. Lorsque l’on conçoit un projet d’architecture, nous créons inévitablement des espaces, qu’ils soient intérieurs, extérieurs, entre plusieurs murs. Cependant, comme Geoffrey Scott le dit, « « L’espace est un « néant » - une pure négation de ce qui est solide - et c’est pourquoi nous n’y portons pas attention ». »110. Lorsque l’on dessine des plans d’architecture, ce qui va être dessiné est ce qui est « dur », c’est à dire les murs, les parois, etc. et tout ce qui n’est pas « dur » n’est donc pas représenté. L’espace n’est que la résultante de ce qui serait « entre les murs ». Et, si ces facteurs ambiants font partie de cet espace, alors comme Geoffrey Scott le dit, « nous n’y portons pas attention ». Et comme le dit Marc Crunelle, il n’est évidemment pas facile de représenter quelque chose qui, physiquement, matériellement, est invisible. « Du moment où l’on voudrait aussi rendre l’agréable sensation de fraîcheur lorsqu’on pénètre dans un patio marocain, les tourbillons du vent au pied d’un building, l’écho de nos pas qui résonne sous les voûtes dans une petite église, la représentation visuelle de ces impressions devient alors irréalisable. »111 Ces facteurs ambiants ne sont peut-être pas non plus représentés à cause des problèmes de « subjectivité » qu’ils pourraient engendrer112. En effet, lorsque l’on parle de facteurs ambiants ou d’ambiance, ce sont des choses qui sont en rapport avec nous -comme notre personnalité ou notre culture - et nos sens - ce que nous avons vu dans la partie sur la notion d’ambiance -, et qui peuvent donc être appréciés différemment selon les individus. Par exemple une architecture comportant un certain type de facteur ambiant, comme une odeur particulière - qui rappelons-le a la capacité à remémorer des lointains souvenirs - pourrait davantage toucher une personne qu’une autre. Le ressenti par rapport aux facteurs ambiants peut donc être très personnel. Chacun peut exprimer son sentiment par rapport à une odeur, si elle lui est agréable, désagréable, si elle lui rappelle des bons souvenirs et par conséquent un certain bien être. Mais cela fait alors intervenir une certaine subjectivité qui, dans notre cas, pourrait fausser l’information. De ce fait, pour être exact il faudrait que la représentation inclue des facteurs ambiants, sans que ne soit émis de jugement de valeur ou d’importance.

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CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., p. 143 SCOTT, Geoffrey, in ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l'architecture, op. cit., p. 134 111 CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., p. 140 112 FERRIER, Jacques, La Possibilité d'une ville. Les cinq sens et l'architecture, Paris, arléa, 2013, p.77 110

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C’est pour cela que nous nous intéresserons ici à ce que nos sens nous rapportent et qui est potentiellement partagé par tout le monde, mais qui ne touche pas l’affect de la personne. Par ailleurs, nous ne devons pas oublier le rôle du maître de l’ouvrage, dans le sens où c’est lui qui dicte ses envies et ce vers quoi le projet va donc s’orienter. Cependant, nous pouvons nous demander si les maîtres de l’ouvrage exprimant leur volonté à l’architecte de la manière suivante : « Je veux une maison dans laquelle j’aurai le soleil de telle à telle heure et le bruit de la pluie dans la salle de bain, et je veux pouvoir voir les étoiles depuis mon lit etc. » sont nombreux ? Voici un caractère de l’image à notre époque : « Les nécessités de l’information, telle qu’elle est actuellement conçue, entraînent à rechercher dans l’image ce qu’elle apporte d’inédit, de « sensationnel », de forcé souvent. »113. L’architecture n’échappe pas à la règle et propose donc des images extraordinaires dans laquelle l’homme et ses sens seraient plus ou moins mis en arrière plan. Parler des sens ramènerait l’architecture à la petite échelle de l’homme et ne permettrait peut-être pas de créer ces images aussi grandioses. Les grandes architectures peuvent être utilisées comme outils de promotions pour des villes, « Les politiques sont fascinés depuis quinze ans par l’effet Bilbao, effet magique plus lié au marketing de la ville qu’à l’impact réel sur la vie de la cité. »114 A nouveau par rapport à l’image, nous allons voir au travers d’un exemple que nous sommes poussés à en faire. Nous l’avons vu dans le premier chapitre, l’image occupe une place très importante dans notre société contemporaine. Revenons rapidement sur l’écrit. Une manière de rendre les éléments ambiants compréhensibles, limpides, serait de les écrire. Les textes qui accompagnent les éléments graphiques des projets peuvent contenir des informations concernant ces facteurs ambiants. Cependant, nous nous trouvons dans une société où l’image, le visuel, est prédominant, ce qui ne pousse pas forcément à donner de l’importance au texte et laisse donc l’image faire tout le « travail » de présentation et de représentation du projet d’architecture.115 Un exemple intéressant d’importance de l’image sont les concours d’architecture. Nous avons eu l’occasion de participer à certains d’entre eux durant nos études, et nous avons pu constater les critères des juges. Voici ce qui était écrit dans la partie sur les critères d’appréciation des juges pour un concours de AWR - Architecture Workshop in Rome : « La proposition sera évaluée sur sa capacité à interpréter la complexité exposée dans le dossier du concours ainsi que l'approche du contexte urbain et culturel particulier de Berlin. Les solutions proposées seront évaluées selon la qualité architecturale, les caractéristiques sociales et architecturales ainsi que la technologie. Les participants sont spécialement invités à soumettre des rendus photoréalistes qui représentent de la meilleure manière l'intégration entre le nouveau projet et le contexte existant. » 116 Nous pouvons donc voir que l’accent est mis sur la création d’images photoréalistes, ces images prennent donc beaucoup de place sur les planches de concours et cela peut amener à la 113

THIBAULT-LAULAN, Anne-Marie, L’image dans la société contemporaine, op. cit., p. 39 FERRIER, Jacques, La Possibilité d'une ville. Les cinq sens et l'architecture, op. cit., p.66 115 Il n’y a qu’à se rendre sur un site internet d’une agence connue, les images sont très forte misent en avant, au détriment d’un texte souvent timide. 116 Traduit de l’original en Anglais, Extrait du pdf « official brief_NATURAL CITY_low », tiré du site internet à l’adresse suivante : http://awrcompetitions.com/competition/24/natural-city, consulté en Mars 2014 114

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création d’images séductrices, qui plaisent à l’oeil, et frapperont directement le jury. Certains projets ne sont peut-être pas correctement appréciés car les jury doivent aller vite et ne peuvent pas trop s’appesantir sur le texte, qui recèlerait peut-être des informations sur les facteurs ambiants, et peuvent peut-être préférer qu’il y ait le moins de texte possible. Nous nous retrouvons donc avec un concours où les architectes sont encouragés à produire des images photoréalistes du projet, au détriment du texte en particulier. Voici donc les différentes raisons - non exhaustives bien sûr - pour lesquelles la non représentation des facteurs ambiants existe et persiste. Nous allons maintenant nous interroger sur les conséquences que peut avoir cette non représentation des facteurs ambiants. D - Conséquences de la non représentation des facteurs ambiants Nous parlerons ici de différentes conséquences liées au fait de ne pas représenter les facteurs ambiants. Tout d’abord, notre appréciation du projet est déformée, puisque non conforme à la réalité. Notre représentation architecturale actuelle ne nous fait pas part de ce que pourraient nous faire ressentir nos sens. De plus, indirectement elle déforme l’expérience que l’on aurait si on parcourrait le projet, elle la rend plus « pauvre », puisque nous l’avons vu, elle ne rend pas compte des différents facteurs ambiants. « Cette situation pernicieuse a pour effet, je l’ai dit, de déformer notre jugement sur l’architecture, et si cette déformation n’est pas très sensible sous nos latitudes et aujourd’hui, notre jugement devient erronée lorsque nous avons affaire sous d’autres cieux ou à d’autres cultures passées ou présentes. »117 De plus, les représentations de projets présents dans des lieux différents minimisent les différences entre les endroits. Or ces différences pourraient être considérées comme source de richesses. Les images sont créées comme si elles présentaient des projets issus tous d’un même contexte, alors que ce n’est pas le cas. Par ailleurs, ce que l’on ne nous montre pas ne veut pas dire que cela n’existe pas, et le fait de ne pas évoquer les facteurs ambiants aurait tendance à nous amener petit à petit à penser qu’ils n’existent pas. « Le fait de ne représenter l’architecture que visuellement, de la dessiner, d’en tracer les plans, coupes et élévations, de ne dessiner que les contours des espaces (le poché des murs) ; de lire difficilement des abaques d’enthalpie, des relevés acoustiques en Db, des diagrammes en LUX,... et surtout d’oublier de penser que l’architecture c’est l’enveloppe ET le milieu de vie, nous a amené à une situation que l’on connaît actuellement et reflétant bien la culture hypervisuelle dans laquelle nous vivons, tournée vers l’image seule. »118 Par ailleurs, cette représentation implique, comme le dit Marc Crunelle, le fait d’être distant par rapport à ce que nous représentons, alors que le propre de l’architecture est d’être « habité » par l’homme. « Pour l’étude de l’architecture, qui dit visuel, dit distant de la chose. On est toujours en dehors, jamais impliqué, ne subissant pas les différences de températures, les effets du vent, les contrastes d’humidité et de sécheresse, les effluves des cuisines, le chahut des piscines, etc... toutes qualités de l’espace nous englobant pourtant complètement dans notre 117 118

CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., p. 141 Ibid., p. 140

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vécu. L’architecture réduite au visuel, « à distance » n’est pas un milieu de vie, c’est seulement une image, une représentation partielle et particulière. »119 Nous allons aussi mettre en lumière un éléments particulier engendré par, d’une part le fait que l’architecture ne soit représentée que visuellement et d’autre part le fait que l’image soit si puissante, si présente, et que les architectes sont amenés à en faire toujours plus. Cela fait écho à ce que nous disions précédemment par rapport à l’image et aux concours d’architecture. La puissance, la démultiplication de l’image, touche complètement le monde de l’architecture en même temps que la société entière. « [...] l’architecture s’est aujourd’hui accordée à la frénésie de le consommation instantanée. Elle est devenue un monstre qui dévore ses propres images pour sans cesse les recycler de façon toujours plus spectaculaire. Elle s’égare dans un art de la provocation, s’éloignant toujours plus des attentes de la société. »120 De plus, Jacques Ferrier parle ici de l’expérience de l’architecture par rapport à un certain type d’architecture. « Le star system et l’architecture objet font partie d’un cercle vicieux qui contribue à négliger la valeur d’usage - peu traduisible en terme d’image -, et le contexte - qui résiste à l’effet d’annonce international. Une conséquence plus profonde encore, c’est la mise à l’écart, considérée désormais obsolète, de l’expérience de l’architecture, du rapport des sens avec la ville et les bâtiments, du sentiment du temps qui passe. Ces besoins primaires de chacun sont aujourd’hui tabou. N’en parlons surtout pas : trop subjectif, trop intime, trop irrationnel. L’architecture-objet voudrait à tout prix dissoudre son expérience dans le virtuel de la consommation internautique et exister sur le marché hype de l’art. »121 Cela nous permet d’évoquer la question de la visibilité de certaines « grosses » agences. Ces bureaux, très visibles, peuvent être assimilés à des superstars qui promeuvent un certain type d’architecture. Fortement véhiculés par les magazines d’architecture et autres site internet, les maîtres d’ouvrage peuvent facilement se référer à ces bureaux. Les maîtres d’ouvrages peuvent donc se faire une image particulière de l’architecture, au travers de ce qu’ils voient dans ces médias. Le fait que le maître d’ouvrage occupe une place si importante dans le développement du projet d’architecture montre bien l’intérêt à ce qu’il soit le plus possible ouvert à ce qui peut se faire, et non à un type d’architecture spécifique. Selon Jacques Ferrier il nous faut faire attention aux architectures de formes, qui graphiquement fonctionnent très bien, se vendent très bien, séduisent, mais qui du coup pourraient délaisser le fond au profit d’une plastique captivante. Ce sont ces architectures là qui mettent à profit la force de l’image dans notre société. « Je me méfie de la forme en tant qu'expression égoïste d'une inspiration qui me semble mieux convenir à des artistes, des peintres ou des écrivains. Le travail d'un architecte, qui a vocation à être partagé, ne doit pas s'enfermer dès le départ dans un style prédéfini. Il faut mettre le projet en mouvement et ne pas se laisse fasciner d'emblée par la belle image ou la belle maquette... »122 119

CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., p. 142 FERRIER, Jacques, La Possibilité d'une ville. Les cinq sens et l'architecture, op. cit., p.89 121 Ibid., p.77 122 Ibid., p.16 120

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Or, rappelons ici une phrase de Bruno Zevi, « Qui veut s’initier à l’étude de l’architecture doit comprendre d’abord qu’un plan peut être beau sur le papier, que des façades peuvent sembler étudiées par l’équilibre des pleins et des vides, des creux et des saillies, que le volume externe même peut être très bien proportionné, et que malgré tout, le résultat peut constituer une architecture exécrable. »123 Ce serait donc l’expérience que l’on se fera de cette architecture qui nous dira si oui ou non c’est une bonne ou mauvaise architecture, et non pas le fait qu’elle soit plaisante à l’oeil. Cependant Jacques Ferrier reste assez optimiste pour le futur : « Il est frappant de constater qu’en matière d’idées et de création chaque siècle qui commence marque un profond renouveau. Même si il n’y a aucune explication rationnelle à cela, le changement de millénaire est l’occasion de tourner la page. Vers 1910 est apparue l’idée d’architecture fonctionnelle qui a fini par balayer, après la Première Guerre mondiale, l’héritage décoratif et éclectique du XIXème siècle. Je suis convaincu que l’architecture spectacle, qui domine aujourd’hui la scène médiatique, est une architecture fin-de-siècle, et que tout autre chose est en train de se préparer. »124 E - Pourquoi chercher à représenter les facteurs ambiants ? Revenons rapidement sur la raison pour laquelle nous portons attention aux facteurs ambiants et pourquoi nous nous intéressons à les représenter. Pourquoi devons nous nous y intéresser ? Parce que, comme nous l’avons vu précédemment, l’Homme a une place tout à fait centrale dans l’architecture. L’expérience de l’architecture est un tout qui inclue nos sens et ce qu’ils perçoivent. Si nous les négligeons, alors nous négligeons une partie de l’expérience de l’espace. C’est un discours sur la nécessité de l’architecture, sur la fonction principale de l’architecture. La représentation de l’architecture n’incluant pas les facteurs ambiants a pour conséquence de rendre plus pauvre ce que l’architecture serait sensé nous faire ressentir. Les facteurs ambiants influent sur notre perception, sur notre expérience de l’architecture, la façonnent, pouvant même l’enrichir. « Pourquoi s'intéresser aux autres sens que la vue? Parce que nous appréhendons l'espace de manière complète et non fragmentaire et que les espaces contiennent tous ces éléments, qu'ils nous influencent et qu'ils font partie intégrantes des ambiances. »125 De plus, chercher à représenter les facteurs ambiants pourrait amener vers une prise de conscience qu’ils peuvent être des éléments moteurs dans un projet d’architecture et source d’une architecture dans laquelle l’homme a sa place. Cela permettrait de replacer le projet dans son contexte et ne pas faire comme si tous les projets étaient situés dans un seul et même environnement.

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ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l'architecture, op. cit., p. 19 FERRIER, Jacques, La Possibilité d'une ville. Les cinq sens et l'architecture, op. cit., p.59 125 CRUNELLE, Marc, « Mon approche des ambiances », août-octobre 2013, p. 2 124

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Conclusion Après avoir présenté le paradoxe, certaines causes et conséquences, montré des exemples et expliqué pourquoi il serait intéressant de représenter les facteurs ambiants, nous allons tenter de trouver des éléments de réponses à notre question de recherche : est-il possible de représenter les facteurs ambiants d'un projet architectural dans sa représentation, malgré la prédominance de l'aspect visuel ? Nous pourrons ainsi affirmer ou infirmer notre hypothèse selon laquelle il est possible, tout en gardant l'aspect visuel de la représentation du projet architectural, de représenter les facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux. Pour cela nous évoquerons différentes manières déjà existantes de retranscrire le son, l'odeur ainsi que autre perceptions haptiques - chaud, froid, humidité, vent - de manière visuelle. Enfin nous nous inspirerons de ces représentations afin de proposer un système de représentation des facteurs ambiants à intégrer dans les images des projets architecturaux.

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Illustration personnelle représentant les relations qu’entretiennent architecture, sens et facteurs ambiants.

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III - Eléments pour la représentation des facteurs ambiants et proposition de représentation



III - Eléments pour la représentation des facteurs ambiants et proposition de représentation Nous avons vu que la représentation de l’architecture ne prend pas en compte les facteurs ambiants présents dans les projets. Nous avons aussi vu certaines causes et conséquences de la non représentation des facteurs ambiants et pourquoi il serait intéressant de les représenter. Nous allons maintenant tenter de trouver des éléments nous permettant de représenter les facteurs ambiants. Pour cela nous allons tout d’abord évoquer différentes manières, différents outils qui existent et qui pourraient nous aider à représenter le son, l’odeur, le chaud, le froid, l’humidité et le vent, et ce de manière visuelle. Pour finir, nous nous en inspirerons afin de proposer un système de représentation des facteurs ambiants – ceux auxquels nous nous sommes limités et sur les mêmes supports que nos exemples - dans les projets architecturaux. A - Outils pour la représentation des facteurs ambiants. Nous allons brièvement rappeler le cadre du travail et les raisons de ces choix. Nous pourrions essayer de représenter les facteurs ambiants des projets d’architecture au travers de divers médias proposant plus de « sorties » sensibles, comme la vidéo, qui permet d’entendre et voir à la fois, comparativement à l’image qui est juste visuelle. Cependant, nous ne cherchons pas ici à révolutionner le moyen de transmission du projet d’architecture, mais, au moyen des outils déjà présents, des média suivant lesquels le projet est transmis - images, numérique, papier -, à diversifier les informations transmises en incluant notamment les facteurs ambiants. Par ailleurs, nous l’avons évoqué lors du premier chapitre, nous sommes dans une société qui entretient un rapport très fort avec l’image, et dans laquelle elle est très fortement mise en avant. Nous pouvons donc utiliser cette force à notre avantage en utilisant l’image pour transmettre les facteurs ambiants. Concernant l’écrit, nous en parlerons rapidement au début du chapitre, afin de voir comment nous pourrions l’utiliser, et nous évoquerons aussi les raisons pour lesquelles nous préférons en avoir le moins possible. Nous allons donc nous concentrer à chercher des éléments qui permettraient de représenter les facteurs ambiants au travers des images de projets architecturaux. Nous nous concentrerons sur différents modes de représentations prenant en compte certains facteurs ambiants, les plus facilement représentables et objectifs. Un certain nombre d’autres facteurs ne seront donc pas représentés, les facteurs plus personnels, comme la culture, les émotions, la personnalité ou l’humeur. En effet, comme nous l’avons vu dans le deuxième chapitre, c’est de leur subjectivité et de leur difficulté à les cerner que nous ne tenterons pas de les représenter. Nous essayerons donc d’élaborer une liste - qui ne sera manifestement pas exhaustive - regroupant différentes manières de représenter les facteurs ambiants, représentations qui nous paraissent potentiellement intéressantes. Nous commencerons avec l’écrit, l’utilisation que l’on en fera ainsi que des idées qui touchent plusieurs facteurs ambiants, puis nous verrons des représentations possibles pour chaque facteur ambiant. Nous prendrons différents exemples de diverses sources, et nous pourrons remarquer que ces sources incluent aussi des architectes. En effet, certains architectes ont eu à représenter certains facteurs ambiants. Ces représentations peuvent être liées à la phase de conception du projet, à différentes études concernant le projet - pour le contrôle de la propagation du son par exemple -. Cependant, comme nous l’avons dit auparavant, lorsque le projet est communiqué au public, ces représentations disparaissent au profit des images habituelles d’architecture qui nous sont familières. Ces représentations ne sont donc pas forcément conçues dans le but d’une communication sur les facteurs ambiants.

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1 - Représentation globale et utilisation de l’écrit Il nous parait intéressant de faire une parenthèse par rapport au texte et à la manière dont il pourrait être utilisé. Même si, comme vu précédemment, c’est l’image qui a une très grande force dans notre société et dans la représentation de projets architecturaux, le texte y est tout de même présent. « Pourquoi écrire avec l’architecture ? Parce que les moyens de représentation de l’architecture sont sans limites, bien que les plus traditionnels d’entre eux - plans, coupes, façades, maquettes - sont insuffisants (à rendre l’émotion, la nuance, la durée, le trouble, le son et l’odeur). »127 L’écrit pourrait être utilisé de plusieurs manières. Nous pourrions écrire diverses informations à côté de l’image. Nous pourrions rajouter des éléments graphiques, qui comme l’échelle, donne des indications sur tel ou tel sujet. Nous pourrions indiquer directement sur l’image telle ou telle information. Nous verrons plusieurs de ces exemples au cours des prochaines parties. Cependant, nous partons du principe que l’idéal serait de n’avoir à utiliser que des éléments visuel, inclus dans l’image, et donc d’avoir le moins possible de textes accolés à l’image, ou le moins de légendes possible. Cela permettrait à l’image de conserver le statut qu’elle a aujourd’hui, son mode d’utilisation, sans nécessité plus de place pour une légende par exemple. Un exemple dans le livre de Ola Soderström illustre le fait de représenter des éléments en les annotant directement sur l’image, ici en l’occurrence sur le plan.

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BLONDEL, Pierre, « Pourquoi écrire avec l’architecture ? », pblondel.be, dans rubrique « écrits » http://www.pblondel.be/, consulté le 5 décembre 2014 128 SODERSTROM, Ola, « Analyse critique d’une école à Sénart », in SODERSTROM, Ola, Des images pour agir. Le visuel en urbanisme, Lausanne, Editions Payot Lausanne, 2000, p. 116

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« Ce dessin représente l’analyse d’une école figurant ses problèmes et ses vertus du point de vue de la vie courante. Il est le résultat de ce que Conan appelle une visite critique sur les lieux qui découpe l’espace en question en sites d’interaction. Il sert de support à un dialogue entre experts (architectes ou urbanistes) et clients (maîtres d’ouvrage, locataires, etc.) permettant de confronter des points de vue et des logiques d’usage différents. D’un côté, on forme donc les clients à la compréhension des plans, de l’autre on fait remonter l’expérience que les clients ont de ces espaces pour l’inscrire sur le plan. L’architecte ou l’urbaniste « peuple » ainsi le dessin en y introduisant les usagers de l’espace analysé. La programmation générative crée donc des documents hybrides, verbo-visuels, contenant à la fois une représentation visuelle de l’espace et des informations concernant son usage. »129 Cette manière pourrait être utilisée afin de représenter certaines choses invisibles, en utilisant des annotations sur les images, et pourrait donc être utilisée pour représenter à peu prés tout ce que l’on veut. Cependant cela fait intervenir l’écriture et ne conserve donc pas l’image telle quelle, sans annotations. Nous allons maintenant nous intéresser à un travail effectué par Marc Crunelle et ses étudiants en juillet 1991, dans La Grande rue de Nancy. L’objectif était d’y relever différents éléments sensoriels comme les odeurs, les bruits, la chaleur, l’instrument de mesure étant le corps. Ils ont tout d’abord procédé à un relevé en situation, en arpentant la rue et en notant leurs impressions les yeux bandés. Suite à ça, le travail consistait à rendre communicable ces différentes impressions. Nous allons tout d’abord montrer des représentations incluant plusieurs facteurs ambiants, puis nous montrerons des représentations spécifiques à un facteur ambiant dans les parties qui suivent.

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Nous pouvons remarquer l’utilisation de cercles concentriques pour représenter le bruit, de points pour les odeurs et de traits tourbillonnants fléchés pour l’air.

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SODERSTROM, Ola, Des images pour agir. Le visuel en urbanisme, op. cit., pp. 116-117 communications personnelles, Etudiant : COSTA, Marie, Séminaire interrégional européen, Juillet 1991. Pour plus d’informations : CRUNELLE, Marc, Toucher, audition et odorat en architecture, Jouaville, Editions Scripta, 2001 130

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Nous pouvons constater l’utilisation de demi-cercles, cercles concentriques, grosses et petites flèches, points et rectangles représentants chacun un facteur ambiant. Ces deux représentations utilisent donc des éléments graphiques et des annotations 2 - Représentations du contraste chaud-froid Nous allons nous intéresser à la représentation de deux sensations haptiques : le chaud et le froid. Il nous paraît intéressant de voir comment la couleur pourrait nous être utile concernant la représentation de ce contraste chaud-froid. Johannes Itten, peintre suisse et professeur au Bauhaus, évoque un grand nombre de caractéristiques concernant la couleur dans son livre « Kunst der Farbe », l’ « Art de la couleur » en français. Dans celui-ci il évoque entre autre son cercle chromatique qu’il construit à partir des trois couleurs primaires : jaune, rouge, et bleu.132 « Ainsi est réalisé un cercle de douze couleurs équidistantes, où chaque couleur prend sa place non interchangeable. Les couleurs se suivent selon l’ordre de l’arc-en-ciel et du spectre. »133

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communications personnelles, Etudiant : CHEVALIER, Karen, Séminaire interrégional européen, Juillet 1991. Pour plus d’informations : CRUNELLE, Marc, Toucher, audition et odorat en architecture, op. cit. 132 ITTEN, Johannes, Art de la couleur, Paris, Dessain et Tolra, 1985, p. 34 133 Ibidem

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Par ailleurs il parle aussi de la relation que peut entretenir la couleur avec une impression de température. « Il peut paraître étrange de vouloir tirer une sensation de température du domaine de l’impression optique des couleurs. Des essais ont indiqué que dans deux locaux de travail, dont l’un était peint en bleu-vert et l’autre en rouge-orangé, l’impression de froid ou de chaud différait de trois à quatre degrés. Dans le local bleu-vert les personnes avaient l’impression qu’une température de 15 degrés centigrades était froide, alors qu’elles n’éprouvaient le froid dans le local rouge-orangé qu’à 11-12 degrés centigrades. Cela signifie, scientifiquement examiné, que le bleu-vert amortit la circulation du sang, alors que le rouge-orangé la rend active. »135 Une précision concernant cela nous est apportée par Jacques Aumont, enseignant à l’Ecole nationale supérieur des beaux-arts de Paris : « Mais ces expériences restent isolées, et d’autres n’ont trouvé aucune corrélation mesurable, par exemple, entre chaleur et sensation de chaleur liée à la couleur : percevoir une couleur comme « chaude » n’entraîne aucune élévation de la température du corps. »136 Selon Johannes Itten, la couleur la plus froide est « le bleu-vert ou oxyde de manganèse » et la couleur la plus chaude est le « rouge-orangé ou rouge de Saturne »137. Ces deux couleurs constituent « les deux pôles du contraste chaud-froid »138.

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ITTEN, Johannes, « Cercle chromatique en douze parties issu des couleurs primaires : jaune, rouge, bleu. », in ITTEN, Johannes, Art de la couleur, Paris, Dessain et Tolra, 1985, pp. 34-35 135 ITTEN, Johannes, Art de la couleur, op.cit., p. 64 136 Jacques Aumont, Introduction à la couleur : des discours aux images, Paris, Armand Colin, 1994, pp. 25-26 137 ITTEN, Johannes, Art de la couleur, op.cit., p. 64 138 Ibidem

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139

Prenons ici un exemple de tableau reprenant ces idées de couleurs chaudes et froides, le « Parlement de Londres dans le brouillard » de Claude Monet.

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Johannes Itten exprime très clairement les différentes utilisations des couleurs : « Dans le tableau du « Parlement de Londres dans le brouillard », Monet a utilisé le contraste froid-chaud, orangé, bleu-violet. Les chromatismes et modulations contrastent avec l’orangé : bleu-violet, bleu-vert, jaune-vert, se confondent avec un accord supraterrestre. La dernière lueur du soleil couchant éveille dans le brouillard humide et froid une lumière diffuse pleine de couleurs réfléchies, qui fondent en elles toutes les différences entre clair et obscur. Les tons bleu-violet dominent et expriment la lumière du crépuscrule. »141 139

figure du haut : ITTEN, Johannes, « Contraste froid-chaud dans sa force polaire : rouge-orangé, bleu-vert. », in ITTEN, Johannes, Art de la couleur, Paris, Dessain et Tolra, 1985, pp. 64-65 figure du bas : ITTEN, Johannes, « Renversement des proportions quantitatives du même contraste », in ITTEN, Johannes, Art de la couleur, Paris, Dessain et Tolra, 1985, pp. 64-65 140 MONET, Claude, « Le Parlement de Londres dans le brouillard », in ITTEN, Johannes, Art de la couleur, Paris, Dessain et Tolra, 1985, pp. 74-75 141 ITTEN, Johannes, Art de la couleur, op. cit., p. 74

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Ceci nous intéresse particulièrement puisque nous pourrions faire ressortir une sensation de froid ou de chaud à partir de ce que l’on montre visuellement. Par ailleurs, Johannes Itten évoque d’autres termes concernant les couleurs chaudes et froides qui pourraient nous être utile : « Le caractère de couleurs chaudes et froides peut encore se définir autrement : froid-chaud ombragé-ensoleillé transparent-opaque calmant-excitant fin-épais aéré-terreux lointain-proche léger-lourd humide-sec Ces divers modes de produire un effet montrent les grandes possibilités d’expression du contraste chaud-froid. Il permet des effets très pittoresques et engendre une atmosphère de caractère musical, irréel. »142 Ces différents adjectifs permettant de caractériser un environnement chaud ou froid sont autant d’autres manières que nous pourrions utiliser pour les représenter. Nous allons voir maintenant plusieurs exemples qui nous montrent l’utilisation des couleurs décrites précédemment pour représenter le contraste chaud-froid. Commençons par un exemple contemporain. C’est un exemple familier et simple : les cartes météos. Nous prendrons ici trois exemples de différents endroits géographiques : l’Asie du Sud, l’Europe et le Moyen-Orient.

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142

ITTEN, Johannes, Art de la couleur, op. cit., p. 65 Météo-World, « Carte des températures en Asie du sud, en °C », meteo-world.com, http://www.meteoworld.com/france/temps_asiesud_temperatures.php, consulté le 11 décembre 2014 143

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Nous pouvons remarquer que lorsque la température est basse, les couleurs tendent vers le vert-bleu tandis que lorsqu’elle est haute, les couleurs tendent vers le rouge-orangé. Cela rejoint ce que nous avons vu avec Johannes Itten, et nous permet donc d’indiquer clairement si nous nous situons dans un environnement chaud ou froid. Le bureau d’architecture Philippe Rahm Architectes propose différentes manières de représenter certains facteurs ambiants. Ici nous pouvons trouver un exemple de représentation du contraste chaud-froid qui utilise la couleur, de la manière dont nous en avons parlé jusqu’à présent.

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Météo-World, « Carte des températures en europe, en °C », meteo-world.com, http://www.meteoworld.com/france/temps_europe_temperatures.php, consulté le 11 décembre 2014 145 Météo-World, « Carte des températures au Moyen Orient, en °C », meteo-world.com, http://www.meteoworld.com/france/temps_mo_temperatures.php, consulté le 11 décembre 2014

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Un article du magazine « L’Architecture d’Aujourd’hui » de 1973 propose plusieurs illustrations concernant des représentations d’architecture dans des pays chaud. Nous pouvons y remarquer certaines manières de représenter des facteurs ambiants, ici le contraste chaudfroid.

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Dans cette image est représentée une coupe du bâtiment, et uniquement une différenciation de niveau de gris entre certains endroits. Cela peut nous indiquer si l’on a à faire à des espaces

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Philippe Rahm architectes, « Open Climate. Programmatic pavilion for the School of Fine Arts of Nantes, France », philipperahm.com, http://www.philipperahm.com/data/projects/nantes/index.html, consulté le 21 décembre 2014 147 ABDULAK, Samir, PINON, Pierre, « [...] ksars marocains [...] », in « Maisons en pays islamiques. Modèles d’architecture climatique », in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°166, Mars/Avril 1973, p. 7

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frais ou des espaces exposés au soleil et par conséquent chaud. Nous pouvons remarquer le fait qu’ils n’utilisent pas la couleur. Nous en avons parlé plus tôt, des étudiants ont tenté de représenter des facteurs ambiants lors d’un séminaire. Nous pouvons voir ici les représentations concernant la chaleur.

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communications personnelles, Etudiants : GOBERT, Christian, MAES, Marc, Séminaire interrégional européen, Juillet 1991. Pour plus d’informations : CRUNELLE, Marc, Toucher, audition et odorat en architecture, op. cit. 149 communications personnelles, Etudiant : SOMERS, B., Séminaire interrégional européen, Juillet 1991. Pour plus d’informations : CRUNELLE, Marc, Toucher, audition et odorat en architecture, op. cit. 150 communications personnelles, Etudiant : GRISSE, Josy, Séminaire interrégional européen, Juillet 1991. Pour plus d’informations : CRUNELLE, Marc, Toucher, audition et odorat en architecture, op. cit.

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Ces représentations n’utilisent pas la couleur mais uniquement des éléments graphiques servant à montrer la chaleur qui émane du sol ou qui se dégage d’une rue. Ces représentations peuvent nous rappeler les ondulations que provoque une forte chaleur sur le sol, et qui trouble ce que nous voyons. Tout ces différents éléments constituent une base intéressante sur laquelle se reposer pour représenter ce que l’on appellerait un environnement chaud ou un environnement froid. Nous verrons comment nous pourrons utiliser cela dans la seconde partie de ce chapitre. Cependant, l’utilisation de la couleur implique un problème. En effet, représenter le chaud ou le froid au travers de couleurs ne nous permet pas de représenter l’image en noir et blanc. La représentation par la couleur constitue donc une limite. 3 - Représentations des odeurs Rappelons ici ce que dit Marc Crunelle concernant les odeurs, « [...] nous pouvons dire [des odeurs] [...] qu’elles nous impliquent, nous enveloppent et que nous ne pouvons être « distants » d’elles. [...] »151. Cette caractéristique des odeurs peut nous aider à trouver des moyens de la représenter. En effet, une odeur est partout présente, même si l’on change notre tête de direction elle sera toujours là et nous la sentirons. De ce fait, si nous avons à les représenter nous pourrions tenter de les représenter de la même manière qu’elles sont par rapport à nous, à savoir partout sur l’image. Par ailleurs, comme certaines images multiplient les effets de lumière, pourquoi ne pas faire pareil avec les odeurs ? Nous pourrions par exemple inonder les images avec les phénomènes olfactifs là où ils seraient très présents. Prenons l’exemple des tanneries de Fès au Maroc, l’odeur y étant très forte nous pourrions la représenter en jouant sur l’intensité. Plus l’intensité est marquée, plus l’odeur est forte et prononcée.

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CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, op. cit., p. 51 JAMMAL, Nassim, « Les tanneries de Fès », rendala.com, http://www.rendala.com/maroc/maroc-lestanneries-de-fes/, consulté le 14 décembre 2014 152

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Nous allons maintenant nous intéresser à une série de représentations d’odeurs, conçues par Kate McLean, designer, photographe et professeur à l’école d’art et de design à l’université Suffolk. Celle-ci a mis au point certaines manières de représenter les odeurs dans plusieurs villes. Nous allons nous intéresser au travail concernant la ville d’Amsterdam. Toutes les informations qui suivent - images et citations - proviennent de la vidéo « Smellmap : Amsterdam », disponible sur le site internet « http://sensorymaps.com/ »153. Lors de la lecture de la vidéo « Smellmap : Amsterdam », nous pouvons y voir certaines images représentant les odeurs précédées de textes les expliquant. Ces informations apparaissent en anglais mais seront ici traduites en français. Cette représentation se divise en quatre parties distinctes, que nous nommerons ici phases.

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MCLEAN, Kate & Olfactive Design Studio, IFF Hilversum, vidéo « Smellmap : Amsterdam », sensorymaps.com, http://sensorymaps.com/portfolio/smellmap-amsterdam/, Consulté le 13 décembre 2014

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Phase 1 :

« Sources des odeurs : des points apparaissent. Ils représentent les sources des odeurs et sont indicatif, pas absolu. Les sources d’odeurs urbaines sont modifiées, émergent et disparaissent dans de multiples délais. » Phase 2 :

« Portées des odeurs : des cercles concentriques émanent depuis la source de l’odeur et indiquent leur portées. Ceci est basé sur une combinaison entre l’intensité de l’odeur perçue et la taille physique de sa source. »

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Phase 3 :

« Mouvements des odeurs : les portées des odeurs dérivent avec le vent formant des contours déformés. Le mouvement est basé sur les vents nord et sud-ouest rencontrés au cours des 4 jours de « smellwalks ». » Phase 4 :

« L’évaporation des odeurs : la volatilité est le Don Quichotte, la troisième dimension de l’odorat. Notre expérience du paysage odorant urbain est temporelle. Mais comme les odeurs se dissipent, s’évaporent, se diffusent et disparaissent nous conservons une mémoire... »

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Nous pouvons remarquer que les représentations des odeurs prennent ici en compte les couleurs, qui permettent de différencier les différentes senteurs, tout en leur attribuant une zone d’effet. Cela diffère de ce dont nous avons parlé juste avant concernant le fait que les odeurs ont un effet entourant et qu’elles sont présentent partout autour de nous. Ceci peut être dû au fait que l’échelle étudiée est très grande, et que la zone de l’odeur couvre certainement plusieurs dizaines de mètres carrés. Rappelons que concernant notre travail, nous ne prenons pas en compte plusieurs types d’odeurs, mais chercherons un moyen de rendre intelligible le fait que des odeurs sont présentes dans le projet ou l’environnement du projet. Dans les prochaines illustrations que nous allons voir, Anežka Ciglerová a cherché à « représenter les odeurs, leur structure et leur location ». Chaque icône « représente une odeur particulière », l’ « intensité de l’odeur » étant montrée par la « concentration de ces icônes ». Ces icônes sont appliquées à des images pour finalement constituer ce qu’elle nomme des « odorography »154.

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CIGLEROVA, Anežka, « Odour », anezkaciglerova.com, http://www.anezkaciglerova.com/index.php?/2010/odour/ 155 CIGLEROVA, Anežka, « ODOUR / explanatory notes », anezkaciglerova.com, http://www.anezkaciglerova.com/index.php?/2010/odour/, consulté le 28 décembre 2014

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4 - Représentations des sons Un son c’est quoi ? En se posant cette question nous pourrons peut-être trouver des éléments intéressant nous permettant de représenter les sons. Comme l’on écrit Stanley Smith Stevens et Fred Warshofsky, respectivement directeur du Laboratoire de Psycho-physique de l’Université Harvard et rédacteur scientifique, « [...] le Son ne se comporte jamais de façon capricieuse. C’est un phénomène physique qui prend la forme d’ondes, et, comme tel, il obéit à certaines lois immuables de la physique. Le Son doit commencer par une perturbation mécanique, telle que celle produite par une voix, une porte que l’on claque ou le frottement d’un archet sur une corde de violon. Ces vibrations de la source sonore produisent des ondes qui s’irradient dans toutes les directions. Ces sont ces ondes mouvantes que nous entendons comme des Sons. »158

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CIGLEROVA, Anežka, « Romania, summer 2009 », anezkaciglerova.com, http://www.anezkaciglerova.com/index.php?/2010/odour/, consulté le 28 décembre 2014 157 CIGLEROVA, Anežka, « ODOUR / poster », anezkaciglerova.com, http://www.anezkaciglerova.com/index.php?/2010/odour/, consulté le 28 décembre 2014 158 STEVENS, Stanley Smith, WARSHOFSKY, Fred, Le son et l’audition, Fairfax, Virginia, New York City, Editions Time Life, 1965, p. 16 159 STEVENS, Stanley Smith, WARSHOFSKY, Fred , « Réflexion plane », in STEVENS, Stanley Smith, WARSHOFSKY, Fred, Le son et l’audition, Fairfax, Virginia, New York City, Editions Time Life, 1965, p. 19

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Nous pouvons donc constater qu’un son se propage « dans toutes les directions », à partir d’une source. Jean-Marie Rapin, chercheur dans le domaine de l'acoustique dans l'environnement au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, nous donne quelques renseignements sur la manière dont se propage le son dans l’espace. On peut parler de quatre principes, à savoir « Le son se propage en ligne droite comme un rayon lumineux. », « Lorsque le rayon sonore rencontre un obstacle, il est réfléchi selon la loi des miroirs. », « L’énergie acoustique se dissipe lentement dans l’air (en moyenne 2 dB par seconde, moins pour les graves, plus pour les aigus), [...]. », et enfin la réaction du son face aux différents matériaux. En effet, si le rayon sonore rencontre un « matériau dur », comme la « maçonnerie, métal, bois, verre, bitume, ainsi que la surface de l’eau », alors le rayon sonore va réagir comme si il rencontrait un « miroir parfait ». Cependant, si le matériau et poreux, comme « une terre fraîchement labourée », « Une partie de l’énergie acoustique est alors absorbée en pénétrant dans le matériau. ».160 Ces différentes caractéristiques concernant les « rayons sonores » peuvent nous être utiles si l’on cherche à rendre « visible » - sur une feuille de papier - les sons d’un espace en particulier. R. Murray Schafer expose différentes manières de représenter les sons dans son livre « Le paysage sonore. Le monde comme musique » Cependant, il met à plusieurs reprises en garde l’aspect dangereux et inadéquat161 de ces représentations visuelles. « Si je me suis gardé jusqu’ici de manifester trop d’enthousiasme à l’égard de la visualisation des sons, c’est que je voudrais simplement faire prendre conscience au lecteur du fait que toute projection visuelle d’un son est fictive et arbitraire. Cela est frappant lorsqu’on demande à des sujets de tracer, en temps réel et sans qu’il y ait réflexion de leur part, les sons enregistrés qu’on leur fait entendre. Les musiciens et les acousticiens observent souvent, dans ces exercices, les conventions de gauche à droite pour le temps et de haut en bas pour la fréquence ; les autres réagissent de façon plus indépendante. Un son, pour eux, peut commencer n’importe où sur la page, s’enrouler sur lui-même ou s’éparpiller en tous sens. »162 Malgré cela, R. Murray Schafer donne tout de même certains exemples de représentations visuelles. Nous les prendrons ici en compte, tout en ayant à l’esprit le fait que ces représentations sont « fictives et arbitraires », et nous verrons en quoi elles peuvent être intéressantes pour notre travail. Des représentations concernant uniquement les sons sont montrées, et ensuite certaines représentations incluant des plans et autre représentations sont aussi proposées. Nous montrerons les deux cas de figure, tout aussi intéressant l’un que l’autre. Pour commencer nous allons présenter une manière de représenter les sons en deux dimensions, puis une autre en trois dimensions. La représentation en deux dimensions des sons se présente comme cela :

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RAPIN, Jean-Marie, in : Urbanisme n°206, Paris, mars 1985, p. 74 SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, op. cit., p. 185 162 Ibid., pp. 190-191 161

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« Lorsque les sons s’inscrivent visuellement sur un appareil enregistreur, on peut en analyser ce qu’on appelle l’« enveloppe ». Les principales caractéristiques d’une enveloppe sonore sont l’attaque, le corps, les transitoires (ou variations internes) et la chute. Lorsque le corps du son se prolonge, inchangé, il est reproduit sur le graphique par une ligne horizontale continue. »164 Concernant la représentation du son en trois dimensions, elle se présente de la manière suivante :

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SCHAFER, Murray Raymond, « Lignes droites et brisées des sons telles qu’elles apparaissent sur l’appareil enregistreur », in SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, Marseille, Editions WildProject, 2010, p. 125 164 SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, op. cit., p. 124 165 SCHAFER, Murray Raymond, « Représentation tridimensionnelle d’un objet sonore simple », in SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, Marseille, Editions WildProject, 2010, p. 189

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« Alors qu’en théorie, il est possible, dans un espace N, de faire figurer N + 1 dimensions, dans la pratique, une représentation tridimensionnelle dans l’espace à deux dimensions d’une feuille de papier pose des problèmes de lecture considérables. »166 Nous allons maintenant voir comment sont représentés deux sons différents, à savoir le son d’une cloche d’église et le son d’un gong de temple. Comme nous l’avons dit précédemment, nous ne tenterons pas de représenter certains types de sons, mais plutôt de donner des outils généraux permettant de montrer qu’ils existent. Cependant, ils nous paraît tout de même intéressant de voir comment sont représentés ces deux sons, illustrant différentes informations concernant ces sons, de manière graphiques.

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Nous allons maintenant nous intéresser aux représentations des sons étant associés à des cartes ou d’autres éléments graphiques, en commençant par les courbes isobels :

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SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, op. cit., p. 189 SCHAFER, Murray Raymond, « Le graphique ci-dessous représente approximativement le son de chacun de ces deux instruments », in SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, Marseille, Editions WildProject, 2010, p. 257 167

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« La carte des courbes isobels est un exemple de la projection aérienne appliquée à l’intensité sonore. La carte isobel est un dérivé des cartes des géographes et des météorologistes ; elle est tracée à partir de centaines, de milliers de relevés du niveau sonore, dont on établit des moyennes qui délimitent des zones d’égale intensité, projetées comme si l’observateur se trouvait au-dessus du terrain étudié. Les secteurs les plus calmes et les plus bruyants d’un lieu géographique apparaissent immédiatement à la lecture de ces cartes. »169 Sont représentés sur cette carte ce que l’on pourrait assimiler à des courbes de niveaux, mais qui représentent l’intensité sonore du lieu. Les tracés représentent des zones d’une intensité particulière, et dont celle-ci est renseignée par un chiffre accolé au trait. Carte des faits sonores :

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« Autre type de projection aérienne, la carte des faits sonores indique la répartition et la récurrence des sons. Elle permet d’établir des comparaisons entre deux quartiers d’une même ville par exemple et de repérer facilement les sons les plus constants ou les plus caractéristiques d’un lieu. Le matériau d’une carte des faits sonores sera limité à une période bien définie dans le temps et recueilli en sillonnant le terrain choisi. »171

168

SCHAFER, Murray Raymond, « [...] carte du parc Stanley de Vancouver [avec] niveau sonore moyen de différents emplacements [...] », in SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, Marseille, Editions WildProject, 2010, p. 376 169 SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, op. cit., p. 196 170 SCHAFER, Murray Raymond, « [...] carte sonore établie à deux moments différents d’une « marche sonore » autour d’un pâté de maisons. », in SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, Marseille, Editions WildProject, 2010, p. 379 171 SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, op. cit., p. 196

92


Dans cette image sont représentés différents types de sons, auxquels sont attribués des signes, que l’on voit dans la légende. Chaque son a donc sa représentation, à laquelle est associé un graphique dont la taille change selon l’intensité du son en particulier.172

173

« Il est un autre exemple, enfin, de sonographie aérienne faisant intervenir, celui-là, un jugement de valeur. Michael Southworth l’utilise dans un article intitulé « L’Environnement sonore des villes ». Un certain nombre d’observateurs ont parcouru librement un terrain donné, puis commenté les sons qu’ils y ont entendus. Leurs conclusions ont ensuite été regroupées. La carte qui a été tirée d’un quartier de Boston montre au designer sonore où il serait utile qu’il commence son travail. »174 Cette carte est elle aussi accompagnée d’une légende nous indiquant diverses informations sur le lieu. Les sons ne sont pas divisés en types de sons, mais plutôt suivant la manière dont nous pouvons qualifier le son, qu’il soit par exemple fort, faible ou gênant. Pour chacun de ces qualificatifs est utiliser une représentation graphique différente, qui va de la forme à l’utilisation de hachures. Nous pouvons constater, après avoir vu ces différentes représentations, qu’il n’y a pas d’utilisation de couleur, tout est représenté en noir et blanc. Intéressons nous maintenant à une étude effectuée par le professeur d’architecture Jean-Pierre Péneau, concernant l’abbaye de Clairvaux. En effet, celui-ci a tenté de représenter certains facteurs ambiants présents dans différents endroits de l’abbaye. Concernant le son, Jean-Pierre Péneau s’est focalisé sur « la propagation de la parole de l’abbé pour la salle et la galerie du cloître »175. Voici un des résultats graphiques :

172

SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, op. cit., p. 379 SOUTHWORTH, Michael, « [...] carte des faits sonores [...] ville de Boston. », in SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, Marseille, Editions WildProject, 2010, p. 377 174 SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, op. cit., pp. 196-197 175 PENEAU, Jean-Pierre, Sens, sensible aux premiers temps de Clairvaux, Grenoble (Bernin), A la Croisée, 2007, Collection Ambiances, Ambiance, p. 284 173

93


176

Jean-Pierre Péneau explique l’image de la manière suivante : « Les images qui suivent donnent les résultats de ces simulations de la propagation de la parole de l’abbé pour la salle et la galerie du cloître. Sa voix est située dans la gamme des fréquences de 500 Hertz, avec un niveau estimé de 55 dB A. Le calcul est fait cependant pour obtenir la répartition du niveau acoustique global associant l’ensemble des fréquences. Dans ces conditions, le niveau atteint 70 dB A. »177 Nous pouvons remarquer que ces représentations n’utilisent pas de couleurs et que les décibels des sons sont indiqués suivant un dégradé de gris. Cela nécessite donc une certaine connaissance de la part du lecteur afin de pouvoir se représenter le niveau sonore suivant les décibels indiqués. L’architecte Stefan Behnisch s’est aussi intéressé aux sons et a effectué des recherches sur le sujet pour le projet des Thermes de Bad Aibling. Ces représentations « [...] montrent que des solutions ont été cherchées pour réduire la propagation des sons dans les coupoles. »178.

179

176

PENEAU, Jean-Pierre, « Cartographie du niveau sonore global. », in Jean-Pierre Péneau, Sens, sensible aux premiers temps de Clairvaux, Grenoble (Bernin), A la Croisée, 2007, Collection Ambiances, Ambiance, p. 284 177 PENEAU, Jean-Pierre, Sens, sensible aux premiers temps de Clairvaux, op. cit., p. 284 178 DROZD, Céline, Représentations langagières et iconographiques des ambiances architecturales : de l’intention d’ambiance à la perception sensible des usagers, op. cit., p. 553 179 BEHNISCH, Stefan, « Schéma en plans et coupes pour la recherche de la maîtrise de l’ambiance sonore », in DROZD, Céline, Représentations langagières et iconographiques des ambiances architecturales : de l’intention d’ambiance à la perception sensible des usagers, Thèse de Doctorat, Ecole Centrale de Nantes, 2011, p. 553

94


Ces schémas sont donc conçus pour étudier la manière dont se propage le son et comment arriver à contrôler ces propagations. Ils sont présents principalement dans un but d’étude et peut-être pas comme outils de représentations des facteurs ambiants présents dans les coupoles. Une manière de représenter les sons peut aussi être trouvée dans certaines Bandes Dessinées. En effet, l’utilisation d’onomatopées peuvent aider à rendre l’environnement sonore d’un lieu, d’une situation, et sont très fortement utilisés pour représenter les sons. Par ailleurs, ces onomatopées s’insèrent directement dans les images des bandes dessinées.

180

Ces onomatopées évoquent les bruits dégagés par les diverses éléments présents dans les images. Ce type de représentations implique l’utilisation de mots pour représenter les sons, mais les impliquent dans l’image, permettant de garder l’image telle quelle est et sans avoir à y annexer du texte. Cela peut constituer un compromis pour ne pas avoir à accoler un texte à l’image.

180

LOUARN, Malo, MAINGUY, Dominique, DENOULET, Bertrand, Les Routiers / 1, Bruxelles, Claude Lefrancq Editeur, 1995, p. 3

95


Lors du séminaire dont nous avons parlé précédemment, les étudiants se sont aussi intéressés à représenter les sons.

181

182

183

Ces représentations sont intéressantes dans le fait qu’elles permettent de représenter les sons de manières simple, sans l’usage de beaucoup de moyens. En effet, sont juste utilisés différents types de traits et sans l’usage de couleurs. Nous pouvons donc voir que des sons existent dans La Grande rue de Nancy, tout en étant renseigné sur la puissance du son, qui varie selon les endroits.

181

communications personnelles, Etudiant : JRANI, N., Séminaire interrégional européen, Juillet 1991. Pour plus d’informations : CRUNELLE, Marc, Toucher, audition et odorat en architecture, op. cit. 182 communications personnelles, Etudiant : GRISSE, Josy, Séminaire interrégional européen, Juillet 1991. Pour plus d’informations : CRUNELLE, Marc, Toucher, audition et odorat en architecture, op. cit. 183 communications personnelles, Etudiants : GOBERT, Christian, MAES, Marc, Séminaire interrégional européen, Juillet 1991. Pour plus d’informations : CRUNELLE, Marc, Toucher, audition et odorat en architecture, op. cit.

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5 - Représentations de l’humidité Peter Zumthor, pour le projet des Thermes de Vals, a conçu des schémas évoquant certaines ambiances. Voici un schéma représentant les thermes en plan :

184

Nous pouvons remarquer que ce plan indique « [...] des températures d’eau et des taux d’hygrométrie. »185. On peut remarquer l’utilisation de couleurs permettant d’informer sur les espaces, qui peuvent être humides ou secs. Les espaces en bleu laissent penser que nous nous trouvons dans les bassins tandis que ceux en jaune seraient ceux suivant lesquels nous pouvons circuler et étant par conséquent secs. Ce croquis a été conçu pendant les phases d’esquisse/APS du projet186. Concernant ce croquis, nous pouvons remarquer que les couleurs pour différencier les espaces ne sont plus utilisé dans les représentations que l’on a pu voir dans les exemples du deuxième chapitre. Le bureau d’architecture Philippe Rahm Architecte a réalisé des représentations expliquant les niveaux d’humidité de certains espaces. Nous allons voir ici deux illustrations, toutes les deux cherchant à représenter la présence d’humidité, mais chacune de manière différente. Les deux exemples ne concernent pas le même projet.

187

184

ZUMTHOR, Peter, « Croquis en plan où le concepteur « entre » dans les blocs de pierre », in DROZD, Céline, Représentations langagières et iconographiques des ambiances architecturales : de l’intention d’ambiance à la perception sensible des usagers, Thèse de Doctorat, Ecole Centrale de Nantes, 2011, p. 531 185 DROZD, Céline, Représentations langagières et iconographiques des ambiances architecturales : de l’intention d’ambiance à la perception sensible des usagers, op. cit., p. 530 186 Ibid., p. 529 187 Philippe Rahm architectes, « Vapor apartments », philipperahm.com, http://www.philipperahm.com/data/projects/vaporapartments/index.html, consulté le 21 décembre 2014

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188

La couleur bleu est utilisée dans les deux cas afin de représenter l’humidité. Cependant elle est une fois utilisée comme dégradée, tandis que l’autre montre l’humidité à l’aide de petits points. Malgré cette différence, nous pouvons remarquer le fait que plus l’humidité est élevée, plus la densité de couleur et de point est prononcée. Dans le livre « Atmosphere, Weather & Climate », Barry Roger et Chorley Richard, professeurs de géographie, exposent un très grand nombre d’images représentants entre autres les climats, l’humidité de l’air, les dépressions. Parmi ces représentations certaines pourraient nous aider à représenter les facteurs ambiants qui nous intéressent, notamment ceux liés à l’humidité.

189

188

Philippe Rahm architectes, « Vaporization. Atmosphere of water », philipperahm.com, http://www.philipperahm.com/data/projects/vaporization/index.html, consulté le 21 décembre 2014 189 MATHER, John R., « Moisture regions of North and Central America employing Thornthwaite’s moisture index », in BARRY, Roger Graham, CHORLEY, Richard John, Atmosphere, Weather & Climate, Londres, Routledge, 1992, p. 213

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Dans cette image est représentée l’humidité en Amérique du Nord. Nous voyons l’utilisation d’une légende nous permettant de savoir quel type de hachure représente quel type de climat. Nous pouvons remarquer que plus la hachure est dense, plus le taux d’humidité est élevé. Cela pourrait être rapporté à la saturation de l’air, qui, dans des environnements fort humides, est très lourd. Nous allons voir comment est représentée l’humidité dans un exemple dont nous avons déjà parlé, la météo. Nous allons voir au travers de relevés météorologiques comment est retranscrite l’humidité. Pour cela nous prendrons trois exemples, provenant de trois lieux géographiques différents, l’Afrique, l’Amérique du Nord et l’Australie.

190

191

190

Météo-World, « Current Relative Humidity [Afrique] », meteo-world.com, http://www.meteoworld.com/france/temps_afrique_humidite.php, consulté le 12 décembre 2014 191 Météo-World, « Current Relative Humidity [Amerique du Nord] », meteo-world.com, http://www.meteoworld.com/france/temps_ameriquenord_humidite.php, consulté le 12 décembre 2014

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192

Comme nous pouvons le remarquer, l’utilisation de couleurs fait à nouveau son apparition, comme pour les températures. Ici, plus le climat est sec plus les couleurs tendent vers l’orange et plus le climat est humide et plus les couleurs tendent vers le bleu. 6 - Représentations du vent Le bureau d’architecture allemand Behnisch Architekten, à nouveau pour le projet des Thermes de Bad Aibling, a effectué des études concernant les mouvements d’air dans une des coupoles. C’est le bureau d’études climatique Transsolar193 qui a effectué ces études.

194

Dans ces schémas d’études sont montrés « [...] des simulations dynamiques qui évaluent les mouvements et les températures d’air au niveau des entrées des coupoles »195. Nous pouvons 192

Météo-World, « Current Relative Humidity [Australie] », meteo-world.com, http://www.meteoworld.com/france/temps_australie_humidite.php, consulté le 12 décembre 2014 193 DROZD, Céline, Représentations langagières et iconographiques des ambiances architecturales : de l’intention d’ambiance à la perception sensible des usagers, op. cit., p. 550 194 TRANSSOLAR, « Simulation des vitesses de mouvements d’air à l’entrée de la coupole », in DROZD, Céline, Représentations langagières et iconographiques des ambiances architecturales : de l’intention d’ambiance à la perception sensible des usagers, Thèse de Doctorat, Ecole Centrale de Nantes, 2011, p. 556 195 DROZD, Céline, Représentations langagières et iconographiques des ambiances architecturales : de l’intention d’ambiance à la perception sensible des usagers, op. cit., p. 555

100


y voir le cheminement de l’air, son développement, le tout dans une dominance de couleur bleu. Dans le livre « Atmosphere, Weather & Climate », est aussi représenté le vent, sa position et sa puissance.

196

Une légende nous indique la puissance du vent, puissance représentée par différents types de hachures. Ici nous allons du plus au moins dense, le plus dense représentant un vent fort. Un article du magazine « L’Architecture d’Aujourd’hui » de 1973 propose plusieurs illustrations concernant des représentations d’architecture dans des pays chaud. Nous pouvons y remarquer certaines manières de représenter des facteurs ambiants, ici le vent.

197

196

NAMIAS, Jerome, CLAPP, Phil, « The mean location and velocities (m s¯¹) of the westerly jet stream in the northern hemisphere in January », in BARRY, Roger Graham, CHORLEY, Richard John, Atmosphere, Weather & Climate, Londres, Routledge, 1992, p. 116

101


198

Nous pouvons voir sur ces représentation des indications concernant la circulation de l’air dans le bâtiment, l’endroit par lequel il rentre et celui par lequel il sort. Nous pouvons nous représenter le fait qu’un courant d’air passe au travers de l’édifice, et peut par conséquent rafraîchir l’endroit. Le même type de représentations est utilisé dans le projet de Philippe Rahm :

199

197

ABDULAK, Samir, PINON, Pierre, « Riad à Marrakech », in « Maisons en pays islamiques. Modèles d’architecture climatique », in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°166, Mars/Avril 1973, p. 13 198 ABDULAK, Samir, PINON, Pierre, « Qaa au Caire », in « Maisons en pays islamiques. Modèles d’architecture climatique », in L’Architecture d’Aujourd’hui, n°166, Mars/Avril 1973, p. 13

102


Dans ces dernières représentations nous pouvons donc remarquer l’utilisation de traits pour illustrer les trajectoires de l’air, de manière simple. Comme nous l’avons fait pour l’humidité, intéressons nous maintenant au vent et à sa représentation météorologique. Nous nous focaliserons ici sur l’Amérique du Sud et l’Asie du Nord.

200

201

Nous pouvons ici aussi remarquer l’utilisation de couleurs. Un endroit exposé au vent sera représenté en rouge tandis qu’un endroit peu exposé sera représenté en bleu.

199

Philippe Rahm architectes, « Open Climate. Programmatic pavilion for the School of Fine Arts of Nantes, France », philipperahm.com, http://www.philipperahm.com/data/projects/nantes/index.html, consulté le 21 décembre 2014 200 Météo-World, « Current Wind Speed [Amérique du Sud] », meteo-world.com, http://www.meteoworld.com/france/temps_ameriquesud_vents.php, consulté le 13 décembre 2014 201 Météo-World, « Current Wind Speed [Asie du Nord] », meteo-world.com, http://www.meteoworld.com/france/temps_asienord_vent.php, consulté le 13 décembre 2014

103


Nous pouvons aussi nous intéresser à la représentation du vent au travers de peinture. Prenons l’exemple du tableau de Jean-François Millet, « Le Coup de vent ». Celui-ci rend très bien la sensation d’un vent puissant de par l’effet produit sur l’arbre.

202

A défaut de ne pas pouvoir représenter ce qui est invisible, ici le vent, peut-être pouvons-nous en indiquer ses effets sur le visible, comme par exemple une jupe qui se soulève ou un arbre qui se plie, autant de signes permettant de montrer la présence du vent. Conclusion Pour conclure, nous pouvons dire qu’il existe plusieurs manières de représenter les facteurs ambiants, certaines manières qui se rejoignent d’un auteur à un autre, d’autres se différenciant aussi. Nous avons pu remarquer que la couleur est très souvent utilisée, aussi beaucoup de légendes permettant de comprendre ce que l’on voit. Nous allons maintenant voir ce que nous pouvons utiliser afin de représenter les facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux.

202

MILLET, Jean-François, Le Coup de vent, huile sur toile, National Museum of Wales, Cardiff, wetreesinart.tumblr.com, http://wetreesinart.tumblr.com/post/65806527132/jean-francois-millet-le-coup-de-vent90-5-x

104


B - Système de représentation des facteurs ambiants. Nous allons maintenant proposer une manière de représenter les facteurs ambiants dans les images de projets d’architecture. 1 - Reprise des éléments et échantillons de représentations Après avoir vu un certain nombre de représentations, nous allons mettre en pratique certains points que nous avons précédemment évoqués et qui pourraient nous aider à représenter les facteurs ambiants. Nous ne reprendrons évidemment pas tous les moyens que nous avons constaté juste avant, mais nous inspirerons de certains afin de proposer une représentation. Nous testerons ces représentations des facteurs ambiants de trois manières différentes. La première consiste à les représenter sur des filtres à superposer à l’image de base, la deuxième étant de d’applatir tout les facteurs ambiants sur l’image de base et la troisième de multiplier les représentations autant qu’il y a des facteurs ambiants différents. Nous verrons ensuite les avantages et inconvénients de ces différentes manières de représentation. Nous prendrons des exemples vus dans le chapitre deux, et mettant en avant un maximum de facteurs ambiants. De plus, nous tenterons de fabriquer des représentations s’accommodant autant aux versions papiers qu’aux versions numériques des images de projet. Cependant, nous partons du principe que dès lors que l’on peut représenter quelque chose sur papier, alors cela pourra l’être sur internet, ce qui pourrait ne pas être forcément possible dans le cas inverse. Par ailleurs, nous avions dans le deuxième chapitre, divisé les exemples en deux catégorie, nous partirons aussi ici du principe que la manière de représenter les facteurs ambiants pour ces projets ayant de fortes relations avec les facteurs ambiants pourra être facilement réutilisée dans les représentations de projet entourés de facteurs ambiants. Commençons par voir ce que nous retenons par rapport à chacun des facteurs ambiants. Rappelons une chose importante : si nous prenons les odeurs par exemple, nous ne nous focalisons pas sur les types d’odeurs, mais sur l’odeur en général et la manière dont elle pourrait être représentée. L’objectif est de suggérer son existence et donc sa présence dans le projet ou l’environnement du projet. Cela est valable pour tous les facteurs ambiants que nous cherchons à représenter.

Représentations des différents facteurs ambiants : - Pour le contraste chaud-froid, nous prennons comme base de représentation pour le chaud la couleur rouge-orangé, et pour le froid la couleur vert-bleu. - Pour l’humidité, nous la représentons pas un nuage de point bleuté, plus ou moins dense selon le niveau d’humidité présent dans l’air. - Pour les odeurs, nous les représentons à l’aide de nuages de points irréguliers, qui suivant l’intensité des points indique l’intensité de l’odeur. Aucune couleur n’est donné aux odeurs, car nous jugeons plus pertinent de laisser la couleur aux autre représentations.

105


- Concernant les sons, nous prennons en compte le fait que les sons sont émis à partir d’une source, puis qu’ils se dispersent dans l’espace dans toutes les directions. Les sons sont représentés en noir ou en blancs selon la visibilité sur l’image, par des cercles concentriques. - Enfin, pour le vent, nous utilisons des traits verts, qui représente le possible mouvement d’air ainsi que sa direction. Ces représentations sont conçues dans le but de ne pas avoir forcément de légende. Si nous avions tout de même à en mettre une, peut-être pourrions nous les placer au début de l’article, ou du site internet, de manière à ne pas avoir à les rajouter à côté de chaque images, et ainsi économiser de la place et ne pas avoir à ajouter trop d’annotations. Nous reprenons ci-dessous un échantillon de chaque représentation des facteurs ambiants

Chaud : rouge-orangé

Froid : bleu-vert

Humidité : nuage de points bleu plus ou moins dense

Odeur : nuages de points noir irrégulier, intensité

Son : source, émission, propagation

Vent : traits fléchés, de couleur verte

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2 - Proposition de représentations des facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux Nous allons mettre en place ces différentes représentations des facteurs ambiants dans quatre exemples de projet qui sont des projets dont nous avons déjà fait référence lors des exemples dans le deuxième chapitre. Les exemples seront exposés dans l’ordre suivant : - Peter Zumthor, Thermes de Vals, Graubunden Canton, Switzerland, 1996 - Peer Abben, Ecole de filles, Nairobi, Kenya - Peter Zumthor, Steilneset Memorial, Barents Sea in Vardø, Norway, 2011 - Frank Lloyd Wright, Fallingwater, Bear Run, Pennsylvanie, 1935-1939 Les représentations montrent les facteurs ambiants représentés des trois manières différentes dont nous avons parlé plus tôt. Cependant, concernant l’utilisation des filtres, nous le proposerons sur un seul exemple - les Thermes de Vals - du fait de la mise en place importante qu’il nécessite. A part cette exception, les exemples seront exposés de la manière suivante : la première image illustrant la représentation originale, la suivante l’image représentant la totalité des facteurs ambiants et enfin les représentations de chaque facteurs ambiants sur une image indépendante.

107


Peter Zumthor, Thermes de Vals, Graubunden Canton, Switzerland, 1996

108


109


ReprĂŠsentation originale

TotalitĂŠ des facteurs ambiants : sons, chaud/froid, odeurs.

110


Sons

Odeurs

Contraste chaud/froid

111


Représentation originale

Totalité des facteurs ambiants : sons, chaud, odeurs, humidité

Sons

112


Odeurs

Chaud

HumiditĂŠ

113


114


Peer Abben, Ecole de ďŹ lles, Nairobi, Kenya

115


Représentation originale

Totalité des facteurs ambiants : chaud/froid, humidité, mouvements d’air

116


Contraste chaud/froid

HumiditĂŠ

Mouvements d’air

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Représentation originale

Totalité des facteurs ambiants : chaud/froid, humidité, mouvements d’air

118


Contraste chaud/froid

HumiditĂŠ

Mouvements d’air

119


Peter Zumthor, Steilneset Memorial, Barents Sea in Vardø, Norway, 2011

120


Représentation originale

Totalité des facteurs ambiants : sons, odeurs, humidité, mouvements d’air

121


Sons

Odeurs

122


Humidité

Mouvements d’air

123


Représentation originale

Totalité des facteurs ambiants : sons, odeurs, humidité, mouvements d’air

124


Sons

Odeurs

Humidité

Mouvements d’air

125


126


Frank Lloyd Wright, Fallingwater, Bear Run, Pennsylvanie, 1935-1939

127


Représentation originale

Totalité des facteurs ambiants : sons, humidité

128


Sons

HumiditĂŠ

129


Représentation originale

Totalité des facteurs ambiants : sons, odeurs, humidité, chaud

Sons

130


Odeurs

Chaud

HumiditĂŠ

131


Les trois méthodes de représentation de facteurs ambiants que nous venons de proposer comportent des avantages et des inconvénients. En ce qui concerne l’utilisation des filtres, nous pouvons dire qu’elle permet de bien différencier les facteurs ambiants de l’image d’origine et permet de ne pas avoir à modifier l’image d’origine. Elle peut égalemet être utilisée de manière assez simple sur internet. Cependant, pour une utilisation dans les magazines ou les livres, elle peut être difficile à mettre en oeuvre car il faut avoir recours à des calques. La deuxième méthode - celle reprenant tous les facteurs ambiants sur une seule image - permet de ne pas avoir à changer la manière dont nous présentons les images actuellement. Elle peut être utilisée à la fois sur internet et dans les magazines. Elle peut cependant devenir difficile à lire du fait du nombre de superpositions des différents facteurs ambiants. La dernière méthode, consistant à avoir autant d’images qu’il y a de facteurs ambiants, permet de rendre assez facilement lisible chacun des facteurs ambiants tout en gardant l’image assez claire. Cependant, utiliser ces images dans un grand format nécessiterait beaucoup de place. Une manière de faire serait de placer ces différentes images les unes à côté des autres en les réduisant, permettant alors d’être représentées sur une seule page mais en réduisant la lisibilité de ces dernières. Conclusion chapitre Au terme de ce chapitre nous pouvons constater que de nombreuses manières de représenter les facteurs ambiants existent. Une proposition de représentation de ces facteurs ambiants dans les images des projets séléctionnés a ensuite été montrée. Nous nous sommes inspirés de représentations existantes de facteurs ambiants. Nous avons pu constater que certaines représentations sont plus difficiles à mettre en oeuvre que d’autres, notamment la représentations des odeurs. Nous pouvons tout de même dire qu’il existe plusieurs possibilités de donner substance aux facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux.

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Conclusion



Conclusion La représentation d’un projet d’architecture - que ce soit au niveau de la conception ou de la communication du projet - implique essentiellement le sens de la vue. Cela est renforcé par le fait que nous vivons dans une société qui accorde une place très grande à l’image. Après avoir vu de nombreux exemples d’images de projets architecturaux, nous avons pu émettre un paradoxe. Ce paradoxe est le suivant : la représentation des projets architecturaux se focalise sur le sens de la vue alors que l’expérience de l’architecture est multisensorielle. En effet, l’architecture est un art dans lequel l’Homme est complètement inclus et peut dès lors ressentir de nombreuses choses au travers de ses sens. Or, la représentation de projets architecturaux met de côté ce que les autres sens nous font percevoir comme le chaud, le froid, les sons, le vent, les odeurs et l’humidité. Suite à cela nous, posons notre question de recherche : « Est-il possible de représenter les facteurs ambiants d'un projet architectural dans sa représentation, malgré la prédominance de l'aspect visuel ? ». Nous avons ensuite essayé de comprendre les causes et les conséquences de la non représentation des facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux. Nous avons par la suite pu constater que de nombreuses manières de représenter les facteurs ambiants existent. Cependant, ces représentations comportent certaines limitent. Les premières limites sont au niveau des méthodes que nous proposons. Tout d’abord, les représentations auxquelles nous arrivons finalement nécessitent l’utilisation de la couleur. De plus, en ce qui concerne la méthode des filtres, l’utilisation des calques peut être onéreux et compliqué à mettre en oeuvre. La méthode de représentation utilisant plusieurs images pour une image de projet peut également poser problème étant donné la place qu’elles nécessitent. Enfin, en ce qui concerne la dernière méthode, représenter tous les facteurs ambiants sur une seule image peut surcharger celle-ci et en diminuer la lisibilité. D'autres limites sont liées aux facteurs ambiants choisis. Premièrement, nous n’avons pas cherché à représenter tous les facteurs ambiants. En effet, comme nous l’avons démontré dans ce travail, certains facteurs ambiants n’ont pas été représentés du fait de leur complexité ou de leur caractère personnel. Nous ne nous sommes pas non plus concentré sur la représentation des différents types d’odeurs et de sons. Nous pensons que ces limites pourraient faire l’objet de recherches ultérieures. Ce travail montre néanmoins qu’il existe différentes manières permettant de représenter les facteurs ambiants dans les images de projets d'architecture et nous en avons proposé un système. Il est dès lors possible d’apporter des informations autres que celles concernant la vue à la lecture d'images d’architecture. Cela permet de mettre en avant le fait que ces autres informations – les sons, les odeurs, les mouvements d'air, les sensations de chaleurs, de fraîcheurs, d’humidité - existent dans les projets. Nous pouvons donc affirmer notre hypothèse et dire qu'il est possible, tout en gardant l'aspect visuel de la représentation du projet architectural, de représenter les facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux. Représenter les facteurs ambiants dans les images de projets architecturaux pourrait amener vers une prise de conscience de la présence des autres sens que celui de la vue dans le projet. De plus, la représentation de ces facteurs pourrait aussi montrer que les sens peuvent être créateurs d'architecture. Par exemple, un maître de l’ouvrage pourrait exprimer ses volontés en termes de facteurs ambiants lors de la conception de son projet. Cela pourrait amener de

137


nouvelles manières de penser et de façonner l’architecture. Les facteurs ambiants sont alors tout autant utilisables dans le processus de conception que dans la communication du projet. R. Murray Schafer, en parlant des représentations de sons, rappelle toutefois que : « Ces diagrammes ne sont que des points de repère. Mais doit-on attendre de la visualisation des sons davantage que des indications que l’oreille devra ensuite pousser plus loin à sa manière ? »204 En effet, les représentations de facteurs ambiants ne sont que des « indicateurs », des rappels de l'existence de ces facteurs ambiants. Leurs représentations sont importantes pour qu'ils soient pris en compte et mis sur un même niveau que les éléments visuels, mais elles ne remplacent pas l’expérience que l’on fera de l’architecture. Nous espérons que ce travail apportera sa pierre dans un processus de définition d'outils de représentation des facteurs ambiants au niveau des projets en architecture et qu'il pourra permettre, plus largement, de remettre l'Homme et ses sens au centre de la dimension architecturale.

204

SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, Marseille, Editions WildProject, 2010, p. 197

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Bibliographie


Bibliographie Cette bibliographie reprend les sources papier et les sources numériques utilisées pour les idées et pour les images. Les sources détaillées de chaque idée et image se trouvent dans les notes de bas de page du mémoire. Nous ne ferons dès lors pas d’iconographie. Monographies AHIJADO, Jorge Quijano, Autour du visible, l'image et la fuite, Paris, L’Harmattan, 2014 AMPHOUX, Pascal (dir.), La notion d'ambiance, une mutation de la pensée urbaine et de la pratique architecturale, Paris, éd. Plan Urbanisme Construction Architecture, 1998 AUGOYARD, Jean-François, 1st International Congress on Ambiances, Grenoble 2008, Sep 2008, Grenoble, A La Croisée, 2011 AUMONT, Jacques, Introduction à la couleur : des discours aux images, Paris, Armand Colin, 1994 CORBIN, Alain, Le Miasme et la Jonquille, L'odorat et l'imaginaire social XVIIIe-XIXe siècles, Paris, Flammarion, 1986 CRUNELLE, Marc, Psychologie de la perception, L’architecture et nos sens, Bruxelles, Presses universitaires de Bruxelles, 3ème édition, 2009 CRUNELLE, Marc, Toucher, audition et odorat en architecture, Jouaville, Editions Scripta, 2001 FERRIER, Jacques, La Possibilité d'une ville. Les cinq sens et l'architecture, Paris, arléa, 2013 HALL, Edward Twitchell, La dimension cachée, New-York, Doubleday & C°, 1966, rééd. Seuil, 1971 ITTEN, Johannes, Art de la couleur, Paris, Dessain et Tolra, 1985 JODIDIO, Philip, Architecture Now! 6, Cologne, Taschen, 2009 KULTERMANN, Udo, Architecture Nouvelle en Afrique, Paris, Editions Albert Morancé, 1963 LEIGH FERMOR, Patrick, Les temps des offrandes – A pied jusqu'à Constantinople : de la Come de Hollande au moyen Danube, Paris, Petite Bibliothèque Payot / Voyageurs, 2003 MCLUHAN, Marshall, La Galaxie Gutenberg, Paris, Gallimard, Idées, 1977 PELICIER, Yves, Univers de la psychologie, Paris, Lidis, 1977 PENEAU, Jean-Pierre, Sens, sensible aux premiers temps de Clairvaux, Grenoble (Bernin), A la Croisée, 2007, Collection Ambiances, Ambiance 140


RECHT, Roland, Le dessin d’architecture, Origines et fonctions, Paris, Adam Biro, 1995 SANSOT, Pierre, La France sensible, Seyssel, Champ Vallon, coll. Milieux, 1985 SCHAFER, Murray Raymond, Le paysage sonore. Le monde comme musique, Marseille, Editions WildProject, 2010 SODERSTROM, Ola, Des images pour agir. Le visuel en urbanisme, Lausanne, Editions Payot Lausanne, 2000 THIBAULT-LAULAN, Anne-Marie, L’image dans la société contemporaine, Paris, Editions E.P. Denoël, 1971 VALERI, Diego, Fantaisies vénitiennes, Neuchâtel, Ed. À la baconnière, 1945 VIOLLET LE DUC, E., Lettres d'Italie 1836-1837 adressées à sa famille, Paris, Léonce Laget, 1971 WASEIGE, Julie, Le Musée Magritte, Bruxelles, Anvers, Ludion, 2014 ZEVI, Bruno, Apprendre à voir l'architecture, Paris, Editions de Minuit, 1959

Ouvrages collectifs AMPHOUX, Pascal, THIBAUD, Jean-Paul, CHELKOFF, Grégoire, Ambiances en débats, Bernin, A La Croisée, 2004, Collection Ambiances, Ambiance BARRY, Roger Graham, CHORLEY, Richard John, Atmosphere, Weather & Climate, Londres, Routledge, 1992 GÖSSEL, Peter, LEUTHÄUSER, Gabriele, L’architecture du XXè siècle, Cologne, Benedikt Taschen, 1991 STEVENS, Stanley Smith, WARSHOFSKY, Fred, Le son et l’audition, Fairfax, Virginia, New York City, Editions Time Life, 1965 HOLZSCHUCH, Chantal, ALLAIRE, Cécile, BERTHOLET, Laetitia, AGIUS, Catherine, MEHEUST, Claire, (dir.), Quand la malvoyance s'installe. Guide pratique à l'usage des adultes et de leur entourage, Saint-Denis, INPES, coll. Varia, 2008

Rapport d'un colloque SCHMIT, Denis, extrait de Pédagogie sonore, in « Colloque qualité acoustique des lieux d’écoute » C.N.R.S. E.R.A. 537, Université Marie Curie, Paris, 13-16 octobre 1980

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Dictionnaire DE VIGAN, Jean, LE PETIT DICOBAT, Dictionnaire Général du Bâtiment, Paris, Editions ARCATURE, 4ème édition, 2008

Thèse de doctorat DROZD, Céline, Représentations langagières et iconographiques des ambiances architecturales : de l’intention d’ambiance à la perception sensible des usagers, Thèse de Doctorat, 2011

Mémoire CARDOSO, Florencia Fernandez, A room of one’s own in pornotopia, Mémoire LaCambreHorta, Bruxelles, 2012-2013 Bande dessinée LOUARN, Malo, MAINGUY, Dominique, DENOULET, Bertrand, Les Routiers / 1, Bruxelles, Claude Lefrancq Editeur, 1995

Article dans revue RAPIN, Jean-Marie, « Le monde sonore vu par un acousticien », in : Urbanisme n°206, Paris, mars 1985

Revues spécalisées en architecture A+U, n° 511, Avril 2013 A+U, n° 526, Juillet 2014 A+, n° 245, Décembre 2013 - Janvier 2014 L’Architecture d’Aujourd’hui, n°166, Mars/Avril 1973 GA Document, n° 127, Mai 2014 Mark, n° 53, Décembre 2014-Janvier 2015 Progressive Architecture, Avril 1978

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Sites Internet d'architecture Site officiel de l'agence d'architecture suisse “Herzog and de Meuron”, www. herzogdemeuron.com Site officiel de l'architecte français Jean Nouvel, www.jeannouvel.com Site officiel du bureau d'architure “Morphosis”, www.morphopedia.com Site officiel de l'architecte irako-britannique Zaha Hadid, www.zaha-hadid.com Site officiel de “ArchDaily”, site spécialisé dans l'architecture, www.archdaily.com Site officiel du blog du département d'architecture de l'université de Washington, http://uwarch-belog.com/ Site officiel de la “Maison sur la cascade” d'Edgar J. Kaufmann, www.fallingwater.org Site officiel d'un réseau de professionels dans l'architecture, v1.world-architects.com Site officiel du bureau d'architecture “Philippe Rahm architectes”, www.philipperahm.com Site officiel des concours lancés par l'AWR (Architecture Workshop in Rome), http://www.awrcompetitions.com/ Site officiel du bureau d'architecture “Pierre Blondel”, http://www.pblondel.be/ Autre sites Site officiel de Meteo World, www.meteo-world.com Site officiel des cartes sensoriels « Sensory Maps », www.sensorymaps.com Blog sur l'art « Trees in art », wetreesinart.tumblr.com Blog sur l'art « Vulg'Art », www.vulgart.be Wikimedia, médiathèque en ligne d'images, de sons et d'autres médias, www.wikimedia.org Blog d'un passionné de voyage, Nassim Jamal, www.rendala.com Blog de la graphiste tchèque Anezka Ciglerova, www.anezkaciglerova.com Site du professeur Marc Crunelle, www.lavilledessens.net Communication personnelle CRUNELLE, Marc, « Mon approche des ambiances », août-octobre 2013 CRUNELLE, Marc, « Ma définition des ambiances »

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