Libre Cours n°5

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Trimestriel Printemps 2013 2 € www.rsf.org

Sotchi 2O14


En vues

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1. Libre jusqu'à quand ?

2. Sotchi 2014, campagne internationale

Hassan Ruvakuki

© RSF

illustration : Pierre-Alain Leboucher

3 ans de prison pour journalisme

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3. Des yeux sans voix Second volet de la campagne « Chacun a le droit d'être informé », lancée en septembre 2012 par Reporters sans frontières, Voiceless Eyes (« Les yeux sans voix ») est un dispositif digital, imaginé par l'agence Les 84, où l'internaute est invité à faire l'expérience d'un monde privé d'information. «  Comment voir la vérité si elle ne peut pas être racontée ? », questionne l'organisation, qui rappelle ainsi toute l’importance d’une presse libre et mobilise l’attention du public sur le sort de 156 journalistes actuellement emprisonnés à travers le monde. Cette campagne digitale, en ligne sur www.voiceless-eyes.com, a remporté le Grand Prix Stratégies / Amaury Médias du marketing digital 2013 dans la catégorie "Sites Événementiels". 2

reporters sans frontières

© Reuters

Un an avant l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver à Sotchi en 2014, des militants de Reporters sans frontières se sont rassemblés, le 1er mars 2013, devant les grilles de l’ambassade de Russie à Paris. Ils ont déployé une banderole géante de 70 mètres de long, détournant le logo des anneaux olympiques en un poing américain ensanglanté, rappel de l’impunité dont bénéficient toujours de trop nombreux assassins et agresseurs de journalistes dans ce pays. Cet événement marque le début d’une campagne internationale de soutien aux journalistes, blogueurs et défenseurs des droits de l'homme russes. (voir page 5)

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© RSF (Visuel expérience intéractive : Les 84)

Arrêté fin 2011, peu après s'être rendu en Tanzanie pour couvrir l’émergence d'un mouvement rebelle burundais, Hassan Ruvakuki a été condamné en appel, le 8 janvier 2013, à trois ans de prison. Accusé de « participation à une association formée dans le but d'attenter aux personnes et propriétés  », le correspondant burundais du service en swahili de RFI et journaliste de la radio Bonesha FM n'a pourtant fait que son devoir : aller au devant de l'information. Libéré « pour raisons de santé » le 6 mars, Hassan bénéficie d'une liberté encore précaire.


La force de notre (votre) voix

ÉDITO

Christophe Deloire I Directeur général de Reporters sans frontières

L’influence de Reporters sans frontières dépasse ce que nombre de nos concitoyens imaginent. Nos moyens d’actions sont plus nombreux, nos activités plus concrètes, nos résultats plus probants qu’on ne le suppose souvent. Avec une équipe restreinte et des moyens financiers modestes, notre organisation réussit l’exploit d’agir partout sur la planète, d’y défendre les héros, d’y confondre les prédateurs et d’y faire évoluer les lois. Partout autour du globe, la voix de Reporters sans frontières porte.

Récemment, Noam Chomsky, cet américain que le New York Times a qualifié d’« intellectuel le plus célèbre du monde », a cité nos enquêtes sur la Turquie. De son côté, le Premier ministre turc Recep Erdogan a vitupéré notre Classement mondial de la liberté de la presse, où son pays occupe la 154e place. À cette publication les dirigeants politiques prêtent toujours une oreille attentive, parfois critique ; c’est logique car elle met à nu des systèmes d’oppression. Notre organisation a de l’influence sur les chefs d’États comme sur les organisations internationales.

« Partout autour du globe, la voix de Reporters sans frontières porte. »

En tout début d’année, lors de ses vœux à la presse, François Hollande a rendu compte du bilan annuel de Reporters sans frontières. Son homologue tunisien Moncef Marzouki nous a remis une récompense portant mention  : «  La Tunisie reconnaissante à Reporters sans frontières pour sa solidarité active pendant les années de braise. » Au Palais de Carthage, nous avons plaidé pour l’application des décrets-lois 115 et 116, des textes positifs et promulgués mais largement foulés aux pieds.

En février dernier, le président gabonais Ali Bongo nous a reçus. Dans ce pays équatorial, les pressions politiques et la corruption incitent trop de journalistes à se comporter en « mercenaires de la plume ». Nous avons instamment demandé la fin d’un système de contrôle politique et l’abolition de l’actuelle loi sur les médias. Reporters sans frontières livrera des préconisations pour un nouveau texte dans un délai de deux mois. Trois jours avant qu’elle ne prononce au Conseil de sécurité son discours sur la saisine de la Cour pénale internationale (CPI), nous avons rencontré à Genève la Haut-Commissaire pour les Droits de l’homme de l’ONU, Navi Pillay, et lui avons fourni des éléments sur les exactions commises contre les journalistes et net-citoyens dans des pays en guerre. Elle nous a d’ailleurs abondamment cités dans son dernier rapport au Conseil des Droits de l’homme. Nous avons aussi délivré des préconisations à l’Unesco pour nourrir le plan d’action de l’ONU sur la sécurité des journalistes. Nous réclamons notamment que le champ d’application de la résolution 1738 du Conseil de sécurité sur la protection des acteurs de l’information, qui avait été adoptée en 2006 à l’initiative de Reporters sans frontières, soit élargi. Le 3 mai prochain, nous fêterons la Journée mondiale de la liberté de la presse, qui avait été lancée par notre organisation en 1992 avant d’être endossée par l’Unesco. Ce jour-là, toute l’équipe pourra être fière d’avoir réussi à faire entendre sa (votre) voix, la voix de la liberté de l’information, aussi bien dans les geôles, dans les rédactions, que dans les lieux de décision.

reporters sans frontières

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4 Vladimir Poutine lors de la cérémonie de lancement, un an avant les Jeux de Sotchi 2014. Sotchi, février 2013. Le Président reporters sans frontières

© AFP Photo / RIA-NOVOSTI / POOL / Alexey Druzhinin

grand angle


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russie

Sotchi 2014 : Jeux olympiques d’hiver ou amorce d’un printemps russe ? Johann Bihr I Responsable du bureau Europe et Asie centrale

Le choix de la date du 7 octobre 2013 pour lancer le relais de la flamme des XXIIe Jeux olympiques d’hiver de Sotchi n’a pas fini d’alimenter les polémiques. Ce même jour, la société civile commémorera le septième anniversaire de l’assassinat d’un symbole de courage et d’opiniâtreté, la journaliste indépendante Anna Politkovskaïa.

Superficie : 17 098 242 km2 Population (2012) : 143 030 106 Capitale : Moscou Chef de l’état : Vladimir Poutine, depuis mai 2012 Prix RSF : Novaïa Gazeta, Dosh (2009)

Russie Moscou

148ème sur 179 dans le classement mondial de la liberté de la presse 2013 Sochi

En organisant les Jeux olympiques d’hiver dans la ville méridionale de Sotchi, le Kremlin fait un double pari : affirmer sur la scène internationale l’image d’une Russie fière, dynamique et moderne ; et souligner que le Caucase russe, à un jet de pierre de la prestigieuse station balnéaire transformée pour l’occasion en capitale des sports d’hiver, est une région «  normalisée  », loin des fantômes des deux guerres de Tchétchénie. Le premier défi est parfaitement légitime. Le second est nettement plus douteux.

© AFP Photo / Daniel Slim

Malgré les rodomontades du Kremlin et le mutisme actuel des médias interna-

tionaux, la situation dans le Caucase est tout sauf « normalisée ». Une relative stabilité s’est certes imposée en Tchétchénie au prix de la peur d’un régime policier et du traumatisme de toute une population marquée par la guerre. Mais la violence n’a fait que se déplacer. Les républiques voisines – Ingouchie, Daghestan, Kabardino-Balkari, etc. – sont gangrenées depuis une dizaine d’années par une guerre civile larvée qui ne dit pas son nom. Insurrection islamiste et arbitraire des forces de l’ordre s’y nourrissent mutuellement, pour le plus grand malheur de populations civiles. Disparitions forcées, attentats, exécutions extra-

judiciaires, trafics en tout genre… Autant de thèmes sensibles pour ceux qui font œuvre d’informer. La litanie des journalistes assassinés continue de s’égrener dans l’impunité presque totale : au nom d’Anna Politkovskaïa sont venus s’ajouter ceux de Natalia Estemirova, Khadjimourad Kamalov, Abdoulmalik Akhmedilov et bien d’autres encore. Tandis que les concurrents du monde entier se préparent à s’affronter sur les pistes enneigées de Sotchi, une autre partie se joue en coulisses, à l’échelle de la Russie tout entière. Ses protagonistes sont une société civile qui poursuit inlassablement son affirmation, et un État qui s’efforce de contenir ce mouvement avec l’énergie du désespoir. Or l'image d'institutions moscovites figées dans la nostalgie du despotisme occulte trop souvent la réalité d'une société en mouvement et extrêmement contrastée. Voilà plusieurs années que la culture de l'obéissance et de la peur reflue en Russie. Évidente à Moscou, la contestation des fraudes électorales en 2011 et 2012 a touché toutes les grandes villes. C'est d'ailleurs aux deux extrémités du pays, à Vladivostok en 2008 et surtout à Kaliningrad en 2010, qu'avaient été lancées les premières manifestations massives de la décennie contre le parti de Vladimir Poutine, Russie Unie.

La patinoire Iceberg accueillera les épreuves de patinage des JO de Sotchi en 2014. Sotchi, 2012. reporters sans frontières

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En décembre 2011, alors que places et rues étaient envahies de cortèges d'une ampleur inédite depuis la fin de l'URSS, les principales chaînes de télévision, pourtant reprises en main par le Kremlin au début des années 2000, ont bien dû ménager une place aux opposants. L'ouverture fut de courte durée mais depuis, malgré les évictions suspectes au sein des rédactions, en dépit des difficultés du journalisme indépendant et des menaces sur l'archipel de liberté d'Internet, les journalistes semblent très progressivement reprendre confiance. En témoigne le mouvement de protestation inédit qui a répondu, à la mi-juin 2012, aux menaces de mort proférées par un haut gradé, le général Alexandre Bastrykine, à l’encontre du rédacteur en chef adjoint de Novaïa Gazeta, Sergueï Sokolov. En témoigne aussi, quelques jours plus tard, le refus de la chaîne privée NTV, pourtant réputée proche du pouvoir, de déprogrammer un film sur la Seconde

«  Des projets de loi comme autant d'armes de bâillonement massif.  » Guerre mondiale jugé non conforme à la vision officielle de l’histoire. Le directeur général de NTV s’en est publiquement justifié, sous la forme d'un poème caustique qualifiant le ministre de la Culture de « stalinien ». Dès le retour à la présidence de Vladimir Poutine, le gouvernement a fait adopter, en un temps record, une cascade de lois répressives pour endiguer la propagation d'une plus grande liberté de l'infor mation. Au moment même où se durcissait fermement l'encadrement des ONG et des manifestations, la diffamation, dépénalisée en novembre 2011, a fait son retour dans le code pénal. Au nom de la « protection de l'enfance », une liste noire

Manifestation d'activistes d'opposition russes, protestant contre le gouvernement Poutine. Moscou, septembre 2012.

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reporters sans frontières

a été mise en place par une agence fédérale dépendante du gouvernement afin de répertorier les sites internet « néfastes », promis au blocage sans débat contradictoire ni décision judiciaire. Ces derniers mois, la Douma a fourbi ses projets de loi comme autant d’armes de bâillonnement massif  : élargissement démesuré des notions de « secret d’État » et de « haute trahison », projet d’interdire les outils de contournement de la censure, de pénaliser drastiquement le blasphème. Mais cet arsenal ne parvient pas, pour l’heure, à museler la société. Au contraire, en répondant par la méfiance et la peur aux aspirations de la classe moyenne et au mécontentement social, le pouvoir ne fait que cliver davantage, au risque de fragiliser sa mainmise sur le pays. L’unanimisme propre aux grands rendez-vous sportifs ne doit pas leurrer : les véritables Jeux ne se dérouleront pas sur les pistes de ski. Et dans cette partie-là, la société civile russe a plus que jamais besoin de notre soutien.

© AFP Photo / Kirill Kudryavtsev

Ébullitions citoyennes et tentatives de musèlement


Protection des sources : LA nécessité d’une loi précise et dissuasive Prisca Orsonneau

France

Responsable du Comité juridique

Le droit de ne pas révéler l’identité d’un informateur ainsi que les documents et supports de son enquête est un pilier essentiel du métier de journaliste. Sans ce garde-fou, qui pourrait se confier à un journaliste en toute confiance ? Les nombreuses condamnations prononcées par la Cour européenne des Droits de l’homme ‑encore récemment contre la France1 et les Pays-Bas2‑ témoignent de la difficulté de faire respecter cette pierre angulaire de la liberté de la presse. Lorsque la machine de l’enquête se met en marche, le secret des sources est perçu comme un obstacle à écarter. Afin de contrôler les actes d’investigation, au stade de l’enquête de police et de l’instruction, une loi protectrice, claire et précise est indispensable.

« Le secret des sources est perçu comme un obstacle à écarter  »

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), dont Reporters sans frontières est membre, devrait rendre un avis dans les prochaines semaines. Plusieurs garanties, que nous défendons, sont en effet indispensables pour assurer une protection réelle des sources d’information. Parmi celles-ci, la mise en place d’un contrôle préalable par un juge indépendant, l’abandon de la notion malléable et imprécise du « motif

© Grégoire Alexandre

En France, la loi du 4 janvier 2010 avait suscité des espoirs en consacrant pour la première fois le principe de la protection des sources. La recherche des fadettes de journalistes enquêtant sur l’affaire Bettencourt, ainsi que les témoignages recueillis par Reporters sans frontières auprès de journalistes et documentaristes visés par des réquisitions, des saisies ou des convocations, ont démontré que ces dispositions étaient inadaptées. Le gouvernement travaille actuellement sur la rédaction d’un nouveau projet de loi. prépondérant d’intérêt public  », enfin l’encadrement des exceptions au secret des sources à des hypothèses très exceptionnelles et définies. Pour être dissuasive, la loi devra également prévoir une sanction directe et pénale en cas de violation de ce secret. Les délits de « recel de violation du secret de l’instruction et du secret professionnel » devront être abandonnés.

Seule une révision en profondeur de la loi du 4 janvier 2010 permettra donc de changer les comportements et de porter la France au rang de la Belgique et de la Suède, autrement dit des nations offrant une protection réelle des sources d’informations. 1. CEDH, 12 avril 2012, Martin et autres contre France, req. n°30002/08 ; CEDH, 28 juin 2012, Ressiot et autres contre France, req. n°15054/07, 15066/07 2. CEDH, 28 novembre 2012, Telegraaf Media Nederland Landelijke Media B.V. et autres contre Pays-Bas, req. n°39315/06

reporters sans frontières

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© AFP Photo / Pedro Ladeira

MONDE MONDE

brésil

Les déséquilibres médiatiques du géant sud-américain Benoît Hervieu I Responsable du bureau Amériques

Malgré l’euphorie des échéances sportives de 2014 et 2016, le Brésil n’en a pas fini avec la violence et les inégalités qui affectent notamment son espace de communication. Reporters sans frontières en a rendu compte dans un rapport consécutif à une mission effectuée sur place en novembre dernier. Trinidad and Tobago

Co

sta

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Panama

Venezuela Guyana Suriname

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Brazil Peru Brazilia

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Rio de Janeiro São Paulo

Paraguay

Chile

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brésil Superficie : 8 515 767 km2 Population (2011) : 194 900 000 Capitale : Brasilia Langue : portugais Chef de l’état : Dilma Rousseff, depuis janvier 2011 108ème sur 179 dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2013

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reporters sans frontières

Le bilan humain de l’année 2012 a été lourd, dans les rangs de la presse brésilienne. Propulsé au cinquième rang mondial des pays les plus dangereux pour la profession, avec cinq journalistes tués (lire aussi page 9), le géant sud-américain a également conservé un modèle médiatique à peine modifié depuis l’époque de la dictature militaire (1964-1985). Un modèle synonyme de forte concentration des médias nationaux, de répartition inégale des fréquences et moyens de diffusion, et surtout d’extrême dépendance politique et financière des journaux ou supports audiovisuels régionaux vis-à-vis de puissantes oligarchies locales. Ces «  Trente Berlusconi  » ou colonels, détenteurs de tous les leviers du pouvoir local, fustigés par l’analyste et éditorialiste Eugênio Bucci, donnent leur titre au rapport rendu public par Reporters sans frontières, le 24 janvier dernier, à la suite d’une mission menée à Rio de Janeiro, São Paulo et Brasilia deux mois plus tôt. Dans quel pays les mêmes propriétaires de médias siègent dans les organismes habilités à répartir des fréquences dont ils sont eux-mêmes les bénéficiaires ? Ce criant mélange des genres, pourtant interdit par la Constitution fédérale,

décrit hélas la réalité médiatique brésilienne. Rien d’étonnant dès lors, à ce que les audaces des journalistes mais aussi des blogueurs, s’exposent à la forte censure d’une autorité judiciaire souvent aux ordres des gouverneurs ou parlementaires de chaque État. Bien loin d’être en phase avec une société civile nombreuse et diverse, le paysage médiatique brésilien représente une Bastille à prendre pour les innombrables médias alternatifs et communautaires en attente d’une licence de diffusion régulière. La mission de Reporters sans frontières a connu un temps fort avec la visite de sept favelas des zones nord et sud de Rio de Janeiro, « pacifiées » et sous contrôle policier pour les besoins de la cause footballistique et olympienne. À flanc de morros (collines où se déploient les favelas), les haut-parleurs agrafés aux pylônes servent de relais aux radios communautaires animées par les habitants, mais menacées de fermeture à tout moment. Du bricolage, certes, mais aussi l’expression d’une demande populaire en faveur d’un meilleur équilibre des ondes.


MONDE

c l a s s e m e n t m o n di a l

Le temps des stabilisations et des espoirs déçus Antoine Héry Responsable du Classement mondial de la liberté de la presse Reporters sans frontières a rendu public, le 30 janvier 2013, le Classement mondial de la liberté de la presse. Alors que la précédente édition reflétait une actualité extrêmement riche notamment dans le monde arabe et témoignait de beaucoup de changements, l’édition 2013 permet de mieux saisir les intentions des nouveaux régimes en matière de liberté de l’information.

répressions de mouvements populaires en 2011. C’est le cas au Chili (60ème, +20), en Ouganda (104ème, +35), en Côte d’Ivoire (96ème,+63) ou encore au Malawi (75ème, +71), qui enregistre la plus belle progression du classement pour revenir à son niveau de 2010. Les États-Unis (32ème) remontent de quinze places, en partie du fait de l’essoufflement du mouvement Occupy Wall Street, très réprimé en 2011.

En haut du classement, la Finlande (1er), les Pays-Bas (2ème) et la Norvège (3ème) continuent d’occuper les premières places. À l’extrême opposé, le Turkménistan (177ème), la Corée du Nord (178ème) et l’Érythrée (179ème) composent le « trio infernal » des pays les plus mal classés depuis 2005. La France (37ème) gagne, quant à elle, une place.

Au rang des rares améliorations, la Birmanie (151ème, +18) sort des quinze dernières places, où elle évoluait systématiquement depuis la création du classement. Le « printemps birman » a apporté des améliorations notables aux conditions d’exercice du journalisme, même si beaucoup reste à faire. L’Afghanistan (128ème, +22) enregistre, lui aussi, une belle progression, tout comme le Sénégal (75ème, +16) ou la Libye (131ème, +23). Ces derniers pays doivent encore

L’édition 2013 du classement témoigne de certains retours à la normale après les

confirmer les espoirs placés en eux. À l’inverse, d’autres chutent de manière importante. Le Japon (53ème, -31), où les informations liées à Fukushima font l’objet d’une censure inquiétante, sort des cinquante pays les mieux classés. Le Mali (99ème), en proie à une instabilité politique depuis le putsch militaire du 22 mars 2012, a vu les exactions contre les journalistes se multiplier dans le nord du pays, mais aussi à Bamako. Avec une chute de 74 places, le pays accuse la plus forte régression du classement. En Asie et dans le Pacifique, l’Inde (140ème, -9), le Cambodge (143ème, -26), le Bangladesh (144ème, -29), la Malaisie (145ème, -23), les Philippines (147ème, -7) et Singapour (149ème, -14) font sombrer toute une région, entre généralisation de la censure internet et multiplication des emprisonnements de journalistes et de blogueurs.

focus Un bilan annuel marqué par l’horreur syrienne

© RSF

L’année 2012 est la plus meurtrière enregistrée par Reporters sans frontières depuis son premier bilan annuel, en 1995. Cent trente-huit journalistes et net-citoyens ont payé de leur vie des activités de production et de diffusion de l’information. En Syrie, 63 d’entre eux sont morts pour témoigner de la violence des affrontements entre Bachar el-Assad et ses opposants. En Somalie, les journalistes sont les cibles de milices extrémistes et d’administrations locales qui tentent de les faire taire. Le Pakistan affiche, lui, une sinistre moyenne d’un journaliste tué par mois. Au Mexique et au Brésil, la dénonciation des cartels et des enquêtes sur des affaires de corruption ont causé la mort de 11 journalistes. Enfin, un triste record pour la Turquie, qui devient en 2012 la plus grande prison du monde pour les journalistes avec 42 emprisonnés, devant l’Iran et l’Érythrée, les pires geôles du monde. reporters sans frontières

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Dans l’actu

p r ix RSF

Une prime au courage pour des journalistes syrien et afghans

Reporters sans frontières, Le Monde et TV5MONDE ont tenu à récompenser Mazen Darwish, président du Centre Syrien des Médias et de la Liberté d’Expression (SCM), et le média afghan 8Sobh. La 21ème remise du prix pour la liberté de la presse s’est tenue à l’auditorium du Monde, à Paris, le mardi 18 décembre 2012. Le syrien Mazen Darwish est un symbole de courage. Reporters sans frontières n’a cessé de réclamer sa libération aux

© RSF

Le 18 décembre dernier Reporters sans frontières, Le Monde et TV5MONDE, ont remis le prix pour la liberté de la presse à un journaliste syrien en prison et à un média afghan. autorités syriennes. Arrêté le 16 février 2012 par des membres des services de renseignement de l’armée de l’air, il est actuellement détenu au secret. Fervent défenseur des droits de l’homme et de la liberté d’expression, Mazen Darwish jouait un rôle clé dans la diffusion d’informations sur la situation en Syrie, pays où les journalistes étrangers sont pratiquement interdits de séjour. Le lauréat de la catégorie médias, le quotidien afghan 8Sobh est la preuve qu’un

journalisme de qualité peut se développer malgré des difficultés extrêmes. Fondé en 2007 par plusieurs journalistes réputés et des militants de la liberté de la presse, le journal, basé à Kaboul, publie informations et analyses politiques sur tous les sujets majeurs qui préoccupent les Afghans : la démocratie, les droits de l’homme, les changements politiques du pays. Laïc, s’efforçant de donner une information neutre et objective, le journal est régulièrement inquiété aussi bien par les Taliban que par les autorités.

album

À l'occasion de la Journée internationale pour la liberté de la presse, le 3 mai prochain, Reporters sans frontières est fière de consacrer son nouvel album de photographies à Paolo Pellegrin, l'une des grandes figures du photojournalisme contemporain. Le travail de Paolo Pellegrin aux ÉtatsUnis, entre 2011 et 2012, est au coeur de cet album. Souvent dures, rarement innocentes, ces 100 photos témoignent de la réalité du « rêve américain ». De la frontière El Paso au Mexique où tous tentent d'atteindre ce mirage, à Roches10

reporters sans frontières

ter, où coexistent les riches et les pauvres, en passant par la frénésie d'une course à l'armement des américains, pour finir sur les images d'un Miami, très loin de l'idée d'un univers doré... Un voyage en images sur les États-Unis d'aujourd'hui emprunt d'une dualité, entre rêve et réalité. 100 photos de Paolo Pellegrin pour la liberté de la presse sera en vente chez tous les marchands de journaux dès le 2 mai 2013 au prix de 9.90 €.

© Paolo Pellegrin / Magnum Photos

100 photos de Paolo Pellegrin pour la liberté de la presse


l’AGENDA 17 au 21 AVRIL 2013

P r i x 2 0 1 3 d u N e t- c ito y e n

internet

Retrouvez Reporters sans frontières au Festival "Paris aime ses kiosques"

au nom de la lutte contre la cybercensure

3 MAI 2013

Lucie Morillon I Responsable du bureau Nouveaux Médias

liberté de la presse

En 2008, Reporters sans frontières inaugurait la Journée mondiale contre la cybercensure, dans le but de préserver un Internet unique, libre et accessible à tous, condition indispensable à une meilleure circulation de l’information. Afin de mettre des visages sur le combat contre la censure en ligne, Reporters sans frontières a créé, avec le soutien de Google, le prix du Net-citoyen, qui récompense un journaliste, un blogueur ou un cyber-dissident reconnu pour sa mobilisation en faveur de la liberté d’information sur le Net.

. Journée internationale de la . Sortie de l’album "100

photos de Paolo Pellegrin pour la liberté de la presse" 20 juin 2013 Journée mondiale des réfugiés

M adagascar

Un code de bonne conduite en période électorale

Pour la première fois, le lauréat 2013 a été choisi par plus de 40 000 internautes du monde entier parmi 9 nominés issus des 5 continents sélectionnés par le département de la Recherche de l’organisation, au moyen d’un vote sur la chaîne

YouTube de Reporters sans frotnières du 27 février au 5 mars. Huynh Ngoc Chenh, prix du Netcitoyen 2013, est l'un des blogueurs les plus influents du Vietnam. Il s'est vu remettre son Prix le 12 mars dernier lors d'une cérémonie à Paris. Le prix du Net-citoyen 2012 avait été octroyé aux Centres des médias des comités locaux de coordination en Syrie (LCC). Les LCC regroupent des journalistes-citoyens qui rassemblent et diffusent, en temps réel, informations et images sur la révolte populaire syrienne et sa répression. En 2010, le prix du Net-citoyen avait été attribué aux cyberféministes iraniennes du site we-change.org et en 2011 à Nawaat.org, un blog collectif tunisien indépendant.

En présence d'un représentant de Reporters sans frontières, les participants ont suivi plusieurs interventions sur les bonnes pratiques en matière de couverture électorale et ont travaillé en atelier sur le « Guide pratique du journaliste en période électorale », publié conjointement par RSF et l'OIF. Ils en ont tiré une version synthétique sur Madagascar, en langue malgache. Après quatre années d'une difficile transition, la Grande Île se prépare – sauf accident ou énième report – à des scrutins présidentiel et législatif, en juillet et septembre 2013. Le rôle des médias sera crucial pour informer correctement les citoyens et éviter les graves dérapages observés durant la crise de 20082009.

© AFP Photo / Thomas Samson

Du 15 au 18 janvier 2013, un séminaire de sensibilisation à la couverture journalistique en période électorale a réuni à Antananarivo les rédacteurs en chef et directeurs de publication de la presse malgache. Tenu à l’initiative de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), de la Commission de l'Océan Indien (COI) et de la Commission électorale indépendante pour la transition (CENIT), l'événement s'est conclu sur l'adoption d'une charte d'engagement des journalistes.

Huynh Ngoc Chenh, prix du Net-citoyen 2013

reporters sans frontières

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interview

« Le privilège d’informer librement doit être un droit pour tous »

Reporters sans frontières doit aussi son succès à l’activisme de ses bénévoles. Parmi eux, Lorna Shaddick, jeune journaliste britannique, a fait preuve d’un engagement jamais démenti. Pourquoi avoir choisi de vous engager au sein de Reporters sans frontières ?  » Une amie m’en avait parlé et j’avais envie de connaître cette organisation. J’y ai rencontré des gens qui sont à la fois très sympathiques et très dévoués à leur travail, que ce soit pour aider les journalistes en danger autour du monde ou promouvoir la liberté de la presse. J’avais hâte d’en faire partie. D’où vient votre attachement à la cause de la liberté de l'information ?  » Je suis journaliste moi-même et bien sûr il est important pour moi que tous

mes collèges dans le monde puissent faire leur travail sans peur. Mais pour nous tous, journaliste ou non, si on ne sait pas ce qui se passe quelque part, si l’injustice est cachée, comment améliorer le monde pour nos enfants ? Ce sont les journalistes qui découvrent la vérité et placent les gouvernements devant leurs responsabilités.

travaillé sur plusieurs projets intéressants pour collecter des fonds. J’ai vraiment découvert l’importance du travail de RSF. J’ai pris conscience du privilège qui était le mien de pouvoir m’informer des sources indépendantes, et de pouvoir écrire et diffuser cette vérité en toute liberté, sans peur. Ce privilège-là doit être un droit pour tous, mais il faut lutter pour le gagner.

Quels sont pour vous les apports de cette expérience ?  » J’ai amélioré mon français en faisant de la traduction. J’ai noué des amitiés avec les permanents. J’ai aussi et surtout

LEGS, DONATIONS ASSURANCES-VIE Transmettre aujourd’hui pour les libertés de demain Demande d’information

à retourner à : Reporters sans frontières - Service successions 47 rue Vivienne - 75002 Paris - Téléphone : 01.44.83.84.83 - www.rsf.org

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Reporters sans frontières s’engage à la confidentialité la plus absolue en matière de successions. N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions. Libre cours la revue de Reporters sans frontières pour la liberté de l’information - Publication trimestrielle - Prix 2 € - Abonnement un an : 6 € N°ISSN 1814-8190 - Directeur de publication : Christophe Deloire - Rédacteur en chef : Benoît Hervieu - Directeur de la communication : Alexandre Jalbert - Directrice du développement des ressources : Perrine Daubas - Secrétaire de rédaction : Justine Roche - Impression et routage : Imprimerie Chauveau - 2 rue du 19 Mars 1962 - 28630 Le Coudray - Maquette : Noémie Kukielczynski - édité par Reporters sans frontières - Association loi 1901 reconnue d’utilité publique - 47 rue Vivienne - 75002 frontières Parisreporters - Tél : 01 44sans 83 84 84 - E-mail : rsf@rsf.org - Site : www.rsf.org - Dépôt légal à parution 12

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