Pavillon des Indiens du Canada

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L'ARCHITECTURE SYMBOLIQUE L322B RAPPORT D'ÉTUDES 2020-2021

PRÉSENTÉ PAR Camille Person

Le pavillon des Indiens du Canada à l'Expo 67, Montréal

SOUS LA DIRECTION DE Brice Chapon



Sommaire Avant-Propos Le pavillon des Indiens du Canada . . . . . . . . . . . . . . . 3 Les intervenants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Expo 67, un évènement exceptionnel Un climat politique singulier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Terre des Hommes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6-7 La production du pavillon L’architecture symbolique et son iconographie . . . . 7-8 Le renouveau dans l’art contemporain autochtone . . . 9 Un emplacement symbolique . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12-13 Annexe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14-15


Note sur les dénominations L’utilisation des termes « Indien » ou « Amérindien » dans ce texte est utilisée dans un sens juridique ou pour reprendre les termes du contexte historique spécifique dans lequel on se trouve. Dans la mesure du possible les termes Premières Nations, Métis et Inuits, premiers peuples et peuples autochtones seront employés. Il est important de noter aussi qu’il est toujours préférable de parler des membres des peuples autochtones en faisant référence à leur identité ou à leur nation propre. Dans ce rapport, nous parlons souvent de groupes rassemblant plusieurs nations différentes et c’est pourquoi le terme, plus général, de « premiers peuples » et « peuples autochtones » est utilisé. De même, le nom du ministère qui traite avec les autochtones, les Inuits et les Métis, a changé. Nous conservons ci-dessous le nom qu’il portait dans les années 1960 : ministère des Affaires indiennes.

Avant-propos Le pavillon des Indiens du Canada Le pavillon des Indiens du Canada est un pavillon construit en 1966 à l’occasion de l’Exposition universelle de 1967 (Expo 67) à Montréal. Il se trouve sur la nouvelle île Notre-Dame, construite spécialement pour Expo 67. On trouve à proximité les autres pavillons faisant partie du complexe Canada tels que le pavillon canadien, le pavillon des provinces de l’Ouest, le pavillon du Québec et le pavillon des provinces atlantiques. Le pavillon se démarque par son architecture rappelant la forme d’un tipi, par ses œuvres d’art, mais surtout par son exposition dénonciatrice qui surprend tous les visiteurs. Le bâtiment sera démoli en 1989 après avoir changé de fonctions de nombreuses fois. Les intervenants La conception de ce pavillon s’est déroulée dans des circonstances particulières. En effet, plusieurs groupes gouvernementaux et représentants autochtones ont joué un rôle dans l’élaboration du pavillon. Initialement, c’est le Conseil national des Indiens (CNI), la principale instance représentant les peuples autochtones à travers le pays, qui a poussé l’idée d’un pavillon unique pour les Premières Nations auprès du ministère des Affaires indiennes (maintenant Affaires autochtones et du Nord Canada, AADNC). Le ministère des Affaires indiennes en 1965 accorde un pavillon unique aux Premières Nations et nomme J. W. Francis, un de leur architecte, en charge de la conception. L’architecte devra toutefois considérer l’avis d’un groupe de consultation, le Comité consultatif indien, formé de neuf membres autochtones choisis par le Ministère, en plus des avis des artistes en charge des œuvres extérieures. Finalement, une branche de force spéciale des Affaires indiennes est créée pour superviser l’exposition intérieure du pavillon.

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Introduction Lorsque l’on analyse un édifice, chaque élément constitutif est porteur des valeurs sociales et culturelles identitaires d’un peuple ou d’un lieu. En jouant sur la dimension sémiologique de l’architecture et sur la symbolique de ses composants, un bâtiment peut transmettre de nombreux messages. C’est cet aspect symbolique de l’architecture qui m’a amené à m’intéresser au pavillon des Indiens du Canada de l’Expo 67 à Montréal, en plus des questions socio-politiques essentielles qu’il soulève concernant les droits des premiers peuples au Canada. L’Exposition universelle de 1967 à Montréal est une grande fête célébrant le 100e anniversaire de la confédération au Canada et les grandes innovations technologiques de l’époque. L’Expo 67 est aussi la première exposition où les peuples autochtones d’Amérique du Nord ont un contrôle sur leur participation à l’événement1 . Le fait que le gouvernement accepte en 1965 d’accorder un pavillon indépendant aux peuples autochtones est une première occasion pour ces derniers de montrer aux visiteurs du monde entier leur version du dernier siècle depuis la signature de la Confédération. La mise en place de ce projet a nécessité l’intervention de nombreux représentants du gouvernement canadien et des premiers peuples. La divergence entre les objectifs des différents groupes quant à l’image que doit projeter ce pavillon apparaît rapidement dans sa conception. Ce pavillon nous permet donc de nous questionner sur plusieurs sujets tels que l’utilisation de symboles en architecture, de la sémiologie architecturale et de l’architecture comme expression du colonialisme dû aux conflits de l’époque. Comment l’utilisation de symboles en architecture joue sur la perception du public et l’image projetée d’un bâtiment ? Comment les choix iconographiques du bâtiment expriment un indéniable colonialisme et les conflits entre le gouvernement et les peuples autochtones ? Quand l’architecture peut-elle enfermer une culture dans ses stéréotypes ? A-t-on pu échapper à certains clichés, ou l’esthétique générale les a-t-elle renforcés ? Quels pourraient être les moyens de résistance des cultures qui n’acceptent pas le miroir déformant que leur tend les autres ? Nous répondrons à ces questions en commençant par discuter d’Expo 67 et de son cadre surréaliste permettant la création du pavillon des Indiens du Canada. Nous allons ensuite analyser la conception du pavillon et les intentions derrière celle-ci. Nous terminerons en commentant le choix symbolique de l’emplacement du pavillon. Pour réaliser l’étude de ce pavillon j’ai croisé les publications de revues et de journaux de l’époque avec des travaux universitaires plus contemporains sur la question, en plus de quelques livres traitant du pavillon. Selon les documents, des thèmes et problématiques différents sont soulevés ; ces axes m’ont permis d’avoir une vision globale du projet.

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Il y avait eu six expositions universelles en Amérique, toutes aux États-Unis.

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I / Expo 67, un évènement exceptionnel Un climat politique singulier Comme partout dans le monde, les années 1960 sont une période de grands changements pour le Canada. Un mouvement de fierté naît au sein des Premières Nations, des Métis et des Inuits et, en 1961, le Conseil national des Indiens (CNI) voit le jour afin de représenter les autochtones à travers le pays. C’est aussi durant cette période que des réformes sont proposées concernant la loi sur les Indiens et les droits des Indiens inscrits2. Les relations entre le gouvernement canadien et les peuples autochtones commencent donc à changer, mais restent difficiles. C’est aussi durant ces années que le pays accueille l’Exposition universelle de 1967 qui célébrera le centenaire de la confédération. En 1962, le Bureau international des expositions (BIE) approuve Montréal comme ville où tenir la prochaine exposition et les préparatifs commencent sans tarder. C’est l’occasion pour le Canada de montrer au monde entier comment il perçoit leur nation et de projeter une image positive du pays. Initialement, la commission chargée de l’exposition (la Compagnie canadienne de l’Exposition universelle de 1967) a prévu un seul pavillon Canadien où serait inclus, dans la partie pré-confédération, les Premières Nations. De cette manière, les peuples autochtones sont exclus de l’histoire principale en plus du thème de la célébration qui vise à fêter les cent ans du pays. De plus, le gouvernement du Canada avait ainsi le contrôle total sur le récit transmis concernant les premiers peuples et leur « adaptation » à la société moderne : des peuples autochtones exclus et vivant dans le passé (pré-1867). Suite à la pression constante du Conseil national des Indiens sur la Commission de l’exposition pour obtenir son propre pavillon, cette dernière le leur accorde en 1965. Des pavillons pour les provinces seront aussi construits. À la demande du CNI le pavillon sera privé, malgré le financement du gouvernement fédéral. La Commission et le gouvernement souhaitent désormais intégrer dans le processus de construction de l’exposition des intervenants autochtones pouvant représenter la voix de leurs peuples. Le Conseil consultatif indien sera alors mis en place. Un rapport du ministère des Affaires indiennes mentionne toutefois qu’il faut travailler avec les « bons » autochtones, ce qui en dit long sur leur mode de pensée 3. De plus, le ministère des Affaires indiennes sera chargé de superviser tout le processus tournant autour du pavillon des Indiens du Canada et les membres autochtones du comité consultatif seront choisis par le Ministère. Même J.W. Francis, l’architecte du pavillon, est un employé du gouvernement. Il est donc difficile pour les deux groupes de s’entendre par moment et de trouver un équilibre entre le besoin de contrôle du gouvernement et le désir des Premières Nations d’exprimer leur réalité.

2 En 1961 l’article 112 de la loi sur les Indiens concernant l’émancipation obligatoire des Indiens sera abrogé et le 31 mars 1960 les Indiens inscrits peuvent voter sans perdre leur statut d’Indien. 3 Phillips, Ruth B. et Sherry Brydon. Museum Pieces: Toward the Indigenization of Canadian Museums. McGill-Queen’s University Press, 2011, p.31

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Terre des Hommes

Figure 1: Terres des Hommes / Man and His World, [1967], © Gouvernement du Canada. Librairie et Archives Canada (2015).

Figure 2 : Corps principal du pavillon en acier et en bois Pavillon des Indiens du Canada, [1967], © Gouvernement du Canada. Librairie et Archives Canada (2015)

Le thème central pour Expo 67 est Terre des Hommes, un thème reprenant le titre d’un ouvrage d’Antoine de Saint-Exupéry. Ce thème se divise en cinq sous-groupes : L’Homme et son génie créateur, L’Homme interroge l’Univers, L’Homme à l’œuvre, L’Homme et l’agriculture et L’Homme dans la cité. Ce thème très vague permet une interprétation assez libre par les participants, mais il est clair que les accomplissements de l’Homme sont à l’honneur. Parmi les 62 pays présents et les 70 exposants privés, on trouve une grande variété entre les pavillons, mais tous ont en commun une architecture innovatrice ou des matériaux novateurs pour l’époque. Le but de l’Expo 67, tout comme les expositions universelles précédentes, a comme objectif de montrer les grandes avancées de l’époque et d’afficher les innovations dans le domaine de l’architecture. C’est une occasion pour les pays et les architectes de se démarquer par l’architecture de leur pavillon. Le pavillon des Indiens du Canada par sa nature même ne colle pas au thème de l’exposition. Il est encore difficile à l’époque de montrer un pavillon sur les Premières Nations qui ne joue pas sur l’image traditionnelle qu’ont les gens des autochtones. Le pavillon se trouve dans une position ambivalente entre tradition et adaptation au contexte moderne de l’exposition. La revue Architecture-bâtiment-construction classe les pavillons de l’exposition en trois catégories : «1) ceux dont le pavillon reflète l’architecture traditionnelle; 2) ceux qui ont conçu une architecture de prestige, spécialement adaptée à l’événement international ; 3) ceux qui ont opté pour une architecture tout à fait originale, mettant en œuvre des modes de construction et des matériaux inusités.»4 Le pavillon des Indiens du Canada ne rentre dans aucune de ces catégories. À l’exception de la forme de tipi rappelant les habitations traditionnelles des peuples nomades autochtones des Grandes plaines, aucun élément ne

4 Varry, Jacques. « L’exposition universelle de 1967 en chantier ». ARCHITECTURE -Bâtiment-Construction, vol. 21, no. 248, décembre 1966, p. 21 https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2673829?docsearchtext=architecture%20b%C3%A2timent%20construction%20expo%2067.

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se rapporte à la culture traditionnelle des Premières Nations. Les matériaux utilisés, le bois, l’acier et le vinyle ne sont pas utilisés de manière innovante et ne font pas ressortir le pavillon face aux autres bâtiments futuristes de l’exposition. Le pavillon reste ancré dans le passé. Les descriptions des pavillons dans le guide officiel de l’exposition nous font aussi comprendre l’importance accordée aux matériaux et à l’aspect moderne et innovant de chaque bâtiment. Contrairement aux autres édifices, le guide ne fait aucune mention du choix des matériaux ou du design du pavillon dans le guide. À la place, la description se concentre sur l’aménagement paysager et la nature autour du pavillon ainsi que sur les œuvres d’art des artistes autochtones5. Cela à pour conséquence de figer les Premières Nations dans une autre période historique désuète régi par les traditions et la nature, loin de l’époque contemporaine.

II / La production du pavillon L’architecture symbolique et son iconographie En 1965, lorsque la décision a été prise de construire le pavillon des Indiens du Canada, le Comité consultatif a eu à peine le temps de se regrouper que les plans et le modèle étaient déjà bien avancés. Lors de la première rencontre entre le Comité, l’architecte et les artistes devant travailler sur le bâtiment, J.W. Francis arrive avec un projet presque abouti sans avoir consulté les autochtones qui devaient donner leur opinion sur le projet. Sous prétexte que le temps pressait et que beaucoup d’argent avait été déjà investi dans le pavillon, le projet sera approuvé par tous les partis.

Figure 3 : Plan du pavillon des Indiens du Canada [dessin d’architecture] Compagnie canadienne de l’Exposition universelle de 1967. Département de l’aménagement. 1968

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Figure 4 : Photographie de l’ensemble du projet © Succession George Clutesi. Photo : Bibliothèque et Archives Canada,1970

5 Rogers, Randal A. « Man and His World: An Indian, a Secretary and a Queer Child. Expo 67 and the Nation in Canada ». Thèse Concordia University (Canada), août 1999. p. 27 https://login.proxy.bib.uottawa.ca/ login?url=https://www-proquest-com.proxy.bib.uottawa.ca/dissertations-theses/man-his-world-indian-secretaryqueer-child-expo/docview/304527464/se-2?accountid=14701.


La particularité principale du pavillon qui a été construit est son corps principal de prêt de 100 pieds6 (environ trente mètres) de hauteur rappelant la forme d’un tipi. Sa base à six côtés et sa structure sont en acier recouvert de vinyle, pour rappeler vaguement les peaux d’animaux qui habillent traditionnellement les tipis. À sa base se trouve six blocs identiques en forme d’hexagones censés représenter l’unité entre les différents peuples autochtones. À l’entrée du bâtiment se trouve aussi un totem de 65 pieds de hauteur (près de vingt mètres), un élément visuel clé du pavillon. L’architecte souhaite utiliser au maximum l’espace limité disponible pour le pavillon et souhaite attirer les visiteurs grâce à la verticalité du bâtiment qui doit se démarquer des autres pavillons de l’exposition. Il a aussi volontairement fait un bâtiment très « indien » pour que les visiteurs s’y intéressent. Quant à la conception des espaces intérieurs, J.W. Francis a voulu faire référence à d’autres habitations traditionnelles autochtones telles que la maison longue des Iroiquiens de l’est du Canada. L’architecte a donc utilisé volontairement deux symboles facilement reconnaissables par le public : le tipi et le totem. Ces deux symboles ont été la cible des médias populaires au courant du XIXe et XXe siècle, et ont été largement parodiés ou ridiculisés. Les visiteurs reconnaissant ces symboles seront attirés par le pavillon en faisant le lien entre l’image qu’ils ont des tipis dans les médias et la forme évocatrice du pavillon. C’est le cliché qui fonctionne à plein. Ces figures sont aussi très réductrices de l’identité culturelle des premiers peuples. Il est difficile pour les peuples autochtones de faire reconnaître la diversité culturelle qui existe parmi les différents groupes qui les composent et l’utilisation de ce type d’iconographie a comme effet d’homogénéiser la culture architecturale de ces peuples. On peut même argumenter que par l’utilisation de stéréotypes tels que le totem et la forme du tipi, deux symboles du début de la colonisation, l’architecture du pavillon est donc une expression du colonialisme. C’est encore l’image que se fait l’« homme blanc » des premiers peuples, une image qui dépasse guère celle de la littérature des westerns à cinq cents de l’époque. Malgré le manque de maîtrise sur la conception architecturale du pavillon, l’important est que les visiteurs soient attirés par le bâtiment. Ce choix iconographique est donc à leur avantage dans ce contexte. La partie la plus importante du pavillon est l’exposition sur laquelle les Premières Nations ont pu avoir beaucoup plus de contrôle et ainsi pu exprimer leur vraie histoire et les injustices qui leur ont été faites. À l’époque, ce n’est absolument pas l’architecture qui heurte le public, mais bien cette exposition.

6 Dans notre documentation, les dimensions sont dites « impériales » (pouce, pieds, etc.). Le Canada adoptera le système métrique dans les années 1970. Par soucis d’exactitude, nous les donnons telles quelles.

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Un renouveau dans l’art contemporain autochtone Les œuvres d’arts et les murales sont aussi une partie cruciale du projet. C’est indéniablement la partie du pavillon qui a laissé un héritage marquant, plus que l’architecture du pavillon ou son exposition. Plusieurs artistes autochtones de partout à travers le pays ont été engagés pour réaliser un programme artistique à l’intérieur, mais surtout à l’extérieur du pavillon. Parmi ces artistes on trouve : l’artiste Tseshaht George Clutesi, le peintre Anishinaabe Norval Morrisseau et son assistant Carl Ray, le peintre Anishinaabe Francis Kagige, le peintre Chipewyan Alex Janvier, l’artiste Cri Noel Wuttunee, l’artiste Kainai Gerald Tailfeathers, l’artiste Seneca Tom Hill, l’artiste Huron Jean-Marie Gros-Louis et finalement l’artiste Lakota Ross Woods. C’est la première fois que les artistes autochtones se regroupent ainsi pour travailler sur un projet et un objectif commun. Nombre de ces artistes dans leurs créations pour l’exposition intègrent des éléments artistiques de style moderne mélangé parfois à leur art plus traditionnel. Malgré un style artistique plus moderne, les thèmes abordés dans leurs œuvres restent proches de leurs cultures respectives, gardant ainsi un lien avec la tradition. Ces œuvres d’art contemporaines sont la démonstration de l’adaptation et de la survie des peuples autochtones à cette nouvelle modernité qui leur est imposée. C’est aussi un signe de la préservation de leur culture malgré les épreuves et les tentatives d’appropriations, voire d’anéantissement. Les représentants du gouvernement ont voulu censurer certains projets pour les rendre plus joyeux ou plus acceptables pour le public général, mais les artistes ont su leur tenir tête. La grande variété de peintures, de murales et de sculptures est aussi un symbole de la diversité culturelle et cette richesse des différents peuples autochtones vient contrebalancer l’homogénéité, la pauvreté, des symboles architecturaux du pavillon.

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Figure 5 : Murale par George Clutesi Photo par © Lillian Seymour, issue de https://expo67.ncf.ca/expo_indian_p3.html

Figure 6 : Murale de Norval Morrisseau. - Institut de l’art canadien [en ligne], 1967


III / Un emplacement symbolique Comme mentionné précédemment, suivant la volonté du Conseil national des Indiens, le pavillon est classé comme pavillon privé contrairement à tous les pavillons du complexe Canada qui font partie des pavillons nationaux. Parmi les pavillons du complexe on trouve : le pavillon canadien, le pavillon des provinces de l’ouest, le pavillon du Québec et le pavillon des provinces atlantiques. Tous ces pavillons se trouvent à la pointe de l’île Notre-Dame. Puisqu’il est un pavillon indépendant, il se trouve à côté du pavillon Chrétien et du pavillon des Nations Unis, deux autres pavillons indépendants. La proximité avec l’édifice des Nations Unis est un avantage pour inciter des personnes d’importance à visiter le pavillon et à diffuser leur message à des personnes influentes. Cette séparation du reste des pavillons canadiens affirme cette position d’indépendance voulue par les représentants des peuples autochtones. Dans la liste officielle des pavillons faisant partie d’Expo 67, il n’est pas listé comme faisant partie de l’ensemble canadien, mais grâce à sa proximité physique on comprend son lien avec les autres pavillons. Quant à son nom, pavillon des Indiens du Canada, on comprend son lien avec l’ensemble. Cependant, ce recul physique qui l’exclut du complexe Canada, considéré comme un lieu utopique de « terre des hommes » au centre des célébrations, l’écarte de cette image d’utopie canadienne. Plusieurs éléments culturels autochtones sont intégrés à travers le complexe canadien, que ce soit à travers les restaurants, les noms des lieux, des œuvres d’arts, et ce, afin de montrer la diversité du Canada. Ces éléments sont particulièrement mis à l’avant dans les brochures de l’exposition. On peut alors se demander quelles sont les véritables intentions derrière cette promotion. Pourquoi ne pas tout simplement intégrer le pavillon des Indiens au complexe pour qu’ils montrent directement leur culture ? Ou alors, le Canada a voulu contrôler l’image des Premières Nations aussi loin que possible, en dépit d’un pavillon qui se trouve écarté physiquement. Il n’est pas inutile de rappeler que beaucoup de membres des communautés autochtones ne se considèrent toujours pas canadiens. Somme toute, même l’emplacement du pavillon est représentatif et symbolique des relations ambivalentes entre les différents acteurs gouvernementaux et les peuples autochtones.

Figure 7 : Photo aérienne du Pavillon des Indiens du Canada, © Archives nationale du Canada, 1967

Figure 8 : Plan souvenir officiel Expo 67 (Pavillon des Indiens du Canada C-414), Éditions Maclean Hunter, 1967

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Conclusion Pour conclure, dans le cas du pavillon des Indiens du Canada l’utilisation de références culturelles dans l’architecture n’a fait que perpétuer les clichés de l’époque et consolider l’image fausse et archaïque des premiers peuples. Le gouvernement a gardé le contrôle sur l’architecture du pavillon malgré leur intention, plus symbolique que réelle, de vouloir faire participer les Premières Nations à la conception. Le choix des matériaux et la description officielle du pavillon nous font aussi comprendre l’intention des superviseurs d’ancrer les peuples autochtones dans le passé et la tradition allant à l’encontre du thème de la célébration. Par la suite, l’utilisation du totem et du tipi est une manière d’homogénéiser la culture architecturale des premiers peuples. L’emploi de symboles clichés connus du public permet cependant d’inciter les visiteurs à venir voir l’exposition. Pour équilibrer la pauvreté des symboles architecturaux, des artistes autochtones de partout à travers le Canada ont prouvé grâce à leur art la diversité et le succès de conservation de leur culture. Finalement, l’emplacement sur le site de l’exposition est une parfaite représentation de l’ambiguïté des relations entre le gouvernement canadien et les peuples autochtones. L’extraordinaire nature de l’événement a fait en sorte de procurer aux peuples autochtones une chance inédite de raconter aux Canadiens et au reste du monde leur vraie histoire. La création de ce pavillon représente un moment formateur de l’activisme des Premières Nations en politique. Rarement auparavant les peuples autochtones ne s’étaient rassemblé de cette manière pour travailler sur un objectif commun. Malheureusement, l’effet de l’exposition du pavillon aura été aussi éphémère que l’Expo 67. Le manque d’engagement des Canadiens face aux problèmes concernant les peuples autochtones est flagrant. Il faudra attendre presque 20 ans avant que de vrais changements ne soient faits concernant la situation des Premières Nations, des Métis et des Inuits7. Je retiens de cette analyse non pas le rôle de l’iconographie en architecture, mais plutôt celui du pouvoir politique dans l’architecture d’un bâtiment afin de façonner une image précise pour plaire au public et conserver le récit si bien créé par celui-ci. La question du rôle des pouvoirs publics et de la politique dans l’architecture est une question qui m’intéresse et qu’il serait intéressant d’approfondir. Il serait encore plus intéressant de s’intéresser au travail d’architectes autochtones contemporains tels que Cardinal Douglas, Two Row architecte, Patrick Stewart ou David Fortin.

7 Naissance en 1984 de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec. En 1985, adoption du projet de loi C-31 qui abolit enfin toute les dispositions concernant l’émancipation dans la Loi sur les Indiens. Le dernier pensionnat indien ferme en 1996. C’est un processus lent.

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Bibliographie Capela-Laborde, Cécile. « The Indians of Canada Pavilion at Expo 67: An Expression of Colonialism ». eScholarship McGill, 29 mars 2010. [https://escholarship.mcgill.ca/concern/ papers/0r967391j?locale=en], consulté le 14 mars 2021 Coombes, Annie E. Rethinking Settler Colonialism: History And Memory in Australia, Canada, Aotearoa New Zealand. Manchester University Press, mars 2006, 274 p. Griffith, Jane. « One Little, Two Little, Three Canadians: The Indians of Canada Pavilion and Public Pedagogy, Expo 1967 ». Journal of Canadian Studies [en ligne], vol. 49, no. 2, 2015, pp. 171-204,355. [https://login.proxy.bib.uottawa.ca/login?url=https://www-proquestcom.proxy.bib.uottawa.ca/scholarly-journals/one-little-two-three-canadians-indians-canada/ docview/1784797542/se-2?accountid=14701], consulté le 25 mai 2021 Henderson, William B.. « Loi sur les Indiens ». l’Encyclopédie Canadienne, 16 décembre 2020, Historica Canada. [https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/loi-sur-les-indiens], consulté le 29 mai 2021 Johnson, Falen et Leah Simone Bowen. « S3: The Indian Pavilion at Expo 67 ». [podcast] The Secret Life of Canada CBC, avril 2021. [https://www.cbc.ca/listen/cbc-podcasts/203-the-secret-life-of-canada], consulté le 27 mai 2021 La Roche, Roger. « Expo 67. Pavillon des Indiens du Canada ». Villes-éphémères – Terre des Hommes, 2013. [https://ville.montreal.qc.ca/memoiresdesmontrealais/sites/default/files/documents/fiche_indiens_canada_final_web.pdf], consulté le 14 mars 2021 Lepage, Pierre. Mythes et réalités sur les peuples autochtones. Institut Tshakapesh, 2019, 167 p. Phillips, Ruth B. et Sherry Brydon. Museum Pieces: Toward the Indigenization of Canadian Museums. McGill-Queen’s University Press, 2011, 376 p. Pingeton, Julia. « Indigenous Resistance at Expo 67: A Case Study on the Indians of Canada Pavilion ». eScholarship McGill, 23 mars 2018. [https://escholarship.mcgill.ca/concern/ papers/0r967391j], consulté le 25 mai 2021

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Rogers, Randal A. « Man and His World: An Indian, a Secretary and a Queer Child. Expo 67 and the Nation in Canada ». Thèse Concordia University (Canada), août 1999. [https:// login.proxy.bib.uottawa.ca/login?url=https://www-proquest-com.proxy.bib.uottawa.ca/dissertations-theses/man-his-world-indian-secretary-queer-child-expo/docview/304527464/se-2?accountid=14701], consulté le 25 mai 2021 Rousseau, Amélie. « L’architecture symbolique (Y n°7) ». LA REVUE Y, 6 avril 2016, [http:// larevuey.com/2013/10/larchitecture-symbolique/], consulté le 31 mars 2021 Rutherdale, Myra et Jim Miller. « “It’s Our Country”: First Nations’ Participation in the Indian Pavilion at Expo 67 ». Revue de la Société historique du Canada [en ligne], vol. 17, no. 2, 2006, p. 148 à 173. [https://doi.org/10.7202/016594ar], consulté le 31 mars 2021 Régnier, Michel, réalisateur. « Mémoire indienne ». ONF [en ligne], 1967. [https://www.onf. ca/film/memoire_indienne/], consulté le 14 mars 2021 Varry, Jacques. « L’exposition universelle de 1967 en chantier ». ARCHITECTURE -Bâtiment-Construction [en ligne], vol. 21, no. 248, décembre 1966, p. 21 à 43. [https://numerique. banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2673829?docsearchtext=architecture%20b%C3%A2timent%20construction%20expo%2067], consulté le 31 mars 2021 « Expo 67 ». l’Encyclopédie Canadienne, 28 août 2015, Historica Canada. [https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/expo-67], consulté le 27 mai 2021 Photo de couverture, vue du pavillon des indiens du Canada. Photographe inconnu, 1967. Issue de https://www.aci-iac.ca/art-books/robert-houle/significance-and-critical-issues/

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Annexe Agrandissement de la figure 3

Agrandissement de la figure 7

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Agrandissement de la figure 8

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Le pavillon des Indiens du Canada, Expo 67, Montréal En 1967, la ville de Montréal accueille l’Exposition universelle de 1967 (Expo 67) pour marquer la célébration du 100e anniversaire de la confédération. Parmi les pavillons présents, le pavillon des Indiens du Canada est le sujet de plusieurs controverses. La création de ce bâtiment s’est faite dans un contexte de célébration, mais aussi de revendication des droits des peuples autochtones. L’architecture singulière de ce pavillon pose des questions quant à l’usage des symboles en architecture, mais plus particulièrement de l’effet de l’utilisation de figures stéréotypées.

Exposition universelle - Premières Nations - symbolique - art - pavillon


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