CLAUDE JOLICŒUR
DU POMMIER AU CIDRE Manuel de cidrerie pour l’amateur et l’artisan
6
Du pommier au cidre
Sommaire PRÉAMBULE
........................................
8
PARTIE I
LE PREMIER CIDRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 1. Équipement et fournitures . . . . . . . . . . . . . . 17 2. Le jus de pomme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 3. La préparation du cidre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
PARTIE II
LES POMMES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 4. Sélection des variétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 4.1. Classification des pommes à cidre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42 4.2. Critères de sélection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 4.3. Suggestions de variétés par région . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 4.4. Répertoire des variétés . . . . . . . . . . . . . . . . 62 Les fruits de pressoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 5. Culture du pommier à cidre . . . . . . . . . . 109 5.1. Pratiques culturales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110 5.2. Planification du verger . . . . . . . . . . . . . . . . 115 5.3. Exemples de vergers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
PARTIE III
LE BRASSAGE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 6. Le moulin à pommes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 6.1. Caractéristiques principales des moulins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 6.2. Fabrication d’un moulin . . . . . . . . . . . . . 145 7. Le pressoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 7.1. Types de pressoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 7.2. Conception et fabrication d’un pressoir. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160 7.3. Résistance du cadre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174 7.4. Mécanique de la vis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 8. Le matériel professionnel . . . . . . . . . . . . . 186
PARTIE IV
LE MOÛT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197 9. Les sucres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201 9.1. Généralités sur les sucres . . . . . . . . . . . . 201 9.2. L’hydromètre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210 9.3. La quantité de sucre dans le moût . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219
7
Sommaire
10. Les acides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 10.1. L’acidité totale ou de titration . . 227 10.2. Mesure de l’acidité par titration 229 10.3. L’acidité et le pH . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232 11. Les tanins, ou substances phénoliques . . . . . . . . . . 236 12. Les substances azotées . . . . . . . . . . . . . . . . . 239 13. Les substances pectiques . . . . . . . . . . . . . 242
PARTIE V
LE CIDRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247 14. Étapes préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249 14.1. L’assemblage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250 14.2. Traitements enzymatiques . . . . . . 257 14.3. Le sulfite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265 15. La fermentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275 15.1. La levure et ses nutriments . . . . . . . 275 15.2. Conduite de la fermentation. . . . . 285 15.3. La fermentation malolactique . . 297 15.4. L’alcool . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303 16. La diversité dans les cidres. . . . . . . . . . . 316 16.1. Cidres doux et demi-secs . . . . . . . . . 316 16.2. Cidres pétillants et mousseux . . 326 16.3. Cidres de glace et de feu . . . . . . . . . . 341
17. Les troubles du cidre et comment les éviter. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353 18. Organisation de la cidrerie artisanale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363
ANNEXES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373 Unités et mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 374 Matériel d’accompagnement . . . . . . . . . . . . 377
BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 381 INDEX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 390
8
Du pommier au cidre
Préambule Je suis très heureux de pouvoir enfin présenter à la communauté des cidriers francophones cette modeste contribution à l’art de la cidrerie. Ce livre a eu un parcours assez peu orthodoxe : j’avais débuté sa rédaction en français il y a déjà plusieurs années, mais après différents concours de circonstances, un éditeur américain m’a proposé de le publier en anglais. Comme il s’agissait d’une maison d’édition que j’estimais beaucoup, c’était réellement une occasion à ne pas rater. J’ai donc changé de langue et terminé l’écriture, en anglais, du livre qui a paru en 2013 sous le titre The New Cider Maker’s Handbook, publié aux États-Unis chez Chelsea Green Publishing. Un livre qui a eu un succès – oserais-je dire fulgurant ? – il a été aussitôt sa sortie adopté comme la référence par les cidriers anglophones en Amérique, au Royaume-
Uni, en Irlande, et même en Australie et Nouvelle-Zélande. Ce n’est donc qu’une fois la poussière retombée que j’ai pu reprendre mon manuscrit français. Ce ne fut pas si facile car j’ai voulu donner à ce livre une vision internationale de la cidrerie : oui les techniques françaises traditionnelles sont traitées, mais aussi les façons québécoises de faire, qui s’approchent plutôt des techniques nord-américaines. Et puis, il y a les pratiques dans les parties francophones de Belgique et de Suisse, les variétés de pommes utilisées dans ces différentes régions qui ne sont pas du tout les mêmes. Et même la terminologie : par exemple, en France on dit un cidrier alors qu’au Québec on dit plutôt un cidriculteur… J’espère avoir réussi à amalgamer toutes ces différences et à vous présenter un texte où tous les lecteurs s’y retrouveront. Et enfin, il fallait trouver
9
Préambule
un éditeur français. Pas si facile qu’on pourrait croire pour un auteur du Québec qui écrit un livre sur le cidre. Mais j’ai trouvé au Rouergue une équipe enthousiasmée par ce projet, et qui a porté ce livre jusqu’à vous. Vous trouverez donc ici nombre de textes, discussions ou articles, traitant de différents aspects de la préparation du cidre. La première partie s’adresse au débutant, à celui qui désire faire du cidre pour la première fois. Avant d’entrer dans des considérations plus approfondies, je crois qu’il est important de présenter une méthode éprouvée et simple pour faire un bon cidre, honnête, sans fioritures. Une fois que le cidrier novice aura maîtrisé les pratiques de base, il sera alors temps d’expérimenter des techniques plus complexes, d’aller plus loin comme on dit. Dans chacune des parties subséquentes, en débutant avec le pommier pour terminer avec le cidre, nous concentrerons notre attention sur une facette particulière de la fabrication de cette délicieuse boisson. Dans la partie II, nous discuterons de la façon d’obtenir les meilleures pommes possibles pour sa fabrication, par une bonne sélection des variétés et par des pratiques culturales adéquates. Comme vous le verrez en lisant plus loin, je crois fermement que la qualité du fruit est le facteur le plus important pour obtenir un cidre de qualité supérieure. La partie III couvre l’extraction du jus des pommes et discute des équipements requis. J’ai ici utilisé mes connaissances en génie mécanique pour présenter un guide de conception et construction pour un moulin et un pressoir. La partie IV s’intéresse au moût, comment on l’analyse, et comment ses propriétés peuvent influencer la qualité du cidre qu’on en obtiendra. Et enfin, la partie V traite de la préparation en tant que telle du cidre, du processus de fermentation qui transforme le moût en cidre.
Il y a un certain nombre de choses que vous ne trouverez pas dans ce livre. La première est une revue de l’histoire du cidre. Nombre d’auteurs ont déjà écrit à ce sujet, et comme ils ont souvent une meilleure plume que la mienne, je vous engage à consulter leurs ouvrages. Par exemple, il y a le livre de Bernard Rio, Le Cidre (1997) et celui de Roger Dubos, Pommiers, pommes, cidre et calvados – Méthodes de travail vers 1920 – Nostalgie du temps d’autrefois (1990). Au Québec, on pourra consulter Paul-Louis Martin, Les Fruits du Québec (2002), ainsi qu’Alain Boucher, La petite histoire du cidre au Québec (2011). Et en anglais, Ben Watson, dans son Cider Hard and Sweet (2009) traite de l’histoire du cidre dès les débuts de la civilisation, en passant par l’époque des Romains, son évolution en Europe et en Amérique. Vous ne trouverez pas non plus de fiches ou de méthodes pour la dégustation. La dégustation est en effet un sujet pour lequel on pourrait écrire un livre complet, et j’ai préféré ici m’arrêter à la fabrication. Pour des raisons similaires, je n’ai pas inclus de recettes de cuisine qu’on peut faire avec du cidre, non plus que de recettes de cocktails au cidre, ou de produits élaborés à partir du cidre comme le pommeau, le calvados ou le vinaigre. Dès le départ, j’ai voulu que ce livre soit centré sur la préparation d’un cidre pur jus, sans artifices, et sur la compréhension des phénomènes qui se produisent lors de la transformation d’une fleur de pommier dans le verger, en une pomme, au moût, et enfin au cidre, et tout cela avec l’objectif d’un produit final de la plus grande qualité possible. Au final, ce programme était suffisant pour garder un auteur occupé pendant quelque temps. Il y a plusieurs raisons qui peuvent amener quelqu’un à faire le cidre. Cela peut être la tradition familiale, ou le fait que vous ayez des pommiers dont les fruits se perdraient
10
Du pommier au cidre
autrement. Cela peut être pour des raisons de santé : le cidre est certainement une des boissons les plus saines, avec sa faible teneur en alcool et sa richesse en vitamines ; vous pourriez avoir une intolérance à certaines substances et désirer une boisson dont vous pouvez contrôler tous les intrants, ou désirer le faire à partir de fruits de culture biologique. Ce peut aussi être pour des raisons purement économiques… Pour ma part, tout a débuté en 1982 : j’étais alors un jeune ingénieur qui poursuivait des études supérieures dans le domaine de l’énergie solaire. J’aimais le ski et j’ai craqué pour un terrain situé près d’une station de ski, à une heure de la ville de Québec. Ce terrain est en pente douce vers le sud, avec une vue sur le fleuve Saint-Laurent. L’endroit idéal pour construire le concept de maison solaire à laquelle je rêvais. Rien ici qui me prédestinait à devenir cidrier, sauf qu’il y avait au bout du terrain quatre rangs de vieux pommiers abandonnés depuis des lustres. J’ai donc naturellement commencé à m’occuper de ces pommiers, qui ont récompensé mes efforts en me donnant des pommes… dont je ne savais que faire ! Jusqu’à ce que des amis me demandent : « pourquoi pas du cidre ? » J’étais, il faut le dire, bien sceptique au début, n’ayant encore jamais bu un cidre qu’on aurait pu qualifier de « buvable ». Mais mon premier essai en 1988 m’a convaincu que cela en valait la peine, et dès l’année suivante, j’avais un petit pressoir d’amateur. Tout cela pour dire qu’une trentaine de vieux pommiers ont changé ma vie – la vie d’un jeune ingénieur qui devint cidrier et auteur. Ce livre que vous tenez entre vos mains est en fait le livre que j’aurais aimé avoir lorsque j’ai commencé à faire du cidre et que je voulais en savoir plus. Oui, il y avait bien quelques livres de disponibles, mais aucun aussi complet que ce que j’aurais voulu. On trouve
aussi des livres d’œnologie, très spécialisés, mais pas facilement applicables au cidre. Il y avait ainsi un grand vide entre ces deux classes de livres, que j’ai tenté de combler en écrivant celui-ci. Un autre point important à propos de ce livre est qu’il contient beaucoup de mes expériences et recherches personnelles, de mes notes et tests. D’une certaine façon, vous y verrez l’influence du style de livres qui ont été écrits il y a un siècle ou plus par des pionniers de la recherche scientifique cidricole. Ces hommes, qui sont un peu mes héros, je les citerai souvent au fil des pages que vous lirez. Ils ont érigé les fondations des connaissances scientifiques que nous avons aujourd’hui, et leurs écrits sont très inspirants. Ce livre doit beaucoup à de nombreuses personnes qui y ont contribué plus ou moins directement. Dès 1988, lorsque je suis allé à la Cidrerie Saint-Nicolas avec un petit chargement de pommes, j’ai rencontré le propriétaire Pierre Lafond qui m’a prêté un pressoir, m’a encouragé et donné de bons conseils – notamment de lire le livre de Georges Warcollier à la bibliothèque universitaire. Lui et sa compagne, Patricia Daigneault, m’ont aussi aidé à écrire sur le cidre de glace. Plus tard, avec Internet, j’ai commencé à participer à des forums de discussion sur le cidre. Le Cider Digest américain, et le Cider Workshop anglais ont été des sources d’inspirations importantes, et nombre de discussions sur ces forums ont évolué en articles dans ce livre. J’aimerais remercier particulièrement Dick Dunn, qui gère le Cider Digest depuis près de vingt ans et qui a, de surcroît, entièrement révisé l’édition anglaise de ce livre, et Andrew Lea, un des administrateurs du Cider Workshop, et le « scientifique officiel » de notre petite communauté. Andrew m’a fourni quelques photos et images, et m’a aidé en de nombreuses occasions à comprendre
11
Préambule
des phénomènes de chimie et de biochimie, donnant ainsi à ce livre une base scientifique plus solide. Enfin, à tous les participants à ces forums avec qui j’ai eu des discussions intéressantes et animées, je vous remercie de votre contribution. Un événement qui a eu une influence importante sur ce que je suis devenu, c’est le festival CiderDays qui se tient tous les ans au Massachusetts. Il a été fondé en 1995 par le regretté Terry Maloney et sa compagne Judith. Grâce à ce festival, j’ai pu rencontrer plusieurs des personnes mentionnées ici, établir des contacts, initier des projets – dont le présent livre. Je désire remercier aussi de nombreux cidriers, pomiculteurs et intervenants qui ont participé plus directement à ce livre, m’ont offert des photos pour l’illustrer, donné des informations sur la cidrerie, les variétés de pommes ou la culture du pommier dans leurs régions respectives, m’ont pour certains d’entre eux accueilli dans leur domaine, permis de prendre des photos, répondu à mes questions, fait goûter leurs cidres : Gary Awdey, Éric Baron, Mike Beck, Bill Bradshaw, John Brett, John Bunker, Tom Burford, Charles Degavre, Hervé Duclos, Mark Gleonec, Vincent Godefroy, Claude Goenvec, Vicky Gorman, Steve Gougeon, Pedro Keppler, Jacqueline King, Jon et Dominic Lagadec, Marc-Antoine Lasnier,
Denis Le Loupp, Michel Legallois, Alexandre Maillefer, Benoît Noël, Michael Phillips, David Pickering, Philippe Robert-Dantec, Brieug Saliou, Nicole Sindera, Guillaume Vauvrecy, Tim et Cindy Ward, Steve Wood, Don Yellman… Il me faut aussi mentionner le rôle de Ben Watson, auteur, amateur et ardent promoteur du cidre, qui a cru dès le départ à ce livre, et dont il a été l’éditeur pour la première version en anglais. Et enfin ma compagne, Banou Khamzina, qui alors que nous étions sur le chemin de retour du festival CiderDays où j’avais fait une présentation sur l’assemblage, me dit innocemment : « Tu sais, Claude, les gens étaient vraiment intéressés par ta présentation. Je crois que tu devrais écrire un livre. » Évidemment, elle ne se doutait pas qu’elle mettait ainsi le doigt dans un engrenage qui allait occuper une partie importante de nos vies. Je terminerai ce texte d’introduction par un avertissement : la fabrication du cidre peut créer une forte dépendance. Si vous commencez, vous ne pourrez peut-être plus vous arrêter. Cela peut complètement changer votre vie, ainsi que celle des gens qui vous entourent. Claude Jolicœur Québec, mars 2015
Le festival CiderDays, qui se tient en novembre chaque année au Massachusetts, a amené de nombreux amateurs à commencer à faire leur cidre.
PARTIE I
LE PREMIER CIDRE
14
Du pommier au cidre
L’art de faire un bon cidre est d’une grande simplicité. Récoltez les fruits proprement et par un temps sec ; séparez les variétés ; Ne brassez que les fruits mûrs à point ; rejetez les fruits pourris et n’employez pas ceux qui ont été gelés ; Gardez-vous de mouiller la pulpe ; Distribuez les jus qui sortent de la presse dans des tonneaux bien préparés, sans mauvais goût ni mauvaise odeur ; Laissez fermenter le moût dans un lieu couvert et à une température de 10 à 15 degrés centigrades ; Soutirez quand l’effervescence se ralentit ; Recevez le liquide dans des fûts très-propres et purgés d’air ; Puis, quelques mois plus tard, vous aurez du cidre limpide, clair, d’une belle couleur orangée et d’un goût de fruit très apprécié des gourmets. L. de Boutteville et A. Hauchecorne, Le Cidre, 1875.
O
n ne saurait mieux résumer l’art de faire le cidre. N’empêche que Messieurs de Boutteville et Hauchecorne ont quand même écrit un traité de près de quatre cents pages pour développer ce qui apparaît dans ce court résumé… Cette première partie du livre s’adresse plutôt aux cidriers débutants. Nous verrons dans les trois prochains chapitres quel équipement est requis pour débuter en cidrerie, ainsi qu’une méthode de base qui, du moins je l’espère, vous permettra de réussir à élaborer un premier cidre qui soit suffisamment bon pour vous donner l’envie de persister et d’améliorer vos compétences. Mais avant de débuter, j’aimerais introduire ici mes mantras. Ce sont des lignes
directrices ou principes qui m’ont guidé tout au long de mon apprentissage de la cidrerie. Je les répéterai sans doute une fois ou deux au long de ce livre…
La qualité avant tout À mon avis, il ne vaut pas la peine de faire son cidre (ou toute autre boisson) si on n’obtient pas un produit de grande qualité. En effet, il faut investir du temps et de l’énergie pour faire du cidre, et pour qu’il soit satisfaisant, il faudra qu’il soit vraiment très bon. Si vous pouvez acheter pour quelques euros ou dollars une bouteille que vous trouverez meilleure que le cidre que vous aurez vous-même produit, alors il y a de bonnes chances que vous ne fassiez pas votre cidre pendant bien
15
Le premier cidre
longtemps. En revanche, si votre cidre se trouve sur une table en compagnie de grands vins ou de champagne, et que vous vous rendez compte que votre bouteille de cidre est la première à être bue, alors voilà une récompense inestimable pour vos efforts.
Un grand cidre requiert des pommes exceptionnelles Pour obtenir ce cidre de grande qualité, eh bien, on aura besoin de pommes qui seront de qualité exceptionnelle. Il faut toujours se rappeler que la qualité du cidre ne pourra jamais excéder celle des pommes qui auront été utilisées pour le faire… Au bout du compte, c’est au verger que la qualité du cidre se fait. C’est là que les pommes se gorgent de sucre et de saveur, avec l’aide du soleil, de l’air, du sol, et de tout ce qui entoure le pommier : le terroir.
Le cidre se fait de lui-même Soyons modestes. Ce n’est pas nous, cidriers, qui faisons réellement le cidre, mais plutôt le cidre qui se fait. Nous verrons plus loin que le jus fraîchement pressé contient naturellement tous les ingrédients pour se transformer en cidre. Et pour être plus précis, ce sont des micro-organismes qu’on appelle levures qui effectuent le travail. Notre rôle n’est que de guider ce processus et de mettre en place les facteurs qui permettront au cidre de se faire dans les meilleures conditions possibles pour donner un produit de grande qualité. Il ne faut pas oublier non plus qu’on ne peut pas tout contrôler, que le cidre est vivant et qu’il ne se comportera pas toujours comme vous aviez prévu. Parfois, ce sera pour le meilleur, parfois pour le pire. L’important, c’est d’essayer de comprendre et d’apprendre.
Le bon cidre a besoin de temps et le cidrier a besoin de patience Sur les forums de discussions, souvent des cidriers débutants demandent des conseils parce qu’ils sont inquiets car le cidre n’est pas prêt quelques semaines après le début du processus. La plupart des débutants sont impatients et il faut toujours répéter que La patience est la mère de toutes les vertus pour le cidrier – du moins pour celui qui recherche la qualité. Le bon cidre, tout comme le bon vin d’ailleurs, se fait lentement. Il ne faut pas le brusquer. Donc si vous préparez votre cidre en octobre ou novembre et que vous suivez les lignes directrices que je vous exposerai ici pour obtenir un cidre de qualité, ne prévoyez pas le boire pour la période des fêtes d’hiver, mais peutêtre plutôt à l’été ou même l’année suivante…
Le principe KISS KISS est un acronyme pour Keep It Simple Stupid (garder les choses stupidement simples). Dans une autre vie, je suis ingénieur mécanique, et il y a un principe important en conception de machines : toujours rechercher la solution la plus simple qui remplit la tâche demandée (remarquez que toutes les machines ne sont pas conçues avec ce concept à l’esprit, mais c’est une autre histoire). Je me suis rendu compte, avec le temps, que ce principe pouvait aussi s’appliquer lors de la préparation du cidre. Souvent, les débutants veulent tout faire à la fois : ajouter du sucre, de la mélasse ou du miel au jus, corriger l’acidité, ajouter des tanins, provoquer une fermentation malolactique, obtenir un cidre demi-sec, tout cela lors de leur premier essai. Et puis, cela ne se passe pas toujours comme prévu et ils vont sur les forums de discussions et demandent conseil. À mon avis, il vaut mieux procéder le plus simplement possible, ne faire fermenter que du
16
Du pommier au cidre
bon jus naturel sans ajouts et utiliser des méthodes éprouvées, du moins au début. Après quelque temps, lorsque l’on a bien maîtrisé le processus de cidrification, alors on peut essayer de nouvelles choses et expérimenter.
Le cidre, c’est pas d’la bière… ... ni du vin ni de l’hydromel. Certains aspirants cidriers ont déjà une expérience en fabrication de l’une ou l’autre de ces boissons. Si c’est votre cas, vous utiliserez le matériel que vous possédez déjà, et votre expérience de la fermentation pourra vous être utile. Cependant, il faut toujours garder à l’esprit que toutes ces boissons sont bien distinctes et ont leurs propres particularités au niveau de la fabrication. Une méthode bien éprouvée pour l’une ne donnera pas nécessairement de bons résultats pour l’autre. Notamment dans le cas de la bière et de l’hydromel, on utilise des recettes pour les élaborer. Le praticien doit tout contrôler et ajouter des ingrédients selon des proportions fixes afin d’obtenir le produit recherché. Il n’y a pas de telles recettes en cidrerie artisanale car le seul ingrédient, c’est le jus de pomme (cela pourra être différent en cidrerie industrielle cependant). C’est lors de l’assemblage, en fonction des variétés de pommes disponibles, et pendant la conduite de la fermentation que l’on pourra donner certains caractères au cidre. Donc, s’il vous plaît, ne cherchez pas de « recettes » dans ce livre – vous n’en trouverez pas.
Nettoyer avant de ranger ; désinfecter avant d’utiliser Il est important de faire la distinction entre les fonctions de nettoyage et de désinfection : un détergent est un produit de nettoyage, alors
qu’un désinfectant a pour rôle d’éliminer les micro-organismes qui seraient susceptibles de contaminer le cidre. Aucun matériel utilisé ne devrait être rangé sans avoir été bien nettoyé. C’est par exemple important pour les bouteilles et les cuves de fermentation qui sont très faciles à nettoyer lorsqu’elles viennent d’être utilisées, mais beaucoup plus difficiles lorsque les dépôts ont séché. Et toutes les pièces d’équipement doivent aussi être désinfectées juste avant l’usage. On ne peut prendre pour acquis que parce qu’un matériel a été rangé propre, on peut l’utiliser sans le désinfecter. Dans toutes les étapes de l’élaboration du cidre il est essentiel de maintenir une propreté rigoureuse du local où le cidre se fait ainsi que du matériel utilisé lors des manipulations. Avec le recul, on se rend compte que les heures passées à nettoyer sont une partie importante du temps requis pour tout le processus de cidrification. C’est à ce prix que l’on s’assure d’éviter des problèmes.
Bonne planification et prise de notes Bien planifier sa cuvée de cidre, c’est s’assurer de ne pas avoir de mauvaises surprises. Par exemple, si vous disposez d’une damejeanne de 34 litres, assurez-vous d’avoir quelques litres de jus en surplus lorsque vous démarrez la fermentation ! À défaut, vous aurez un problème lors du soutirage. Et la prise de notes, c’est la clef pour la recherche de la qualité et l’amélioration au fil du temps. Cela vous permet de faire le suivi du processus de cidrification et d’intervenir au meilleur moment. Cela permet aussi de comparer les résultats d’une année à l’autre, d’un assemblage à un autre. Ce que vous avez fait pour un tel cidre particulièrement réussi, afin de pouvoir répéter ; de même pour vos moins bons résultats, pour ne pas refaire les mêmes erreurs.
17
Le premier cidre - Équipement et fournitures
CHAPITRE 1
Équipement et fournitures Avant de débuter, vous aurez besoin de réunir un certain matériel de base, qui est d’ailleurs pratiquement le même que pour la préparation domestique de la bière ou du vin. Vous pourrez vous procurer la plupart des éléments mentionnés ici dans tout commerce spécialisé en fournitures pour la fabrication de ces boissons. Avec un peu de chance, vous avez peut-être un ami ou parent qui a fait du vin il y a longtemps et qui pourrait vous laisser son matériel.
L’équipement de base Le matériel requis pour démarrer est illustré sur la photo de la figure 1.1 et consiste en des
bacs de fermentation équipés d’une bonde, un tube siphon pour les soutirages, et un hydromètre. Vous aurez aussi besoin de certaines fournitures, comme du sulfite et de la levure, et plus tard, de bouteilles.
Tourie ou dame-jeanne pour la fermentation Ce contenant est le premier élément que vous choisirez et son volume déterminera la quantité de cidre que vous allez préparer car il devra être rempli à ras bord afin de minimiser le volume d’air en contact avec le cidre. Les dames-jeannes sont de grosses bouteilles souvent protégées par un panier qui comporte des poignées permettant de la déplacer. Elles sont disponibles en
1.1. Tourie de 19 litres avec bonde et brosse, seau de 30 litres avec son couvercle, tube siphon, hydromètre et son cylindre d’essai.
18
Du pommier au cidre
plusieurs formats de 10 à 54 litres. On peut aussi utiliser des touries comme illustré sur la figure 1.1, disponibles en formats de 3, 5 et 6 gallons américains, soit 11, 19 et 23 litres. On peut choisir entre le verre ou un matériau plastique pour ce contenant. Personnellement, je préfère le verre malgré sa fragilité car il est parfaitement étanche à l’air, ce qui n’est pas le cas des matériaux plastiques. De plus le verre permet de voir le cidre à l’intérieur, et notamment s’il est trouble ou clarifié, ce qui est bien pratique. Enfin, il ne faut pas oublier une brosse pour le nettoyage. Pour des capacités plus importantes, il existe un grand choix de cuves de fermentation, en acier inoxydable ou en résine, disponibles auprès des commerces spécialisés. Pour votre première cuvée je vous suggère la tourie de 19 litres (5 gal) ou la dame-jeanne de 20 litres : c’est un bon format pour débuter, qui est courant et économique, et aussi relativement facile à soulever et déplacer. Chacune vous permettra de produire environ 24 bouteilles de 750 mL.
Bac de fermentation primaire Ce contenant est utilisé pour les premières étapes de la fermentation. On utilise un grand seau en plastique alimentaire qui doit avoir une contenance d’au moins 20 % de plus que votre dame-jeanne ou tourie car le début de la fermentation est turbulent et produit de la mousse qui déborderait si ce bac était trop petit. Donc, si vous avez choisi un volume pour votre cuvée de 19 ou 20 litres comme suggéré précédemment, vous pourriez utiliser un seau de 24 à 30 litres comme bac de fermentation primaire. Cependant, je vous recommanderais de choisir plutôt grand que petit et le format de 30 litres serait préférable. Un couvercle qui ferme hermétiquement sur ce bac de fermentation n’est pas absolument
1.2. Deux types de bondes.
nécessaire, mais néanmoins recommandable. Vous pourrez y percer un trou afin de l’équiper d’une bonde de fermentation.
Tube siphon Le siphon est requis pour effectuer les soutirages d’un bac de fermentation vers un autre, ainsi que lors de l’embouteillage. Il est constitué de plusieurs parties : un tube en plastique rigide, avec un embout empêchant les lies d’être aspirées. Ce tube a généralement une forme de canne à son autre extrémité, où se fixe un tube flexible équipé d’un dispositif pour réguler ou arrêter le débit. Il est important que ce tube flexible soit suffisamment long : prenez-le d’une longueur d’environ 2 mètres. Le siphon fonctionne par gravité. La cuve d’où l’on soutire doit être plus élevée que celle qui reçoit le cidre. Lorsqu’on utilise de plus grandes cuves qui ne peuvent être soulevées à une bonne hauteur, on doit utiliser une pompe pour les soutirages.
Bonde de fermentation La bonde de fermentation (parfois nommé barboteur) est un petit dispositif qui permet au gaz carbonique produit par la
19
Le premier cidre - Équipement et fournitures
fermentation de s’échapper tout en empêchant l’air d’entrer et de venir en contact avec le cidre. C’est un peu comme une valve unidirectionnelle. Une telle bonde est essentielle car si on fermait hermétiquement le bac de fermentation ou la tourie, le gaz carbonique ferait augmenter la pression et éventuellement causerait l’expulsion du bouchon ou briserait le contenant. D’autre part, si on permettait à l’air d’atteindre le cidre, cela favoriserait certains troubles du cidre. La figure 1.2 montre deux types de bondes. À gauche, et au centre où on le voit assemblé, un modèle cylindrique. À droite, un modèle en forme de S ou de serpentin. Ces bondes se fixent sur un bouchon de caoutchouc de dimension adaptée au goulot de la tourie. Elles comprennent un petit réservoir que l’on remplit avec une solution à 0,5 % de sulfite ou avec un alcool. En général les bondes ont une marque indiquant le niveau de remplissage requis. Vous pouvez choisir un type ou l’autre. Le modèle en S a l’avantage de permettre de mieux voir l’échappement du gaz carbonique. Par contre, il est plus difficile à nettoyer et moins durable. Achetez quelques bondes de plus que nécessaire, elles ne sont pas chères. Assurez-vous aussi d’avoir des bouchons de différentes tailles : il est en effet pratique de pouvoir au besoin fixer une bonde sur une bouteille ou un autre contenant afin de laisser fermenter une petite quantité de cidre.
Hydromètre L’hydromètre est un instrument de mesure qui permet de déterminer la densité d’un liquide. C’est en fait un flotteur, et selon la hauteur à laquelle il flotte dans le liquide, une graduation donne la densité. Cela nous indique approximativement la teneur en sucre dans le jus ou le cidre. La densité et la quantité de sucre sont à leur maximum
dans le jus frais, puis au fur et à mesure que la fermentation progresse, la quantité de sucre diminue alors qu’il est transformé en alcool, et la densité diminue aussi pour atteindre environ celle de l’eau lorsque tout le sucre est fermenté. Pour vos premières cuvées, vous vous procurerez sans doute un hydromètre à triple échelle, comme on en vend dans toutes les boutiques de fournitures pour la fabrication de vin. Ces hydromètres ne sont pas très précis mais cela suffit pour débuter. Lorsque vous aurez acquis un peu d’expérience, vous voudrez sans doute vous procurer un hydromètre plus précis, disponible dans des commerces spécialisés. Assurez-vous aussi d’avoir un cylindre d’essai adapté à la dimension de l’hydromètre.
Sulfite, levure, enzyme pectique, nettoyant, désinfectant Voyons maintenant les principales fournitures dont vous aurez besoin. Le sulfite, en fait du métabisulfite de potassium ou de sodium, est un antiseptique et antioxydant qui est utilisé pour protéger le cidre et aussi parfois pour désinfecter le matériel. Il se vend sous forme de poudre qui ressemble à un sel très fin. Une centaine de grammes suffira pour débuter. Pour votre première cuvée, je vous suggère d’utiliser une bonne levure sèche à champagne qui vous assurera une fermentation vigoureuse. J’utilise souvent la Lalvin EC-1118 ou la Redstar Pasteur Champagne, mais il y a des produits équivalents sous d’autres marques. Ces levures se vendent en sachets contenant la quantité requise pour une cuvée d’une vingtaine de litres, soit 5 grammes. Si vous avez l’intention de faire du cidre pétillant ou mousseux, vous aurez besoin d’ajouter du sucre au moment de l’embouteillage.
64
Du pommier au cidre
Les fruits de pressoir Les variétés de pommes
> Anisha Synonymes : Pomme d’Anis, Anisa, Rosalia, Apez sagarra, Udarre sagarra. Sans doute une des mieux connues et appréciées des pommes traditionnellement cultivées au Pays basque, l’Anisha n’est pas à proprement parler une pomme à cidre mais elle est beaucoup utilisée à cette fin. Son acidité est un peu forte elle doit être assemblée avec des variétés douces-amères. Comme on peut voir sur la photo de la figure 4.2, c’est une petite pomme, à l’épiderme liégé et rugueux. Elle est très juteuse, savoureuse et possède un arôme légèrement anisé. On la cueille début septembre et on pourra l’utiliser à la fin de ce mois ou début octobre pour le cidre de première saison. Évelyne Leterme (Les Fruits retrouvés, Le Rouergue, 1998) la décrit, ainsi que quelques autres types de pommes d’Anis que l’on peut trouver dans le sud-ouest de la France. Elle note sa bonne résistance aux principales maladies et ravageurs, sa productivité régulière, ainsi que sa floraison qui résiste aux gelées tardives.
4.3. Argile grise. © Charles Degavre
> Argile grise Mieux connue sous le nom de Brown Thorn dans les pays anglophones. Une des plus anciennes variétés de Normandie, l’Argile grise (figure 4.3) est douce, très légèrement amère, et de grande qualité. La floraison est tardive, ainsi que la récolte. Elle est cultivée dans le nord de la France et est aussi disponible auprès de quelques pépinières en Amérique du Nord. Cette pomme est très sensible au feu bactérien, ce qui limite sa culture aux régions où cette maladie ne sévit pas trop sévèrement.
> Ashmead’s Kernel
4.2. Anisha.
Ashmead’s Kernel (figure 4.4) est une pomme de table anglaise, du Gloucester, dont l’origine remonte à 1720. Elle est de grosseur moyenne, entièrement liégée et elle ressemble beaucoup à la Golden Russet, mieux connue en Amérique du Nord. Elle est cependant plus acidulée que cette
65
Les pommes - Les fruits de pressoir
4.4. Ashmead’s Kernel.
dernière. Elle a une bonne réputation pour le cidre en Angleterre et dans le nord-est des États-Unis. Elle est appréciée pour sa saveur riche et pour sa haute teneur en sucre, mais son acidité aussi est élevée et elle devra être assemblée avec des variétés à faible acidité. Cette pomme est à l’essai dans mon verger, où elle semble bien rustique. J’en ai obtenu quelques fruits mais pas suffisamment pour en faire l’analyse. Des études récentes ont déterminé que cette variété est triploïde.
> Avrolles Pomme française aigre du Pays d’Othe (figure 4.5), de floraison tardive et de maturité très tardive, surtout cultivée dans l’Aube, l’Yonne et le Loiret. On la connaît aussi sous le nom de Pommate d’Avrolles, le terme « pommate » étant souvent utilisé pour désigner les pommes aigres du Pays d’Othe. Selon Boré et Fleckinger (1997) sa teneur en acidité est très élevée avec un titre de 12 g/L (moyenne sur huit échantillons analysés). Sa teneur en tanins est faible, et en sucre, moyenne. Elle est plutôt utilisée pour le jus. Pour le cidre on pourra s’en servir pour rehausser la teneur en acide d’un assemblage principalement constitué de pommes douces et doucesamères. Cette pomme est aussi cultivée dans quelques vergers en Amérique.
4.5. Pommate d’Avrolles. © IFCP
4.6. Banane amère.
> Banane amère Nombre d’échantillons analysés : 8 Teneur en sucre : moyenne à élevée, masse volumique 1 057 g/L (1 048-1 065) Teneur en acidité : faible, titre 2,4 g/L (1,3-3,6) Teneur en tanins : élevée, jus extrêmement amer Rendement en jus : faible Date de récolte : fin septembre à début octobre ; saison de pressage : fin octobre et novembre Culture : bonne rusticité, sensibilité moyenne à la tavelure Banane amère est un arbre de semis naturel que j’ai découvert sur ma propriété. C’est un arbre immense à troncs multiples qui fait plus de 15 mètres de hauteur. Le fruit n’est pas bon à manger frais car extrêmement
66
Du pommier au cidre
amer avec un léger arôme de banane, ce qui explique le nom que je lui ai donné. Cet arbre est si grand que même avec une échelle, il est impossible d’atteindre les pommes des branches les plus basses. Il faut donc attendre qu’elles tombent naturellement, généralement vers la fin septembre ou début octobre. Les fruits atteignent un diamètre de 50 à 60 mm, sont verts et parfois partiellement lavés de rouge comme on voit sur la photo de la figure 4.6. Certaines années la tavelure peut être très présente, mais d’autres années il y en a très peu. Banane amère sera particulièrement utile pour augmenter la teneur en tanins et donner de l’amertume à des assemblages principalement constitués de pommes de table qui en sont dépourvues. Une faible quantité est requise, et un ajout de seulement 10 à 15 % dans l’assemblage est suffisant pour en modifier complètement le caractère. Il ne faut d’ailleurs pas dépasser de beaucoup ce ratio, car son tanin dur pourrait rendre le cidre trop amer. Après avoir constaté ses propriétés pour le cidre, j’ai nommé cette pomme et ai commencé à la propager en 2005. Actuellement, quelques cidriers en font l’essai dans différentes régions et une pépinière ontarienne a commencé à en vendre des arbres. Cette variété est certainement rustique en zone 4 mais il est encore trop tôt pour savoir comment elle se comportera dans un climat différent. J’en recommande l’essai au Canada, mais on doit considérer sa culture comme expérimentale.
dès 1363 (mais il n’est pas certain que ce soit exactement la même). D’après ces mêmes auteurs, au milieu du xixe siècle, la Bedan était « cultivée et hautement prisée dans tous les départements de la Normandie, de la Bretagne et de la Picardie, grands producteurs de cidre ». Le fruit est de grosseur variable, vert pâle devenant jaune pâle lorsque bien mûr, avec parfois un peu de rougeur. C’est une variété très tardive, qui se récolte à la mi-novembre. Elle est classée comme douce-amère. Boré et Fleckinger (1997) rapportent des résultats d’analyses effectuées sur cinquante-trois échantillons de jus : on y voit que la richesse en sucre peut varier beaucoup, certains échantillons ayant eu une masse volumique aussi basse que 1 042 g/L alors que d’autres ont obtenu une valeur très élevée de 1 077 g/L, la moyenne étant de 1 057 g/L. La teneur en tanins est moyenne et en acide, faible. En plus d’être une variété fondamentale pour la Normandie et même pour l’ensemble du territoire français, la pomme Bedan est cultivée et disponible en Amérique du Nord, en Australie et probablement aussi dans d’autres pays. Elle a été recommandée par deux de nos collaborateurs normands. Une variété distincte, Bedan des Parts, a été obtenue d’un semis par Legrand vers 1870. Il est très possible que Bedan en soit un des parents car les deux variétés se ressemblent.
> Bedan La pomme Bedan (figure 4.7) est probablement une des plus anciennes pommes à cidre qui soit encore cultivée. En effet, selon de Boutteville et Hauchecorne (1875) on en retrouve des mentions dans la littérature
4.7. Bedan. © IFPC
67
Les pommes - Les fruits de pressoir
4.9. Belle de Boskoop. 4.8. Beleien.
> Beleien Synonymes : Avalou Beleien, Pomme des prêtres. Cette pomme (figure 4.8) est très appréciée en Bretagne et plus particulièrement dans le pays de Fouesnant, pour la couleur qu’elle donne au cidre. Deux de nos collaborateurs bretons l’ont recommandée. C’est une pomme douce dont le jus est particulièrement rougeâtre, avec une teneur en sucre élevée et une faible teneur en tanins. Boré et Fleckinger (1997) en donnent les résultats d’analyse suivants : masse volumique 1 060 g/L, acidité 1,5 g/L, et tanins 1,5 g/L. On l’assemble avec des variétés plus amères pour donner un cidre typiquement breton.
> Belle de Boskoop Nombre d’échantillons analysés : 3 Teneur en sucre : très élevée, masse volumique 1 068 g/L (1 064-1 072) Teneur en acidité : très élevée, titre 12,8 g/L (11,6-13,4) Teneur en tanins : faible Rendement en jus : élevé Date de récolte : début octobre ; saison de pressage : mi-octobre à novembre Culture : bonne vigueur, bonne rusticité, pas de sensibilité à la tavelure, triploïde
Belle de Boskoop (figure 4.9) est une pomme néerlandaise découverte en 1856. Certains spécialistes croient qu’elle provient d’une mutation de Reinette Montfort. Son nom original est Schoener von Boskoop, mais on l’appelle souvent Boskoop tout simplement. Elle est populaire en France et y a été déclarée « Variété nationale ». Elle est aussi très répandue en Suisse, en Belgique ainsi que dans la plupart des pays d’Europe. En Allemagne, on l’utilise pour la préparation de l’Apfelwein. En Amérique, elle est disponible mais peu connue. Cette pomme est utilisée à toutes les fins : pour la table, la cuisine et le cidre. C’est une magnifique et grosse pomme, fortement liégée et savoureuse, avec un petit goût citronné. Une de mes préférées. On pourra l’utiliser pour augmenter la teneur en sucre d’un assemblage. Mais attention à son acidité : elle devra obligatoirement être mélangée à des variétés à faible acidité. Ce pommier est vigoureux et forme un grand arbre. Sa floraison est assez hâtive. Certains auteurs européens le disent sensible à la tavelure, alors qu’en Amérique, on le trouve plutôt résistant à cette maladie.
> Bilodeau Nombre d’échantillons analysés : 9 Teneur en sucre : élevée, masse volumique 1 063 g/L (1 048-1 074)