Marseille de nos pères

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Chez le même éditeur, autour des photographies de Jean Ribière

Aveyron, le temps de la terre, 1950-1960 de Marie-Claude Dupin-Valaison et Hélène Tabès, 2012 Chez les gantiers de Millau de Marie-Claude Dupin-Valaison, 2013 Dans les burons de l’Aubrac de Daniel Crozes, 2013 Dans les fermes et caves de Roquefort de Daniel Crozes, 2013 Sur les chemins de Saint-Jacques de Marie-Claude Dupin-Valaison, 2013

Conception graphique : Cédric Cailhol © Éditions du Rouergue, 2014 www.lerouergue.com

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Silvie Ariès et Hélène Tabès Photographies de Jean Ribière

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À nos pères, Jean Ribière et André Ariès À nos enfants, Marion Tabès, Antonin et Jérémie Géral-Ariès

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À

l’école, c’était formidable. On nous apprenait que nous descendions tous de Gyptis et Protis, fondateurs de Massilia, dans la calanque du Lacydon. Nous, les filles, on s’imaginait superbes, princesses dignes de faire fondre d’amour un capitaine grec. Et les garçons, qui n’avaient sans doute pas encore le sens du politique, se voyaient bien en marin grec, boucles brunes et teint hâlé, capable de faire chavirer une « nistonne », au premier regard. C’est à la maison que c’était plus compliqué. Difficile de retrouver Gyptis dans nos mères aux hanches larges, qui « trissaient » l’aïoli d’une main ferme, roulaient la semoule ou étalaient la pâte. Compliqué d’imaginer cette blonde aux yeux verts, qui mêlait la crème fraîche de sa Normandie natale à l’huile d’olive, en descendante royale d’une belle brune. Sans doute, pour nos pères aux accents chantants, tantôt italiens, auvergnats, arméniens, grecs, espagnols ou tunisiens, elles avaient été, un jour, de sublimes princesses. Mais l’histoire devenait tout de même un peu compliquée côté filiation. Et cette différence entre la légende et nos vies signifiait juste que nous grandissions. À Marseille. Et puis il y a eu nos pères. Nés ici. Dans ces quartiers-villages accrochés aux collines qui dévalent vers le port. Ils nous ont raconté la ville. Celle de leur enfance. Et si l’insouciante jeunesse

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nous rendait un peu sourds, ces mots sont restés accrochés aux murs et mêlés aux parfums de la ville. Le mien était marin. Né dans le quartier des Chartreux. Vite parti sur les océans pour devenir capitaine au long cours, puis pilote des ports de Marseille. L’éloignement lui avait donné un attachement viscéral à cette ville, puis à la Provence dont il apprit la langue tardivement. Celui d’Hélène Tabès était reporter-photographe, natif de Perpignan. Un voyageur lui aussi, qui attrapait du bout de l’objectif les scènes qui lui semblaient illustrer la vie, voire l’exotisme des cités traversées. En découvrant ses photographies, j’ai entendu des mots. Ceux de mon père qui me racontait son Marseille. Et tout est revenu. Intact. Il a été parfois difficile de retrouver certains lieux. Mais la petite musique des mots est restée là. Comme le souvenir d’un soir de 14 Juillet, sur le Vieux-Port où, depuis une pilotine – bateau utilisé par les pilotes pour aller à la rencontre des navires qu’ils font entrer dans le port –, la petite fille que j’étais, terrifiée par le bruit du feu d’artifice, cachait son visage dans les bras paternels. Le bruit, les milliers de lumières ce soir-là, m’ont fait rêver que j’étais princesse dans les bras d’un prince au costume d’étoiles. Une princesse marseillaise..

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Avant la tempête

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942. Il avait vingt ans. Au retour d’un marin vers Marseille, que ce soit d’une pêche au large de la rade ou d’un long voyage jusqu’en Afrique, le premier regard est pour la Bonne Mère. NotreDame-de-la-Garde, figure maternelle, repère de navigation comme des âmes. 1942, l’envahisseur a franchi la frontière vers le sud. Il est là. Et Marseille s’accroche à un quotidien faussement calme, perpétuant habitudes et usages. Il faut bien vivre. Immuable, la Bonne Mère est là, comme garante d’une liberté qui s’amenuise. On y monte, pour prier. On y grimpe pour lire les ex-voto qui ornent par centaines les murs de pierre. On vient remercier d’avoir ramené l’enfant marin. On y va juste en promenade voir cette ville qui baigne dans le soleil et semble encore à l’abri de la guerre. Belle illusion avant de descendre manger la glace sur le VieuxPort, ainsi nommé depuis qu’un nouveau port accueille les navires de commerce, laissant place libre aux bateaux de pêcheurs. Puis, on traverse grâce au pont transbordeur qui vit là ses dernières heures, on flâne, on se persuade que la paix est proche, la guerre lointaine même si elle est déjà là. 1942. Ce sont les dernières images d’une ville avant la tempête. Les dernières de leur enfance.

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Le Vieux-Port, depuis le quai de Rive-Neuve Dans la lumière du matin, on est quasiment devant l’hôtel de ville, initié par Gaspard de Villages, premier consul en 1653. Maintes fois menacé de destruction, le bâtiment a vécu les tumultes de l’indomptable cité marseillaise. Il a survécu et veille sur les barques marseillaises, au style si particulier. En face, c’est le quai de Rive-Neuve, où Pagnol situera le bar de la Marine et où, déjà, les shipchandlers vendent l’accastillage et le matériel de navigation.

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L’île Degaby entre l’ancienne Réserve et l’anse de Maldormé Une île mystère. Un drôle de lieu qui ressemble à un château de sable et qui sert de préambule aux grandes îles du château d’If, puis de Ratonneau et de Pomègues, dénommées îles du Frioul. On a raconté mille légendes aux petits sur cet îlot carré. Il est en réalité un témoignage du caractère rebelle de Marseille que Louis XIV voulait à la fois protéger mais plus probablement placer sous haute surveillance : un temps nommée île du Fort de Tourville, ou fort d’Endoume, et adossée à une poudrière, elle est aussi liée à une histoire d’amour. Un riche industriel l’a achetée à la Belle Époque et offerte à son épouse Liane Degaby, artiste célèbre. Elle devint l’île aux Fêtes, puis l’île Degaby.

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Marseille depuis Notre-Dame-de-la-Garde « Marseille est bleue », disaient les anciens. Bleue et rose comme ses toits. Et vallonnée. Ses collines au loin sont des invitations aux premiers voyages chez les cousins, les amis, dans ce qui était aussi, la campagne.

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Le funiculaire de Notre-Dame-de-la-Garde « On monte à pied ou on prend le funiculaire ? » « T’as été bien sage, allez, on va voir la Bonne Mère sans se fatiguer. » Inauguré en 1892, il a été construit sur la base d’une ancienne carrière qui en avait dicté le profil : soit une pente à 60 %. Et deux cabines d’une dizaine de tonnes, pouvant transporter chacune cinquante passagers, étaient suspendues à des câbles. Pour leur circulation, on alourdissait celle du haut avec 12 m3 d’eau pour qu’elle puisse descendre. Jugé obsolète à la fin des années 1960, le funiculaire de la Bonne Mère a transporté plus de 20 millions de voyageurs, sans la moindre anicroche. Sans doute, la Vierge Marie veillait-elle sur ses ouailles…

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La visite à la Bonne Mère Depuis des temps immémoriaux, la colline de la Garde est un point d’observation, un amer destiné aux marins et aux pêcheurs. Elle domine la rade depuis le piton calcaire de près de 150 m d’altitude, juste entre les quartiers du Roucas Blanc et de Vauban. Une basilique y a été construite par l’architecte Henri Espérandieu dans le style romanobyzantin et consacrée le 5 juin 1864. Elle est surtout un lieu familial, où l’on vient rendre grâces, et surtout profiter de la balade pour découvrir la rade. « Si tu y montes pour prier, il faut mettre des pois chiches dans tes chaussures », disaient les grands-mères. Sans préciser s’il fallait les faire cuire au préalable laissant le choix aux « pèlerins » de souffrir vraiment ou, simplement, de grimper les innombrables marches les chaussures emplies d’une bouillie…

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Palais Longchamp L’eau, si précieuse, mérite bien un château. C’est ainsi que naquit, en 1869, ce somptueux bâtiment destiné à être le point d’arrivée des eaux de la Durance détournées afin d’alimenter la ville de Marseille, qui connaissait alors des problèmes d’approvisionnement en eau. À l’arrière, lieu de promenade très prisé, on trouve dans le parc, le jardin botanique et le jardin zoologique.

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La balade en mer On peut être Marseillais et ne pas avoir le pied marin ou, pire, ne pas savoir nager. Mais le rituel du dimanche, si l’on dédaigne l’ombre fraîche des platanes, c’est la promenade en mer. Elle n’est pas forcément destinée aux touristes qui ont toujours préféré à l’ombrageuse ville aux cent communautés la douceur de la Côte d’Azur ou de la ville de Cassis toute proche. Alors c’est en famille qu’on emmène les cousins, du côté de l’Estaque ou des calanques. Parfois même, on pousse jusqu’au château d’If pour le plaisir de croire quelques instants que le comte de Monte-Cristo a bel et bien été enfermé dans une sombre cellule aux parfums d’embruns.

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Le pont transbordeur C’est la tour Eiffel de Marseille ! Excusez du peu. Sauf qu’il n’était pas du goût de tous, puisque certains peintres « oubliaient ce tas de ferraille », pourtant si utile aux Marseillais. Il a été construit en 1905 par l’ingénieur Arnodin, détenteur d’une concession pour soixante-quinze ans, et il permettait de transporter deux cents personnes en une petite minute, d’un côté à l’autre du port. Plus rapide que le ferry-boat en quelque sorte. Et, surtout, il laissait passer les navires sans risquer de heurter leurs mâts ou leurs cheminées. En 1942, il est toujours là, verrou athlétique du Vieux-Port. Il sera détruit en partie par les Allemands en 1944.

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La visite du château d’If Un petit quart d’heure depuis le quai de la Fraternité et, hop, on arrivait sur l’île rocheuse et son château. Et les promeneurs qui débarquent sur cet îlot de trois hectares n’ont qu’une idée en tête : renouer avec le mythe inventé par Alexandre Dumas. Pas contrariants, leurs « guides », plus marins que savants, négligent de leur dire que ce fort aux tours rondes a été construit par François Ier pour protéger les côtes provençales, ou qu’on n’y vivait pas plus de neuf mois, dans des conditions extrêmes. Peut-être, racontaient nos pères, rappelaient-ils que le capitaine du Grand Saint-Antoine, navire qui apporta la terrible peste en 1720, y fut confiné un temps. Qu’importait au fond : dans la fraîcheur des murs de pierre, sur l’île aride, c’était le lieu des peurs d’enfants et des rêves d’évasion.

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Vers le large Est-ce la nature ? Ou les Dieux qui, depuis l’Antiquité, veillaient sur Marseille ? Toujours est-il que les calanques sont des refuges. Le mistral ne s’y engouffre pas. Le vent de la mer les effleure à peine. On y est à l’abri. Et puis, quand on met le cap vers le large, on embarque vers les îles, puis vers les destinations inconnues. On sort du cocon. On sort de la douceur tiède de l’abri. On quitte les bras de la Bonne Mère et tout est possible. Là, sitôt la passe franchie.

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Les villas de la Corniche Entre les calanques de Cassis et la ville, dans la rade sud de Marseille, il y a de petits paradis. Des anses que la construction de la promenade de la Corniche, en les détachant d’Endoume, a permis de préserver. C’est là que les riches bourgeois se sont installés, négociants fortunés, armateurs… Près de Malmousque et de sa sœur Maldormé, ces villas font rêver avec leur inspiration souvent coloniale, leurs jardins et leurs couleurs. Plus bas, dans les calanques qui rappellent que le Vieux-Port en était une, les petites gens viennent pêcher les gobis, sarrans, vieilles, mustelles, garris et profiter de ces endroits paisibles. Ils y ont des cabanons et la vie y est douce : il suffit parfois de prendre la rue « Va à la calanque » pour dénicher le paradis.

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Le début des rêves Posséder une barquette : le début du luxe, pour pêcher, se promener en famille. Mais un voilier alors ! C’était le point de départ des rêves sous l’auvent accueillant et frais. On allait les voir, en flânant sur les quais, et on songeait aux destinations « lointaines » vers l’île de Porquerolles ou, pire, la Corse. « Ça nous rendait tous marins », se souvenait mon père. Avant d’embarquer comme tant d’autres à quatorze ans, comme mousse. Et de découvrir que la mer n’avait rien à voir avec les paisibles rêves de voyages, depuis Marseille. N’empêche : depuis le port, des générations de marins, aussi aguerris que les fameux de La Rochelle ou de Brest, ont pris la mer. Juste à partir d’une balade familiale.

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À la sortie de la messe Le dimanche, quand on allait à la messe – chaque quartier avait son église –, on préparait les sous. Ceux de la quête, que parfois on permettait aux enfants de laisser tomber dans la « banette » avec cette recommandation précieuse : « Tu donnes, tu prends pas, hein ! » Et ceux des mendiants à la porte. Ma grand-mère, qui tenait un bar aux Chartreux, était plutôt du style mécréant. Mais c’est au moment d’aller « au pain » qu’elle gardait trois sous pour « son mendiant ». Aussi fidèle à son quartier qu’à sa misère.

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Les gitans « N’aie pas peur de la gitane. Tu la paies d’un sourire mais tu lui donnes pas tes sous. » : étrange que cette ville cosmopolite ait ses parias. Au mois de mai, quand le pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer s’annonçait, on voyait même à Marseille passer les gitanes. Pas de bonne aventure, pas de promesses. Juste un bol tendu. « Mais si tu l’ignores, la masque viendra te tirer par les pieds. » Alors, entre trouille et respect, on s’écartait prudemment avec une moue tordue qui ressemblait, vaguement, à un sourire.

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Tu te souviens de Barthou ? L’idée de la venue du roi Alexandre Ier de Yougoslavie était de renforcer les liens entre la France et ce pays face à la menace hitlérienne. Mais très vite, « on a eu peur, parce qu’il y avait trop de monde sur la Canebière. À Marseille, ça dérive facile ! » Le monarque, lui, refusait de céder et, ce 9 octobre 1934, empruntait derrière un cortège de policiers le chemin depuis le port jusqu’à la gare, destination Paris, après divers discours et dépôt de gerbes. Il était attendu quai des Belges par Louis Barthou, ministre des Affaires étrangères, et d’autres personnalités. À 16 h 15, Vlado Tchernozemski, un nationaliste bulgare, tirait sur le cortège, près du Palais de la Bourse. Le roi et Barthou périront, comme quatre autres membres du cortège. Et un monument a été érigé là où leurs dépouilles ont été veillées. « Heureusement que l’assassin était pas un Marseillais, dira-t-on au bar familial, on nous aurait encore accusés. » Marseille, à la réputation (déjà) parfois sulfureuse, entrait dans l’histoire de l’avant Seconde Guerre mondiale.

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Le tramway sur la Canebière Une centaine de lignes ! Si, c’est vrai ! Même que la première allait des Chartreux à La Joliette et que l’on espérait au bar familial qu’elle amènerait des clients mais « pas trop de marins soûls quand même ». Et comme le mot était difficile à écrire, on disait le tram, ou on tentait un « tramouais » discret sur les copies d’écoliers. Créé en 1876, il a eu ce charme de pouvoir emmener jusque dans les campagnes : vers Saint-Marcel ou encore La Blancarde. Mais les Marseillaises craignaient aussi les amateurs de rondeurs fessières : « Chaspez pas », lançaient les matrones, serrées comme des sardines dans le tram, pour échapper aux mains baladeuses. Mi-ravies, mi-furieuses.

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Le Palais de la Bourse « Ils ont eu du mal à le construire ce Palais mais ça valait le coup : même Napoléon III est venu pour son inauguration. » Sûr que ça fait très chic. Le bâtiment a été l’orgueil des Marseillais et, surtout, de ses bourgeois, riches négociants, enrichis autour du port où on vendait huile, épices, savon, tissus. Pas de discussion donc pour le siège de la chambre de Commerce et d’Industrie : « Ici, le port est le centre et sur ce port la Canebière est le point où viennent se rencontrer les deux moitiés de la ville, c’est donc là qu’un palais véritablement central doit s’élever », disait à l’époque un haut responsable.

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