Sha Tau Kok : Une étude de l’espace limitrophe comme lieu de rencontre (Volume 2: projet)

Sha Tau Kok 沙 頭 角 Une étude de l’espace limitrophe comme lieu de rencontre

LEUNG Ho Ching, Rose

Sha Tau Kok 沙 頭 角 Une étude de l’espace limitrophe comme lieu de rencontre

LEUNG Ho Ching, Rose

Soutenance de projet de fin d’étude Membres du jury: Valéry Didedlon, Stéphane Lemoine, Jean Attali, Armand Nouvet, Florian Herweck, Dominique Lyon Réalisé au sein du département Ville, Architecture, Territoire de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris-Malaquais 27 Juin 2013

Introduction Hongkongaise, j’ai choisi il y a un an d’étudier la relation entre Hong Kong et la Chine à travers l’analyse du territoire du Guangdong. Cette étude m’a permis d’identifier un travers de l’urbanisme contemporain que l’on peut retrouver ailleurs, à Paris même avec le projet du grand 8 par exemple.

Il s’agit de la croyance en la logique des réseaux, qui voudrait que la technologie et les transports assurent la cohésion d’un territoire. Dépassant la sphère de l’urbanisme et de l’architecture, cette pensée aboutie à faire de la technologie le medium indispensable de la relation à l’autre, fragilisant en même temps les formes assurant précédemment la cohésion d’un ensemble. Dans le cas de la ville, et ici d’une mégalopole asiatique, cette logique conduit au développement des infrastructures de transports au détriment de l’espace.

Face à ce constat, mon projet de fin d’étude consiste à repenser l’intégration interrégionale de Hong Kong et Shenzen, non pas en reliant leurs centre ville, mais en aménageant l’espace ou les deux villes se rencontrent.

Il s’agit alors d’élaborer une stratégie d’intervention dans un territoire suburbain dont le développement peu planifié se fait sans architectes.

Le territoire Ce territoire, c’est Sha Tau Kok (STK).

Un ensemble de villages situés à l’extrémité EST de la frontière entre Hong Kong et Shenzhen. Si l’intégration de Hong Kong dans la Chine se traduit par la multiplication de grands projets d’infrastructures, la frontière qu’ils traversent reste un vaste no man’s land, une zone close à laquelle seule quelques résidents permanents peuvent accéder. Sha Tau Kok, dont l’histoire est rythmée par l’évolution des relations sino-honkongaises, est aujourd’hui en partie inclus dans cette zone close mais tend à s’ouvrir de plus en plus à Shenzhen.

Périphérie à l’extrémité Nord de Hong Kong, rurale et économiquement affaiblie, Sha Tau Kok côtoie Shenzhen, sa densité et ses usines, formant alors un paysage très contrasté dont l’avenir, avec la disparition de la frontière programmée pour 2047, reste incertain.

Urbain / rural, un déséquilibre harmonieux

Shenzhen

Sha Tau Kok

Image de kmlai116m panoramio

La frontière de STK: un lieu d’échange Aujourd’hui, la relative perméabilité de la frontière de Sha Tau Kok permet aux populations locales de tirer profit des différences entre les deux côtés. Dans un sens, les Hongkongais vont faire des achats bon marché en Chine. Dans l’autre, des chinois viennent étudier, passer leurs vieux jours ou simplement faire du tourisme en profitant du paysage de Sha Tau Kok. Cette relation, exceptionnelle, se distingue du climat anti-chinois ambiant à Hong Kong, fortement lié aux transformations du centre ville sous l’action du développement des transports transfrontaliers.

visitent la patrimoine et les villages Hakka

viennent pour profiter de la nature

traversent la frontiere pour acheter des nécessités quotidiennes

vendent des produits aux Chinois

louent des maisons villageois pour une meillleur habitation

vont à l’ecole de Sha Tau Kok Hong Kong

achetent des produits d’importation hongkongais à Chung Ying Street

Risques et opportunités Si historiquement STK a toujours démontré sa capacité à créer une relation inter régionale, son urbanisation actuelle pourrait la fragiliser.

L’ouverture, en 2012, d’une partie de la zone close de STK a attiré l’attention du public mais aussi des promoteurs sur ce territoire. Le tourisme et la spéculation foncière s’y développent aujourd’hui.

Comme l’ensemble des territoires ruraux de Hong Kong, l’urbanisation de STK résulte du système de la Small House Policy. (Loi des petites maisons ou maisons villageoises). La SHP autorise un villageois indigène à construire, une fois dans sa vie, une petite maison de 3 étages, sur un site adéquat au sein de son propre village.

Les Small Houses (SH) dont les dimensions sont strictement prescrites, sont librement implantées selon un plan de zoning à grande échelle. Elles contribuent à la suburbanisation de HK, bouleversent les modes de vie dans les villages traditionnels, et leur architecture standardisée dégrade le paysage.

Cependant, les SH constituent les seules constructions à HK, sur laquelle les résidents peuvent exercer un pouvoir de décision. Leur faible densité permettentd’autres modes de vie que les tours et sort les habitants de l’individualisme de l’anonymat.

Plutôt que déplorer l’existence des SH et souhaiter l’urbanisation dense de STK, je travaille avec ce type architectural et en développe le potentiel.

haut : Development Permission Area (Février 2012) bas : Carte de la propriété foncière

Village Agriculture Zone verte Usage de gouvernement Loisirs Zone réservée 0

200

400

600

800

1000 mètres

Terrains privée 0

200

400

600

800

1000 mètres

La «maison villageoise» comme produit architectural à remodeler

L’intervention Quelle stratégie pour influencer le développement suburbain ?

Il ne s’agit pas de dessiner une forme architecturale optimale, un modèle, mais de questionner la forme administrative qui génère la forme urbaine que l’on observe. Crimson Architectes appellent cette forme l’Orgware et la définissent comme l’ensemble des contraintes et des opportunités qui sculptent le paysage construit d’un territoire. Dans le cas de STK, il s’agit de la SHP et du zoning plan.

A échelle urbaine, je propose d’utiliser les rares terrains publics pour créer des équipement à même d’influer sur l’urbanisation de leur contexte en polarisant un territoire que le zoning plan défini comme homogène.

Il s’agit [ici] de créer un parking aux portes d’un des villages, à proximité de la route principale, pour recevoir les cars de touristes tout en créant un large espace public.

[Ici] je propose de construire un équipement à l’intersection d’une des routes des villages et de la rivière pour renforcer la présence de cet élément du paysage.

0 10 20

50

1

100m

Terrain public Site choisi

3 célibataires

Forme administrative et forme urbaine

1 famille

Deux modifications de la SHP pour permettre de nouvelles formes 1 Famille

3 Familles

Combinaison de parties différentes?

A échelle architecturale, je propose deux modifications de la règlementation des SH tout en conservant leur surface.

•

Redéfinir la définition du mur mitoyen des Small Houses pour que des Small Houses puissent se construire ensemble et interagir

•

Autoriser le transfert de surfaces (maximum un étage, 2,7m de hauteur) entre deux Small House afin de créer des variations de niveau au sein d’un ensemble de bâtiments

Ces simples modifications permettent de générer plusieurs nouveaux types de Small Houses.

Répondre au changement des mode de vies contemporains

Passée

Présente

Future 2 couples 3 célibataires 1 famille

1 Famille

3 Familles

Combinaison de parties différentes?

Ces nouveaux types visent principalement à accompagner l’évolution des modes de vies et des populations dans les villages tout en optimisant l’usage des parcelles. Si la Small house était à l’ origine conçue pour accueillir une famille, elle peut aujourd’hui abriter une grande diversité de ménages, de la collocation d’étudiants aux personnes âgées vivant seules.

Relation progressive entre espace privĂŠ, communaut

Appartement

Bâtiment

Bâtiments

taire et public

Complexe résidentiel

Quartier

Une fois ces nouveaux types définis, il s’agit ensuite de les agencer ensemble sur le site de manière à qualifier les espaces extérieurs les séparant. Les deux propositions définissent alors différentes relations entre l’espace communautaire du village traditionnel, l’espace privé lié aux modes de vies contemporains, et l’espace public rendant possible la rencontre avec l’étranger. Ces configurations se veulent une alternative au type des SH isolées seules ou regroupées au centre d’une parcelle dont la relation à l’extérieur se résume le plus souvent a un mur surmonté de grilles.

Deux types rendus possibles par la modification et le Mise en commun de l’escalier :

En modifiant et en détournant la SHP, on permet tout d’abord la mise en commun des circulations. Tout en satisfaisant l’ambition principale des futurs propriétaires, à savoir maximiser les surfaces exploitables, on introduit la dimension de voisinage au niveau des paliers mais aussi des balcons transformables en coursives.

Une fois cette relation de voisinage présente, on peut envisager la mise en commun de certaines fonctions du logement, la cuisine par exemple, et le partage de certains espaces, les toitures terrasses notamment.

e détournement de la SHP Vie collective et individuelle cuisines partagées dans les appartements

Etage courant

Lien entre espace public et espace privé logement et magasin

jardin privé

cour ouverte Rdc 0

1

2

3

4

5m

Transformation des balcons en coursives :

Vie collective et individuelle cuisine partagée par étage

Etage courant

Lien entre espace public et espace privé commerces et locaux communs

jardin privé

cour ouverte Rdc 0

1

2

3

4

5m

Site au long L’aménagement le long de la rivière, motivé par la création d’un équipement en amont, propose un développement linéaire ou alternent sur chaque rive groupement de SH et petites places ombragées. La composition de l’ensemble le long d’un site relativement étroit accentue le contraste entre des espaces dédiés au flux (piétions et vélos) et des espaces plus statiques. Les logements en rez-dechaussée s’ouvrent alors sur l’espace anonyme du flux et préservent leur intimité en se fermant aux places. En travaillant le plan, on module alors la relation entre l’espace privé et public sans avoir recours à des grilles.

Coupe A

Coupe B

AmĂŠnagement des berges Renouer mobilitĂŠ, espaces publics et domestique

Site parking Partant d’une requête formulée par villageois au gouvernement, je propose de réaliser un parking permettant d’accueillir les bus de touristes. Afin de préserver le village existant d’un afflux de touristes au sein de ses ruelles vécu comme une nuisance, tout en répondant à leur besoin en termes de commerces, j’aménage une résidence relativement close dont le front bâti au sud module la relation à son environnement. D’un côté se développent des commerces là où la configuration en redans des Small Houses multiplie la porosité de l’ensemble avec la rue. De l’autre côté, l’intérieur de la résidence comprend plusieurs espaces partagés profitant de l’ombre portée par les Small Houses.

AmÊnagement autour d’un nouveau parking Concilier tourisme et vie quotidienne

L’organisation des vides

L’architecture, comprise comme le dessin d’un édifice, occupe une place particulière au sein de la stratégie d’intervention dans l’espace suburbain de Sha Tau Kok que j’ai élaboré. Les dimensions fixées par la SH Policy et la volonté des villageois de maximiser la surface construite à moindre coût, couplées au contexte plus large du secteur de la construction hongkongais permettent difficilement de s’écarter du modèle actuel de la boîte en béton. Plutôt que dessiner une belle maison bioclimatique qui serait anecdotique, il me semble plus réaliste de travailler l’aménagement en plan de l’intérieur des SH et de leurs agencements. Comme on peut le voir en maquette, je me suis concentré sur le travail des vides entre les bâtiments, leurs configurations intérieures mais fait peu de cas des questions de styles. Se côtoient alors dans mon projet des SH telles qu’elles existent, de différentes couleurs, avec parfois un fronton triangulaire, parfois une écriture plus soignée.

Les scenarios Cette série de dessins présente différentes situations spatiales que la stratégie que j’ai mise en place permet de créer. Ils illustrent le paysage que génèrent les nouveaux tipes de SH et leur capacité à qualifier des espaces de rencontre. A l’échelle du logement ou d’un quartier, ces lieux permettent la cohabitation et l’échange entre les différentes populations.

Orienter l’urbanisation à venir de Sha Tau Kok en ab

Génération de continuités spatiales par la création d’équipements et le dévelo A plus grande échelle, ce paysage métropolitain assure la cohésion du territoire et contribue à l’intégration interrégionale de Hong Kong avec Shenzhen. Ces cartes présentent le possible développement de l’urbanisation de Sha Tau Kok jusqu’en 2047 en s’appuyant, comme on l’a vu, sur la polarisation du territoire avec des interventions ciblées sur les terrains publics, et une modification de la SH Policy permettant l’établissement de nouvelles formes urbaines.

bsence de planification

oppement des Small Houses

Parc naturel Shenzhen

417 Maisons de village 5,000 Habitants

P

Hong Kong

BIO

P

BIO

2013 Sentier de randonnĂŠe et de patrimoine

P

P

Centre BIO touristique

IO

Parc, aire de jeux

P

Parking

BIO

Eco-farm (existe depuis 2012)

BIO

P

P 0

200

400

600

800

1000 mètres

Parc naturel Shenzhen

542 Maisons de village 6,500 Habitants

P

Hong Kong

BIO

P

BIO

2023

Jardin partagĂŠ

P

Maison de retraite Parc, aire de jeux

P

P

BIO

P

Piste cyclable au long de la fleuve 0

200

400

600

800

1000 mètres

Parc naturel Shenzhen

704 Maisons de village 8,400 Habitants

P

Hong Kong

BIO

BIO

2033

P

P

Jardin partagé

P

École

IO

P P

Piste cyclable au long de la fleuve Piste cyclable travsée du bois

0

200

400

600

800

1000 mètres

Parc naturel

Guangdong Shenzhen

915 Maisons de village

HK Geoparc

10,900 Habitants

P

Hong Kong

BIO

BIO

2047: La dissolution de la frontiere Entrée du parc régional

P

Jardin partagé

P

P

Parc, aire de BIO jeux Hub de transport interregional Rue commerciale BIO (Chung Ying Street)

BIO

P

BIO

P

Pier allé au HK geoparc et la partie de nord-est Nouvelles Territoires

P 0

200

400

600

800

1000 mètres

Conclusion A travers cette étude de Sha Tau Kok la question initiale d’une alternative à la logique des réseaux se solde par une remise en question du rôle de l’architecte. En travaillant dans un territoire suburbain, les conditions d’émergence des formes urbaines deviennent le premier enjeu du projet, avant même le dessin de la forme architecturale. Au delà du cas spécifique de Sha Tau Kok, ce projet affirme ma conviction de la nécessité de replacer les territoires dits périphériques au cœur des projets métropolitains.