Mon chien, la liberté et les glaces à la mangue
Dans la même série
Mon chien, Dieu et les Pokétrucs – roman dacodac (ill. Charles Dutertre), 2018 … et d’autres titres à paraître !
Illustration de couverture : Charles Dutertre
Graphisme de couverture : Olivier Douzou
© Éditions du Rouergue, 2023
www.lerouergue.com
Myren Duval mon chien, la liberté et les glaces à la mangue
Illustrations de Charles Dutertre– ON VA VOIR ZEIN EN ÉGYPTE, ON VA VOIR ZEIN EN ÉGYPTE !!
– Pauline, doucement !
– Mais pourquoi tu me rabats ma joie ?
– Je ne te rabats pas ta joie, je te demande de l’intérioriser.
– Intérioquoi ?
– Réjouis-toi en silence.
Je vais aller voir Zein en Égypte.
Apparemment, je n’ai pas le droit de le dire trop fort. Ça fait cinq mois qu’elle est partie.
C’est extrêmement long. Bon, ça m’a fait du bien d’être un peu tranquille, mais escalader avec elle une pyramide, ça va être tellement incroyable. –
JE VAIS VOIR ZEIN EN ÉGYPTE, JE VAIS VOIR ZEIN EN ÉGYPTE !!
Pour celles et ceux qui ne seraient pas au courant, Zein est venue habiter chez moi l’année dernière parce qu’elle fuyait la guerre en Syrie. Mes parents ont accueilli sa famille à la maison donc j’ai dû partager ma chambre et lui prêter mes jouets. Et mon chien. Et mes copains. C’était super. Enfin c’était super, c’était bien. Enfin c’était bien, c’était quand même pénible. Premièrement parce que je n’avais plus de place pour installer mes Pokétrucs et deuxièmement parce qu’elle ne comprenait rien de ce que je lui disais.
Et évidemment, quand nous avons commencé à nous amuser ensemble, elle est partie vivre en Égypte. Vous voulez voir l’album photo ?
Là c’est Zein, ici sa mère Farah et son père Ahmed, et dans le coin, Syrine le petit bébé qui ne savait même pas marcher.
Sur celle-ci, Zein et moi jetons des pierres dans l’étang. À la base, nous faisions des ricochets mais c’étaient des cailloux de mauvaise qualité qui ne rebondissaient pas. C’est à cet endroit que Syrine a glissé dans l’eau, tellement marrant.
Et là, c’est le jour où nous avons visité la grande mosquée de Paris mais sur la photo nous sommes au jardin botanique, devant les pandas roux. Trop mignons. Zein était triste parce qu’ils étaient enfermés, je lui ai dit qu’ils n’étaient peut-être pas au courant.
Je vais mettre l’album dans ma valise, ça lui fera une belle surprise.
3. en théorie, non
Mes parents ont mis trois jours à m’avouer que nous allons en Égypte parce que le père de Zein a été arrêté par la police et envoyé en prison sans que personne sache pourquoi. Il n’a rien fait de mal. Farah, sa femme, a informé mes parents et ils ont décidé de sauter dans un avion. Ils ne pourront certainement rien faire pour Ahmed, mais ils veulent être auprès de Farah et de ses filles. Ça tombe bien puisque ça me fait manquer l’école une semaine.
Je prépare mes bagages, j’ai pris mon maillot de bain même si mes parents m’ont dit
non, et je remets dans ma valise tout ce que ma mère a enlevé dans mon dos. J’ajoute encore quelques jeux, on ne sait jamais, au cas où nous irions en prison nous aussi.
– Maman, on a le droit de mettre les gens en prison sans raison ?
– En théorie non.
– Et en Égypte oui ?
– Disons que dans les pays totalitaires, arrêter des gens fait partie de la façon de gouverner. Les dictateurs cherchent à faire peur à la population pour qu’elle se tienne tranquille.
Ils privent aussi les gens de leur liberté pour les empêcher de se révolter. Pauline, tu as remis dans ta valise tout ce que j’avais enlevé ?! Pourquoi veux-tu emporter des choses qui ne servent à rien ?? Tu m’écoutes ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Je crois que tu es une femme totalitaire qui me prive de mes libertés.
– Sors-moi tout ça de ta valise, ferme-la, je parle de ta valise, et descends-la dans l’entrée. Merci !