ROSEMONDE
CLIENT: Musée de la civilisation BROUE Octobre 2019 (mise à jour le 1er novembre 2019)
«Broue» se fait mousser au musée
Photo: Agence Icône La scénographie remarquable de l’exposition nous amène littéralement dans les coulisses de «Broue», de la taverne à la salle de maquillage.
Ralph Elawani Collaborateur 1 novembre 2019 Culture
C’est un monde d’hommes d’une autre époque, à l’odeur de Barbasol, d’Aqua Velva et de Brylcreem. Un monde de Tancrède, de Roger, d’Alcide et de Ti-Rat ; d’anonymes chambreurs qui tordent le cou des Molson pour se donner du courage. Des hommes qui tiennent le coup en se gardant pompette, pour paraphraser un vers de l’écrivain Michel Garneau, dont un florilège de ses 60 ans de carrière paraît ces jours-ci à L’Oie de Cravan. C’est qu’il ne rajeunit pas, le traducteur de Cohen et de Shakespeare, qui a refusé le prix du Gouverneur général (trop canadian) en 1978. À cet âge-là, on tombe malade facilement. Remarquez, déjà en 1979, Garneau était trop mal en point pour écrire une pièce à partir de rien sur la vie de taverne… Une affaire pour trois gars qui opéraient un théâtre sur la Main avec 25 cennes et deux bières. « On achevait de peindre la toilette et de rentrer la machine à Pepsi et on n’avait pas de texte », résume un certain Michel Côté. À cette époque, le comédien partageait son temps entre le tournage d’Au clair de la lune, d’André Forcier, les premières coliques de son fils et la préparation d’une pièce qui risquait fort de ne rester qu’une semaine à l’affiche : Broue. Une oeuvre qui allait finalement être écrite par un groupe de scripteurs (notamment Claude Meunier, Louis Saïa, Jean-Pierre Plante et Francine Ruel). Quarante ans et 3322 représentations plus tard, le phénomène théâtral nous revient sous forme d’exposition au Musée de la civilisation, accompagné de photos sur le monde des tavernes signées Alain Chagnon. Le lieu est brun et blond. Enfin, baigné d’une lumière houblonnée. De petites tables en formica, le genre sur lesquelles les pères ont longtemps tapé du poing en répétant « Écoute ta mère », sont regroupées au centre de la salle où s’ouvre l’exposition, sous un nuage de bouteilles ambrées. Taverne nationale, un bouquin de Dominic Marcil et d’Hector Ruiz, traîne sur l’une des tables. L’exposition Broue. L’homme des tavernes débute ainsi, avec une série de photographies documentaires d’Alain Chagnon.
Photo: Agence Icône
Le génie des 66 clichés se trouve dans leur humanité. Chagnon est à des lieues du « vouèreux » en quête d’un sujet. Son aventure dans le monde des tavernes est photographique à seulement 5 %, peut-on lire sur les murs foncés de la salle où un vitrail rappelle la séparation entre le monde extérieur et le monde intérieur, où on remplit les tables à coups de draft à 10 ¢. C’est en 1921, avec l’adoption de la Loi sur les boissons alcooliques, que la province devient « l’unique endroit en Amérique du Nord où la prohibition n’a pas force de loi ». La taverne s’avère alors un lieu de socialisation incontournable, notamment pour les travailleurs. « Jusqu’à l’avènement des brasseries, au milieu des années 1960, nul autre débit de boissons alcooliques ne vend de la bière en fût », peut-on lire dans la revue d’histoire Cap-au-Diamand. En 1937, le gouvernement Duplessis interdit l’entrée aux femmes, sous prétexte que le lieu est inapproprié. Il en sera ainsi durant plus de 40 ans. Dans le documentaire L’homme des tavernes, réalisé par Pierre Gayraud et Giselle Kirjner en 1973, on peut entendre certaines femmes s’en plaindre, alors que l’écrivain Patrick Straram affirme y voir un lieu de solidarité. Gaston Miron, quant à lui, y diagnostique « un lieu fantasmique de compensation » où le colonisé met en pratique ses « valeurs refuges » et son « peu de responsabilités », au sein d’un environnement où se vit une forme « d’homosexualité latente ».
Si cette dernière remarque de Miron dans le documentaire fait rouler des yeux jusque dans le lobe occipital, le reste de son constat cadre parfaitement avec l’idée de la pièce de 1979 qui donne son nom à l’exposition. La scénographie remarquable de celle-ci nous amène littéralement dans les coulisses de Broue, de la taverne à la salle de maquillage, rappelant par la bande que la force des 18 personnages joués par le trio formé par Michel Côté, Marcel Gauthier et Marc Messier repose bien plus sur la vulnérabilité que sur le ressort comique. Claude Meunier, lors de la conférence de presse, résumait le tout ainsi : « Broue, pas de texte, c’est des mimes de gars chauds. » Côté le confirme : « Broue n’aurait pas eu cette vie si les sketchs n’avaient été que des coups de pied dans le cul. » Brailler dans son bock La pièce arrive dans le répertoire québécois l’année où les femmes entrent finalement dans les tavernes et où la réalisatrice Paule Baillargeon tourne le classique féministe La cuisine rouge, lequel propose en quelque sorte une fable sur l’envers de la ségrégation cautionnée par la « saoulologie ». Francine Ruel souligne l’aspect dramatique de certains personnages créés pour la pièce : « Je savais qu’aucun des gars n’écrirait un sketch sur un homme qui pleure à la taverne, même si tout ce que j’entendais, c’était des histoires de gars qui braillent dans leur bière à 10 h du matin. C’est ce que j’ai fait. » Notons qu’en plus de faire pleurer les buveurs, Ruel a pu faire entrer une femme dans Broue… par la voix de la radio. Un peu comme si la réalité extérieure trouvait une faille pour rejoindre un monde anachronique. Broue. L’homme des tavernes : phénomène de société et oeuvre culte est présenté jusqu’au 3 janvier 2020 au Musée de la civilisation de Québec.
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Édition du 30 octobre 2019 - Section ARTS ET ÊTRE - Écrans 1 et 13
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La taverne, pour rire et pleurer
PHOTO PASCAL RATTHÉ, LE SOLEIL
Les comédiens de Broue Marc Messier, Marcel Gauthier et Michel Côté
(Québec) Pour quiconque est né après les années 60, la taverne représente un lieu mystérieux, caverneux, à jamais disparu. Que reste-t-il dans l’imaginaire québécois de ces bars où les femmes étaient interdites d’entrée ? Publié le 30 octobre 2019 à 7h30
GABRIEL BÉLAND LA PRESSE
C’est à cet univers, et à la pièce de théâtre mythique qui l’a si longtemps incarné, qu’est consacrée la toute nouvelle exposition du Musée de la civilisation à Québec.
Broue – L’homme des tavernes s’articule autour des décors et des costumes de la pièce portée pendant 38 ans par Michel Côté, Marcel Gauthier et Marc Messier. Les créateurs de Broue avaient fait don de ces saintes reliques au musée en 2018. Mais le musée a élargi le spectre, en joignant à l’exposition une série de clichés méconnus pris en
1974 par le photographe Alain Chagnon à la défunte Taverne de Paris, rue Saint-Denis, à Montréal.
PHOTO PASCAL RATTHÉ, LE SOLEIL
L’effet, plutôt réussi, permet de donner à l’exposition un caractère quasi sociologique où deux visions de la taverne se côtoient : celle avant tout bon enfant de Broue et celle plus sombre de Chagnon. « Quand on a appris en 1979 que la loi était passée, que les femmes rentraient dans les tavernes, on a su que c’était une bonne idée de spectacle », se souvient le comédien Michel Côté. Les créateurs de Broue ont dépeint un univers de la taverne tel qu’ils le percevaient, alors qu’ils étaient vingtenaires ou jeunes trentenaires.
« À Alma, quand j’étais jeune, on allait à la taverne avant d’aller au gril en haut parce que la draft coûtait 15 cents. Alors on prenait trois, quatre verres pour se dégêner et aller cruiser des filles ensuite. » — Michel Côté « Ç’a été ça, la relation de ma génération avec la taverne. On n’était pas des piliers », dit-il. Pour écrire certains sketches qui composent la pièce, Claude Meunier raconte s’être inspiré de personnages qui fréquentaient sa taverne favorite, avenue du Parc. Le personnage de Pointu était l’un des habitués du lieu. Il travaillait au Forum comme gardien de sécurité. « Il buvait toute la soirée et il partait toujours chaud en autobus avant d’aller travailler », se souvient Meunier. « Un soir, Pointu s’était pogné avec Travolta, le pyromane qui partait des feux sur Parc ! Ç’a donné une scène dans Broue. »
Claude Meunier et Louis Saïa, un autre des auteurs, se souviennent d’un monde parfois triste, mais aussi saugrenu et absurde.
PHOTO PASCAL RATTHÉ, LE SOLEIL
« C’était une taverne ben, ben drôle. Ils faisaient tirer une dinde à Noël, et une baguette de pool », lance Meunier. L’exposition du Musée de la civilisation illustre bien cet aspect de la taverne. L’une d’elles a même été recréée. Le visiteur peut déambuler dans la taverne reconstituée et écouter des extraits audio, lire des coupures de journaux, se replonger dans ce lieu exclusivement masculin. Puis l’exposition s’intéresse à Broue, à ses coulisses, à la scène, etc.
Le côté sombre de la taverne La salle consacrée aux photos d’Alain Chagnon, qui n’ont pas été exposées depuis 1974, présente une facette plus triste de la taverne, lieu de prédilection des laissés-pour-compte. Chagnon avait documenté la réalité des habitués de la Taverne de Paris. « Je pense qu’ils n’aimaient pas trop l’image qu’ils reflétaient d’eux-mêmes. Ils ne regardaient pas le hockey au grand écran en riant et en se tapant sur la bedaine. C’était plus triste que ça. » Le photographe se souvient d’un jour où un client était venu le voir avec deux petites photos en noir et blanc dans ses mains. « Il m’avait demandé de les agrandir. C’étaient des photos de sa femme et de sa petite fille qu’il ne voyait plus depuis de nombreuses années. » « C’est ça, ma taverne à moi », dit Chagnon. Mais sa « taverne à lui » et celle de Broue se rejoignent parfois. Tout comme les personnages de la pièce, les sujets de Chagnon se réfugiaient à la taverne pour échapper à leur réalité. Michel Côté croit que la taverne, malgré tous ses défauts, occupait une place importante pour ces hommes.
« Après trois, quatre bières, la vie devenait un peu plus rose. Et ils avaient la chance de prétendre auprès des autres qu’ils étaient importants, en sachant très bien, eux, qu’ils ne l’étaient pas, ni à la maison, ni au travail, ni socialement », estime le comédien. « Nos 18 personnages ont un fond dramatique. On voit bien qu’ils sont malheureux, dit-il. Et je pense que sans ce fil dramatique, Broue n’aurait pas aussi bien marché. » C’est le gouvernement de Maurice Duplessis qui avait interdit les tavernes aux femmes, en 1937, contrairement aux brasseries. En 1979, le gouvernement québécois a mis fin à cette ségrégation anachronique. Voilà que 40 ans plus tard, la taverne et Broue entrent au musée.
Broue – L’homme des tavernes est présentée par le Musée de la civilisation jusqu’au 3 janvier 2021. © La Presse (2018) Inc. Tous droits réservés.
COMMUNIQUÉ BROUE. L’HOMME DES TAVERNES
Pour diffusion immédiate
: PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ ET ŒUVRE CULTE
Québec, le 29 octobre 2019 – C’est en compagnie des trois comédiens Michel Côté, Marcel Gauthier et Marc Messier, d’Alain Chagnon, photographe-documentariste, et en présence également des auteurs Claude Meunier, Jean-Pierre Plante, Francine Ruel et Louis Saïa, que le directeur général du Musée de la civilisation, Stéphan La Roche, inaugure l’exposition Broue. L’homme des tavernes, qui ouvre dès le 30 octobre 2019 au Musée de la civilisation à Québec. Présentée par Molson Export, cette exposition inédite s’articule autour du phénomène des tavernes des années 1970, dont la légendaire pièce de théâtre Broue constitue un témoin notoire. De nombreux documents, notamment d’archives – coupures de presse, reportages, entrevues- en plus de retracer l’histoire du succès de Broue, racontent le tumulte causé par l’arrivée des femmes dans ces lieux réservés aux hommes, l’évolution de la société québécoise et tout ce que la taverne incarne socialement et culturellement. C’est ce sujet, dense, qui s’expose en deux dimensions : le théâtre et la réalité. On y révèle l’envers de la pièce de théâtre culte, du contexte de sa création à sa représentation, en passant par un accès inédit aux pensées et réflexions de ses artisans. Dans les coulisses, déambulant dans l'ensemble des décors, des accessoires et des costumes originaux de la pièce, aidé par de nombreux éléments audiovisuels, le visiteur s’imprègne complètement de l’univers de Broue, en mode immersif, vivant l’expérience théâtrale de l’intérieur. Appuyé par l’exceptionnelle série de photographies documentaires intitulée La taverne réalisée en 1974 par le photographe Alain Chagnon, le visiteur plonge au cœur d’un sujet de société : l’homme, sa taverne, sa place dans un Québec en plein changement. Il poursuit son parcours à travers la lentille du photographe, partant à la rencontre d’hommes à la taverne, entrant dans leur intimité, découvrant leur histoire. Hommes dont le couple est brisé, petits travailleurs à faibles revenus, le photographe capte leur humanité et montre la taverne pour ce qu’elle représente pour eux : un lieu social d’échanges, d’amitié, un refuge appelé à disparaître… Que ce soit les personnages de Broue ou les hommes des photographies d’Alain Chagnon, ils ont tous ceci en commun : ils sont touchants et nous renvoient à notre propre humanité. Présentée jusqu’au 3 janvier 2021, cette exposition fait suite à la donation de l’ensemble des décors, des accessoires et des costumes de la pièce de théâtre Broue au Musée de la civilisation par Michel Côté, Marcel Gauthier et Marc Messier en avril 2018.
Citations : « Au-delà de l’humour de la pièce Broue, il y a toute la vérité de ces hommes et d’une époque, qu’on retrouve aussi dans l’œuvre d’Alain Chagnon. Musée de société, de l’humain et de ses identités, le Musée de la civilisation est heureux d’offrir cette exposition, permettant une incursion dans les coulisses de cette pièce au succès inégalé qui a marqué le Québec, et rendant hommage à la fragile, simple et touchante poésie de la condition humaine. -Stéphan La Roche, directeur général, Musée de la civilisation
« Après des milliers d’années d’évolution, on se doutait bien qu’un jour l’Homo sapiens finirait par sortir de sa taverne. » -Michel Côté, comédien
« J’espère que le public aura autant de plaisir à visiter l’exposition que nous en avons eu à jouer Broue pendant 38 ans. À votre santé! » - Marcel Gauthier, comédien « Merci d’avoir été là pendant toutes ces années! De nous avoir accordé le privilège de vous faire rire, d’avoir fait que certains soirs plus tristes, on se sente utiles... Et croyez-nous, le bien qu’on a pu vous faire, vous nous l’avez rendu et, plus encore, par votre accueil chaleureux, par votre écoute, par votre enthousiasme! » -Marc Messier, comédien
« J’ai voulu illustrer un aspect de la vie québécoise, la taverne. J'y ai passé plusieurs heures et j'y ai lié des connaissances. Cela m'a permis d'aller chez des gars pour jaser, partager leurs confidences et les photographier. » -Alain Chagnon, photographe-documentariste
« C’est un grand honneur pour la brasserie Molson de s’associer au Musée de la civilisation pour la présentation de cette exposition qui rend hommage à une œuvre québécoise mythique. De génération en génération et depuis plus de 230 ans, nous nous sommes efforcés d’offrir aux gens des produits brassicoles de qualité pour tous ceux qui aiment se rassembler avec leurs proches pour échanger et créer des souvenirs autour d’une bonne bière. Nous avons toujours cru au caractère rassembleur de la bière, et cette exposition aura certainement elle aussi pour effet d’unir les gens autour d’une histoire qui fait partie de notre patrimoine culturel québécois qui a su perdurer au fil du temps. » -Andrew Molson, président du conseil d’administration de Molson Coors Brewing Company et membre de la 7e génération de la famille Molson
– 30 – Liens connexes : Musée de la civilisation : www.mcq.org et www.youtube.com/user/mcqpromo Relations de presse : Québec : Anne-Sophie Desmeules, 418 643-2158, poste 208; courriel : anne-sophie.desmeules@mcq.org Montréal : Rosemonde Gingras : 514 458-8355; courriel : rosemonde@rosemondecommunications.com