la rentrĂŠe rouergue noir 2014
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PETER MAY Écrivain écossais, Peter May habite depuis une dizaine d’années dans le Lot. Il a d’abord été journaliste avant de devenir l’un des plus brillants et prolifiques scénaristes de la télévision écossaise. Le Rouergue a publié sa série chinoise avant d’éditer la trilogie de Lewis (parue d’abord dans sa traduction française avant d’être publiée, avec un immense succès, en anglais), déjà 160 000 exemplaires vendus en français. © Patrice Normand / Opale
Octobre 2014
L’Écosse de Peter May En réimpression
La trilogie écossaise 1024 pages - 26,90 e
À la suite des romans de sa trilogie de Lewis, qui a conquis les lecteurs de polars du monde entier, Peter May nous invite à parcourir avec lui les îles de Lewis, ce petit royaume écossais des landes sauvages et des côtes tempétueuses, sur de très belles photographies de David Wilson. Les paysages qui ont inspiré Peter May feront vibrer ses lecteurs !
Dans un seul volume Collector, les trois opus de la trilogie de Lewis : L’Île des chasseurs d’oiseaux, L’Homme de Lewis et Le Braconnier du lac perdu. Avec un texte inédit de Peter May sur l’histoire de cette série policière.
Peter may L’île du serment Kirsty Cowell a-t-elle poignardé son mari à mort, cette nuit tourmentée sur Entry Island, à l’extrême-est du Canada ? Tous le croient, tout l’accable et pourtant Sime Mackenzie, le policier chargé de l’interroger, ne peut se résoudre à l’accuser. Mais l’étrange sentiment de familiarité qu’il éprouve à son égard n’estil pas une arme dangereuse offerte à une femme manipulatrice ? À moins que les rêves étranges qui le ramènent à la vie de son aïeul, émigré des Hébrides en terre de Québec au xix e siècle, ne recèlent une part du mystère ? Comme envoûté, Sime va devoir choisir entre les exigences de l’enquête et son propre destin. Un chemin qui a toutes les chances d’être sans retour… Dans ce nouveau roman, Peter May revient à son Écosse, magnifique et persécutée, dont les paysages semblent inspirer la tragédie. Avec une forte intensité émotionnelle, il tisse une énigme policière qui est aussi une grande histoire d’amour.
Traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue
3 septembre 2014 14 x 20,5 - 432 pages - 23 e env. ISBN : 978 2 8126 0685 4
The Times (UK) Après sa superbe trilogie de Lewis, Peter May nous donne un nouveau roman tout aussi captivant. The Independent (UK) Les deux récits s’entremêlent, avec autant d’élégance qu’un motif celtique, jusqu’à ce que May les fasse converger dans le dénouement final. Il en résulte un aperçu fascinant sur un épisode honteux et généralement occulté de l’histoire britannique. Daily Mail (UK) Mené avec une rare clarté et une fine observation de la claustrophobie propre à la vie insulaire, il lie les générations par un sort hypnotique et nous prouve combien May est un auteur à aimer.
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le policier de Cap-aux-meules se préparait à manger dans la cuisine avant de retourner dans la grande maison y monter la garde pour la nuit. Par la porte à demi entrouverte, le plafonnier dessinait un rectangle lumineux sur le sol du salon. sime entendait Kirsty se déplacer à l’étage. l’escalier était éclairé, mais le salon était plongé dans l’obscurité et seule une petite liseuse dessinait un cercle jaune autour d’un fauteuil disposé dans le coin opposé. sime déambula parmi les ombres, se contenant de toucher les bibelots du bout des doigts. un bouddha en émeraude, tout sourire avec un ventre gras et rond ; un calendrier composé de deux cubes sur lesquels étaient inscrits des chiffres, posés sur un support en cuivre. Une figurine en céramique représentant monsieur Micawber, le personnage de David Copperfield, avec son crâne chauve et luisant. À côté de l’un des fauteuils, une table d’appoint en acajou était couverte d’un napperon circulaire en dentelle qui la protégeait des rayures et des marques qu’aurait pu lui infliger le cadre photo en étain posé dessus. Sime le fit pivoter face à lui. C’était un portrait de Kirsty. Il l’attrapa et le tint à la lumière pour l’examiner. elle devait avoir à peine plus de vingt ans, les joues un peu plus pleines, son sourire exprimant la candeur et l’innocence de la jeunesse. elle n’était pas prisonnière à cette époque. ses parents étaient encore vivants, et elle s’était sentie libre de quitter l’île.
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Il contempla la photographie pendant plusieurs minutes avant de faire courir le bout de ses doigts sur le verre et de reposer le cadre sur la table. Il se demanda si, comme norman morrison, il n’était pas en train de devenir obsédé par Kirsty Cowell. le policier passa la tête par la porte de la cuisine pour lui souhaiter bonne nuit et, depuis la fenêtre, sime le regarda traverser la pelouse dans le noir. même si la grande maison était illuminée comme un arbre de noël et qu’il pouvait regarder la télévision tranquillement installé, sime ne l’enviait pas. C’était la maison d’un mort et, bien que son corps ait été emporté, son esprit habitait chaque meuble, chaque vêtement suspendu dans son placard, le sang répandu sur le sol. « Où avez-vous l’intention de dormir ? » surpris, sime tourna sur lui-même. Il ne l’avait pas entendu descendre les escaliers. elle s’était douchée et changée, ses cheveux étaient encore humides, et elle avait revêtu une robe de chambre en soie noire brodée de dragons chinois aux couleurs vives. « le canapé fera l’affaire », répondit-il. « Je ne dormirai pas. » elle traversa la cuisine à pas feutrés et mit la bouilloire en route. « Je prépare du thé, vous en voulez ? », lui proposa-t-elle par la porte ouverte. « Quelle sorte ? – Vert, à la menthe. – Avec plaisir. » elle réapparut quelques minutes plus tard avec deux mugs fumants et en posa un sur la table basse devant le canapé à l’attention de sime. elle s’installa ensuite dans le fauteuil placé dans le cercle de lumière et ramena ses jambes sous elle tout en faisant tourner sa tasse au creux de ses mains, comme si elle avait froid. « eh bien, voilà qui est étrange », dit-elle. Il s’assit dans le canapé et but une gorgée de thé en manquant de s’ébouillanter les lèvres. « Vous trouvez ? – le chasseur et sa proie faisant la trêve et dégustant une bonne tasse de thé. » la remarque piqua sime au vif. « C’est ainsi que vous me voyez ? Comme un chasseur ?
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– en tout cas, je me sens traquée. J’ai l’impression que vous avez déjà décidé que je suis coupable et que ce n’est qu’une question de temps avant que vous ne me fassiez craquer ou que vous ne me piégiez. J’ai à l’esprit l’image d’un lion et d’une gazelle. devinez lequel je suis. – Je ne fais que… – Je sais », l’interrompit-elle. « Que votre travail. » Elle fit une pause. « et moi, je suis seulement quelqu’un qui a vu son mari se faire poignarder à mort. Je n’ai pas dormi depuis. – dans ce cas, nous avons au moins ça en commun. » elle le dévisagea avec curiosité. « Que voulez-vous dire ? – Je n’ai pas dormi depuis des semaines. » Il regretta immédiatement ses paroles, mais il était trop tard pour revenir en arrière. « Pourquoi ? » Il se contenta de hausser les épaules. « C’est sans importance. – Cela a quelque chose à voir avec la fin de votre mariage ? » Elle avait visé juste, et il se sentit presque coupable. Être séparé de sa femme ne rentrait pas tout à fait dans la même catégorie que d’avoir vu son mari sauvagement assassiné. « laissez tomber », dit-il avant de changer de sujet. « Vous avez fini par retrouver ce pendentif ? » « Non. » Elle fixa le fond de son mug, l’air pensif. « Je ne l’ai pas retrouvé. et j’ai remarqué qu’il y a d’autres choses sur lesquelles je n’arrive pas à remettre la main. » Il reposa son mug sur la table basse, soudain intéressé. « Comme quoi ? – Oh, des petites choses. un bracelet en toc datant de mes études. des barrettes à cheveux. une paire de boucles d’oreilles. rien de valeur. Peut-être les ai-je juste égarés, mais je ne les retrouve pas. – Ils ne pourraient pas se trouver dans l’autre maison ? » elle haussa simplement les épaules comme si elle avait soudain décidé d’oublier le sujet. « Peut-être. » Il sentit qu’elle n’y croyait pas. « Vous ne pensez pas vraiment que je suis en danger, n’est-ce pas ? – À cause de norman morrison ? – Oui. » Il secoua la tête. « Pas vraiment, non. mais le lieutenant ne veut courir aucun risque. »
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Bien qu’elle eût à peine entamé son thé, elle se leva et, son mug à la main, partit en direction de la cuisine. elle s’arrêta à côté du canapé et le regarda. « Pourquoi vous ont-ils choisi pour rester et me surveiller ? – Je me suis porté volontaire. » ses yeux s’agrandirent à peine, seule manifestation de sa surprise. « Pourquoi ? – Parce que je savais que je ne risquais pas de m’endormir. » elle soutint son regard pendant un long moment puis détourna les yeux et se rendit dans la cuisine. Il l’entendit vider sa tasse dans l’évier puis la rincer. elle éteignit la lumière et passa dans la chambre du fond. Quelques instants après elle revint avec un duvet à une place et un oreiller. « Au cas où », dit-elle. « Bonne nuit. » l’escalier fut plongé dans le noir quand elle arriva sur le palier. Il l’entendit traverser le plancher au-dessus de lui, son sommier grinça lorsqu’elle se mit au lit. l’image de son corps nu entre les draps glacés lui traversa l’esprit mais il la chassa aussitôt. Il resta assis un moment dans le halo tamisé projeté par la liseuse puis il se leva, traversa la pièce et l’éteignit. Il alla fermer la porte d’entrée, alluma la lampe éclairant le porche et verrouilla la porte de derrière. Il savait que, sur l’île, fermer les portes à clé était un anathème, mais il ne souhaitait pas jouer avec le feu. Il regagna le canapé, ôta ses chaussures et s’allongea en laissant aller sa tête sur l’oreiller. À travers la fenêtre, la lampe du porche projetait des ombres qui s’étiraient sur toute la longueur de la pièce. sa clarté rasait le plafond, révélant aux yeux de sime les craquelures et les défauts qui seraient ses compagnons pendant les longues heures d’insomnie qui l’attendaient. de temps en temps, il l’entendait se retourner dans son lit et se demandait si elle aussi peinait à trouver le sommeil. Il ressentait une intimité étrange à être si proche d’elle, allongée dans son lit, juste au-dessus de lui. et pourtant, le gouffre qui les séparait n’aurait pas pu être plus grand. le temps passait et il commençait à sentir le froid. le chauffage s’était éteint et la température extérieure chutait. Il passa le bras audessus de sa tête et ramena le duvet sur lui. sa douceur l’enveloppa
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et il sentit sa propre chaleur qui commençait à l’imprégner. Il prit une inspiration lente et profonde puis ferma ses yeux douloureux. Il pensa à son anneau. et au pendentif. “ne la laisse pas te retourner la tête”, lui avait dit Crozes. sans véritable raison, il la croyait à propos du pendentif. Il essaya de se rappeler si son père avait un jour parlé de l’anneau. d’où il provenait. Pourquoi il était important. sime regrettait de ne pas avoir prêté plus d’attention aux histoires familiales. leurs racines écossaises. son héritage. sime était trop occupé à s’intégrer. Être un Québécois, parler français. Au bout du compte, seules lui restaient en mémoire, vives et précises en dépit des années, les histoires que sa grand-mère avait lues dans les journaux intimes de son ancêtre
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Il pleut. Une pluie fine et pénétrante semblable à de la brume. Un crachin ramené de la mer par un vent à vous couper en deux. Je suis avec mon père. nous sommes saisis de peur et nous courons, presque accroupis, le long de la crête de la colline qui domine Baile mhanais, là où la pente rejoint le loch de mer que je connais sous le nom de loch Glas. mes vêtements sont trempés et le froid m’anesthésie presque. Je ne suis pas sûr de mon âge, mais je ne suis pas beaucoup plus vieux que lorsque Kirsty et moi nous nous sommes embrassés pour la première fois à côté des pierres levées au bout de la plage. mon père a enfoncé sa vieille casquette usée en tissu jusqu’audessus de ses sourcils et je vois la noirceur de son regard tandis qu’il regarde en arrière par-dessus son épaule. « Pour l’amour de dieu, fiston, reste baissé. S’ils nous voient, ils se lanceront à notre poursuite et nous mettrons dans ce bateau, nous aussi. » Nous atteignons un affleurement rocheux presque enterré dans la tourbe au sommet de la colline. et, après avoir pataugé dans un ruisseau en crue, nous nous aplatissons dans l’herbe humide juste derrière. J’entends des voix portées par le vent. des hommes qui crient. nous rampons sur le ventre jusqu’à avoir une vue sur la pente qui rejoint les rives du loch Glas et le village de sgagarstaigh, avec sa petite jetée en pierre.
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PETER GUTTRIDGE Né à Burley, ancien directeur du Brighton Literature Festival, Peter Guttridge reste un membre actif des événements littéraires britanniques. Après onze années passées à rédiger des critiques de romans policiers, il se retire du journal l’Observer pour se consacrer à l’écriture de fictions. Son œuvre compte plus d’une quinzaine de titres.
© D. R.
Les deux premiers opus de la Trilogie de Brighton
À Brighton, capitale du crime au Royaume Uni, une opération policière tourne au carnage. Robert Watts, chef de la police, assiste à une succession de meurtres et de suicides dans sa brigade. Sa vie professionnelle s’écroule lorsqu’il est poussé à démissionner. Qui cherche à le faire tomber ? Tout se complique lorsqu’une affaire non résolue de 1934 ressurgit…
Un homme est sauvagement mis à mort sur une plage de Brighton : empalé et abandonné jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ce crime atroce est le précurseur d’un affrontement sans merci entre la mafia locale et des tueurs formés lors de la guerre des Balkans. Mais la motivation profonde de ce déchaînement de violence doit être recherchée bien avant, dans la jeunesse de John Hathaway, le roi de la pègre, le dernier roi de Brighton.
Promenade du crime
Le Dernier Roi de Brighton
320 pages - 15 x 24 - 20 e - 978-2-8126-0352-5
416 pages - 14 x 20,5 - 22 e - 978-2-8126-0453-9
Peter GUTTRIDGE Abandonnés de Dieu Pour venir à bout de l’énigme du crime des malles, irrésolu depuis 1934, Robert Watts, l’ancien chef de la police de Brighton tombé en disgrâce, est déterminé à sonder le passé de son père, l’écrivain Victor Tempest. Mais pour identifier l’assassin de la jeune inconnue dont le corps démembré a été retrouvé disséminé dans des valises, il devra remonter jusqu’aux horreurs de la Grande Guerre et aux foules fascistes du Royaume Uni des années 1930. Alors que la chronique de sang qui endeuille Brighton depuis des décennies approche de son terme et qu’autour de lui des hommes n’ayant plus la force de rire vengent les derniers morts, Watts découvre les plus profonds secrets de son père, cet homme qui jusqu’à la fin sera resté un inconnu. Dans ce roman hanté par les séquelles des conflits qui ont ravagé l’Europe tout au long du vingtième siècle, où les soldats revenus des lignes de front deviennent les hommes de main des mafias, Peter Guttridge nous confronte à cette question lancinante : à quoi bon s’armer contre autrui si le pire ennemi n’est autre que soi-même ?
Traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue
1er octobre 2014 14 x 20,5 - 352 pages - 20 e env. 978-2-8126-0614-4
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Victor Tempest – cahier un – suite il y avait donc Ridge, simpson et moi : fascistes ensemble. oswald Mosley m’intriguait. il avait démarré Tory, était passé au Labour puis, en 1931, s’était lancé, seul, avec son new Party alors que Ramsay Macdonald pilotait le gouvernement national fraîchement constitué. Le secrétaire du new Party, Peter Cheyney, était un auteur de romans policiers que j’appréciais. Le New Party se fit laminer aux élections générales de 1931. Le 1er octobre 1932, Mosley lançait la british union of Fascists, lors d’une cérémonie aux forts accents patriotiques, dans les anciens bureaux du new Party, au 1, Great George street à Westminster. de nos jours, le fascisme évoque des images terribles et nous l’associons avec l’extrême droite. Mais, à cette époque, il occupait une place à part entière dans le spectre politique. il s’agissait simplement d’un mouvement radical. Mes opinions
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auraient dû me porter vers la gauche, mais je n’appréciais pas les syndicats. Mussolini – qui avait créé le concept de fascisme en italie – était très admiré, même après son agression contre l’abyssinie. Les classes aisées appréciaient le fait qu’il ait mis en place un gouvernement fort pour contrer la menace rouge à laquelle la révolution russe avait donné naissance. il enthousiasmait les jeunes et les progressistes car il était tourné vers l’avenir. en italie, les trains arrivaient à l’heure. en Grande-bretagne, ce fut Mosley qui endossa ce rôle. bien que d’extraction aisée, il présentait la british union of Fascists comme une organisation sans classes où l’avancement ne s’obtenait que grâce au mérite. La buF était un mouvement de jeunesse contre les « vieilles bandes » de la politique britannique. Mosley voulait trouver un remède au chômage et empêcher le déclin économique et politique du pays. J’étais un homme jeune et énergique, prêt à en découdre. La police était incroyablement hiérarchisée – il fallut trente ans à Charlie Ridge pour passer du grade d’officier à celui de chef. La buF était faite pour moi, tout spécialement depuis que Stanley Baldwin, un membre de l’establishment, avait qualifié Mosley de « malotru et de cinglé ». Je n’avais pas besoin d’une autre recommandation. Lord Rothermere, grand propriétaire de journaux, était un admirateur de Mussolini et il soutint activement la buF par le biais du Daily Mail. C’est dans ses pages que j’appris son existence et, par la suite, je me suis engagé, en compagnie de Philip simpson. ni lui ni moi n’appréciions l’uniforme – nous en avions notre dose dans la journée – ou les processions et les manifestations
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de patriotisme tous drapeaux dehors, mais nous parvenions à les tolérer. Quand nous avons adhéré, Mosley n’était pas intéressé par cette absurdité des Protocoles des sages de sion. La buF prônait la tolérance religieuse, pas l’antisémitisme. et, en réalité, Mussolini faisait la même chose – ce sont les nationaux socialistes d’allemagne qui ont ajouté ça au mélange. Pour tout dire, les autres groupes fascistes britanniques – et les factions étaient nombreuses – surnommaient la buF les « fascistes casher ». Je donne sans doute l’impression de me couvrir un peu trop. C’est probablement le cas. en tout cas, tout le monde pouvait rejoindre le mouvement et la première chose dont je me suis aperçu c’est que c’était bel et bien ce qui se passait. en général, Philip, Charlie Ridge et moi nous allions à Londres pour les meetings. il existait aussi une branche à brighton où nous nous sommes rendus quelques fois. C’était surtout un refuge d’excentriques. Les meetings de brighton étaient tout à la fois importants et insignifiants – quelqu’un faisait un discours et ensuite nous nous rendions au pub pour boire un verre. il y avait un type appelé Tony Frederick qui était artiste de music-hall. Un danseur. Lui et sa femme – enfin, c’est lui qui affirmait qu’elle était sa femme – se produisaient en spectacle sous le nom de Kaye et Kaye. il semblait détester la terre entière, c’était un homme dévoré par la jalousie. sa femme se joignait à nous pour boire un verre. Habillée de manière voyante, elle n’était plus de la première jeunesse, mais elle était sympathique. et elle avait une bonne descente. il y avait pas mal de personnages de ce genre dans le parti – des gens qui avaient raté leur vie et essayaient de se
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remettre en selle en passant par la porte de service. Je sympathisai avec un jeune gars appelé Martin Charteris qui était venu aux deux meetings. il travaillait comme préposé aux toilettes publiques à la gare de brighton – cela illustre bien ce que je disais sur l’ouverture de la buF à tout le monde. C’était un type intelligent, plus âgé que moi d’un ou deux ans, avec un sens de l’humour assez vif. il disait partager son temps entre brighton et Londres. il piaffait d’impatience à l’idée de récupérer son uniforme. Mosley avait imaginé une chemise noire inspirée des vestes d’escrime – il pratiquait l’épée pour la Grande-bretagne en dépit de sa patte folle. Mosley la considérait comme « le reflet visible d’une grâce intérieure et spirituelle ». Charteris appréciait surtout de parader dans sa chemise et ses bottes de cavalier. Peter Cheyney fit un discours lors du premier rassemblement auquel j’assistais à Londres. J’avais des velléités en tant qu’écrivain – je passais mon temps à griffonner le moindre morceau de papier qui me tombait sous la main, même s’il ne s’agissait que de mon journal – et je suis donc allé discuter avec lui. il était auteur de romans policiers. Pas du type « meurtre en maison de campagne » comme agatha Christie. il écrivait ce que l’on appellera plus tard le hard-boiled et l’American pulp. un maximum de violence. Charlie, Philip et moi ne souhaitions pas adhérer sous nos vrais noms pour protéger nos emplois de bobbies. Quand je lui dis que je voulais devenir écrivain, Cheyney me suggéra de choisir le pseudonyme de Victor Tempest, cela sonnait bien pour un auteur de romans policiers. C’est donc ce que je fis et le nom resta. Je me rendis un soir dans un dancing de brighton en compagnie de Charteris, le shelleys. nous y rencontrâmes chacun
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une jeune fille et nous nous séparâmes. Je ne le revis pas avant plusieurs mois. J’emmenai celle que j’avais séduite voir un spectacle au bout de la jetée. Kaye et Kaye assuraient l’ouverture. on ne peut pas dire qu’ils brûlaient les planches. Je partageais l’essentiel de mon temps libre entre le front de mer de brighton et des petites virées à Londres. La liaison fut électrifiée en 1933 et un aller-retour en troisième classe ne coûtait que 12 shillings et 10 pence. Toutefois, ma préférence allait au front de mer. Les odeurs – les étals de fruits de mer et les fish and chips. L’animation – les gens du coin vaquant à leurs occupations et les bandes de touristes bruyants. Je me rappelle des baraques des diseuses de bonne aventure, décorées avec des portraits de Tallulah Bankhead1 ; des mannequins de cire des forains ; des cafés dont les enseignes proclamaient : « des Thermos remplis de plaisir » ; et ma préférée : « on vous perce les oreilles pendant que vous attendez ». Comme si, dans les autres baraques, on pouvait laisser ses oreilles et revenir les chercher lorsqu’elles étaient prêtes. J’avais l’habitude de traîner au Skylark, un café un peu rustique mais que fréquentaient beaucoup de filles. Autour du mois de septembre 1933, je me liais d’amitié avec un habitué du nom de Jack Notyre. Il ne mesurait qu’un mètre soixantedix et il bégayait, mais les filles l’appréciaient. En fait, elles ne cessaient de lui tourner autour. J’étais un peu plus jeune que lui – il venait de passer la vingtaine – mais nous étions tous les deux célibataires. nous nous amusions bien et nous aimions tous les deux jouer quelques pence aux cartes. et puis, un jour, il s’avéra qu’il n’était pas vraiment célibataire. une femme plus âgée arriva, 1 actrice américaine (1902-1968).
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passablement défraîchie, et s’assit avec lui. il semblait embarrassé qu’elle soit à ce point plus âgée. il la présenta comme étant madame saunders. ils vivaient ensemble. Contrairement à elle, je la reconnus. C’était la partenaire et la « femme » de Tony Frederick.
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