Negociation et mediation dans la gestion des EN - FAO

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explique comment aider les populations à faire face à des conflits qui compromettent ou désorganisent la gestion des ressources naturelles, entravent le développement, et provoquent des explosions de violence. Il montre comment on peut utiliser les techniques de négociation et de recherche d’un consensus pour gérer un conflit et bâtir une collaboration, et donne des indications pratiques, étape par étape, sur la manière d’établir et de gérer un processus de négociations consensuelles faisant intervenir de multiples parties prenantes. Le guide s’adresse à des spécialistes de la gestion participative/conjointe des ressources naturelles et de projets liés aux moyens d’existence ruraux.

Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles

Ce guide sur Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles

FAO

Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles



Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles par Antonia Engel Benedikt Korf Préparé dans le cadre du Programme d’appui aux moyens d’existence (LSP) Un programme intergouvernemental pour améliorer l’impact des activités visant à renforcer les moyens d’existence des populations rurales pauvres

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE ROME, 2006


Les appellations employées dans ce produit d'information et la présentation des données qui y figurent n'impliquent de la part de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture aucune prise de position quant au statut juridique ou au stade de développement des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

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© FAO 2006


Avant-propos Ce guide conceptuel est le fruit d’un long travail qui n’aurait pas pu aboutir sans l’aide de nombreuses personnes. Le guide a été préparé dans le cadre du Programme d’appui aux moyens d’existence (LSP) de la FAO, financé par le Département du Royaume-Uni pour le développement international (DFID). Il s’appuie sur des matériels de formation publiés antérieurement par la Division des politiques et de la planification forestières de la FAO (FONP) sur la gestion des conflits communautaires liés aux ressources naturelles, que le LSP a essayés sur le terrain, au Ghana. Les expériences de formateurs, de stagiaires et de coordonnateurs du programme ont été examinées, à l’issue de près de deux ans de formation et d’application des outils et des techniques sur le terrain. A la lumière des enseignements tirés sur le terrain, il a été décidé de réorienter les matériels de formation antérieurs comme suit: 1. intégration de la gestion du conflit dans le cadre général de la gestion participative des ressources naturelles et du concept des moyens d’existence durables en milieu rural; la gestion des conflits est incorporée dans un certain nombre de processus qui aident à établir et à maintenir des principes et des pratiques mutuellement acceptables pour la gestion des ressources naturelles; 2. importance du choix des parties prenantes dans les options de gestion des conflits, avec en premier plan une description pratique, étape par étape, des méthodes d’établissement et de médiation d’un processus de négociations consensuelles pour gérer un conflit et instaurer une collaboration entre des groupes de parties prenantes; 3. reconnaissance des dimensions culturelles et sociales des différents styles de négociation et de médiation, afin de concevoir un processus de négociation flexible, qui puisse être adapté à chaque situation, et appliqué dans le monde entier. L’une des conditions indispensables des Techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles est la reconnaissance de la multiplicité des caractéristiques socioculturelles et des intérêts des populations en matière de gestion de l’utilisation des terres, des forêts, des zones marines et de leurs produits. Dans ces circonstances, les conflits sont souvent inévitables, mais le guide montre comment les principes et les outils de négociation et de médiation peuvent être utilisés pour promouvoir un changement social positif et gérer un conflit de manière à prévenir les effets destructeurs souvent associés à leur escalade.

Remerciements Nous tenons à remercier en premier lieu Kath Means et Cynthia Josayma, qui sont, avec Eric Nielsen et Vitoon Viriyasakultron, les auteurs des matériels de formation antérieurement publiés, car ces matériels constituent les fondements de ce guide.


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Les contributions de Peter Castro, Phillip Scott Jones et Kath Means nous ont également été précieuses. Parmi les nombreuses personnes qui sont intervenues dans la mise en œuvre du programme de formation, nous tenons à citer en particulier: Pamela Pozarny du Bureau régional de la FAO à Accra et du Bureau de la FAO au Ghana, et Ruby Naa Dagadu, qui se sont occupés des questions opérationnelles et administratives; les membres du Comité consultatif qui nous ont donné des conseils sur la gestion du programme de formation; les formateurs Emmanuel Bombande et Joe Tabaazuing et tous les stagiaires, en particulier Peter Asibey Bonsu, Emmanuel D. Eledi, Andrew Kuyipwa, Patricia Markwei, James Parker McKeown, Valerie Fumey-Nassah et Samuel Nketiah qui ont participé à l’Atelier de révision du matériel de formation. Nous avons également été sensibles aux efforts des stagiaires qui ont documenté les expériences acquises en appliquant leurs connaissances dans des situations de conflits tirées de la vie réelle, pour nous fournir du matériel analytique et attirer notre attention sur les défis spécifiques que pose la gestion participative des ressources naturelles. Un grand merci à Jan Johnson, Dominique Reeb et Rebecca Metzner qui ont fait avancer les idées de ce programme de formation et fourni des informations en retour et des conseils durant la phase de mise en œuvre. Nous remercions également Jane Shaw qui a fait tout le travail d’édition et de correction des épreuves, Cecilia Valli qui a conçu la mise en page et Aldo Di Domenico qui a préparé les illustrations.

LE PROGRAMME D’APPUI AUX MOYENS D’EXISTENCE Le programme d’appui aux moyens d’existence (LSP) de la FAO, 2001-2007, soutenu en partie par le Département du Royaume-Uni pour le développement international (DFID), contribue à renforcer l’impact des interventions de la FAO dans les pays, par l’application efficace des approches relatives aux moyens d’existence durables (SL). Le programme LSP est né de la conviction que la FAO pourrait avoir un impact plus grand sur la réduction de la pauvreté et l’insécurité alimentaire si sa richesse en matière d’expertise et d’expérience était intégrée dans une approche d’équipe, plus flexible et plus orientée vers la demande. Le LSP vise à accroître les connaissances et l’application des principes et des approches concernant les moyens d’existence durables. Sa mise en œuvre est assurée par des équipes de fonctionnaires de la FAO qui s’intéressent à des thèmes spécifiques dans le contexte des approches concernant les moyens d’existence durables. Ces équipes interdépartementales et interdisciplinaires, ou sousprogrammes, cherchent à intégrer les principes relatifs aux moyens d’existence durables dans les activités menées par la FAO au siège et sur le terrain. Ces approches s’appuient sur des expériences de la FAO et d’autres institutions de développement. Pour de plus amples informations sur le LSP et le Sous-Programme relatif à la gestion des conflits liés aux ressources naturelles, prière de contacter par courrier électronique: Antonia.Engel@fao.org ou Dominique.Reeb@fao.org. Ou de consulter le site Internet: www.fao.org/sd/dim_pe4/pe4_040501_fr.htm


Tables des matières INTRODUCTION

1

Portée de ce guide

1

À qui s’adresse ce guide

4

Objectifs du guide

4

Efficacité des négociations consensuelles

5

Contenu du guide

6

Comment utiliser ce guide

7

Glossaire de terminologie

8

SECTION 1: INTRODUCTION AUX CONFLITS LIÉS AUX RESSOURCES NATURELLES, À LA GESTION PARTICIPATIVE ET AUX MOYENS D’EXISTENCE DURABLES

21

1.1 Qu’est-ce que les conflits de niveau communautaire liés aux ressources naturelle?

21

1.2 La gestion participative des ressources naturelles et les conflits

29

1.3 Conflits liés aux ressources naturelles et aux moyens d’existence durables

32

Résumé de la section

37

SECTION 2: LA GESTION D’UN CONFLIT

39

2.1 La nature du conflit

39

2.2 Les différentes options de gestion des conflits

46

2.3 Les modes alternatifs de gestion des conflits (MAGC): les techniques de négociation et de médiation

53

2.4 La médiation dans les cultures pratiquant l’intervention directe et non directe

61

Résumé de la section

64

SECTION 3: CARTE DU PROCESSUS DE NÉGOCIATIONS CONSENSUELLES

67

3.1 Le rôle d’une tierce partie dans des négociations consensuelles

67

3.2 Les dix étapes de la gestion d’un conflit

73

3.3 Gestion du processus

77

Résumé de la section

86


LES TECHNIQUES DE NÉGOCIATION ET DE MÉDIATION APPLIQUÉES À LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES

vi

SECTION 4: ENTRÉE

87

4.1 Pourquoi il est essentiel de préparer avec soin l’entrée

87

4.2 Étape 1: Préparation de l’entrée

88

4.3 Étape 2: Entrée sur la scène du conflit

91

4.4 Étape 3: Analyse préliminaire du conflit

93

Résumé de la section

97

SECTION 5: ANALYSE DU CONFLIT

99

5.1 Pourquoi l’analyse du conflit est essentielle

99

5.2 L’analyse du conflit en tant que processus

102

5.3 Les outils d’une analyse des conflits

103

5.4 Analyse des problèmes et des causes profondes du conflit

106

5.5 Identification et analyse des parties prenantes

109

Résumé de la section

114

SECTION 6: ÉLARGISSEMENT DE L’ENGAGEMENT DES PARTIES PRENANTES

117

6.1 Pourquoi l’engagement des parties prenantes est important

117

6.2 Étape 4: Engagement plus profond – Les parties prenantes analysent le conflit

118

6.3 Étape 5: Élaboration et évaluation des options de règlement

125

Résumé de la section

129

SECTION 7: LES NÉGOCIATIONS ET L’ÉLABORATION DES ACCORDS

131

7.1 Pourquoi les négociations et les accords sont importants

131

7.2 Étape 6: Préparation des négociation

133

7.3 Étape 7: Facilitation des négociation

137

7.4 Étape 8: Élaboration de l’accor

149

Résumé de la section

152

SECTION 8: LA SORTIE

155

8.1 Pourquoi une stratégie de sortie est importante

155

8.2 Étape 9: Suivi et mise en œuvre de l’accord

155

8.3 Étape 10: Étude de la stratégie de sortie

160

Résumé de la section

162


TABLE

DES

MATIÈRES

vii

ANNEXES

163

ANNEXE I: GESTION PARTICIPATIVE DES RESSOURCES NATURELLES

165

Gestion participative

165

Le cadre politique: Les circonstances sont-elles favorables?

166

Conclusion

173

ANNEXE II: GUIDE PRATIQUE POUR L’ANALYSE DES CONFLITS

175

Analyser un conflit

175

Les outils d’analyse des conflits

176

Outil de base 1: Analyse des causes profondes

178

Outil de base 2: Analyse des problèmes

184

Outil de base 3: Identification et analyse des parties prenantes

191

Outil de base 4: Analyse des 4R – droits, responsabilités, retombées et relations des parties prenantes

196

Outil complémentaire 5: Ligne de temps du conflit

205

Outil complémentaire 6: Cartographie des conflits liés à l’utilisation des ressources

208

ANNEXE III: ÉTUDES DE CAS

211

Étude de cas 1: Gestion de la forêt communautaire de Bawumpila

213

Étude de cas 2: Conflit relatif au détournement du fleuve Bosoko dans la zone humide d’Amansuri

226

RÉFÉRENCES

235


Tableaux, figures et encadrés TABLEAUX Tableau 2.1 Points forts et limites des systèmes coutumiers de gestion des conflits

50

Tableau 2.2 Points forts et limites des systèmes juridiques nationaux

51

Tableau 2.3 Points forts et limites des modes alternatifs de gestion des conflits

52

Tableau 2.4 Intervention directe et non directe dans la gestion des conflits

63

Tableau 3.1 Exemples de problèmes d’information et solutions possibles

83

Tableau 5.1 Outils d’analyse des conflits

105

Tableau 7.1 Activités et réalisations du processus de négociations

138

Tableau 7.2 Exemple de déclaration d’objectifs communs

143

Tableau 7.3 Accords forts ou accords faibles

151

FIGURES Figure 1.1

Cadre des moyens d’existence durables

34

Figure 2.1

Les stades d’un conflit

42

Figure 2.2

Progressivité des approches de gestion des conflits

46

Figure 2.3

Efficacité des approches consensuelles selon le type de confit

60

Figure 3.1

Niveaux de facilitation

68

Figure 3.2

Carte du processus

73

Figure 6.1

L’«oignon du conflit»: distinguer les intérêts des positions

122

Figure 6.2

Renforcer les possibilités de collaboration: passer des positions aux intérêts

123

ENCADRÉS Encadré 1.1 Gestion participative et gestion des conflits

30

Encadré 1.2 Principes directeurs relatifs aux moyens d’existence durables

35

Encadré 1.3 Négociations consensuelles

37

Encadré 2.1 Conflit et violence

39

Encadré 2.2 Détecter un conflit latent

43

Encadré 2.3 Résumé des réactions à un conflit

48

Encadré 2.4 Les quatre principes fondamentaux des négociations consensuelles

55

Encadré 2.5 Renforcement des capacités et renforcement du pouvoir

58


TABLE

DES

MATIÈRES

ix

Encadré 3.1 Contenu et processus

68

Encadré 3.2 Impartialité et neutralité

70

Encadré 3.3 Sessions séparées ou réunion commune ?

75

Encadré 3.4 Prendre en considération les connaissances locales

84

Encadré 4.1 Les personnes-ressources

90

Encadré 4.2 Les «consultations-navettes»

97

Encadré 5.1 Questions clés pour faciliter l’analyse du conflit

101

Encadré 6.1 Rôle et fonctions des parties prenantes secondaires

119

Encadré 6.2 Procédures de découverte des intérêts

124

Encadré 6.3 Les principes directeurs du brainstorming

126

Encadré 6.4 Directives concernant la BATNA

128

Encadré 7.1 Questions utiles pour préparer un processus de négociation

136

Encadré 7.2 Réunions traditionnelles

140

Encadré 7.3 Règles fondamentales proposées

141

Encadré 7.4 Élaboration de critères d’évaluation des options – un exemple concret

146

Encadré 7.5 Les caractéristiques d’un accord durable

150

Encadré 8.1 Neuf critères pour une mise en œuvre réussie des accords

157

Encadré 8.2 Liste récapitulative des arrangements de suivi

159

Encadré 8.3 Un mélange de réflexion et d’émotion

161



Introduction

PORTÉE DE CE GUIDE Ne serait-ce pas fantastique de parvenir à gérer efficacement les ressources naturelles et à trouver le juste équilibre entre les impératifs de développement et de conservation? De savoir s’y prendre pour aider les gens à résoudre les conflits, évitant ainsi que ceux-ci compromettent ou perturbent la gestion des ressources naturelles, freinent le développement ou dégénèrent dans des explosions de violence? De contribuer à créer des opportunités et à renforcer les capacités des populations pour qu’elles soient mieux à même de résoudre les problèmes qui surviennent dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, et de favoriser l’établissement de bonnes relations entre les individus? Ce guide montre comment les techniques de négociation et de recherche d’un consensus peuvent être utilisées pour gérer un conflit et bâtir une collaboration. Il donne des conseils pratiques, décrits étapes par étapes, sur la manière de procéder avec de nombreuses parties prenantes différentes pour parvenir à des accords satisfaisants pour tous dans le domaine de la gestion participative des ressources naturelles. Comme tel, le guide porte donc sur les moyens d’existence des populations, et sur les facteurs qui influencent leurs modes de vie et leurs conditions de travail. Il porte aussi sur la durabilité – qui consiste à concilier les objectifs de conservation et de développement pour répondre aux besoins présents et futurs des hommes et des femmes. Mais avant d’aller plus loin, qu’entend-on au juste par «négociations» et «consensus»? Lorsque des personnes discutent entre elles pour tenter de résoudre un conflit qui les oppose, on dit qu’elles négocient. Celles qui interviennent dans une négociation sont appelées «parties». Les négociations peuvent être simples ou complexes. Les premières se font entre deux parties (par exemple, des hommes et des femmes d’une communauté locale tentant de trouver un accord sur l’utilisation des terres, le contrôle des terres boisées, les engins de pêche, etc.), agissant en leur propre nom ou pour le compte d’autres personnes qu’elles représentent. Les secondes font intervenir


LES TECHNIQUES DE NÉGOCIATION ET DE MÉDIATION APPLIQUÉES À LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES

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de multiples parties, par exemple des hommes et des femmes d’une communauté locale, des institutions gouvernementales, des entreprises nationales et multinationales, des politiciens, des institutions internationales de développement et des organisations non gouvernementales (ONG). Il faut savoir que nul ne peut être contraint de s’engager dans une négociation, car il s’agit d’un acte volontaire. Dans certaines négociations, les parties opposées sont tellement empêtrées dans les divergences qui les séparent qu’elles ne sont plus capables de trouver par elles-mêmes une solution constructive. Dans ces situations, il peut être bon de faire appel à une «tierce partie» – un facilitateur, ou médiateur1 - dont le rôle consiste à aider des individus ou des groupes à négocier et à parvenir à une entente satisfaisante. L’autre mot clé dans ce guide est consensus. Il ne signifie pas que chacun obtient ce qu’il veut, ni qu’un accord a été décidé à l’unanimité, ni même à la majorité des voix. Il y a consensus lorsque chacun a le sentiment que ses intérêts ont été pris en compte et que l’accord est acceptable – on aurait peut être voulu un peu plus ici, et un peu moins là, mais on peut convenir que l’on vivra mieux en s’accommodant des résultats d’une négociation. Le but des négociations consensuelles est de parvenir aux meilleurs résultats possibles pour le plus grand nombre ou du moins à un résultat acceptable pour tous. La recherche d’un consensus est une caractéristique fondamentale de la gestion participative des ressources naturelles, dans laquelle de nombreuses parties prenantes différentes, telles que l’État, les communautés, des ONG et le secteur privé, se consultent pour convenir de l’approche la plus appropriée pour se partager la gestion, les droits et les responsabilités découlant de certaines ressources naturelles spécifiques (forêt, cours d’eau, littoral marin, ou pâturages). Les négociations consensuelles ne sont donc pas seulement une approche de gestion des conflits. Elles ont un rôle important à jouer, en aidant les individus à développer et à améliorer les compétences, les connaissances et les réseaux sociaux dont ils ont besoin. Comment est-ce possible? Des gens différents voient le monde différemment, de même qu’ils ont des besoins, des atouts et des objectifs différents. Des négociations consensuelles peuvent les amener à comprendre ces différences, à trouver un arrangement et à en tirer parti d’une manière avantageuse aussi bien pour eux que pour la communauté. Les relations peuvent être renforcées et un climat de confiance peut être instauré. La prise de conscience des obstacles qui freinent le développement peut être accrue, et la capacité de les identifier et de les surmonter améliorée. Les négociations consensuelles peuvent renforcer les arrangements qui règlementent l’accès aux ressources naturelles et leur utilisation. Elles peuvent aussi contribuer à accroître les revenus et les avantages en améliorant la gestion des ressources naturelles. De nombreux arrangements de collaboration efficaces sont issus de solutions nouvelles à des conflits déjà anciens sur les ressources naturelles. On en déduit qu’un conflit peut être un élément

1. Pour les définitions des termes “facilitateur” et “médiateur”, se reporter à la section 3.1.


INTRODUCTION

3

créatif et utile dans une société. Toutefois, une plus grande participation des parties prenantes aux décisions peut aussi accroître les risques de conflit, principalement pour deux raisons:

Des personnes, des groupes et des institutions différents ont de nombreux intérêts divergents en ce qui concerne l’utilisation des ressources naturelles, et ils peuvent être incompatibles.

Les gens, les groupes et les institutions ont aussi des types de pouvoirs différents et une influence plus ou moins grande sur les négociations et l’issue d’un conflit. Ceux qui ont plus accès à certains types de pouvoir tendent à influencer en leur faveur les décisions relatives aux ressources naturelles. Les divergences qui sont à l’origine d’un conflit résultent d’une compétition entre des individus et des groupes à propos de biens matériels, d’avantages économiques, de propriétés foncières et du pouvoir. Lorsque des parties ont le sentiment que leurs exigences ne peuvent pas être satisfaites, ou que leurs valeurs, leurs besoins ou leurs intérêts sont menacés, il peut être nécessaire d’intervenir d’une manière ou d’une autre pour tenter de résoudre le différend et d’éviter une escalade qui le ferait dégénérer dans un conflit destructeur et violent. L’anticipation et la gestion des conflits sont donc des ingrédients essentiels de la gestion participative des ressources naturelles. La grosse difficulté est de gérer les différends de manière à conserver les avantages qu’ils créent (possibilités de comprendre les points de vue des autres personnes, extension des moyens d’existence possibles ou occasions de changement et de développement), tout en atténuant leurs inconvénients (graves perturbations, stagnation ou absence de développement, voire violence). Les objectifs de la gestion des conflits sont les suivants:

identifier un conflit latent et le résoudre de façon constructive (le conflit latent est étudié dans un autre chapitre);

prévenir l’escalade d’un conflit existant; mettre à profit un conflit pour promouvoir un changement social positif. Ces approches ne se suffisent pas à elles-mêmes. Elles devraient, dans la mesure du possible, être pleinement intégrées dans un cadre général de gestion participative s’appuyant sur des processus qui conduisent à des avantages et à des résultats positifs pour tous.


LES TECHNIQUES DE NÉGOCIATION ET DE MÉDIATION APPLIQUÉES À LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES

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À QUI S’ADRESSE CE GUIDE? Ce guide s’adresse à des spécialistes de la gestion participative/conjointe des ressources naturelles et des projets liés aux moyens d’existence ruraux. Il sera utile aux vulgarisateurs, aux conseillers d’organisations gouvernementales et non gouvernementales, d’institutions de développement et d’entreprises privées qui souhaitent apprendre à guider les individus dans un processus de négociations consensuelles. Les formateurs pourront s’y référer pour préparer leurs cours sur la gestion des conflits liés aux ressources naturelles, alors que les stagiaires pourront le lire durant leur formation et par la suite, lorsqu’ils mettront en pratique ce qu’ils auront appris pour gérer un conflit. Le guide s’adresse à des lecteurs qui connaissent déjà les approches coopératives de gestion des ressources naturelles, et en ont déjà fait l’expérience dans le cadre d’activités de foresterie communautaire, de pêche artisanale à petite échelle, de gestion intégrée des bassins versants, etc.

OBJECTIFS DU GUIDE Le présent guide donne des conseils pratiques sur l’approche à adopter pour établir et gérer un processus de négociations consensuelles multilatérales en rapport avec la gestion participative des ressources naturelles et avec d’autres projets relatifs aux moyens d’existence. Le guide est surtout centré sur les situations de conflit dans lesquelles on fait appel à une tierce partie (médiateur) pour que des négociations consensuelles puissent avoir lieu et avoir de bonnes chances de succès. Il est essentiel de choisir une bonne stratégie, apte à résoudre un conflit particulier. La meilleure option stratégique est parfois de «ne rien faire». Aucune approche n’est à elle seule efficace dans tous les cas car chaque conflit concerne des problèmes et des gens différents. C’est pourquoi le guide présente et passe au crible quelques-uns des avantages et des inconvénients de diverses approches de gestion des conflits (notamment des systèmes coutumiers, juridiques ou alternatifs) pour aider les spécialistes à déterminer celle(s) qui semble(nt) le mieux convenir au cas qui les intéresse. Le guide donne des indications au lecteur pour lui permettre de décider si une négociation consensuelle est la stratégie la plus pertinente pour résoudre un conflit spécifique. Celui-ci y trouvera des suggestions et des recommandations pour:

faciliter des négociations et une entente entre des individus, des groupes ou des institutions qui croient que leurs objectifs sont incompatibles;

amener les individus à avoir une vision plus large des intérêts et des besoins réciproques; encourager les gens à ne pas se braquer sur des positions souvent émotionnelles et rigides. En résumé, les objectifs du guide sont les suivants:


INTRODUCTION

5

expliquer les retombées (positives et négatives) que les conflits liés aux ressources naturelles peuvent avoir sur la gestion participative de ces ressources et les moyens d’existence durables;

présenter diverses approches de gestion des conflits (systèmes coutumiers, juridiques et alternatifs) pour permettre de choisir en connaissance de cause la méthode la plus appropriée;

présenter les principes des négociations consensuelles, en tant que méthodologie permettant de régler de manière constructive les conflits liés aux ressources naturelles;

décrire le processus et les techniques de négociations consensuelles; sensibiliser les médiateurs à leur rôle et à leurs responsabilités, en tant que tierces parties dans une négociation consensuelle.

EFFICACITÉ DES NÉGOCIATIONS CONSENSUELLES Les négociations consensuelles sont plus efficaces pour résoudre certains types de conflits que d’autres. Ainsi, les conflits découlant d’intérêts divergents concernant l’utilisation des ressources sont négociables alors que ceux liés à des besoins fondamentaux comme l’identité, la sécurité, la reconnaissance ou la participation équitable au sein de la société ne le sont généralement pas. Les techniques de négociation sont donc moins utiles pour apaiser des tensions structurelles sousjacentes et identifier des conflits, que pour résoudre des différends liés à l’amenuisement des ressources. Étant donné que des tensions structurelles sous-jacentes jouent souvent au niveau régional ou national (régimes juridiques contradictoires ou se chevauchant, inégalités réelles ou perçues dans le système socio-économique ou politique plus large, etc.), on tend à les régler à l’aide de mesures telles que réformes des politiques, ajustements structurels, démocratisation et/ou conventions ou protocoles internationaux. Deux autres facteurs limitent les possibilités de succès d’une négociation consensuelle:

Le caractère insoluble de certains conflits environnementaux (malgré les efforts de chacun, la situation ne s’améliore pas); il y a par exemple des conflits qui ne peuvent pas être résolus d’une façon avantageuse pour tous; c’est notamment le cas lorsque les ressources disponibles sont limitées – si une partie en utilise davantage, l’autre en aura nécessairement moins;

Les grandes différences de pouvoir entre les individus, les groupes et les institutions concernés, par exemple entre une communauté locale, une ONG locale, des institutions gouvernementales et une compagnie multinationale. L’établissement d’un consensus suppose que le déséquilibre des rapports de force entre les différentes parties ne soit pas trop prononcé afin qu’une tierce partie puisse le réduire dans le processus de négociation.


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CONTENU DU GUIDE Le guide, divisé en huit sections, présente les notions et les théories fondamentales des négociations consensuelles (ou leurs fondements théoriques). Les trois annexes fournissent des informations auxquelles pourra se référer le lecteur pour parfaire sa compréhension de certains aspects plus spécifiques. Section 1: Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participative et aux moyens d’existence durables Cette section explique ce que sont les conflits liés aux ressources naturelles et l’influence qu’ils peuvent avoir sur les moyens d’existence durables. Elle examine le rôle de la gestion des conflits dans le cadre des approches de gestion participative des ressources naturelles, et indique quand et comment des négociations consensuelles peuvent être utiles. Section 2: Gestion des conflits Cette section décrit plus en détail la nature complexe des conflits et explore diverses stratégies et approches de gestion des conflits. Elle souligne les principes des négociations consensuelles et examine les avantages et les inconvénients de cette approche. Section 3: Carte du processus de négociations consensuelles Cette section présente une carte du processus en dix étapes, pour montrer comment établir et gérer un processus de négociation/médiation, et décrit le rôle du médiateur. L’étude de la carte du processus est poursuivie dans les sections suivantes. Section 4: Entrée Cette section explique comment des médiateurs peuvent entrer sur la scène d’un conflit, et analyse leur rôle et leurs responsabilités spécifiques durant les premiers stades de la gestion d’un conflit. Section 5: Analyse du conflit Cette section explique pourquoi l’analyse du conflit est essentielle, où et comment elle est conduite en suivant la carte du processus, et quels sont les outils et les instruments qui peuvent être employés (voir aussi Annexe 2). Section 6: Élargissement de l’engagement des parties prenantes La présente section explique comment les médiateurs peuvent amener les parties prenantes à s’engager dans le processus de gestion d’un conflit, les aider à réfléchir aux causes du conflit et aux options permettant de le résoudre, et les guider pour qu’elles se préparent à négocier avec d’autres parties. Section 7: Négociations et établissement d’accords La présente section explique comment un médiateur prépare et facilite des négociations. Elle décrit les différentes étapes du processus et suggère de bonnes pratiques de médiation.


INTRODUCTION

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Section 8: Sortie Cette section souligne l’importance du suivi d’un accord et examine les stratégies que doivent adopter les médiateurs pour se retirer progressivement d’une négociation au fur et à mesure que les parties acquièrent plus de savoir-faire, de confiance et d’assurance. Annexe 1: Gestion participative des ressources naturelles Cette annexe présente de façon succincte les principes et les instruments de la gestion participative des ressources naturelles, à l’intention de ceux qui ne sont pas encore familiarisés avec ce concept. Annexe 2: Guide pratique de l’analyse des conflits Cette annexe décrit en termes simples les outils de base de l’analyse d’un conflit, afin que les professionnels puissent les utiliser sur le terrain. Annexe 3: Études de cas Cette annexe présente deux exemples de négociations consensuelles ayant fait l’objet d’une médiation réussie au Ghana. Les études de cas décrivent le contexte des conflits et le processus qui a abouti à leur règlement, ainsi que les instruments utilisés, les difficultés rencontrées et les enseignements tirés. Les études de cas peuvent être utilisées dans le cadre d’une formation.

COMMENT UTILISER CE GUIDE Le guide explique comment établir et gérer un processus de négociations. Ici, la carte du processus est subdivisée en dix étapes, mais il ne s’agit pas d’un plan qui doit être suivi à la lettre. En effet, un processus réel n’est pas linéaire, il avance et recule en fonction des besoins et des capacités du moment; d’où la nécessité de conduire les différentes étapes avec souplesse, en fonction de l’évolution du processus. La gestion d’un conflit est un processus d’apprentissage en commun. Les utilisateurs de ce guide sont invités à adopter une approche d’apprentissage, c’est-à-dire à tirer les leçons de l’expérience et à appliquer, essayer et adapter les différentes techniques et stratégies qui y sont présentées. La gestion des conflits est un processus d’analyse, de planification, d’action et – surtout – de réflexion.


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GLOSSAIRE DE TERMINOLOGIE Actifs nécessaires à la subsistance Éléments clés du cadre des moyens d’existence durables, les actifs nécessaires à la subsistance sont ceux sur lesquels reposent les moyens d’existence. Ils peuvent être divisés en cinq grandes catégories (ou types de capital): capital humain, capital naturel, capital financier, capital social et capital physique. Les stratégies qu’adoptent les populations pour améliorer leurs conditions d’existence, et le degré d’influence qu’elles ont sur les politiques, les institutions et les processus dépendent en partie de la nature et de la combinaison d’actifs dont elles disposent. Les populations ont besoin d’un ensemble d’actifs propres à produire un impact positif sur leurs conditions d’existence, c’est-à-dire à améliorer leur qualité de vie, de façon significative et durable (DFID, 1999). Adversaire/partie(s) adverse(s) Personnes opposées dans un conflit. Chacune voit l’autre comme un ennemi dont elle veut la défaite. Les adversaires (ou parties adverses) sont aussi appelés opposants ou parties opposées, ou tout simplement parties. L’adoption d’une approche compétitive conduit à des stratégies de confrontation compétitive (Conflict Research Consortium, 1998). Analyse des conflits Identification et comparaison des positions, des valeurs, des objectifs, des problèmes, des intérêts et des besoins des parties opposées dans le conflit (International Alert, 1996, III:16). Analyse des 4R L’appellation anglaise, qui vient de Rights, Responsibilities, Returns and Relationships, a été conservée dans cette ouvrage, même si elle est incorrecte en français (Droits, Responsabilités, Retombées et Relations). Approche compétitive Approche d’un conflit dans laquelle l’autre partie est vue comme un adversaire à battre. Cette approche peut être opposée à l’approche de résolution des problèmes, dans laquelle la ou les autres parties sont vues comme des personnes qui ont un problème commun qu’elles doivent s’entendre pour résoudre. L’approche compétitive se caractérise par le fait qu’elle débouche sur des stratégies de confrontation, alors que l’approche de résolution des problèmes conduit à l’adoption de stratégies coopératives ou d’intégration pour faire face au conflit (Conflict Research Consortium, 1998). Approche «gagnant-gagnant» (de style coopératif ou axée sur la résolution des problèmes) C’est l’approche adoptée par ceux qui veulent trouver une solution satisfaisante pour tous. Dans une négociation «gagnant-gagnant», les parties qui s’opposent tentent de s’entendre pour résoudre un problème commun, de façon à ce que chaque partie y gagne quelque chose. Cette approche s’oppose à l’approche «gagnant-perdant» (de confrontation) des conflits, qui repose sur le principe que tous les opposants sont des ennemis et que pour qu’une partie gagne, il faut que l’autre perde (Conflict Research Consortium, 1998).


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Approche «gagnant-perdant» (compétitive, ou de confrontation) C’est l’approche du conflit adoptée par ceux qui considèrent l’opposant comme un adversaire dont ils veulent la défaite. Cette approche repose sur le principe qu’il doit y avoir un gagnant et un perdant. Son opposé est l’approche «gagnant-gagnant» qui repose sur le principe que, si les parties opposées coopèrent, une solution gagnante pour les deux parties peut être trouvée (Conflict Research Consortium, 1998). Arbitrage Méthode de résolution d’un différend dans laquelle les parties exposent leur version des faits à une tierce partie impartiale, qui prend ensuite une décision en leur nom afin de résoudre le conflit. Cette décision est généralement contraignante. L’arbitrage diffère de la médiation, dans laquelle une tierce partie se limite à aider les parties à trouver elles-mêmes une solution (Conflict Research Consortium, 1998). Attitudes Actions ou comportements révélateurs de ce qu’une personne pense ou ressent. Les attitudes se reflètent souvent dans la manière dont une personne répond à d’autres, ou réagit à des idées ou à des expériences (avec ou sans respect, confiance, attention, sensibilité, disponibilité à écouter, etc.) BATNA Sigle inventé par Roger Fisher et William Ury signifiant «Meilleure solution de rechange à l’accord négocié» (on dit parfois aussi MESORE en français). Chaque négociateur devrait déterminer sa BATNA avant d’accepter un règlement négocié. Si le règlement est aussi ou plus favorable que la BATNA, il convient d’accepter l’accord. Si la solution de rechange est meilleure, il convient de s’orienter vers celle-ci plutôt que vers un règlement négocié. Une partie qui a une bonne BATNA (ou qui lui apparaît comme telle) refusera probablement de s’engager dans des négociations, car elle préfèrera s’orienter vers cette meilleure alternative possible (Conflict Research Consortium, 1998). Besoins Selon le psychologue Abraham Maslow, chacun de nous est amené à satisfaire certaines exigences biologiques et psychologiques, qu’il a appelées besoins humains fondamentaux. Plusieurs théoriciens des conflits (comme John Burton et Herbert Kelman) ont appliqué cette idée à la théorie des conflits en suggérant que les besoins de sécurité, d’identité et de reconnaissance sous-tendent la plupart des conflits profondément enracinés et prolongés. Selon ces auteurs, la majorité des conflits ethniques et raciaux ne sont pas fondés sur les intérêts (de sorte qu’ils ne sont pas négociables) mais dictés par le fait qu’un groupe opprimé revendique des besoins fondamentaux. La seule façon de résoudre des conflits liés aux besoins est de restructurer la société de façon à ce que les besoins fondamentaux de tous les groupes soient satisfaits (Conflict Research Consortium, 1998). Besoins humains Les besoins humains sont les éléments dont les hommes ont besoin pour croître et se développer normalement. Identifiés pour la première fois par le pathologiste Abraham Maslow, les


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besoins humains ne se limitent pas aux besoins physiques évidents de nourriture et d’abri, ils incluent des besoins psychologiques comme la sécurité, l’amour, un sentiment d’identité, l’estime de soi et l’aptitude à atteindre les objectifs qu’on s’est fixé. Certains théoriciens des conflits (appelés «théoriciens des besoins humains») font valoir que les conflits les plus difficiles et les plus intenses, comme les conflits raciaux et ethniques, sont causés par la non-satisfaction des besoins humains fondamentaux d’une ou des deux parties, à savoir les besoins d’identité, de sécurité et/ou de reconnaissance. La résolution de ces conflits suppose de trouver des moyens de satisfaire ces besoins de tous les individus et de tous les groupes, sans compromis: les «besoins humains ne sont pas négociables» (Conflict Research Consortium, 1998). Buts des moyens d’existence Objectifs poursuivis par les populations à travers les stratégies qu’ils adoptent pour améliorer leurs conditions d’existence. Ces buts sont en rapport étroit avec les impacts sur les conditions de vie (DFID, 1999). Cadrage Action par laquelle les personnes construisent et représentent un conflit. Tout comme un cadre peut être placé autour d’une photographie pour inclure certaines parties de l’image et en exclure d’autres, les personnes peuvent juger importants certains aspects d’un problème et en laisser d’autres de côté ou ne pas les reconnaître. Cadres Outils servant à définir les problèmes. Certaines personnes définissent un problème en termes de droits, alors que d’autres le définissent en termes d’intérêt ou de pouvoir relatif. Ces points de vue différents sont parfois appelés «cadres différents». Causes profondes Les causes profondes d’un conflit sont les intérêts, les valeurs et les besoins fondamentaux qui sont en conflit les uns avec les autres; et elles ne doivent pas être confondues avec les facteurs contribuants, qui sont des dynamiques telles que des problèmes de communication ou une escalade qui – quoique communs – sont généralement extérieurs au conflit, mais sèment la confusion sur les problèmes clés, qu’il devient plus difficile de comprendre et de traiter. Coexistence La coexistence signifie vivre ensemble en paix dans la même région géographique (Conflict Research Consortium, 1998). Collaboration (approches de, ou approches coopératives) Association de personnes qui ont des intérêts différents et qui travaillent ensemble pour atteindre des résultats mutuellement satisfaisants. Les approches de négociation fondées sur la collaboration (également appelées approches de type coopératif) prennent de nombreux noms, tels que résolution des problèmes, recherche de consensus, négociations fondées sur les intérêts, négociations gagnant-gagnant ou négociations d’avantages réciproques, et négociations fondées sur les principes. Le but de la collaboration est de gérer le différend de façon à obte-


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nir un résultat plus positif que négatif. Un résultat négatif (ou destructeur) se traduit par un dommage et implique l’exploitation et la coercition alors qu’un résultat positif (ou constructif) favorise la communication, la résolution du problème et de meilleures relations. Compétition/approche compétitive Voir approche compétitive. Composantes des moyens d’existence Les composantes des moyens d’existence sont les différents éléments du cadre SL. Compromis Solution à un problème commun, conforme à certains intérêts seulement de chaque partie (Conflict Research Consortium, 1998). Conflit “…Nous sommes en présence d’un conflit lorsque deux parties ou plus perçoivent que leurs intérêts sont incompatibles, expriment des attitudes hostiles ou…. poursuivent leurs intérêts par le biais d’actions qui sont nuisibles aux autres parties. Les divergences d’intérêt peuvent porter sur: i) l’accès aux ressources (territoire, argent, sources d’énergie, nourriture) et leur répartition; ii) le contrôle du pouvoir et la participation aux décisions de politique; iii) l’identité (culturelle, sociale et politique); iv) des statuts, en particulier inhérents à des systèmes de gouvernement, à une religion ou à une idéologie» (Schmid, 1998). Conflit/confrontation constructif(ive) Un conflit «constructif» est un conflit qui a plus d’avantages que d’inconvénients – qui «unit», et qui renforce et/ou améliore les relations entre les parties (en les redéfinissant d’une manière plus appropriée ou plus utile) et débouche sur un changement positif pour toutes les parties concernées. Son contraire est le conflit destructeur (Conflict Research Consortium, 1998). Conflit/confrontation destructeur(trice) Conflit ou confrontation qui a des résultats essentiellement négatifs – il divise, détruit les relations et débouche sur de multiples changements personnels et sociaux négatifs, notamment escalade de la violence, crainte et méfiance. Son opposé est le conflit (ou la confrontation) constructif(ive). Conflits d’identité Les conflits d’identité se développent quand une personne ou un groupe estime que le sentiment qu’il a de lui-même – de qui il est – est menacé, délégitimé ou non respecté. Les conflits religieux, ethniques et raciaux sont des exemples de conflits d’identité (Conflict Research Consortium, 1998). Conflits non négociables Situations de conflit qui durent depuis longtemps, et résistent à la plupart des efforts déployés pour les résoudre, sinon à tous. Ils impliquent généralement des désaccords sur des valeurs fondamentales, des problèmes de répartition avec des enjeux importants, des problèmes de domination et/ou de déni des besoins humains – qui sont tous non négociables. Ils impliquent aussi souvent inévitablement des situations gagnant-perdant (Conflict Research Consortium, 1998).


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Conflits sociaux prolongés Conflits qui durent des années ou même des générations et qui sont caractérisés par ….la persistance de certains traits, tels que sous-développement économique et technologique, un système politique et social non intégré générateur d’insécurité et d’inéquité dans la répartition; l’incapacité ou le refus de satisfaire les besoins essentiels au développement individuel et social, à savoir la sécurité, l’identité, la reconnaissance et la participation; le déni des besoins humains et la génération de sentiments de crainte, d’insécurité et d’anxiété qui produisent des clivages sociaux …souvent engendrés par la non-reconnaissance de l’identité sociale, et dont l’ethnicité est devenue la manifestation dominante; … et qui ne connaissent pas de frontières, ce qui rend artificielles toutes distinctions entre les politiques intérieures et internationales (Azar, 1986; 1990; cité dans Schmid, 1998). Consensus Une décision par consensus requiert l’accord de tous les intéressés, et pas seulement de la majorité, comme c’est le cas dans les processus basés sur cette règle. Dans les processus consensuels, les personnes travaillent ensemble à l’élaboration d’ un accord suffisamment bon (mais pas nécessairement parfait) pour que chaque personne réunie autour de la table des négociations soit disposée à l’accepter (Conflict Research Consortium, 1998). Contexte de développement Le contexte de développement se réfère aux aspects sociaux, économiques et politiques du conflit. Les aspects sociaux sont les relations existant dans une communauté au moment où se produit le conflit. Par exemple, un groupe peut être socialement ou économiquement dominant, alors que d’autres ont moins de réussite ou sont victimes d’une discrimination. Les aspects politiques sont le système politique ou la structure décisionnelle de la communauté ou de la nation dans laquelle se produit le conflit. Qui détient le pouvoir dans la communauté ou dans la société? Les décisions sont-elles prises démocratiquement ou par un système autoritaire? Crédibilité Degré auquel une personne ou une déclaration est crue, ou digne de confiance. Certains dirigeants ou témoins experts ne sont pas considérés comme crédibles car ils ont un intérêt personnel dans l’issue d’une situation ou d’un conflit, ce qui risque d’influencer leur vision et/ou leurs déclarations concernant cette situation ou ce conflit (Conflict Research Consortium, 1998). Dialogue Processus d’échange et d’apprentissage, de type non compétitif et ouvert, sur les croyances, les sentiments, les intérêts et/ou les besoins d’une autre partie, qui est ordinairement facilité par une tierce partie. À la différence de la médiation, qui a généralement pour but de parvenir à la résolution ou au règlement d’un différend, le dialogue a simplement pour but de promouvoir la compréhension et la confiance entre des personnes (Conflict Research Consortium, 1998).


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Disposition (à négocier ou à régler un conflit) Un conflit est «prêt» pour le règlement ou la négociation lorsqu’il est arrivé au point mort, ou lorsque toutes les parties ont décidé que leurs solutions de rechange à l’accord négocié ne leur permettraient pas d’obtenir ce qu’elles veulent ou ce dont elles ont besoin. Les parties sont alors vraisemblablement prêtes à négocier un règlement qui leur permettra de satisfaire au moins en partie leurs intérêts – et d’obtenir plus que si elles s’obstinaient à poursuivre leurs options basées sur la force. Écoute active Type d’écoute entièrement centré sur ce que dit l’autre, qui permet de vérifier le contenu du message et les émotions et sentiments qui le sous-tendent, afin de s’assurer qu’il est bien compris (Conflict Research Consortium, 1998). Émotions Les émotions sont les sentiments psychologiques qui sont engendrés par un conflit et qui contribuent à le créer (par exemple angoisse, honte, crainte, méfiance et sentiment d’impuissance). Si elles sont bien gérées, les émotions peuvent devenir une ressource pour résoudre un conflit de façon positive, mais dans le cas contraire, elles peuvent intensifier un conflit, en augmentant les tensions et en rendant la situation plus inextricable (Conflict Research Consortium, 1998). Escalade L’escalade est synonyme d’intensification du conflit. Selon Pruitt et Rubin (1986, 7-8), quand un conflit connaît une escalade, les parties troquent leur opposition relativement douce contre une tactique de confrontation plus dure. Le nombre de parties tend à augmenter, de même que le nombre et la portée des problèmes (au départ très spécifiques, ils tendent à se globaliser). Les parties au conflit changent aussi, en ce sens qu’elles ne veulent plus seulement gagner, mais faire mal à l’adversaire. Autant l’escalade d’un conflit est rapide et facile, autant la «désescalade» (c’est-à-dire la réduction de l’intensité) est ardue (Conflict Research Consortium, 1998). Événements déclencheurs Une événement déclencheur est un événement qui fait partir (ou «allume») un conflit. Il peut être mineur – simple déclaration mal interprétée ou erreur d’inattention – ou majeur – assassinat d’un dirigeant, fraude électorale ou scandale politique (Conflict Research Consortium, 1998). Extrémistes Personnes qui ont des points de vue plus fermes, et souvent plus rigides que d’autres personnes, placées dans la même situation. Dans les conflits qui se sont intensifiés, les extrémistes prônent parfois des réponses violentes, alors que les parties plus modérées préconisent des mesures moins radicales (Conflict Research Consortium, 1998). Facilitation La facilitation est un moyen d’aider les parties à un conflit à parvenir à une entente satisfaisante pour tous. Une tierce partie peut faciliter la communication entre les parties et/ou l’analyse de la situation d’un conflit et de ses résultats possibles (International Alert, 1996, III:67). Dans la


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facilitation, le degré d’intervention est moindre que dans la médiation. Les facilitateurs peuvent être invités à mettre à disposition leurs compétences techniques pour une réunion donnée, mais à la différence des médiateurs, ils deviennent rarement partie intégrante de l’ensemble du processus. Facteurs contribuants Les facteurs contribuant à un conflit sont des dynamiques telles que des problèmes de communication ou une escalade qui – quoique communs – sont généralement extérieurs au conflit, mais sèment la confusion sur les problèmes clés, qu’il devient plus difficile de comprendre et de traiter. Force On parle de «force» dans toute situation où une partie est amenée, sous la menace, à faire quelque chose contre son gré. Selon Kenneth Boulding, on utilise la force lorsque l’on dit à quelqu’un «Fais ce que je veux, sinon je ferai quelque chose que tu ne veux pas». La force n’est pas nécessairement un acte violent, elle peut s’exprimer seulement verbalement, dans une déclaration coercitive du genre «Si tu ne fais pas ce que je demande: je te licencie, ou j’organise une grève de la faim, ou une grève du zèle» (Conflict Research Consortium, 1998). Gestion des conflits Pratique consistant à identifier des conflits et à y faire face d’une manière sensible, juste et efficace, pour empêcher leur escalade qui ferait qu’ils ne seraient plus contrôlables et dégénèreraient dans la violence. Gestion participative des ressources naturelles Partenariat dans lequel divers acteurs s’entendent pour se partager les fonctions, les droits et les responsabilités de gestion d’un territoire ou d’un ensemble de ressources (d’après BorriniFeyerabend, 1996). Identité L’identité se réfère à la manière dont les personnes se voient – aux groupes dans lesquels elles se reconnaissent et aux aspects significatifs d’elles-mêmes qu’elles utilisent pour se décrire aux autres. Certains théoriciens distinguent l’identité collective, l’identité sociale et l’identité personnelle, mais toutes ces identités sont en rapport avec ce qui caractérise une personne et son intégration dans des groupes sociaux et dans la société prise dans son ensemble (Conflict Research Consortium, 1998). Impacts sur les conditions de vie Effets ou résultats des stratégies adoptées par les populations pour améliorer leurs conditions d’existence. Ces effets peuvent être examinés en fonction des paramètres suivants: revenu accru; conditions de vie meilleures; vulnérabilité réduite; sécurité alimentaire améliorée; utilisation plus durable de la base de ressources naturelles; et relations et statut social (DFID, 1999).


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Impartialité L’impartialité se réfère à l’attitude d’une tierce partie. Un tierce partie impartiale ne prend pas position pour une partie plutôt que pour l’autre, elle les aborde toutes les deux comme étant également valides. L’impartialité peut être difficile à atteindre, et le tiers peut avoir à faire un effort sur lui-même pour traiter les deux parties de la même manière s’il tend à en préférer une ou les raisons qu’elle avance (Conflict Research Consortium, 1998). Indicateurs Les indicateurs sont des symptômes ou des événements précurseurs utilisés comme variables prédictives. Voici une série d’indicateurs (Schmid, 1997: 50): i) causes systémiques: générales, sous-jacentes, structurelles, profondément ancrées, conditions préalables générales; ii) causes immédiates: circonstances spécifiques liées à la situation; et catalyseurs immédiats: agents extérieurs déclenchant une réaction. Intérêts Les intérêts sont ce à quoi une partie à un différend tient, ou ce qu’elle veut. Ce sont les souhaits et les préoccupations sous-jacents qui motivent la position d’une personne. Alors que les positions des personnes sont ce qu’elles déclarent vouloir (par exemple «je veux construire ma maison ici»), leurs intérêts sont les raisons pour lesquelles elle prennent cette position («parce que je veux une maison qui soit près de ma famille»). Les intérêts des parties sont souvent compatibles, et donc négociables, même si leurs positions semblent diamétralement opposées. Intérêts incompatibles Les intérêts sont dits incompatibles lorsque plusieurs personnes veulent quelque chose qu’elles ne ne peuvent pas toutes obtenir simultanément. Par exemple, si une communauté a un budget de services publics limité et que les quatre institutions publiques (police, école, hôpital et département des ponts et chaussées) ont besoin d’une rallonge budgétaire pour continuer à assurer les services qu’elles fournissent, les institutions ont des intérêts incompatibles - toutes leurs demandes de financement ne peuvent pas être satisfaites simultanément (Conflict Research Consortium, 1998). Intolérance Refus d’accepter la légitimité d’une autre personne, d’un groupe ou une idée différente. L’intolérance peut conduire à chercher à se débarrasser d’une personne ou d’une idée «indésirable», ou à traiter cette personne ou cette idée comme si elle était inférieure, comme cela se produit lorsque les membres de certains groupes raciaux ou ethniques font l’objet de discriminations de la part du groupe dominant dans une société (Conflict Research Consortium, 1998). Légitimité Justesse perçue du processus de résolution d’un différend. Par exemple des élections justes ou un litige basé sur des lois socialement admises sont généralement considérés comme légitimes, de même que les décisions qui résultent de ces processus. En revanche, un vote dans


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lequel les électeurs sont harcelés ou subissent des pressions pour voter pour un candidat est ordinairement considéré comme illégitime, au même titre que des décisions de justice rendues par des tribunaux partiaux. La légitimité des procédures de prise de décision est importante car les procédures illégitimes débouchent presque invariablement sur une escalade des conflits, qui compromet encore leur résolution (Conflict Research Consortium, 1998). Mandants Les mandants sont ceux qui chargent une personne de les représenter pour décider en leur nom. Les mandants d’un chef de gouvernement sont les citoyens que celui-ci représente au parlement ou dans un autre organe législatif. Les mandants d’un négociateur sont ceux pour lesquels il négocie, qui peuvent par exemple être membres d’un syndicat, d’un groupe d’intérêt ou d’une entreprise (Conflict Research Consortium, 1998). Médiation La médiation est un prolongement ou un approfondissement du processus de négociation qui fait intervenir un tiers. Ce tiers travaille avec les parties au conflit pour les aider à mieux communiquer entre elles et à mieux analyser la situation de conflit, de façon à pouvoir identifier et choisir elles-mêmes une option pour résoudre le conflit qui soit conforme aux intérêts et aux besoins de tous. A la différence de l’arbitrage, dans lequel l’intermédiaire écoute les arguments des deux camps et prend une décision en leur nom, un médiateur aide les parties à élaborer elles-mêmes leur solution. Menace Est une menace toute déclaration du genre «Fais ce que je veux, sinon je fais quelque chose que tu ne veux pas». Selon la théorie du pouvoir de Kenneth Boulding, la menace est une des trois formes de pouvoir, les deux autres étant l’échange et ce qu’il appelle «amour», et qui prend le nom de «système intégratif» dans ce manuel (Conflict Research Consortium, 1998). Moyens d’existence Un moyen d’existence est la combinaison des ressources utilisées et des activités entreprises pour vivre. Les ressources peuvent être des compétences et des aptitudes individuelles (capital humain), la terre, l’épargne et des biens d’équipement (capital naturel, financier et physique, respectivement) et des groupes de soutien officiels ou des réseaux informels qui appuient les activités entreprises (capital social) (DFID, 1999). Négociation La négociation est une forme de prise de décision dans laquelle deux parties ou plus discutent entre elles pour tenter de résoudre leurs intérêts opposés (D.G. Pruitt). La négociation peut être de style relativement coopératif, quand les parties recherchent une solution qui soit mutuellement bénéfique (négociation fondée sur les principes ou sur les intérêts) ou basée sur la confrontation (négociation de style compétitif, ou «gagnant-perdant») lorsque chaque partie tente de prévaloir.


INTRODUCTION

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Négociations douces Type de négociation de style très coopératif à visée de conciliation, dans lequel la principale préoccupation est de parvenir à une entente et de «ménager» l’autre partie. Fisher et Ury l’opposent à la négociation de style compétitif, agressive, qui suppose que l’opposant est un adversaire à battre, et non un partenaire avec lequel travailler dans une atmosphère de coopération. Ces deux auteurs opposent ces deux approches à une troisième – la négociation fondée sur les principes – qui n’est ni dure ni douce, mais plutôt de type intégratif (Conflict Research Consortium, 1998). Négociations dures Négociations de style compétitif et hostile dans lesquelles l’opposant est vu comme un adversaire à battre, et non comme un partenaire avec lequel travailler dans une atmosphère de coopération. Fisher et Ury opposent les négociations dures aux négociations douces (fortement axées sur la conciliation, au point de céder sur des points importants), et à une troisième approche – la négociation fondée sur les principes – qui n’est ni dure ni douce, mais plutôt de type intégratif (Conflict Research Consortium, 1998). Neutralité La neutralité suppose qu’une tierce partie n’ait de rapports ou n’ait eu précédemment de relations avec aucune des parties. Parties Les parties sont les personnes, les groupes ou les organisations opposés dans un conflit. La plupart des parties sont directement impliquées et appelées parties au conflit. Les autres, dites tierces parties ou tiers, interviennent pour tenter d’aider les parties impliquées à résoudre le conflit. Les médiateurs et les juges, par exemple, sont des tierces parties (ou des tiers). Parties prenantes Les parties prenantes sont les personnes, les groupes ou les organisations qui seront affectés par un conflit ou par sa résolution. Elles comprennent les parties opposées dans le conflit, mais aussi des personnes qui ne sont pas directement impliquées, mais qui pourraient l’être à l’avenir, car elles pourraient subir les conséquences du conflit ou de son résultat. Persuasion Fait de convaincre une autre partie à changer d’attitude ou de comportement. Cela peut être fait par la coercition, mais le terme «persuasion» a une connotation plus positive et se réfère à des appels à l’émotion et à la raison, fondés sur des valeurs et des interprétations communes (Conflict Research Consortium, 1998). Plaidoirie/plaidoyer Processus consistant à défendre la cause d’une partie ou d’intérêts particuliers dans un conflit. Les avocats engagent une plaidoirie lorsqu’ils représentent des clients dans un procès. Les parties peuvent aussi faire la plaidoirie elles-mêmes – en faisant valoir leur propre position


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dans une négociation, une médiation ou un débat politique. Toute tentative de convaincre une autre partie à accepter les demandes de l’autre est une plaidoirie (Conflict Research Consortium, 1998). Point mort Le point mort est une situation sans issue dans laquelle aucun des camps opposés ne peut prévaloir, quels que soient les efforts qu’il déploie à cette fin. Les parties doivent souvent arriver à ce point mort avant d’accepter de négocier pour mettre un terme au conflit. Polarisation Un conflit se polarise quand il s’intensifie ou connaît une escalade, c’est-à-dire quand un nombre croissant de personnes interviennent dans le conflit et prennent fermement position pour l’un ou l’autre camp. La polarisation est le processus qui fait que des personnes vont vers des positions extrêmes («pôles»), et que de moins en moins de personnes restent dans des positions «intermédiaires» (Conflict Research Consortium, 1998). Positions Les positions sont ce que les gens veulent – les demandes superficielles qu’elles font à leurs opposants. Selon Fisher et Ury, qui ont été les premiers à faire une distinction entre les intérêts et les positions, les positions sont ce que les personnes ont décidé, alors que les intérêts sont ce qui a motivé leur décision. La position d’un camp est souvent à l’opposé de celle du camp adverse, mais leurs intérêts peuvent être compatibles. Pouvoir Le pouvoir est l’aptitude à obtenir ce que l’on veut ou, comme dit le théoricien des conflits Kenneth Boulding, à «changer l’avenir». Ce pouvoir peut passer par la force (on parle alors souvent de «pouvoir sur»), par la coopération (on dit alors «pouvoir avec» ou «pouvoir d’échange» ) ou par l’intégration, c’est-à-dire le système d’identité et de relations qui soude les membres d’un groupe. Problèmes relationnels Problèmes entre deux ou plusieurs personnes qui mettent en cause leur relation. Par exemple, des conflits peuvent être engendrés par le fait que deux personnes ne se font pas confiance, ou sont dans un rapport constant de compétition hostile (Conflict Research Consortium, 1998). Recadrage Processus consistant à redéfinir une situation – à voir un conflit autrement – en se fondant sur la contribution d’autres personnes qui ont un point de vue différent sur le conflit. Réconciliation Normalisation des relations entre des personnes ou des groupes. Selon John Paul Lederach, la réconciliation englobe quatre processus simultanés: la recherche de la vérité, de la justice, de la paix et de l’indulgence. Quand ces quatre facteurs sont réunis, la réconciliation est atteinte (Conflict Research Consortium, 1998).


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Règlement des conflits Désigne toutes les stratégies orientées vers l’obtention d’un résultat sous la forme d’un accord entre les parties au conflit, qui peut leur donner la possibilité de mettre fin à un conflit ouvert, sans nécessairement éliminer les causes sous-jacentes du conflit. Renforcement des pouvoirs/Responsabilisation Action consistant à donner plus de pouvoir à une personne ou un groupe. Une partie peut se donner elle-même plus de pouvoir de diverses manières (instruction, création de coalitions, organisation communautaire, développement des ressources). Le renforcement des pouvoirs peut aussi être fait par un médiateur, qui assiste la personne ou le groupe le plus faible pour l’aider à mieux se représenter. Quoique contestée sur le plan éthique (le fait d’aider un camp plus qu’un autre compromet l’impartialité du médiateur), cette dernière méthode est assez répandue dans les approches de médiation orientées vers la résolution des problèmes ou axées sur le règlement, qui sont surtout efficaces quand le rapport de forces entre les parties est à peu près équilibré. Baruch Bush et Joe Folger préconisent un renforcement simultané des pouvoirs des deux parties grâce à une médiation transformationnelle, visant à redonner aux parties opposées «le sens de leur propre valeur, de leur propre force et de leur capacité à prendre leur vie en main». Cette approche évite les dilemmes éthiques d’un renforcement des pouvoirs unilatéral, mais laisse de côté l’objectif principal qui est de parvenir à un règlement (Conflict Research Consortium, 1998). Résolution Voir Résolution d’un conflit Résolution d’un conflit Ensemble d’activités pilotées par processus visant à s’attaquer aux causes profondes qui soustendent un conflit et à le résoudre. Résolution d’un différend Voir Résolution d’un conflit Sauver la face/sauvegarder les apparences Ici, la «face» désigne l’image d’une personne, à ses propres yeux et à ceux des autres. Une approche de «sauvegarde des apparences» ne nuit à l’image d’aucune partie en évitant de faire apparaître qui que ce soit comme faible, ridicule ou «perdant». Au contraire, l’approche fait apparaître chaque partie comme sage et «gagnante», même si cela ne correspond pas à la réalité. En permettant à toutes les parties de «sauver la face», le règlement négocié d’un conflit a beaucoup plus de chances d’être accepté (Conflict Research Consortium, 1998). Stéréotypes On fait des stéréotypes quand on attribue à une personne ou à un groupe une ou plusieurs caractéristiques uniquement parce que la plupart des membres du groupe les ont (ou sont supposés les avoir). C’est un processus de simplification et de généralisation qui aide les gens à établir des catégories et à comprendre leur monde, mais qui conduit souvent à des erreurs. Un


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exemple de stéréotype souvent faux est l’idée selon laquelle les femmes sont faibles et soumises, alors que les hommes sont puissants et dominateurs. Cela peut être vrai pour certains hommes et certaines femmes, mais pas pour tous. Les stéréotypes inexacts et négatifs (ce qui est souvent le cas avec des groupes en conflit) sont souvent à l’origine d’erreurs d’interprétation qui compliquent la résolution du conflit (Conflict Research Consortium, 1998). Terrain d’entente Un terrain d’entente est représenté par ce que deux individus ou des groupes partagent ou ont en commun. Il peut s’agir du lieu où ils vivent ou de valeurs, d’intérêts, de besoins ou même d’expériences ou de craintes similaires. Bien que les parties partent souvent du principe qu’elles n’ont rien en commun avec leurs opposants, elles partagent presque toujours quelque chose – ne serait-ce que le désir de vivre en paix et en sécurité sans avoir à craindre leurs rivaux (Conflict Research Consortium, 1998). Tierce partie/Tiers Une tierce partie, ou un tiers, est une personne qui n’est pas directement impliquée dans le conflit, mais qui intervient pour tenter d’aider les parties qui s’opposent à trouver une solution (ou tout au moins à améliorer la situation en rendant meilleure leur communication ou leur compréhension mutuelles). Par exemple, les médiateurs, les arbitres, les conciliateurs et les facilitateurs sont des tierces parties. Transformation des conflits Approche à long terme orientée vers la production de résultats, de processus et de changements structurels. Elle vise à surmonter des formes révélées de violence directe, culturelle et structurelle en transformant des relations sociales inéquitables et en favorisant des conditions propices à l’instauration de relations fondées sur la coopération. Valeurs Les valeurs sont les idées que l’on a de ce qui est bien, de ce qui est mal et de comment les choses devraient être. Les gens ont des valeurs concernant les relations familiales (notamment le rôle du mari dans le couple), les relations de travail (notamment la manière dont les patrons traitent leurs employés) et d’autres relations interpersonnelles ou d’un autre type (notamment sur la manière dont les enfants devraient se comporter avec les adultes, ou sur la manière dont les gens devraient observer des croyances religieuses) (Conflict Research Consortium, 1998).


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Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participative et aux moyens d’existence durables La présente section explique la nature des conflits communautaires liés aux ressources naturelles. Elle examine leurs causes et illustre les différents types de conflits qui peuvent survenir au sein des communautés. En outre, elle montre comment les politiques et les interventions peuvent contribuer à déclencher un conflit et décrit les incidences qu’ont les conflits liés aux ressources naturelles sur les moyens d’existence durables et examine les liens entre la gestion des conflits et les approches plus générales de gestion participative des ressources naturelles. Les deux principaux objectifs de la section sont les suivants: examiner les nombreux liens entre les moyens d’existence durables, la gestion participative des ressources naturelles et les conflits; aider à mieux comprendre comment les politiques, programmes et interventions de gestion des ressources naturelles peuvent aboutir à des résultats positifs sans déclencher de conflits, ou les aggraver.

1.1 QU’EST-CE QUE LES CONFLITS DE NIVEAU COMMUNAUTAIRE LIÉS AUX RESSOURCES NATURELLES? Les populations utilisent les ressources - forêts, eau, pâturages et terres - à des fins différentes et entendent les gérer de diverses manières. Il peut être utile de connaître les différents besoins et intérêts qui les motivent pour parvenir à une gestion réussie et informée, dont chacun tirera le plus grand profit possible. Toutefois, ces divergences conduisent dans certains cas à un conflit:

lorsqu’il existe une compétition pour des biens matériels, des avantages économiques, une propriété ou le pouvoir;


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lorsque les parties croient que leurs besoins ne peuvent pas être satisfaits; lorsque les parties croient que leurs valeurs, leurs besoins ou leurs intérêts sont menacés. Il est parfois préférable de suivre de près les conflits sans intervenir car certains sont une source de problèmes mais ont peu de chances de devenir des différends et de dégénérer dans la violence. Dans d’autres cas, un conflit qui est ignoré ou que l’on ne parvient pas à gérer peut s’exacerber et donner lieu à un différend ou à une autre forme quelconque de confrontation. Un différend (ou un litige) survient lorsqu’un conflit à propos d’une question ou d’un événement spécifique devient public. Il peut prendre la forme d’un affrontement, d’un appel aux autorités ou d’une action en justice. Il ne faut pas confondre le différend et le conflit. En effet, tous les différends reflètent un conflit, mais tous les conflits ne se transforment pas en différends. Certains conflits peuvent évoluer rapidement vers le différend alors que d’autres demeurent latents, ou «couvent» pendant longtemps jusqu’à ce qu’un événement nouveau (par exemple un projet de développement ou l’arrivée d’intérêts externes) les déclenche ou les aggrave. Les conflits communautaires liés aux ressources naturelles surviennent au niveau local, mais ils font souvent intervenir une série d’acteurs régionaux, nationaux ou même mondiaux. Il existe des conflits entre les hommes et les femmes d’une communauté pour l’utilisation des terres; des conflits entre des communautés voisines pour le contrôle d’une terre boisée; ou encore des conflits entre des pêcheurs sur les engins ou les dispositifs utilisés pour capturer les poissons. Les conflits communautaires peuvent faire intervenir des institutions gouvernementales, des entreprises nationales et multinationales, des politiciens, des institutions de développement internationales et des organisations non gouvernementales (ONG). Un différend peut aussi éclater à différents niveaux. À un certain niveau, il peut être principalement lié à l’accès des populations à l’utilisation et au contrôle des ressources dont elles dépendent, alors qu’à un autre niveau, le différend peut être en rapport avec des besoins plus profonds comme la reconnaissance, les droits, l’identité ou la capacité de participer. L’intensité d’un conflit est aussi très variable, avec aux deux extrêmes un sentiment de confusion et de frustration parmi les membres d’une communauté dû à une mauvaise communication des objectifs d’une politique de développement, et des affrontements violents entre des groupes à propos de la propriété des ressources et des droits et des obligations qui en découlent (Buckles, 1999).

N O T E D U F O R M A T E U R : Ce guide porte sur les conflits qui entravent la gestion durable des ressources naturelles au niveau local. Bien que ces conflits puissent comporter un certain degré de violence, ce guide n’est pas adapté pour des situations de conflit ouvert, armé. Comme le montre la discussion qui précède, les conflits liés aux ressources naturelles locales sont souvent très complexes. En effet, ils reposent sur des causes et sur des facteurs si nombreux et imbriqués qu’il est difficile d’identifier les problèmes clés.


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Il peut être utile d’envisager le conflit comme étant constitué des trois éléments suivants:

Des personnes: leurs perceptions du conflit et leurs relations avec celui-ci; leurs sentiments, leurs émotions et leurs perceptions des problèmes et des autres personnes impliquées; leurs rapports interpersonnels et avec les ressources naturelles pour assurer leur subsistance.

Un processus: la manière dont les décisions sont prises, et ce qu’en pensent les individus. Le processus décisionnel est souvent une cause principale de conflit à laquelle on ne pense pas. C’est pourtant de là que viennent souvent le ressentiment, l’impression de subir une injustice et le sentiment d’impuissance.

Des problèmes: les questions spécifiques et les différences entre les individus, les groupes et les institutions impliqués. Ces problèmes englobent des différences de valeurs1, des intérêts et des besoins incompatibles2, ou des divergences concrètes concernant l’utilisation, la distribution ou l’accessibilité de ressources rares. On dit souvent que ces problèmes sont les «causes profondes» d’un conflit, celles à propos desquelles les individus tendent à prendre des positions nettes et fermes. Les sous-sections qui suivent décrivent de façon plus spécifique les facteurs qui alimentent souvent les conflits liés aux ressources naturelles.

1.1.1 Compétition croissante pour les ressources naturelles Les ressources naturelles sont soumises à des pressions concurrentes de plus en plus intenses, découlant dans la plupart des cas de plusieurs facteurs:

les changements démographiques (croissance de la population, migration et urbanisation); les pressions du marché (accroissement de la commercialisation, intensification et privatisation des économies locales, intégration croissante des économies nationales et mondiale, réformes économiques);

des changements environnementaux, tels que inondations, sécheresses récurrentes, altérations du débit des cours d’eau, modifications des migrations des animaux sauvages, qui obligent les populations à modifier leurs stratégies de subsistance. Ces forces peuvent pousser les individus à dépasser les seuils d’exploitation durable des ressources naturelles renouvelables (forêts, plans d’eau, pâturages, ressources marines, faune et flore sauvages et terres agricoles). Dans les régions où les populations augmentent, les ressources doivent souvent être partagées entre un plus grand nombre d’utilisateurs ayant des intérêts différents. Ces utilisateurs peuvent être des agriculteurs qui cherchent à accéder à des terres agricoles, des éleveurs nomades qui ont besoin de pâturages pour le bétail, et des habitants des villes qui ont besoin de plus de viande, de poisson et de céréales.

1. Les «valeurs» sont les idées ancrées que l’on a sur la manière dont les choses devraient être. 2. Les «besoins» sont les éléments que l’on perçoit comme nécessaires pour jouir de la sécurité et du respect des autres. Il peut s’agir d’éléments matériels, mais aussi de besoins plus abstraits, comme la justice, la maîtrise de sa destinée, la liberté et l’identité.


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La principale préoccupation des individus peut être de s’assurer un accès à une ressource, dans la mesure où elle est rare. Le manque d’eau dans les zones arides et semi-arides est un exemple clé. Comme l’eau douce est nécessaire à la vie mais ne peut ni être fabriquée ni être cultivée, l’accès à l’eau peut être au centre d’une querelle. La compétition croissante n’est cependant pas toujours la seule cause de conflit. Quatre conditions importantes peuvent être à l’origine de disputes concernant l’accès aux ressources, à savoir:

la rareté des ressources naturelles; la répartition des ressources disponibles entre deux ou plusieurs groupes; le pouvoir relatif de ces groupes; le degré de dépendance à l’égard de cette ressource particulière, ou la facilité d’accès à d’autres sources possibles. Bien entendu, l’intensification de la pression sur les ressources ne débouche pas nécessairement sur un conflit; on peut aussi s’adapter en prenant d’autres mesures: intensification de l’agriculture (grâce à l’utilisation d’engrais, ou à des pratiques comme la culture en terrasses, l’irrigation, la polyculture, l’élevage en stabulation, la plantation d’arbres, etc.), dépendance accrue à l’égard de revenus non agricoles ou extérieurs à la ferme, ou commercialisation accrue de la production. Ces nouvelles adaptations peuvent à leur tour engendrer des conflits, dans la mesure où les modes d’utilisation des ressources sont altérés.


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1.1.2 Les causes structurelles d’un conflit Des organisations et des systèmes bien établis gouvernent le fonctionnement de la loi, la fourniture des services d’éducation et de santé, et les modes de vie des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, au sein des familles et des communautés, autrement dit la manière dont la société est organisée ou structurée. Les conflits liés aux ressources naturelles sont souvent en partie dus à cette organisation structurelle. Un conflit peut être dû à un seul problème – par exemple un conflit de frontière entre deux villages - et il pourrait être résolu par les populations locales, sur la base du droit coutumier. Mais si quelqu’un demande que le droit de l’État soit appliqué, le conflit devient plus complexe. Un conflit structurel peut dériver du fait que le droit coutumier et celui de l’État sont organisés différemment, le premier étant local et le second national. Le droit de l’État est ordinairement plus fort et le litige de frontière peut se transformer en un conflit d’identité et de droits des individus. Des problèmes structurels plus profonds de ce type plongent souvent leurs racines dans des conditions qui remontent à une époque ancienne, telles que les modes de production et de distribution des richesses et de contrôle du pouvoir dans la société. Les cadres sociaux, politiques, économiques ou juridiques plus larges au sein d’une société peuvent être perçus comme inéquitables, inefficaces ou comme des mécanismes d’exclusion, de sorte qu’il devient encore plus difficile de trouver une solution. Les conflits structurels demeurent souvent à l’état latent jusqu’à ce que d’autres facteurs déclenchants surviennent. Les conflits entre les régimes fonciers officiels (établis par la loi) et coutumiers sont une source de problèmes sans fin. Même si la grande majorité des ruraux ont des droits à la terre établis par la coutume, les arrangements fonciers locaux sont souvent incertains et mal définis dans les cadres de politique nationale. Les droits fonciers coutumiers restent souvent ambigus, même quand ils sont entérinés par la loi, de sorte que le droit de l’État peut continuer à être en conflit avec le droit coutumier. Des autorités différentes peuvent donc prendre des décisions contradictoires, en s’appuyant sur des règles différentes – les unes relevant du droit coutumier, les autres du droit de l’État. Des inégalités plus importantes (réelles ou perçues) peuvent aussi conduire à des conflits sur l’utilisation ou le contrôle des ressources naturelles. Par exemple, des groupes défavorisés peuvent rivaliser pour tenter d’obtenir ou de s’assurer des droits, alors que des groupes privilégiés peuvent éprouver le besoin de défendre les droits qu’ils détiennent. Parfois, des groupes minoritaires rivalisent pour chercher à accroître leur influence. La lutte pour l’accès aux ressources devient alors liée à la recherche d’une reconnaissance et d’une identité, d’un statut et de droits politiques.

N O T E D U F O R M A T E U R : Il est plus difficile de résoudre les conflits structurels que ceux qui sont plus directement liés à une compétition ou à des pressions de développement accrues. La résolution des disparités économiques et juridiques structurelles peut, par définition, nécessiter une intervention au niveau national ou même international, par le biais par exemple d’une réforme agraire, d’une reconnaissance légale des droits fonciers, d’une décentralisation des pouvoirs et des responsabilités, ou d’une amélioration de la gouvernance et de la transparence.


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Ces problèmes plus généraux n’ont pas leur place dans ce guide, mais il est clair que des problèmes structurels profondément ancrés peuvent empêcher de résoudre de façon pleinement satisfaisante les conflits à l’échelle communautaire. L’approche adoptée dans ce guide peut être résumée en une phrase: «Compte tenu des problèmes profondément ancrés auxquels nous sommes tous confrontés, comment pouvons-nous tenter d’améliorer les choses que nous pouvons changer?»

1.1.3 Changements socio-économiques alimentant les conflits Lorsque la société et l’économie subissent des changements, il est logique que les intérêts et les besoins des utilisateurs des ressources naturelles changent aussi. Le développement économique accroît souvent les pressions exercées sur les ressources naturelles, ce qui peut déclencher des conflits ou aggraver ceux qui existent déjà. En voici quelques exemples:

l’introduction de nouvelles technologies peut avoir des effets positifs et négatifs sur la durabilité de l’utilisation des ressources. Bien gérées, certaines technologies comme l’épandage d’engrais chimiques, la mécanisation agricole ou l’irrigation permanente peuvent améliorer les conditions de vie des populations. Au contraire, si elles sont utilisées à mauvais escient, ces mêmes technologies peuvent compromettre la régénération des ressources naturelles renouvelables, aggraver la pénurie de ressources et menacer à plus long terme les moyens d’existence des utilisateurs tributaires de la ressource.

La commercialisation des ressources de propriété commune: beaucoup de pauvres tirent leurs moyens d’existence de ces ressources, qui sont partagées et gérées conjointement par plusieurs groupes. La valeur de certaines d’entre elles (faune et flore sauvages, terres, forêts, pêches) s’accroît. Les bénéfices accrus qui peuvent en être retirés encouragent des groupes puissants à les monopoliser, en s’arrogeant des droits de propriété «privés» exclusifs, qui privent les autres de toute possibilité de les utiliser.

Les migrations altèrent l’organisation de la société rurale et de l’utilisation des ressources. L’exode rural réduit la main-d’œuvre disponible pour gérer durablement les ressources, ce qui peut avoir un effet négatif sur leur qualité et sur leur valeur (Warner, 2000), alors que les migrations vers les zones rurales accroissent la pression sur les ressources et peuvent remettre en question les règles coutumières qui régissent l’accès. Les nouveaux arrivants ne sont pas toujours intégrés dans les systèmes coutumiers locaux de propriété, d’utilisation et de gestion des ressources.


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Incitations perverses: il est possible de prévoir les réactions des individus lorsqu’on les encourage économiquement à agir. Les gens cultivent plus de café si les prix de ce produit sont subventionnés ou garantis. Si une culture est assujettie à une taxe élevée, les paysans en choisiront une autre. Ces incitations sont parfois utiles pour promouvoir une bonne gestion des ressources, mais dans le cas contraire on dit que ce sont des incitations «perverses» (ou irrationnelles). Certaines incitations perverses peuvent favoriser la corruption, la recherche de l’intérêt personnel et d’autres sources de conflit (Ostrom, 1990), par exemple entre les communautés rurales et les fonctionnaires.

1.1.4 Les politiques, programmes et projets de gestion des ressources naturelles, sources de conflit Les nouvelles politiques de décentralisation, de dévolution des pouvoirs et de gestion participative accroissent le pouvoir de décision et l’influence des communautés, des ménages et des individus locaux. Ces politiques encouragent les communautés à intervenir davantage dans les décisions qui ont une incidence sur leurs moyens d’existence et sur les ressources dont elles sont tributaires. Bien que ces politiques puissent contribuer à garantir des moyens d’existence durable, l’introduction d’une répartition plus équitable des pouvoirs entre différents groupes est souvent très problématique. Les politiques, les programmes et les projets peuvent eux-mêmes être des sources ou des scènes de conflits, même si leur objectif est de réduire les conflits ou d’améliorer les moyens d’existence. Cela peut avoir plusieurs causes (FAO, 2000):

Politiques imposées sans participation locale: Les politiques et les interventions relatives aux ressources naturelles sont souvent conçues sans la participation active des communautés et des utilisateurs locaux. Par exemple, certains gouvernements adoptent des stratégies de gestion centralisée, qui consistent à confier tout le pouvoir de contrôle à des unités administratives et à des experts techniques. D’une manière générale, ces stratégies ne tiennent pas compte des droits des communautés locales et de leurs pratiques de gestion des ressources naturelles.

Défaut d’identification et consultation insuffisante des parties prenantes: Les parties prenantes sont des personnes ou des groupes qui ont un intérêt ou une influence sur une ressource. Le gouvernement local et la communauté sont des exemples de parties prenantes, mais comme les groupes sont généralement très peu homogènes et constitués de nombreux sous-groupes, cela n’a généralement guère de sens de considérer la communauté comme un groupe de parties prenantes; certains individus ont des intérêts très différents de ceux des autres, en fonction de leur sexe, de leur statut, de leur âge, de leur richesse, de leur appartenance ethnique, etc. Des conflits peuvent survenir lorsque les planificateurs et les gestionnaires ne réussissent pas à identifier les parties prenantes ou à cerner les intérêts d’un groupe par rapport à une ressource.

Manque de coordination des efforts de planification: Nombre de gouvernements et d’autres organismes continuent à recourir aux approches sectorielles, qui présentent des limites au niveau de la planification et de la coordination intersectorielles. Par exemple, les services agricoles peuvent promouvoir une expansion des cultures de rapport dans les forêts pour augmenter les


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revenus, sans se rendre compte des effets négatifs d’une telle mesure sur d’autres utilisateurs des ressources. Le chevauchement des objectifs des différentes institutions, qui se retrouvent ainsi en concurrence, peuvent être une source de confusion et les empêcher de tenir compte également des besoins et des priorités des autres parties prenantes.

Partage d’informations inadéquat ou insuffisant: Une bonne communication des informations relatives aux politiques, aux lois, aux procédures et aux objectifs peut accroître les chances de réussite des programmes et réduire les probabilités de conflit. En revanche, l’absence d’informations sur les intentions des institutions chargées de la planification peut entraîner des soupçons et une perte de confiance.

Capacités institutionnelles limitées: Les conflits surviennent lorsque les organisations gouvernementales ou autres ne possèdent pas les capacités nécessaires pour entreprendre une gestion durable des ressources naturelles. Non seulement les organisations se heurtent à des difficultés financières face aux dépenses de personnel et d’équipement, mais elles n’ont souvent pas les compétences requises pour anticiper ou gérer les conflits qui surviennent au cours de leurs activités.

Suivi et évaluation des programmes insuffisants: L’élaboration des programmes et des priorités omet souvent de définir clairement les composantes de suivi et d’évaluation, en particulier dans le domaine des conflits liés aux ressources naturelles. Sans un suivi et une évaluation systématiques des activités de gestion des ressources naturelles, il est plus difficile d’identifier ou de gérer un conflit.

Absence de mécanismes efficaces pour la gestion des conflits: Pour garantir l’efficacité des programmes de gestion des ressources naturelles, il convient d’incorporer dès le départ dans leur conception et leur mise en œuvre, des mécanismes de gestion participative des conflits. Ces mécanismes doivent garantir que des conflits ouverts ou latents sont traités de manière constructive pour éviter une escalade.

N O T E D U F O R M A T E U R : L’Annexe 3 présente deux exemples de conflits liés aux ressources naturelles au Ghana. Ces études de cas illustrent les interactions entre les divers facteurs, et montrent comment les conflits ont été gérés et résolus.


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1.2 LA GESTION PARTICIPATIVE DES RESSOURCES NATURELLES ET LES CONFLITS La gestion participative prévoit une prise de décision concertée entre le gouvernement, les communautés, les ONG et le secteur privé en ce qui concerne l’accès aux ressources naturelles et leur utilisation. Pour Borrini-Feyerabend et al. (2000), la gestion participative est une situation dans laquelle deux ou plusieurs parties négocient, définissent et se garantissent mutuellement le partage des fonctions de gestion, des droits et des responsabilités concernant un territoire ou un ensemble de ressources naturelles spécifiques. Les arrangements institutionnels de gestion participative peuvent prendre diverses formes allant de la reconnaissance officielle des droits fonciers coutumiers jusqu’à des contrats annuels accordant aux villageois un accès très restreint aux terres de l’État. Les institutions d’État peuvent partager les ressources qui leur sont allouées ou les responsabilités de la gestion avec les communautés, notamment autochtones, et avec d’autres parties, comme les groupes d’utilisateurs, des ONG et des entreprises (Castro et Nielsen, 2001). Ces systèmes se rencontrent dans la gestion de diverses ressources de propriété commune, comme les forêts, les pâturages, la faune et la flore sauvages, les pêches, les zones protégées – car il peut être difficile d’en interdire l’accès à certains des utilisateurs qui sont en concurrence pour leur utilisation. Chaque partie prenante peut avoir des intérêts différents, mais on part du principe que le partage des pouvoirs et des prises de décision renforce le processus de gestion des ressources, en lui permettant de mieux répondre aux divers besoins. La gestion participative est notamment censée promouvoir à la fois les objectifs de conservation et de subsistance, de manière efficace, équitable et constante. De nombreux arrangements de collaboration ont vu le jour pour tenter de trouver des réponses novatrices à des conflits de longue date sur l’utilisation et la gestion des ressources naturelles. Ceci confirme qu’un conflit peut être un élément créatif dans la société. Le partage des responsabilités de la gestion des ressources contestées et des avantages qu’elles procurent a permis d’atténuer des querelles qui semblaient sans fin, dans un domaine où l’on piétinait. L’engagement dans un processus de gestion participative peut cependant aussi être l’étincelle qui déclenche un conflit, parce que les personnes, les groupes et les institutions concernés ont non seulement de nombreux intérêts différents relativement à l’utilisation des ressources naturelles, mais aussi un poids différent dans les négociations. En outre, les groupes ou les individus qui ont le plus accès au pouvoir tendent à influencer les décisions liées aux ressources naturelles en leur faveur. Il est désormais clair qu’une gestion participative des ressources efficace se doit de prêter attention aux problèmes de gestion des conflits. Les désaccords sur les droits d’accès, l’absence de consensus sur les objectifs de la gestion, le manque d’information et les incompréhensions sont des problèmes qui apparaissent dans la plupart des contextes. Il est crucial de gérer les divergences d’opinion pour créer un climat propice à l’identification et à l’application de solutions constructives.


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Les conflits qui font intervenir des communautés, des cultures ou des parties prenantes très diverses (y compris des institutions d’État) sont difficiles à traiter. Les gens des villes ont souvent du mal à se frayer un chemin dans le labyrinthe des institutions juridiques ou administratives, alors que les ruraux ont des difficultés à y accéder à cause de la distance (physique et sociale), du coût et du manque d’intérêt et de compétences de la plupart des avocats pour les questions liées aux ressources naturelles. Pour la majorité des ruraux, obtenir un accès aux instances de gestion des conflits, même au sein de leurs propres sociétés, est une véritable gageure, et les femmes, les démunis, les paysans sans terres, les castes inférieures, etc. sont les plus mal placés à cet égard. Dans de nombreux endroits, les capacités locales doivent être considérablement renforcées pour traiter les nombreuses situations de conflit découlant de la gestion participative. Les communautés rurales ont souvent des moyens insuffisants pour gérer les conflits liés à la mise en place ou au fonctionnement des approches de gestion participative (Castro et Nielsen, 2001). Ces populations connaissent bien certaines approches, comme la médiation et la négociation, et elles ont autant d’expérience que d’autres dans ce domaine, mais les approches qu’elles adoptent sont profondément ancrées dans leur culture, et souvent inappropriées au conflit spécifique dont elles s’occupent (Castro et Ettenger, 1997). ENCADRÉ 1.1

GESTION PARTICIPATIVE ET GESTION DES CONFLITS La gestion participative des ressources naturelles est un partenariat dans lequel diverses parties prenantes conviennent de se partager les fonctions, les droits et les responsabilités afférents à la gestion d’un territoire ou d’un ensemble de ressources (d’après BorriniFeyerabend, 1996: p.3). La gestion participative englobe un certain nombre de processus qui aident à établir et à maintenir des principes et des pratiques de gestion des ressources naturelles mutuellement acceptables. La gestion des conflits est l’un de ces processus.

Les approches de gestion participative ont principalement deux objectifs:

gérer l’utilisation des terres, des forêts, des zones marines et de leurs produits en négociant avec les parties prenantes des principes et des pratiques mutuellement acceptables;

établir des mécanismes de partage entre les parties prenantes du pouvoir décisionnel et du contrôle de l’utilisation des ressources naturelles. L’anticipation et la gestion des conflits sont donc des ingrédients critiques de la gestion participative des ressources naturelles. La grande caractéristique de la collaboration est que les décisions se prennent par consensus. Consensus ne signifie pas consentement unanime, ni même adoption de l’option préférée d’une partie. Le consensus est atteint lorsque chaque partie prenante a le senti-


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ment que ses intérêts ont été pris en compte. L’instauration d’un consensus vise à éviter des compromis (situation dans laquelle au moins une des parties doit renoncer à quelque chose). Les approches consensuelles ne se suffisent pas à elles-mêmes. Il convient de les intégrer pleinement dans le cadre plus large de la gestion participative, et de s’appuyer sur des processus qui conduisent à des avantages et des résultats positifs pour tous. La réussite de la gestion des conflits dans le domaine de la gestion participative des ressources naturelles est subordonnée à plusieurs conditions:

Toutes les parties opposées dans le conflit ont du pouvoir ou de l’influence pour négocier: Un certain degré de partage du pouvoir, au niveau des décisions et du contrôle des résultats, est une condition préalable importante. Si le pouvoir n’est pas partagé, il est pratiquement impossible que toutes les parties puissent s’engager dans la gestion d’un conflit et trouver des arrangements mutuellement acceptables. Les grandes inégalités de pouvoir dissuadent de s’engager dans une approche conjointe car des groupes puissants peuvent prendre des mesures unilatéralement ou contraindre les parties plus faibles à accepter une décision. Il arrive même que des parties prenantes très puissantes fassent en sorte que la collaboration ne marche pas (FAO, 1999).

Les besoins de base immédiats des populations, tels que nourriture, abri, santé et sécurité, sont garantis. Si l’un quelconque de ces besoins humains de base n’est pas satisfait ou est menacé, les populations vont focaliser toute leur attention sur l’obtention de cet élément et n’auront guère d’intérêt ou de temps pour collaborer sur d’autres questions.

Existence d’un cadre politique et juridique mutuellement accepté. La gestion des ressources doit être fondée sur des droits mutuellement reconnus – si possible par l’État. Les parties prenantes doivent être assurées qu’elles recevront les avantages escomptés à court et à long terme de l’utilisation des ressources. Il faut donc que les droits soient appliqués et que les parties prenantes puissent raisonnablement espérer obtenir gain de cause, si leurs droits sont enfreints ou ignorés.


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Le conflit n’est pas manipulé par des hommes politiques ou des chefs de groupes pour atteindre des objectifs plus généraux. Ces acteurs peuvent se servir d’un conflit à leurs propres fins politiques, et avoir intérêt à ce qu’il ne soit pas résolu. Lorsque c’est le cas, les solutions de type coopératif ont peu de place. N O T E D U F O R M A T E U R : La gestion des conflits liés aux ressources naturelles ne peut être efficace que si l’environnement général est suffisamment porteur pour permettre une gestion participative de ces ressources. P O I N T D E C O N T R Ô L E : L’Annexe I présente les concepts fondamentaux de la gestion participative des ressources naturelles, qui est l’approche qui conduit le plus souvent à intervenir dans la gestion d’un conflit lié à ce type de ressources.

1.3 CONFLITS LIÉS AUX RESSOURCES NATURELLES ET AUX MOYENS D’EXISTENCE DURABLES Les ressources naturelles sont essentielles à la subsistance de nombreux ménages ruraux. Les conflits à propos de ces ressources peuvent être utiles pour mieux définir les besoins et les droits et contribuer à résoudre des injustices et des inégalités dans la distribution des ressources. Toutefois, certains conflits non résolus peuvent devenir une entrave compromettant les moyens d’existence et la gestion durable des ressources. En cas d’escalade, les conflits peuvent aussi nuire aux relations, en accroissant la méfiance et les soupçons. Des affrontements violents peuvent même détruire les ressources dont les populations tirent leurs moyens d’existence. L’expression «moyens d’existence» désigne non seulement les activités que les gens pratiquent pour gagner leur vie, mais aussi les différents éléments qui leur permettent de subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leur famille, ou qui ont une incidence sur cette capacité de le faire. Ces éléments sont les suivants:

Les actifs que possède le ménage ou auxquels il a accès, qui peuvent être de plusieurs types: capital humain: compétences, connaissances, bonne santé et capacité de travail; capital social: relations sociales formelles et informelles, y compris degré de confiance réciproque entre les personnes, et degré de fiabilité et d’adaptabilité; capital naturel: les ressources naturelles éventuellement détenues, telles que terres, plantes cultivées et arbres, et services procurés par la nature, tels que ombre, qualité de l’eau et espace où planter des semences; capital physique: biens et objets corporels fabriqués, tels que clôtures, maisons et routes; capital financier: argent et accès au crédit et à l’emprunt;

les activités qui permettent au ménage d’utiliser ces actifs pour satisfaire ses besoins essentiels;


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divers facteurs sur lesquels le ménage lui-même n’a pas de prise directe, mais qui ont une incidence sur la vulnérabilité, tels que les aléas climatiques, les chocs et les catastrophes naturelles, ou les tendances économiques et les autres tendances à long terme;

les politiques, institutions et processus qui peuvent avoir une incidence positive ou négative sur la capacité des ménages à s’assurer des conditions d’existence satisfaisantes. Les stratégies que mettent au point les ménages pour améliorer leurs conditions d’existence dépendent de:

la manière dont ils combinent les actifs nécessaires à leur subsistance; leur degré de vulnérabilité là où ils vivent; les politiques, institutions et processus qui ont un incidence sur leur vie. Les stratégies visant à améliorer les conditions d’existence ont des impacts qui sont plus durables pour certains que pour d’autres. Ceux qui ont le choix entre de nombreux moyens de gagner leur vie (stratégies) sont généralement moins vulnérables que ceux qui disposent d’options limitées. Certains instruments de la gestion des conflits, telles que les négociations consensuelles, peuvent être utiles. Théoriquement, une bonne approche des moyens d’existence durables devrait créer plus de revenus, améliorer les conditions de vie, réduire la vulnérabilité, améliorer la sécurité alimentaire et garantir à ses bénéficiaires une utilisation plus durable des ressources naturelles. L’accès aux ressources naturelles est un actif clé pour les ménages ruraux, en particulier parce qu’il a une incidence sur la subsistance et la sécurité alimentaire des ménages pauvres. Les conflits liés aux ressources naturelles peuvent compromettre gravement les moyens d’existence des populations. Des conflits peuvent refléter l’inefficacité des politiques, institutions et processus à réglementer l’accès aux ressources, et compromettre les résultats des stratégies qu’adoptent les populations pour améliorer leurs conditions d’existence. Des conflits à long terme peuvent accroître la vulnérabilité des populations et réduire leurs capacités d’adaptation à des imprévus, tels que les fluctuations des prix, les sécheresses ou le SIDA. Dans n’importe quelle société, les actifs sont répartis de manière inégale. Même dans les communautés les plus démunies, il existe des niveaux de pauvreté différents. Le sexe, l’âge et d’autres variables peuvent avoir une influence significative sur l’accès aux actifs. Par exemple, un arbre peut être considéré comme un actif du ménage, mais une femme peut avoir moins de droits qu’un homme quant à son utilisation. Le contrôle dont disposent les populations sur leurs actifs clés varie aussi avec les saisons et au fil du temps, en fonction des problèmes et des opportunités qu’ils rencontrent. Les moyens d’existence des ménages et les stratégies qu’ils adoptent pour assurer leur subsistance sont au cœur du développement. La promotion des moyens d’existence durables est donc:

un objectif qui contribue à l’éradication de la pauvreté; un cadre de réflexion sur la pauvreté; une approche de lutte contre la pauvreté.


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FIGURE 1.1

CADRE DES MOYENS D’EXISTENCE DURABLES

Chocs Tendances Variations saisonnières

RÉSULTATS DES STRATÉGIES DE SUBSISTANCE

POLITIQUES, INSTITUTIONS ET PROCESSUS

CONTEXTE DE LA VULTÉRABILITÉ ACTIFS LIÉS AUX MOYENS D’EXISTENCE Capital social Capital Capital physique humain

Échelons du gouvernement Secteur privé

Accroissement du revenu STRATÉGIES DE SUBSISTANCE

Capital Capital financier naturel

Droit Cultures Politiques Institutions

Amélioration des conditions de vie Réduction de la vulnérabilité Amélioration de la sécurité alimentaire Utilisation plus durable de la base de RN

L’objectif ultime est d’aider les populations à obtenir les moyens d’existence dont ils ont besoin. Un moyen d’existence est durable si (Chambers et Conway, 1992):

il gère le stress et les chocs (comme la sécheresse ou un changement économique brutal) et s’en remet;

il conserve ou renforce les points forts et les actifs présents et futurs; il n’appauvrit pas la base de ressources naturelles. En d’autres termes, les moyens d’existence devraient assurer de bonnes conditions de vie aux ménages – non seulement aujourd’hui, mais aussi à l’avenir, ce qui suppose de sauvegarder la base de ressources naturelles.


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Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participative et aux moyens d’existence durables

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ENCADRÉ 1.2

PRINCIPES DIRECTEURS RELATIFS AUX MOYENS D’EXISTENCE DURABLES Les approches fondées sur les moyens d’existence durables étayant la gestion communautaire des ressources naturelles devraient présenter les caractéristiques suivantes:

Etre centrées sur les populations et participatives: Elles devraient être réorientées à partir des ressources vers les populations. Les interventions devraient être participatives et respecter réellement les points de vue des populations, notamment la liberté et les choix humains, se concentrer sur ce qui importe aux populations et travailler de concert avec elles en tenant compte de leurs objectifs en matière de moyens d’existence, de leur environnement social et de leur capacité d’adaptation.

Tenir compte des différences entre les personnes: Elles devraient être conscientes de la variabilité des actifs, de la vulnérabilité, de la capacité de se faire entendre et des stratégies de subsistance en fonction des groupes, mais aussi du sexe. Il est également important de comprendre en quoi ces différences affectent la capacité et la disponibilité des personnes à s’engager dans des processus participatifs.

Renforcer les pouvoirs et répondre aux besoins: Elles devraient chercher à renforcer les droits des pauvres et les capacités des institutions pour leur permettre d’intervenir pleinement dans les décisions concernant tous les aspects des moyens d’existence. Les populations doivent faire entendre davantage leur voix lors de l’identification des objectifs et des stratégies prioritaires en matière de moyens d’existence. Les gens de l’extérieur devraient être capables d’écouter (et pas seulement d’entendre) les pauvres et de leur répondre comme il convient.

Être intégrées et «multiniveaux»: Elles devraient reconnaître les nombreux facteurs qui ont des incidences sur les populations et chercher à comprendre leurs interactions et leur impact sur les stratégies de subsistance et leurs résultats. Pour supprimer les contraintes aux moyens d’existence durables, il faut souvent agir sur plusieurs niveaux, secteurs et régions géographiques.

Tirer parti des atouts, à travers des partenariats: Elles devraient favoriser un environnement porteur et donner aux pauvres des possibilités de protéger, d’entretenir et d’améliorer leurs actifs nécessaires à la subsistance. L’approche encourage aussi la collaboration entre les pauvres, leurs institutions et organisations et les secteurs public et privé. Les partenariats doivent être fondés sur des accords transparents et des objectifs communs.

Etre durables: Les moyens d’existence des populations sont dits «durables» lorsqu’ils parviennent à gérer les stress et les chocs et à s’en remettre, et à maintenir ou à améliorer les actifs présents et futurs sans porter atteinte à la base de ressources naturelles. La durabilité a quatre dimensions clés - économique, institutionnelle, sociale et environnementale - qui doivent toutes être prises en compte. Il est crucial de parvenir à concilier ces dimensions, ce qui ne peut être fait qu’avec la participation active des populations pauvres concernées.

Etre axées sur le long terme et flexibles: La lutte contre la pauvreté se fait dans un contexte très changeant, avec des chocs imprévus et des cycles saisonniers qui se produisent constamment. L’appui aux moyens d’existence durables nécessite un engagement à long terme et une attitude flexible pour s’adapter au changement. Source: Adapté de Carney, 2002.


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Une gestion des conflits basée sur les principes relatifs aux moyens d’existence durables vise à faciliter une négociation équilibrée des revendications relatives aux ressources entre les parties prenantes locales (et régionales) opposées dans le conflit. Une gestion des conflits réussie:

renforce la prise de conscience et la connaissance des contraintes entravant le processus de développement, ainsi que la capacité de les identifier et de les surmonter (capital humain);

renforce les relations et instaure la confiance entre les groupes et au sein des groupes (capital social);

met les communautés, les organisations et les institutions mieux à même de résoudre les problèmes (capital social);

contribue à renforcer les arrangements institutionnels qui règlementent l’accès aux ressources et leur utilisation (politiques, institutions et processus);

favorise l’augmentation des flux de revenu et d’avantages en facilitant l’accès aux ressources naturelles et à leur gestion.


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Introduction aux conflits liés aux ressources naturelles, à la gestion participative et aux moyens d’existence durables

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ENCADRÉ 1.3

NÉGOCIATIONS CONSENSUELLES Ce guide explique comment établir et faciliter un processus de négociations consensuelles pour gérer un conflit et forger une collaboration. Il s’adresse aux agents des organisations gouvernementales, internationales, nationales et locales et des ONG qui s’occupent de divers projets relatifs aux ressources naturelles et aux moyens d’existence des parties prenantes. La négociation consensuelle est une méthode de gestion des conflits. Son but est de faciliter une entente, fondée sur des avantages mutuels entre des individus, groupes ou institutions. Au fur et à mesure que les populations acquièrent une compréhension plus large de leurs intérêts et de leurs besoins et de ceux des autres, et apprennent à dépasser leurs positions rigides et émotionnelles, il devient possible d’obtenir des résultats bénéfiques pour tous. Dans certains conflits, une tierce partie peut contribuer à améliorer les chances de réussite des négociations fondées sur les intérêts. Cette tierce partie est appelée indifféremment médiateur ou facilitateur. La gestion des conflits et les négociations consensuelles peuvent aider à parvenir à une gestion participative des ressources et à des moyens d’existence durables. Au niveau local, cela implique d’améliorer les capacités des individus, des groupes et des institutions pour les mettre mieux à même de résoudre les nombreuses situations conflictuelles qui compromettent la coordination et la coopération. Les négociations consensuelles ne sont pas toujours efficaces. Elles peuvent être utiles pour gérer les conflits fondés sur des intérêts, qui sont souvent négociables. En revanche, des besoins fondamentaux comme l’identité, la sécurité, la reconnaissance ou la participation équitable au sein de la société sont plus difficilement négociables ou ne le sont pas du tout, et maints conflits comportent des problèmes qui semblent insolubles. Les grandes disparités de pouvoir entre les parties prenantes peuvent nécessiter d’autres approches pour apporter des changements qui pourraient difficilement être obtenus par une négociation ou une médiation. Le choix de stratégies adaptées à la résolution du conflit en question est fondamental; tous les conflits sont différents et il n’existe aucune approche efficace à elle seule dans tous les cas.

RÉSUMÉ DE LA SECTION Nous avons vu dans la Section 1 comment les conflits liés aux ressources naturelles peuvent survenir et les incidences qu’ils peuvent avoir sur les moyens d’existence durables; nous avons aussi essayé de comprendre pourquoi une approche de gestion des ressources naturelles basée sur la collaboration est essentielle pour renforcer la durabilité des moyens d’existence et ce que la gestion des conflits apporte à ce processus plus général. La Section 2 passe en revue différentes approches de gestion des conflits et décrit les points forts et les limites des négociations consensuelles. Les sections suivantes présentent les négociations de manière plus détaillée et établissent une carte du processus, en dix étapes, pour l’application pratique des approches de gestion des conflits liés aux ressources naturelles.


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Les conflits liés aux ressources naturelles sont des désaccords et des différends sur l’accès, le contrôle et l’utilisation des ressources naturelles. Ils peuvent être utiles pour aider une communauté à mieux définir ses intérêts et ses besoins et à atténuer les éventuelles injustices ou inégalités dans la répartition des ressources. Toutefois, certains conflits liés aux ressources naturelles doivent être réglés de manière efficace et en temps voulu, sous peine de perturber les moyens d’existence locaux en détruisant la confiance entre les parties prenantes et en accroissant l’insécurité et la dégradation des ressources. Les conflits liés aux ressources naturelles, à l’échelle des communautés, ont souvent des causes multiples étroitement imbriquées – certaines étant le noyau du conflit, alors que d’autres le sous-tendent ou y contribuent. Les quatre principaux types de facteurs qui provoquent des conflits sont: 1) la concurrence croissante pour les ressources naturelles; 2) des causes structurelles; 3) les pressions du développement; et 4) les politiques, programmes et projets de gestion des ressources naturelles. Les politiques, les programmes et les projets de promotion de la gestion des ressources naturelles peuvent sans le vouloir devenir des sources ou des tribunes de conflits. Cette situation est généralement la résultante d’un manque de participation des populations locales aux interventions et du manque d’anticipation des conflits potentiels. Les conflits liés aux ressources naturelles reflètent l’incapacité des politiques, institutions et processus divers à réglementer de manière satisfaisante l’accès aux ressources. Bon nombre de ménages ruraux ont des stratégies d’amélioration de leurs conditions d’existence basées sur les ressources naturelles, de sorte que les conflits de ce type peuvent compromettre les résultats de ces stratégies et leur bien-être. La promotion de moyens d’existence durables pour les pauvres passe par une approche de gestion des ressources naturelles reposant sur les communautés et sur la collaboration. L’objectif est d’améliorer la gouvernance et les moyens d’existence durables. L’élément central de ce processus est de permettre aux différentes parties prenantes de participer aux prises de décision afin de développer et de gérer leurs ressources. La gestion des conflits est un élément important à intégrer dans le cadre plus large de la gestion participative. La gestion participative est efficace lorsque les institutions et les processus qui réglementent l’utilisation des ressources sont en mesure d’anticiper et de satisfaire les différents intérêts des parties prenantes en matière d’utilisation des ressources, et de chercher des solutions avantageuses pour tous.


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La gestion d’un conflit La présente section examine les différentes dimensions d’un conflit en matière de gestion participative des ressources naturelles. Ses objectifs sont les suivants: fournir de nouvelles manières de voir le conflit qui peut survenir entre les multiples groupes d’utilisateurs des ressources naturelles; présenter d’importants éléments de conflit qui ont une incidence sur la manière de l’aborder et de le gérer; examiner différentes approches de gestion des conflits, ainsi que leurs avantages et leurs inconvénients spécifiques; proposer des modes alternatifs de gestion des conflits (MAGC) de style coopératif, qui visent à identifier des intérêts communs et des avantages mutuels.

2.1 LA NATURE DU CONFLIT Lorsque des utilisateurs locaux gèrent ensemble leurs ressources naturelles, il est normal que certains aient des intérêts différents des autres quant au mode d’utilisation de la ressource en question. Si ces intérêts différents semblent incompatibles, un conflit fondé sur les intérêts se déclare. ENCADRÉ 2.1

CONFLIT ET VIOLENCE Un conflit est une relation entre deux ou plusieurs parties qui ont, ou croient avoir, des intérêts ou des objectifs incompatibles. La violence est, en premier lieu, la menace ou le recours à la force physique. La violence peut aussi être constituée d’actes, de mots, d’attitudes ou de structures qui provoquent des dommages et empêchent les populations de pourvoir à leur subsistance et de s’assurer des conditions de vie décentes. Source: Fisher et al., 2000.


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Les conflits sont une réalité inéluctable. Ils surviennent lorsque des individus poursuivent des objectifs opposés ou incompatibles. Un conflit implique des pensées (idées), des émotions (sentiments et perceptions) et des actes (comportement). En ce qui concerne la pensée, la manière dont les différents participants «cadrent» ou interprètent le conflit est un aspect fondamental (Lewicki, Grey et Elliott, 2003). Le cadrage est la façon dont les personnes se représentent mentalement un conflit. Un cadre donne une connaissance plus approfondie et critique des points de vue, des motivations et des intérêts d’une partie. La gestion d’un conflit englobe souvent un processus consistant à aider les parties à «recadrer» leur conflit, en modifiant leur façon de le percevoir ou de le traiter. Les conflits sont souvent chargés de fortes émotions – tristesse, colère et/ou frustration, et leur gestion consiste en partie à aider les personnes à gérer ou à dominer ces émotions, de façon à être mieux préparées à aborder les problèmes qui sont au cœur du conflit. De la même manière, le comportement ou l’action tient une place importante dans un conflit. L’une des fonctions de la gestion des conflits est d’aider les populations à adopter un comportement positif pour résoudre les divergences qui les séparent. Dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, la gestion d’un conflit offre un ensemble de principes et d’outils qui permettent de transformer un conflit en une force favorisant des moyens d’existence plus durables. Ces principes et ces outils peuvent en particulier servir à consolider le système de gestion des conflits existant, basé sur la coutume et le droit. L’objectif de ce guide est de donner aux professionnels des ressources naturelles les moyens de gérer les tensions dès le moment où elles surviennent. En effet, un conflit peut avoir des résultats positifs et constructifs, à condition d’y réagir comme il convient. Par exemple, il peut aider à mieux comprendre les politiques, institutions et processus qui règlementent l’accès aux ressources. Un conflit peut aussi être un important moteur de changement social, en mettant en lumière:

les griefs existant dans le système socio-économique ou politique plus large; des lois ou des politiques concurrentielles ou contradictoires régissant l’accès ou le contrôle des ressources naturelles;

des défaillances dans la mise en œuvre des politiques ou des lois relatives à la gestion des ressources naturelles;

le besoin ou le souhait qu’ont les populations de faire valoir leurs droits, leurs intérêts et leur priorités; des conditions environnementales regrettables, comme la surexploitation des ressources renouvelables. Une approche de gestion participative des ressources naturelles reconnaît et respecte les valeurs et les intérêts différents et souvent conflictuels des divers groupes d’utilisateurs. Lorsque des conflits liés aux ressources naturelles sont traités de manière constructive, ils peuvent contribuer à améliorer les institutions et les processus intéressant la gestion des ressources naturelles. Ceci peut contribuer à stabiliser et à renforcer la durabilité des ressources naturelles et les avantages qu’en retirent les différents utilisateurs.


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N O T E D U F O R M A T E U R : Un conflit peut devenir une force créative et constructive pour améliorer la gestion des ressources naturelles, à condition de maîtriser les techniques qui permettent de l’analyser et de le gérer de façon constructive et sur une base participative. Un conflit peut prendre diverses formes et tous les conflits ne peuvent pas être entièrement résolus à l’échelon local. Ceux qui sont provoqués par des tensions structurelles peuvent notamment exiger que l’on prenne des mesures au niveau régional, national ou international. Avant d’intervenir dans un conflit, il convient d’étudier ses dimensions essentielles. Les personnes qui doivent résoudre un conflit doivent être conscientes de ce qui suit:

Les origines d’un conflit sont généralement complexes et variées. Elles plongent leurs racines dans les systèmes culturels locaux, mais sont aussi en rapport avec des processus sociaux, économiques et politiques plus larges.

Les conflits ne sont pas des événements uniques isolés, mais des processus sociaux interactifs et dynamiques. Chaque conflit a une histoire et une évolution qui lui sont propres, avec des phases et des degrés d’intensité divers.

Il ne saurait y avoir un compte rendu «vrai» ou «objectif» unique d’un conflit. Ceux qui participent aux conflits et ceux qui les suivent en tant qu’observateurs peuvent les interpréter ou les cadrer différemment, selon leurs points de vue et leurs intérêts. Les conflits portent sur des perceptions et sur les (diverses) significations que les personnes attribuent aux événements, aux politiques, aux institutions, etc.

2.1.1 Un conflit est en évolution constante: les stades d’un conflit Les conflits sont en principe des processus interactifs sociaux dynamiques (en évolution constante), tous différents les uns des autres. La technique d’analyse des conflits permet pourtant d’examiner leur structure et leur dynamique de façon systématique. A partir de là, il devient clair que les conflits ont généralement en commun des modèles et des stades de développement similaires. D’une manière générale, on peut voir


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les conflits comme un cycle, allant de leur apparition (ou émergence) à leur résolution, même s’ils ne progressent pas toujours de manière strictement linéaire, du stade A, au stade B, C, etc. En effet, les conflits se déroulent souvent par à-coups, avançant et reculant entre les différents stades, voire sautant un stade, ou s’arrêtant pendant longtemps à un stade avant de repartir brusquement. Pour être efficaces, les professionnels doivent analyser avec attention chaque conflit, au cas par cas, en tenant compte des différents stades et des éléments en jeu dans le conflit. Parfois, un conflit doit être traité même s’il a été sans influence sur les actes ou les décisions des gens. Lorsqu’un conflit n’est pas ouvert, mais constitue une menace potentielle, on dit qu’il est latent. Il peut y avoir de la fumée, mais le feu n’est pas visible. Un conflit latent est lié à des tensions sociales, à des divergences et à des désaccords qui sont cachés ou ne sont pas formulés. À ce stade, il peut y avoir des objectifs incompatibles, mais les parties n’en ont pas encore une conscience aiguë ou ne veulent pas se dévoiler ou révéler leurs intérêts dans le conflit. Elles peuvent laisser le conflit à l’état latent pour des raisons aussi diverses que la crainte, la méfiance, la pression du groupe, le manque de moyens financiers. Dans ces situations, les conflits peuvent se manifester à travers ce que Scott (1985: xv-xvi) appelle «les armes ordinaires des groupes qui ont le moins de pouvoir, c’est-à-dire à travers des attitudes consistant à traîner les pieds, ou dissimulation, désertion, pillage, feinte ignorance, diffamation, incendies volontaires, sabotages, etc.». Dans ces situations, les tensions s’accumulent.

FIGURE 2.1

LES STADES D’UN CONFLIT

VIOLENCE

CACHÉ

LA CA ES NT

MANIFESTE

GE ER ÉM

INTENSITÉ DU CONFLIT

DE

OUVERT

LATENT

TEMPS


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Un conflit peut apparaître (ou «émerger») de façon progressive et régulière, ou se développer rapidement en réaction à quelques événements significatifs. Lorsque les différends s’accroissent et s’intensifient, le conflit devient manifeste et se transforme en un problème de notoriété publique qui ne peut plus être ignoré. Au stade manifeste, les divergences des parties opposées deviennent plus marquées et tiennent une place plus importante dans les dynamiques de groupe. Au fur et à mesure que les incompatibilités se précisent, elles deviennent «les» problèmes du conflit et le débat tourne de plus en plus autour de ces différences. Les parties opposées commencent à se définir, elles et leurs groupes, sur la base de ces clivages, en termes de confrontation («nous contre eux»). Ces différences peuvent ensuite être utilisées pour mobiliser des sections de la population au nom d’une «cause». Les conflits manifestes peuvent s’intensifier (il y a alors escalade du conflit) et dégénérer dans la violence. Lorsqu’un conflit atteint ce stade, la violence génère elle-même la violence, ce qui entraîne une nouvelle escalade. En théorie, les conflits devraient être gérés quand ils sont au stade latent, avant l’émergence ou l’escalade. Lorsqu’un conflit atteint le stade manifeste, il peut soit se bloquer et rester au point mort ou dans une impasse si les parties refusent de modifier leurs positions, soit devenir incontrôlable avec des tensions et des actes violents. ENCADRÉ 2.2

DÉTECTER UN CONFLIT LATENT Comment peut-on détecter un conflit latent? Il est difficile de prévoir quand des conflits liés aux ressources naturelles peuvent venir à la surface (émergence) ou s’intensifier (escalade). Une histoire ponctuée de conflits dans ce domaine dans une communauté ou une région est l’un des meilleurs indicateurs de l’émergence probable d’un conflit. Il n’est pas rare que des conflits réapparaissent ou que des conflits similaires se développent si les sources de conflit originelles n’ont pas été résolues. Diverses situations sont des révélateurs ou des symptômes de tensions ou de conflits potentiels, notamment (par domaine):

Changements dans l’utilisation des terres et les utilisateurs des ressources Utilisation apparemment non durable des ressources renouvelables, notamment défrichage des forêts (ou d’espèces particulièrement prisées), surpâturage, ou surexploitation des produits forestiers ou des pêcheries;

Tendances dans l’utilisation des terres, notamment conversion rapide des forêts en terres agricoles ou en prairies, extension des cultures sur les pâturages; passage de la mono à la polyculture; expansion des centres urbains ou péri-urbains aux dépens des terres agricoles, établissement d’ouvrages d’irrigation ou clôturage de terres auparavant communales;


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Encadré 2.2 • (suite)

Brusque apparition de nouvelles technologies, telles que engrais chimiques, semences hybrides, cultures exotiques, pompes à irrigation, tronçonneuses, tracteurs, nouvelles technologies ou nouveaux bateaux de pêche, permettant une utilisation ou une exploitation plus intensive des terres agricoles, des forêts, de l’eau, des pêches ou d’autres ressources;

L’arrivée ou l’afflux de gens de l’extérieur ou de nouveaux groupes, notamment de membres de communautés voisines, de pasteurs nomades, d’agriculteurs migrants, de travailleurs sans emploi ou de réfugiés, venus pour utiliser les ressources locales.

Changements dans les marchés locaux, les stratégies de subsistance ou les institutions Brusques hausses des prix de denrées essentielles, comme les céréales de base, annonciatrices de l’apparition (ou du risque d’apparition) de pénuries alimentaires généralisées ou prolongées;

Poursuite de stratégies «de crise», avec augmentation des ventes de bois, recherches d’«aliments de famine» sauvages, moins prisés, accroissement de la mendicité et migration vers d’autres zones, à la recherche de secours;

Ventes en catastrophe d’actifs, tels que biens de consommation, bétail et terres; Écarts croissants entre les riches et les pauvres d’une même communauté, mis en évidence par des faits nouveaux comme la propriété de biens de production ou de consommation, la modification des stratégies de subsistance ou de la structure de l’emploi;

Rapports signalant que des institutions de gestion des ressources naturelles ou d’autres organismes clés locaux sont affectés par divers problèmes (divisions politiques, défaillances au niveau de la direction, corruption, etc.).

Relations communautaires Communications perturbées

Comportements froids, très formels; Faible propension au contact et à la communication; Diffusion de commérages, de rumeurs, d’intrigues et d’accusations, en particulier concernant des tiers;

Insultes et menaces implicites ou explicites de recourir à la force physique contre d’autres parties.


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Encadré 2.2 • (fin)

Problèmes relationnels

Durcissement, entêtement, refus d’élargir son point de vue; Échec à protéger la propriété; Refus de consentir l’accès aux ressources à d’autres parties; Désaccords ouverts, vives récriminations. Fuite

Détachement des autres; Manque d’intérêt, apathie; Manœuvres de fuite, stratégies d’évitement.

Il peut être très utile d’évaluer le risque de conflit pour surmonter les obstacles qui entravent la gestion conjointe des ressources naturelles. Néanmoins il faut souligner que les tendances et les symptômes cités dans l’encadré 2.2 indiquent seulement que des tensions et des conflits peuvent survenir. Il peut être difficile de déterminer quels sont les événements ou les processus déclencheurs qui pourraient transformer ces situations en conflits ouverts. Le fait d’intervenir dans un conflit peut avoir des effets inattendus, notamment sur son évolution de stade en stade, en le poussant vers:

Une intensification, ce qui veut dire qu’un conflit caché deviendra plus visible et ouvert. Il peut être important de mettre au jour des facteurs cachés pour amener les parties à s’orienter vers la recherche d’une solution constructive.

Une escalade, ce qui veut dire en revanche que la tension, les menaces et/ou la violence montent. Un conflit peut devenir violent dans les cas suivants:

désaccord et impossibilité de dialogue; des voix dissidentes et des griefs profondément ressentis ne sont pas entendus; l’instabilité, l’injustice et la crainte règnent dans la communauté ou la société au sens plus large; les populations croient (de façon peu raisonnable) que la violence peut servir leurs intérêts. N O T E D U F O R M A T E U R : Rappelez-vous qu’un conflit peut être latent et cherchez le conflit «invisible». Il est préférable d’anticiper un conflit et d’intervenir à un stade précoce car une intervention plus tardive serait plus coûteuse et prendrait plus de temps. Plus tard pourrait être «trop tard». Rappelez-vous aussi que «ne rien faire» et se contenter de «surveiller la situation» peut être une option avisée, car il arrive qu’une intervention aggrave un conflit.


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2.2. LES DIFFÉRENTES OPTIONS DE GESTION DES CONFLITS Les communautés locales, les utilisateurs des ressources, les directeurs de projets et les fonctionnaires ont le choix entre un certain nombre de procédures pour gérer les conflits, et ils doivent étudier attentivement les pour et les contre de chaque option pour retenir la plus avantageuse pour eux. Aucune approche de gestion des conflits liés aux ressources naturelles n’est efficace dans tous les cas, chacune ayant ses points forts et ses limites. L’approche la plus appropriée et la plus légitime pour traiter le conflit dépend de la situation. La discussion qui suit sur les différentes options a pour objet d’aider les individus à prendre des décisions en connaissance de cause. Les diverses options se différencient par divers aspects (Moore, 2003):

la reconnaissance légale du processus et de son résultat; le caractère privé (ou non) de l’approche; les compétences spéciales exigées de la tierce partie qui facilite (éventuellement) la gestion du conflit; le rôle et le pouvoir des éventuelles tierces parties qui interviennent; le type de décision prise à l’issue du processus; le degré de coercition exercé par ou sur les parties directement concernées. La Figure 2.2. illustre la progressivité des approches de gestion des conflits, qui vont de l’évitement du conflit à un extrême, jusqu’à la violence physique à l’autre extrême, avec entre les deux de multiples approches et options différentes. En allant de gauche à droite sur la figure, les approches se caractérisent par des processus de prise de décision de plus en plus directifs et coercitifs. Plus on avance vers la droite du graphique, moins les parties au conflit ont d’influence sur le processus et son résultat.

FIGURE 2.2

PROGRESSIVITÉ DES APPROCHES DE GESTION DES CONFLITS

Décision informelle prise par les parties au conflit

Décision informelle prise par une tierce partie

Décision Décision extrajudiciaire, judiciaire basée sur la coercition faisant autorité, prise par une tierce partie

Évitement du conflit

Arbitrage

Règlement judiciaire

Négociation

Source: Moore, 2003

Médiation

Coercition accrue et probabilité d’un résultat avec un gagnant et un perdant

Action directive non violente

Violence


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Des personnes qui sont en désaccord les unes avec les autres peuvent commencer par s’éviter, pour diverses raisons: elles préfèrent éviter une situation désagréable qui accompagnerait un conflit, elles considèrent que l’enjeu n’en vaut pas la peine, ou elles ne croient pas que la situation peut s’améliorer. L’évitement peut aussi être une stratégie: on préfère attendre le bon moment pour agir, de manière plus directe et avec plus de force. Lorsque l’évitement n’est plus possible ou lorsque le conflit s’intensifie, les parties peuvent recourir à d’autres approches de résolution des problèmes. La procédure la plus commune pour parvenir à un accord mutuellement acceptable est la prise de décision informelle, qui passe généralement par une négociation et/ou une médiation:

La négociation est une relation dans laquelle les parties opposées dans un conflit discutent entre elles pour trouver une entente. Les négociations sont volontaires et exigent que toutes les parties acceptent de prendre en considération les intérêts et les besoins des autres. Si les négociations ont du mal à démarrer ou sont dans une impasse, les parties peuvent avoir besoin de l’assistance d’un tiers.

La médiation est le processus par lequel une tierce partie acceptée par tous, mais sans pouvoir décisionnel (le médiateur n’a pas l’autorité nécessaire pour imposer une solution) aide les principales parties en cause à résoudre leur différend en favorisant la conciliation et en facilitant les négociations. Comme la négociation, la médiation laisse le pouvoir de décision entre les mains des parties opposées dans le conflit. Celles-ci s’engagent volontairement dans un accord et le mettent en œuvre elles-mêmes. Certains préconisent une approche dans laquelle la tierce partie aura une position beaucoup plus ferme. Les parties au conflit auront alors moins d’influence sur le processus et sur son issue. L’arbitrage est un processus par lequel les parties soumettent les problèmes en jeu à une tierce partie acceptée par tous, qui prend la décision à leur place. Il s’agit d’une procédure privée informelle, à la différence du règlement judiciaire, dans lequel la décision rendue devient publique. Dans le règlement judiciaire, les parties en cause font généralement appel à des avocats pour les défendre et les causes sont plaidées devant des juges et d’autres fonctionnaires d’administrations provinciales ou de ministères techniques habilités à juger les litiges relatifs à la terre. Ces représentants du droit public prennent en considération les préoccupations, les intérêts et les arguments des parties opposées dans le conflit et prennent une décision sur la base des règles et des valeurs d’une société, en conformité avec la loi. L’inconvénient de cette démarche est que la décision part du principe qu’une partie a raison et l’autre tort et que l’on obtient au bout du compte un gagnant et un perdant. L’avantage est que la sentence est contraignante et exécutoire car le juge est habilité par la société à rendre la décision. La gestion d’un conflit sort du cadre de la loi (ou devient extrajudiciaire) lorsqu’elle ne repose pas sur des processus socialement exigés ou acceptables. Les approches extrajudiciaires impliquent des processus de coercition consistant à convaincre ou à forcer les «opposants» à respecter une décision ou à se soumettre.


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Il y a action directive non violente lorsqu’une partie au conflit force une ou d’autres parties à faire des concessions en refusant de coopérer ou en commettant des actions indésirables. Cette démarche est possible lorsque les parties opposées dans un conflit sont tributaires les unes des autres pour leur bien-être et leurs moyens d’existence. Recourir à la violence (ou à la contrainte physique), c’est menacer ou user de la force pour imposer sa volonté aux autres parties et exercer une coercition, c’est contraindre une partie à accepter un résultat imposé par une autre partie. ENCADRÉ 2.3

RÉSUMÉ DES RÉACTIONS À UN CONFLIT Évitement: Action consistant à empêcher qu’un conflit ne devienne «public». Négociation: Processus volontaire dans lequel les parties à un conflit parviennent à un accord par consensus, le consensus étant une décision que toutes les parties peuvent soutenir. Médiation: Action consistant à faire appel à une tierce partie pour faciliter le processus de négociation (un médiateur ne peut pas imposer une solution). Arbitrage: Action consistant à porter le conflit devant une tierce partie acceptée par toutes les parties, qui rend une décision (souvent non contraignante). Règlement judiciaire (ou jugement): Action consistant à porter le conflit devant le juge ou une autorité administrative qui prend une décision qui s’impose à toutes les parties. Coercition: Action consistant à proférer des menaces ou à recourir à la force pour imposer sa volonté.


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Dans le domaine de la gestion des conflits, l’exécution des résultats (ou des décisions) et le caractère contraignant des règlements des conflits sont des questions cruciales, qui posent problème dans tous les régimes juridiques. Lorsque les parties parviennent à s’entendre de manière informelle, l’exécution de l’accord dépend de la bonne volonté des parties. Elles peuvent l’appliquer s’il offre des avantages, mais l’ignorer s’il ne leur apporte rien. Elles peuvent tenter de résoudre le même problème par une autre approche. Dans le cadre de l’arbitrage et du règlement judiciaire, la tierce partie ou le système judiciaire doivent être habilités et avoir un pouvoir de sanction. Toutefois, une victoire devant les tribunaux ne garantit pas que le jugement sera appliqué. Il n’est pas rare que les décisions d’un règlement judiciaire réussi ne soient pas respectées car les responsables ne parviennent pas à les faire appliquer. En plus de l’approche de gestion des conflits, il importe aussi de bien comprendre le système social dans lequel se déroule le processus de gestion du conflit. Il existe trois principaux systèmes de gestion des conflits qui font appel à une tierce partie:

les systèmes coutumiers de gestion des conflits; les systèmes juridiques nationaux; les modes alternatifs de gestion des conflits (MAGC), de style coopératif. Ces systèmes sociaux diffèrent par leur approche et par les capacités de mise en exécution dont disposent les tierces parties pour amener les parties à se conformer au règlement. Chacun des trois systèmes a des avantages et des limites qui lui sont propres, aussi est-il nécessaire d’examiner attentivement ce que chacun de ces systèmes peut offrir.

2.2.1 Systèmes coutumiers de gestion des conflits Un grand nombre de stratégies et de techniques coutumières de gestion et de résolution des conflits liés aux ressources naturelles ont été mises au point par les communautés au fil des ans. Ces techniques présentent de nombreuses similitudes malgré la diversité des contextes culturels: la négociation, la médiation et l’arbitrage sont des pratiques communes, ainsi que certaines mesures coercitives telles que la pression du groupe, les commérages, l’ostracisme, les sanctions surnaturelles et la violence. Le succès de ces stratégies coutumières dépend souvent des capacités des autorités traditionnelles à faire appliquer les décisions. Lorsque l’autorité des groupes de l’élite traditionnelle s’affaiblit, leur capacité de rendre une décision ou de la mettre en exécution peut aussi diminuer. L’institutionnalisation des pratiques coutumières dans des cadres juridiques nationaux plus généraux pourrait être un bon point de départ pour renforcer les capacités qu’ont les autorités traditionnelles de résoudre les problèmes liés à la gestion moderne des ressources naturelles.


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TABLEAU 2.1

POINTS FORTS ET LIMITES DES SYSTÈMES COUTUMIERS DE GESTION DES CONFLITS Points forts

Limites

Encouragent la participation des membres de la communauté et respectent les valeurs et les coutumes locales.

Ont été supplantés par les tribunaux et les lois administratives.

Sont plus accessibles en raison de leur faible coût, de leur souplesse de programmation et de procédure, et de l’utilisation de la langue locale. Encouragent la prise de décisions participative, en dégageant un consensus au terme d’une série de discussions favorisant souvent la réconciliation au niveau local. Contribuent aux processus de dévolution de pouvoirs aux communautés. Des chefs officiels ou non officiels peuvent remplir les fonctions de conciliateurs, de médiateurs, de négociateurs ou d’arbitres. Ces systèmes sont reconnus depuis longtemps comme légitimes par les communautés locales, qui se sentent ainsi maîtresses du processus et de ses résultats.

Sont souvent inaccessibles en raison de facteurs liés au sexe, à la classe sociale, à la caste et à d’autres considérations. Sont mis en question par l’hétérogénéité croissante des communautés due aux changements culturels, aux mouvements de population et à d’autres facteurs qui détériorent les relations sociales qui constituent les fondements de la gestion coutumière des conflits. Peuvent être entravés depuis longtemps par des problèmes d’accès liés au sexe, à la classe sociale, à la caste ou à d’autres considérations. Sont souvent incapables de régler les conflits entre les communautés ou entre une communauté et l’État. Les chefs locaux peuvent se servir de leur pouvoir à leurs propres fins ou dans l’intérêt de clients ou de groupes sociaux qui dépendent d’eux. Il n’existe pas de trace écrite des décisions et des processus qui puisse servir de référence pour le futur.

2.2.2 Systèmes juridiques nationaux Les systèmes juridiques nationaux qui régissent la gestion des ressources naturelles sont fondés sur la législation et sur des déclarations de politique générale et administrés par des institutions règlementaires et judiciaires. Le règlement judiciaire et l’arbitrage sont les principales stratégies de résolution des conflits et les décisions sont prises par des juges et par des responsables investis de l’autorité nécessaire pour imposer un règlement à toutes les parties opposées dans le différend. Les décisions sont le plus souvent fondées sur des règles juridiques nationales appliquées de manière uniforme ou rigide, qui tendent à produire des résultats avec un perdant et un gagnant. Ainsi les parties opposées dans le litige ont généralement très peu d’influence sur le processus et les résultats de la gestion du conflit. En outre, pour peu qu’elles aient de l’influence, elles la doivent généralement à des manœuvres de corruption qui nuisent à la crédibilité du système. Toutefois, quelques systèmes nationaux s’inspirent de systèmes juridiques qui tiennent leur origine de la


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coutume, de la religion, du groupe ethnique ou d’autres considérations locales. Bien que le règlement judiciaire rende des décisions exécutoires, celles-ci ne sont appliquées que si les autorités légales sont en mesure de les faire respecter. Or leurs moyens sont parfois limités. En outre les systèmes juridiques nationaux de nombreux pays sont peu transparents et difficilement accessibles, en particulier aux pauvres et aux groupes socialement marginalisés. Le recours légal est cependant l’un des principaux moyens d’obtenir une décision qui engage l’État. TABLEAU 2.2

POINTS FORTS ET LIMITES DES SYSTÈMES JURIDIQUES NATIONAUX Points forts

Limites

Le recours aux systèmes juridiques officiels renforce la règle de l’état de droit, responsabilise la société civile et favorise la responsabilité en matière d’environnement.

Sont souvent inaccessibles aux pauvres, aux femmes, aux groupes marginalisés et aux communautés éloignées pour des raisons de coût, de distance, de barrières linguistiques, d’obstacles politiques, d’analphabétisme et de discrimination.

Sont officiellement établis avec des procédures en principe bien définies. Tiennent compte des préoccupations et des questions d’intérêt national et international. Font intervenir des experts judiciaires et techniques dans le processus de prises de décision. Lorsque le rapport de forces entre les parties en cause est très déséquilibré, ces systèmes peuvent mieux protéger les droits des plus faibles, du fait que les décisions sont juridiquement contraignantes. Les décisions sont impartiales et basées sur le fond, toutes les parties étant égales devant la loi.

Peuvent négliger les connaissances autochtones, les institutions locales et les besoins des communautés à long terme lors de la prise de décisions. Peuvent faire intervenir des experts judiciaires et techniques qui n’ont pas les connaissances, les compétences et les orientations requises pour une gestion participative des ressources naturelles. Utilisent des procédures généralement basées sur le système du débat contradictoire qui produisent des résultats où il y a un gagnant et un perdant. Fournissent seulement une participation limitée dans la prise de décision des parties en conflit. Il est parfois difficile d’arriver à des décisions impartiales si les juges ne sont pas indépendants, si les fonctionnaires sont corrompus ou si la procédure judiciaire est dominée par un groupe d’élite. Utilise le jargon très spécialisé de groupes d’élite instruits, de sorte que ceux qui appartiennent au monde des affaires ou au gouvernement sont avantagés par rapport aux gens ordinaires et aux communautés.


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2.2.3 Modes alternatifs de gestion des conflits À côté des systèmes coutumiers et juridiques, il existe aussi d’autres méthodes, dites Modes alternatifs de gestion des conflits (MAGC). La gestion participative des conflits encourage la prise de décisions conjointe et tente d’amener les parties opposées dans un conflit à conclure un accord volontaire, avantageux pour tous. Ces systèmes sont nés en partie en réaction aux styles de gestion des conflits basés sur le pouvoir ou sur un règlement judiciaire, qui produisent l’un et l’autre des gagnants et des perdants. Comme la gestion participative des conflits repose sur des accords volontaires, ceux-ci ne sont appliqués que si les parties le veulent bien. Des tierces parties peuvent faciliter le processus, mais elles ne peuvent rien imposer aux parties. La gestion participative des conflits est surtout efficace lorsque le rapport des forces entre les parties en cause est à peu près équilibré. TABLEAU 2.3

POINTS FORTS ET LIMITES DES MODES ALTERNATIFS DE GESTION DES CONFLITS Points forts

Limites

Peuvent aider à surmonter les obstacles inhérents aux systèmes administratifs, judiciaires ou même coutumiers, qui entravent la gestion participative des conflits.

Ne parviennent généralement pas à corriger les inégalités structurelles et peuvent perpétuer ou exacerber les déséquilibres du pouvoir.

Favorisent la gestion des conflits en se basant sur les intérêts communs et en recherchant des points de convergence.

Peuvent avoir du mal à réunir toutes les parties prenantes autour de la table des négociations.

Impliquent des procédés qui ressemblent à ceux qui sont déjà utilisés par la majorité des systèmes de gestion des conflits locaux, notamment un accès aisé pour un coût limité.

Peuvent ne pas réussir à corriger les disparités de pouvoir entre les différentes parties prenantes, ce qui perpétue la marginalisation des groupes vulnérables tels que les pauvres, les femmes et les populations autochtones.

Encouragent à prendre en charge la mise en œuvre du processus de résolution.

Peuvent déboucher sur des décisions non juridiquement contraignantes.

Mettent l’accent sur le renforcement des capacités des communautés locales en matière de facilitation, de communication, de planification et de gestion des conflits.

Peuvent inciter certains spécialistes à emprunter des méthodes à d’autres contextes et à d’autres cultures sans les adapter à la situation locale.


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2.3 LES MODES ALTERNATIFS DE GESTION DES CONFLITS (MAGC): LES TECHNIQUES DE NÉGOCIATION ET DE MÉDIATION Les MAGC ont pour but de mettre les parties mieux à même de discuter entre elles et à avancer dans les négociations pour parvenir à une entente. Il existe des styles de négociations très différents: négociations dures et négociations douces, négociations fondées sur les positions et négociations consensuelles. Dans ce guide, qui est centré sur les approches de type coopératif, nous préconisons les négociations consensuelles, ou fondées sur les principes1.

2.3.1 Négociations consensuelles Le principe de base des négociations consensuelles est que les parties prenantes identifient ellesmêmes leurs besoins et leurs intérêts, ce qui leur permet de s’entendre pour trouver des solutions avantageuses pour tous. Cette approche repose sur un degré de collaboration élevé et sur le postulat que les parties ont la bonne volonté nécessaire pour communiquer tout au long du processus. Cette bonne volonté est souvent obtenue grâce à la conciliation. Les négociations consensuelles sont particulièrement importantes quand il s’agit de renforcer des relations de travail durables. Elles aboutissent en outre à des règlements qui peuvent être plus satisfaisants et plus facilement applicables, du fait que les parties opposées dans le conflit élaborent elles-mêmes leurs solutions. Parmi les autres styles de négociations, on peut citer les «négociations dures» et les «négociations douces». Les négociations dures reposent souvent sur le recours à des stratégies plus coercitives pour amener chaque partie à faire des concessions et à conclure un accord. Ce style est en particulier applicable lorsqu’une des parties opposées dans un conflit a pris une position extrême et inflexible. Les négociations dures tendent à être compétitives et basées sur la confrontation, et les résultats se fondent sur le compromis (du type donnant-donnant: «J’abandonne quelque chose et tu abandonnes quelque chose») plutôt que sur des accords satisfaisants pour tous. Les négociations douces peuvent aller à l’autre extrême, les parties tenant plus à préserver de bonnes relations qu’à poursuivre leurs propres intérêts. Ceci peut les amener à faire trop facilement des concessions, engendrant par la suite ressentiment ou frustration. Les questions délicates susceptibles de provoquer des désaccords sont souvent évitées. Les parties prenantes plus fortes peuvent recourir à des négociations douces pour accroître, plutôt que pour modérer, leurs revendications. Les résultats tendent à être fondés sur l’acceptation de pertes unilatérales («Je te concède ce que tu veux – c’est plus important (ou moins nuisible) pour moi, que de poursuivre cette querelle»). La négociation consensuelle offre une alternative aux règlements du type « gagnant-perdant» auxquels aboutissent généralement le règlement judiciaire et l’arbitrage, qui se fondent sur la confrontation et n’ont rien de consensuel. En outre, du fait qu’ils sont flexibles et peu coûteux, les

1. Appelées indifféremment “négociations fondées sur les intérêts” ou “négociations fondées sur les principes”.


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MAGC sont plus facilement accessibles aux pauvres, aux femmes, aux groupes marginalisés et aux communautés reculées que les systèmes juridiques nationaux. La création d’un consensus est censée permettre d’arriver à des accords et à des résultats qui puissent être acceptés par toutes les parties, avec un minimum de compromis et de concessions. Le but est de parvenir au meilleur accord possible pour résoudre les problèmes qui sont à l’origine du conflit. Le meilleur résultat est avantageux pour tous («solution gagnant-gagnant»). Il n’est pas toujours possible de parvenir à un tel résultat gagnant sur toute la ligne (Section 2.3.3), mais il existe toute une gamme de résultats positifs auxquels peuvent aboutir des négociations. Comme les conflits ont une lourde charge d’émotions et reposent beaucoup plus sur des perceptions que sur des faits, la création d’un consensus a pour but de transformer ces perceptions en amenant les parties opposées dans le conflit (Warner, 2001) à:

laisser de côté leurs revendications immédiates pour centrer leur attention sur les intérêts et les besoins sous-jacents qui motivent réellement leur comportement;

renoncer à la recherche d’une solution unique, pour envisager la gamme d’options la plus large et la plus créative possible pour satisfaire les besoins profonds;

laisser de côté des revendications personnelles et souvent excessives, pour s’attacher à identifier de façon claire et précise les besoins profonds et la gamme d’options proposées;

renoncer aux attitudes antagonistes, pour tenter de concilier les intérêts de chacun. Les négociations consensuelles ne sont donc pas fondées sur les positions, mais sur les intérêts et les besoins. Les positions impliquent des revendications concrètes et explicites (les personnes disent ce qu’elles veulent), alors que les intérêts (c’est-à-dire ce que les personnes veulent vraiment) sont généralement plus difficiles à cerner. Les intérêts sont davantage axés sur le long terme et reflètent les attentes plus générales d’un individu ou d’un groupe, qui sont par exemple de vivre en paix, d’avoir un accès garanti aux ressources nécessaires à la subsistance ou d’obtenir la reconnaissance de leur identité. Les intérêts peuvent être centrés sur des faits (distribution des ressources) et sur les relations avec les personnes (confiance). Les négociations fondées sur les positions peuvent empêcher la création d’un consensus. Dans une situation de conflit, les parties tendent à s’enfermer dans leurs positions qu’elles doivent défendre et faire valoir. Les parties prenantes exacerbent souvent leurs différences en adoptant des positions parfois contraires à leurs intérêts. Elles pensent parfois qu’en prenant une position ferme, elles minimiseront les concessions à la partie adverse. Une fois qu’elles se sont identifiées à leurs positions, elles ne sont plus capables d’évaluer de manière rationnelle les arguments et les propositions de la partie adverse. Si elles concèdent quelque chose, elles peuvent avoir l’impression de perdre la face. Les négociations deviennent un affrontement de volontés dans lequel chacun tente de gagner. Dans ces processus de négociation fondés sur les positions, les parties se considèrent comme des adversaires: le but est la victoire.


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Le style de négociation fondé sur les positions est généralement utilisé lorsque les parties estiment que les ressources contestées sont limitées et que le litige ne peut être résolu que par une répartition, qui se traduira nécessairement par des gains pour une partie et des pertes pour l’autre. Ce style de négociation peut aussi être adopté lorsqu’une partie est plus attachée à la poursuite de ses propres objectifs qu’au maintien de bonnes relations avec les autres parties. La méthode consistant à concilier des intérêts plutôt que des positions fonctionne pour deux raisons. Premièrement, un intérêt peut être satisfait par plusieurs positions, entre lesquelles on peut choisir. Or, trop souvent, les personnes se contentent d’adopter la plus évidente. Deuxièmement, des positions antagonistes masquent plus d’intérêts communs et compatibles que d’intérêts conflictuels (Fisher, Ury et Patton, 1991: 43), de sorte qu’il est plus facile de trouver un terrain d’entente sur les intérêts, en particulier sur l’intérêt à long terme de toutes les parties impliquées dans le conflit, à parvenir à une relation basée sur la coopération, qui s’avèrera bénéfique pour tous. L’encadré 2.4 résume les quatre principes fondamentaux des négociations consensuelles. ENCADRÉ 2.4

LES QUATRE PRINCIPES FONDAMENTAUX DES NÉGOCIATIONS CONSENSUELLES Faire la distinction entre les personnes et les problèmes: Dans tout conflit social il existe une dimension factuelle et une dimension relationnelle. Un conflit ne peut être géré de manière constructive que dans la mesure où la dimension relationnelle est prise au sérieux et où il est possible d’exprimer des sentiments, des craintes, des souhaits, etc. Mais cet aspect ne doit pas être confondu avec la gestion des problèmes factuels. Il est plus facile de trouver une solution positive à des problèmes factuels si on les distingue des problèmes des personnes. Dans l’idéal, les personnes coopèrent pour s’attaquer aux problèmes et non pas pour s’attaquer mutuellement. Se concentrer sur les intérêts plutôt que sur les positions: Les participants aux négociations ont des perceptions, des points de vue, des émotions, et des goûts différents. Le fait de prendre des positions ne fait qu’aggraver les problèmes car les personnes tendent à s’identifier à leurs positions. Les négociations ont pour objet de satisfaire des intérêts et des besoins. Concevoir des options bénéfiques pour toutes les parties en cause: Les partenaires des négociations devraient prendre le temps d’élaborer une large gamme d’options avant d’essayer de parvenir à une entente. Insister sur l’utilisation de quelques critères objectifs pour évaluer les options: L’accord devrait refléter des règles équitables et communes à toutes les parties.


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Dans certaines situations de conflit, la réussite des négociations consensuelles est subordonnée à l’intervention d’une tierce partie (médiateur). Ici, intervenir signifie entrer dans un système de relations existant, pour s’interposer entre des personnes, des groupes ou des entités en vue de les aider (Moore, 2003). Si l’on sollicite l’intervention d’une tierce partie, c’est parce que l’on part du principe qu’un médiateur pourra dans une certaine mesure:

aider les parties à analyser leurs intérêts et leurs besoins; les aider à négocier un échange de vues; les aider à redéfinir leur relation d’une manière satisfaisante pour tous. Étant donné que l’approche consensuelle repose sur des accords volontaires, l’application de ces accords dépend uniquement du bon vouloir des parties. Un médiateur n’a pas le pouvoir d’imposer une solution aux parties ou de prendre des décisions à leur place. On peut dire qu’il a accompli sa mission s’il a réussi à amener les parties à ne plus voir les conflits comme des interactions dans lesquelles une partie gagne et l’autre perd. La grosse difficulté pour le médiateur est d’amener toutes les parties prenantes à reconnaître qu’un conflit est un exercice commun de résolution des problèmes, dont elles peuvent toutes tirer profit. En fonction du type de négociation et des valeurs sociales et culturelles, la personne qui facilitera les négociations consensuelles peut être:

Un médiateur interne: La plupart des communautés ont des agents qui font office de médiateurs pour aider à résoudre les conflits locaux. Ces médiateurs jouissent de la confiance et du respect des individus et des groupes, en raison de leur statut social, de leur expérience et de leurs connaissances spécifiques. Ils peuvent faire partie du réseau social immédiat (un chef de village ou un «ancien») ou être indépendants, ce qui est le cas des chefs religieux et politiques auxquels on fait traditionnellement appel pour faciliter une médiation entre deux communautés.

Un médiateur externe: Il s’agit généralement d’une personne qui a reçu une formation pour fournir une assistance impartiale aux parties opposées dans un conflit, en vue de les amener à élaborer des stratégies de négociation. Un médiateur doit avoir une expérience et des qualifications dans le domaine de la gestion des conflits, et de bonnes capacités de communication. Le meilleur choix, entre un médiateur interne et externe, dépend de plusieurs facteurs, notamment du médiateur en tant que personne et de sa crédibilité, de l’intensité du conflit, et de la diversité et du nombre des parties prenantes. Une facilitation externe peut être inévitable lorsqu’un conflit met en cause des parties venant d’horizons très divers (par exemple des villageois, des migrants, des institutions gouvernementales, des entreprises nationales et multinationales, des politiciens, des institutions de développement international et des ONG) mais, dans les communautés rurales, il n’est pas forcément souhaitable ni possible de trouver un médiateur externe réellement neutre. Les activités communautaires de foresterie ou de pêche sont souvent effectuées dans des lieux éloignés où il est difficile sinon impossible de trouver un agent externe qualifié. En outre, et c’est le plus important, les populations locales voient souvent les gens de l’extérieur d’un mauvais œil et ont du mal à croire qu’ils remplissent cette fonction parce que c’est leur métier, et sans nourrir d’arrière pensées.


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2.3.2 Renforcement des capacités des parties prenantes locales Presque partout dans le monde, des mécanismes formels ou informels sont déjà en place pour gérer les conflits. La plupart des communautés ont des institutions et des structures qui aident à résoudre les conflits locaux, notamment par l’intermédiaire de personnes qui remplissent traditionnellement le rôle de médiateurs (chefs religieux ou politiques) ou d’arrangements adoptés au niveau local pour réglementer l’accès et le contrôle des ressources. Toutefois de nombreux différends demeurent irrésolus parce que les mécanismes en place pour les gérer sont inadéquats ou parce que les parties en cause n’ont pas les compétences nécessaires pour mener des négociations à bonne fin. Ceci est particulièrement vrai pour les conflits «multilatéraux» (qui font intervenir plusieurs parties) et pour les mécanismes peu accessibles aux groupes politiquement et socialement marginalisés et aux communautés reculées, pour des raisons de coût, de distance ou de barrières linguistiques. Un renforcement des capacités des parties prenantes locales s’impose donc dans la plupart des processus de gestion des conflits. Le principe de subsidiarité stipule que les conflits devraient toujours être gérés au niveau le plus bas possible ou le plus proche de celui où ils produisent le plus d’effets (c’est-à-dire au niveau local plutôt que régional ou national), ceci afin d’éviter des interférences externes non nécessaires, qui pourraient avoir des effets négatifs sur les structures et institutions existantes ou remplir leurs fonctions à leur place. Les médiateurs externes devraient s’abstenir d’intervenir dans les affaires des populations locales dans la mesure où il existe des structures et des institutions adéquates pour régler un conflit et où leur présence n’est pas nécessaire. Le temps passant, les interférences peuvent provoquer l’effondrement de structures et d’institutions importantes dans une société. Toute intervention devrait donc être spécifiquement ciblée, avoir une ampleur limitée et être temporaire; en outre elle devrait s’appuyer sur les capacités de gestion des conflits locales et les renforcer. Les mécanismes de gestion des conflits existants et leurs capacités doivent être évalués avant une intervention (Section 4.4). Cette évaluation servira à déterminer si le conflit en question serait mieux géré en renforçant les capacités des mécanismes existants ou en trouvant d’autres arrangements. Dans les deux cas, une facilitation externe cherchera à faire fond sur les compétences et l’expérience existantes en matière de conflit. Les mécanismes institutionnels souvent informels et peu «visibles» ne devraient pas être négligés.

Note: Le renforcement des mécanismes formels doit être achevé avant le démarrage des négociations consensuelles. N O T E D U F O R M A T E U R : Le renforcement des capacités est un élément clé de la gestion des conflits en général et des négociations consensuelles en particulier. Les négociations consensuelles impliquent un apprentissage partagé. Les efforts doivent être orientés vers les parties directement touchées par le conflit. En effet, comme le différend a une incidence sur leur vie présente et future, elles parviennent normalement à le résoudre de façon plus positive que des personnes externes. En outre, un accord atteint par les personnes directement intéressées est plus facilement respecté qu’un règlement décidé sans elles.


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ENCADRÉ 2.5

RENFORCEMENT DES CAPACITÉS ET RENFORCEMENT DU POUVOIR Le renforcement des capacités est le transfert de connaissances à des individus ou à des groupes pour leur permettre de mener à bien certaines activités. Il englobe des actions de sensibilisation, de formation et d’autres formes de mise en valeur des ressources humaines. Le renforcement est une condition nécessaire mais pas suffisante du renforcement des pouvoirs. Le renforcement du pouvoir se fait dans le contexte d’un système social et politique spécifique. Il consiste à renforcer le pouvoir et l’aptitude relatifs des groupes défavorisés par rapport aux groupes plus puissants. Les stratégies de renforcement du pouvoir doivent répondre aux besoins des individus et des groupes auxquels elles s’adressent, et empêcher les groupes plus puissants de dominer et de déterminer les «règles du jeu». Le renforcement effectif du pouvoir des groupes vulnérables et défavorisés suppose d’agir sur deux fronts: renforcer les capacités des plus faibles et réformer les règles et les pratiques qui les oppriment. Source: Bigdon et Korf, 2004

Dans le domaine de la gestion des conflits, le renforcement des pouvoirs peut être considéré comme un processus progressif, qui se déroule en plusieurs stades: Stade 1: Une partie acquiert plus de pouvoirs en prenant conscience et en comprenant mieux les possibilités dont elle dispose pour arriver à accord négocié. Stade 2: Une partie est pleinement reconnue par les autres parties concernées par la négociation ou la médiation. Stade 3: Une partie apprend à utiliser les connaissances et les techniques nouvellement acquises en matière de médiation et de négociation. Stade 4: Les droits d’une partie sont pleinement reconnus et reflétés dans les structures et les processus sociaux et politiques. On trouvera dans ce guide les connaissances théoriques et les outils d’application pratique des techniques MAGC qui permettent de renforcer les pouvoirs des parties prenantes marginalisées jusqu’au stade 2. Pour passer le stade 3, les communautés et les parties prenantes locales doivent recevoir une formation alors que le stade 4 passe par des réformes fondamentales des structures sociales, juridiques et politiques (réforme agraire, dévolution de pouvoirs, amélioration de la gouvernance, et responsabilisation des institutions et des décideurs). Les concepts et les outils des MAGC ne sont pas suffisants pour opérer les renforcements des pouvoirs prévus aux stades 3 et 4. Ces stades peuvent être traités dans un processus plus général de gestion participative des ressources naturelles, impliquant une approche transformationnelle de la gestion des conflits, ainsi que des stratégies de renforcement des pouvoirs et de développement des communautés, avec d’autres outils, instruments et concepts généraux complémentaires.


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2.3.3 Les limites des négociations consensuelles Il est important de sélectionner une stratégie adaptée à la résolution du conflit dont on s’occupe. Il n’y a pas d’approche unique efficace dans tous les cas. Les circonstances d’un conflit et, par voie de conséquence, les obstacles à une entente, varient d’un cas à l’autre. Un conflit peut faire intervenir un grand ou un petit nombre de parties avec des pouvoirs différents. Le problème peut être plus ou moins urgent et les parties prenantes plus ou moins impliquées sur le plan émotionnel. L’intérêt public n’est pas toujours en jeu et les problèmes inhérents au conflit peuvent être bien compris ou ne l’être qu’en partie. Les possibilités de réussite d’une négociation consensuelle sont limitées par divers facteurs:

le caractère non négociable de certains conflits environnementaux, lorsque certaines parties prenantes refusent de s’engager dans des négociations (voir Lewicki, Gray et Elliott, 2003);

les grandes disparités de pouvoir entre les parties prenantes, qui réduisent les chances qu’ont les groupes les plus faibles de parvenir à un règlement adapté à leurs intérêts et à leurs besoins;

les problèmes structurels profondément enracinés et de longue date, qui ne peuvent être résolus comme il convient qu’avec des réformes législatives, économiques, politiques ou sociales.

Le caractère non négociable de certains conflits: Certains conflits ne peuvent pas être résolus de manière satisfaisante pour tous. Les ressources peuvent être disponibles en quantité limitée, ce qui signifie que si une partie en utilise plus, l’autre en aura moins. Par exemple, la même eau ne peut pas à la fois être conservée dans un fleuve pour préserver son débit, prélevée à des fins domestiques et emmagasinée dans un réservoir (Burgess et Burgess, 1994). Il peut être plus difficile de résoudre un conflit si les parties en cause ont besoin, pour pouvoir assurer leur subsistance, de pouvoir accéder à plus de ressources, par exemple parce que la population augmente. Cependant, même si la solution trouvée signifie que certaines parties disposeront de moins de ressources, ces mêmes parties bénéficieront du rétablissement de bonnes relations, indispensables à leur développement économique.

Grandes disparités de pouvoir: Un processus consensuel n’est en principe possible que si les disparités de pouvoir entre les différentes parties ne sont pas trop prononcées et peuvent être réduites par une tierce partie dans le cadre du processus de négociation. Toutefois, dans certains conflits liés aux ressources naturelles, impliquant notamment des parties prenantes externes, les rapports de force peuvent être très inégaux, par exemple lorsqu’une communauté locale négocie avec une société multinationale. Les techniques de négociation et de médiation ne servent pas à altérer les relations de pouvoir fondamentales dans une société, même si cela serait souhaitable (Burgess et Burgess, 1994), car les parties prenantes adhèrent volontairement au processus et à l’accord qui en découlera. L’application de l’accord est également volontaire. Les parties ne seront guère enclines à accepter volontairement une négociation ou une médiation si le règlement leur offre moins que ce qu’elles auraient pu obtenir en faisant valoir leurs intérêts devant les tribunaux ou devant d’autres instances officielles (pour un examen plus approfondi des différentes sources de pouvoir, voir la Section 5.5.2). L’autre limite des MAGC, quand il s’agit de traiter des conflits caractérisés par de grandes disparités de pouvoir, est que les acteurs les plus forts peuvent prendre des mesures unilatérales ou imposer une décision aux parties les plus faibles.


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Si l’une quelconque des parties estime qu’elle peut obtenir davantage autrement que par le règlement qui a été négocié, elle tentera de le faire. Dans certains cas, les MAGC peuvent aider à «convertir» les parties opposées dans le conflit, en les amenant, au cours du processus, à redéfinir leurs intérêts de façon plus favorable pour parvenir à une entente (Burgess et Burgess, 1994).

Problèmes structurels profondément enracinés ou de longue date: Lorsqu’un individu ou un groupe est privé de son droit fondamental à l’identité, à la sécurité, à la reconnaissance ou à une participation équitable au sein de la société, les solutions exigent souvent d’importantes réformes des structures sociales, économiques et/ou politiques. Il faut alors se demander dans quelle mesure les MAGC peuvent aboutir à une transformation des rapports de force inégaux et injustes et des structures sociales. La Figure 2.3 illustre le degré d’efficacité des approches consensuelles appliquées aux différents types de conflits.

FIGURE 2.3

EFFICACITÉ DES APPROCHES CONSENSUELLES SELON LE TYPE DE CONFLIT

MOINS EFFICACE

PLUS EFFICACE

CONFLITS D’IDENTITÉ INÉGALITÉS STRUCTURELLES CONFLITS DE VALEURS REVENDICATIONS OPPOSÉES

Source: Warner, 2001: p. 34

UTILISATION NON DURABLE DES RESSOURCES


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N O T E D U F O R M A T E U R : Les MAGC sont plus efficaces pour les «conflits d’intérêt». D’une manière générale, il est plus facile de transiger sur des intérêts que sur des besoins fondamentaux comme l’identité, la sécurité, la reconnaissance ou la participation équitable au sein de la société. En réalité, dans de nombreuses situations de conflit caractérisées par des rapports de force très déséquilibrés ou des inégalités structurelles, il peut être nécessaire d’utiliser d’autres instruments complémentaires pour susciter des changements dans les relations interpersonnelles, les politiques, la législation et/ou la société, car les MAGC ne permettent pas à eux seuls d’opérer ces changements.

2.4 LA MÉDIATION DANS LES CULTURES PRATIQUANT L’INTERVENTION DIRECTE ET NON DIRECTE2 La négociation et la médiation se retrouvent dans les processus de gestion des conflits de toutes les cultures, mais chaque culture a sa propre manière d’aborder les conflits et de les gérer. Dans ce guide, il peut être intéressant de faire une distinction entre les cultures qui interviennent directement et celles qui n’interviennent pas directement dans le règlement des conflits, que nous appellerons ici pour abréger «cultures directes» et «cultures non directes». Bien que le classement des cultures en «directes» et «non directes» n’ait qu’une valeur purement théorique, il peut permettre de dégager quelques idées essentielles sur ce que doit prendre en considération un tiers qui assure une médiation, dans ces deux contextes culturels différents.

Les membres des cultures directes apprécient les «face à face», acceptent le conflit comme une réalité de la vie, et ne sont généralement pas gênés par une confrontation directe avec ceux qu’ils contestent. Ils sont à l’aise dans le dialogue, les débats et les négociations directes.

Les membres des cultures non directes tentent d’éviter un conflit ouvert, font tout pour sauver la face (la leur et celle des autres) et font largement appel à des intermédiaires formels ou non formels. Les cultures directes et non directes ont des principes fondamentaux différents quant à la manière de gérer un conflit. Ainsi, les adeptes de l’intervention non directe mettent en question le principe de la séparation des relations humaines (niveau relationnel) et des problèmes (niveau factuel), suggéré par le concept de négociations consensuelles. Les adeptes de l’intervention directe partent du principe qu’un conflit est gérable et que les problèmes peuvent être résolus au niveau factuel, même si les relations humaines sont perturbées. Cette approche repose sur des systèmes de valeur qui font qu’il est raisonnable de respecter l’accord: «Du moment que le processus est loyal et que le résultat est avantageux pour moi, j’accepterai l’arbitrage au niveau factuel». Les

2. Par souci de simplification, ces cultures seront appelées “cultures directes” et “cultures non directes” dans ce guide.


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adeptes de l’intervention non directe ne privilégient pas le niveau factuel dans la négociation. Ce qui compte pour eux, ce sont les relations humaines. La résolution du conflit devra garantir le rétablissement des relations interpersonnelles et préserver la «bonne réputation», ou l’image, des parties prenantes. Est-il possible de maintenir la séparation entre le niveau factuel et le niveau relationnel, préconisée par les systèmes alternatifs? En réalité, les dissensions procèdent des relations. Les niveaux factuels et relationnels sont importants aussi bien pour les adeptes de l’intervention directe que pour les autres, mais on peut faire des suggestions différentes pour chacune de ces deux cultures. Pour celles qui privilégient l’action directe, il paraît à la fois souhaitable et raisonnable de séparer les niveaux factuel et relationnel, pour élaborer une solution au niveau factuel. Pour les cultures non directes, il est sans doute préférable d’identifier des intérêts communs au niveau relationnel plutôt que factuel. La séparation de ces deux niveaux peut aller à l’encontre du but recherché, car dans les cultures non directes, la possibilité de résoudre un conflit dépend principalement de l’interaction étroite entre les personnes et les problèmes. Il est probablement aussi important de rétablir des relations et de «sauver la face» que de résoudre les problèmes. En outre, en formulant ouvertement des griefs, on peut favoriser une escalade du conflit plutôt qu’une entente mutuelle, et des chefs reconnus par la société et dignes de confiance pourraient être mieux placés pour exposer et mettre en relief des valeurs communes.

N O T E D U F O R M A T E U R : On notera que les catégories «directes» et «non directes» n’ont qu’une valeur purement théorique et que de nombreuses sociétés tiennent à la fois de l’une et de l’autre. Au fur et à mesure que le temps passe et que le contexte social, politique et économique change, les perceptions et les pratiques concernant la manière de gérer un conflit peuvent aussi évoluer. En outre, il peut y avoir des différences considérables suivant le lieu (zones urbaines et rurales) et les sous-cultures d’une même société. La médiation et la négociation sont couramment pratiquées aussi bien dans les «cultures directes» que dans les «cultures non directes», mais le rôle de la tierce partie, la conception du processus de gestion des conflits et la prépondérance du niveau factuel ou relationnel changent. Dans certaines cultures non directes, lorsque l’honneur est en jeu, toute concession peut être vécue comme une blessure d’amour propre et donner l’impression d’avoir «perdu la face». Dans ces circonstances, les négociations «face à face» (ou directes) sont souvent extrêmement difficiles et le rôle du tiers consiste à séparer les parties et à élaborer un arrangement acceptable pour sauver l’honneur. Les tiers doivent être perçus comme neutres et qualifiés pour remplir ce rôle, de façon à ce que les parties opposées dans le conflit puissent les accepter comme des chefs dignes de confiance. Le Tableau 2.4 résume quelques-unes des considérations dont il doit être tenu compte lorsque l’on traite avec des cultures directes et non directes.


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TABLEAU 2.4

INTERVENTION DIRECTE ET NON DIRECTE DANS LA GESTION DES CONFLITS Intervention directe

Intervention non directe

1. La médiation est un processus formel géré par des spécialistes. Une structure formelle claire pour discuter les points «chauds» donne un sentiment de sécurité et de stabilité et canalise la discussion vers des objectifs et des buts constructifs. Le temps et l’espace (calendrier et contexte) sont clairement définis.

1. La médiation est un processus communautaire qui fait intervenir des chefs estimés. Les mécanismes normaux de diffusion des données et de gestion des conflits inspirent confiance (contextualisation). On adopte des démarches familières aux participants, le calendrier qu’ils préfèrent et des contextes d’interaction sociale familiers.

2. La confrontation et la communication directes sont souhaitables tant pour le médiateur que pour les participants. La déclaration d’ouverture du médiateur établit les «règles de parole» qui gouverneront la session; la médiation en cours contrôle et dirige le processus de communication.

2. Les processus indirects triangulaires de médiation sont préférables pour sauver la face, réduire le risque, équilibrer les rapports de force et égaliser les capacités d’expression orale ou d’argumentation. Ainsi la communication peut se faire à travers d’autres personnes; les revendications peuvent être transmises par des avocats et les accords peuvent être suggérés par de multiples parties prenantes.

3. Le temps est linéaire («une chose à la fois»), contrôlé dans des sessions distinctes, en suivant un programme rapide «d’auto-découverte» et de formulation des revendications et contrerevendications.

3. Le temps est relationnel (pas de séparation entre les relations multiples et les problèmes) (polychrones). Les tâches et les programmes sont secondaires par rapport aux relations, de sorte que l’«autodécouverte» suit des rituels sociaux, des programmes d’action personnels et des problèmes communs.

4. Le processus est structuré, pragmatique et axé sur un objectif en vue de parvenir à une entente sur les problèmes. L’autonomie et le caractère individualiste des choix, des objectifs et des satisfactions des parties en cause sont essentiels.

4. Le processus est dynamique, de type rationnel et orienté vers la résolution des tensions dans les réseaux sociaux et la communauté. La responsabilité des parties en cause vis-à-vis du contexte social plus large et la réconciliation des parties lésées sont essentielles.

5. Le médiateur est un expert technique qui a une relation professionnelle, anonyme et impersonnelle avec les parties en cause dans le conflit. Un contrat écrit est facilité et le médiateur est un agent externe qui ne fait pas partie de leur vie.

5. Les médiateurs sont des chefs communautaires reconnus ou des intermédiaires estimés provenant du contexte social. Ils sont personnellement intégrés dans les réseaux sociaux et restent en relation avec les parties au conflit, aussi bien durant l’accord qu’après.

Source: Adapté à partir de Augsburger, 1992


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Dans certains conflits, les adeptes de l’intervention directe et ceux qui privilégient l’intervention indirecte peuvent avoir du mal à travailler ensemble. Les «non directs» peuvent penser que les «directs» manquent de finesse et de subtilité et vont trop vite pour résoudre des problèmes qui devraient être étudiés longuement après que des relations de confiance aient été établies. Les «directs» peuvent penser que les «non directs» sont mystérieux ou ne négocient pas de bonne foi car ils ne disent pas clairement ce qui est important pour eux. Une tierce partie doit tenir compte de ces orientations différentes et laisser la porte ouverte aux deux styles de négociations (Section 3.1.2).

RÉSUMÉ DE LA SECTION La Section 2 a présenté différentes stratégies et approches de gestion des conflits. Il n’existe pas de stratégie ou d’approche parfaite pour gérer les conflits dans le contexte de la gestion participative des ressources naturelles. Toutefois, Les MAGC ont été préconisés dans ce contexte, car ils encouragent la recherche d’un consensus entre de multiples parties prenantes, et peuvent conduire à des résultats acceptables pour tous et par conséquent plus durables. La Section 3 approfondit l’étude du concept et dresse une carte en dix étapes du processus de gestion des conflits.

Un conflit peut être résolu de manière constructive et positive, s’il est géré comme il convient. Lorsque les utilisateurs locaux gèrent ensemble leurs ressources naturelles, il est tout à fait normal que certains d’entre eux aient des intérêts différents des autres quant à la manière d’utiliser une ressource. Lorsque ces intérêts divergents semblent incompatibles, un conflit survient. Les différences des intérêts et des points de vue font partie de la vie sociale et politique.


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Lorsqu’un conflit émerge, sa forme et son intensité peuvent varier considérablement. Il est important de comprendre à quel stade est un conflit, s’il est latent ou déjà manifeste. Parfois un litige doit être traité avant qu’il n’ait commencé à influencer les comportements ou les décisions des populations. Plusieurs stratégies sont possibles pour gérer un conflit. Les options vont de l’évitement à la violence. Alors que dans la négociation et la médiation, les parties opposées sont responsables du résultat, dans l’arbitrage et le règlement judiciaire, la responsabilité est transférée à une tierce partie, qui prend la décision à la place des personnes directement concernées. La gestion d’un conflit est souvent confiée à des systèmes sociaux spécifiques: les systèmes coutumiers, les systèmes juridiques nationaux et les MAGC. Ces systèmes peuvent utiliser des stratégies différentes pour gérer et résoudre les conflits. Chacun a ses points forts et ses limites et il est indispensable d’étudier attentivement les avantages de chacune de ces options. Les MAGC sont des approches consensuelles qui favorisent des résultats mutuellement acceptables. Seules les parties au conflit sont responsables du résultat, mais une tierce partie peut les aider à obtenir un résultat positif dans un processus de négociation. Afin de parvenir à un règlement qui soit ressenti comme juste par les parties prenantes, et qui ait par conséquent des probabilités de durer, les négociations consensuelles doivent respecter quatre principes essentiels: séparer les personnes et les problèmes; se concentrer sur les intérêts plutôt que sur les positions; élaborer des options bénéfiques pour tous; et utiliser des critères objectifs pour évaluer les options. Les processus de gestion des conflits peuvent renforcer les capacités des parties prenantes locales en les aidant à prendre conscience et à comprendre leurs buts, leurs options et leurs ressources. Pour promouvoir un renforcement de pouvoirs structurel, dans lequel des groupes sociaux défavorisés et plus faibles obtiennent la reconnaissance de leurs droits, des réformes essentielles doivent être mises en place. Ces réformes peuvent être identifiées et comprises par le biais des MAGC, mais les solutions ne relèvent pas uniquement de ces systèmes alternatifs.



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Carte du processus de négociations consensuelles La Section 3 explique le rôle de la tierce partie dans le processus de négociations consensuelles, subdivisé en dix étapes. Elle décrit ensuite de façon détaillée les quatre principaux jalons du processus, esquisse plus sommairement les étapes et les activités et présente les bonnes pratiques. La carte du processus et les dix étapes ne doivent pas être suivies à la lettre. En effet, le processus n’est pas toujours linéaire; il peut être itératif, et tour à tour avancer et reculer. Les étapes doivent donc être gérées de manière flexible en fonction de l’évolution du processus. La présente section approfondit l’étude du processus de gestion des conflits et a pour objectifs de: réfléchir au rôle d’une tierce partie dans la gestion d’un conflit; décrire un modèle de processus simplifié MAGC, pour donner des orientations à toute personne qui jouerait le rôle d’une tierce partie.

3.1 LE RÔLE D’UNE TIERCE PARTIE DANS DES NÉGOCIATIONS CONSENSUELLES Les parties opposées dans un litige ont souvent besoin de l’appui d’une tierce partie (ou d’un tiers) pour faciliter le processus de gestion du conflit, lorsqu’elles sont tellement empêtrées dans leurs différences qu’elles ne sont plus capables de trouver des solutions constructives (Ropers, 1995). Une tierce partie est une personne ou une équipe qui aide des individus et des groupes à négocier et à parvenir à une entente satisfaisante. La tierce partie est appelée médiateur ou facilitateur. Le terme facilitateur est plus général, et s’applique à tout individu qui guide des processus de groupe (discussions, réunions, ateliers). Un médiateur est un spécialiste de la gestion des conflits, c’est pourquoi nous donnons la préférence à ce terme dans ce guide. Pour guider comme il convient les négociations, les parties au conflit doivent être au centre des préoccupations du médiateur, qui doit donc être attentif aux rapports humains et à la communication et avoir de grandes aptitudes en gestion des ressources humaines.


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En outre le processus est le moyen – le véhicule – utilisé pour analyser le contenu d’une négociation et répondre aux objectifs des parties prenantes. De bonnes relations interpersonnelles et un processus efficace et acceptable sont indispensables pour s’attaquer au contenu. À la Figure 3.1 le processus est vu comme un cercle entourant les parties. ENCADRÉ 3.1

CONTENU ET PROCESSUS Le contenu est fait de questions commençant par «quel»? Le processus répond aux questions comment? Plus le processus devient clair, plus le contenu a de probabilités de le devenir.

La Figure 3.1 montre les différents niveaux de facilitation/médiation: bonnes relations entre les personnes et un processus acceptable qui sont toutes deux nécessaires pour s’attaquer au contenu (Section 3.3).

FIGURE 3.1

NIVEAUX DE FACILITATION

CONTENU PROCESSUS PARTIES

Il est important que le médiateur se limite à faciliter le processus et ne tente pas de diriger les parties, qui doivent élaborer elles-mêmes les accords auxquels aboutira la négociation. Les parties prenantes d’un conflit devraient prendre en charge elles-mêmes leurs intérêts, la résolution du conflit, la solution du problème et le rétablissement des relations.


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Pour aider les parties dans le processus, le médiateur peut être appelé à remplir des rôles et des fonctions très différents suivant la nature du conflit, le degré d’ouverture et le type de parties concernées (Moore, 2003). Ces fonctions sont les suivantes:

ouverture de canaux de communication, en relançant une communication si elle s’interrompt ou en facilitant une meilleure communication si les parties sont déjà en pourparlers, notamment en clarifiant les incompréhensions et en évitant la polarisation et l’escalade du conflit;

légitimation: pour aider les parties à reconnaître que les droits des autres font partie des négociations; facilitation du processus, par une assistance procédurale à la communication, incluant souvent de présider officiellement des réunions. Lorsqu’il fournit une assistance procédurale, le médiateur ne s’implique pas lui-même dans les problèmes (éléments contestés) et ne suggère pas de solutions;

exploration du problème, pour permettre aux parties en cause d’examiner un problème sous divers angles;

agent d’équilibre (ou réalité), en questionnant ou provoquant les parties qui ont des objectifs extrêmes ou irréalistes, pour faciliter l’élaboration d’un accord raisonnable et réalisable;

agent de liaison, en offrant une assistance procédurale et en mettant les parties au conflit en liaison avec des ressources et des experts externes (experts techniques, avocats, décideurs) qui peuvent les aider à élaborer des options acceptables pour régler le conflit.

N O T E D U F O R M A T E U R : Les parties prenantes concernées élaborent elles-mêmes les solutions et concluent elles-mêmes l’accord. Le médiateur gère le processus, sans intervenir dans le contenu des négociations.

3.1.1 Le médiateur acceptable Pour être acceptable aux yeux des parties à la négociation, le médiateur doit être perçu comme neutre et ne pas avoir d’enjeu dans le conflit. L’acceptabilité ne signifie pas nécessairement que les parties se réjouissent de l’intervention d’un médiateur, mais qu’elles l’admettent et sont disposées à prendre en considération ses suggestions concernant la manière d’aborder les différences qui les séparent et de trouver des solutions.

Les avantages du recours à un médiateur: C’est le plus souvent à cause d’un déséquilibre des pouvoirs entre les parties prenantes que des groupes non assistés ne parviennent pas à entamer des négociations ou à produire des résultats satisfaisants. Le recours à une tierce partie ou à un médiateur, qui gèrera le processus de négociation de manière impartiale et loyale, peut aider à surmonter ces inégalités. Son rôle est similaire à celui d’un arbitre qui applique les règles et garantit l’impartialité dans une compétition sportive. Il peut donner confiance aux parties prenantes les plus faibles. Une tierce partie peut aussi dans une certaine mesure altérer les rapports de force et les relations sociales en influençant les perceptions ou le comportement de chacune des parties grâce aux connaissances et aux informations qu’il apporte ou à l’introduction d’un processus de négociation plus efficace. Son intervention aide parfois à égaliser le rapport de forces (Susskind et Cruikshank, 1987), mais l’admissibilité de cette fonction est très controversée (Sections 3.1.4 et 2.3).


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Les inconvénients du recours à un médiateur: Certains groupes hésitent à faire intervenir une tierce partie, de peur que le différend ne devienne trop public. Les parties prenantes puissantes en particulier peuvent aussi s’opposer vivement à l’intervention d’une tierce partie ou d’un médiateur. La méfiance entre les parties peut aussi être si grande que toute personne proposée par une partie sera considérée comme de parti pris par les autres. Lorsque c’est le cas, on a intérêt à choisir quelqu’un dont l’autorité formelle ou informelle et la personnalité ne sont contestées par aucune des parties.

3.1.2 Les médiateurs «internes» et «externes» Le rôle du médiateur dépend des valeurs socio-culturelles, et en particulier du type de culture dans lequel travaille le médiateur, qui peut être «directe» ou «non directe». Le médiateur peut être:

Un chef de confiance (cultures non directes) le plus souvent local. Un rapport de confiance est indispensable pour travailler avec des parties en conflit et soutenir efficacement leur collaboration. Beaucoup de gens pensent que la confiance suppose une relation préexistante (de parenté ou de famille) et des interactions passées positives. Le point clé est la confiance, pas la neutralité; la confiance qui fait que l’on croit qu’en dépit de toute relation personnelle avec l’une ou l’autre des parties, le médiateur fera tout ce qui est en son pouvoir pour aider les parties impliquées dans le conflit à avancer vers une solution avantageuse pour toutes.

Une personne neutre chargée de gérer le processus (culture directe), qui vient généralement de l’extérieur. Ce «gestionnaire de processus» est une personne qualifiée qui fournit une assistance impartiale aux parties en cause en les guidant dans la conception de leur stratégie de négociation. Un médiateur doit avoir de l’expérience et une formation aux méthodes de gestion des conflits, ainsi que de bonnes capacités de communication. Dans le domaine de la gestion des conflits, les médiateurs devraient toujours étudier attentivement les pratiques de médiation locales, leur efficacité et les moyens de les renforcer (Section 4.4.) Le principe de subsidiarité est important (Section 2.3.2).

ENCADRÉ 3.2

IMPARTIALITÉ ET NEUTRALITÉ L’impartialité est l’absence de parti pris ou de préférence pour une ou plusieurs parties aux négociations, pour leurs intérêts ou pour leurs options. La neutralité signifie qu’une tierce partie n’est liée ou n’a eu de relations préalables avec aucune des parties en cause.

P O I N T D E C O N T R Ô L E : Afin de faciliter les négociations, il est bon que le médiateur ait une expérience de la facilitation en général. Un facilitateur peut intervenir dans de nombreux contextes différents (réunions, ateliers, etc.).


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3.1.3 Entrée sur la scène du conflit Un médiateur peut prendre ses fonctions dans un conflit spécifique de différentes manières, notamment:

sur invitation directe d’une ou plusieurs parties au conflit; sur recommandation de parties prenantes secondaires; de sa propre initiative; nominé par une autorité reconnue (par exemple fonctionnaire du gouvernement ou autorités traditionnelles). L’autorité et la confiance initiales dont jouit un médiateur dans ses premières relations avec les parties opposées dans le conflit dépendent dans une large mesure de la manière dont il gère son rôle. Une interaction passée d’un médiateur avec une partie peut déterminer la confiance ou la méfiance. Par exemple, les médiateurs qui sont présentés par des parties prenantes secondaires, des autorités reconnues ou qui se présentent de leur propre initiative peuvent se heurter à une forte résistance de la part d’une ou plusieurs parties, celles-ci pouvant avoir des soupçons quant aux raisons qui l’ont poussé à assumer ce rôle, aux intérêts qu’il peut avoir dans cette affaire et aux relations qu’il peut entretenir avec les autres parties.

3.1.4 Jusqu’à quel point un médiateur peut-il égaliser les chances? Afin de parvenir à des décisions mutuellement satisfaisantes et acceptables, toutes les parties doivent avoir des moyens d’influencer les autres parties dans les négociations. Ceci est une condition préalable pour parvenir à un règlement conforme aux intérêts et aux besoins de toutes les parties. A moins qu’une partie plus faible n’ait quelque pouvoir ou influence, ses besoins et ses intérêts ne seront reconnus que si la partie la plus forte n’agit pas de manière égoïste ou a compris que «pour que quelqu’un gagne, tout le monde doit gagner».

si le pouvoir et l’influence potentiels de chaque partie sont bien développés, bien équilibrés et reconnus par toutes les parties, le travail du médiateur consiste à les aider à user habilement de leur influence pour parvenir à des résultats mutuellement satisfaisants.


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si le pouvoir et l’influence de chaque partie ne sont pas égaux et si une partie a le pouvoir d’imposer une solution non satisfaisante aux autres, un accord ne s’inscrira pas dans la durée ou ne fera que raviver le conflit. Dans ces cas-là, le médiateur doit décider s’il doit soutenir la partie plus faible et modérer l’influence de la plus forte et si oui, comment il doit le faire. Si un médiateur renforce le pouvoir de la partie la plus faible, ou modère l’influence de la plus forte, le rôle de médiation glisse vers le plaidoyer. Dans les sociétés qui privilégient l’approche directe et mettent l’accent sur la neutralité et l’impartialité du médiateur, ce rôle de plaidoyer peut rendre le médiateur inacceptable. La partie la plus forte peut en effet le considérer comme partial ou non neutre. Dans les sociétés qui privilégient l’approche non directe, et qui accordent plus d’importance au statut du médiateur et aux relations en jeu, ce rôle de plaidoyer peut paraître plus acceptable, surtout si le médiateur est un chef estimé, avec un statut social et une réputation appropriés. Les inégalités de pouvoir sont de véritables dilemmes éthiques pour les médiateurs. Ces inégalités se rencontrent couramment lorsque des groupes communautaires locaux doivent négocier avec des acteurs puissants au niveau national ou international, tels que des organismes d’État ou des sociétés multinationales. Il n’y a pas de solutions toutes faites pour résoudre ces problèmes. La question fondamentale pour la partie la plus faible est de savoir si elle obtiendra plus avec un accord négocié que sans cet accord. Dans les cas où le déséquilibre des pouvoirs est poussé à l’extrême, les négociations peuvent être impossibles si elles lèsent la partie plus faible, aggravent le conflit ou augmentent les injustices. Dans ces circonstances, les principes fondamentaux de la gestion participative et des MAGC ne sont pas respectés et des négociations consensuelles ne peuvent pas fonctionner.

3.1.5 Médiation en équipe Une personne seule a du mal à gérer des négociations consensuelles car la plupart des conflits liés aux ressources naturelles sont complexes et font intervenir de nombreuses parties prenantes. En outre, certains groupes de parties prenantes peuvent comprendre de nombreux individus. D’où l’utilité de constituer une équipe de médiation. La médiation en équipe allège un peu le fardeau du médiateur principal, mais crée des exigences supplémentaires, en ce qui concerne la gestion des rôles et des responsabilités au sein de l’équipe. Les fonctions et les responsabilités doivent être clairement définies et réparties avant l’entrée effective des médiateurs sur la scène du conflit. Une équipe de médiation devrait comprendre au moins trois membres:

un médiateur principal qui guide et gère le processus de communication et de négociations; un médiateur adjoint qui peut intervenir quand le médiateur principal est en difficulté; une personne chargée de prendre des notes et un observateur pour documenter le processus et observer la dynamique du conflit durant les réunions. Dans les réunions plus importantes, l’observateur peut notamment faire part du résultat de ses observations en cas de tensions au sein des sous-groupes de parties prenantes. Le travail d’équipe exige une préparation soigneuse, une définition précise des tâches et des rapports de confiance entre les membres de l’équipe. En cas de tensions internes au sein d’une équipe, le processus a de grandes chances d’être compromis et les parties perdent confiance dans le rôle et les capacités professionnelles de l’équipe.


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3.2 LES DIX ÉTAPES DE LA GESTION D’UN CONFLIT Un Mode alternatif de gestion des conflits (MAGC) est un processus itératif complexe qui peut être ralenti par des retours en arrière ou de brusques bonds en avant. Le processus peut être subdivisé en quatre jalons principaux et dix étapes, chacune étant caractérisée par des activités qui lui sont propres. Dans ce guide, ces étapes forment ce que nous appellerons la «carte du processus», dont les médiateurs se servent pour suivre le déroulement du processus et le faire avancer vers des résultats positifs.

FIGURE 3.2

CARTE DU PROCESSUS La carte du processus décrit les étapes importantes d’un processus alternatif de gestion des conflits.

ÉTAPE 10 JALON PRINCIPAL D SORTIE

Préparation de la sortie

Ces dix étapes peuvent être subdivisées en quatre jalons principaux (A à D).

ÉTAPE 9

ÉTAPE 1

Suivi de l’accord

Préparation de l’entrée

JALON PRINCIPAL C NÉGOCIATION ÉTAPE 8 Élaboration de l’accord

GESTION DU PROCESSUS

ÉTAPE 2 Entrée sur la scène du conflit

Faciliter la collaboration “Ne pas faire de tort” Rétablir les relations Gérer l’information

ÉTAPE 7

ÉTAPE 3

Renforcer les capacités

Facilitation des négociations

ÉTAPE 6 Préparation des négociations ÉTAPE 5 Évaluation des options

JALON PRINCIPAL B ÉLARGISSEMENT DE L’ENGAGEMENT DES PARTIES PRENANTES

Analyse du conflit

ÉTAPE 4 Élargissement de l’engagement des parties prenantes

JALON PRINCIPAL A ENTRÉE


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3.2.1 Jalon principal A: Entrée (Sections 4 et 5) Avant d’intervenir activement aux côtés des différentes parties dans le conflit (parties prenantes) dans un processus MAGC, les médiateurs doivent définir clairement leur rôle en tant que tiers. Cela comprend une analyse préliminaire du conflit, avec une définition claire et détaillée de ce sur quoi il porte et une consultation avec les parties prenantes. Les étapes 1, 2 et 3 sont nécessaires pour achever le Jalon principal A Étape 1: Préparation de l’entrée. Les médiateurs définissent leur rôle et préparent les contacts avec les parties opposées dans le conflit. Ils examinent les informations existantes sur la querelle et élaborent la meilleure stratégie pour aborder les différentes parties en cause. Étape 2: Entrée sur la scène du conflit. Les médiateurs entrent pour la première fois en contact direct avec les parties. Ils les rencontrent une première fois séparément et s’informent sur leur manière de cadrer le conflit. Ils précisent ensuite leur propre rôle dans le déroulement du processus et s’assurent de l’engagement des parties pour lancer la médiation. Étape 3: Analyse du conflit. Les médiateurs expliquent l’idée qu’ils se font du conflit et analysent les positions des différentes parties prenantes. Ils ne décideront d’aller plus loin que si: a) l’analyse du conflit indique que les mécanismes de gestion des conflits existants ont peu de chances d’aboutir à un résultat positif; b) des négociations fondées sur les intérêts semblent être la stratégie la plus appropriée étant donné les circonstances; c) leur propre intervention ne fera pas de tort.

Le Jalon principal A s’achève lorsqu’une équipe de médiateurs décide sciemment (à l’issue d’une délibération au sein de l’équipe) de manière transparente (en communiquant la décision aux parties) que des négociations fondées sur les intérêts ont une chance de réussir dans le conflit en question.

3.2.2 Jalon principal B: Élargissement de l’engagement des parties prenantes (Section 6) À partir du moment où les parties opposées dans un conflit ont défini leur rôle et sont convenues de faire appel à une tierce partie, la mission de l’équipe de médiation consiste à guider les différentes parties prenantes dans un exercice d’auto-réflexion et d’auto-découverte. Cet exercice consiste à leur faire prendre conscience de leurs intérêts à long terme, des avantages qu’elles pourraient obtenir d’une solution négociée et des alternatives possibles à une solution négociée. À la fin de ce processus, les parties prenantes devraient consentir de bon gré à rencontrer les autres parties en vue de négocier.


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ENCADRÉ 3.3

SESSIONS SÉPARÉES OU RÉUNION COMMUNE? Dans les processus de négociation concernant des conflits très tendus, il peut être préférable de préparer les différentes parties dans le cadre de sessions séparées, afin de les aider à mieux comprendre leurs positions, leurs intérêts et les options dont elles disposent, dans le calme. On attendra pour réunir toutes les parties autour de la table des négociations que chacune d’elles ait bien compris quels sont ses intérêts sous-jacents, et soit prête, disposée et intéressée à s’engager dans des négociations. Cette procédure est connue sous le nom de «consultation-navette» (Encadré 4.2). Dans certaines circonstances, les parties prenantes peuvent décider de s’engager dans le cadre d’ une réunion commune en présence de toutes les parties. Cela peut être la meilleure solution dans un conflit relativement simple où les parties prenantes sont peu nombreuses, mais ces processus peuvent facilement devenir incontrôlables si une dynamique sociale dont les médiateurs n’avaient pas pris conscience se développe.

Les Étapes 4 et 5 sont nécessaires pour achever le Jalon principal B Étape 4: Élargissement de l’engagement des parties prenantes. Dans ce processus, les médiateurs transfèrent progressivement le contrôle et les responsabilités aux parties prenantes. Ils les aident à analyser les causes profondes du conflit, les points de vue des différentes parties prenantes, et leurs propres positions, points forts, intérêts et besoins. Étape 5: Évaluation des options: Dans cette phase, les médiateurs aident les différentes parties prenantes à élaborer des options pour résoudre ou gérer le conflit. Les avantages de chaque option sont évalués et les options sont classées par ordre de préférence.

Le Jalon principal B s’achève lorsque chacune des parties opposées dans le conflit (parties prenantes) a clarifié ses propres intérêts, étudié les stratégies permettant de gérer et de résoudre le conflit et s’est déclarée disposée à négocier avec les autres parties pour parvenir à une entente.

3.2.3 Jalon principal C: Négociation (Section 7) À ce stade, les médiateurs réunissent les parties prenantes pour négocier les options et les modalités d’accord possibles, ainsi que les mesures concrètes qui pourraient être adoptées pour appliquer l’accord. Le principe de base des négociations est que les accords sont avantageux pour tous et sont centrés sur les intérêts et les besoins sous-jacents des parties prenantes. Les étapes 6, 7 et 8 sont nécessaires pour achever le Jalon principal C. Étape 6: Préparation des négociations. Les négociations doivent être préparées avec soin, ce qui suppose de préparer les parties directement concernées, d’étudier les stratégies possibles et de planifier le contexte de la négociation.


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Étape 7: Facilitation des négociations. C’est la partie la plus difficile du processus de gestion du conflit, car les parties tentent de se convaincre mutuellement de parvenir à une entente. À ce stade, les différences ont été réduites, notamment en amenant les parties à ne plus se centrer sur leurs positions mais sur leurs intérêts et leurs besoins. Il y a bien une séquence générale que le processus de négociations devrait suivre, mais des retours en arrière et des déviations sont tout à fait normaux durant le processus. Les négociations sont achevées lorsque les parties peuvent convenir d’options pour régler le conflit. Ces options sont rassemblées en vue d’avancer vers l’élaboration d’un accord unique acceptable pour tous. Étape 8: Élaboration de l’accord. Une fois que les parties ont arrêté les options à prendre en considération, elles doivent se mettre d’accord sur la manière de les mettre en œuvre et de suivre leur application. Le rôle du médiateur dans ce processus doit aussi être clairement défini.

Le Jalon principal C est achevé avec succès lorsque les parties aux négociations ont écouté et examiné les préoccupations et les intérêts de toutes les autres, élaboré ensemble un accord spécifique pour gérer le conflit et décidé ensemble de la manière dont il serait mis en œuvre et suivi.

3.2.4 Jalon principal D: Sortie (Section 8) Une fois qu’un accord a été signé, les conflits peuvent être réglés, mais ils ne sont pas encore résolus. Des retours en arrière sont possibles si les parties ne respectent pas l’accord et si de bonnes relations ne sont pas rétablies en vue d’une collaboration. Une équipe de médiation ne peut certes pas résoudre en même temps tous les problèmes d’une communauté, mais elle doit faire en sorte que les différentes parties prenantes du conflit soient au moins disposées à appliquer l’accord et à agir dans un esprit de collaboration réciproque. Les Étapes 9 et 10 sont nécessaires pour mener à bien le Jalon principal D: Étape 9: Suivi de l’accord. Les médiateurs peuvent assumer diverses fonctions dans le processus de mise en œuvre et de suivi des accords. Ces fonctions doivent être clairement définies avec les parties prenantes. Étape 10: Préparation de la sortie. L’équipe de médiation doit mettre au point un système pour transférer la responsabilité de la mise en œuvre et du suivi de l’accord aux parties prenantes ou à un médiateur local de confiance. L’équipe peut aussi élaborer des stratégies pour renforcer encore les capacités des communautés afin qu’elles soient mieux à même de résoudre les problèmes futurs. Ces étapes ne font pas vraiment partie des MAGC, mais ce sont des éléments complémentaires de plus en plus importants dans les approches plus générales de gestion des ressources naturelles fondées sur la collaboration.

Le Jalon principal D est achevé lorsque le médiateur (ou l’équipe de médiation) peut s’en aller, c’est-à-dire quand les parties au conflit ont rétabli leurs relations et ont la capacité et la volonté de poursuivre la mise en œuvre de l’accord. Elles peuvent aussi être mieux armées pour résoudre elles-mêmes les conflits futurs.


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3.3 GESTION DU PROCESSUS Les conflits reposent sur des faits objectifs, mais aussi sur des perceptions et des interprétations, par définition subjectives, de ces faits. La gestion des conflits est un processus complexe et le comportement des médiateurs peut être mal compris par les parties en cause. Ainsi, certaines peuvent avoir l’impression que les médiateurs sont partiaux, prennent fait et cause pour une partie ou lui donnent plus de possibilités de s’exprimer. Ils doivent donc bien réfléchir à leur rôle dans le processus et vis-à-vis de chacune des parties prenantes. Le processus de gestion remplit cinq fonctions principales:

encourager la collaboration; éviter une escalade ultérieure des tensions ou du conflit, «ne pas faire de tort»; ouvrir la voie au rétablissement des relations; gérer l’information; renforcer les capacités des parties prenantes des plus faibles pour améliorer les conditions de leur participation, et des plus fortes pour les aider à comprendre des problèmes plus généraux.

3.3.1 Encourager la collaboration La participation volontaire de toutes les parties prenantes clés est fondamentale dans une approche de gestion des conflits de style coopératif. La décision de négocier prise par un groupe n’est suivie d’effet que si les autres considèrent aussi que c’est dans leur intérêt de le faire. De nombreuses situations peuvent dissuader les individus de s’engager dans une négociation, notamment quand il existe un rapport de forces très inégal entre les parties prenantes, des craintes, de grosses difficultés de communication ou quand les parties adverses sont polarisées sur leurs positions. Dans un processus MAGC, l’une des principales tâches du médiateur est de renforcer la collaboration, ce qu’il fera en s’efforçant de:

Élargir la participation des parties prenantes. Il se peut que de nombreuses parties prenantes soient affectées par le conflit ou puissent l’influencer. Les moins «visibles» sont souvent laissées de côté dans l’analyse initiale et elles doivent être intégrées dans le processus dès que la nécessité s’en fait sentir ou qu’une des parties le demande. Si des parties prenantes importantes sont exclues, elles peuvent compromettre la mise en œuvre des accords par la suite, ou penser qu’elles ont été écartées et marginalisées.

Identifier toute la gamme d’intérêts possibles des parties prenantes. Les MAGC soulignent la nécessité d’identifier les intérêts sous-jacents à long terme des parties et de se centrer sur ces intérêts, plutôt que sur des positions inflexibles et extrêmes. Le fait d’identifier une gamme de besoins aussi large que possible et de présenter des moyens constructifs de les satisfaire à travers des négociations peut favoriser considérablement un engagement.

Élaborer des visions positives. Le désir d’atténuer le conflit et d’apaiser les rapports peut être en soi un intérêt central, mais négligé. Les parties prenantes peuvent en avoir assez de voir leur vie quotidienne empoisonnée par le conflit et vouloir se concentrer sur autre chose. Elles peuvent avoir envie de faire avancer les choses, à l’idée des effets de la violence, du coût financier du conflit et des dégâts possibles pour leur image ou leur légitimité publique. Si elles ont confiance et croient que ce besoin sera satisfait, elles se laisseront très facilement convaincre, surtout après un conflit prolongé.


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Égaliser les chances – en renforçant le pouvoir des parties prenantes qui ont le moins d’influence. Si les disparités de pouvoir entre les parties prenantes sont mineures, les médiateurs doivent s’efforcer de promouvoir des négociations justes et équitables pour tous.

Établir la légitimité. Certaines parties peuvent refuser d’être impliquées dans des négociations parce qu’elles ne reconnaissent pas une autre partie ou ses intérêts comme légitimes. Elles peuvent par exemple trouver qu’une organisation de conservation internationale est trop éloignée du lieu du conflit, ou que des migrants n’ont pas résidé assez longtemps dans une zone. Des groupes peuvent accuser d’autres groupes d’avoir une vision trop étroite de leurs intérêts et de ne pas prendre en considération des besoins ou des objectifs plus généraux. Les médiateurs doivent amener les parties à reconnaître comme légitimes les problèmes, les intérêts et les émotions de chacun en modifiant leur perception des autres parties. Les moyens qu’il adoptera à cette fin dépendront de la cause qui fait que la légitimité est contestée. Si le refus d’accepter une partie résulte d’une mauvaise interprétation, le médiateur peut sûrement clarifier la situation et supprimer cet obstacle. Si en revanche, le problème vient de la procédure par laquelle le représentant de la partie contestée a été sélectionné, le médiateur peut expliquer cette procédure ou aider les parties à en élaborer une autre qui soit acceptable pour tous.

Garantir un processus de négociation équitable. Certaines parties prenantes plus faibles évitent de s’engager dans des négociations parce qu’elles n’ont pas confiance dans l’équité du processus. Pour rendre le processus transparent et plus «ouvert», les médiateurs peuvent tenter de faire intervenir un observateur de confiance, obtenir un accord sur les règles fondamentales et les revoir le cas échéant, ou trouver une tierce partie digne de confiance. Les médiateurs peuvent collaborer avec les parties au conflit dans le but d’améliorer leur confiance, leur compréhension du processus de négociation, leur prise de conscience des alternatives et des préférences, leurs talents de négociation et de leur permettre d’accéder plus facilement à des informations exactes. Ceci peut renforcer les capacités et par voie de conséquence, favoriser un procès équitable.

Favoriser la prise en charge du processus. Un MAGC est un processus d’apprentissage en commun. Les parties prenantes sont celles qui connaissent le mieux le conflit, et c’est d’elles que doivent provenir un règlement, une solution et un accord. Les parties prenantes n’accepteront de soutenir un accord que si elles prennent elles-mêmes les décisions.


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3.3.2 Éviter une escalade ultérieure des tensions ou des conflits: «ne pas faire de tort» Les médiateurs peuvent être animés des meilleures intentions lorsqu’ils aident à résoudre le conflit, mais il y a toujours un risque d’effets collatéraux imprévus. Ils peuvent influencer la situation de conflit et subir son influence, souvent sans s’en rendre compte. Les parties opposées «éplucheront» leurs moindres actes pour détecter d’éventuels signes de favoritisme à l’égard de l’un ou de l’autre camp. Ce qui compte, ce n’est pas tant les faits, que la manière dont ils sont perçus: «Si vous allez déjeuner dans un endroit, certaines parties vont penser que vous êtes partial». Sans le vouloir, un médiateur peut contribuer à:

renforcer les tensions; légitimer des personnes qui peuvent gâcher le processus; compromettre des valeurs pacifiques; promouvoir l’intolérance; renforcer l’influence des plus forts. Ces actions nuisent non seulement au processus de négociations, mais aussi à la crédibilité et à l’efficacité du médiateur, c’est pourquoi celui-ci doit toujours être conscient des risques, réfléchir à l’impact qu’il peut lui-même avoir sur le processus et être prêt à changer de stratégie en cas de besoin. Toutes les actions et les interactions des médiateurs doivent refléter et confirmer les valeurs et les idéaux qu’ils défendent. Ils doivent prouver aux parties au conflit qu’ils sont dignes de confiance. Les parties prenantes doivent acquérir confiance dans le médiateur en tant que personne, dans l’institution qu’il représente et dans le processus de gestion du conflit. Pour établir une relation interpersonnelle positive avec les parties, et acquérir crédibilité, confiance et légitimité auprès d’elles les médiateurs devraient respecter les valeurs et les principes suivants (Anderson et Olson, 2003):

Honnêteté personnelle: Les médiateurs devraient toujours expliquer clairement pourquoi ils sont là, ce qu’ils ont à offrir et ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire.

Fiabilité personnelle: Les médiateurs doivent donner suite à ce qu’ils disent. Les personnes savent qu’elles peuvent faire confiance au médiateur.

Respect des différences: Les médiateurs doivent respecter les différences et être disposés à travailler avec des personnes qui ont des positions très divergentes.

Respect pour ce qui appartient aux communautés locales: Personne ne peut faire la paix à la place de quelqu’un d’autre. Les médiateurs doivent considérer leur rôle avec modestie: ils ne savent pas ce qui est le mieux pour les autres. Les solutions doivent venir des parties au conflit, et les médiateurs ne peuvent que soutenir le processus. Dans toute situation de conflit, certaines personnes sont plus positives que d’autres. Malgré les tensions, certains individus maintiennent de bonnes relations avec les personnes du «camp


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adverse». On les appelle les «rassembleurs». Mais il y en a aussi qui divisent et que nous appellerons des «perturbateurs» - ils répandent des bruits sur les autres parties, accroissent la tension et renforcent les divisions existantes si des effets négatifs surviennent. Une analyse rationnelle du conflit (Section 5) est une étape essentielle pour permettre aux médiateurs d’identifier les «perturbateurs» et les «rassembleurs». Il est intéressant qu’ils le sachent car ils peuvent s’appuyer au départ sur les rassembleurs pour tenter de gérer le conflit, alors que les diviseurs peuvent réduire à néant tous les progrès accomplis. Les rassembleurs peuvent être des personnes, mais aussi (Anderson, 1999):

des systèmes et des institutions communs, notamment des marchés où les gens se rencontrent et échangent des informations et des idées, ou des infrastructures, comme les canaux hydriques ou les lignes d’électricité, dont tous dépendent et qui sont donc souvent entretenus conjointement;

des attitudes et des actions attestant l’existence de liens (ou de «ponts») transcendant les divisions (adoption d’enfants malgré des liens familiaux, mariages entre groupes divisés, individus témoignant du respect à d’autres malgré les divergences);

expériences communes passées ou présentes qui peuvent être partagées, par exemple une histoire commune de colonialisme;

valeurs et intérêts partagés, tels que religion commune ou valeur que l’on accorde aux enfants; symboles et occasions communs, tels que monuments et jours fériés nationaux. Les médiateurs doivent être conscients de l’existence de ces liens entre les parties opposées dans le conflit et les mettre davantage en lumière en les reconnaissant et en les renforçant. Une bonne médiation cherche à renforcer les rassembleurs et à faciliter les possibilités de pacification en offrant:

un espace où les personnes pourront s’engager avec ceux du camp adverse dans des initiatives conjointes, explorer des valeurs et des intérêts communs et encourager l’espoir d’un futur commun;

une voix pour discuter et partager des intérêts communs, et faire des premiers pas de conciliation pour atténuer les tensions et freiner l’escalade des conflits violents;

des incitations pour favoriser des échanges et des activités conjointes entre les parties prenantes dans les domaines du développement et de la gestion participative des ressources naturelles. Les perturbateurs sont des acteurs qui divisent les parties opposées dans un conflit. Il peut s’agir de membres des communautés locales ou de parties prenantes externes (secondaires). Face à des perturbateurs, les médiateurs peuvent:

tenter de les isoler de la majorité des parties prenantes qui souhaitent agir de manière constructive, et faire pression sur eux pour qu’ils respectent un accord. Toutefois, le résultat ne sera probablement pas durable car les perturbateurs reprendront de l’assurance dès le départ du médiateur;

tenter de les faire intervenir activement dans le processus, en leur confiant la responsabilité des accords, ce qui revient à les introduire par cooptation dans le processus de coopération, mais cela risque de ralentir ou de compromettre définitivement l’ensemble du processus;


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demander à un chef influent et fiable de persuader le perturbateur qu’il est dans son intérêt de respecter le processus de gestion du conflit plutôt que de le perturber. Comme on le voit, il n’y a pas de solution facile face à des perturbateurs. Les médiateurs doivent être bien conscients de la dynamique interne entre les différents acteurs d’un conflit.

3.3.3 Ouvrir la voie au rétablissement des relations Pour rétablir des relations, il est fondamental d’instaurer un climat de confiance. La confiance se crée peu à peu avec le temps grâce à une succession de promesses concrétisées dans des actions sincères. Un médiateur peut encourager les parties au conflit à faire certains gestes qui accroissent la confiance réciproque (Moore, 2003) et favorisent le rétablissement des relations, tels que:

accomplir des actes symboliques démontrant leur bonne foi dans les négociations – par exemple pourvoir au confort physique de l’adversaire, se rencontrer à une date ou dans un lieu convenant à l’autre partie, etc.;

faire des déclarations claires qui ne contredisent pas celles qui ont été faites antérieurement; éviter de faire des promesses irréalistes ou non crédibles, et ne pas proférer de menaces. De leur côté, les médiateurs peuvent aussi prendre des mesures spécifiques pour instaurer la confiance entre les parties. Ils peuvent par exemple les amener à accomplir une tâche ensemble, traduire la pensée d’une partie dans des termes facilement compréhensibles pour les autres, identifier des points de convergence ou récompenser les parties de leurs éventuels gestes de coopération et de confiance. Un médiateur doit avoir présent à l’esprit que la confiance se manifeste de façon différente selon la culture. En effet dans certaines sociétés, les déclarations verbales ou écrites engendrent la confiance, alors que dans d’autres, on s’attend à des rites spécifiques. Dans les cultures «non directes» (Section 2.4), la gestion des conflits est un processus collectif, qui a toujours des incidences plus larges pour les relations familiales (et spirituelles). Les membres de la communauté directement impliqués dans le conflit (parties prenantes) ne traitent pas avec des individus, mais avec des familles, des groupes communautaires, etc. Il est souvent aussi important de rétablir des relations et de panser les blessures d’amour propre que de trouver une solution au problème en question. Dans ces contextes, il convient de réexaminer certains postulats:

le principe de la séparation stricte entre les personnes et les problèmes; la nécessité que les parties révèlent leurs émotions ou échangent leurs griefs de manière ouverte, mais sans risque;

l’importance de la participation de toutes les personnes concernées; l’imposition d’un temps limité; la simplicité et la clarté des déclarations, qui ne doivent pas semer la confusion. Le maintien ou le rétablissement des relations peut être la principale motivation qui pousse les parties prenantes à résoudre le conflit. Il est au moins aussi important de rétablir des relations et de sauver la face que de résoudre les problèmes. En outre, le fait d’exprimer ouvertement les griefs peut conduire à une escalade du conflit au lieu de favoriser une compréhension mutuelle.


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3.3.4 Gérer l’information Tous les processus de gestion des conflits, y compris les négociations consensuelles, se fondent sur le partage d’informations et l’apprentissage. Dans le processus d’échange d’informations, une partie tente d’influencer les connaissances, les attitudes, les préférences et les stratégies de ses adversaires. La disponibilité, la gestion et l’acceptation de l’information sont des aspects importants des négociations. L’information joue un rôle charnière dans la définition des intérêts, la clarification des objectifs communs et l’évaluation de la faisabilité des solutions. Tout au long du processus de négociation, il doit toujours être possible de contrôler les besoins en information. L’information devrait toujours être présentée en mettant en lumière sa pertinence par rapport aux intérêts des parties, dans un camp comme dans l’autre. Or les parties cherchent toujours à présenter les données d’une façon qui leur soit favorable et qui soit susceptible de convaincre les autres. Les parties prenantes doivent se mettre d’accord sur la pertinence de leurs informations et s’entendre sur ce qui est pour eux un «équilibre acceptable de l’information». Le médiateur peut faciliter les discussions en revenant à des activités participatives pour classer les problèmes d’information ou établir un graphique des besoins en information (par exemple au moyen d’une analyse des causes profondes). Ses autres tâches sont les suivantes:

rechercher des compétences techniques neutres/externes; s’assurer que toutes les parties interviennent dans l’identification des besoins en information; promouvoir la participation active de toutes les parties à la collecte et à l’analyse de l’information; veiller à ce que l’information soit présentée de façon claire et soit bien comprise par tous les groupes. Le Tableau 3.1 indique les problèmes les plus courants dans le domaine de la collecte et de l’analyse de l’information, avec les solutions correspondantes potentielles (FAO, 2003).


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TABLEAU 3.1

EXEMPLES DE PROBLÈMES D’INFORMATION ET SOLUTIONS POSSIBLES Problème

Solution possible

Informations incomplètes et/ou inexactes, par conséquent peu fiables et sans grande utilité.

Vu l’impossibilité d’obtenir des informations complètes, essayer de recueillir suffisamment de données valides, fiables, exactes et vérifiées par recoupements.

Informations trop nombreuses.

Hiérarchiser les besoins en information et se concentrer sur les plus importantes.

Informations trop complexes et difficiles à comprendre.

Demander à un spécialiste d’interpréter l’information, en la traduisant en termes simples ou dans la langue appropriée.

Interprétations différentes ou contradictoires des mêmes informations.

Obtenir d’autres points de vue ou interprétations indépendants de l’information.

Différents groupes pensent que leurs informations sont les plus exactes. Des professionnels peuvent par exemple avoir une «optique élitiste» de sorte que les informations techniques dominent par rapport aux systèmes de connaissances locaux ou traditionnels.

L’acceptation des informations fournies par le groupe adverse pose souvent un problème. Le médiateur devrait aider le groupe à voir les points forts et les points faibles de tous les systèmes de connaissances.

L’information est faussée à dessein pour couvrir des intentions cachées.

Encourager la transparence. Examiner les intérêts des groupes individuels et les objectifs communs.

Problèmes pour recueillir les informations nécessaires, pour des raisons de coût ou d’indisponibilité (personnel, temps, matériel).

Tenter de répondre aux besoins par des séances de brainstorming (remue-méninges). S’il est impossible d’obtenir des renseignements adéquats, demander aux parties de décider de l’approche qu’elles veulent adopter pour modifier leurs objectifs communs ou les négociations en conséquence.

Source: Adapté de PEC, 1999.


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ENCADRÉ 3.4

PRENDRE EN CONSIDÉRATION LES CONNAISSANCES LOCALES Les connaissances locales ont une influence déterminante sur la manière dont les différents groupes s’engagent dans un conflit et y réagissent. Les conflits liés aux ressources naturelles font intervenir de nombreuses parties prenantes qui savent généralement très peu de choses les unes des autres. Ce manque d’information peut être un gros problème. Non seulement, il peut y avoir des différences de valeur importantes, mais le langage parlé, le style de communication et les hypothèses concernant la querelle et sa résolution peuvent varier considérablement. Ainsi, les communautés autochtones attachent souvent aux forêts des valeurs non économiques liées à des systèmes de croyances traditionnelles comportant des rites religieux, des lieux sacrés et des zones traditionnelles de chasse et de cueillette. Les responsables des gouvernements ou les intérêts commerciaux ne se rendent pas toujours compte de l’importance de ces liens avec des terres ancestrales. Leurs points de vue sur les forêts ou les arbres peuvent être modelés par des influences culturelles tout à fait différentes qui mettent l’accent sur des valeurs et des objectifs commerciaux.

3.3.5 Renforcer les capacités locales en matière de gestion des conflits Comme on l’a souligné dans la Section 2, les médiateurs doivent se rappeler que des capacités limitées sont déjà en place dans la plupart des régions du monde pour gérer les conflits. Ces capacités peuvent être formelles ou informelles. La plupart des communautés ont déjà des institutions et des structures qui facilitent la résolution des conflits locaux. Celles-ci peuvent comprendre des personnes qui remplissent traditionnellement les fonctions de médiateurs (chefs religieux ou politiques) ou des arrangements qui ont été trouvés pour réglementer l’accès et le contrôle des ressources au niveau local. Pour éviter de compromettre les capacités locales, les interventions devraient être spécifiquement ciblées, limitées et temporaires, et faire fond sur les capacités locales déjà existantes pour les renforcer. Il est donc indispensable d’évaluer avec soin les capacités locales déjà utilisées dans le passé pour résoudre le conflit (Sections 2.3 et 2.4). Lorsque l’on évalue les capacités locales, on doit se demander à quel niveau le conflit en question peut être le mieux réglé. Le niveau auquel les capacités doivent être renforcées dépend de l’enjeu du conflit (les problèmes) et des personnes impliquées (les parties prenantes).

Le renforcement des capacités locales peut être ciblé sur les parties les plus faibles qui en ont le plus besoin pour pouvoir participer efficacement aux négociations. Certains groupes communautaires ou leurs représentants doivent recevoir une formation pour apprendre les techniques de négociations consensuelles directes en «face-à-face». Ce type de renforcement


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des capacités fait partie intégrante de l’analyse participative du conflit. Il s’agit avant tout d’un processus d’auto-réflexion assistée grâce auquel les parties prenantes locales pourront identifier et mieux comprendre leurs objectifs (notamment les valeurs, les règles et les craintes qui les sous-tendent), les options dont elles disposent, leurs capacités, leurs ressources et leur pouvoir décisionnel. Elles pourront ensuite mettre à profit cette nouvelle «connaissance de soi approfondie» pour s’engager à l’avenir de façon constructive dans des négociations et dans des processus de gestion des conflits.

Les chefs communautaires indépendants doivent être formés aux techniques de médiation et de facilitation. Dans la majorité des communautés, il y a des personnes qui remplissent les fonctions de médiateurs pour faciliter la résolution des conflits locaux. Ces médiateurs jouissent de la confiance et du respect des individus ou des groupes en raison de leur statut social, de leur expérience ou de leurs connaissances spécifiques. Ils peuvent faire partie de l’environnement social immédiat – c’est le cas des chefs de villages ou des anciens - ou être indépendants – c’est le cas d’un chef religieux ou politique à qui l’on fait appel pour une médiation entre deux communautés. Il convient d’évaluer avec soin si un chef local de confiance est apte à assurer une médiation dans des négociations. Les chefs locaux remplissent rarement toutes les conditions requises pour faire un médiateur idéal, en raison de leurs relations établies avec les parties au conflit, qui fait qu’ils pourraient prendre parti ou avoir une préférence pour une ou plusieurs parties. Cependant ils peuvent mieux que personne offrir des possibilités de renforcer durablement les capacités. Une personne de l’extérieur ne devrait être proposée pour faire une médiation que si le recours à des chefs locaux semble voué à l’échec.

Le personnel d’institutions externes chargé d’assurer les médiations dans des processus de gestion des conflits devrait être formé au renforcement des mécanismes institutionnels. Dans de nombreux cas, les institutions locales sont en crise ou proches de la faillite par suite de négligences, de problèmes de légitimité ou d’interventions externes néfastes. Une escalade du conflit peut indiquer que les mécanismes institutionnels sont en crise. Il est facile de négliger des mécanismes institutionnels informels en raison de leur manque de visibilité.


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RÉSUMÉ DE LA SECTION La Section 3 a esquissé la carte d’un processus MAGC, qui comprend quatre jalons principaux et dix étapes spécifiques. Ces étapes ne doivent pas être suivies à la lettre, mais elles servent à guider le médiateur dans la gestion d’un conflit. Dans les sections qui suivent, les quatre jalons principaux sont décrits de façon plus détaillée et les activités spécifiques, les bonnes pratiques et les écueils sont examinés.

Le médiateur est le gestionnaire du processus MAGC. Les médiateurs doivent veiller à ce que les parties prenantes directement concernées assument la responsabilité de l’identification de leurs propres intérêts, de la réussite de la gestion du conflit, de la recherche de solutions et du rétablissement des relations. Le médiateur fournit une assistance procédurale au processus de communication entre les parties prenantes. La carte du processus MAGC comprend quatre jalons et dix étapes. La carte du processus aide les médiateurs à suivre le processus et à le faire avancer vers une entente. Cette «carte» n’a qu’une valeur indicative, car la méthode MAGC est un processus itératif complexe qui doit être géré avec souplesse, et qui peut avancer et reculer suivant l’évolution des circonstances. Les médiateurs doivent expliquer clairement leur mandat et leur rôle dans le contexte du conflit spécifique. Cela implique une analyse préliminaire du conflit pour expliquer clairement sur quoi il porte, ainsi que des consultations avec les parties prenantes. Les médiateurs guident les différentes parties prenantes dans leur travail d’auto-réflexion et d’auto-découverte. Ce travail est censé leur faire prendre conscience de leurs intérêts à long terme, des avantages qu’elles peuvent obtenir d’une solution négociée, et des alternatives possibles à une solution négociée. Les médiateurs réunissent les parties en cause autour de la table pour négocier les options et les modalités possibles de règlement du conflit, à travers un accord. Le principe de base des négociations est que les accords sont avantageux pour tous et ciblés sur les intérêts et les besoins sous-jacents des parties prenantes. La gestion des conflits est un processus complexe et le comportement des médiateurs n’est pas toujours bien perçu par les parties au conflit. Les médiateurs d’un conflit doivent donc suivre le processus et leur propre rôle dans ce processus. Ils doivent encourager la collaboration, éviter de faire du tort et préparer le terrain pour rétablir des relations, gérer l’information et renforcer les capacités locales de gestion des conflits.


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Entrée La présente section porte sur les étapes de la préparation et de l’entrée sur la scène du conflit. elle explique pourquoi la préparation de l’entrée est si importante; elle examine les différentes activités que comporte le processus d’entrée; elle explique la fonction de l’analyse préliminaire du conflit.

4.1 POURQUOI IL EST ESSENTIEL DE PRÉPARER AVEC SOIN L’ENTRÉE Dans le processus d’entrée, les médiateurs doivent:

expliquer leur mandat (Section 3), leur rôle et leur fonction dans le conflit; rassembler des informations générales immédiatement disponibles sur le conflit auprès de personnes bien informées, de comptes rendus écrits et d’autres sources;

identifier les parties prenantes et entrer en communication avec elles, en les consultant séparément et en écoutant comment elles «cadrent» le conflit;

élaborer une analyse préliminaire du conflit qui servira de guide pour les étapes suivantes; examiner s’il convient d’aller plus avant dans la procédure, et comment. Le processus d’entrée comprend trois étapes: Étape 1: Préparation de l’entrée; Étape 2: Entrée sur la scène du conflit; Étape 3: Analyse du conflit.

Le Jalon A prend fin lorsque le médiateur a décidé d’intervenir dans le conflit spécifique et quand cette décision a été communiquée de manière transparente aux parties opposées dans le conflit et aux autres intéressés.


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4.2 ÉTAPE 1: PRÉPARATION DE L’ENTRÉE Plusieurs activités peuvent être envisagées avant d’entrer pour la première fois sur la scène du conflit, notamment:

constituer une équipe de facilitateurs, si approprié (Sections 3.1 et 4.2.1); expliquer clairement le rôle et la fonction du médiateur: qui il est, en quoi consiste son rôle, et pourquoi il le remplit;

expliquer clairement la mission à la base de l’engagement dans la gestion du conflit: qui a demandé ou soutenu l’intervention du médiateur;

recueillir des informations générales pertinentes pour une évaluation préliminaire des problèmes et des parties prenantes du conflit;

préparer les aspects logistiques de l’entrée sur la scène; planifier à l’avance les stratégies de facilitation et les activités; auto-analyse du médiateur: objectifs escomptés, résultats à viser et hypothèses de base sur le conflit. Les médiateurs doivent être prêts à remettre en question leurs hypothèses si de nouvelles informations ou des changements dans la situation de conflit l’exigent.

4.2.1 Constituer une équipe Dans certains cas, il est préférable d’avoir une équipe de médiateurs, par exemple dans des négociations «multisites», dans des contextes multilingues, ou dans des cas exigeant des compétences techniques qui ne peuvent pas être réunies dans une seule personne. On tiendra compte des points suivants pour créer une équipe:

Les membres de l’équipe doivent avoir reçu une formation spécifique ou avoir l’expérience des tâches qui leur sont confiées (si un membre est perçu comme incompétent, cela nuit à la crédibilité et à l’efficacité de toute l’équipe).

Les éventuelles barrières linguistiques doivent être prises en compte. Si possible, au moins un membre de l’équipe parlera la langue locale. Si ce n’est pas possible, on choisira un orateur local techniquement compétent en matière de traduction et considéré comme impartial (des soupçons quant à la qualité et à l’honnêteté d’un traducteur pourraient causer de gros problèmes).

L’équipe prise dans son ensemble, et chacun de ses membres, établiront et maintiendront une approche professionnelle et impartiale.

Il pourrait être bon d’alterner les tâches entre les membres de l’équipe de médiation, en particulier pour des tâches comme la conciliation, la médiation et la finalisation des accords. Cette alternance permettrait d’améliorer les compétences des membres débutants, tout en profitant de l’expérience des plus qualifiés.

Il conviendrait de mettre au point un système de suivi de l’équipe pour la rendre plus adaptée et améliorer la qualité de ses performances. Ainsi, les membres de l’équipe pourraient discuter: de ce qu’ils feront en cas de désaccords sur la manière de procéder; de ce qu’ils feront en cas de tensions au sein de l’équipe;


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de ce qu’ils peuvent faire pour détecter des tensions; des signaux qu’ils utiliseront pour informer les autres membres de l’équipe des tensions (en particulier si les tensions surviennent lors d’une réunion publique). des stratégies à adopter pour trier les problèmes dans le processus d’équipe.

4.2.2 Recueillir des informations générales Des informations générales sont indispensables pour décider s’il convient d’intervenir en tant que médiateur et comment. Cela éclaire le médiateur sur la nature du conflit, ses origines et son évolution ainsi que sur les éventuels efforts déployés dans le passé pour le résoudre. Ces renseignements peuvent être utiles pour étudier les stratégies afférentes aux prochaines étapes du processus de gestion du conflit, par exemple, pour déterminer qui on consultera en premier. On pourra aussi s’y référer à un stade ultérieur du processus lorsque l’on aura obtenu plus de données par l’observation directe ou dans le cadre d’entretiens et lorsque l’on aura une représentation plus exacte et plus complète du conflit. Avant de se rendre sur les lieux du conflit, les médiateurs peuvent chercher des sources d’information sur la région ou la communauté, notamment sur son environnement, sa population, son histoire, les modes d’utilisation des ressources et les tendances en matière de conflit. Les articles de journaux, les rapports publiés et non publiés d’organisations ou de chercheurs spécialisés, des procès verbaux de réunions publiques et des présentations audio-visuelles (notamment des reportages radiophoniques ou télévisés) sont des points de départ très utiles. Toutes ces informations doivent être considérées comme potentiellement fausses, et seront vérifiées auprès d’autres sources et dans le cadre d’observations sur le terrain. Une fois sur le terrain, une évaluation préliminaire du conflit devrait être effectuée pour placer la dynamique du différend et les participants dans le contexte plus large des processus et des tendances relatifs aux conflits liés aux ressources naturelles locales et à leur gestion. Comme on l’a noté dans la section 2.3.2, cette évaluation devrait s’appuyer sur les capacités locales en matière de négociations consensuelles, notamment sur les cultures existantes de gestion des conflits et les approches locales de résolution des problèmes.


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4.2.3 Planifier l’action Les plans d’action définissent toutes les activités, le calendrier et le contexte de leur exécution (où, comment, qui, avec quels outils?). En outre, le processus doit être conçu dans ses moindres détails: qui sera contacté en premier? de quoi parlera-t-on? Les équipes de médiation devront en particulier:

prévoir les arrangements logistiques: Transport, hébergement, nourriture, fournitures de bureau, etc. collaborer avec les parties concernées pour fixer une date et un lieu appropriés pour les réunions: Les médiateurs ne doivent jamais oublier qu’ils sont là pour aider les populations locales à gérer le conflit. Le contexte, la date et le lieu des réunions doivent donc dans la mesure du possible être choisis en fonction des préférences et des besoins des diverses parties en cause, et non pas en fonction de ceux de l’équipe de médiation;

concevoir le processus: protocole d’accueil (cérémonies de bienvenue adaptées aux contextes traditionnels), séquence des réunions avec les différentes factions (qui, quand, où?);

préparer l’ordre du jour des premières réunions: Sujet des discussions, explication du rôle du médiateur, avantages des modes alternatifs de gestion des conflits, carte du processus, séances pour les déclarations des diverses factions et leurs perceptions du conflit;

examiner les stratégies à adopter en cas d’imprévus: Que faire en cas de problème au cours des premières réunions (les parties vraiment concernées ne sont pas là, les parties prenantes s’énervent, des perturbateurs troublent la réunion, etc.). Ils pourront ainsi s’adapter avec souplesse à des événements imprévus;

remettre constamment en question leurs propres hypothèses à propos du conflit, des parties prenantes et de l’objectif à atteindre. Ces hypothèses devraient être discutées au sein de l’équipe, documentées, et revues après chaque visite sur le terrain. Les hypothèses devraient être modifiées chaque fois que de nouveaux éléments en indiquent la nécessité. ENCADRÉ 4.1

LES PERSONNES-RESSOURCES Les tierces parties ont souvent besoin d’une personne-ressource pour faciliter l’entrée. Une personne-ressource peut par exemple organiser la première réunion entre les médiateurs et les parties prenantes du conflit. Dans certains endroits, des fonctionnaires des administrations locales peuvent remplir ou tenter de remplir cette fonction. Dans d’autres cas, le choix peut se porter sur diverses personnes (médiateurs traditionnels, chefs de groupes d’utilisateurs des ressources locales, autorités communautaires telles que chefs d’un clan familial ou d’un village, vulgarisateurs ou autres agents de développement, etc.). Si un médiateur choisit une personne-ressource qui est perçue comme partiale, cela peut bloquer le processus car le médiateur sera lui aussi perçu comme partial. Les autorités locales doivent être traitées avec le respect et la considération qui leur sont dus, mais les fonctionnaires des administrations locales ou les chefs de villages ne sont pas nécessairement neutres et ils peuvent même être parties prenantes dans le conflit.


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4.3 ÉTAPE 2: ENTRÉE SUR LA SCÈNE DU CONFLIT Quelle que soit la manière dont les médiateurs entrent dans un différend, ils doivent accomplir certaines tâches spécifiques au début du processus de négociation. Un médiateur externe doit tout d’abord instaurer un rapport et un climat de confiance avec les parties opposées dans le conflit. Tous les médiateurs, internes et externes, doivent évaluer si l’intervention d’une tierce partie a quelque chance d’être efficace. Si c’est le cas, ils doivent expliquer quel sera son rôle. Trois aspects essentiels devront retenir leur attention.

Les parties opposées dans le conflit sont-elles disposées à négocier? Deux facteurs influencent leur réceptivité. Le premier est leur motivation à parvenir à une entente, qui dépend de l’idée qu’elles se font de la situation du conflit et des coûts et avantages de sa résolution. Le deuxième est le degré d’optimisme des acteurs, qui est fondé sur leurs capacités, leurs expériences antérieures et leurs ressources (Faure, 2003). Si les parties sont prêtes à négocier, sont-elles suffisamment motivées? Quels sont les éléments qui incitent les parties à s’engager dans des négociations consensuelles? Comment les parties ont-elles tenté de résoudre le conflit dans le passé? Quelles sont les options dont elles disposent actuellement pour gérer ou résoudre le conflit? En quoi les disparités de pouvoir ou de force entre les parties concernées peuvent-elles avoir une incidence sur leur capacité de s’engager dans des négociations consensuelles? Si le déséquilibre est poussé à l’extrême, il incombe à la tierce partie de garantir au moins un certain équilibre procédural. Dans certaines circonstances, il faut également renforcer les capacités de la partie la plus faible. Jusqu’à quel point est-il possible de faciliter la communication directe, les échanges ouverts et les processus de compréhension et de résolution des problèmes entre les parties en conflit? Quelles tâches doivent accomplir les médiateurs? Comment le processus peut-il être conduit pour s’assurer que les parties le prendront en charge et que le médiateur pourra se retirer progressivement? Pendant l’étape d’entrée, les médiateurs:

établiront un premier contact en trouvant une personne neutre et digne de confiance, ainsi qu’un lieu pour le premier contact avec les problèmes. L’entrée par l’entremise d’un tiers sera envisagée si le médiateur n’est pas connu localement, s’il est soupçonné de parti pris ou s’il n’inspire pas confiance;

expliqueront leur rôle vis-à-vis des parties prenantes du conflit, en se présentant dans le respect des usages locaux, en expliquant leur mandat, leur rôle et leurs tâches, et en présentant les principes de base des MAGC, à savoir: approche coopérative de résolution des problèmes basée sur un apprentissage mutuel; recherche d’avantages mutuels, dans la mesure du possible: résultats gagnant-gagnant, contrairement à l’arbitrage qui produit un gagnant et un perdant; surmonter ou atténuer un conflit pour améliorer les moyens d’existence des populations; accords volontaires et entre les mains des parties prenantes du conflit; le médiateur est chargé de guider les parties prenantes tout au long du processus. Il fait en sorte que tous les points de vue et tous les intérêts soient pris en considération et que le processus de négociation soit aussi équitable que possible. Il n’est pas responsable du résultat. La résolution positive d’un conflit dépend avant tout des parties directement concernées et aucun processus, aussi bon soit-il, ne garantit que des personnes qui ne veulent pas se mettre d’accord seront amenées à le faire;


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s’efforceront de susciter la confiance», en tant que personnes ou équipe, et de donner confiance dans le processus de gestion du conflit: les médiateurs expliqueront clairement leur rôle et la procédure. Il est important qu’ils informent les parties en cause du processus pour: minimiser les surprises qui pourraient résulter d’incompréhensions; faire comprendre l’enchaînement des étapes pour que les parties sachent à quoi elles doivent s’attendre et les rôles qu’elles seront appelées à jouer; obtenir des participants des informations en retour reflétant leurs réserves quand à la procédure. Il est important que le médiateur établisse sa crédibilité et celle de la procédure pour inciter les parties prenantes à tenter l’expérience.

N O T E D U F O R M A T E U R : Les médiateurs ne doivent pas susciter des attentes auxquelles ils ne pourront pas répondre. Le processus MAGC a pour objet de guider les participants pour qu’ils apprennent à résoudre eux-mêmes leurs problèmes. Il n’a d’utilité que si les parties sont prêtes à chercher un accord et disposées à le faire ensemble. Il peut aider les parties prenantes à rétablir leurs relations, mais il ne résoudra pas tous les problèmes d’une communauté et ne garantira pas en lui-même le maintien de la paix dans la communauté.


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4.4 ÉTAPE 3: ANALYSE DU CONFLIT L’analyse préliminaire d’un conflit cherche à donner une première idée de la situation. Elle comprend une analyse des capacités locales en matière de gestion du conflit et des moyens de les renforcer, ainsi qu’un examen des tentatives de gestion du conflit passées et des raisons de leur échec. L’analyse préliminaire du conflit aide à clarifier les hypothèses et à approfondir la compréhension d’un conflit et des stratégies permettant de le résoudre. Elle a pour objet de définir une ligne d’action appropriée et le rôle que doivent jouer les médiateurs. Les médiateurs doivent avoir une idée des limites du conflit et des parties prenantes impliquées pour pouvoir décider en connaissance de cause s’ils ont les capacités voulues pour intervenir utilement. Faute de temps et de ressources, il n’est généralement pas possible de procéder à des enquêtes longues et détaillées. L’analyse du conflit doit être orientée vers l’action et l’on peut envisager d’appliquer les principes des évaluations rurales rapides, à savoir:

ignorance optimale: «savoir ce qui vaut la peine d’être connu»; degré de précision approprié: choisir des normes de précision qui ne seraient peut-être pas acceptables pour la recherche scientifique, mais qui permettent une prise de décision responsable;

itération: avancer par cycles, comme dans un processus d’apprentissage continu; exploration: appliquer le principe de sérendipité «découvrir par chance ou sagacité des résultats qu’on ne cherchait pas»;

éclectisme: choisir et accepter librement à partir de diverses sources; triangulation: envisager les problèmes sous différents angles (trois au moins). Ce principe est essentiel pour l’étude de la composition d’une équipe, des unités d’observation, des sources d’information et des méthodes de recherche;

apprentissage: l’évaluation rurale rapide est un processus d’apprentissage, et non pas une simple collecte d’information. Ce processus suppose d’apprendre par le biais d’une interaction avec les personnes, et d’apprendre non seulement des choses sur les personnes mais avec des personnes. Comme on l’a déjà noté, l’analyse du conflit commence avant l’entrée sur la scène du conflit, avec un examen des sources écrites (y compris des rapports non publiés), des discussions avec des chercheurs et des professionnels qui connaissent bien le domaine, et un examen des comptes rendus audio-visuels. Dès l’entrée sur le terrain, les médiateurs devraient rencontrer la personne-ressource et les autorités ou les dignitaires locaux. Les protocoles peuvent être une autre source d’informations. Il faut essayer d’obtenir le plus grand nombre de points de vue locaux possible, à travers des entretiens informels, des interviews de groupe (y compris des groupes de discussion structurés) et des réunions avec des informateurs-clés (personnes connaissant particulièrement bien un sujet). Dans toute recherche, on doit s’assurer que les personnes rencontrées représentent effectivement les groupes de parties prenantes. Comme le note Chambers (1983), afin d’éviter la partialité de


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certains individus ou groupes d’élite, il faut trouver un éventail de personnes et de points de vue différents – représentants officiels et non officiels, hommes et femmes, jeunes et vieux, personnes d’âge moyen, pauvres et riches, etc. On peut cependant aussi apprendre beaucoup de choses en marchant, en observant, en posant des questions et, surtout, en écoutant. Dans l’évaluation préliminaire, on doit rechercher des informations sur (voir aussi Goodhand, Vaux et Walker, 2002):

La nature du différend et du conflit qui le sous-tend: Quelles sont les ressources impliquées et où se trouvent-elles? Quand et comment le conflit s’est-il manifesté? Qu’est-ce qui semble l’avoir déclenché, et qu’est-ce qui semble l’avoir causé?

Les parties prenantes ou groupes d’intérêt: Qui a attiré pour la première fois l’attention du public sur le conflit? Qui sont les personnes impliquées, directement ou indirectement? Quels sont leurs intérêts? Quelles sont leurs relations réciproques, et quelle est l’histoire passée du conflit? De quels moyens disposent les parties prenantes pour influencer le conflit, positivement ou négativement? Quelles sont les motivations qui les poussent à poursuivre le conflit, à le gérer ou à le résoudre? Quelles règles, valeurs ou connaissances les parties opposées font-elles valoir à l’appui de leurs revendications?


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L’évolution des conflits et les capacités locales permettant de les gérer: Comment ont évolué les conflits et la gestion des ressources naturelles sur le court et le long terme? De quels moyens disposent les populations et les institutions locales qui s’occupent de gestion des conflits pour régler ce différend? Y a-t-il déjà eu dans le passé des tentatives de gérer ce conflit? Si oui, en quoi ont-elles consisté et pourquoi n’ont-elles pas réussi? Les institutions locales ont-elles des chefs, des pouvoirs, des ressources pour s’acquitter de leurs rôles et de leurs obligations essentiels, ou reçoivent-elles des incitations à cette fin? Quelles sont les tendances générales dans la communauté, en matière de conflits et de gestion des conflits? Quels sont les risques si le conflit actuel sur les ressources naturelles se poursuit? L’évaluation préliminaire peut contribuer à améliorer la capacité de réponse et l’efficacité des médiateurs en aiguisant leur compréhension du conflit, par exemple en attirant leur attention sur des personnes, des processus ou des événements qui ont été négligés. Les informations obtenues peuvent aider les médiateurs à mieux assumer leur rôle, ou indiquer la nécessité de redéfinir leurs fonctions. L’évaluation peut par exemple suggérer que les institutions locales sont à même de gérer le conflit sans l’appui de médiateurs externes, ou encore indiquer que les médiateurs devraient se concentrer sur un aspect spécifique, comme réconcilier les parties, donner des avis sur les options de gestion du conflit ou aider des gestionnaires de conflit locaux à assurer la médiation dans les négociations. En outre, l’évaluation peut indiquer que la situation est trop explosive ou dangereuse pour que l’on se risque sur la voie des négociations consensuelles. Ainsi, une multiplication des armes automatiques dans la zone peut avoir un effet dissuasif sur la participation, car les individus craignent une escalade de la violence.

N O T E D U F O R M A T E U R : La Section 5 explique comment conduire l’analyse d’un conflit et décrit les outils qui peuvent la faciliter. L’Annexe 2 est un guide pratique simple sur chacun de ces outils, avec des applications pratiques sur le terrain. Sur la base de l’analyse préliminaire du conflit, le médiateur ou l’équipe de médiation peut évaluer les probabilités de réussite des négociations en répondant aux questions figurant dans l’aide-mémoire ci-dessous:

Quelles sont les causes profondes du conflit et sont-elles négociables? Comment les causes/interconnections identifiées ont-elles des probabilités de se manifester et d’être cadrées par les parties qui s’opposent dans le conflit, et comment vont-elles probablement émerger, comme problèmes, dans le processus de négociation?

Toutes les parties prenantes du conflit ont-elles indiqué qu’elles souhaitaient et pouvaient s’engager dans des négociations?

Les services d’un médiateur semblent-ils nécessaires? Toutes les principales parties prenantes du conflit acceptent-elles le rôle du médiateur? Toutes les parties au conflit ont-elles un poids dans les négociations? Les besoins essentiels des parties sont-ils garantis (nourriture, abri, sécurité)? Les médiateurs ont-ils des moyens, financiers et autres, suffisants pour mener à bien le processus?


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N O T E D U F O R M A T E U R : Les médiateurs doivent décider en connaissance de cause et de manière transparente s’ils veulent aller plus loin ou non, et si oui, de quelle manière. Cette décision doit être communiquée aux parties prenantes et discutée avec elles. Comme on l’a déjà noté, les médiateurs peuvent envisager un désengagement s’ils ne parviennent pas à trouver de réponse convaincante à quelques-unes des questions ci-dessus, ou s’ils estiment que leurs services ne sont pas nécessaires pour régler le conflit. Si le processus n’a pratiquement aucune chance de succès, il vaut mieux s’abstenir tout de suite plutôt que d’entamer un processus sans y croire. Parfois, lorsqu’elles se rendent compte que les médiateurs ne veulent pas poursuivre le processus, les parties prenantes du conflit sont encore plus déterminées et motivées, de sorte que le processus prend une direction plus constructive. Les médiateurs peuvent alors se désister. Si les circonstances ne sont pas favorables à un MAGC, il n’y a guère d’intérêt à insister sur cette approche. Par ailleurs, même s’il n’est pas possible de résoudre de façon pleinement satisfaisante les problème en jeu, les médiateurs peuvent décider d’entamer un processus de négociation visant à minimiser les effets destructeurs associés à de nombreuses confrontations. Il est absolument essentiel que les médiateurs prennent une décision en connaissance de cause et la communiquent aux parties en conflit. Si l’équipe a décidé de poursuivre la médiation, les étapes ultérieures sont les suivantes:

déterminer le lieu de la première réunion, en tenant compte des besoins et des préférences des populations locales, en termes de site, de date, etc.;

rencontrer séparément les parties au conflit, en leur demandant de le «cadrer» et de documenter leurs points de vue (“consultation-navette”);

décrire le rôle et la mission potentiels des médiateurs et expliquer clairement qu’ils sont là pour examiner s’ils peuvent ou non apporter une contribution utile et comment;

identifier des options par lesquelles les médiateurs peuvent contribuer à la résolution du conflit; établir un climat de confiance et des relations avec les parties prenantes du conflit pour leur donner confiance dans les médiateurs;

identifier les rassembleurs (personnes contribuant à la gestion du conflit) et les diviseurs ou perturbateurs (personnes qui provoquent une escalade du conflit et/ou qui ont intérêt à le faire durer); il est cependant important de noter qu’il est dangereux de cataloguer trop rapidement les personnes, ou de faire des stéréotypes hâtifs, en particulier quand un rapport n’a pas encore été établi; en outre, les perturbateurs et les diviseurs peuvent avoir de bonnes raisons (ou du moins des raisons compréhensibles) de se comporter comme ils le font – les médiateurs doivent se rappeler de séparer les personnes des problèmes/intérêts;

préciser si la mission et la tâche des médiateurs sont acceptées par les parties prenantes du conflit; si ce n’est pas le cas, il faut en déterminer les raisons et identifier des étapes possibles pour renforcer la confiance dans le rôle du médiateur.


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ENCADRÉ 4.2

LES “CONSULTATIONS-NAVETTES” Durant les premiers stades du processus de gestion d’un conflit, il est souvent plus approprié de consulter les différentes parties au conflit, dans le cadre de sessions séparées, en leur donnant la possibilité d’exprimer leur point de vue sur le conflit, et en leur expliquant les avantages potentiels de l’approche MAGC ainsi que le rôle du médiateur. Les parties prenantes se sentiront ainsi plus en confiance. Cette procédure est appelée “consultation-navette” . Ces consultations-navettes sont censées donner aux parties prenantes du conflit une opportunité de parler et d’exprimer leurs griefs, leurs émotions, leurs sentiments et leurs opinions. Les médiateurs peuvent soutenir ce processus par:

une écoute active: en attirant l’attention de celui qui parle sur ses sentiments et ses optinions, en parlant moins et en écoutant plus;

une reformulation de ce qu’ils ont compris, dans un langage simple et accessible; une empathie analytique: en montrant à celui qui parle qu’ils comprennent son point de vue et «se mettent dans sa peau».

À la fin du processus d’entrée, les médiateurs ont recueilli suffisamment d’informations de l’analyse préliminaire du conflit (étape 3) pour donner des conseils sur les options les plus appropriées pour avancer dans la gestion du conflit. Ils ne prendront la décision de continuer que si l’analyse préliminaire révèle qu’ils ont de bonnes chances de pouvoir résoudre les problèmes avec des négociations consensuelles.

RÉSUMÉ DE LA SECTION La Section 4 a bien montré que l’entrée sur la scène d’un conflit devait être soigneusement préparée. Avant d’intervenir activement dans un MAGC et de commencer à associer les différentes parties au conflit (parties prenantes), les médiateurs doivent expliquer clairement leur mandat (qui, quoi, comment, pourquoi?) et leur rôle dans ce contexte. Ceci implique une analyse préliminaire du conflit et une explication détaillée de ce sur quoi il porte (Section 5). Cela servira de base pour élargir l’engagement des parties prenantes (Section 6), et arriver de fil en aiguille aux négociations (Section 7).

Arriver sur le terrain trop rapidement et sans être bien préparé peut faire plus de mal que de bien. Les médiateurs doivent préparer avec soin leur entrée. Dès que les médiateurs entrent en contact avec le contexte du conflit, ils influencent sa dynamique et ses processus internes et subissent leur influence. L’entrée doit être bien planifiée pour éviter de laisser de côté des questions importantes, de contacter les «mauvaises» personnes, ou de nuire à la réputation de neutralité du médiateur.


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Dans le processus d’entrée, les médiateurs établissent un contact avec les différentes parties prenantes du conflit, expliquent clairement leur mandat, leur rôle et leurs tâches et laissent les parties prenantes exposer leur version des faits. Ce processus est important pour établir un rapport, une confiance mutuelle et des relations avec les parties prenantes. A ce stade précoce du processus de gestion du conflit, il est recommandé de consulter séparément les différentes parties en cause, dans le cadre de consultations-navettes. L’analyse préliminaire du conflit est un exercice stratégique interne qui aide les médiateurs à clarifier leurs hypothèses et à acquérir une connaissance approfondie des causes, des problèmes et de la dynamique du conflit. L’analyse préliminaire du conflit a deux objectifs:

Donner à l’équipe de médiation les éléments de base pour décider en connaissance de cause de s’engager ou de se désengager d’un conflit spécifique. Cette décision doit être communiquée aux parties prenantes du conflit.

Permettre d’explorer des stratégies sur la marche à suivre et d’élaborer des stratégies pour travailler avec chacune des parties prenantes.


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Analyse du conflit Cette section passe en revue les principaux éléments de l’analyse d’un conflit. Son but est d’identifier: à quoi sert l’analyse du conflit; les questions que l’on doit se poser dans l’analyse d’un conflit; où et quand une analyse devrait être faite dans le processus de gestion d’un conflit; qui devrait effectuer l’analyse; quels instruments peut-on utiliser pour faciliter l’analyse du conflit.

5.1 POURQUOI L’ANALYSE DU CONFLIT EST ESSENTIELLE Plus les médiateurs connaissent et comprennent les situations dans lesquelles ils travaillent, moins ils ont de probabilités de commettre des erreurs, et plus ils ont de chances d’offrir une assistance efficace aux parties prenantes. L’analyse d’un conflit est utile pour:

clarifier et hiérarchiser les divers problèmes à traiter; identifier les effets d’un conflit; identifier les causes profondes et les facteurs contribuants du conflit afin de définir des réponses appropriées;

identifier les motivations et les incitations des parties prenantes, grâce à une bonne compréhension de leurs intérêts, de leurs besoins et de leurs points de vue sur le conflit;

évaluer la nature des relations entre les parties prenantes, notamment leur disponibilité et leur capacité à négocier entre elles;

identifier les informations existantes sur le conflit, ainsi que les besoins en informations; évaluer les capacités des institutions ou des pratiques de gestion des conflits existantes à régler le litige en cause;

instaurer un rapport et une compréhension entre les parties prenantes, dans la mesure du possible;


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renforcer les capacités d’analyse et de résolution des problèmes des parties prenantes locales pour leur permettre de faire face aux conflits actuels et futurs (le renforcement des capacités est un élément majeur de l’analyse participative d’un conflit);

faire mieux comprendre les liens entre le contexte social, politique et économique plus général et les conflits liés à l’utilisation des ressources. Il existe de multiples méthodes et outils pour analyser les conflits. Aucune procédure ou pratique n’est efficace à elle seule dans toutes les situations. Cette section ne présente pas de plan, mais fournit des principes directeurs sur les types de stratégies et de techniques disponibles et sur le type d’informations qui pourraient être rassemblées.

5.1.1 Principes directeurs L’analyse

d’un conflit doit être fondée sur un large éventail de points de vue concernant les sources du conflit. Les conflits portent sur des perceptions et sur les significations que les personnes attribuent à des événements, à des politiques et à des institutions.

L’analyse d’un conflit aide les parties prenantes à prendre du recul par rapport à leurs points de vue

qui sont souvent fortement influencés par des émotions, des incompréhensions, des hypothèses, des soupçons et la méfiance. Dans les situations de conflit, l’émotion l’emporte souvent sur la logique et la raison, c’est pourquoi il est important de distinguer les opinions des faits. La recherche d’un équilibre entre les émotions et la raison (Fisher et Brown, 1988: 43-63) est un aspect important de la gestion d’un conflit, non pas parce que les faits comptent plus que les perceptions ou les sentiments, mais parce que les parties prenantes ne les traitent pas de la même manière.

Cette transformation des points de vue est vitale pour pouvoir adopter une approche de collaboration pour gérer le conflit. C’est une étape fondamentale au cours de laquelle on s’écarte des positions rigides et inflexibles pour s’orienter vers la découverte d’éventuels intérêts communs. C’est un résultat important de l’analyse qui permet de déterminer ce qu’il est possible de négocier et d’identifier des besoins ou des objectifs communs qui peuvent être satisfaits, grâce à une démarche de collaboration.

L’analyse

d’un conflit ne sert pas seulement à examiner les problèmes liés à la gestion des ressources naturelles, elle doit aussi étudier le contexte de développement plus général (social, économique et politique).

L’analyse

d’un conflit n’a qu’un caractère préliminaire et elle doit être affinée et étudiée avec attention au cours de l’avancement du processus.

L’analyse d’un conflit n’est pas une fin en soi, mais un élément du processus de définition et

d’apprentissage des problèmes (renforcement des capacités). Pour que ce processus d’apprentissage ait lieu, l’analyse du conflit doit reposer sur une approche participative. A travers les échanges d’informations, il est plus facile d’amener les parties prenantes à centrer leur attention sur les vrais problèmes dans le processus de négociations. En revanche, certaines personnes hésiteront probablement, par prudence, à révéler certains types d’informations.


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Ce qui compte, c’est de savoir ce qui vaut la peine d’être connu. Le type et la quantité d’informations

à obtenir d’une analyse du conflit varient selon les cas. On part souvent du principe qu’il vaut mieux avoir trop d’informations que pas assez, mais toutes les informations ne sont pas pertinentes, véridiques ou utiles. En outre, les besoins d’information perçus doivent souvent être redimensionnés par rapport aux contraintes de temps, de ressources ou de compétences. En tenant compte de ces limites, il importe de définir ce que l’on entend par des informations «suffisamment» détaillées, précises et fiables car au-delà de cette limite, il est inutile de recueillir ou d’analyser des données.

L’Encadré 5.1 résume les questions clés que l’on pourrait se poser dans une analyse des conflits. ENCADRÉ 5.1

QUESTIONS CLÉS POUR FACILITER L’ANALYSE DU CONFLIT

Sur quoi porte le conflit? Un conflit est souvent plus complexe qu’il n’y paraît. Comment les participants le «cadrentils»? En quoi leurs points de vue convergent-ils ou divergent-ils? Comment les autres cadrent-ils le conflit? Quels semblent être les facteurs contribuants qui ont déclenché le conflit? Y a-t-il des facteurs plus profonds, institutionnels, politiques, structurels, liés aux moyens d’existence ou d’une autre nature? Il est sans intérêt de gérer un conflit comme un événement unique et indépendant s’il est imbriqué avec d’autres problèmes plus généraux.

Qui est impliqué dans le conflit? La création d’un réel consensus suppose l’engagement de tous les groupes de parties prenantes concernés par le conflit, d’où la nécessité de les identifier avec soin. Y a-t-il des groupes qui ne sont pas présents mais qui contribuent directement ou indirectement au conflit, notamment des administrateurs, des utilisateurs des ressources issus de communautés voisines ou des migrants (pasteurs, agriculteurs ou ouvriers)?

Quelles sont les motivations ou les incitations qui poussent les parties à régler leur conflit? Il peut être difficile d’amener des personnes à régler leur conflit par des méthodes alternatives ou par d’autres moyens si elles ne ressentent pas le besoin de le gérer ou de le résoudre. En outre, des incitations économiques, politiques, culturelles ou d’une autre nature peuvent influencer les parties et leur donner envie de s’engager dans la gestion du conflit. Il est également important de découvrir s’il y a des personnes qui tireraient profit de la poursuite du conflit, ou qui s’opposeraient à toute tentative d’y mettre fin (certaines personnes ont-elles intérêt à perpétuer le conflit?).

Quelles sont les stratégies de gestion des conflits qui ont été tentées auparavant? Il est important d’analyser les stratégies qui ont déjà été essayées pour résoudre le différend. Quels résultats ont-elles donné? Quels avantages et quels inconvénients y aurait-il à poursuivre la (les) même (s) stratégie(s), pour résoudre le litige actuel?


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5.2 L’ANALYSE DU CONFLIT EN TANT QUE PROCESSUS L’analyse du conflit se fait à divers stades dans un processus MAGC. Les grandes questions sont de savoir qui effectue l’analyse et dans quels buts.

5.2.1 Jalon A: Entrée Étape 1 – Préparation de l’entrée: l’équipe de médiation examine les informations secondaires disponibles et élabore les premières idées et hypothèses concernant le règlement du conflit. C’est sur la base de cette analyse qu’elle décidera qui contacter comme partie prenante pendant l’Étape 2 – Entrée.

Étape 3 – Évaluation préliminaire du conflit: après un premier contact avec les parties prenantes durant la phase d’entrée (Étape 2), et après avoir écouté leurs exposés et leurs préoccupations, les médiateurs font une évaluation stratégique préliminaire du conflit, pour décider s’ils iront plus avant ou non dans le conflit et déterminer les prochaines étapes. S’ils décident de ne pas s’engager, ils peuvent recommander d’autres lignes d’action aux parties en conflit. Durant la phase d’entrée, l’analyse du conflit effectuée dans le cadre de l’évaluation préliminaire est un instrument stratégique qui permet aux médiateurs de planifier les étapes suivantes. Il s’agit d’une analyse «interne».


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5.2.2 Jalon B: Engagement/participation des parties prenantes L’analyse du conflit conduite durant cette étape diffère de l’évaluation initiale du conflit car ici les médiateurs aident les parties prenantes à analyser la situation par elles-mêmes. Leur tâche consiste à les aider à avancer dans un processus d’auto-réflexion et d’auto-découverte. Toutes les parties doivent être en mesure de suivre le processus, de comprendre les résultats et de savoir par quels moyens ils ont été obtenus. La principale tâche des médiateurs est d’expliquer et de visualiser chaque étape du processus et tous les résultats intérimaires.

Étape 4 – Engagement plus profond, faciliter une analyse du conflit, par les parties prenantes: Les parties prenantes du conflit réfléchissent à leurs positions, à leurs intérêts et à leurs besoins, en les comparant à ceux des autres parties prenantes. Selon les circonstances, les médiateurs peuvent conduire l’analyse du conflit dans le cadre d’une session commune avec toutes les parties prenantes ou, si les tensions sont trop fortes, séparément avec chaque groupe de parties prenantes. A un moment donné, les différentes parties prenantes devront cependant mettre en commun leurs analyses pour que chacune puisse mieux comprendre les points de vue des autres. Le but est d’aider les parties prenantes à dégager une compréhension commune de l’objet du conflit et de ce qu’il signifie et de ce qu’il implique pour chaque partie. Les différentes parties prenantes peuvent ainsi être amenées à élargir ou à rétrécir la portée des problèmes à négocier. Une fois que les parties prenantes auront pleinement compris le processus, et seulement à ce moment-là, elles seront mieux à même de résoudre leurs problèmes à l’avenir. Une analyse partielle peut avoir des conséquences négatives car elle peut se limiter à confirmer des hypothèses de principe, et laisser autant de choses dans l’ombre qu’elle n’en révèle. Par ailleurs, en se souciant trop de «faire l’analyse selon les règles», on peut entraver l’action.

5.3 LES OUTILS D’UNE ANALYSE DES CONFLITS Un conflit peut être analysé à l’aide d’un certain nombre d’outils et de techniques simples, pratiques et adaptables. L’Annexe 2 décrit en détail ces outils et donne des conseils précis sur la manière de les utiliser sur le terrain. L’application d’un outil n’est pas une fin en soi – les outils sont des moyens, ou des aides, qui facilitent l’analyse des conflits. Les outils ne sont pas non plus des processus rigides – ils doivent être adaptés en fonction des circonstances spécifiques et des exigences des médiateurs. Lorsque les médiateurs conduisent leur analyse préliminaire du conflit (étapes 1 à 3), les outils:

fournissent une «carte mentale», durant les consultations avec les parties prenantes (pour se représenter mentalement les questions à poser et les informations à recueillir);

aident à structurer l’analyse du conflit; fournissent des informations essentielles vérifiées par recoupements, en particulier quand plusieurs outils sont employés dans le même but.


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Lorsque les médiateurs guident les parties prenantes dans l’analyse de leur conflit (étape 4), les outils servent en outre à:

visualiser la situation et aider à structurer la discussion; favoriser une compréhension commune au sein d’un groupe; vérifier les informations par recoupement et faciliter les échanges de vues; permettre une compréhension commune entre les parties prenantes et les médiateurs, en ce qui concerne notamment les effets du litige et ses implications pour les moyens d’existence et les intérêts des différentes parties. Cela suppose que les outils soient utilisés avec les parties prenantes, comme un support, et non pas comme un modèle mental qui n’existerait que dans la tête du médiateur (comme c’est le cas dans l’analyse préliminaire du conflit effectuée par les médiateurs dans les étapes 1 à 3). Il peut cependant être difficile d’utiliser des outils dans certains contextes locaux, pour diverses raisons, notamment:

Différences interculturelles: Lorsqu’il existe des différences culturelles marquées entre les parties prenantes, notamment des barrières de langage, cela peut les gêner pour exprimer leurs idées, leurs pratiques et leurs intérêts. Les utilisateurs des ressources locales peuvent avoir une conception du paysage ou de la gestion des ressources complètement différente de celle qu’ont les scientifiques ou les fonctionnaires. En outre, même lorsqu’ils parlent la même langue, les gens de l’extérieur n’ont généralement pas une connaissance suffisante des populations, des événements ou des valeurs culturelles locales. Or les locaux – gens de l’intérieur – ne sont pas toujours conscients de ce que les gens de l’extérieur ne savent pas.

Analphabétisme: Certains outils ne peuvent être utilisés que si l’on sait lire ou écrire, et ils doivent parfois être adaptés ou remplacés par d’autres instruments. Il peut être nécessaire d’utiliser des outils visuels ou basés sur des images dans les communautés où très peu de gens savent lire et écrire.

Intensification des conflits: Si les tensions entre les parties prenantes sont fortes, le fait d’utiliser des outils en public peut conduire à une escalade du conflit. Dans ce cas, il peut être avisé de reporter la séance d’application pratique à un moment plus propice, ou de séparer les groupes de parties prenantes et d’utiliser les outils séparément avec chaque groupe.

Contraintes de temps, de ressources et de compétences: Comme on l’a déjà vu, l’aptitude des médiateurs et des parties prenantes à recueillir des informations peut être sévèrement limitée. Il se peut par exemple que certaines parties, notamment les autorités gouvernementales, fassent pression pour une résolution rapide du conflit, ou que l’on dispose de moyens ou de compétences insuffisantes pour accéder à des informations provenant de sites éloignés ou spécialisés (archives). Là encore, les médiateurs et les parties prenantes doivent parvenir à s’entendre sur la signification à donner à l’expression «informations suffisamment détaillées, précises et fiables». Le médiateur doit résister aux pressions qui conduiraient à une analyse du conflit trop rapide ou trop élémentaire, mais il doit aussi être capable de déterminer quand des informations obtenues sont «suffisantes». Le Tableau 5.1 recense les principaux outils d’analyse des conflits.


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TABLEAU 5.1

OUTILS D’ANALYSE DES CONFLITS (ANNEXE 2) Numéro de l’outil

Outil

Objet

1

Analyse des causes profondes

Aider les parties prenantes à examiner les origines et les causes sous-jacentes d’un conflit.

2

Analyse des problèmes

Examiner les facteurs qui contribuent au conflit et étudier plus en détail les problèmes spécifiques qui donnent lieu à un conflit spécifique, en se concentrant sur cinq catégories de problèmes: 1) problèmes d’information; 2) intérêts conflictuels; 3) relations difficiles; 4) inégalités structurelles; 5) valeurs opposées.

3

Identification et analyse des parties prenantes

Identifier et évaluer la dépendance et le pouvoir des différentes parties prenantes dans un conflit.

4

Analyse des 4R (Droits, Responsabilités, Retombées et Relations)1

Examiner les droits, les responsabilités et les avantages (retombées) des différentes parties prenantes, eu égard aux ressources naturelles, en vue d’améliorer la compréhension d’un conflit. Examiner les relations mutuelles des parties prenantes ou groupes de parties prenantes.

5

Ligne de temps du conflit

Aider les parties prenantes à examiner l’histoire d’un conflit et à mieux comprendre la succession d’événements qui ont conduit au conflit.

6

Cartographie du conflit lié à l’utilisation des ressources

Montrer géographiquement les lieux où des conflits relatifs à l’utilisation des terres ou des ressources existent ou pourraient exister dans le futur. Déterminer les principaux problèmes du conflit.

1. N.B. L’appellation 4R provient de l’anglais (Rights, Responsibilities, Returns, Relationships)


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Les outils du Tableau 5.1 sont décrits en détail dans le guide pratique de l’Analyse des conflits, qui constitue l’Annexe 2 de ce document. Les outils 1 à 5 sont des outils de base, essentiels pour une analyse approfondie du conflit. L’outil n° 6 est un outil complémentaire utile mais non indispensable dans toutes les analyses des conflits.

5.4 ANALYSE DES PROBLÈMES ET DES CAUSES PROFONDES DU CONFLIT L’analyse des causes du conflit commence par l’identification et la description du conflit, de ses limites et de ses interactions. Les éléments à explorer peuvent donc comprendre:

les origines, les niveaux et les problèmes du conflit; l’histoire et la chronologie des événements; les relations géographiques et temporelles; les interactions avec d’autres conflits; les tentatives antérieures de résolution; les domaines d’action prioritaires. Les éléments à explorer pour un conflit spécifique dépendent du contexte.

5.4.1 Explorer les origines du conflit Avant de tirer une conclusion sur les événements présents, il importe de comprendre comment les personnes interprètent ou «cadrent» l’histoire d’un conflit. Les différentes interprétations d’un événement peuvent être très instructives pour chaque camp. Un consensus relatif peut apparaître à propos de certains événements ou de leur importance, mais il se peut aussi qu’aucune version des faits ne fasse l’unanimité. L’exploration des origines du conflit a aussi pour but d’analyser de grands problèmes complexes, pouvant être des causes secondaires du conflit. Chacun de ces éléments peut ensuite être examiné plus en détail et suggérer des domaines d’action. Un conflit peut avoir son origine dans une série d’événements, des problèmes relationnels, un appui aux politiques insuffisant, les régimes fonciers et les droits de propriété collectifs, des processus de gestion peu clairs, des affrontements à propos des valeurs, etc. Le tri entre les différentes interprétations des origines d’un conflit est une opération longue et fastidieuse. Les individus identifient généralement de nombreuses causes et fournissent des interprétations différentes de leur importance relative. En outre, les causes des conflits liés aux ressources naturelles peuvent être profondément ancrées dans d’autres aspects de la vie sociale, économique, culturelle et politique.


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Explorer les causes profondes et les différencier des facteurs contribuants est une étape cruciale pour mieux comprendre le conflit. Elle aide aussi à trouver la manière la plus efficace de régler le conflit, et à déterminer si le médiateur peut contribuer de façon significative à sa gestion. La relation des équipes de médiation avec les processus de gestion des conflits existants au niveau local est importante. Un médiateur doit-il travailler avec du personnel judiciaire et administratif formel ou informel? Ou est-il préférable qu’il soit complètement indépendant? La réponse dépend bien entendu de la situation, notamment des conditions dans lesquelles le médiateur a été appelé à intervenir. Comme on l’a noté dans les Sections 2 et 4, le médiateur est censé, à travers une analyse/évaluation préliminaire, se faire une idée des processus de gestion des conflits locaux, et des efforts déployés dans le passé pour les gérer. Pour plusieurs raisons, ces processus et ces efforts doivent être étudiés plus en détail tout au long de l’évaluation du conflit. Premièrement, il faut vérifier par recoupements si les parties prenantes ont le sentiment que les institutions et les processus existants peuvent tenir compte de leurs intérêts et de leurs besoins. Dans l’affirmative, il serait intéressant que les médiateurs encouragent le recours aux institutions locales et, le cas échéant, le renforcement de leurs capacités. Dans le cas où il y a des carences au niveau des institutions ou du personnel local, le médiateur peut organiser une formation ou prévoir un autre type d’assistance pour les surmonter. Enfin, s’il comprend ce qui a marché et ce qui n’a pas marché dans le passé, le médiateur peut tirer les leçons des erreurs passées et éviter les pièges et les problèmes.

Outil de base 1: Analyse des causes profondes L’analyse des causes profondes permet de mettre en évidence les liens entre les différents facteurs et causes qui ont déclenché le conflit. Elle aide à établir des relations de cause à effet simples, révélatrices de la dynamique sous-jacente du conflit.

Outil de base 2: Analyse des problèmes L’analyse des problèmes identifie et énumère les problèmes fondamentaux qui contribuent à un conflit et débouche sur l’établissement d’une liste des cinq catégories de problèmes, que les médiateurs peuvent utiliser comme aide-mémoire.

Outil complémentaire 6: Cartographie L’établissement d’une ligne du temps du conflit permet de clarifier la séquence d’événements et de comprendre les différents stades de l’histoire d’un conflit. La cartographie est toujours utile pour mieux se représenter la dimension et les limites spatiales d’un conflit.


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5.4.2 Vérification des perceptions, des faits et des besoins en information Une bonne facilitation aide les parties prenantes à formuler ce qu’elles savent des événements, leurs hypothèses et leurs soupçons concernant un conflit. Il est rare que les parties prenantes s’entendent sur un cadrage unique du conflit. Au contraire, elles tendent à avoir une perception très différente des causes qui sont à l’origine du conflit et des facteurs qui y ont contribué. Même au sein d’un groupe, les membres peuvent avoir des souvenirs différents des faits, ou de l’enchaînement et de la signification des événements. Cela renforce la nécessité d’obtenir une myriade de points de vue des populations locales sur un conflit, et de les comprendre. Le but est d’analyser la situation sous ces différents angles avec toutes les parties prenantes, pour parvenir à identifier:

les points d’entente entre les parties; les points qui nécessitent une étude plus approfondie; les cas où des informations supplémentaires sont nécessaires pour pouvoir décider des mesures à prendre.

5.4.3 Identification des liens La cartographie des causes du conflit et de leur enchaînement permet de mieux se représenter les principaux liens entre ce qui peut apparaître comme des événements isolés. Une querelle qui semble au premier abord locale peut être alimentée par des inégalités profondes ou par des décisions prises en dehors de la zone, à l’insu des communautés éloignées. On pourrait croire que les politiques gouvernementales en faveur des peuples autochtones, les tensions de longue date entre les régimes fonciers coutumiers et nationaux, les objectifs de développement nationaux et la mondialisation sont sans influence sur la gestion des affaires courantes dans les zones éloignées, mais il s’est souvent avéré que ces facteurs avaient un impact déterminant sur les querelles locales. Pour les populations rurales en particulier, il peut être très instructif et vital pour renforcer leurs pouvoirs de prendre conscience des liens entre le contexte politique et juridique plus large et leurs propres moyens d’existence. Les médiateurs peuvent jouer un rôle utile en trouvant une approche équilibrée pour les aider à faire ces rapprochements sans les «écraser». Une communauté de vues et un terrain d’entente entre des parties locales en conflit pourront ainsi être créés.

Outil complémentaire 5: Ligne du temps du conflit La ligne du temps d’un conflit permet d’étudier les étapes d’un conflit, la manière dont certains événements sont survenus et, si possible, les actions des parties prenantes qui les ont provoqués.


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5.5 IDENTIFICATION ET ANALYSE DES PARTIES PRENANTES Au fur et à mesure qu’un conflit est défini plus clairement, on comprend mieux qui sont les différentes parties prenantes impliquées, leurs relations mutuelles et leurs rapports avec les problèmes. Dans un processus axé sur la gestion participative des ressources naturelles, une analyse des parties prenantes détermine qui devrait intervenir dans la gestion du conflit. Cette analyse devrait identifier:

qui sont les parties prenantes; le degré auquel chaque groupe de parties prenantes est affecté par le conflit; qui est le plus affecté et devrait intervenir directement dans la gestion du conflit; le pouvoir et l’influence relatifs des différents groupes sur les problèmes, y compris les éventuels obstacles qui empêchent un groupe spécifique de prendre part au processus de gestion du conflit;

les intérêts et les attentes des parties prenantes; les différentes réponses possibles des parties prenantes; les relations entre les groupes de parties prenantes; les difficultés que pourraient avoir les parties prenantes à travailler ensemble; la contribution potentielle de chaque groupe à la gestion du conflit; le degré de chevauchement entre les intérêts des individus et des groupes.

5.5.1 Qui sont les parties prenantes? Les parties prenantes peuvent être définies comme étant les individus ou les groupes qui sont affectés par le résultat d’un conflit, et ceux qui influencent ce résultat. Les parties prenantes peuvent avoir en commun une identité collective (liens de voisinage, parenté, membres de groupes d’utilisateurs des ressources) ou une caractéristique (par exemple utiliser la même ressource ou résider dans la même zone).


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Obtenir la reconnaissance par consensus de l’identité des parties prenantes impliquées et de la légitimité de leur implication est un élément essentiel de la résolution d’un conflit. Les parties prenantes tendent à avoir des points de vue divergents sur les personnes qui ont un enjeu légitime et sur celles qui doivent recevoir le plus d’attention dans la gestion d’un conflit. Établir une communication et un rapport de confiance entre des groupes est une des grosses difficultés des approches de gestion des conflits de style coopératif, car cela exige une reconnaissance et un respect mutuels accrus des intérêts, des besoins, des motivations et des rôles de toutes les parties prenantes.

N O T E D U F O R M A T E U R : Lorsque l’on classe les parties prenantes, il y a un risque qu’un groupe ou un sous-groupe soit perçu comme ayant une identité commune (que «tous ses éléments soient mis dans le même sac»). Par exemple, l’utilisation d’étiquettes du type «femmes» ou «communauté» peut masquer les intérêts divers et souvent contradictoires des membres de ces groupes. Il est donc plus utile et plus exact d’identifier les parties prenantes sur la base d’une question, d’un problème ou d’un objectif.

5.5.2 Les parties prenantes et le pouvoir La détermination du pouvoir relatif qu’a chaque groupe d’influencer l’orientation ou la résolution d’un conflit est un élément central de l’analyse des parties prenantes. Le pouvoir s’entend de la «capacité d’obtenir des résultats» (Ramirez, 1999), notamment de la capacité d’opérer des changements ou de les prévenir. Le pouvoir peut être dérivé de multiples sources. Par exemple, un enfant de quatre ans qui pleure pour avoir une sucette dans un magasin est aussi dépourvu de contrôle sur les ressources que de force physique, ce qui ne l’empêche pas d’avoir une énorme influence sur les décisions de ses parents. Ce pouvoir lui vient de son aptitude à les rallier à sa cause. L’«exemple de la sucette» montre bien que le pouvoir peut dériver des relations que l’on entretient avec les autres.

Le pouvoir peut découler de nombreuses sources, telles que:

la force physique: endurance, capacité de recourir à la violence; le charme ou le charisme personnel; la force émotionnelle: courage, autorité, engagement, intégrité; la force socio-économique et politique: contrôle de l’accès aux ressources, tenure, droits, argent, biens matériels, statut économique et social, institutions politiques, ressources humaines;

la force culturelle: normes et valeurs qui établissent, justifient ou renforcent la différenciation des rôles, des droits ou des responsabilités dans une société;

le contrôle de l’information: technique, prévisionnelle, économique et politique; les aptitudes: capacités ou compétences; l’aptitude à contraindre: menaces, accès aux médias et utilisation des moyens d’information, liens familiaux ou politiques, mobilisation d’une action directe. Un examen des sources d’influence des groupes marginaux peut suggérer de nouveaux moyens de renforcer une base de pouvoir faible, mais déjà existante. Avec qui ces groupes marginaux sont-ils en rapport dans la zone et dans la société au sens plus large? Lorsque l’on travaille avec des groupes opposés et plus dominateurs, il peut être utile de déterminer les limites de leur pouvoir ou


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le moment où ils deviennent plus vulnérables. Des mesures peuvent être envisagées pour équilibrer les rapports de force, mais les médiateurs doivent s’abstenir de prendre la défense d’une des parties car ils risqueraient de perdre leur statut de neutralité, indispensable pour assurer une médiation.

La collaboration fonctionne sur le modèle d’un partage des pouvoirs. Les parties prenantes qui se sont mutuellement autorisées à parvenir à une décision, finissent par la prendre ensemble, ce qui ne veut pas dire que les parties les plus fortes doivent renoncer à leur pouvoir ou que toutes les ressources sont équitablement distribuées. On peut véritablement parler de collaboration lorsque les parties prenantes ont approuvé la légitimité et le pouvoir de chacune d’elles à définir les problèmes et à proposer des solutions (Gray, 1989). Les grandes inégalités n’encouragent pas la collaboration. En général, les groupes qui ont du pouvoir agissent de manière unilatérale et refusent de négocier ou de collaborer. Ils peuvent contraindre les parties les plus faibles à «accepter» une décision. D’où l’utilité de découvrir le degré de pouvoir et d’influence de chaque partie prenante, le type de pouvoir dont elle dispose et d’où elle le tient.

Outil de base 3: Identification et analyse des parties prenantes L’identification et l’analyse des parties prenantes permettent de définir et d’évaluer le pouvoir et l’influence dont disposent les différentes parties prenantes d’un conflit.

5.5.3 Les relations des parties prenantes Les parties prenantes ont de nombreuses relations différentes qu’il convient d’examiner si l’on veut comprendre les conflits liés aux ressources naturelles. Ces relations sont les suivantes:

relations avec la base de ressources: droits, responsabilités et revenus (ou avantages) provenant de la ressource;

relations mutuelles (entre les parties prenantes): individuellement, en partenariats, ou dans le cadre d’alliances plus grandes. Le pouvoir et les capacités des parties prenantes sont fortement influencés par ces deux séries de relations. Les droits d’accès ou de contrôle et les avantages provenant des ressources déterminent souvent les rôles et le pouvoir des parties prenantes dans la gestion des ressources. De même, les alliances avec d’autres groupes, réseaux et actions collectives peuvent avoir un grand poids dans les négociations et être très utiles pour parvenir à des arrangements institutionnels nouveaux et nécessaires (Ramirez, 1999).


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Outil de base 4: Analyse des 4R (droits, responsabilités, retombées et relations) L’analyse des 4R définit les droits, les responsabilités et les avantages (retombées) que tirent toutes les parties prenantes concernées de l’utilisation des ressources. Les relations entre les parties prenantes peuvent aussi être dessinées sur une carte pour déterminer dans quelle mesure elles sont positives ou problématiques. Des interactions positives peuvent indiquer des possibilités de bâtir un appui et des alliances utiles pour la gestion d’un conflit.

Il peut être crucial d’examiner comment ces relations ont évolué au fil du temps et ce que l’on souhaite pour l’avenir. Ainsi, un examen des droits passés et présents des utilisateurs des ressources locales peut mettre en évidence une diminution du contrôle des moyens d’existence basés sur les ressources naturelles. De la même manière, une description des droits, des responsabilités et des avantages présents et passés liés à la gestion met en lumière les causes d’une dégradation des relations.

5.5.4 La problématique hommes-femmes L’efficacité de la gestion participative des ressources naturelles repose sur la collaboration équilibrée des hommes et des femmes, d’où la nécessité de tenir compte des questions de genre et des problèmes qui découlent de la répartition des rôles et des responsabilités, et des relations entre les hommes et les


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femmes. Les rôles dévolus à chaque sexe au sein d’une société ont une incidence sur l’équité, la richesse, le pouvoir et le bien-être. La répartition des rôles selon le sexe a une incidence sur ceux qui:

ont accès à une ressource spécifique et l’utilisent; ont des connaissances traditionnelles ou locales et les contrôlent; tirent profit des ressources naturelles, des décisions de gestion, des projets de création de revenus et des programmes de formation;

ont un pouvoir décisionnel et participent aux décisions; ont besoin d’un soutien afin que les moyens d’existence durables puissent être améliorés au bénéfice de l’ensemble de la communauté. Les dimensions de l’inégalité entre les sexes varient suivant les ménages et les groupes culturels. Ces dernières années, la question du droit des femmes à la terre a retenu davantage l’attention et plusieurs pays ont introduit une législation établissant l’égalité entre les hommes et les femmes en matière d’accès aux ressources naturelles et à la terre. Il a cependant fallu plus de temps pour mettre en œuvre les réformes connexes des lois sur le mariage et l’héritage, et globalement les femmes n’en ont retiré que des avantages limités. Dans de nombreuses régions, les décisions relatives à la terre et aux ressources naturelles, et notamment à la gestion des conflits, sont encore presque exclusivement entre les mains des hommes. Les conflits dans le domaine de la gestion communautaire des ressources naturelles découlent souvent d’inégalités entre les sexes, au niveau des rôles, des relations ou des processus. D’une manière générale, en milieu rural, les femmes sont défavorisées par rapport aux hommes car elles ont généralement:

un statut inférieur aux plans social, économique et juridique; moins accès à l’éducation et à la formation technique, au crédit, aux marchés et aux sources de financement;

très peu voix au chapitre dans les processus de planification et de décision; des droits de jouissance inexistants ou limités sur la terre, les arbres, l’eau et d’autres produits forestiers; une part plus faible des revenus provenant des ressources naturelles. Évolution des rôles: Les rôles et les relations des hommes et des femmes sont dynamiques et changeants. Les changements peuvent survenir brusquement, à l’issue de guerres, de famines et de catastrophes naturelles, ou progressivement au fil du temps. Un changement peut être perçu comme une opportunité ou comme une menace aussi bien par les hommes que par les femmes, et être une source de conflit (Fisher et al., 2000). Des conflits peuvent aussi découler de mesures imposées par des hommes et des femmes pour rétablir un équilibre dans des rôles et des processus qui ont une incidence sur les conditions de vie des femmes. Ces conflits peuvent être très manifestes - en particulier quand ils font intervenir des générations différentes, ce qui est par exemple le cas lorsque des jeunes instruits contestent ouvertement les rôles traditionnels. Cependant un conflit reste le plus souvent latent, pendant tout le temps où les femmes tentent de trouver une réponse, souvent en utilisant une gamme de stratégies indirectes. On ne s’en rend pas toujours bien compte, mais le fait que les femmes aient tant de mal à exprimer leur désaccord peut éroder ou compromettre progressivement la durabilité et l’efficacité des initiatives de gestion des ressources naturelles.


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RÉSUMÉ DE LA SECTION La Section 5 a décrit l’importance de l’analyse d’un conflit et son déroulement sur les différentes étapes de la carte du processus. L’analyse d’un conflit est un point de départ important pour l’engagement des parties prenantes (Section 6). Pour que cet engagement devienne effectif, le médiateur doit guider les différentes parties prenantes dans un processus d’auto-réflexion et d’auto-découverte. Son rôle consiste à aider les parties prenantes à conduire l’analyse par elles-mêmes. Il faudra attendre que toutes les parties prenantes aient compris les résultats et modifié leurs perceptions pour que le processus débouche sur un élargissement de leur engagement, puis sur un accord.

L’analyse du conflit est un ingrédient essentiel dans de nombreuses étapes de la carte du processus. Durant la phase d’entrée, les médiateurs effectuent une analyse «interne» du conflit, comme instrument stratégique pour planifier la suite du processus. Pendant l’engagement des parties prenantes, l’analyse sert à renforcer le travail d’auto-réflexion et d’auto-découverte des parties prenantes. L’analyse du conflit aide à identifier des domaines d’action. Quand les causes individuelles sont mieux comprises, la manière dont les parties prenantes perçoivent les événements peut être explorée et des informations supplémentaires doivent être recherchées. En fin de compte, les parties opposées dans un conflit sont mieux placées pour identifier les facteurs contribuants les plus significatifs sur lesquels il faut agir dans l’immédiat, et ceux dont le traitement demandera plus de temps. L’analyse d’un conflit peut être aidée par un certain nombre d’outils et de techniques simples, pratiques et adaptables. L’Annexe 2 donne une description détaillée de ces outils et des conseils précis sur la manière de les utiliser sur le terrain. Ils ne doivent pas être utilisés de manière rigide et ils doivent être adaptés aux exigences spécifiques des médiateurs. L’analyse des causes d’un conflit commence par l’identification et la description du conflit, de ses limites et de ses interactions. Ces éléments comprennent notamment les origines, les niveaux et les problèmes du conflit, l’histoire et la chronologie des événements, les relations spatiotemporelles, les interactions avec d’autres conflits et le classement par priorité des domaines d’action. L’analyse des causes profondes permet d’explorer les origines d’un conflit et de diviser des grands problèmes complexes en plus petites causes de conflit. Ces éléments individuels peuvent ensuite faire l’objet d’un examen plus approfondi et suggérer des domaines d’action. L’analyse du conflit identifie et fait intervenir les parties prenantes. Il est crucial de bien définir qui sont les parties prenantes affectées par un conflit et celles qui influencent le résultat. Une autre tâche fondamentale est d’aider les parties prenantes à examiner et à comprendre leurs propres intérêts et attentes, leur pouvoir relatif et leurs réactions au conflit, ainsi que ceux des autres. Elles doivent pour cela analyser leurs relations et leurs interactions, ainsi que les stratégies qu’elles peuvent adopter pour gérer ensemble le conflit.


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La détermination du pouvoir relatif dont disposent les différents groupes pour influencer l’orientation ou la résolution d’un conflit, est un élément essentiel de l’analyse des parties prenantes. Un examen des sources d’influence peut suggérer de nouveaux moyens de renforcer une base de pouvoir limitée mais déjà existante. Dans le même temps, il peut être utile de cerner les limites du pouvoir des groupes hostiles ou dominants ou le point où ils deviennent vulnérables. Cela aidera à examiner les mesures qui pourraient être prises pour rééquilibrer le rapport de force. Une gestion efficace des ressources naturelles communautaires est subordonnée à une collaboration équitable des hommes et des femmes. Il est crucial de tenir compte des questions de genre et des problèmes qui découlent de la répartition différente des rôles, des responsabilités et des relations entre les hommes et les femmes. La répartition des rôles selon le sexe dans une société a une incidence sur des grands problèmes comme l’équité, la richesse, le pouvoir et le bien-être.



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Élargissement de l’engagement des parties prenantes La présente section étudie les moyens d’engager les parties prenantes dans l’analyse du conflit et dans l’évaluation des options permettant de le résoudre de façon positive. A cette fin, elle explore: les différents rôles que peuvent jouer les diverses parties prenantes dans ce processus; les outils que peuvent employer les médiateurs pour aider les parties prenantes à analyser le conflit et à évaluer les options.

6.1 POURQUOI L’ENGAGEMENT DES PARTIES PRENANTES EST IMPORTANT La négociation et la médiation sont des processus d’apprentissage en commun. Les processus facilités par une médiation qui reposent sur l’engagement des parties prenantes du conflit favorisent ou renforcent:

Le consensus et la prise en charge des processus, ce qui se traduit habituellement par un renforcement de l’efficacité – les probabilités de parvenir à des résultats positifs sont plus grandes;

L’efficacité – l’énergie, les ressources et les activités investies dans le processus ont plus de probabilités de déboucher sur des résultats positifs si les connaissances et les aptitudes des parties prenantes sont mises à contribution;

L’équité, dans la mesure où tous les besoins et tous les intérêts des parties prenantes sont pris en compte;

La transparence et la responsabilité, dans la mesure où les parties prenantes du conflit ont un pouvoir de décision sur leur vie présente et future;

La durabilité et l’impact – un accord a plus de chances d’être respecté s’il a été élaboré par les personnes directement concernées. Le rôle du médiateur consiste à guider les différentes parties prenantes dans un processus d’autoréflexion et d’auto-découverte. Ce processus, initié dans l’analyse participative du conflit, consiste dans sa phase successive à amener les parties prenantes à prendre conscience de leurs intérêts à long


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terme, des avantages qu’elles peuvent obtenir d’une solution négociée, et des éventuelles alternatives dont elles disposent. Les médiateurs doivent aider les parties prenantes à identifier leurs intérêts sousjacents et à centrer leur attention sur leurs intérêts et leurs besoins, plutôt que sur des positions rigides. L’identification d’une gamme de besoins (ou d’intérêts) aussi large que possible et des approches de négociation permettant d’y répondre incitent fortement les parties prenantes à s’engager. L’élargissement de l’engagement des parties prenantes comporte deux étapes: Étape 4: engagement plus profond – les parties prenantes analysent le conflit; Étape 5: élaboration et évaluation des options.

Le jalon B est achevé lorsque chacune des parties au conflit (parties prenantes) a identifié ses propres intérêts, examiné des stratégies pour gérer le conflit et s’est déclarée prête à négocier avec les autres parties pour parvenir à un accord.

6.2 ÉTAPE 4: ENGAGEMENT PLUS PROFOND – LES PARTIES PRENANTES ANALYSENT LE CONFLIT L’évaluation préliminaire du conflit (étape 3, Section 4.4) et l’analyse du conflit (Section 5) aident à déterminer quels sont les individus et les groupes qui doivent intervenir directement dans la gestion du conflit, s’il convient d’aller plus avant dans les négociations et, si oui, comment. L’analyse initiale des parties prenantes débouche souvent sur l’établissement d’une longue liste de parties prenantes affectées ou influencées par l’issue d’un conflit. Il faut parfois du temps pour arrêter la liste finale. Il arrive que des contraintes pratiques obligent à la raccourcir pour n’inclure que les parties prenantes clés. Dans d’autres situations, une participation plus large est nécessaire pour obtenir suffisamment d’informations sur les causes et les perceptions du conflit. Au bout du compte, il faut que l’on sache bien qui a arrêté la liste de parties prenantes, quand, et pourquoi il a été décidé qu’elle serait courte ou longue. La liste des individus et des groupes qui sont considérés comme des parties prenantes devrait être fréquemment révisée.


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Il est toujours extrêmement difficile d’établir une liste bien équilibrée et de sélectionner les parties prenantes. L’un des principaux domaines de discussion, et généralement de controverses, est la sélection des parties prenantes clés ou principales. Les critères de sélection dépendent dans une large mesure des objectifs et des résultats escomptés du processus de gestion du conflit:

Les parties prenantes principales sont celles qui sont le plus affectées ou qui ont le plus d’influence. Ce sont généralement celles qui dépendent le plus de la ressource en question et/ ou qui sont le plus affectées par l’issue du conflit (le conflit a une incidence sur leurs principaux moyens d’existence).

Les parties prenantes secondaires sont celles qui sont affectées dans une moindre mesure ou moins directement par le résultat d’un conflit. Par exemple, le conflit est sans incidence sur leurs moyens d’existence principaux, mais elles peuvent influencer le processus de gestion du conflit, ou subir son influence. Pour inscrire un groupe spécifique parmi les parties prenantes principales ou secondaires, on doit généralement examiner les options de rechange dont disposerait ce groupe si le résultat du conflit ne répondait pas à ses attentes.

N O T E D U F O R M A T E U R : Pour parvenir à une collaboration et à une gestion efficace, les groupes qui ont beaucoup de pouvoir et d’influence sur le résultat doivent être inclus parmi les parties prenantes principales. Si ces parties prenantes n’interviennent pas directement, il y a peu de chances pour qu’elles acceptent les solutions ou soutiennent la mise en œuvre. Les parties prenantes secondaires peuvent jouer un rôle important dans le processus d’engagement des parties prenantes (Encadré 6.1). ENCADRÉ 6.1

RÔLE ET FONCTIONS DES PARTIES PRENANTES SECONDAIRES Les parties prenantes secondaires peuvent jouer un rôle déterminant dans la gestion d’un conflit dans les domaines suivants:

collecte et analyse d’informations – en fournissant un appui technique, en obtenant des informations ou en donnant des conseils à ce sujet, en participant à la recherche de points de vue sur des solutions possibles, ou en rendant plus acceptables les divers résultats;

plaidoyer – en travaillant aux côtés des parties plus faibles pour bâtir un processus transparent, ou en aidant les décideurs dans la promotion d’une plus grande équité;

médiation - en servant d’intermédiaires entre d’autres groupes en conflit; suivi et mise en application – en garantissant le respect des accords en aidant à mettre en application ceux qui auraient été enfreints. Les parties prenantes secondaires peuvent avoir un rôle efficace sans intervenir directement dans des négociations formelles. Elles peuvent par exemple prendre part à des discussions de groupe, à des groupes consultatifs ou à des groupes de travail, à des enquêtes ou à des entretiens, et à des réunions communautaires.


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6.2.1 Facilitation de l’analyse du conflit des parties prenantes La clarification des problèmes et la distinction entre les causes profondes (ou sous-jacentes) et les facteurs contribuants permettent de mieux comprendre le conflit dans toute sa complexité. Sans cette compréhension il serait difficile, sinon impossible, de sélectionner des stratégies appropriées pour gérer un conflit. Dans la plupart des conflits, les causes sous-jacentes sont liées aux intérêts, à l’idéologie, aux relations, à l’information et aux inégalités structurelles. L’identification des différentes causes d’un conflit aide les parties prenantes à définir des réponses appropriées. Les médiateurs guident les parties prenantes à travers les étapes suivantes de l’analyse du conflit:

Clarification des problèmes: Que s’est-il passé, où, quand, qui l’a fait, comment et quelles sont les conséquences? (Outil de base N° 2: Analyse des problèmes).

Analyse des causes profondes: Décomposition d’un conflit complexe en enchaînements de cause à effet simples. Ceci permet de déterminer quelles sont les causes les plus importantes et les moins importantes, et d’identifier les principaux problèmes à traiter (Outil de base N° 1: Analyse des causes profondes).

Analyse des parties prenantes: Identification des parties prenantes impliquées dans le conflit, de leur pouvoir relatif et de leurs relations mutuelles (Outil de base N° 3: Identification et analyse des parties prenantes).

Analyse des 4R: Exploration et analyse des droits, responsabilités et avantages que les parties prenantes du conflit retirent des ressources en jeu, et examen de leurs relations mutuelles (Outil de base N° 4: Analyse des 4R).

Modèle des niveaux du conflit: Identification des différences – puis des points communs - entre les parties prenantes, au niveau des positions, des intérêts et des besoins (Outil de base N° 5: Modèle des niveaux du conflit ou «oignon du conflit»).

N O T E D U F O R M A T E U R : Ces outils d’analyse du conflit sont présentés de façon succincte à la Section 5. Pour une description plus détaillée de chaque outil, on peut se reporter à l’Annexe 2. Dans les conflits caractérisés par de fortes tensions, il peut être plus approprié de faire intervenir les différents groupes de parties prenantes dans l’analyse du conflit, dans le cadre de sessions séparées. Elles pourront ainsi clarifier leurs positions, leurs intérêts et les options dont elles disposent dans un contexte neutre. Dans certaines circonstances, on peut toutefois faire intervenir toutes les parties prenantes du conflit ensemble, dans une session commune, mais cette solution ne sera envisagée que si les problèmes ne sont pas trop complexes et si le risque d’une «escalade» des émotions est limité.

6.2.2 Facilitation de l’analyse des intérêts des parties prenantes Si les parties s’engagent dans la gestion d’un conflit, c’est parce qu’elles ont des intérêts sousjacents qu’elles veulent faire valoir et respecter. Elles identifient cependant rarement leurs intérêts de manière claire et directe, probablement pour les raisons suivantes (Moore, 2003):

elles ne savent pas elles-mêmes quels sont leurs véritables intérêts; elles pensent pouvoir obtenir davantage du règlement du conflit si les parties adverses ne savent pas ce qu’elles veulent;


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elles ont adopté des positions tellement fermes qu’elles ont perdu de vue leurs intérêts et les confondent avec leurs positions. Il est indispensable que les parties opposées dans un conflit comprennent leurs intérêts et ceux des autres pour pouvoir parvenir à des résultats plus productifs et plus satisfaisants. L’étude des intérêts est facilitée si chaque partie croit que:

Toutes les parties ont des intérêts et des besoins qu’elles estiment importants et légitimes. Une solution devrait être conforme au plus grand nombre d’intérêts du plus grand nombre de parties prenantes possibles.

Il y a toujours plusieurs solutions acceptables à un problème. Tout conflit comporte des intérêts compatibles, et des intérêts conflictuels. Le modèle des niveaux du conflit (ou «oignon du conflit», Figure 6.1) aide les parties opposées dans un conflit à réfléchir à leurs propres positions, intérêts et besoins et à mieux comprendre ceux du camp adverse. Le modèle des niveaux du conflit est fait de cercles concentriques représentant respectivement les besoins, les intérêts et les objectifs, ou positions, des diverses parties opposées dans un conflit, divisés en catégories différentes – positions, intérêts et besoins. La couche externe de l’oignon représente les positions publiques des différents groupes opposés (ce qu’ils disent et ce qu’ils font). La deuxième couche représente leurs intérêts – ce qu’ils veulent obtenir d’une situation donnée. Au centre, se trouvent les motivations les plus profondes – les besoins qui doivent être satisfaits. Alors que les intérêts sont souvent négociables, les besoins essentiels, comme la reconnaissance, ne le sont généralement pas.

N O T E D U F O R M A T E U R : Les médiateurs doivent aider les parties prenantes à bien comprendre la différence entre les positions et les intérêts: les positions sont ce que les gens disent qu’ils veulent dans un conflit. les intérêts sont ce que les gens veulent vraiment et ce qui les motive. Les intérêts s’inscrivent davantage dans le long terme et reflètent les attentes plus générales d’une personne ou d’un groupe. Certains intérêts peuvent être essentiels pour toutes les parties et avoir été négligés. Ces intérêts communs sont par exemple d’atténuer les conflits, de retrouver une atmosphère plus paisible et de rétablir des relations saines. Les parties prenantes peuvent être lasses des querelles qui empoisonnent leur vie quotidienne et avoir envie d’avancer. Le médiateur peut rappeler aux parties prenantes les conséquences de la violence, le coût du conflit et, éventuellement, les conséquences néfastes pour leur image ou leur légitimité publique. Si les parties prenantes sont assurées que leurs intérêts seront pris en compte, elles seront fortement incitées à s’engager, surtout après un conflit prolongé. Les positions prises par les utilisateurs locaux des forêts et l’institution de conservation des forêts dans l’«oignon du conflit» (voir Figure 6.1) semblent tout à fait incompatibles et il ne semble guère y avoir de place pour la négociation. Les premiers demandent que la réserve forestière soit remise sous un système de tenure coutumier alors que l’institution demande que l’on interdise l’utilisation de la réserve aux populations indigènes.


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FIGURE 6.1

L’«OIGNON DU CONFLIT»: DISTINGUER LES INTÉRÊTS DES POSITIONS

ORGANISATION COMMUNAUTAIRE LOCALE REPRÉSENTANT LES UTILISATEURS INDIGÈNES DES FORÊTS

• Demande de fonds pour des projets générateurs de revenu • Demandes au gouvernement: remettre la réserve forestière sous un régime de tenure coutumier

• La forêt doit rester accessible aux communautés indigènes • Amélioration des sources de revenu locales • Participation des communautés aux décisions concernant la gestion de la forêt

INSTITUTION DE CONSERVATION DES FORÊTS

POSITION Ce que l’on dit que l’on veut INTÉRÊT Ce que l’on veut vraiment

BESOINS Ce que l’on doit avoir

• Sécurité alimentaire • Reconnaissance par le gouvernement des valeurs culturelles locales et de l’utilisation coutumière de la forêt • Les populations indigènes ont besoin d’argent pour couvrir les besoins familiaux de base

• Interdire l’utilisation de la réserve forestière aux populations indigènes; • Maintenir telle quelle la protection de la réserve forestière • Conserver une influence sur la gestion de la réserve forestière • Limiter l’impact de l’exploitation forestière • Fonder les décisions concernant la gestion de la réserve sur des principes scientifiquement rationnels • Aptitude de l’institution à mettre en application les directives de gestion • Protection à long terme de la biodiversité forestière • Poursuite du financement des programmes forestiers • Préserver la réputation de l’institution en matière de conservation des forêts.

Source: Adapté de Fisher et al., 2000


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Cependant, si l’on examine la situation sous l’angle des intérêts, les choses changent. L’exploitation à impact limité ou le désir de fonder la gestion sur des principes scientifiquement rationnels pourrait être compatible avec la participation des communautés aux décisions de gestion et avec l’amélioration des sources de revenu locales. En se concentrant sur des positions inflexibles, au premier degré et souvent profondément ancrées, on réduit la créativité et on restreint l’exploration des options permettant de résoudre le conflit. Les intérêts sont souvent nombreux et variés. Certains sont contradictoires ou s’excluent mutuellement, alors que d’autres (Figure 6.2) peuvent être convergents, compatibles et communs à tous les groupes. Lorsque les parties prenantes d’un conflit ont identifié des intérêts mutuels dont tous peuvent retirer des avantages, elles sont parvenues au point d’où peut partir le processus de gestion du conflit proprement dit. Une fois qu’elles ont identifié et différencié leurs positions, leurs intérêts et leurs besoins, les parties prenantes doivent se pencher sur les intérêts et les besoins probables des autres groupes. Pour faire un pas de plus, en passant de la rivalité à la collaboration, elles doivent comprendre:

en quoi ces intérêts et ces besoins sont liés ou interdépendants; qu’elles peuvent obtenir plus en coopérant qu’en se mettant en compétition. FIGURE 6.2

RENFORCER LES POSSIBILITÉS DE COLLABORATION: PASSER DES POSITIONS AUX INTÉRÊTS

POSITION

POSITION

PARTIE A

PARTIE B

INTÉRÊT

INTÉRÊT INTÉRÊT MUTUEL

Source: Adapté de Grzybowski et Morris, 1998


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N O T E D U F O R M A T E U R : L’approche consistant à concilier des intérêts plutôt que des positions fonctionne pour deux raisons. Premièrement, un intérêt peut généralement être satisfait par plusieurs positions. Or, trop souvent, les gens se contentent d’adopter la solution la plus évidente. Deuxièmement, derrière les positions des personnes se cachent souvent beaucoup plus d’intérêts communs et compatibles que d’intérêts opposés. ENCADRÉ 6.2

PROCÉDURES DE DÉCOUVERTE DES INTÉRÊTS Les médiateurs peuvent adopter diverses approches pour aider les parties opposées dans un conflit à mieux comprendre leurs intérêts réciproques. Leur principale tâche consiste à poser des questions supplémentaires et à expliquer les réponses données. Ils doivent ensuite s’assurer que les réponses sont claires et comprises par tous, ce qui les oblige souvent à recadrer ou à synthétiser les réponses données par les parties.

Questionnement direct: Enquêter sur les intérêts sous-jacents des parties en demandant: «Pourquoi est-ce important pour vous?» Répéter plusieurs fois la question «pourquoi» jusqu’à ce que la liste des intérêts énumérés couvre l’ensemble complet des besoins et des craintes. Puis inverser le mouvement en posant la question «Pourquoi pas?». Quelles raisons un groupe a-t-il de ne pas satisfaire les besoins ou les intérêts de l’autre, ou des autres? Pour favoriser une compréhension mutuelle, les médiateurs peuvent aussi demander aux parties opposées d’expliquer les intérêts des autres, tels qu’ils les perçoivent ou les imaginent. Recadrage: En gros, il s’agit d’encourager les gens à modifier leurs hypothèses et leurs perceptions d’un conflit. Un recadrage s’impose surtout quand des déclarations agressives ou injurieuses sont faites. Le médiateur tente de recadrer la déclaration, de façon à ce que les parties puissent l’aborder plus facilement. Lors du recadrage, les médiateurs doivent énoncer clairement le problème, sans favoriser ni blâmer une partie. Synthèse: Une synthèse est recommandée lorsqu’une personne a parlé pendant très longtemps dans des termes vagues et confus, ou lorsqu’il est évident que d’autres parties n’ont pas compris ce qu’elle disait. Le médiateur résume les principaux points de la déclaration et demande à celui qui parlait de confirmer que cette synthèse résume bien ce qu’il voulait dire.

Une fois que le médiateur et les parties prenantes du conflit ont identifié les intérêts de toutes les parties, ils sont confrontés à au moins un des cas suivants. Les intérêts peuvent être:

incompatibles, ou s’exclure mutuellement, la satisfaction des intérêts d’une partie excluant la possibilité de satisfaire ceux des autres;

mixtes, les parties ayant à la fois des intérêts compatibles et des intérêts incompatibles; compatibles, les parties ayant des besoins similaires et non exclusifs.


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Même si les parties acceptent d’identifier et d’explorer les intérêts ensemble, cela ne signifie pas qu’elles sont d’accord avec les intérêts des autres. En effet, il y a une grande différence entre accepter et être d’accord. Accepter c’est être disposé à recevoir, ici dans le sens de comprendre, et reconnaître qu’une personne a des pensées et des sentiments précis sur une chose (ou une autre personne) et accepter d’être informé de ces pensées et ces sentiments. Être d’accord, c’est penser et ressentir la même chose sur une chose ou une personne; être dans le même état d’esprit que l’autre. À ce stade, l’acceptation est importante; l’une des principales fonctions du médiateur consiste à s’assurer que chacune des parties au conflit accepte les intérêts des autres parties (ou en prend acte) sans pour autant nécessairement être d’accord. Parfois le processus de gestion d’un conflit s’enlise parce que les parties n’ont pas trouvé de déclaration mutuellement acceptable qui explique clairement sur quoi porte le conflit. L’acceptation mutuelle est bloquée par l’attitude négative et hostile qu’adoptent les parties prenantes pour exposer leurs intérêts. Il incombe alors au médiateur d’amener les parties à recadrer leurs intérêts, en les aidant à supprimer toute déclaration inutile au profit de déclarations susceptibles d’aider à résoudre le conflit de manière positive (Moore, 2003). Les médiateurs peuvent aussi choisir de recadrer euxmêmes les intérêts des parties. La clé du recadrage est de clarifier et de dévoiler la signification, les besoins, les intérêts ou les préoccupations présentés dans une vision/description du conflit et de les présenter sous un nouveau jour plus acceptable pour toutes les parties. Cela suppose souvent de tempérer les émotions fortes contenues dans un message. Ainsi, le message «Vous devez être extrêmement dur et égoïste pour proposer une solution qui n’avantage que votre famille. Toute la communauté pâtit de votre comportement peu coopérant» peut être recadré, ou reformulé de la façon suivante: «Il est peut-être bon de chercher une solution qui tienne compte des intérêts de votre famille, mais aussi de ceux des autres membres de la communauté».

6.3 ÉTAPE 5: ÉLABORATION ET ÉVALUATION DES OPTIONS DE RÈGLEMENT 6.3.1 Identification d’options pour régler le conflit Les options doivent être conformes aux intérêts des parties si l’on veut qu’elles soient considérées comme des solutions acceptables. Les médiateurs aident les parties prenantes à identifier des options pour progresser dans le conflit et, si possible, le régler. Ces options sont identifiées une fois que les parties prenantes ont analysé les causes du conflit et clarifié leurs propres positions, intérêts et besoins. Les parties prenantes ont souvent du mal à se concentrer sur les options, car


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le conflit paraît complexe et peut être resté latent pendant longtemps. Les médiateurs doivent alors les aider en:

décomposant le problème en éléments et en classant ces éléments par ordre d’importance; il est également utile de distinguer les problèmes immédiats qui nécessitent une action urgente, des problèmes sous-jacents, qui compromettent une paix durable; la résolution des problèmes sousjacents se fait généralement sur une période plus longue;

élaborer une vision des avantages qu’elles pourraient retirer à long terme d’une solution ou d’une relation viable, qui serait conforme aux intérêts de toutes les parties concernées. La technique du brainstorming (remue-méninges) est très utile pour identifier des options pour le règlement d’un conflit (Encadré 6.3). La principale règle est que toute idée émise par une personne est digne d’intérêt et doit être notée. Dans la technique du brainstorming, la production des idées est complètement séparée de leur évaluation. L’objectif est de stimuler la créativité, de dépasser les modes de pensée habituels et d’élargir les options en acceptant même celles qui, de prime abord, paraissent bizarres. Ces options pourront être classées par ordre de priorité et réduites au moyen d’autres outils à un stade ultérieur. ENCADRÉ 6.3

LES PRINCIPES DIRECTEURS DU BRAINSTORMING La technique du brainstorming vise à engendrer un grand nombre d’idées, habituellement en peu de temps. Elle permet à un certain nombre d’options d’émerger. Des solutions inattendues peuvent être proposées, qui n’auraient probablement pas été envisagées alors qu’elles peuvent jouer un rôle clé dans l’élaboration d’une solution. La technique du brainstorming repose sur les principes suivants:

Mieux vaut une idée que pas d’idée. Faire preuve de créativité et d’imagination. Penser «loin». S’abstenir de critiquer ou d’évaluer les idées.


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6.3.2 Évaluation des options: la Meilleure solution de rechange à l’accord négocié (BATNA)1 À ce stade, la principale tâche des parties consiste à évaluer dans quelle mesure leurs intérêts seront satisfaits par chacune des options ou combinaison d’options. Il faut attendre que la séance de brainstorming soit terminée et que les participants n’aient plus rien à suggérer pour évaluer les options. Le médiateur aide alors les parties à évaluer les options et à déterminer les coûtsavantages que comporterait leur acceptation ou leur rejet. Le but d’une négociation est de produire un meilleur résultat que celui qui aurait été obtenu sans la négociation. Un résultat obtenu sans négociation, ou après l’échec d’une négociation, est appelé «Meilleure solution de rechange à un accord négocié (BATNA)». La BATNA est la norme par rapport à laquelle devrait être mesuré chaque résultat. Si les parties opposées dans un conflit ne connaissent pas la BATNA, elles peuvent être trop optimistes et rejeter des accords qu’elles auraient eu intérêt à accepter, ou trop pessimistes et accepter des accords qui leur sont défavorables et qui leur apportent moins que ce qu’elles auraient obtenu autrement. Pour définir une BATNA, il faut:

faire une liste de toutes les alternatives qui pourraient être envisagées si l’on ne parvient pas à un accord;

examiner les conséquences pratiques des alternatives les plus prometteuses; sélectionner l’alternative qui semble correspondre à la BATNA la plus favorable. Chaque partie aurait également intérêt à étudier les BATNA des autres parties avant d’obtenir le plus de renseignements possibles sur leur pouvoir relatif dans la négociation. L’étude de la BATNA aide les individus à examiner les conséquences d’un résultat moins favorable et ce qu’elles peuvent faire pour renforcer leur pouvoir pour satisfaire leurs intérêts. Pour évaluer un résultat, il est bon d’imaginer et d’anticiper ce que d’autres groupes vont faire, et de se demander quelles sont les options et les motivations des autres parties prenantes. Chaque partie prenante tiendra compte de ces éléments dans son estimation des résultats qu’elle souhaite obtenir. En outre, cela met l’accent sur la nécessité d’analyser et de comprendre le conflit, en se plaçant du point de vue de toutes les parties prenantes.

N O T E D U F O R M A T E U R : La BATNA est une évaluation des options de règlement du conflit. Elle donne aux parties prenantes la confiance dont elles ont besoin pour s’engager dans des négociations avec d’autres parties prenantes, en définissant les limites des options que la partie prenante accepte de prendre en considération dans les négociations.

1. De l’anglais: Best Alternative To a Negotiated Agreement.


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Une fois qu’elle a défini une BATNA, une partie est beaucoup plus confiante lorsqu’elle entre dans un forum de discussion sur la gestion d’un conflit, car elle a clairement défini les questions qui sont négociables, le pouvoir dont elle dispose pour obtenir que ses intérêts soient satisfaits et la ligne d’action qu’elle pourra adopter au cas où les discussions n’aboutiraient pas (Fisher et Ury, 1981). Certains spécialistes de la gestion des conflits soutiennent qu’une partie ne devrait jamais s’engager dans une négociation sans connaître les autres alternatives dont elle dispose. ENCADRÉ 6.4

DIRECTIVES CONCERNANT LA BATNA

Examiner le conflit: Quels sont les problèmes qui sont au cœur de ce conflit? Qui est impliqué? Quel est le type de résultat que j’espère obtenir? Quelles sont les actions les plus appropriées pour m’aider à atteindre cet objectif? Quels seraient: le meilleur résultat? le résultat minimal? le plus mauvais résultat?

Évaluer les alternatives: Y a-t-il des points sur lesquels je ne suis pas disposé à négocier? Quelles sont les alternatives dont je dispose pour satisfaire mes intérêts, si nous ne parvenons pas à un accord?

Quelle serait la meilleure alternative, ou solution de rechange?

Renforcer la BATNA: Que puis-je faire pour obtenir satisfaction? Des ressources supplémentaires pourraient-elles être nécessaires? Aurai-je besoin de plus de temps ou d’un appui financier?

Étudier les BATNA des autres parties: Selon moi, quels sont leurs principaux intérêts? Que pourraient-elles faire si nous ne parvenons pas à un accord?


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RÉSUMÉ DE LA SECTION La Section 6 a expliqué comment les médiateurs peuvent amener les parties prenantes à s’engager dans le processus de gestion du conflit en les faisant intervenir dans l’analyse du conflit et dans l’évaluation des options permettant de le régler. On ne peut raisonnablement espérer que les parties prenantes respecteront un accord que si elles sont «aux commandes» et l’ont élaboré elles-mêmes. En faisant intervenir les parties prenantes dans l’analyse initiale, on les aide à se préparer à négocier avec d’autres parties prenantes.

Le rôle des médiateurs consiste à guider les différentes parties prenantes dans un travail d’auto-réflexion et d’auto-découverte. Ceci implique de les aider à prendre conscience de leurs intérêts à long terme, des avantages qu’elles peuvent retirer d’une solution négociée et des éventuelles solutions de rechange à une solution négociée. Les médiateurs doivent aider les parties prenantes à identifier leurs intérêts sous-jacents et à se concentrer sur ces intérêts plutôt que sur des positions fermes et inflexibles. L’analyse du conflit aide les parties prenantes à se détourner de leurs positions individuelles pour se concentrer sur d’éventuels intérêts communs. Amener les parties opposées dans un conflit à se détourner de positions rigides profondément ancrées pour se concentrer sur les intérêts communs est un aspect fondamental des approches de style coopératif. La plupart des conflits ont des problèmes sous-jacents en rapport avec les intérêts, l’idéologie, les relations, l’information et les inégalités structurelles. Dans la gestion d’un conflit, le problème clé est le conflit entre des besoins, des souhaits, des craintes et des préoccupations, et non le conflit entre des positions. La compréhension des différences entre les positions et les intérêts peut ouvrir la voie à des négociations plus efficaces. Pour amener des parties prenantes en conflit à collaborer, le médiateur les aide à comprendre leurs interactions ou leur interdépendance, et à réaliser qu’elles peuvent obtenir davantage en coopérant qu’en étant en compétition. Les médiateurs aident les parties prenantes à identifier des options pour avancer dans le processus de gestion du conflit. Ces options sont identifiées une fois que les parties prenantes ont analysé les causes du conflit et clarifié leurs propres intérêts, positions et besoins. La BATNA aide chaque partie prenante à établir et à évaluer des objectifs réalistes pour les négociations. La BATNA est le résultat qui pourrait être atteint sans négociation. C’est la norme par rapport à laquelle devraient être mesurés tous les résultats des négociations.



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Les négociations et l’élaboration des accords Cette section examine les approches à adopter pour aider les parties prenantes dans le processus de négociations. Ses objectifs sont les suivants: insister sur la nécessité de préparer avec soin les négociations pour promouvoir un engagement sincère des parties prenantes; servir de guide tout au long du processus de négociation, jusqu’à l’accord final. On notera que cette section présente une version idéalisée d’un processus de négociation et que chaque négociation se déroule d’une façon différente en fonction des circonstances spécifiques qui l’entourent. Le médiateur doit être préparé, et posséder les connaissances et les compétences requises pour faciliter les négociations.

7.1 POURQUOI LES NÉGOCIATIONS ET LES ACCORDS SONT IMPORTANTS La participation volontaire de toutes les parties prenantes clés est un élément essentiel de toute approche de gestion des conflits de style coopératif. Lorsqu’un groupe décide de négocier, cette décision n’est appliquée que si les autres parties estiment aussi qu’il est dans leur intérêt de le faire. Même s’ils tendent à vouloir trouver une solution conjointe, les individus peuvent refuser une négociation pour de nombreuses raisons, telles que des craintes persistantes, de grandes difficultés de communication, et des idées ancrées sur leurs adversaires. Les médiateurs doivent savoir que la poursuite des négociations n’implique pas nécessairement qu’une partie veuille sincèrement parvenir à une solution négociée. Les parties s’engagent souvent dans des négociations superficielles dans un but caché, notamment pour faire croire aux autres que les choses bougent, ou pour gagner du temps.


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Quelle que soit la forme sous laquelle elles se présentent, les négociations ne sont pas des processus mécaniques et elles ne sont pas nécessairement faciles. Des tensions, des frustrations et des émotions émergent presque inévitablement, même si les médiateurs se sont préparés avec soin et à temps. Les parties peuvent s’engager dans le processus lentement et avec appréhension. Elles peuvent éprouver des doutes, de la méfiance ou de la colère vis-à-vis de leurs adversaires, dont elles ne prendront vraiment conscience que quand elles se retrouveront face à face. L’une des principales tâches du médiateur est de contribuer à instaurer la confiance entre les parties et de promouvoir un apprentissage mutuel qui contribue à tempérer les émotions. Les personnes qui sont politiquement marginalisées et fortement tributaires de la base de ressources peuvent se sentir exposées et très vulnérables. Les négociations peuvent mettre en lumière aussi bien leurs espoirs que leurs craintes dans la manière dont elles protègent leurs familles, leurs amis, leurs moyens d’existence et leur culture. Alors que certains individus peuvent


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être sincèrement motivés et engagés, d’autres peuvent jouer la comédie, leurrer les autres ou mettre à l’épreuve des relations. Les membres d’un groupe peuvent commencer à avoir des soupçons sur la personne qui les représente dans le processus de négociation, et craindre qu’elle ne «change de camp» et que leurs intérêts n’en souffrent. Cela peut bouleverser l’ensemble du processus, en incitant certaines personnes à revenir sur leur engagement ou à réagir de façon négative. Le processus a souvent des conséquences notables pour certains groupes (risques élevés et avantages potentiels). Ce sont là des réalités dont il faut être bien conscient. Les médiateurs qui facilitent le processus doivent comprendre à quel point ces négociations sont délicates et importantes pour les groupes concernés. Les médiateurs doivent aussi se rappeler que les personnes qui participent aux négociations ne sont généralement pas les seules à intervenir dans la décision finale. En général, les parties au conflit représentent des groupes plus importants (famille, catégorie sociale, communauté), devant lesquels elles sont responsables et qui sont leurs mandants. Ces mandants doivent avoir une opportunité raisonnable de contribuer aux négociations et être tenus au courant des changements survenus ou des options élaborées durant le processus. Ils doivent aussi être informés des solutions possibles ou des accords qui émergent durant les négociations. L’accord final proposé ne doit pas les prendre par surprise quand il leur sera communiqué. Le processus de négociation comporte trois étapes: Étape 6: Préparation des négociations; Étape 7: Facilitation des négociations; Étape 8: Élaboration de l’accord.

Le Jalon C est achevé avec succès quand les parties aux négociations ont écouté et examiné les préoccupations et les intérêts des autres parties, élaboré ensemble des accords sur la gestion du conflit, et convenu des modalités de leur mise en œuvre et de leur suivi.

7.2 ÉTAPE 6: PRÉPARATION DES NÉGOCIATIONS Les négociations doivent être préparées avec soin par toutes les parties. Les différentes parties et le médiateur doivent:

Donner des informations sur le processus de négociation: les médiateurs doivent informer les parties prenantes des procédures de négociation, mettre le processus entre les mains des participants et maintenir leurs attentes à un niveau réaliste;

Aider à choisir un lieu et une date adaptés pour les négociations: les médiateurs doivent souligner certaines considérations (notamment en posant des questions clés) sur le contexte, la date, le lieu, etc.


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7.2.1 Donner des informations sur le processus de négociations Les médiateurs doivent mettre les parties prenantes au courant de ce qui va probablement se passer durant le processus de négociation. Ils peuvent commencer par mettre au point l’ordre du jour des négociations en concertation avec les parties prenantes, ou du moins s’assurer qu’il est accepté par tous.

Aider les parties à prendre en main le processus: Une négociation facilitée ou une médiation doit être conçue de manière à:

Permettre aux participants de prendre en main le processus, et leur donner confiance en son efficacité;

Respecter la culture, la répartition des rôles selon le sexe, les relations de pouvoir et d’autres dimensions sociales pertinentes. Cela suppose de déployer de gros efforts pour corriger les biais engendrés par ces inégalités de pouvoir.

Informer les participants des diverses options: Le médiateur doit faire comprendre à toutes les parties prenantes que la meilleure solution n’a peut-être pas encore été trouvée. Lorsque les parties s’engagent dans des négociations, elles sont souvent convaincues d’avoir déjà choisi la meilleure solution durant les séances de brainstorming sur les options de règlement. Elles pensent alors qu’il ne leur reste plus qu’à persuader – ou à contraindre – les autres parties à conclure un accord. Le médiateur doit rappeler à toutes les parties qu’elles doivent se concentrer sur leurs intérêts sousjacents plutôt que sur leurs positions. Il peut aussi être utile de leur rappeler avec tact de tenir compte des besoins et des intérêts des autres parties. Le médiateur doit aider les parties à remettre en question les hypothèses qui sous-tendent leur «cadrage» du conflit. Le fait d’examiner le conflit sous des angles différents, en prêtant attention aux points de vue et aux motivations des autres parties, aide les parties prenantes à recadrer le conflit (c’est-à-dire à reconsidérer leurs points de vue).

Maintenir les attentes à un niveau réaliste: Le médiateur doit aussi aider les parties au conflit à comprendre que les négociations sont un processus ouvert: il faut du temps pour créer un consensus et parvenir à un accord. Si le conflit englobe un seul problème ou ne fait intervenir que deux parties, il peut être résolu en quelques heures et en une seule réunion, mais s’il est plus complexe et fait intervenir de nombreuses parties prenantes, il faut parfois une série de réunions et de nombreux mois pour venir à bout de tous les problèmes. Dans le cas de différences complexes au niveau des valeurs, des relations ou des intérêts sous-jacents, la réunion des informations pertinentes ou l’atteinte d’un consensus peuvent prendre encore plus de temps et être moins prévisibles. Établir la légitimité: Certains groupes peuvent refuser d’entrer dans des négociations car ils ne reconnaissent pas comme légitimes les intérêts des autres parties prenantes. La légitimité d’un groupe peut être contestée de diverses manières. Un groupe peut prétendre qu’un groupe adverse n’est pas une partie prenante clé, en alléguant par exemple qu’une organisation de conservation


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internationale est trop éloignée du lieu d’un conflit, ou que des migrants n’ont pas résidé suffisamment longtemps dans une zone. Certains groupes peuvent accuser les autres d’avoir une vision trop étroite de leurs intérêts et de ne pas prendre en considération les besoins ou les objectifs plus généraux d’édification de la nation. Un groupe particulier peut être considéré comme ne représentant qu’une petite minorité d’intérêts. L’établissement de la légitimité peut être favorisé par les mesures suivantes:

Une large diffusion de l’information, en expliquant pourquoi les intérêts d’un groupe sont légitimes;

La mobilisation d’une reconnaissance et d’un appui (si possible au moyen de pétitions ou d’enquêtes) témoignant d’un appui à large assise;

La recherche d’autres personnes ou organisations influentes et fiables qui parleront au nom d’un groupe.

Instaurer la confiance: Toute négociation suppose d’échanger des informations pour répondre aux intérêts de toutes les parties. Les personnes tendent à ne fournir d’informations sur elles-mêmes que si elles sont sûres que ceux qui les reçoivent ne vont pas s’en servir contre elles.

7.2.2 Choisir un lieu et une date adaptés pour les négociations Le médiateur peut souhaiter faire intervenir les parties dans les décisions concernant le lieu et la date des réunions. L’environnement choisi pour les négociations peut mettre les parties plus ou moins à l’aise et influencer considérablement leur capacité de communication. D’une manière générale, il devrait s’agir d’un lieu neutre dans lequel aucune partie n’a de liens affectifs marqués ou de pouvoir, et où chacun se sent à son aise. Un médiateur externe peut souhaiter définir à l’avance la disposition des sièges la plus apte à favoriser des négociations consensuelles entre les parties concernées. La disposition des sièges doit en principe mettre l’accent sur l’égalité entre tous les participants. Ainsi, tous les sièges devraient avoir la même taille et la même forme, être à la même distance d’une source de lumière ou de chaleur (ou de la porte et de la fenêtre) et les parties opposées ne doivent pas être assises les unes en face des autres. Il convient aussi de tenir compte de certaines contraintes de temps pouvant avoir une incidence sur la date des réunions, notamment des calendriers des travaux agricoles ou des récoltes, des fêtes religieuses ou des autres jours de vacances. La programmation est primordiale lorsque différents utilisateurs des ressources se disputent une même zone, notamment lorsque des pêcheurs, des éleveurs nomades et des agriculteurs sont en concurrence pour l’utilisation d’un marécage. Les dates limites fixées pour l’atteinte d’un accord doivent être respectées. Le non-respect de certaines échéances politiques et administratives peut avoir des conséquences négatives. L’encadré 7.1 résume les questions importantes dont il faut tenir compte lorsqu’un processus de négociation est préparé.


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ENCADRÉ 7.1

QUESTIONS UTILES POUR PRÉPARER UN PROCESSUS DE NÉGOCIATION

Analyse du conflit Sur quoi porte le conflit? Depuis combien de temps dure-t-il? Comment les parties prenantes ont-elles tenté de le résoudre dans le passé (si tant est qu’elles l’aient fait)?

Cadrage des parties prenantes Qui a un enjeu ou un intérêt dans le conflit? Dans quelle mesure ces individus forment-ils des groupes de parties prenantes ou d’intérêts cohérents?

Comment les parties prenantes seront-elles représentées? Y a-t-il des parties prenantes qui devraient être incluses et qui ne sont pas représentées? (Si oui, comment devraient-elles être intégrées dans les négociations?)

Quelle distance doivent parcourir les parties prenantes? (coût?) Est-il nécessaire d’organiser des transports?

De combien de temps disposent les parties prenantes pour assister aux réunions?

Contexte, date et lieu des réunions Dispose-t-on de locaux appropriés pour les réunions? Y a-t-il des contraintes de temps qui peuvent avoir une incidence sur la date des réunions (calendriers des travaux agricoles ou des récoltes, fêtes religieuses ou autres jours fériés, échéances politiques ou officielles)?

Faudra-t-il organiser des réunions privées, des comités spéciaux, des voyages d’études et/ou des réunions communautaires?

Gestion du processus Comment les différentes parties prenantes veulent-elles présenter leurs divergences? Que peut-on faire pour soutenir les personnes les plus illettrées ou les plus pauvres et les plus défavorisées?

De quel matériel le médiateur a-t-il besoin (éventuellement)? Les participants ont-ils besoin de temps entre les réunions pour informer les autres membres de leur groupe?


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Encadré 7.1 • (fin)

Gestion des équipes Répartition des tâches – qui fait quoi, et à quel moment (logistique, accueil, etc.)? Répartition des fonctions au sein de l’équipe de médiation – qui est responsable de quoi (médiateur principal, preneur de notes, observateur, etc.)? (Section 3.1)

Dispositions culturelles et protocole Quel est le protocole approprié pour démarrer les négociations? Dans les contextes traditionnels, il est important de respecter les procédures culturelles et le protocole approprié.

Y a-t-il des règles culturelles qu’il convient d’observer (ex: au Ghana, les chefs ne mangent pas en public)?

Comment peut-on renforcer l’engagement des parties prenantes (ex: en faisant intervenir des invités de marque, des motivateurs, ou par un soutien aux parties prenantes secondaires)?

7.3 ÉTAPE 7: FACILITATION DES NÉGOCIATIONS Il n’existe pas de plans ou de recettes établis pour assurer une médiation dans des négociations. Le processus et la substance des négociations sont fonction des besoins et des circonstances particulières de la situation de conflit. Au fur et à mesure qu’ils avancent dans les négociations, les médiateurs devraient s’efforcer de suivre une série d’étapes bien définies, sans perdre de vue la dynamique des interactions de groupe, les circonstances spécifiques et l’équité en matière de participation. Les médiateurs doivent se montrer très attentifs, surtout s’ils viennent de l’extérieur et ignorent en grande partie l’histoire locale, les points de référence culturels, les devises, etc. Les médiateurs externes ne savent pas toujours replacer dans leur contexte culturel les déclarations des participants. Or le contexte culturel peut être très important pour les participants locaux. Ainsi, les parties doivent parfois commencer par discuter d’autre griefs ou opinions avant de pouvoir aborder les questions qui sont au cœur du conflit. Les voies des négociations ne sont pas toujours directes, mais le processus comprend en principe cinq grandes étapes, caractérisées par les activités et les réalisations mentionnées dans le Tableau 7.1.


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TABLEAU 7.1

ACTIVITÉS ET RÉALISATIONS DU PROCESSUS DE NÉGOCIATIONS Étapes et activités principales

Réalisations

1. Définir le cadre: confirmer et redéfinir l’ordre du jour, clarifier les rôles, instaurer la confiance et définir des règles fondamentales.

Le médiateur a clarifié son rôle et ses fonctions et défini, en concertation avec les parties prenantes, les règles fondamentales.

2. Donner aux parties prenantes la possibilité d’exposer leur version des faits et de défendre leurs intérêts.

Chaque partie prenante a écouté le cadrage du conflit fait par les parties adverses.

3. Recadrer le conflit: aider les parties prenantes à prendre de la distance vis-à-vis de leurs hypothèses et de leurs priorités concernant le conflit, pour rechercher l’avantage commun ou mutuel.

Grâce au processus de recadrage, les parties prenantes ont arrêté un ou plusieurs intérêts communs pouvant servir de base pour une collaboration.

4. Élaborer des options susceptibles de procurer des avantages mutuels.

Les parties prenantes ont dressé une liste des options à examiner.

5. Évaluer les options et parvenir à un accord sur les options acceptables pour résoudre des problèmes critiques.

Les parties prenantes ont arrêté des options acceptables sur lesquelles bâtir un accord final.

7.3.1 Définir le cadre Au début des négociations, le médiateur doit d’abord s’intéresser aux besoins de base des participants, en matière de confort et de sécurité. Lorsqu’elles s’engagent dans des négociations, les parties opposées sont souvent stressées, c’est pourquoi le médiateur doit établir un climat positif, notamment en prenant acte du fait que les parties sont disposées à coopérer et à tenter de négocier pour régler le différend, ou en les rassurant sur son impartialité par rapport aux problèmes et sur sa neutralité par rapport aux parties. Si le contexte culturel le permet, le médiateur peut aussi demander directement aux parties comment elles se sentent à l’idée d’être engagées dans des négociations. S’il s’aperçoit tout de suite qu’elles sont mal à l’aise, il peut atténuer les tensions et les aider à se détendre et à se concentrer sur la substance des négociations.

Clarifier les rôles: Le médiateur devrait ensuite définir les négociations et le rôle qu’il y joue. Même si le médiateur a déjà expliqué clairement son rôle à chacune des parties, il est important que cellesci puissent entendre le médiateur donner ces mêmes informations en présence des autres parties. Le rôle du médiateur consiste à:

promouvoir un engagement sincère des participants; aider les participants à atteindre leurs objectifs;


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fournir des informations et des orientations pour aider les participants à se mettre d’accord sur les points de l’ordre du jour;

respecter le caractère strictement confidentiel des déclarations et des comportements. Redéfinir l’ordre du jour: Plus avant dans cette phase de présentation, le médiateur devrait revoir l’ordre du jour pour vérifier s’il contient toutes les questions que les parties souhaitent examiner. Les médiateurs doivent se rappeler que chaque culture a ses règles, en ce qui concerne les déclarations publiques et les négociations. Dans de nombreux endroits, les gens sont habitués à faire plusieurs choses à la fois, auquel cas il n’y a pas lieu de déterminer dans quel ordre les personnes parleront. Dans d’autres cultures, la programmation et l’ordre sont des préoccupations dominantes. Les personnes doivent parler chacune à leur tour, selon un ordre préétabli (par exemple, on donne d’abord la parole à celui qui a levé la main en premier). Quel que soit le style adopté, le médiateur doit s’assurer que chacun a une possibilité de s’exprimer dès le début. Étant donné que de nombreuses personnes ont des préoccupations similaires, cela donnera une première idée des intérêts et des problèmes communs.

Instaurer la confiance: Il est indispensable que le médiateur crée une atmosphère positive, ouverte et respectueuse, encourageant les personnes à révéler des informations, y compris – si le contexte culturel le permet – à communiquer des sentiments. Les sentiments peuvent être révélés indirectement, et transparaître dans la manière dont les diverses parties présentent les informations. On ne dira jamais à quel point il est important d’instaurer la confiance dans des négociations. Dans une situation de conflit, il est fréquent que les personnes se méfient les unes des autres au début des négociations. Cela signifie que les parties prenantes mettent en doute la sincérité ou l’exactitude des déclarations et du comportement des autres. Si la confiance manque, le médiateur peut encourager les parties prenantes à faire des gestes propres à renforcer leur confiance mutuelle. Voici quelques conseils pour instaurer la confiance:

Demander aux parties prenantes d’expliquer clairement leurs hypothèses eu égard à la manière dont les autres parties prenantes utilisent les ressources contestées ou aux raisons pour lesquelles elles en ont besoin; comment elles perçoivent leur propre attitude vis-à-vis des autres parties, comment elles interprètent les attitudes et les motivations des autres parties, et comment elles pensent elles-mêmes être perçues par les autres parties.

Discuter de la manière dont le processus de négociation peut instaurer progressivement des relations de confiance, à travers une série de promesses suivies d’actions efficaces. Les parties prenantes croiront ainsi plus facilement que les engagements seront respectés.

Mettre en place une série de contrôles pour s’assurer que la confiance se maintient tout au long du processus de négociation.

Demander aux participants de décrire ce qu’ils entendent par comportement digne de confiance, et d’identifier des cas où des rapports de confiance existaient dans le passé et les raisons pour lesquelles ils ont été détruits. A ce stade, il peut être utile d’explorer toutes les hypothèses concernant la confiance dans leurs relations passées.

Des accords peuvent être bâtis peu à peu, en vérifiant constamment la confiance qu’ont les parties prenantes dans leur capacité à les respecter, en s’adaptant aux éventuels changements.


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Évaluer les conséquences à court et à long terme d’une perte de confiance. Les promesses d’action futures peuvent être reformulées dans l’accord et les conséquences du non-respect de ces promesses devraient être clairement expliquées. ENCADRÉ 7.2

RÉUNIONS TRADITIONNELLES Les cultures et les communautés diffèrent par leur manière de tenir des réunions ou des assemblées, notamment en vue de négociations. Ces réunions peuvent être organisées selon des règles bien établies que les populations locales connaissent bien. Elles connaissent alors leur rôle et sont en mesure de prévoir comment va se dérouler la réunion et comment les décisions seront prises. Les procédures peuvent être très différentes. Il se peut que seuls quelques individus puissent intervenir dans les discussions, ou que chaque personne présente ait son mot à dire. Les participants peuvent s’exprimer normalement, ou élever la voix, ou vouloir parler tous en même temps, ou vouloir parler plus fort que les autres. La réunion peut porter sur une seule question ou avoir une très large portée. L’organisation et la structure de la communauté entrent aussi en jeu. Dans bien des contextes, la diversité culturelle est moins importante que les écarts de richesse ou de pouvoir. Par exemple, il se peut que les pauvres et les femmes ne soient pas autorisés à parler, ni même à assister à la réunion ou à y être représentés. Ordinairement la personne qui convoque la réunion décide du lieu où elle se tiendra, établit l’ordre du jour et dirige la réunion. Mais des individus puissants qui tentent de dominer une réunion doivent parfois faire les comptes avec des membres plus faibles qui prennent peu à peu de la force et de l’assurance, et qui peuvent se mettre à poser des questions ouvertement ou à exprimer des points de vue opposés aux leurs. Dans les contextes multiculturels, il peut être extrêmement difficile de choisir les règles culturelles qui vont prévaloir. Si les médiateurs suivent une règle, d’autres parties peuvent le prendre mal et se sentir écrasées par un groupe et sa culture. Les personnes qui évoluent dans un milieu interculturel doivent ordinairement s’adapter à de nouveaux contextes de réunions. Le lieu où se tient la réunion peut être très important. Ainsi, il n’est pas toujours souhaitable de suivre toutes les règles culturelles. Par exemple, les groupes défavorisés peuvent contester des règles culturelles qui semblent les maintenir dans des positions subalternes dans leur vie quotidienne. Ils peuvent être exclus des réunions de «notables» ou astreints à un rôle marginal. Dans une négociation, le médiateur doit décider s’il suivra l’approche traditionnelle, locale, pour régler les problèmes ou - dans le cadre du processus participatif - s’il adoptera des méthodes plus équitables. La grosse difficulté, pour le médiateur, est de contribuer à équilibrer le rapport de forces, sans apparaître comme une menace et donner l’impression de vouloir changer la culture de la communauté.


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Ouvrir des voies de communication: La communication est bonne quand les gens s’écoutent activement mutuellement et quand chacun a une possibilité de s’exprimer. Ceci est fondamental pour créer et maintenir un climat propice à la recherche d’une entente. Pour favoriser une bonne communication, le médiateur peut avoir besoin de définir quelques règles fondamentales avec les participants. Ces règles peuvent être déterminées à l’issue d’une séance de brainstorming au cours de laquelle on demande aux participants comment ils voudraient être traités durant les négociations. Le médiateur doit expliquer que son rôle est de renforcer ces règles, à tout moment du processus où cela s’avèrerait nécessaire. Le médiateur doit faire bien comprendre que toutes les parties doivent être entendues. Il doit aussi maîtriser les déclarations et les comportements menaçants et être sensible aux différentes manières de proférer des menaces, ce qui veut dire qu’il doit prêter attention à des modes de communication non verbale (échanges de regards, position sur la chaise, expression faciale ou gestes des mains). La communication non verbale joue un rôle notable en révélant les sentiments ou les émotions profonds qui se cachent derrière les mots de celui qui parle. Le médiateur doit aussi avoir conscience de l’augmentation des tensions émotionnelles. Celles-ci transparaissent également dans la communication non verbale et les médiateurs devraient noter si elles facilitent ou si elles entravent les négociations, et les maîtriser si nécessaire. Ceci est particulièrement ardu lorsque le médiateur provient d’un autre contexte culturel ou ne comprend pas les relations locales, pour une autre raison. Le médiateur gère les règles fondamentales et peut interrompre les délibérations si nécessaire pour donner des informations en retour. Les médiateurs doivent aussi être très attentifs à ce qui se passe en dehors des séances. Les participants doivent être invités à fournir des informations en retour dès qu’ils estiment qu’une règle a été enfreinte. ENCADRÉ 7.3

RÈGLES FONDAMENTALES PROPOSÉES Écouter très attentivement. Attendre que l’orateur ait fini de parler pour poser des questions ou faire des commentaires.

Parler de soi. Exposer son propre point de vue. Expliquer clairement ses intérêts, ses sentiments et ses préoccupations.

Traiter les autres parties avec respect. Éviter tous propos injurieux ou excessifs. Se rappeler que le but est de parvenir à un accord acceptable pour tous.


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7.3.2 Donner aux parties prenantes une possibilité de s‘exprimer Durant la phase qui suit celle de la présentation du contexte, le médiateur commence par inviter les parties à présenter leur version des faits, en exposant leurs points de vue et leurs intérêts en public. A ce stade précoce des négociations, les émotions peuvent monter, et l’une des principales tâches du médiateur est de les gérer. L’expression d’une émotion – quand elle ne devient pas agressive peut aider les parties prenantes à mieux comprendre les besoins et les craintes de chacun. Le rôle du médiateur est crucial à ce stade du processus de négociation. Celui-ci doit amener les parties prenantes à modifier leur perception d’une situation de conflit et des solutions ou de la démarche à adopter. Le médiateur a le pouvoir de faire avancer le processus vers une solution constructive en permettant aux plus faibles d’exposer leurs points de vue de manière détaillée dans le contexte des négociations. Toutefois, il doit gérer ce pouvoir avec prudence pour que les plus forts n’aient pas l’impression que le processus est dirigé contre eux. Le médiateur doit en particulier encourager les parties prenantes à:

parler de leurs propres points de vue, craintes et besoins, au lieu de se perdre en conjectures sur les points de vue, les intérêts et les besoins des autres;

se concentrer sur la recherche de solutions acceptables pour tous; répéter ce qu’ils ont compris de la déclaration d’une autre personne – ceci contribue à clarifier les incompréhensions et contraint les parties au conflit «à se mettre dans la peau de l’autre»;

reformuler des déclarations injurieuses de manière à exposer les principales préoccupations et craintes, en éliminant les propos offensants.

N O T E D U F O R M A T E U R : Quel que soit le contexte culturel, il peut être inapproprié que les parties opposées dans un conflit exposent leur version des faits ouvertement en présence des autres parties prenantes. Il est parfois préférable que le médiateur résume les principales perceptions obtenues au cours des consultations-navettes qui ont précédé les négociations, et demande aux différentes parties prenantes de confirmer cette synthèse. Pendant cette étape difficile du processus, un médiateur peut être prié d’assumer différentes fonctions. Si l’on a fait appel à une équipe de médiateurs, ces différentes fonctions peuvent être assumées par différents membres. Les équipes doivent expliquer à l’avance ces fonctions et leurs limites, notamment:

des observateurs peuvent avertir les médiateurs quand la tension monte entre des parties prenantes qui n’interviennent pas directement dans les négociations, mais y assistent;

un membre de l’équipe peut prendre des notes au cours des discussions, en vue de préciser certains points par la suite.

7.3.3 Trouver un terrain d’entente Dans la phase suivante du processus de négociation, chaque groupe présente son analyse des problèmes. En principe, ce processus devrait amener les participants à réduire leurs divergences, en explorant des solutions possibles avantageuses pour tous. Le médiateur peut s’appuyer sur


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toutes les idées ou solutions obtenues d’une analyse antérieure du conflit pour aider les participants à discuter de leurs problèmes et de leurs intérêts. Une fois que les groupes ont exposé les problèmes et discuté de leurs intérêts sous-jacents, le médiateur demande aux participants d’établir une liste des intérêts et de les regrouper en un petit nombre de catégories communes. A partir de chaque catégorie, les participants peuvent ensuite commencer à formuler de concert une déclaration concise d’objectifs communs, renfermant tous les points essentiels (FAO, 2002). Cette déclaration contient les objectifs qu’ils vont chercher à atteindre. La formulation d’une déclaration d’objectifs communs permet d’aider les parties à se concentrer sur leurs intérêts plutôt que sur leurs positions, et à explorer les points communs plutôt que les divergences. Le Tableau 7.2 présente un exemple de déclaration d’objectifs communs (colonne de droite). Dans cet exemple, un médiateur facilite des négociations entre deux communautés afin de définir une frontière acceptable pour chacune d’elles. Tous les problèmes ont été regroupés en trois catégories, frontière, accès et utilisation des ressources (colonne de gauche). Les participants sont convenus que les objectifs communs répondaient bien à tous leurs intérêts communs. Les négociations sont ensuite axées sur la recherche d’un accord sur les moyens à adopter pour atteindre ces objectifs communs. TABLEAU 7.2

EXEMPLE DE DÉCLARATION D’OBJECTIFS COMMUNS Intérêts/Problèmes essentiels

Objectifs communs

1. Risque qu’une frontière officielle ne soit pas établie de manière équitable. Question clé: la frontière devrait-elle être mesurée à partir du milieu ou à partir de la rive du fleuve?

1. Élaborer un accord déterminant la frontière officielle entre nos deux communautés, compte tenu du caractère changeant du fleuve.

2. Les deux communautés ont besoin d’un accès à une pièce de forêt, l’une pour faire paître les animaux, l’autre pour cultiver des plantes toxiques utilisées dans des cérémonies religieuses. Chaque groupe utilise la pièce de forêt aux dépens de l’autre.

2. Trouver une solution qui permette aux deux communautés d’accéder régulièrement à la pièce de forêt, qui remplit des fonctions importantes pour chacune d’elles.

3. Une communauté d’amont a surexploité les ressources en bois, ce qui a favorisé des inondations qui altèrent le débit du fleuve.

3. Nous reconnaissons que nous devons inviter la communauté d’amont à participer d’une manière quelconque, car ses pratiques d’utilisation des terres contribuent aux problèmes que nous avons aujourd’hui.

Source: FAO, 2002.

On se souviendra que, dans presque toutes les négociations, les parties prenantes ont plus d’un intérêt. La plupart des groupes ont de multiples intérêts parmi lesquels le médiateur doit identifier des intérêts communs sur lesquels bâtir une collaboration.


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7.3.4 Élaboration d’une large gamme d’options Après la déclaration d’objectifs communs, l’étape suivante consiste à identifier et à explorer la plus vaste gamme possible d’options permettant d’atteindre ces objectifs. Rappeler aux participants que pour être acceptables, les options de règlement doivent être conformes aux intérêts de toutes les parties. Les participants peuvent imaginer des options, en centrant leur attention sur une question à la fois ou en regroupant plusieurs questions sous des thèmes communs. Une modification de la dynamique de groupe favorise souvent la réflexion créative: un médiateur peut envisager de faire intervenir des parties prenantes secondaires ou une personne-ressource externe, ou de subdiviser les groupes de parties prenantes en sous-groupes plus petits. Un médiateur peut avoir recours à d’autres procédés pour générer des options pour le règlement du conflit (Moore, 2003), notamment:

Brainstorming (se reporter à la Section 6.3.1). Élaboration d’une vision: Chaque partie élabore une vision idéale de ce qui lui paraît être une solution ou une relation acceptable à long terme. Les visions sont ensuite présentées à toutes les autres parties. Tous les éventuels points communs entre ces visions devraient être notés. Une fois qu’une vision commune a été arrêtée, les parties identifient les problèmes qui entravent sa réalisation.

Accords-type: Cette procédure identifie des expériences provenant d’autres situations de conflit similaires, qu’elle prend comme points de départ ou comme modèles pour élaborer des accords. On contacte des parties qui ne sont pas impliquées dans le présent conflit et on leur demande comment elles sont parvenues à un accord, et en quoi consiste cet accord.

Rédaction d’un texte de négociation unique: Une personne rédige un document de règlement qui est conforme à la majorité des intérêts et qui résoud le conflit. Le projet de texte est distribué aux participants afin qu’ils le commentent et le révisent. Chaque partie a la possibilité de modifier le texte afin qu’il réponde mieux à ses intérêts. Ces modifications graduelles permettent souvent d’aboutir à un texte unique acceptable pour tous.


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7.3.5 Évaluation des options et recherche d’un consensus Au cours de cette étape, les parties évaluent à nouveau dans quelle mesure leurs intérêts seront satisfaits par chacune des options ou combinaisons d’options qui ont été générées collectivement. L’évaluation a pour but d’aider les parties prenantes opposées dans le conflit à se baser sur une liste d’options qui peut être longue, pour établir des accords réalistes qui les lieront. Pour que cela soit possible, ils devront au préalable:

élaborer des critères mutuellement acceptables pour évaluer les options; évaluer les options sur la base de ces critères; faire confirmer la (les) option (s) convenues par leurs mandants au sens large; apaiser les esprits, si nécessaire. L’élaboration et l’utilisation de critères servent à faciliter la sélection des options qui ont le plus de chances de satisfaire tous les groupes, et à garantir que la décision sera prise selon des règles équitables. On peut envisager plusieurs types de critères, y compris:

faisabilité générale; coûts et apports; échelle de temps; avantages (pour) et inconvénients (contre); opportunités et risques. Évaluation des options par rapport aux critères: Une grille de décisions peut faciliter l’analyse et la comparaison des autres solutions possibles, à l’aide d’indicateurs.


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ENCADRÉ 7.4

ÉLABORATION DE CRITERES D’EVALUATION DES OPTIONS – UN EXEMPLE CONCRET L’obligation édictée par un gouvernement de conserver un certain nombre d’espèces animales rares ou menacées d’extinction a conduit à donner le statut d’aire protégée à une forêt. Craignant que la forêt ne soit perturbée par l’homme, l’institution qui était chargée de la gérer a interdit toute utilisation du site par les quatre communautés avoisinantes. Or, toutes ces communautés avaient toujours utilisé cette forêt pour y récolter du matériel végétal et y chasser. Au bout de cinq ans, l’institution a constaté l’impossibilité de faire appliquer son interdiction de braconner et de récolter des plantes. Non seulement, les directives de mise en application étaient inefficaces, mais l’interdiction avait engendré un conflit et de mauvaises relations entre les communautés et l’institution. Ces mauvaises relations commençaient à pénaliser d’autres activités à l’intérieur de la zone protégée (construction d’infrastructures touristiques, obtention d’un appui du gouvernement local, etc.). Une ONG a été invitée à faciliter les négociations entre les divers groupes d’utilisateurs. Après avoir examiné les intérêts des différentes parties, l’ONG a arrêté un objectif commun, qui était de réviser les règles de gestion de la station forestière. Après une séance de brainstorming sur les approches de gestion, un certain nombre de directives de gestion existantes et potentielles ont été recensées. Les parties prenantes ont arrêté des critères pour évaluer ces options, chacune d’elles devant:

être juste pour tous les groupes; être ouverte et inviter toutes les parties prenantes locales à donner leur opinion; intégrer des connaissances traditionnelles de la forêt et s’appuyer sur ces connaissances; reconnaître les droits d’usage passés des populations locales ainsi que leurs systèmes de récolte;

se fonder sur des informations écologiques et forestières rationnelles; assurer la protection des espèces menacées, en danger et rares; pouvoir être suivie conjointement avec les communautés locales; être applicable.

Les parties devraient aussi être invitées à réexaminer avec attention leur BATNA (Section 6.3.2). Chaque partie doit se demander si sa situation est meilleure avec ou sans l’accord proposé. Grâce à ce processus de prise de décision, les parties devraient pouvoir identifier une option qu’elles peuvent toutes soutenir. Cela serait le résultat idéal d’un processus de gestion d’un conflit – parvenir à un accord par consensus. Le degré de satisfaction des intérêts détermine la force de l’accord. Un accord qui peut être soutenu par toutes les parties a toutes les chances de pouvoir être respecté.


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Le médiateur peut rechercher le meilleur accord possible pour résoudre les facteurs qui causent le conflit, mais les parties au conflit peuvent préférer un règlement partiel plutôt que rien. Un conflit réglé n’est pas un conflit résolu, car un règlement n’est généralement que partiel et le conflit ou les facteurs qui l’ont causé sont toujours présents. Toutefois, toute la gamme des résultats positifs possibles des négociations est connue (Moore, 2003). Il faut parfois un certain temps avant de pouvoir déterminer si un conflit est terminé. Le processus de gestion d’un conflit peut aboutir à différents résultats, dont:

Compromis: Les parties se répartissent les gains et les pertes pour parvenir à une entente. Décisions à titre expérimental ou d’essai: Dans l’incapacité de parvenir à une décision permanente, les parties conviennent d’un règlement temporaire qui sera testé et évalué ultérieurement.

Solutions procédurales aux principaux problèmes: Les parties conviennent d’un processus par le biais duquel elles pourront obtenir la résolution d’un litige.

Règlement partiel: Les parties parviennent à s’entendre sur de nombreuses questions, mais pas sur d’autres.

Poursuite des négociations: Les parties conviennent qu’elles ne sont pas d’accord. Elles souhaitent poursuivre les négociations, parfois en faisant appel à une tierce partie pour les aider à parvenir à une décision contraignante.

Faire confirmer la (les) option (s) convenue(s) par leurs «mandants». Les parties au conflit ont besoin de temps pour confirmer les options retenues et obtenir un appui de leurs mandants. La situation est particulièrement délicate quand la personne qui représente une des parties commet un abus de pouvoir pour parvenir à un accord. Par exemple, des fonctionnaires du gouvernement ou du secteur public intervenant dans la gestion d’un conflit peuvent être tenus d’obtenir l’accord de leur supérieurs ou des organismes dont ils dépendent pour agir. Ceci est particulièrement fréquent dans les cas où une modification des pratiques administratives est requise. Si des négociations doivent être achevées à une réunion, le médiateur demande une pause pour permettre aux représentants de discuter l’accord avec d’autres membres du groupe qui ne participent pas directement à la réunion. Quand les négociations se poursuivent sur plusieurs jours ou sur plusieurs mois, ces discussions avec les mandants peuvent avoir lieu continuellement ou à des moments critiques du processus.


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Les médiateurs peuvent donc souhaiter interrompre à intervalles réguliers le processus de négociations, en particulier à des moments importants. L’accord final ne devrait pas être élaboré tant que les représentants ne se seront pas mutuellement assurés qu’ils sont habilités à agir et soutenus par leurs mandants. Les médiateurs ressentent parfois le besoin d’aider les représentants à collaborer avec leurs mandants, ou à s’expliquer mutuellement les diverses contraintes que leur imposent les usages administratifs et politiques. Les médiateurs pourraient aussi aider à choisir, parmi les mandants, les membres qui interviendront dans l’élaboration de l’accord final.

N O T E D U F O R M A T E U R : Lorsque les parties à une négociation conviennent d’une option pour régler un conflit, elles ont besoin de temps pour réfléchir à cette décision et obtenir la confirmation et l’appui de leurs mandants. Le manque de procédures efficaces pour l’approbation des mandants peut conduire à l’échec des négociations.

Apaiser les esprits, «dire adieu aux émotions fortes», si nécessaire. Les esprits sont effectivement apaisés quand les parties au conflit sont suffisamment satisfaites de leur participation au processus de négociation et de son résultat pour vouloir laisser le passé derrière elles et en être capables (s’en détacher sur le plan émotionnel). Le fait de parvenir à un accord sur les problèmes n’est pas toujours suffisant pour mettre fin à un conflit et garantir que l’accord sera appliqué. Il peut rester de la colère, de la souffrance, de la tristesse et d’autres émotions fortes entre les parties. Si le règlement d’un conflit est partiel, les parties opposées dans le conflit peuvent encore se considérer comme rivales ou ennemies, surtout si des questions très litigieuses ont été laissées en suspens. Pour être psychologiquement en mesure de «clore une affaire», il faut souvent prendre quelques précautions supplémentaires, comme faire la paix avec soi-même, exprimer oralement des excuses ou des regrets sincères, ou avoir d’autres attentions spécifiques pour tenter d’effacer le mal que fait un conflit aux relations entre les différentes parties. Certaines personnes parviendront plus facilement à faire la paix avec le passé et à commencer à regarder vers l’avenir (Moore, 2003) si elles suivent ces quelques recommandations:

prendre acte de ce qui s’est passé; une fois qu’un accord a été atteint, les parties concernées peuvent confirmer la nature de l’accord qui les lie, et s’assurer que toutes les autres parties intéressées (et le public au sens large) sont informées de ce qui a été convenu. Cette phase est cruciale dans de nombreuses communautés qui n’ont pas pour habitude de communiquer les accords par écrit ou oralement;

accepter d’assumer les conséquences, effectives ou potentielles, d’un comportement négatif; respecter et reconnaître le désir d’une relation plus positive ou plus productive à l’avenir; présenter des excuses sincères; demander pardon ou tenter de se réconcilier. N O T E D U F O R M A T E U R : La culture est toujours un facteur important lorsque l’on examine des approches permettant de mettre fin à un conflit. Chaque groupe, société, institution et organisation a une manière qui lui est propre de clore officiellement un conflit. Dans une communauté, la fin d’un conflit peut être sanctionnée par


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des repas rituels, des discours symboliques, des bénédictions de prêtres, des prières ou d’autres rituels de réconciliation. Dans une organisation, il faut parfois une déclaration officielle à un haut fonctionnaire, que l’on conserve dans les archives et dont une photocopie est transmise à d’autres. En plus de ces différences de procédures, l’accord devrait toujours être rédigé par écrit, pour que l’on puisse le réviser ou s’y référer ultérieurement, s’il y a lieu.

7.4 ÉTAPE 8: ÉLABORATION DE L’ACCORD Les médiateurs faciliteront l’élaboration d’un accord uniquement quand les parties au conflit se seront entendues sur les options qu’elles souhaitent mettre en œuvre ensemble et quand la solution négociée aura été approuvée par leurs mandants. Suivant la nature de l’accord, il peut être nécessaire de prendre les mesures suivantes:

confirmer l’engagement et le mandat de toutes les parties aux négociations et de toutes les parties prenantes du conflit;

négocier la rédaction d’un accord écrit aussi spécifique qu’il le faut; le faire examiner par les mandants; parvenir à un accord final.

7.4.1 Considérations relatives à la mise en œuvre Une fois qu’elles ont convenu de la marche à suivre, les parties doivent étudier les détails de la mise en œuvre de l’accord. Les principales questions qui doivent être discutées et confirmées sont les suivantes:

Comment les parties prenantes vont-elles garantir l’application de l’accord? La mise en œuvre de l’accord nécessite-t-elle l’intervention officielle de spécialistes ou de groupes, tels que administrateurs, chefs de groupes d’utilisateurs des ressources et dirigeants communautaires?

Comment les parties vont-elles faire face aux éventuels imprévus découlant de l’accord? Quels mécanismes de suivi mettra-t-on en place pour garantir le respect de l’accord? Quel est le rôle de l’équipe de médiation dans le suivi? Y a-t-il des agents locaux neutres ou dignes de confiance pour assurer le suivi?


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7.4.2 Rédaction de l’accord final Le moment est venu de rédiger l’accord final. On peut adopter diverses approches pour aider les parties dans cette tâche, notamment:

rédiger l’accord en collaboration; faire rédiger un accord préliminaire par une tierce partie, puis demander aux diverses parties prenantes de réécrire la version finale dans le cadre d’une session commune, ou chacune à leur tour;

combiner ces deux options: certaines parties de l’accord étant rédigées par les parties au conflit, d’autres par le médiateur, le tout étant ensuite finalisé par tous les groupes. L’accord final est généralement constitué de trois parties:

une introduction et des informations générales qui présentent les groupes de parties prenantes et exposent les principales questions sur lesquelles ont porté les négociations;

une description des solutions élaborées par les groupes pour chacune de ces questions; un plan de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation. La loyauté, l’acceptabilité et l’applicabilité de l’accord devraient être vérifiées conformément aux directives figurant dans l’encadré 7.5. ENCADRÉ 7.5

LES CARACTÉRISTIQUES D’UN ACCORD DURABLE

Loyauté: Se fonde-t-il sur les meilleures informations disponibles, obtenues conjointement? Repose-t-il sur des considérations réalistes en matière de capacités et de coût? A-t-on l’assurance que toutes les parties prenantes rempliront leurs engagements? Toutes les principales parties prenantes ont-elles été associées à son élaboration? Acceptabilité: Résout-il les griefs qui ont donné lieu au différend? Reconnaît-il et résout-il les problèmes passés? Est-il conforme aux intérêts et aux besoins sous-jacents des principales parties prenantes? A-t-il été conclu à l’issue d’un processus jugé équitable par tous et pour tous? Applicabilité: Procure-t-il des avantages à tous les parties qui l’appliquent? Ne défavorise-t-il pas une partie exclue? Reconnaît-il les éventuels problèmes et changements futurs et inclut-il des mécanismes pour y faire face, ou reconnaît-il la nécessité d’une re-négociation?

Sa mise en œuvre crée-t-elle des relations de travail entre les parties? Source: Godschalk et al., 1994.


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Les médiateurs devraient connaître les éléments de l’accord qui déterminent sa force ou sa faiblesse, et qui sont résumés dans le Tableau 7.3 (Moore, 2003). TABLEAU 7.3

ACCORDS FORTS OU ACCORDS FAIBLES Un accord fort:

Un accord faible:

Porte sur le fond: Définit des échanges spécifiques, qui sont le résultat des négociations, et que chacun peut constater (argent, services, travail, etc).

Porte sur des questions de procédure: Définit le mécanisme ou le processus à adopter pour prendre les décisions.

Est exhaustif: Résout toutes les questions litigieuses.

Est partiel: Ne résout pas toutes les questions litigieuses.

Est permanent: Résout définitivement toutes les questions litigieuses.

Est provisoire: Peut comprendre des décisions temporaires ou expérimentales, susceptibles d’être remises en question ultérieurement.

Est final: Définit tous les détails, sous leur forme finale.

Est de principe: Contient des accords généraux, mais les détails restent à définir.

Est sans condition: N’est assorti d’aucune condition ou exigence concernant les performances futures.

Est conditionnel: Stipule que la conclusion du litige dépend d’informations supplémentaires ou des performances futures d’une ou de plusieurs parties.

Est contraignant: Il s’agit de contrats officiels qui obligent les parties à accomplir certaines actions (les gens tendent à suivre à la lettre les conditions d’un règlement s’ils comprennent les conséquences qu’entraînerait leur non-respect).

Non contraignant: Se contente de formuler des recommandations ou des indications. Les parties ne sont pas légalement tenues de le respecter.

Bien entendu, ce qui démontre la force d’un accord, c’est moins son apparence sur le papier que sa mise en pratique. Ainsi, un accord partiel qui est mis en pratique peut avoir plus de force qu’un règlement exhaustif qui n’est jamais mis en œuvre.

Faire confirmer le(s) accord(s) par les mandants: Lorsqu’un accord a été rédigé, les parties aux négociations peuvent souhaiter reconfirmer son acceptabilité auprès de leurs mandants. Ceci est une étape importante pour obtenir un appui et une acceptation plus généraux. Avant l’accord final, le plein appui et l’engagement sans réserves de toutes les parties prenantes doit être confirmé. Si


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des sous-groupes restant à l’écart du groupe principal sont apparus, le document doit préciser qui est ou n’est pas partie à l’accord.

Rendre l’accord public: L’un des derniers points dont doivent discuter les parties aux négociations est le degré de publicité qu’elles veulent donner à l’accord. Suivant sa nature, l’accord final peut prendre effet avec une signature officielle devant témoins ou nécessiter une approbation préalable du gouvernement. Si l’accord concerne un grand nombre de personnes, les parties prenantes peuvent aussi envisager de tenir un forum plus ouvert au public. Certains groupes incorporent leurs accords dans le système juridique de façon à rendre leurs décisions juridiquement contraignantes. D’autres choisissent d’annoncer leur accords au public à des réunions du conseil local ou par l’intermédiaire des médias.

RÉSUMÉ DE LA SECTION La Section 7 a examiné en détail le processus de négociation. Elle a montré comment aider les parties prenantes à progresser tout au long des diverses étapes – depuis la détermination des objectifs et l’établissement d’objectifs communs jusqu’à la finalisation des accords. Le processus de négociation a pour objet de parvenir au meilleur accord possible pour remédier aux facteurs qui causent le conflit, de préférence sous la forme d’un résultat avantageux (ou «gagnant») pour tous (on dit aussi solution «gagnant-gagnant»). Dans la Section 8, nous examinerons la mise en œuvre et le suivi des accords, ainsi que les précautions que doivent prendre les tierces parties lorsqu’elles se retirent du processus de gestion d’un conflit.


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La participation volontaire de toutes les parties prenantes clés est essentielle dans une approche de gestion des conflits de style coopératif. Lorsqu’un groupe décide de négocier, cette décision n’est appliquée que si les autres parties estiment aussi qu’il est dans leur intérêt de le faire. Il existe de nombreuses situations dans lesquelles les personnes choisissent de ne pas négocier, notamment dans le cas de rapports de force très inégaux entre les parties prenantes, de craintes, de grosses difficultés de communication, ou de positions rigides d’une ou de plusieurs parties. Les individus peuvent être pleins d’appréhension au début du processus. Pour tous les camps opposés, les risques et les opportunités associés aux différents résultats sont généralement élevés. Les négociations doivent être préparées avec soin par les parties aux négociations et par leurs mandants. Les médiateurs doivent préparer les personnes aux négociations, familiariser les parties prenantes avec les procédures de négociation, amener les participants à prendre en mains le processus et les aider à maintenir leurs attentes à un niveau réaliste. Ils doivent aussi tenir compte du fait que les principales parties prenantes prennent part aux négociations mais que ce ne sont pas nécessairement elles qui prennent les décisions finales. Tout comme les parties aux négociations, les «mandants» doivent avoir des possibilités raisonnables d’y contribuer et être informés des changements ou des options élaborées durant le processus. Les «mandants» doivent aussi informés des options réalistes tout au long du processus de négociation. Lorsque l’accord final proposé leur est communiqué, ils ne doivent pas être pris par surprise. Bien que les négociations puissent suivre des voies tortueuses, le processus se déroule généralement en cinq grandes étapes, chacune d’elles étant caractérisée par des activités spécifiques: 1) définir le cadre; 2) donner aux parties prenantes la possibilité d’exposer leur version des faits; 3) trouver un terrain d’entente; 4) élaborer des options; 5) évaluer les options et parvenir à un accord. Il n’existe pas de règles à suivre pour la conception de ce processus qui, comme les négociations elles-mêmes, dépend des circonstances et des besoins spécifiques. Pour gérer un conflit, il faut instaurer un climat de confiance entre les nombreuses parties prenantes différentes. L’une des principales fonctions du médiateur est de contribuer à instaurer la confiance entre les parties prenantes, à tous les stades de la négociation. Il est indispensable de bien définir les intérêts, d’établir d’un commun accord un système de contrôle et de reddition des comptes pour garantir le maintien de la confiance d’un bout à l’autre du processus. Il est également crucial de bâtir les accords lentement et de veiller à ce que chacun ait confiance dans les engagements pris. Les accords reposent sur des objectifs communs et des intérêts partagés. Les négociations doivent s’écarter des positions individuelles pour se concentrer sur les besoins et les intérêts qui les sous-tendent. Les parties font un examen plus approfondi de ces intérêts puis tentent de parvenir à un accord dans des domaines où elles ont des intérêts communs. A partir des intérêts communs, on peut définir des objectifs communs. Une fois ces objectifs arrêtés, ils peuvent servir de points de départ pour orienter et cibler les négociations.


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Pour élaborer des accords, il faut des solutions nouvelles et créatives. Pour de nombreux individus, l’identification d’accords réalisables et bénéfiques pour tous est l’un des aspects les plus épineux d’une négociation. Pour faciliter cette tâche, on commence par inviter les parties prenantes à tenter d’identifier la plus vaste gamme possible d’accords ou d’actions, sans évaluer leur faisabilité ou leur «opportunité» pour soi, ou pour d’autres parties. Pour faciliter ce processus créatif essentiel, on rappellera aux groupes qu’ils ne prennent pour l’instant aucun engagement envers aucune des options émises. L’évaluation se fera à un stade ultérieur, d’après une série de critères, convenus d’un commun accord. Les critères convenus sont utiles pour identifier les options et les classer par priorité. Pour passer d’une liste d’options possibles à des accords réalistes, il faut définir des critères pour évaluer les options. Quels que soient ces critères, ils doivent être acceptés par les parties prenantes et être adaptés à leurs intérêts et au contexte. La recherche d’un accord s’inscrit dans un processus continu. Des négociations réussies débouchent sur des accords entre les différentes parties prenantes. Les parties peuvent conclure un accord de principe, et définir les détails spécifiques au fil du temps, problème par problème ou de manière plus globale. Quelle que soit la forme que prend un accord, les parties prenantes doivent confirmer les modalités de sa mise en œuvre et de son suivi. En outre, elles doivent déterminer comment gérer d’éventuels problèmes supplémentaires qu’elles ne parviennent pas à régler pour l’instant.


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La Sortie La présente section examine comment les médiateurs planifient leur propre sortie de scène. Ses objectifs sont les suivants: montrer l’importance du suivi de l’application des accords; donner des idées et des conseils concernant la planification du désengagement progressif des médiateurs.

8.1 POURQUOI UNE STRATÉGIE DE SORTIE EST IMPORTANTE Les valeurs et les règles professionnelles veulent qu’un bon médiateur fasse en sorte que sa présence ne soit plus indispensable et soit transparent à propos de son retrait du processus de gestion du conflit. Après la signature de l’accord (étape 8), il reste encore deux étapes pour achever le cycle de gestion du conflit:

Étape 9: suivi et mise en œuvre de l’accord; Étape 10: étude des stratégies de sortie du médiateur. Le jalon D est achevé quand le médiateur (ou l’équipe de médiation) peut quitter la communauté. Cela suppose que les parties au conflit aient rétabli leurs relations et soient à la fois désireuses et capables de poursuivre la mise en œuvre de l’accord, avec dans la mesure du possible des capacités accrues pour gérer par elles-mêmes les conflits futurs.

8.2 ÉTAPE 9: SUIVI ET MISE EN ŒUVRE DE L’ACCORD Un accord est mis en œuvre quand les parties au conflit prennent des mesures pour le rendre opérationnel, mettant ainsi fin au différend. La majorité des accords exigent que les parties au conflit continuent à exécuter certaines actions et à se comporter d’une certaine manière. La réussite d’un accord dépend du plan de mise en œuvre et du processus qui permet d’appliquer ce plan. En outre,


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les parties doivent avoir le sentiment que l’accord est entre leurs mains et être capables de respecter les dispositions qu’il contient. En d’autres termes, le succès dépend:

de la disponibilité et de l’aptitude des parties au conflit à respecter l’accord; des procédures de suivi permettant d’observer le processus de mise en œuvre; des procédures de mise en application, permettant de sanctionner le non-respect de l’accord; du rôle et du pouvoir des autorités ou du chargé de suivi externe (si applicable). Les accords peuvent être cadrés de diverses manières, qui sont fonction des préférences des participants et souvent de la nature de l’objet de l’accord ou du conflit à régler. Les intéressés souhaitent parfois inclure un plan de mise en œuvre dans l’accord détaillé établi à l’issue du processus de négociation. Dans ce cas, les négociations s’achèvent lorsque l’accord a été officiellement reconnu. Dans d’autres cas, on préfère programmer la mise en œuvre et le suivi dans un deuxième temps, dans le cadre d’autres cycles de négociation, ou d’un processus de négociation continu. L’accord engage alors les parties au conflit à examiner et à planifier la mise en œuvre et le suivi à un stade ultérieur. Indépendamment du procédé par lequel ils ont été obtenus, les plans de mise en œuvre et de suivi relèvent avant tout de la responsabilité des parties aux négociations, qui doivent être à la fois en mesure de les appliquer et disposées à le faire. Les accords doivent donc toujours être fondés sur des évaluations réalistes des parties quant à ce qu’elles veulent et peuvent faire. Les parties aux négociations se sentent parfois plus en confiance si des médiateurs ou d’autres tierces parties de confiance jouent le rôle de «chargé de suivi neutre» capable d’aider à résoudre les problèmes qui surviennent. Le rôle spécifique d’un chargé de suivi neutre est déterminé par les parties prenantes du conflit. Ce sont elles qui décident s’il convient ou non de faire appel à un chargé de suivi neutre et s’il est préférable que ce rôle soit rempli par le médiateur existant – ou par une autre tierce partie. En ce qui concerne la tierce partie de confiance, on évaluera avec le plus grand soin si elle est apte à remplir ce rôle, surtout si cette fonction doit demander du temps et des ressources.


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Un suivi est efficace si les parties définissent clairement les normes de performance à l’aide desquelles on mesurera l’application de l’accord. Elles doivent déterminer les actes qui constituent une violation de l’accord. Dans le processus, les chargés de suivi ont le choix entre plusieurs rôles. Ainsi, ils peuvent être:

des «dénonciateurs», et se contenter d’indiquer qu’un accord a été violé (enfreint); des «exécuteurs» dotés de plus pouvoirs pour superviser la mise en œuvre et si possible participer à des négociations ultérieures sur les griefs engendrés par le non-respect de l’accord. ENCADRÉ 8.1

NEUF CRITERES POUR UNE MISE EN ŒUVRE RÉUSSIE DES ACCORDS 1 Consensus sur les critères adoptés pour mesurer l’application de l’accord. 2 Définition claire des étapes et des ressources requises pour mettre en œuvre l’accord (y

compris des dispositions permettant d’obtenir les éventuelles ressources locales ou externes nécessaires). 3 Les parties prenantes à associer au processus ont été identifiées et acceptent

expressément de s’engager dans le processus de mise en œuvre. 4 Existence, si applicable, d’une structure organisationnelle pour mettre en œuvre l’accord. 5 Accord explicite de parties externes (notamment de la part d’autorités et de spécialistes)

pouvant contribuer à la mise en œuvre de l’accord. Leur acceptation est surtout cruciale lorsque des ressources doivent être allouées pour remplir les dispositions de l’accord; un engagement ferme de ressources doit être obtenu avant la conclusion de l’accord. 6 Existence de dispositions pour tenir compte de changements futurs possibles dans les

conditions de l’accord et les parties au conflit. 7 Existence de procédures pour gérer les problèmes non intentionnels ou inattendus

pouvant survenir durant la mise en œuvre (là encore, si la résolution de ces problèmes nécessite l’intervention d’autorités ou de spécialistes, un accord provisoire doit être élaboré avec leur concours). 8 Existence de méthodes pour suivre l’application et établir l’identité du(des) chargé(s) de

suivi et disposition à fournir les ressources éventuellement requises pour le suivi. 9 Définition claire du rôle du chargé de suivi. Source: Adapté de Moore, 2003.

Si les parties aux négociations demandent aux médiateurs de prendre en charge les fonctions de suivi, ces derniers s’acquitteront des tâches suivantes:

Préciser et reconfirmer le rôle du médiateur dans le suivi. Cette question aura en principe déjà été discutée lors de la rédaction et de la finalisation de l’accord.

Accompagner le processus de mise en œuvre, en tant que médiateur, conformément à l’accord. Il peut être nécessaire que le médiateur se rende sur le site et/ou puisse être contacté facilement


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en cas de problèmes. Si un médiateur n’est pas facilement joignable, il peut être utile de trouver un intermédiaire local de confiance qui pourra le contacter en cas de nécessité, et résoudre luimême des problèmes mineurs.

Définir les mécanismes de suivi et de mise en application. Cela suppose d’établir des mécanismes de sanction, des filières de communication et d’élaborer des options pour traiter avec les parties prenantes.

Faciliter le réexamen des faits pour réfléchir aux progrès accomplis. Cela peut être utile pour rétablir des relations, renforcer la confiance et offrir des possibilités de planifier des activités communes pour l’avenir.

Évaluer les divers coûts liés à ce rôle. Cela suppose d’obtenir à l’avance que des sources locales ou externes s’engagent à mettre à disposition en temps voulu des ressources financières ou d’une autre nature. Diverses procédures d’engagement peuvent contribuer à renforcer les probabilités que les parties au conflit respectent l’accord. Ces procédures se présentent sous deux formes:

gestes publics, notamment échanges de promesses entre les parties opposées dans un conflit, échanges symboliques de dons ou gestes d’amitié;

procédures formelles, par exemple accords écrits (lettres d’entente, contrats) ou contrats légaux faisant intervenir des autorités judiciaires. Les gestes publics peuvent être très importants dans les «cultures non directes» car ils montrent que les parties au conflit sont disposées à renouer des relations. Lorsque le rétablissement de relations positives est le principal problème, les accords détaillés peuvent aller à l’encontre du but recherché, car les détails peuvent être interprétés comme un manque de confiance. Dans de nombreuses cultures, les règlements ou les accords méritent ou exigent une reconnaissance rituelle et/ou publique. Les rituels consacrent symboliquement et renforcent la solennité d’un accord et, partant, l’engagement des parties à s’y conformer. Des initiatives très diverses peuvent être organisées, notamment des visites de notables, des «cérémonies de poignée de mains», des prières, des accolades, des procédures de signature officielles, des toasts, des repas de célébration et des remises de cadeaux. Les procédures formelles, notamment les accords écrits (lettres d’entente, contrats) sont tout aussi importantes. Les accords négociés ne deviennent pas automatiquement des contrats ayant force exécutoire. La force exécutoire dépend des lois et des règles en vigueur là où un contrat est établi et de la forme de ce contrat. Bien qu’un accord verbal puisse avoir une valeur légale (en particulier s’il est fait en présence de témoins), un accord écrit est plus prévisible. Il peut-être revu ultérieurement par l’une quelconque des parties, en cas de nécessité. Les meilleurs mécanismes de suivi et de mise en œuvre ne fonctionneront pas si une ou plusieurs parties prenantes ne le veulent pas. Un tel refus pourrait indiquer que:

les parties prenantes ne sont pas réellement satisfaites des résultats; des personnes qui tireraient profit de la poursuite du conflit tentent de faire échouer le processus et de répandre des rumeurs ou de fomenter la discorde à propos des résultats obtenus;

de nouveaux motifs de dispute, en rapport avec le conflit qui est censé être réglé, sont survenus.


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Lorsqu’un accord est rompu, les groupes d’intérêt (avec le soutien des médiateurs, le cas échéant) peuvent envisager de réenclencher le processus de gestion du conflit. Les médiateurs peuvent alors organiser des consultations alternées avec les différentes parties prenantes concernées ou tenir une réunion commune. Cela peut supposer d’inciter les parties prenantes à se réengager et d’entamer de nouvelles négociations sur certaines questions. On demandera à nouveau l’intervention de médiateurs si les parties prenantes du conflit sont disposées à renégocier et à envisager une approche de gestion du conflit, basée sur la collaboration. ENCADRÉ 8.2

LISTE RÉCAPITULATIVE DES ARRANGEMENTS DE SUIVI

Rôles et responsabilités des différentes parties: Qui sera responsable de la mise en œuvre des diverses composantes de l’accord? Quelles seront leurs responsabilités spécifiques? Comment garantira-t-on que ces rôles et ces responsabilités sont assumés? Quels mécanismes de soutien convient-il de mettre en place en cas de problème (notamment si quelqu’un n’est pas en mesure d’achever une tâche)?

Un soutien juridique est-il prévu? Des autorités locales ou autres interviennent-elles?

Processus de communication: Comment les parties se tiendront-elles informées des progrès accomplis? Doit-on prévoir des réunions périodiques, des appels téléphoniques ou des mécanismes plus formels (par exemple, des bulletins ou des fiches d’information)?

Comment gèrera-t-on les contributions et les réponses des tiers? Que se passera-t-il si quelqu’un n’approuve pas l’approche adoptée?

Transparence et flexibilité: Quels mécanismes ou procédures faut-il mettre en place pour garantir la transparence dans l’exécution de l’accord?

Conviendrait-il d’alterner les tâches entre les parties prenantes? Devrait-on faire appel périodiquement à une personne indépendante, comme évaluateur externe?

Les parties sont-elles disposées à faire preuve de souplesse sur certaines composantes de l’accord? Y a-t-il des domaines dans lesquels la flexibilité est peu souhaitable ou impossible?

Que se passe-t-il si des facteurs sur lesquels les parties n’ont pas de prise font qu’il est impossible d’appliquer ou de maintenir un accord? Une procédure est-elle prévue pour réunir les parties pour des négociations ultérieures?


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8.3 ÉTAPE 10: ÉTUDE DE LA STRATÉGIE DE SORTIE Après la signature d’un accord, les conflits peuvent être réglés, mais ils ne sont pas encore résolus. Il peut y avoir des retours en arrière si les parties au conflit ne respectent pas l’accord, ou si les relations ne sont pas suffisamment bien rétablies pour permettre une collaboration. Dans les «cultures non directes», des négociations sur des points de détails peuvent se poursuivre pendant très longtemps. Un médiateur ne peut certes pas résoudre tous les problèmes à la fois dans une communauté, mais il devrait garantir que les différentes parties prenantes du conflit sont au moins intentionnées à respecter l’accord et à collaborer entre elles, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de risque d’affrontements violents. C’est la condition minimale pour qu’un médiateur puisse se désengager progressivement. Les médiateurs doivent toujours au bout du compte transférer le contrôle et la gestion du processus à la communauté, et savoir quand il est temps de se retirer. Les médiateurs doivent concevoir des moyens de transférer la responsabilité du suivi de l’accord aux parties prenantes ou à un chargé de suivi local de confiance. Ils peuvent aussi explorer des stratégies pour renforcer les capacités des communautés, afin qu’elles soient mieux à même de résoudre les conflits futurs. Ces étapes ne font pas à proprement parler partie des MAGC, mais peuvent être des éléments complémentaires importants dans des approches plus générales de gestion participative des ressources naturelles. La sortie de scène des médiateurs dépend pour une large part du processus de gestion des conflits antérieurs. Voici quelques stratégies de sortie possibles:

Option 1: Si les parties aux négociations sont intimement persuadées qu’elles peuvent mettre en œuvre et suivre elles-mêmes l’accord, le rôle et la fonction des médiateurs peuvent prendre fin dès la signature de l’accord. Son départ doit alors être clairement communiqué à toutes les parties prenantes.

Option 2: Les parties prenantes du conflit peuvent souhaiter que les médiateurs assurent le suivi de l’accord jusqu’à ce qu’elles estiment elles-mêmes pouvoir maintenir des rapports de collaboration sans un appui externe.


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Option 3: Le processus de gestion du conflit peut avoir encouragé les parties prenantes à promouvoir ensemble le développement. Les médiateurs peuvent aider les parties prenantes à établir des liaisons avec des organisations qui fournissent une assistance dans ces domaines. Dans les trois options, les médiateurs doivent élaborer une stratégie, à la fois entre eux et avec les parties prenantes, sur les démarches possibles. Ils doivent envisager:

de renforcer les capacités des parties prenantes pour leur permettre de gérer elles-mêmes des conflits plus modestes, et de renforcer les capacités locales, en matière de suivi, de médiation, etc.;

de faire en sorte que la collaboration devienne la démarche normale, notamment en examinant et en évaluant les besoins, pour le renforcement des capacités des comités locaux pour la paix;

d’aider les parties prenantes qui souhaitent lancer des projets coopératifs de développement en facilitant la communication et les liaisons avec des organisations appropriées susceptibles de fournir une assistance pour la planification et la mise en œuvre participatives de projets et de la gestion des ressources naturelles;

définir des moyens de reconnaître (points de repère) le point de sortie du médiateur – au niveau interne (s’il fait partie d’une équipe de médiation) et avec les parties prenantes – ainsi que les résultats qui devraient être atteints avant le départ du médiateur. Ces points de repère devraient être simples et réalistes pour que la sortie soit une option probable. Autrement, les médiateurs se lient eux-mêmes à la communauté, ce qui peut créer une dépendance. À ce stade, l’engagement des médiateurs et leur implication dans le conflit ont pris fin. S’ils ont conclu un accord durable qui aide les parties au conflit à renouer des relations et leur donne une vision de collaboration pour l’avenir, les médiateurs auront remporté un franc succès. ENCADRÉ 8.3

UN MÉLANGE DE RÉFLEXION ET D’ÉMOTION En avançant vers la conclusion de l’accord, les participants peuvent éprouver toute une gamme de sentiments – satisfaction du travail accompli, ou épuisement, frustration, incertitude et colère générés par le conflit originel. Les médiateurs doivent être réalistes. Bien que leur but soit d’améliorer les relations entre les parties prenantes et de les inciter à s’engager dans des accords de collaboration, les négociations peuvent laisser derrière elles bien des sentiments négatifs. Un certain nombre de mesures peuvent être nécessaires pour renouer des relations. Le MAGC est un processus d’apprentissage en commun. Lorsque des négociations ont été efficaces, les parties prenantes peuvent reconnaître les mérites du processus de gestion du conflit. De nombreux groupes ou individus seront satisfaits de la gestion des différences qui ont semé la discorde dans leur vie et entravé l’atteinte des objectifs. Ils ont peut-être acquis une nouvelle compréhension des moyens dont ils disposent pour influencer les décisions, appris de nouvelles manières de gérer les différences et développé une meilleure compréhension et un plus grand respect pour les intérêts des autres à l’avenir.


LES TECHNIQUES DE NÉGOCIATION ET DE MÉDIATION APPLIQUÉES À LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES

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RÉSUMÉ DE LA SECTION La Section 8 a clos la carte du processus et brièvement examiné le rôle du médiateur dans le suivi d’un accord, ainsi que la manière dont il peut préparer son départ. A ce stade, son intervention dans la gestion du conflit est ordinairement achevée et le processus de gestion du conflit peut avoir ouvert de nouvelles voies pour la collaboration et le développement.

Les médiateurs peuvent prendre en charge le suivi des accords si les parties prenantes du conflit le leur demandent. Ces fonctions doivent cependant être clairement définies et les parties prenantes doivent prendre en main elles-mêmes la mise en œuvre de l’accord. Les médiateurs fournissent une assistance pour faciliter le rétablissement des relations. Les médiateurs doivent élaborer une stratégie de retrait progressif. Ils peuvent transmettre les responsabilités du suivi à des intermédiaires locaux de confiance. Si les relations des parties prenantes s’améliorent, ils peuvent les aider à ouvrir de nouvelles voies de collaboration.


ANNEXES Les techniques de nĂŠgociation et de mĂŠdiation dans le domaine de la gestion des ressources naturelles



A N N E X E

I

Gestion participative des ressources naturelles

GESTION PARTICIPATIVE La présente vue d’ensemble porte sur les aspects pratiques et les processus de promotion et de soutien de la gestion participative des ressources naturelles, une approche dans laquelle l’État et les utilisateurs des ressources (ou les communautés) se partagent le pouvoir décisionnel. La gestion participative comprend:

des arrangements de gestion négociés par de multiples parties prenantes, consistant en un ensemble de droits et de privilèges (tenure) reconnus par le gouvernement;

le processus entre les utilisateurs des ressources (ou d’autres groupes d’intérêt ou parties prenantes) pour le partage des pouvoirs décisionnel et du contrôle de l’utilisation des ressources. Au cours des années récentes, des arrangements de co-gestion ont été inaugurés dans divers contextes sous des appellations diverses, telles que:

co-gestion des zones protégées; gestion communautaire conjointe des forêts; gestion intégrée des bassins versants (et développement participatif des communautés de montagne);

systèmes d’irrigation gérés par les agriculteurs; gestion intégrée des ravageurs; gestion participative des pêches intérieures. Dans ces programmes, les parties prenantes gèrent ensemble une ressource unique (parc, bloc de forêt, zone de pêche ou périmètre d’irrigation), ou unissent leurs efforts pour résoudre des problèmes de gestion d’intérêt commun (conservation et distribution de l’eau, lutte contre l’érosion du sol, et élimination des ravageurs) relatifs à des ressources collectives.


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N O T E D U F O R M A T E U R : La promotion de la gestion participative se justifie par le fait que la gestion est en principe plus efficace si l’on reconnaît aux utilisateurs locaux des ressources des droits partagés ou exclusifs de prendre des décisions concernant leur utilisation et de retirer des avantages de ces ressources.

LE CADRE POLITIQUE: LES CIRCONSTANCES SONT-ELLES FAVORABLES? De nombreuses tentatives de promotion de la gestion participative sont vouées à l’échec à cause du caractère inapproprié des cadres de politique institutionnelle dans lesquels ils sont mis en œuvre. La question est de savoir si le cadre politique et son contexte institutionnel fournissent les fondements juridiques/administratifs et des conditions propres à créer un environnement porteur pour la gestion participative. L’Encadré A donne un exemple du type de problèmes qui peuvent survenir si l’environnement porteur est mal connu. ENCADRÉ A

COMPRENDRE L’ENVIRONNEMENT PORTEUR Les responsables d’un projet de développement rural intégré au Bangladesh avaient des informations incomplètes sur les plans du gouvernement concernant le développement économique et la politique hydrique au niveau national. C’est ainsi qu’une décision cruciale du gouvernement de construire un gros barrage en amont de la zone du projet leur a échappé. Le barrage a eu un effet significatif sur l’approvisionnement local en eau. Les efforts de collaboration entre des agriculteurs et le projet ont été en grande partie réduits à néant car ils se fondaient sur de fausses hypothèses quant aux disponibilités futures d’eau. La planification participative était à refaire et la confiance des agriculteurs vis-à-vis du projet a été fortement ébranlée.

Cette section présente une vaste vue d’ensemble de l’environnement porteur sous la forme d’une «liste de contrôle» des éléments qui constituent des conditions préalables indispensables de la gestion participative des ressources naturelles. Cette liste ne prétend pas être complète car de nombreux facteurs sociaux, physiques et technologiques sont très spécifiques à certaines zones et à certaines ressources naturelles.

Besoins de base La vie des populations dépend de certaines conditions préalables de base telles que la nourriture, l’abri et la santé. Si l’un de ces éléments vient à manquer ou est menacé, les populations vont concentrer toute leur attention sur l’obtention de ce bien et n’auront plus guère d’intérêt ou de temps pour collaborer à quelque chose d’autre. De grandes catastrophes et d’autres situations de crise


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compromettent gravement la gestion des ressources naturelles, et de nombreuses initiatives s’arrêtent ou sont suspendues jusqu’à ce que la crise soit terminée et que les conditions de base nécessaires à la vie soient rétablies. Les conditions sont défavorables si:

les populations ont de gros soucis quant à la sécurité de leurs existences et de leurs biens (découlant de facteurs tels que maladies, violence et catastrophes naturelles);

des réfugiés affluent vers une nouvelle zone où les ressources locales sont déjà soumises à des pressions fortes et imprévisibles;

un effondrement économique ou une crise politique au sein du gouvernement provoque la désintégration des institutions, du droit et de l’ordre, et des marchés. La gestion des ressources naturelles pourrait être un élément de réponse en cas de crise. Toutefois, l’appui à la gestion des ressources naturelles en temps de crise est un domaine spécialisé qui n’a pas sa place dans ce chapitre. Il faut cependant préciser qu’il existe une «zone grise» entre ce qui constitue un temps de crise et la normalité. Cette zone grise coïncide souvent avec des efforts de secours, consistant à soutenir des stratégies d’adaptation à court terme en attendant qu’il soit possible de s’engager dans des initiatives de gestion des ressources. La participation des populations locales à des opérations de secours est positive car elle les aide à passer du rôle de victime à celui de décideur. Ce changement est une étape bénéfique qui prépare leur engagement dans la gestion des ressources (Wilde, 1997). ENCADRÉ B

LA VIE EN TEMPS DE GUERRE Pendant les années 60 et le début des années 70, de nombreux ruraux de la République démocratique populaire lao vivaient sous la menace constante des bombardements aériens et d’une réinstallation ailleurs à cause de la guerre qui sévissait en Asie du Sud-Est. Des villages étaient abandonnés et de nombreuses personnes se déplaçaient, souvent sur de longues distances, pour construire des abris temporaires dans des caves et des forêts. Le commerce et les échanges normaux étaient interrompus et le développement économique était sérieusement perturbé. Faute de stabilité sociale, les populations rurales n’évoluaient pas et conservaient des systèmes locaux de gestion participative des ressources naturelles. À l’époque, les frontières entre les utilisations des ressources et les groupes d’utilisateurs ne pouvaient pas être déterminées de façon certaine et le gouvernement ne faisait pas grandchose pour reconnaître et allouer des droits de jouissance sur les forêts. Aujourd’hui, le gouvernement de la République démocratique populaire lao est en mesure d’allouer des terres et de promouvoir la gestion participative des forêts.


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Appui politique et juridique émanant d’un gouvernement compétent? Le gouvernement influence en grande partie l’environnement porteur à travers ses politiques, ses lois et ses plans de développement, mais aussi à travers les actions des politiciens et des institutions gouvernementales. L’influence du gouvernement se renforce dans certaines zones et s’affaiblit dans d’autres. Malgré les différences considérables entre les pays et les secteurs, on peut identifier quelques problèmes de base communs.

Politiques: La gestion participative exige une stratégie nationale de développement économique appropriée. Cette stratégie peut être fondée sur une idéologie quant au rôle de l’État, mais elle peut aussi être dictée par une crise budgétaire rendant nécessaire un ajustement structurel. Indépendamment de ce qui les inspire, les politiques et les plans de développement économique d’un État ont une incidence significative sur ce qui peut et ce qui ne peut pas être fait aux niveaux infra-nationaux. Ceux qui conçoivent et mettent en œuvre les programmes d’appui doivent toujours s’assurer que des politiques et des plans gouvernementaux sont en place, même s’ils ne comptent guère sur un engagement du gouvernement dans leurs programmes.


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Certains gouvernements privilégient les projets de développement imposés d’en haut. Ils pourraient par exemple préférer un projet qui contraint tous les agriculteurs d’un village à planter la même culture sur une pièce contiguë de terre. Cette mentalité vient probablement du fait qu’il leur est plus facile de contrôler, de réglementer et de superviser ce type de projet plutôt que de multiples petites activités dispersées dans l’espace. Le fonctionnement du processus participatif dépend donc de l’étroitesse de la conception de la politique de développement du gouvernement et de la rigidité avec laquelle les fonctionnaires interprètent et mettent en œuvre les politiques (Alice Carloni, communication personnelle, 1997). Bien entendu, les politiques économiques flexibles et leur interprétation ouverte constituent des circonstances favorables pour la collaboration, contrairement aux définitions étroites et à la mise en œuvre rigide qui sont défavorables. Il reste cependant intéressant de poursuivre une approche participative, même si le gouvernement n’est que partiellement disposé à écouter les populations. Il vaut mieux un développement un peu participatif qu’un développement non participatif. Les informations obtenues dans le cadre d’une approche de planification participative peuvent être utilisées pour déterminer les conditions dans lesquelles les propositions du gouvernement ne fonctionneront pas ou devront être modifiées. Les informations réunies au moyen d’une démarche participative peuvent influencer les responsables principaux des décisions et ouvrir la voie à une mise en œuvre plus participative au niveau du village (Alice Carloni, communication personnelle, 1997). On doit ensuite se demander si la gestion des ressources naturelles est une question prioritaire pour le gouvernement. Si oui, dans quelle mesure l’État est-il disposé à transférer ou à partager le contrôle des ressources naturelles? La réponse à cette question varie selon que le gouvernement prévoit de renforcer ou de réduire sa présence dans le secteur concerné. Dans certains secteurs, comme l’irrigation dans les pays en développement, une présence limitée du gouvernement est une circonstance favorable (Juan Sagardoy, communication personnelle, 1997). Dans d’autres, comme les pêches maritimes, une forte présence du gouvernement peut être souhaitable.

Le fondement juridique de la gestion des ressources: La gestion participative peut être efficace si les parties prenantes ont confiance et savent qu’elles vont recevoir les avantages escomptés de l’utilisation des ressources, tant à court terme qu’à long terme. Les critères juridiques de base pour établir cette confiance sont les suivants:

La gestion se fonde sur des droits officiellement reconnus. Ces droits sont mis en application. Les parties prenantes ont de bonnes chances que leur appel soit accueilli si leurs droits sont enfreints ou ignorés. Les droits coutumiers ou reconnus au niveau local ont une utilité limitée. Le fait de détenir des droits traditionnels et coutumiers peut certes accroître la confiance et, partant, stimuler l’intérêt pour une collaboration avec le gouvernement et un investissement dans la gestion des ressources. Toutefois, la situation juridique est souvent complexe, et les lois peuvent être interprétées ou appliquées différemment par les fonctionnaires du gouvernement. De plus, il arrive que les populations ne connaissent pas la loi ni leurs droits.


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D’autres conditions doivent donc être réunies pour créer un environnement juridique porteur:

Les droits de jouissance et les privilèges sont garantis et reconnus par le gouvernement. Les populations connaissent leurs droits traditionnels. Si ces droits ne sont pas encore garantis, le gouvernement compte contribuer à les garantir à l’avenir. Les populations ont un accès suffisant aux organes qui exercent l’autorité et aux procédures d’appel pour protéger ces droits et régler les différends.

Les lois et les règlements sont appliqués de manière non arbitraire et non aléatoire. Les lois et les règlements sont appliqués sans corruption ni favoritisme. En cas de comportement répréhensible des agents du gouvernement, il existe un organe accessible et indépendant qui peut résoudre les griefs de façon constructive. L’environnement porteur est compromis lorsque des activités ou des utilisations en cours sont considérées comme illégales, lorsqu’il existe des divergences importantes entre les parties prenantes concernant l’interprétation et l’acceptabilité de divers droits formels et informels. Il est possible de changer les lois inutiles, d’améliorer l’application des lois, et de renégocier des droits contestés, mais cela peut prendre du temps. Ces circonstances défavorables n’arrêtent pas nécessairement une personne convaincue, si elle n’a pas de contrainte de temps et si le comportement et les points de vue des parties prenantes indiquent que ces améliorations peuvent être obtenues.

Mise en œuvre des politiques par les organismes gouvernementaux: Soutenir la gestion participative implique de travailler avec un ou plusieurs organes gouvernementaux ou par leur intermédiaire. Ces organes peuvent sans aucun doute faciliter le processus participatif dans les circonstances suivantes:

Les organes gouvernementaux responsables de l’exécution des politiques sont clairement identifiés. Le pouvoir et les responsabilités sont alloués de manière efficace, ce qui suppose que les organes soient peu nombreux et que les organes concernés aient pour mandat de travailler avec d’autres.

Les autres organes à associer ou à consulter dans les initiatives sont clairement identifiés. Le principal organe du gouvernement est flexible et jugé crédible par les parties prenantes. Le principal organe du gouvernement est doté d’un personnel et d’un budget suffisants pour faire son travail.

Les fonctionnaires du gouvernement ont les attitudes et les compétences voulues. Le gouvernement et les autres parties prenantes n’ont pas besoin de multiples incitations pour faire fonctionner le programme d’appui. (Quand ce n’est pas le cas, au nom de l’environnement porteur, les fonctionnaires conduisent les voitures du programme, le personnel de terrain se déplace avec les cyclomoteurs du programme, le personnel externe prend en charge les opérations de routine de l’institution, tout le monde participe à des stages et à des séminaires et un nombre incalculable de consultants interviennent. Le programme doit alors trouver des ressources pour financer ces incitations).


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Les marchés fournissent-ils des opportunités et inspirent-ils confiance? Les marchés influencent la gestion des ressources en procurant (ou en ne parvenant pas à procurer) des avantages économiques et financiers aux parties prenantes. Les populations n’acceptent la gestion participative des ressources que s’ils y voient un avantage (Chambers, 1988). Parmi les nombreuses valeurs et avantages associés aux ressources naturelles, citons les produits ou les matières premières qui peuvent être utilisés à des fins de subsistance, de troc ou de vente. Les gains financiers ont un pouvoir de motivation élevé et ils sont déterminés essentiellement par les possibilités de marché et les risques qui leur sont associés. Si les populations connaissent avec certitude les gains et les coûts associés à la gestion des ressources, elles sont plus enclines à miser sur la collaboration. L’intérêt des parties prenantes pour la gestion des ressources dépend entre autres des éléments suivants:

l’importance des ressources naturelles pour les moyens d’existence des populations; les liens entre les ressources et les autres systèmes de production; l’orientation de l’économie (subsistance ou rapport?); les marchés et les prix disponibles; la présence des divers types d’acteurs dans les chaînes de marché; les coûts de la main-d’œuvre et des autres facteurs de production; la disponibilité et le coût des services financiers; la disponibilité d’informations fiables sur les marchés; la connaissance des droits et de la réglementation des marchés. Il importe de comprendre de quelles opportunités disposent les gestionnaires des ressources pour tirer profit de la production. Les prix sont essentiels pour le concept d’incitations. Bien souvent, les producteurs forestiers manquent d’informations sur les prix qu’ils peuvent raisonnablement escompter, surtout dans les zones rurales. Outre la manipulation des prix par le secteur privé, les gouvernements peuvent aussi altérer les prix et créer des incitations/désincitations. Les ressources commercialisables sont souvent rares et leur utilisation suscite des conflits en raison de leur valeur potentielle. De même, les valeurs économiques peuvent évoluer au fil du temps, et provoquer de nouveaux conflits en rapport avec les droits d’usage ou d’accès. L’expression «gestion participative» peut sous-entendre une ambiance harmonieuse et une collaboration positive, mais les circonstances économiques et financières peuvent créer ou stimuler la compétition et révéler des conflits latents ou nouveaux à propos des ressources.

Infrastructures: L’influence des infrastructures sur la gestion participative dépend des exigences des parties prenantes et de ce que l’on veut obtenir de cette approche participative. La protection d’une zone de nature sauvage importante à l’intérieur d’un grand parc national peut être plus facilement assurée s’il n’y a pas d’infrastructures. En revanche, les intérêts des ruraux pauvres qui utilisent les ressources naturelles situées en dehors d’un réseau d’aires protégées peuvent être mieux desservis par un accès à des infrastructures matérielles telles que routes, électricité et


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irrigation. Le développement des infrastructures dans une zone spécifique n’est pas toujours prescrit par la politique et les plans de développement du gouvernement, de même qu’un programme d’appui n’a pas toujours les ressources nécessaires pour créer les infrastructures requises, qui feraient défaut. Dans un cas comme dans l’autre, les infrastructures sont un élément important de l’environnement porteur. Un programme d’appui pourrait choisir de:

cibler ou éviter des sites éloignés et dépourvus d’infrastructures; sélectionner des sites dotés d’infrastructures spécifiques; encourager d’autres partenaires à soutenir le développement d’infrastructures critiques, sur les sites sélectionnés;

inclure le développement des infrastructures, comme activité de collaboration, dans le programme d’appui. Plus simplement, la décision dépend du type d’infrastructure requise, des infrastructures déjà présentes, de l’importance des infrastructures manquantes dans la composante de développement du programme d’appui, et de l’impact social et environnemental de l’établissement de ces infrastructures.

La philosophie et la pratique de la gestion participative sont-elles adaptées au contexte culturel? Les populations adoptent un comportement dans le contexte de croyances, de valeurs et d’institutions communes. Les sociétés établissent des règles et des sanctions pour punir les infractions et assignent divers rôles institutionnels à leurs membres. La gestion participative des ressources naturelles doit d’une certaine manière s’inscrire dans ce contexte culturel. Selon la définition de la gestion participative, ce concept exige principalement que de multiples parties prenantes puissent prendre part aux décisions concernant l’utilisation des ressources naturelles et collaborent à la mise en œuvre des pratiques de gestion. Il peut être difficile d’identifier les circonstances culturelles pertinentes et de dire


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si une collaboration peut être facilement encouragée ou non. Pour compliquer les choses, il arrive que plusieurs groupes ethniques différents soient présents dans une situation donnée, et que chacun d’eux ait des ensembles de règles et de valeurs communes qui lui sont propres. Pour comprendre l’environnement culturel, on peut commencer par se demander:

si la participation populaire a une place dans l’idéologie de l’État; s’il existe une tradition de gestion participative des ressources naturelles dans la zone; s’il existe déjà des institutions appropriées pour organiser une collaboration.

CONCLUSION Cette vue d’ensemble montre que de nombreuses circonstances peuvent rendre l’environnement plus ou moins propice à la gestion participative. En général, les parties prenantes sont nombreuses et ont des intérêts et des préférences différents en matière de gestion, et il n’est généralement pas possible d’associer chacune d’elles à la prise de décision. Il existe souvent de grandes différences entre les personnes, du point de vue de la capacité de participer et d’influencer les résultats. Un conflit et une multitude d’autres problèmes peuvent découler des circonstances culturelles, politiques, juridiques et économiques. En conséquence, la promotion d’une approche de gestion participative pourrait être sérieusement compromise ou vouée à l’échec pour de nombreuses raisons. Par exemple, certaines parties prenantes peuvent être contre la gestion participative, et si elles ont un pouvoir important, elles peuvent s’évertuer à la faire échouer. Il n’y a pas grand intérêt à promouvoir une approche dans un contexte qui ne s’y prête pas. Cela signifie que toute personne qui a une fonction de soutien devrait toujours effectuer une analyse des parties prenantes et contrôler l’environnement porteur, et qu’elle devrait aussi se réserver le droit de renoncer si les circonstances sont impossibles dans un endroit donné. En effet, en renonçant, elles peuvent inciter les parties prenantes à revoir leurs positions ou à corriger une lacune spécifique dans l’environnement porteur, afin d’améliorer les chances de succès de la collaboration à l’avenir. Cette position est justifiée car ceux qui fournissent un appui encouragent souvent les populations à prendre des risques et à faire des investissements qui auraient probablement été évités sans leur appui. Les erreurs commises par ceux qui fournissent un appui et par d’autres durant la collaboration peuvent leur coûter cher et coûter cher aux ruraux pauvres. Ces derniers peuvent perdre du temps et des ressources et le fournisseur d’appui peut perdre sa crédibilité. Ceux qui fournissent un appui sont responsables devant ceux qu’ils tentent d’aider. C’est pourquoi il est si important de bien analyser les parties prenantes et l’environnement porteur dès le départ, et de réfléchir et de refaire des évaluations fréquentes afin de pouvoir anticiper ou déceler le plus tôt possible les problèmes et les erreurs.



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Guide pratique pour l’analyse des conflits

La présente annexe sert de guide pour aider les opérateurs à appliquer les outils d’analyse des conflits sur le terrain. L’analyse des conflits est un processus d’apprentissage qui permet aux médiateurs et aux parties prenantes de mieux comprendre un conflit, d’accepter ou de refuser de le gérer et de décider de la meilleure approche à adopter à cette fin. L’annexe a pour objet d’aider les médiateurs à utiliser ces outils dans le cadre des processus de gestion des conflits. Cette annexe complète la Section 5 qui explique pourquoi une analyse du conflit est essentielle, comment elle est intégrée dans le processus de gestion du conflit et le rôle de chaque outil dans cette analyse.

ANALYSER UN CONFLIT L’analyse du conflit se fait à divers stades d’un processus de gestion du conflit: A Évaluation préliminaire du conflit: Durant la phase d’entrée, l’analyse du conflit effectuée dans le cadre de l’évaluation du conflit est un instrument stratégique qui permet aux médiateurs de planifier la marche à suivre – de décider s’ils iront plus avant ou non dans le conflit et de déterminer les prochaines étapes. Elle se fait après un premier contact avec les parties prenantes durant la phase d’entrée et après avoir écouté leurs exposés des faits et leurs préoccupations. L’évaluation préliminaire d’un conflit est effectuée par les médiateurs, au niveau interne. B Analyse du conflit facilitée: L’analyse du conflit conduite à ce stade plus avancé du processus diffère de l’évaluation initiale car ici, les médiateurs aident les parties prenantes à analyser la situation par elles-mêmes. Leur tâche consiste à les soutenir et à les aider à avancer dans un processus d’auto-réflexion et d’auto-découverte. Toutes les parties doivent être en mesure de suivre le processus, de comprendre les résultats et de savoir par quels moyens ils ont été obtenus. La principale tâche des médiateurs est donc d’expliquer et de visualiser chaque étape du processus et tous les résultats intérimaires.


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Selon les circonstances, les médiateurs peuvent faciliter l’analyse du conflit dans le cadre d’une session commune avec toutes les parties prenantes ou, si les tensions sont trop fortes, séparément avec chaque groupe de parties prenantes. À un moment donné, les différentes parties prenantes devront cependant mettre en commun leurs analyses afin que les points de vue de chacun puissent être mieux compris. Le but d’une analyse du conflit à ce stade plus tardif du processus, est d’aider les parties prenantes à parvenir à une communauté de vues sur l’objet du conflit et sur ce qu’il signifie et implique pour chaque partie. Les différentes parties prenantes peuvent ainsi être amenées à élargir ou à rétrécir la portée des problèmes à négocier.

LES OUTILS D’ANALYSE DES CONFLITS Les outils sont des supports destinés à faciliter l’analyse d’un conflit. Chacun joue un rôle qui lui est propre dans les diverses étapes de la carte du processus. Les outils ne sont pas des processus rigides et ils peuvent être adaptés en fonction des besoins. Il est essentiel de distinguer les deux modes d’utilisation possibles des outils. Les outils peuvent être des modèles mentaux (internes) autour desquels le médiateur peut structurer sa pensée tout en s’entretenant avec les parties prenantes du conflit (analyse stratégique du conflit). Ainsi utilisés, les outils:

aident à structurer l’analyse du conflit; sont essentiels pour la triangulation et le contrôle par recoupement des informations, surtout quand plusieurs outils sont employés;

peuvent fournir un guide pour les questions à poser. Les outils peuvent aussi être utilisés pour faciliter les sessions de groupe. Ils sont alors appliqués ouvertement avec les parties prenantes (analyse de conflit facilitée) pour:

visualiser la situation et structurer la discussion; favoriser une compréhension commune au sein d’un groupe d’individus; vérifier les informations par recoupement et encourager les échanges de vues; permettre une compréhension commune entre les parties prenantes et les médiateurs. L’utilisation des outils peut poser des problèmes dans des contextes traditionnels, notamment dans les cas suivants:

Analphabétisme: Les outils doivent être adaptés ou remplacés par d’autres; on peut par exemple employer des images plutôt que des mots écrits pour représenter certains points spécifiques.


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Guide pratique pour l’analyse des conflits

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Apparition d’un conflit: L’emploi d’un outil peut conduire à une situation de conflit lorsque l’analyse est effectuée conjointement avec les parties prenantes du camp adverse. Dans ce cas, il pourrait être plus approprié d’utiliser les outils séparément avec chaque groupe.

OUTILS D’ANALYSE DES CONFLITS Numéro de l’outil

Outil

Objet

1

Analyse des causes profondes

Aider les parties prenantes à examiner les origines et les causes sous-jacentes du conflit.

2

Analyse des problèmes

Examiner les facteurs qui contribuent au conflit et étudier plus en détail les problèmes spécifiques qui donnent lieu à un conflit spécifique, en se concentrant sur cinq catégories de problèmes: 1) problèmes d’information; 2) intérêts conflictuels; 3) relations difficiles; 4) inégalités structurelles; 5) valeurs opposées.

3

Identification et analyse des parties prenantes

Identifier et évaluer la dépendance et le pouvoir des différentes parties prenantes dans un conflit.

4

Analyse des 4R (Droits, Responsabilités, Retombées et Relations)1

Examiner les droits, les responsabilités et les avantages (retombées) des différentes parties prenantes eu égard aux ressources naturelles, en vue d’améliorer la compréhension d’un conflit. Examiner les relations entre différents groupes de parties prenantes ou au sein de ces groupes.

5

Ligne de temps du conflit

Aider les parties prenantes à examiner l’histoire d’un conflit et à mieux comprendre la succession d’événements qui ont conduit au conflit.

6

Cartographie du conflit lié à l’utilisation des ressources

Montrer géographiquement les lieux où des conflits relatifs à l’utilisation des terres ou des ressources existent ou pourraient exister à l’avenir. Déterminer les principaux problèmes du conflit

Les outils 1 à 4 sont des outils de base, essentiels pour une analyse approfondie du conflit. Les outils 5 et 6 sont des outils complémentaires qui sont utiles, mais ne doivent pas nécessairement être employés dans toutes les analyses des conflits. 1. L’appellation 4R provient de l’anglais (Rights, Responsibilities, Returns, Relationships) - en français: Droits, responsabilités, retombées et relations.


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OUTIL DE BASE 1: ANALYSE DES CAUSES PROFONDES OBJET:

Aider les parties prenantes à examiner les origines et les causes sous-jacentes du conflit.

APPLICATION: L’analyse des causes profondes permet de mettre en évidence les liens entre les différents facteurs et causes qui ont déclenché le conflit. Elle aide à établir des relations de cause à effet simples, révélatrices de la dynamique sous-jacente du conflit. Une analyse des causes profondes peut être exécutée comme: un modèle mental intériorisé pour structurer la pensée des médiateurs; un outil de facilitation utilisé avec les parties prenantes du conflit pour les guider dans leur propre analyse. Une analyse des causes profondes est généralement conduite séparément avec chaque partie prenante durant: une consultation-navette – dans le cadre d’une analyse préliminaire du conflit (étape 3); la phase d’engagement des parties prenantes – les parties prenantes analysent le conflit par elles-mêmes. L’analyse des causes profondes peut être refaite tout au long du processus d’analyse du conflit, au fur et à mesure que de nouvelles informations deviennent disponibles et que de nouveaux problèmes surviennent. PRÉPARATION: Tableaux-papier à feuilles mobiles Papillons adhésifs amovibles Crayons feutre de couleur Cassette Dessiner un Modèle d’arbre du conflit (pièce jointe 1a) sur le tableau-papier POSSIBILITÉS ET CONTRAINTES Une analyse des causes profondes révèle différentes interprétations des relations de cause à effet; certaines parties prenantes peuvent hésiter à révéler les problèmes clés et l’importance des différents problèmes n’est généralement pas perçue de la même manière par tous. Toutefois l’analyse des causes profondes peut être trop poussée si bien que l’arbre du conflit devient trop complexe pour faciliter l’analyse. L’arbre du conflit de la Pièce jointe 1a peut illustrer ce phénomène. RENVOI INTERNE: Sections 4.4; 5.4; et 6.


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ÉTAPES: A Effectuer une analyse des causes profondes dans le cadre d’une évaluation préliminaire du conflit (phase d’entrée): 1 Dans le processus d’entrée, les médiateurs contactent les différentes parties prenantes et leur donnent une possibilité d’exposer les faits, leurs griefs et la situation telle qu’elles la perçoivent. A ce stade précoce d’instauration de la confiance, l’analyse des causes profondes ne devrait pas être effectuée directement avec les parties prenantes. Toutefois les médiateurs peuvent utiliser la technique consistant à poser des questions commençant par «pourquoi» pour étudier plus en détail les limites et les causes sous-jacentes du conflit. 2 Plus tard, lorsque les médiateurs se réuniront, ils pourront utiliser les informations obtenues auprès des différentes parties prenantes pour élaborer un arbre du conflit préliminaire, qui leur servira de base pour décider s’ils s’engageront ou non dans le processus de gestion du conflit. Une analyse des causes profondes est utile pour démontrer comment les causes locales d’un conflit peuvent être liées à des problèmes sociaux, politiques et économiques beaucoup plus larges, ce qui aidera ensuite à déterminer le niveau du conflit sur lequel les médiateurs doivent centrer leur attention. B Faciliter l’analyse des causes profondes des parties prenantes: 1 Exposez l’objet de l’activité au groupe de parties prenantes. Expliquez que cette activité les aide à comprendre comment et pourquoi le conflit est survenu et la succession des facteurs qui y ont contribué. 2 Affichez le Modèle d’arbre du conflit et décrivez les étapes du processus. Expliquez qu’un conflit peut sembler très complexe ou très bien défini, mais qu’il peut être bien plus ou bien moins complexe qu’il n’y paraît à première vue. Une analyse des causes profondes est donc incontournable pour gérer le conflit et prévenir son escalade. Expliquez que, si les causes profondes d’un conflit ne sont pas bien comprises, on risque d’omettre des causes essentielles, même si l’on fait tout son possible pour le gérer et le résoudre. Le conflit risque alors d’être mal géré, et de resurgir plus tard. De même, quand on abat un arbre sans arracher ses racines, l’arbre se remet à pousser.

Répondez clairement aux éventuelles questions des participants sur le processus.


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3 Vous pouvez effectuer l’analyse des causes profondes avec tout le groupe de parties prenantes ou subdiviser le groupe en sous-groupes. Avec des sous-groupes, vous pourrez obtenir des perceptions différentes du conflit qui n’auraient pas été mentionnées autrement. Par exemple, les femmes, les jeunes et les personnes âgées peuvent avoir des points de vue complètement différents, les pauvres peuvent ne pas avoir la même vision que les riches, etc.

Discutez avec tous les participants de la possibilité de les diviser en sous-groupes et laissez-les prendre la décision finale. La subdivision n’a de sens que si vous notez:

des écarts de pouvoir marqués au sein du groupe; que seuls quelques participants parlent, alors que les autres semblent hésiter à exprimer ce qu’ils pensent;

qu’il peut être mal perçu que des jeunes, des pauvres ou des femmes s’expriment en public (notamment dans certaines sociétés traditionnelles). 4 Facilitez l’analyse des causes profondes dans l’ensemble du groupe ou dans des sous-groupes. Répartissez les tâches de médiation, de documentation et de suivi du processus entre les membres de l’équipe de médiation:

Le point de départ est le conflit étudié. Invitez les participants à discuter des causes profondes. Vérifiez s’il y a des réticences, dont il faudra tenir compte. Ne commencez le processus que quand tous les participants vous semblent prêts. Ensuite, demandez aux participants de discuter des raisons pour lesquelles le conflit est survenu, ou de ses causes immédiates. Les participants inscriront chaque raison sur un papillon adhésif amovible différent, qu’ils placeront sous les titres appropriés du conflit, sur le tableau-papier. Si certains participants sont analphabètes, employez plutôt des images pour représenter les causes. Ensuite, les participants devraient poursuivre en se posant eux-mêmes la question «pourquoi?» à propos de chaque cause immédiate. Le groupe devrait discuter les raisons, et noter chacune d’elles sur un papillon adhésif amovible. Ces étapes seront répétées jusqu’à ce que les participants soient parvenus à définir quelques causes essentielles ou profondes du conflit ou du problème à traiter. Ils peuvent déplacer les papillons adhésifs en cas de besoin. Expliquez aux participants qu’ils ne devraient pas s’enferrer dans des discussions sur la validité ou la non validité d’un «Pourquoi?». Pour l’instant, il ne s’agit que d’une phase exploratoire et l’on pourra déterminer plus tard la véridicité ou l’importance relative de chaque «Pourquoi?». Enfin, les participants devraient relier les papillons adhésifs par des lignes pour mettre en évidence les liens entre les causes et les effets. Rappelez-leur de vérifier leur logique en répétant le processus de questionnement à base de «Pourquoi?» à travers tous les niveaux de causes, comme indiqué dans le paragraphe précédent.


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5 Si vous avez divisé le groupe principal en sous-groupes, réintégrez-les pour reconstituer le groupe global dès qu’ils auront terminé leurs analyses. Demandez à une personne de chaque sous-groupe d’afficher son graphique et de l’expliquer.

Ensuite, discutez les similitudes et les différences des analyses dans le groupe global, et laissez les participants explorer:

les raisons pour lesquelles les divers sous-groupes ont des points de vue différents sur le conflit; ce que peut faire le groupe principal pour trouver un terrain d’entente dans l’analyse du conflit. 6 Le moment est maintenant venu d’examiner la pertinence des différentes causes et des différents effets, et d’évaluer l’importance des différents enchaînements de cause à effet. Faîtes une distinction entre:

les perceptions différentes; les faits qui peuvent être vérifiés; les questions ouvertes, dont l’examen doit être approfondi. Laissez les participants discuter pour déterminer quels sont les enchaînements les plus importants et quelles sont les causes profondes. Ces dernières doivent être traitées en premier. Avec les participants, discutez du fait que lorsque de multiples causes ont contribué à un conflit, il est généralement impossible de les traiter ou de les éliminer toutes en même temps. Des priorités doivent être établies. Soulignez qu’il n’y a pas de règles définies pour établir les priorités, mais que l’identification des causes les plus significatives est un aspect important de l’analyse d’un conflit. Pour les identifier, il peut être utile de classer les problèmes par ordre d’importance, et de faire une distinction entre les problèmes:

immédiats, qui exigent une action urgente; sous-jacents, qui compromettent de façon significative une paix durable et dont la résolution se fait généralement sur une plus longue période. Rappelez aux participants qu’au bout du compte ceux qui sont impliqués dans le conflit devront établir eux-mêmes les critères qui serviront à déterminer les domaines d’action prioritaires. Ils peuvent décider de se concentrer sur les problèmes qui ont l’influence la plus immédiate sur le conflit aujourd’hui, ou de tolérer un certain niveau de ce qui apparaît comme un conflit localisé, pour se concentrer sur les problèmes sous-jacents du conflit. 7 La session de groupe sur l’analyse des causes profondes est achevée lorsque les participants:

se sont mis d’accord sur une analyse globale des causes du conflit; ont identifié des lacunes d’information à explorer de façon plus approfondie; ont identifié les principales causes profondes qui méritent une attention particulière.


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Pièce jointe 1a: Modèle d’arbre du conflit Ce qui suit est une analyse simplifiée des causes profondes d’un conflit lié à l’exploitation d’une forêt, dans lequel étaient opposés des propriétaires traditionnels, une compagnie forestière et le service forestier du gouvernement. Le graphique de l’arbre du conflit a été préparé par des propriétaires traditionnels qui s’opposaient à la récolte du bois sur une terre forestière qu’ils revendiquaient comme faisant partie de leur domaine ancestral. Ils voulaient que l’on mette fin à l’exploitation forestière et faisaient valoir que le conflit était suscité par:

la pollution du fleuve et la contamination de leur source d’eau; des dégâts à des sites d’importance culturelle; l’illégalité du contrat d’exploitation forestière, faisant intervenir le «mauvais groupe» de propriétaires traditionnels;

des incitations de clans voisins à continuer à endommager la forêt. Les propriétaires traditionnels ont identifié et noté chacun des problèmes lors d’une exploration des événements et des facteurs contribuants. Le graphique attirait l’attention sur un certain nombre d’autres parties prenantes et sous-groupes (autres que les propriétaires traditionnels, la compagnie forestière et le service forestier) qui étaient impliqués dans le conflit. Il était essentiel d’obtenir l’appui de quelques-uns de ces groupes pour résoudre le conflit. Les causes recensées sur l’arbre du conflit reflètent le manque d’objectivité des points de vue des propriétaires traditionnels. En commentant le graphique, ceux-ci ont admis que les causes recensées n’étaient peut-être pas toutes fondées. Cependant, le graphique fournissait un cadre pour:

approfondir l’examen des diverses causes; réunir des informations supplémentaires; déterminer les véritables facteurs contribuant au conflit actuel. Le graphique a aidé les parties prenantes du conflit à décider du niveau auquel elles devaient gérer le conflit, à court terme. Il identifiait un certain nombre de lieux d’action possibles pour gérer le conflit et améliorer les processus de gestion participative. Pour la communauté locale, le graphique reliait aussi des décisions de politique plus générales aux impacts ressentis dans leur zone. Il indiquait aussi les mesures qui pouvaient être prises pour anticiper et résoudre d’éventuels conflits futurs.


Conflit: une communauté indigène (CI) prend des mesures pour mettre fin aux opérations d’exploitation sur une terre forestière

Directives d’exploitation du service forestier inadéquates pour protéger la base de ressources

Supervision inadéquate des opérateurs de la compagnie par le service forestier

Les opérateurs de la compagnie ne se préoccupent pas de la dégradation des ressources

Pas de volonté politique de mettre en application les directives du service forestier

La compagnie n’a pas de code d’usages ou de formation sur les impacts environnementaux

Le service forestier manque de personnel qualifié

Manque de fonds pour payer les salaires et les opérations

Personnel non formé pour mettre en application les directives

Réduction des dépenses du gouvernement

Financement insuffisant du gouvernement

Financement insuffisant du gouvernement

Insuffisance des redevances forestières réinjectées dans la gestion du service forestier

Insuffisance des redevances forestières réinjectées dans la gestion du service forestier

La compagnie forestière est peu motivée pour former ses opérateurs

Aucune prescription de la compagnie forestière

Éducation communautaire non assurée par le service forestier

Financement insuffisant du gouvernement

La récolte du bois est une utilisation non traditionnelle de la forêt

Les opérateurs de la compagnie forestière ne connaissent pas l’existence des sites spirituels

Les opérateurs de la compagnie enfreignent les règles du contrat de concession

Directives du service forestier pas conçues pour protéger les intérêts et les droits d’utilisation des ressources des propriétaires traditionnels

Le service forestier n’a pas accès aux informations techniques

Dégradation de sites culturels importants

Les sites ne sont pas indiqués sur le plan d’exploitation forestière

Procédures inadéquates pour le contrôle des propriétaires et des utilisateurs des ressources

Peu d’intérêt ou faible priorité de la part des fonctionnaires du service forestier

Un clan local n’a pas informé le service forestier des sites culturels

Un clan local n’a pas compris pourquoi cette information devait être

Le contrat de concession a été signé par des propriétaires et des utilisateurs traditionnels des ressources qui ne sont pas les bons

L’autorité locale a mal informé le service des forêts sur les véritables «propriétaires» et utilisateurs traditionnels des ressources

Manque d’accès à une ONG de conservation des forêts

Vulgarisation insuffisante en matière de gestion forestière

Un clan voisin n’a pas de règles coutumières pour la gestion du bois

Contestation de la légalité du contrat de concession forestière

CI déplorant la pollution du fleuve et d’une source d’eau

Le clan voisin ignore les principes d’une bonne gestion forestière

Nouvelle dégradation de la forêt due à l’abattage d’arbres supplémentaires, à la demande d’un clan voisin

Défaut de consultation de la part des responsables du service forestier

Peu d’intérêt ou faible priorité de la part des fonctionnaires du service forestier

Faible niveau de participation et de consultation avec les utilisateurs de la forêt avant de définir l’accord d’exploitation.

L’autorité locale a une connaissance insuffisante du droit coutumier

Autorité locale composée de jeunes locaux n’ayant aucune formation en droit coutumier

Jeunes locaux formés en dehors de la région et auxquels les personnes âgées n’ont jamais transmis leurs connaissances traditionnelles

Formation inadéquate des fonctionnaires du service forestier

Exigences insuffisantes du service forestier quant au processus de consultation avec les propriétaires et les utilisateurs traditionnels des ressources

Signataires encouragés par la compagnie forestière à ne pas consulter les autres utilisateurs des ressources

Compagnie forestière désireuse de conclure le contrat rapidement et sans heurts


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OUTIL DE BASE 2: ANALYSE DES PROBLÈMES OBJET:

Permettre aux parties d’identifier les types de problèmes qui contribuent à un conflit et d’étudier les moyens les plus efficaces de les résoudre.

APPLICATION: L’analyse des problèmes complète celle des causes profondes en fournissant un deuxième niveau d’analyse. L’outil aide à identifier et énumérer les problèmes fondamentaux qui contribuent à un conflit et débouche sur l’établissement d’une liste que les médiateurs peuvent utiliser comme aide-mémoire pour étudier cinq catégories différentes de problèmes (Pièces jointes 2a et 2b). L’analyse des problèmes est un outil essentiel dans le processus d’entrée, en particulier durant la consultation-navette. Il aide à explorer les limites et les éléments clés du conflit, en vue de les trier et de les replacer dans leur contexte. L’analyse des problèmes doit de préférence être utilisée comme un modèle mental interne pour les médiateurs, en particulier durant le processus d’entrée et la consultation des parties prenantes, où le médiateur a besoin de se représenter plus clairement le conflit. Cet outil ne devrait pas être employé pour faciliter des discussions de groupe, car la différenciation des problèmes en catégories pourrait leur confondre les idées. PRÉPARATION: Tableaux-papier à feuilles mobiles Feutres de couleur Préparer des tableaux-papier à partir des Différents types de problèmes qui conduisent au conflit (Pièce jointe 2a) et du Modèle de Tableau d’analyse des problèmes (Pièce jointe 2b). POSSIBILITÉS ET CONTRAINTES: Dans les conflits réels, il peut être difficile de faire une distinction claire entre les différentes catégories et il faut faire preuve de pragmatisme lorsque l’on trie les problèmes. Dans le même temps, la division en catégories peut contribuer à faire naître des idées sur d’autres questions utiles à poser et d’autres problèmes à explorer. RENVOI INTERNE: Sections 4.4; et 5.4.


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ÉTAPES: 1 Effectuer une analyse des problèmes dans le cadre d’une évaluation préliminaire du conflit (phase d’entrée):

Dans l’analyse «interne» du conflit, faite par l’équipe de médiation, chaque participant est censé identifier les problèmes qui, selon lui, sont au cœur du conflit. Distribuez des fiches d’identification ou des papillons adhésifs amovibles à tous les participants pour qu’ils puissent enregistrer chaque problème sur une fiche ou un papillon séparé. Demandez aux participants de décrire brièvement le conflit et de lire à voix haute les problèmes. Au fur et à mesure qu’ils les lisent, demandez-leur de placer les fiches ou les papillons sur le tableau-papier. Une fois que tous les problèmes ont été présentés, classez les fiches par groupes de problèmes de même nature (en vous basant sur les cinq catégories de problèmes de base), à savoir:

problèmes d’information; intérêts conflictuels; relations difficiles; inégalités structurelles; valeurs opposées. Identifiez ce qui a engendré le problème:

une différence perçue ou réelle, ou des points de vue opposés; une menace perçue ou réelle; une lacune - absence ou insuffisance d’informations, de règles importantes, etc. En réalité, ces catégories de problèmes peuvent se confondre et l’on préviendra les participants qu’ils ne doivent pas s’inquiéter s’il n’y a pas de catégorie parfaitement appropriée. Les catégories sont en réalité des outils servant à faciliter une réflexion plus systématique sur chacun des facteurs contribuant au conflit. L’équipe devrait aussi déterminer les problèmes les plus significatifs et les marquer d’un astérisque (*). Elle devrait également noter les problèmes les plus immédiats et ceux qui exigent une action à long terme. L’équipe s’accordera ensuite quelques minutes pour réfléchir à l’analyse et examiner ce qui pourrait être fait pour régler le conflit. Elle discutera ensuite des mesures qu’elle peut prendre pour faciliter la résolution du conflit. 2 Faciliter l’analyse des problèmes des parties prenantes:

L’analyse des problèmes se fait de préférence par petits groupes, en vue d’acquérir des informations sur la vaste gamme de points de vue que peuvent avoir les différentes parties prenantes sur les origines du conflit.


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Il peut être utile de séparer un conflit en ses différents problèmes, puis d’identifier la catégorie à laquelle appartient chaque problème, ainsi que les causes qui l’ont engendré (différences, menaces ou lacunes) pour élaborer une stratégie de gestion du conflit. Lorsqu’ils s’entretiennent avec les parties prenantes, les médiateurs devraient les laisser exposer elles-mêmes les faits et exprimer leurs émotions, en intervenant le moins possible. Ils peuvent cependant poser des questions commençant par «pourquoi», le cas échéant. Ils peuvent se guider sur la liste des cinq problèmes de base pour poser des questions plus spécifiques durant la consultation des parties prenantes ou plus tard, durant la phase de leur engagement (étape 4). Un membre de l’équipe de médiation devrait prendre des notes, sous réserve du consentement de celui qui parle. Ces notes pourront ensuite être utilisées durant l’analyse préliminaire du conflit. L’analyse des problèmes doit être mise à jour par l’équipe de médiation dès que de nouvelles informations surviennent et pendant toute la durée du processus de gestion du conflit. Elle se constituera ainsi un stock d’informations générales précieuses.


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Pièce jointe 2a: Les différents types de problèmes qui conduisent à un conflit Type de problème

Éléments

Points à se rappeler dans la gestion de ces conflits

Intérêts opposés

Besoins et souhaits différents; partage des avantages et utilisation des ressources Concurrence réelle ou perçue des intérêts Absence perçue ou réelle d’intérêts communs

Identifier des intérêts communs Les besoins sous-jacents peuvent souvent être satisfaits par plus d’options qu’il n’y paraît au premier abord Clarifier si les intérêts sont réels ou perçus

Problèmes d’information

Manque d’informations ou interprétations différentes de l’information Utilisation de méthodes différentes pour évaluer ou interpréter l’information Communication insuffisante (écoute ou expression orale) ou défectueuse entre les parties opposées.

S’entendre sur les besoins en informations S’entendre sur la manière d’obtenir et de vérifier l’information S’entendre sur les critères d’évaluation ou d’interprétation de l’information Une tierce partie peut améliorer la communication Encourager la transparence dans la prise de décision

Relations difficiles

Personnalité et émotions différentes, mais aussi idées fausses, stéréotypes et préjugés Comportements incompatibles (habitudes, méthodes, styles); différences dans les attentes, les attitudes et les approches de résolution des problèmes Histoire du conflit et sentiments négatifs entre les parties

Identifier les difficultés spécifiques, encourager les parties à éviter les généralisations lorsqu’elles s’exposent mutuellement leurs problèmes. Chercher à bâtir des perceptions et des solutions positives Mettre en avant des règles fondamentales équitables que devront suivre toutes les parties Tenter d’établir ou de renouer des relations, en encourageant les parties à faire preuve d’attention et de bonne volonté


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Pièce jointe 2a • (fin)

Problèmes structurels

Idées différentes concernant les processus de gestion, les règles, les rôles et les pouvoirs appropriés. Peut s’appliquer aux organisations ou aux comités des réunions Inégalité ou injustice perçue ou réelle au niveau du pouvoir, du contrôle, de la propriété ou des structures influençant l’accès aux ressources ou leurs distributions Facteurs entravant la coopération tels que structures et responsabilités décisionnelles, contraintes de temps, contextes géographiques ou physiques

Aider les groupes privés de droits à comprendre leurs propres perceptions du conflit et celles des autres parties S’accorder sur une vision commune de griefs spécifiques - ex: trop de bureaucratie, représentation insuffisante Chercher à transformer le conflit en un moteur de changement social pour garantir des solutions durables à long terme

Valeurs opposées

Différences entre des croyances culturelles, sociales ou personnelles ou visions du monde et traditions différentes Objectifs, aspirations ou hypothèses différents reflétant l’histoire et l’éducation personnelles

Souvent les plus difficiles à changer Certaines valeurs humaines différentes ne sont pas négociables Se concentrer sur des intérêts ou des objectifs communs, plutôt que sur la résolution de valeurs différentes Nécessite une stratégie à long terme pour bâtir des relations de respect et favoriser le partage et la compréhension des valeurs entre les parties prenantes

Adapté de: Moore, C. 1996. The mediation process: practical strategies for resolving conflict. Second edition, San Francisco, Californie, ÉtatsUnis, Jossey-Bass; Warner, M. 2001. Complex problems, negotiated solutions: tools to reduce conflict in community development. London, ITDG Publishing.


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Pièce jointe 2b: Modèle de tableau d’analyse des problèmes Type de problème

Description du problème

Analyse des problèmes

Intérêts opposés

Les femmes ont besoin de récolter des matériaux et des plantes médicinales dans la forêt* Le groupe communautaire d’utilisateurs de la forêt (GCUF) veut mettre un terme à la contrebande des animaux sauvages

Différence perçue dans les intérêts en rapport avec l’utilisation de la forêt (animaux sauvages/soutien des moyens d’existence locaux)* Menace perçue de restriction de l’accès aux ressources requises, par le GCUF et l’Office forestier*

Problèmes d’information

Les villageois n’ont pas accès à l’information sur la restriction envisagée

Le GCUF n’a pas fourni d’informations au village sur la restriction envisagée La validité de l’information doit être confirmée

Les chasseurs contestent le fait que l’oiseau soit en danger Relations difficiles

Mauvaises relations antérieures entre le président du GCUF et les villageois

On soupçonne que le président du GCUF d’un autre village soit de parti pris pour l’Office forestier, au détriment des intérêts de ce village (en représailles d’une querelle passée)

Problèmes structurels

Consultation avec les villageois à propos de l’utilisation de la forêt

L’Office forestier et le GCUF n’ont consulté ni les femmes ni les chasseurs avant de proposer la restriction

Valeurs opposées

L’importance des plumes de l’oiseau local dans les cérémonies traditionnelles

Les fonctionnaires forestiers n’apprécient pas à sa juste valeur l’importance des plumes d’oiseau dans les cérémonies pour déterminer les relations au sein des villages

Actions proposées à l’issue de l’analyse du conflit: Vérifier les détails de la proposition avec les fonctionnaires forestiers et le GCUF. Les fonctionnaires forestiers fourniront des informations, en les expliquant, sur les oiseaux et leur importance dans la zone. Les femmes négocieront le principal domaine d’intérêt: garantir l’accès aux matériaux et aux plantes médicinales des forêts dont elles ont besoin. Les fonctionnaires forestiers recevront une formation sur la valeur traditionnelle des plumes d’oiseaux. Autres actions à long terme: changer le processus de consultation et rendre le président plus responsable devant tous les membres du GCUF; rencontre du représentant du village avec le président.


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Information sur l’exemple: Une communauté villageoise locale a entendu dire que l’Office forestier de district et le GCUF avaient décidé de restreindre l’accès à une zone de forêt afin de protéger une espèce d’oiseau en danger. Les forestiers de district ont convaincu le GCUF que la limitation de l’accès était nécessaire pour préserver l’un des rares habitats de nidification restants de cet oiseau et mettre un terme au braconnage. Les chasseurs du village contestaient le fait que l’oiseau était en danger car ils en voyaient encore beaucoup dans la forêt. Les femmes du village étaient en colère car la fermeture envisagée frappait une zone importante pour la récolte de matériaux pour la construction des maisons et de plantes médicinales traditionnelles. Tous les villageois craignaient de ne plus pouvoir récolter de plumes de l’oiseau local pour leurs cérémonies traditionnelles. Pour les femmes comme pour les chasseurs du village, l’objectif central du conflit était d’obtenir un accès permanent; en revanche, pour l’Office forestier il s’agissait d’un conflit d’utilisation non durable des ressources dans la région.


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OUTIL DE BASE 3: IDENTIFICATION ET ANALYSE DES PARTIES PRENANTES OBJET:

Identifier et évaluer la dépendance et le pouvoir des différentes parties prenantes dans un conflit.

APPLICATION: L’outil d’identification et d’analyse des parties prenantes aide à identifier les parties prenantes impliquées ou affectées par le conflit, le pouvoir dont elles disposent et leurs relations mutuelles. Une analyse des parties prenantes peut être utilisée comme: un modèle mental interne pour structurer la pensée des médiateurs; un outil de facilitation utilisé avec les parties prenantes pour les guider dans leur propre analyse. L’analyse est effectuée séparément avec chaque partie prenante du conflit pendant: la consultation-navette – analyse préliminaire du conflit (étape 3); la phase d’engagement des parties prenantes – où les parties prenantes analysent elles-mêmes le conflit (étape 4). L’analyse des parties prenantes peut être refaite tout au long du processus d’analyse du conflit, au fur et à mesure que de nouvelles informations deviennent disponibles et que de nouveaux problèmes surviennent. PRÉPARATION: Tableau-papier à feuilles mobiles Crayons de couleur Papier de couleur pour affiches Bâtons de colle POSSIBILITÉS ET CONTRAINTES: L’analyse de l’implication des différentes parties prenantes et de leur pouvoir relatif est une opération délicate qui requiert une discussion de groupe assistée par un médiateur compétent. En outre, il est important de rechercher des parties prenantes secondaires qui peuvent avoir une influence même si elles ne sont pas directement impliquées dans le conflit en question. RENVOI INTERNE: Section 5.5.


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ÉTAPES 1 Expliquez l’objet de l’activité et la signification du terme «parties prenantes», qui désigne toutes les personnes ou les organisations qui ont un enjeu dans le conflit, à savoir celles qui sont directement impliquées dans le conflit, celles qui sont affectées par le conflit, et celles qui influencent (ou peuvent influencer) la dynamique du conflit. 2 Expliquez brièvement le modèle de schéma des parties prenantes (Pièce jointe 3a) sur un tableaupapier, ou dessinez-le à même le sol. Décrivez un exemple de conflit simple, en expliquant comment le schéma représente les différentes parties prenantes, leurs intérêts et leur pouvoir relatif.

Demandez aux participants s’ils trouvent cette analyse utile et s’ils sont disposés à conduire un exercice de ce genre. 3 Demandez aux participants d’identifier toutes les parties prenantes du conflit et d’en faire la liste.

Invitez les participants à dessiner des cercles sur le sol ou à les découper dans du papier pour représenter les groupes de parties prenantes (en indiquant leur nom dans les cercles). La taille de chaque cercle reflètera l’intérêt ou l’enjeu relatif du groupe de parties prenantes qu’il représente. Pour déterminer cet enjeu, on se demandera à quel point le groupe de parties prenantes est affecté par le problème ou par son résultat. Ainsi, un grand cercle indique que le groupe de parties prenantes est fortement affecté par le problème et sera grandement affecté par le résultat. Un petit cercle représente un groupe de parties prenantes moins affecté. Laissez les participants disposer les cercles autour du conflit, au centre du schéma. La distance par rapport au centre et par rapport aux cercles des parties prenantes reflètera la proximité relative (non géographique) des parties prenantes les unes par rapport aux autres et par rapport au conflit. Demandez aux participants les moins actifs s’ils approuvent l’emplacement des différents cercles et animez une discussion pour mettre tous les participants d’accord sur ce point. S’ils ont du mal à s’entendre, vous pouvez envisager de constituer des sous-groupes. Une fois qu’ils sont satisfaits de leurs cercles reflétant les intérêts des parties prenantes, les participants discuteront du pouvoir relatif dont dispose chaque groupe de parties prenantes pour influencer les résultats du conflit. Choisissez un triangle qui représente l’influence relative de chaque groupe de parties prenantes (plus le triangle est grand, plus le groupe a de pouvoir pour influencer l’issue d’un conflit). Placez le triangle par-dessus le cercle correspondant (en le décalant un peu pour que l’on puisse voir les deux). Une fois que les participants seront satisfaits de leur schéma, amenez-les à discuter pour déterminer quelles sont, selon eux, les «parties prenantes principales», qu’ils devront indiquer par un astérisque (*). Ce sont ces parties prenantes qui devraient intervenir dans la gestion du conflit. À la fin de l’activité, les participants devraient avoir illustré sur une feuille mobile du tableaupapier le conflit, avec des cercles et des triangles représentant les groupes de parties prenantes et leur intérêt et leur influence relatifs.


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4 Si les médiateurs ont constitué des sous-groupes, chacun devra avoir le temps de présenter et d’expliquer son analyse aux autres. Si les analyses des sous-groupes sont très différentes, demandez-leur pourquoi. Demandez-leur d’essayer d’accorder leurs points de vue sur les parties prenantes impliquées, car ce sera important pour renforcer leurs positions dans la négociation. 5 Entamez une discussion sur les points suivants:

Que nous dit ce schéma sur les parties prenantes, leur pouvoir et leur influence? Y a-t-il eu des divergences sur l’identité des parties prenantes légitimes? Que signifient ces divergences et comment le groupe peut-il parvenir à une communauté de vues sur les parties prenantes impliquées dans le conflit?

Note à l’intention des médiateurs: Il n’y a pas de solution toute faite pour parvenir à une représentation équilibrée des parties prenantes dans la gestion d’un conflit. Pour faciliter la décision, les groupes de parties prenantes doivent définir d’un commun accord des critères pour les parties prenantes principales et secondaires. Ces critères dépendent dans une large mesure des objectifs et des résultats que l’on souhaite obtenir du processus de gestion du conflit. Si le but est de parvenir à une résolution juste et équitable, vous devez vous assurer que les parties prenantes principales incluent les personnes les plus touchées ou les plus tributaires de la ressource, ou celles qui seront les plus affectées par la résolution ou l’escalade du conflit. Vous devez pour cela examiner la gamme d’options dont dispose un groupe de parties prenantes dans le cas où l’un de ses intérêts ou besoins essentiels associés à une ressource ne serait pas satisfait. Les parties prenantes qui ont un lien avec le conflit, mais qui l’influencent moins directement sont des parties prenantes secondaires. Elles peuvent jouer des rôles clés dans les stratégies de résolution; si elles sont capables de se montrer objectives, elles peuvent notamment faire office de tierce partie ou d’intermédiaire, ou encore soutenir une partie plus faible dans un rôle de plaidoyer, en incitant l’arène politique à une plus grande équité. Pour garantir l’efficacité de la collaboration et de la gestion, il convient d’inclure les parties prenantes qui ont du pouvoir, de l’autorité et une influence sur la durabilité de la ressource. Si l’on ne fait pas intervenir dès le départ les groupes puissants, ils risquent de rejeter les solutions ou de refuser d’appuyer la mise en œuvre de l’accord. Adapté de: Larson, P. & Stevenson, D. 1995. Participatory monitoring and evaluation: a practical guide for successful ICDPs. Washington DC, WWF; Worah, S., Svendsen, S. & Ongleo, C. 1999. Integrated conservation and development: a trainer’s manual. Godalming, UK, WWF UK.


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Pièce jointe 3: Modèle de schéma des parties prenantes Le conflit opposait les utilisateurs forestiers d’un village (village A), le personnel d’une institution forestière gouvernementale et les membres d’une ONG de conservation. Il était centré sur un projet d’interdiction de l’exploitation du rotin dans une réserve forestière. Les deux organisations estimaient que l’exploitation du rotin par le village A appauvrissait la biodiversité de la réserve. La figure illustre le point de vue des membres du village A sur les parties prenantes de ce conflit. Elle montre comment les villageois définissaient les différentes parties prenantes, le degré auquel ils estimaient que ces parties prenantes étaient affectées par le résultat de la décision de gestion et le pouvoir relatif dont eux-mêmes disposaient pour influencer cette décision. Les femmes du village A qui s’occupent traditionnellement de la récolte, de la transformation et de la vente du rotin, étaient considérées comme les plus affectées par la décision envisagée, mais c’étaient elles qui contribuaient le moins aux processus de prise de décision. Le chef et les autres hommes du village A se sentaient lésés par l’interdiction frappant le rotin car ils prévoyaient une diminution de leur revenu familial total. Ils étaient considérés comme plus puissants que les femmes car ils avaient participé à quelques réunions de consultation organisées par l’institution forestière. Ils redoutaient l’impact de cette décision sur les enfants du village car leurs frais de scolarité étaient principalement payés par les revenus de la vente d’objets d’artisanat en rotin. De l’autre côté, les hommes d’un village voisin (village B) ne récoltaient pas et n’utilisaient pas le rotin, mais ils étaient perçus comme ayant plus d’influence que quiconque dans le village A. Les habitants du village A accusaient les hommes du village B de fournir à l’institution forestière et à l’ONG de conservation des informations inexactes sur la récolte du rotin afin de mobiliser un appui plus important pour un autre projet générateur de revenu. L’ONG de conservation, qui donnait des conseils techniques sur la gestion de la réserve et qui fournissait un appui financier à l’institution forestière gouvernementale, était considérée comme la partie ayant le plus d’influence sur la décision. Les habitants du village A ne comprenaient pas les préoccupations de l’ONG en matière de biodiversité, et ils ne voyaient pas comment une organisation constituée de personnes vivant loin pouvait être grandement affectée par le problème du rotin. Sur le schéma, la taille du cercle d’un groupe de parties prenantes et sa proximité par rapport au problème reflètent le degré auquel ledit groupe est censé être affecté par le résultat du conflit. La taille du triangle d’un groupe indique le pouvoir relatif de ce groupe sur la décision de gestion finale. La proximité des parties prenantes les unes par rapport aux autres reflète les relations et les alliances entre les groupes.


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POINTS DE VUE DIFFÉRENTS: PARTIES-PRENANTES AFFECTÉES ET POUVOIR DES PARTIES PRENANTES

ENFANTS DU VILLAGE A

ORGANISATION INTERNATIONALE DE CONSERVATION

HOMMES DU VILLAGE B

PROBLÈME CENTRAL DU CONFLIT: EXPLOITATION DU ROTIN À L’INTÉRIEUR D’UNE ZONE PROTÉGÉE

FEMMES DU VILLAGE A

HOMMES DU VILLAGE A INSTITUTION FORESTIÈRE GOUVERNEMENTALE


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OUTIL DE BASE 4: ANALYSE DES 4R – DROITS, RESPONSABILITÉS, RETOMBÉES ET RELATIONS DES PARTIES PRENANTES OBJET:

Examiner les droits, les responsabilités et les avantages (retombées) des différentes parties prenantes en rapport avec l’utilisation des ressources naturelles, en vue d’améliorer la compréhension d’un conflit. Examiner les relations entre (ou au sein des) différents groupes de parties prenantes.

APPLICATION: Le dernier R (relations) est utile pour plusieurs raisons, notamment pour: Reconnaître les réseaux existants de parties prenantes qui ont un impact sur le conflit; Identifier de nouvelles alliances potentielles; Faciliter l’identification et l’évaluation d’intermédiaires potentiels; Mieux connaître la source du pouvoir des parties prenantes. Il est souvent crucial d’identifier les différences au niveau des droits, des responsabilités et des avantages que tirent les parties prenantes d’une ressource pour comprendre un conflit. Les inégalités entre les parties prenantes liées à ces trois variables soulignent souvent un déséquilibre dans les rapports de force et modèlent les relations entre les groupes. L’analyse des 4R est un outil très sensible à appliquer avec prudence. Il ne doit être utilisé que comme: modèle mental interne pour le médiateur; outil de facilitation pour aider une partie prenante spécifique (groupe) à se préparer pour des négociations et pour égaliser les chances entre les différentes parties prenantes. PRÉPARATION: Tableau-papier à feuilles mobiles Crayons de couleur Photocopie du Modèle de fiche du contexte du conflit (Pièce jointe 4a) Préparer des tableaux-papier à partir des pièces suivantes: Modèle de matrice des 3R2 (pièce jointe 4b) Modèle de carte des relations des parties prenantes (Pièce jointe 4c). POSSIBILITÉS ET CONTRAINTES: Si cet outil est appliqué dans les communautés rurales, il est bon que le médiateur donne des explications et des directives précises, car certaines catégories conceptuelles doivent être bien comprises. Les participants peuvent trouver cette catégorisation difficile. Note: Le schéma des relations (le dernier R) et l’identification des parties prenantes (Outil de base 3) se chevauchent en partie, du point de vue de l’objet analysé. RENVOI INTERNE: Sections 5 et 6 2. L’appellation des 3R provient de l’anglais (Rights, Responsibilities, Returns) - en français Droits, Responsabilités, Retombées.


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ÉTAPES 1 Expliquez l’objet de l’activité et la signification du sigle des 4R (droits, responsabilités, retombées et relations). Pour que le concept soit bien clair dans votre esprit, lisez bien le modèle de la pièce jointe 4a.

Les droits, les responsabilités et les revenus sont des relations des parties prenantes avec la base de ressources:

Les Droits sont l’accès et le contrôle des ressources, définis par la loi ou de façon informelle. Les Responsabilités sont les rôles et le pouvoir en matière de gestion des ressources. Les Retombées sont les avantages et les inconvénients (coûts) qu’une partie tire d’une ressource, en vertu de ses droits et de ses responsabilités. En outre, les parties prenantes ont des relations entre elles qui sont indépendantes de la ressource. 2 Demandez aux participants de faire une liste de toutes les parties prenantes identifiées dans l’analyse des parties prenantes (Outil de base 3). Ensuite, préparez un tableau avec trois colonnes supplémentaires pour les droits, les responsabilités et les retombées. Invitez les participants à remplir le tableau pour chaque partie prenante du conflit. S’ils hésitent à le faire ou ne comprennent pas le concept, utilisez un exemple simple pour expliquer la signification des 4R dans la pratique. 3 Les participants construiront ensuite leurs propres matrices:

Ils vont commencer par étudier les termes «droits», «responsabilités» et «retombées», en définissant et en précisant le sens qu’eux-mêmes donnent à chacun de ces termes, et comment ils sont employés en liaison avec les parties prenantes et avec la ressource forestière. Les points de définition importants devraient être notés par écrit. Il peut être utile de faire remarquer que le concept de retombées recouvre à la fois les avantages obtenus et le coût ou l’impact d’un changement.

Encouragez les participants à passer en revue et à décrire les droits, les responsabilités et les revenus actuels et effectifs de chaque groupe de parties prenantes. Ils doivent ensuite donner à chacun d’eux une note allant de 0 à 5 (0 correspondant à la plus basse et 5 à la plus élevée). Expliquez qu’en ce qui concerne les responsabilités, il peut y avoir une différence entre les responsabilités légales des parties prenantes et les responsabilités qu’elles assument dans les faits. Si c’est le cas, les descriptions devraient refléter l’obligation politique/légale alors que la note indiquée dans cette colonne devrait refléter la réalité.

Soulignez que les participants doivent remplir toutes les colonnes concernant une partie prenante avant de passer à la suivante. 4 Entamez une discussion autour des questions suivantes:

Qu’avez-vous appris sur le conflit en remplissant la matrice des 3R? Soulignez les différences entre les parties prenantes, au niveau des droits, des responsabilités et des retombées liés aux ressources naturelles. En quoi ces différences affectent-elles le degré de pouvoir ou d’influence des parties prenantes dans le conflit?

Comment faudrait-il modifier ces différents facteurs pour réduire le conflit?


LES TECHNIQUES DE NÉGOCIATION ET DE MÉDIATION APPLIQUÉES À LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES

198

5 À la fin de la discussion, introduisez le deuxième stade de l’analyse, centré sur les relations entre les parties prenantes:

Sur un tableau-papier ou à même le sol, demandez aux participants de dessiner des cercles pour représenter les groupes de parties prenantes clés énumérés dans la matrice des 3R (comme dans les activités précédentes d’identification des parties prenantes, les participants peuvent s’ils le souhaitent utiliser des cercles de tailles différentes selon le degré d’intérêt ou d’influence de la partie prenante).

Les participants peuvent s’inspirer de l’analyse des parties prenantes (Outil de base 3) pour cet exercice.

Encouragez-les à examiner chaque relation entre les groupes de parties prenantes. Par exemple, les relations sont-elles positives et basées sur la coopération, ou négatives et conflictuelles? Les relations entre les groupes sont-elles seulement occasionnelles et intermittentes?

Chaque groupe de partie prenante devrait ensuite être relié aux autres par la ligne appropriée pour décrire cette relation. Les bonnes relations sont indiquées par un trait large de couleur verte (plus le trait est large, plus la relation est forte). Si les bonnes relations sont très fortes et si une alliance peut être constituée pour résoudre le conflit, le trait vert est tracé en gras. Les relations négatives sont représentées par un trait ondulé (plus il est dentelé, plus la relation entre les deux groupes est conflictuelle). 6 Une fois cette tâche achevée, servez-vous des points suivants pour lancer une discussion entre les participants:

Que révèle cette activité sur les relations des parties prenantes dans le conflit? comment les 4R affectent-ils les relations?

Si ce n’est pas mentionné, faites observer que les interactions entre les parties prenantes sont beaucoup plus complexes qu’elles n’y paraissent au premier abord. Discutez le rôle des «histoires communes» (antécédents communs) et de leur incidence sur les relations dans le conflit. Rappelez aussi aux participants que les relations entre les parties prenantes sont dynamiques et évoluent au cours d’un conflit. Cet outil peut être employé pour examiner cette évolution (dans le cadre du suivi d’un conflit existant, ou en évaluant l’impact d’un conflit passé).

Encouragez les participants à identifier des alliances potentielles pour renforcer leurs propres positions.

L’analyse indique-t-elle qui pourrait remplir le rôle du tiers de confiance pour faciliter le processus de gestion d’un conflit? Adapté de: Dubois, O. 1999. Assessing local resilience and getting roles right in collaborative forest management: some current examples and a potential tool, with special references to Sub-Saharan Africa. In FAO. Pluralism and sustainable development, proceedings from an international workshop, 9-12 December 1997, Rome, FAO; Charles, T. & Percy, F. (sous presse). Still a valuable tool: using the 4Rs to work out management and benefit sharing at Bimbla Bondadikombo Forest, Cameroun; Worah, S.; Svendsen, S. & Ongleo, C. 1999. Integrated conservation and development: a trainer’s manual. Godalming, UK, WWF UK.


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II

Guide pratique pour l’analyse des conflits

199

Pièce jointe 4a: Modèle de fiche du contexte du conflit Dans cet exemple, une compagnie forestière étrangère a contacté l’institution forestière nationale en vue d’obtenir une concession de sept ans pour exploiter 50 000 hectares de forêt traditionnellement occupés et utilisés par des communautés autochtones. Cette proposition a déclenché un conflit entre les communautés locales, le gouvernement et les intérêts commerciaux. Aux termes de la législation en vigueur dans le pays, toutes les terres forestières appartiennent à l’État et l’institution forestière nationale est juridiquement responsable de leur administration et de leur gestion. Cependant, avant la colonisation, la plupart des zones forestières du pays étaient occupées par des tribus indigènes qui les détenaient en vertu de la coutume. Cette tenure coutumière n’a jamais été officiellement reconnue par l’État, même après l’indépendance. Les droits de jouissance et l’autorité de gestion sur les forêts sont depuis toujours une question litigieuse. La concession proposée se trouve dans une région reculée du pays qui est mal desservie et dépourvue d’infrastructures. Le gouvernement n’a ni l’argent ni le personnel nécessaire pour gérer la forêt dans cette zone qui est de plus en plus utilisée par des réfugiés d’un pays voisin qui ont franchi illégalement la frontière. Afin de mieux contrôler l’utilisation de la forêt, le gouvernement a lancé un programme de gestion participative de la forêt avec l’assistance des communautés locales. Les populations autochtones ont des liens culturels très forts avec la forêt qui leur fournit aussi des produits essentiels à leur subsistance. Préoccupées par les dégâts des migrants qui brûlent et défrichent la forêt, ces populations autochtones ont proposé de travailler comme gardes forestiers pour prévenir la dégradation de la forêt en en contrôlant l’accès. Elles ont aussi aidé un institut national de recherche et une ONG de conservation étrangère à effectuer un inventaire de la faune et de la flore forestières et à mettre en œuvre des mesures spéciales pour protéger les espèces végétales et animales en danger. Le gouvernement est intéressé par la perspective d’augmenter ses recettes grâce à des redevances d’exploitation forestière et la compagnie a accepté de construire une grande route dans la zone, ce qui la rendrait plus accessible pour un développement futur et permettrait de patrouiller la frontière du pays et de contrôler l’afflux de réfugiés. La compagnie forestière a insisté sur le fait que, pour des raisons de sécurité, son contrat devrait interdire l’utilisation de la forêt aux populations locales. Elle est également inquiète de l’opposition de la communauté à son projet d’exploitation forestière. Le gouvernement a garanti à la compagnie que le programme de gestion participative en cours avait jusque là été utile pour obtenir l’assistance des communautés et qu’il ne leur conférait aucun pouvoir de décision légal sur l’utilisation des terres forestières et n’accroissait pas leurs possibilités d’accès aux zones forestières. Deux villages sur trois (villages A et B) se sont opposés à l’exploitation de la forêt, faisant valoir qu’elle limiterait l’accès aux matériaux, aux aliments et aux plantes médicinales dont ils avaient besoin. Le village A craint en outre que son cours d’eau, qui est sa seule source d’eau potable, ne soit pollué par les activités d’exploitation forestière pratiquées en amont. Ces villages ont été soutenus par une ONG de développement qui s’occupe de questions sanitaires dans la zone. Sur le plan national, cette ONG milite en outre pour une reconnaissance accrue des droits des populations autochtones sur les forêts.


LES TECHNIQUES DE NÉGOCIATION ET DE MÉDIATION APPLIQUÉES À LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES

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Les membres d’un troisième village (village C) sont plus favorables à l’exploitation de la forêt, car contrairement aux deux autres villages, ils tirent l’essentiel de leurs revenus de la vente de produits sur le marché. Ils estiment qu’avec l’arrivée de la compagnie d’exploitation, ils n’auront pratiquement plus besoin de se rendre sur des marchés éloignés et pensent que l’augmentation des ventes et la réduction des coûts peuvent stimuler l’économie de leur village. En six mois, on a noté une escalade continue du conflit. Les membres des villages A et C se sont de plus en plus laissés entraîner dans des discussions échauffées et des menaces ont même été proférées contre le personnel de l’institution forestière. Une institution de formation nationale ayant l’expérience de la gestion des conflits forestiers a été priée d’intervenir pour assurer une médiation. Avant de réunir les groupes, le médiateur a travaillé avec chacun d’eux individuellement pour construire une matrice illustrant les droits et les responsabilités des parties prenantes sur la forêt et sa gestion. Le médiateur a également enregistré les retombées que chaque groupe pensait avoir du projet d’exploitation forestière. Comme plusieurs groupes estimaient qu’ils seraient pénalisés, les médiateurs ont décidé de différencier les retombées positives des retombées négatives, par le signe + ou -. Cette opération a été suivie d’une analyse des relations entre les parties prenantes.

Pièce jointe 4b: Modèle de matrice des 3R Partie prenante

Droits

Institution forestière nationale

Supervision

Note

4

Gestion

Responsabilités

Administrer la concession forestière

Note

+ Redevances et revenus de l’exploitation + Nouvelle route dans la zone - Appauvrissement de la biodiversité dans la station forestière

4

3

+ Amélioration de l’accès à la frontière

4

Garantir l’atteinte de l’objectif national de coupe annuelle

Pas de droit exclusif sur la zone forestière (mais office gouvernemental puissant)

1

Sécurité nationale Contrôle de l’immigration

Note

3

Mettre en œuvre la stratégie relative à la biodiversité conformément aux engagements internationaux1 Département national des affaires internationales2

Retombées


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Pièce jointe 4b • (suite)

Partie prenante

Droits

Note

Responsabilités

Note

Retombées

Note

Compagnie forestière

Bail exclusif de 7 ans sur 50 000 ha de forêt

5

Construction d’une route3

3

+ Ventes et profits escomptés du bois

5

Village A

Droits forestiers coutumiers non reconnus

1

Conserve son rôle dans la gestion quotidienne (gestion des feux, contrôle des entrées de migrants dans la forêt)4

5

- Perte de l’accès aux produits forestiers nécessaires

1

Village B

Droits forestiers coutumiers non reconnus

1

Conserve son rôle dans la gestion quotidienne (gestion des feux, contrôle des entrées de migrants dans la forêt)

5

- Perte de l’accès aux produits forestiers nécessaires

1

Village C

Droits forestiers coutumiers non reconnus

1

Néant

0

+ Augmentation des revenus provenant de la vente des produits

3

Migrants

Néant

0

Néant

0

- Perte de l’accès aux produits forestiers nécessaires

1

Institut de recherche national5

Permis de recherche

3

Communiquer au gouvernement l’inventaire sur la biodiversité Aider l’institution forestière à gérer la biodiversité

3

- Inventaire arrêté, alors que la base de données forestière nationale était incomplète - Affaiblissement de la protection de la biodiversité

0


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Pièce jointe 4b • (fin)

Partie prenante

Droits

ONG de conservation

Permis de recherche

Note

3

Responsabilités

Note

Communiquer au gouvernement l’inventaire sur la biodiversité

3

- Inventaire arrêté, alors que la base de données forestière nationale était incomplète - Affaiblissement de la protection de la biodiversité

0

4

- Pressions accrues sur les ressources contribuant à la subsistance des populations locales

1

Aider l’institution forestière à gérer la biodiversité

ONG de développement

Pas de droit exclusif sur la station forestière (mais détient des droits au titre du programme sanitaire du gouvernement)

3

Amélioration des moyens d’existence locaux

Retombées

Note

Notes: 1 Bien que l’institution forestière nationale ait un certain nombre de responsabilités officielles (légales) en matière de gestion forestière durable, sa note a été baissée (en ce qui concerne les responsabilités) en raison de son inaptitude à s’acquitter de ses fonctions. L’efficacité de l’institution, pour l’ensemble de ces responsabilités, reposait sur l’appui de divers partenariats (notamment avec les communautés, l’institut de recherche et la compagnie forestière). 2 Beaucoup de villageois pensaient au départ que tous les intérêts du gouvernement étaient représentés par l’institution forestière nationale. Or en préparant la matrice, ils ont réalisé qu’ils devaient aussi faire intervenir le Bureau des affaires internationales, en plus de l’institution forestière nationale. Ces deux départements du gouvernement ont en effet des intérêts, des pouvoirs et des stratégies tout à fait différents. 3 En discutant la matrice, il a été noté que la compagnie avait très peu de responsabilités, en termes de durabilité de la production ou de satisfaction des besoins futurs des populations locales. On craignait également que la construction de la route n’ouvre la zone à de nouveaux colons venant d’autres régions et ne soit pas efficace pour contrôler l’afflux de migrants. 4 L’institution forestière reconnaissait qu’elle continuerait à avoir besoin de l’aide des populations locales pour gérer la forêt. 5 En discutant la matrice, les communautés villageoises locales opposées à l’exploitation forestière ont décidé d’inscrire sur la matrice le soutien de l’institut de recherche et de l’ONG de conservation, étant donné que ces deux organismes avaient des droits officiels sur la zone et que leurs intérêts risquaient d’être menacés.

Classement des parties prenantes, selon le poids respectif des 3R Classement

Le plus de droits

Le plus de responsabilités

Le plus de retombées positives

1

Institution forestière

Villages A et B

Compagnie forestière

2

Compagnie forestière

Institution forestière

Institution forestière

3

Institut de recherche/ONG de conservation

Institut de recherche/ONG de conservation

Village C


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Pièce jointe 4c: Modèle de carte des relations des parties prenantes

ALLIANCES

LIENS INFORMELS OU INTERMITTENTS

VILLAGE C

INSTITUTION FORESTIÈRE NATIONALE

RELATIONS POSITIVES plus la relation est forte, plus le trait est large

CONFLIT plus le conflit est grave, plus le trait est large

COMPAGNIE FORESTIÈRE

PROBLÈME: PROJET D’EXPLOITATION FORESTIÈRE

INSTITUT DE RECHERCHE

ONG DE CONSERVATION

VILLAGE B

VILLAGE A


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ANALYSE DES RELATIONS D’APRÈS LA CARTE Problème: Une compagnie forestière veut exploiter une zone de forêt essentiellement utilisée par les Villages A et B.

VILLAGE A: Alliances avec un institut de recherche, une ONG de conservation et le village B. Conflit important avec la compagnie forestière intentionnée à exploiter une zone de forêt. Conflit mineur avec le village C qui soutient la proposition de la compagnie. Bonnes relations avec l’institution forestière dans le passé.

VILLAGE B: Alliances avec un institut de recherche, une ONG de conservation et le village A. Forts liens de parenté avec le Village C. Très peu d’interaction avec l’institution forestière ou la compagnie forestière.

VILLAGE C: La compagnie promet d’acheter des produits du village C s’il soutient son projet d’exploitation forestière.

INSTITUT DE RECHERCHE/ONG DE CONSERVATION: Bonnes relations avec l’institution forestière, grâce à un travail en commun sur une stratégie en rapport avec la biodiversité forestière. Partenariats avec tous les villages pour la réalisation d’un inventaire forestier. Quelques contacts avec la compagnie forestière, mais peu d’interaction jusqu’à présent.

ACTIONS POSSIBLES (pour renforcer l’influence des villages A et B) Mettre à profit l’alliance pour faire pression sur l’institution forestière et les parties prenantes externes. Le village B peut servir d’intermédiaire entre les villages A et C pour renouveler et renforcer les liens. L’institut de recherche peut exposer les préoccupations des villages A et B à l’institution forestière. L’institut de recherche peut expliquer les préoccupations concernant les effets de l’exploitation forestière, au village C.


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OUTIL COMPLÉMENTAIRE 5: LIGNE DE TEMPS DU CONFLIT OBJET:

Aider les parties prenantes à examiner l’histoire d’un conflit et à mieux comprendre la séquence d’événements qui y ont conduit.

APPLICATION: La ligne de temps du conflit sert à clarifier sa dynamique et à décrire de façon précise ses problèmes clés. Cet outil peut en particulier être un exercice d’entraînement utile pour encourager les parties prenantes à s’exprimer et à intervenir dans le processus. Sur la base de la ligne de temps du conflit, on peut ensuite passer à une analyse des causes profondes et à une analyse des parties prenantes. La ligne de temps du conflit aide à structurer les récits que font les parties prenantes du conflit et à recenser ce que chaque partie a fait, quand et comment. La ligne de temps du conflit est particulièrement utile si elle est réalisée avec les parties prenantes du conflit, au cours de la consultation-navette et/ou de l’engagement des parties prenantes. Elle montre que les médiateurs prennent au sérieux les récits des groupes de parties prenantes et aide à structurer la discussion et les flux d’information complexes. PRÉPARATION: Tableau-papier à feuilles mobiles Crayons de couleur Une photocopie du Modèle de ligne de temps du conflit (Pièce jointe 5a) par personne. POSSIBILITÉS ET CONTRAINTES La ligne de temps aide les parties prenantes à réfléchir aux différents événements qui ont déclenché le conflit et éclaire les médiateurs sur l’enchaînement des événements. RENVOI INTERNE: Section 5.4.


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ÉTAPES 1 La ligne de temps du conflit peut presque se passer d’explications préalables. Lorsqu’un groupe de parties prenantes raconte son histoire, il peut être utile de structurer le flux d’informations. Le médiateur peut suggérer de noter par écrit la séquence d’événements sur un tableau-papier de façon à ce que les parties prenantes puissent vérifier si les médiateurs ont bien compris leurs exposés des faits. 2 Sur un tableau de papier, écrire le titre du conflit. Sous ce titre, tracer deux colonnes pour les dates et les événements. Demandez aux participants de réfléchir aux événements spécifiques qui ont conduit à ce conflit, et de dire quand ils se sont produits. Expliquez qu’à ce stade, ils ne doivent pas s’inquiéter si les dates sont inexactes, car elles seront vérifiées ultérieurement.

Demandez à un participant de nommer un des événements – en choisissant de préférence un des premiers événements ou une des premières actions dans l’histoire du conflit. Inscrivez la date et l’événement sur le tableau-papier. Si certains participants sont analphabètes, utilisez des symboles sur le tableau de papier. Certains points précis doivent cependant être documentés par écrit. 3 Demandez aux participants de citer un autre événement et de l’inscrire. Continuez ainsi, en précisant qu’il n’est pas nécessaire de citer les événements dans l’ordre. Vérifiez si les participants arrivent à se rappeler de quelque chose qui se soit produit avant les premiers événements recensés. Les événements seront enregistrés dans l’ordre chronologique, sur la base de la date.

Laissez chaque participant apporter des idées sans poser de questions. 4 Examinez la ligne du temps et mettez-vous d’accord sur les événements, en vérifiant l’ordre et les dates.

En cas de désaccord sur les faits (date ou événement), évaluez si c’est important pour l’analyse. Si les participants estiment que l’information doit être confirmée, notez-le sur une feuille séparée, comme «besoin d’information». 5 Lorsque les participants semblent satisfaits de la ligne du temps, demandez-leur de réfléchir quelques minutes à l’histoire du conflit.

Lancez une discussion avec les questions suivantes:

Que vous a appris la ligne du temps sur le conflit? Quels ont été les événements les plus marquants dans l’escalade ou l’élargissement du conflit? Pourquoi?

En quoi les événements ont-ils affecté les relations entre les parties? Pourquoi pensez-vous que les parties ont agi comme elles l’ont fait? Quels étaient leurs intérêts, leurs craintes et leurs besoins sous-jacents dans ces événements?


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Pièce jointe 5a: Modèle de ligne de temps du conflit Les Malawa ont préparé cette ligne du temps avec l’aide d’une ONG de conservation, afin de comprendre les rivalités avec un autre clan (les U’afu).

CONFLIT: PROTECTION DU BASSIN VERSANT DU FLEUVE NGALA Date Événements 1975 Le chef Malawa annonce que des villageois U’afu abattent des arbres revendiqués par les Malawa, pour construire des canoés (terres adjacentes au fleuve Ngala). Le chef Malawa et son porte-parole se rendent chez les U’afu, qui expliquent que les arbres abattus se trouvaient à l’intérieur du territoire U’afu. Le chef Malawa n’est pas d’accord et demande que les abattages cessent.

1976 Les U’afu coupent deux autres arbres. Les villageois Malawa confisquent trois canoés terminés, pour se dédommager des arbres volés par les U’afu. Les U’afu mettent le feu aux huttes de jardin de trois femmes Malawa. Des jeunes Malawa volent deux cochons aux U’afu.

1981 Des forestiers ont une entrevue avec des U’afu pour discuter d’une concession forestière sur la frontière orientale du fleuve Ngala et la partie du territoire chevauchant les terres Malawa. Les U’afu n’informent pas l’institution forestière du fait que les Malawa revendiquent la terre.

1982 Les U’afu soutiennent la demande de concession de la compagnie forestière. Les Malawa font objection à la concession lors d’une réunion sur les droits de coupe. Les Malawa demandent conseil à un juriste pour bloquer la concession.

1985 La compagnie forestière se retire. Les U’afu le reprochent aux Malawa. Les U’afu coupent cinq nouveaux arbres sur la terre contestée.

1993 Une ONG de conservation qui travaille avec les Malawa discute d’un projet d’aménagement d’un bassin versant sur le fleuve Ngala. Les Malawa n’informent pas l’ONG des intérêts des U’afu. Les Malawa reçoivent du projet de protection du bassin versant de l’ONG, des fonds et une assistance pour l’établissement d’un hôtel pavillonnaire pour écotouristes.

1994 Un représentant Malawa siège au Bureau du Comité d’aménagement du fleuve Ngala. Les U’afu abattent trois arbres sur la terre contestée.

1995 L’ONG a une entrevue avec des villageois U’afu pour discuter du projet du fleuve Ngala. Un U’afu met le feu à un véhicule de l’ONG. Il est arrêté et incarcéré. Les U’afu menacent de faire d’autres dégâts si leurs droits sur cette terre ne sont pas reconnus.

1997 Le Département des forêts et l’ONG rédigent un texte de loi sur la protection du bassin versant du fleuve Ngala. Les U’afu boycottent une réunion publique visant à discuter cette loi.

1998 Les U’afu décident d’autoriser les villageois Senta à utiliser le fleuve Baenia pour leur production de palmiers à huile. La loi sur la protection du bassin versant du Ngala est bloquée par un membre du Parlement Senta.

Note: les noms des clans et les lieux sont fictifs, par respect pour la vie privée des personnes et des communautés concernées.


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OUTIL COMPLÉMENTAIRE 6: CARTOGRAPHIE DES CONFLITS LIÉS À L’UTILISATION DES RESSOURCES OBJET:

Montrer géographiquement les lieux où des conflits liés à l’utilisation des terres ou des ressources existent ou pourraient survenir. Déterminer les principaux problèmes contestés.

APPLICATION: La cartographie est toujours utile pour comprendre la dimension spatiale et les limites géographiques des conflits liés aux ressources. Il est bon d’associer les groupes de parties prenantes au processus, en structurant la discussion sur les questions litigieuses et en leur donnant un rôle plus actif dans le processus d’analyse. La carte du conflit est surtout utile si elle est faite avec les parties prenantes durant la phase de leur engagement (Étape 4). Les médiateurs devraient laisser les membres du groupe de parties prenantes dessiner eux-mêmes la carte et se contenter de stimuler le processus en posant des questions. L’exercice de cartographie peut être effectué avec un seul groupe de parties prenantes ou, plus avant dans le processus de gestion du conflit, avec toutes les parties prenantes principales. Dans ce dernier cas, l’établissement d’une carte du conflit peut aider les différentes parties prenantes à mieux se représenter les limites spatiales du conflit pour préparer l’évaluation des options. PRÉPARATION: Tableau-papier Crayons de couleur On peut dessiner les cartes à même le sol pour pouvoir les corriger et les modifier plus facilement. La carte finale sera ensuite reportée sur du papier. POSSIBILITÉS ET CONTRAINTES: Il peut être essentiel de dessiner des cartes avec les parties prenantes pour stimuler la discussion et faire naître de nouvelles idées sur la meilleure manière de résoudre le conflit. Les cartes peuvent aider à clarifier les problèmes du conflit. Cependant, un exercice de cartographie peut aussi créer des tensions, quand les parties ne sont pas d’accord, surtout si les cartes sont établies en présence de toutes les parties prenantes. RENVOI INTERNE: Sections 4; 5; et 6.


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ÉTAPES: 1 Expliquez l’objet de cette activité aux participants, en soulignant l’utilité de la cartographie pour explorer les utilisations des ressources et les valeurs que leur attachent les différentes parties prenantes, et pour identifier des conflits existants ou latents. 2 Demandez aux participants de commencer par esquisser une carte sommaire de la zone sur laquelle est centrée le conflit. Cette carte montrera les principales caractéristiques du paysage et les limites des modes pertinents d’utilisation des terres. 3 Ensuite, demandez-leur de marquer les sites dont les différentes parties prenantes utilisent ou se proposent d’utiliser les ressources. Les utilisations des ressources sont variées: récolte de denrées ou de matériaux, délimitation des zones protégées, exploitation commerciale du bois, rites religieux ou culturels sacrés, nidification des espèces en danger et modification des limites d’utilisation. 4 Quand les participants se sont assurés que toutes les informations pertinentes ont été marquées sur la carte, demandez-leur d’identifier les endroits où les utilisations des terres ou des ressources sont contestées. Il peut s’agir de conflits entre des utilisations existantes, entre des utilisations existantes et proposées ou entre des utilisations proposées.

Enregistrez les zones de conflit spécifiques, soit en les mettant en évidence sur la carte soit en faisant une liste des points litigieux spécifiques. 5 Examinez chaque zone de conflit. Ouvrez une discussion avec les questions suivantes:

Quels sont les principaux sites de conflit? Quels sont les sites d’importance secondaire? Quelles seraient les conséquences ou les effets que subiraient les différents groupes de parties prenantes si l’on mettait un terme ou si l’on modifiait leurs utilisations existantes ou proposées?

Quelles sont les solutions de rechange ou les autres options d’utilisation des terres ou des ressources qui sont suggérées par les informations figurant sur la carte?

Note: On a le choix entre plusieurs méthodes pour établir la carte. On peut la dessiner directement sur le tableau-papier avec des feutres de couleur, ou alors, ce qui peut être plus efficace dans certaines zones rurales, demander aux participants de commencer par dessiner une carte sur un morceau de terrain nu, si possible dans un village, en se servant de cailloux, de feuilles, de graines, de brindilles, etc. pour symboliser des caractéristiques naturelles ou humaines. Lorsque la carte est achevée, quelques participants la reportent sur le tableau de papier. L’avantage de cette approche est qu’elle permet à un beaucoup plus grand nombre de personnes d’intervenir dans l’établissement de la carte et dans la discussion sur le conflit.


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Pièce jointe 6a: Modèle de carte du conflit La carte ci-dessous décrit des conflits relatifs à l’utilisation d’une forêt. Elle identifie trois domaines de conflit entre une zone de régénération de la forêt proposée par un comité d’aménagement du bassin versant et une zone de forêt traditionnellement utilisée par une communauté villageoise locale. Dans le cadre de leurs discussions, les villageois locaux ont identifié leurs préoccupations principales, à savoir: le manque d’accès à un site important pour la récolte du bois de feu (site 1), la présence de deux sites importants pour la récolte de bois de raclerie à l’intérieur de la zone de régénération proposée, et la récolte de matériaux pour la construction de maisons dans une zone en amont du village, le long du fleuve. Tout en préparant la carte, les villageois ont décidé que l’une des zones utilisées pour la récolte de bois de feu (site 3) n’était pas cruciale et ne serait pas contestée. Dans les réunions ultérieures, les villageois sont convenus de laisser se régénérer le site de récolte de matériaux sur la rive en amont du fleuve, car ils ont compris que cela améliorerait la qualité de l’eau dans le village.

Questions contestées • Site 1 pour la récolte de bois de feu • Deux sites U’afu pour le bois de raclerie • Récolte de matériaux le long du fleuve

3

2

1

LÉGENDE Montagne

Droits d’utilisation traditionnels Ngala

Fleuve

Fermeture proposée de la forêt aux fins de la régénération

Village

Sites utilisés par les femmes Ngala pour la récolte de bois de feu Sites utilisés par les U’afu pour la récolte de bois de raclerie


A N N E X E

III

Etudes de cas

Les deux études de cas qui suivent s’adressent aux professionnels du développement, aux formateurs et aux étudiants spécialisés dans la gestion des conflits liés aux ressources naturelles qui sont à la recherche de matériel analytique basé sur des expériences réelles. Les études montrent comment les médiateurs peuvent appliquer les outils de gestion des conflits dans des négociations relatives à des conflits sur les ressources naturelles. Ces études reposent sur les Modes alternatifs de gestion des conflits (MAGC) préconisés dans ce guide. Les deux études de cas documentent les expériences des stagiaires dans un atelier sur la gestion de conflits relatifs aux ressources naturelles au Ghana. Ces études étaient les travaux pratiques dans lesquels ils appliquaient les connaissances théoriques qu’ils avaient acquises en cours. Les stagiaires facilitaient, en tant que médiateurs, le processus de gestion de ces conflits tirés de la vie réelle. Les études retracent le contexte des conflits et les approches suivies par les médiateurs pour faciliter leur résolution. Chaque étude de cas est articulée en cinq parties:

Problèmes clés: Quels sont les principaux problèmes qui ressortent de l’étude de cas spécifique? Contexte: Où se passe l’étude? Quelles sont les ressources en jeu? Qui sont les parties prenantes?

Histoire du conflit: Comment le conflit s’est-il manifesté? Processus de gestion et de résolution du conflit: Comment l’équipe de médiation aborde-t-elle les différents problèmes du conflit? Quels sont les outils employés?

Enseignements tirés: Quels sont les enseignements de ce conflit à appliquer à d’autres cas? En quoi les outils ont-ils été utiles pour faire avancer le processus?

L’étude de cas numéro 1 montre que des problèmes de chefferie peuvent se combiner avec des problèmes de droits d’utilisation des ressources forestières. L’étude de cas numéro 2 montre la complexité des systèmes d’utilisation des ressources locales et les divers effets que peut avoir le détournement d’un cours d’eau sur les différentes parties prenantes.


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ENCADRÉ C

POURQUOI DES ÉTUDES DE CAS? Les études de cas visent à enseigner des techniques de gestion des conflits, reposant sur une approche participative et équitable. Elles présentent aux lecteurs des descriptions concises du contexte, des intérêts et des problèmes, ainsi que les options dont disposent ceux qui gèrent les ressources et les autres parties prenantes dans diverses situations. La méthode des cas est un outil d’apprentissage qui stimule le lecteur par plusieurs moyens:

Par la découverte: de problèmes de conflits liés aux ressources naturelles tels qu’ils se sont manifestés dans le cas considéré, l’identification des parties prenantes principales et secondaires, l’étude du contexte historique, l’ analyse des causes qui se sont combinées, l’examen des rôles joués par les institutions et les marchés à l’échelon local et plus large, et l’évaluation des tentatives présentes et passées de gestion et de résolution du conflit. Par l’exploration: des programmes d’action des parties prenantes, l’analyse des relations sociales et de pouvoir entre les parties intéressées, l’évaluation des coûts-avantages des options de gestion et de résolution du conflit pour chaque partie prenante, l’examen des variables sociales qui influencent la mise en œuvre des processus de gestion et de résolution du conflit et l’étude des résultats, selon les points de vue des diverses parties prenantes. Par la pratique: en aidant les lecteurs à parfaire leurs connaissances en leur fournissant des exemples tirés de la vie réelle sous une forme claire et concise, pouvant servir à aiguiser les compétences analytiques et techniques (notamment de médiation et de négociation) par des discussions, des jeux de rôle et d’autres formes d’apprentissage. Contraste et comparaison: en présentant des situations propices à une réflexion sur des questions importantes telles que: comment et pourquoi des personnes s’engagent-elles dans des processus de gestion et de résolution des conflits? Que se passe-t-il quand elles le font? Les enseignements tirés des cas peuvent-ils être adaptés à ceux qu’affrontera le lecteur? Source: Castro et Nielsen, FAO, 2003.


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Études de cas

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ÉTUDE DE CAS 1: GESTION DE LA FORÊT COMMUNAUTAIRE DE BAWUMPILA K.S. Nketiah, V. Fumey Nassah, R. Afful et J.S. Adu

Questions servant de guide pour l’étude de cas numéro 1 1 Cette étude de cas décrit-elle un ou plusieurs conflits? 2 Le conflit portait-il sur les moyens d’existence, la conservation ou le pouvoir politique? En quoi le

cadrage d’un conflit influence-t-il la manière de le traiter? 3 Comment les différentes parties prenantes ont-elles cadré le conflit? 4 Selon vous, pourquoi les tentatives antérieures de résolution du conflit ont-elles échoué? 5 Pourquoi l’entrée des médiateurs sur la scène du conflit est-elle si importante? 6 Quelles techniques les médiateurs ont-ils adoptées pour organiser le processus de gestion du conflit? 7 Quelles techniques les médiateurs ont-ils adoptées pour faciliter les réunions? 8 Pourquoi certaines parties prenantes ont-elles recadré le conflit et d’autres pas? 9 Comment auriez-vous facilité ce processus? 10 Quelles sont les autres approches de gestion du conflit qui auraient pu être utilisées pour

résoudre cette affaire? Pensez-vous qu’elles auraient produit les mêmes résultats? En quoi les coûts diffèreraient-ils? 11 Estimez-vous que c’est une étude de cas réussie? Dans les deux cas, justifiez votre réponse.


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Jeu de rôle pour l’étude de cas numéro 1 Sélectionnez une des réunions facilitées, choisissez des rôles appropriés (médiateur, anciens de la communauté, volontaires, membres de la famille royale et autres observateurs) et animez votre propre réunion. Après avoir sélectionné les rôles appropriés, conduisez une analyse approfondie du conflit fondée sur une analyse des causes profondes, une analyse des relations, une analyse des parties prenantes, une analyse des relations à l’aide des 4R, une analyse du pouvoir, des positions et des intérêts.

Problèmes clés La présente étude de cas décrit un conflit sur les droits d’utilisation des ressources forestières dans la région de Kumasi, au Ghana. Elle montre que de multiples revendications sur les ressources et des querelles plus générales sur la légitimité et l’identité sont souvent imbriquées. Ici, le conflit relatif à l’utilisation des ressources coïncide avec un différend sur la chefferie, et la résolution de l’un peut faciliter le règlement de l’autre. Le différend sur la chefferie crée déjà une tension latente dans la communauté, qui favorise l’escalade des conflits relatifs à l’utilisation des ressources. Le cas montre également que le pluralisme juridique – co-existence de régimes fonciers coutumiers et modernes et de plusieurs autorités concurrentes compétentes pour délivrer les droits – peuvent créer ou favoriser des conditions génératrices de conflit. Le conflit est centré sur l’utilisation des ressources forestières. Une puissante famille royale a établi des fermes agricoles dans la forêt communautaire, qui est en principe un bien de propriété collective utilisé pour la récolte des produits forestiers non ligneux (PFNL). La communauté est contre l’établissement des fermes de la famille royale à l’intérieur de la forêt, car cela réduit les disponibilités de PFNL. Les problèmes clés mis en relief par ce conflit sont les suivants:

La concurrence pour l’accès aux ressources peut dégénérer dans un conflit. Il y a un manque d’autorité et de mise en application des règlements du fait que l’on n’a pas nommé de nouveau chef.

En raison du conflit, les institutions de développement hésitent à s’impliquer dans des projets reposant sur l’utilisation des ressources forestières.

La gestion participative de la forêt communautaire exige la résolution des revendications concernant les droits individuels.

La facilitation nécessite une planification soigneuse, la maîtrise de toute une gamme de techniques et d’outils de gestion des conflits, et une grande patience.

Il peut être difficile de parvenir à une résolution définitive de tous les problèmes, car certaines parties prenantes ont du mal à recadrer le conflit pour passer d’une négociation fondée sur les positions à une négociation fondée sur les intérêts. À première vue, ce conflit semble représenter un cas gagnant-perdant. La communauté veut forcer la famille royale à libérer la terre, alors que cette dernière veut protéger ses moyens d’existence et sa source de revenus, représentés par les fermes établies dans la forêt.


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Contexte Environ 16 pour cent des terres du Ghana sont gérées comme des réserves forestières ou fauniques. Les terres restantes appartiennent à des communautés, à des particuliers et à des institutions publiques qui les gèrent. La politique nationale de 1994 encourage la conservation et le développement durable du patrimoine forestier et faunique du pays pour maintenir la qualité de l’environnement et permettre à tous les segments de la société de continuer indéfiniment à en retirer des avantages. La politique s’applique aussi bien aux domaines forestiers permanents qu’aux terres situées en dehors des réserves; avant l’entrée en vigueur de cette politique, les fonctionnaires du gouvernement n’avaient pas fait grand-chose pour gérer les forêts situées en dehors des réserves. Les indigènes étaient propriétaires des terres, mais les droits de coupe étaient accordés par la Commission foncière, qui manquait de moyens pour réglementer les forêts. En 1996, le Département des forêts de l’époque a pris en charge la réglementation des ressources forestières extérieures aux réserves. La Commission des forêts a établi une Unité de gestion participative des forêts pour étudier les possibilités d’associer les communautés à la gestion des forêts, sous sa supervision. Des programmes pilotes ont été lancés pour découvrir si les communautés avaient la motivation et les capacités nécessaires pour préparer des plans de gestion pour leurs forêts. Trois communautés du District d’Assin Tosa ont reçu un appui pour préparer des plans de gestion des forêts communautaires de Bawumpila et de Balumpan qui leur appartenaient. Ces forêts étaient les premières du pays à être gérées par des communautés et elles ont reçu le nom de Forêts réservées1. Le Ministère des Terres et de la Foresterie et la Commission des forêts attachaient une grande importance à ces sites pilotes. Les chefs et les anciens d’Assin Opropong géraient la Réserve forestière communautaire de Bawumpila pour le compte de la communauté. Il s’agit d’une «terre de clan» («stool land» en anglais) qui n’a été allouée à personne pour l’agriculture et n’a été aliénée d’aucune manière. Le plan de gestion de 1995 contient une déclaration sur les droits d’usage, qui dit à peu près ceci (traduction libre): «Conformément à ce qui est stipulé dans notre droit écrit, tous les arbres et toutes les ressources en bois existant au Ghana appartiennent au clan de propriétaires terriens approprié, mais ils sont dévolus au Président afin que le gouvernement puisse les gérer au nom du chef de clan ou de terres approprié. Ainsi, les arbres qui poussent naturellement dans la forêt sont confiés à la garde du Président dans l’intérêt des populations d’Assin Opropong. Si la forêt obtient un jour le statut de Forêt réservée, le Département des forêts devrait considérer les arbres issus de la régénération comme des arbres plantés et par conséquent, comme la propriété exclusive de la communauté (qui aurait donc le droit exclusif d’abattre et de vendre les arbres) ou considérer la communauté comme une sorte de «détentrice d’un contrat d’utilisation du bois», ce qui signifie que, moyennant le paiement d’une redevance, la communauté aurait un droit exclusif d’abattre et de vendre les arbres» (Plan de gestion, 1995).

1. “Dedicated forest” en anglais: Il s’agit de terres réservées à un usage forestier au Ghana.


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Tous les PFNL naturels sont la propriété exclusive des communautés d’Assin Opropong et ne sont dévolus en aucune manière. La communauté plante des arbres supplémentaires pour accroître la production de PFNL. Selon le droit coutumier, les PFNL appartiennent à toute personne qui a investi son travail pour les planter, de sorte que ces PFNL plantés appartiennent à la communauté. Le chef et les anciens peuvent octroyer des permis payants pour l’exploitation commerciale des PFNL.

Histoire du conflit En 1992, des membres de la communauté ont demandé au Directeur forestier de district de les aider à gérer leur forêt. Des missions de terrain ont été envoyées dans la communauté et l’on a pris les premiers contacts et commencé à étudier la situation. Une petite forêt qui avait été protégée, en tant qu’habitat ancestral des tabous et lieu de sanctions traditionnelles, était en train de disparaître. Des jeunes et des anciens voulaient la protéger et des sanctions ont été instituées, notamment une amende d’un mouton à l’encontre de toute personne qui empièterait sur cette zone. Mais, avec le temps, ces mesures ont cessé d’être appliquées et les défrichements ont repris de plus belle. La ville était privée de chef depuis longtemps, et un désaccord dû à l’incapacité de trancher entre deux candidats a conduit à sa division en deux factions principales. Ceux qui souhaitaient au départ que la forêt soit protégée étaient membres d’une faction du différend sur la chefferie, si bien que les membres de l’autre faction se sont opposés à la protection. A la première réunion avec l’Unité de


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Études de cas

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gestion participative des forêts, chaque faction s’est vivement opposée à ce que disait l’autre, même si cela ne servait à rien. Notant que le conflit pouvait ralentir l’avancement de ses travaux, l’ Unité a décidé de rester en dehors jusqu’à ce qu’il soit résolu. Après le retrait de l’Unité, le chef de la famille royale a organisé une réunion communautaire, où chacun a accepté de contribuer à protéger la forêt, qui était leur domaine ancestral. La communauté a informé le Directeur de district et un programme pilote a été mis en route avec un appui technique et financier de l’United Kingdom’s Overseas Development Agency (actuelle Agence britannique pour le développement international (DFID)). Plusieurs options ont été examinées pour protéger la forêt et pour finir, la communauté a accepté de préparer un plan de gestion similaire à ceux qu’avait établis la Commission des forêts pour les réserves forestières. Une équipe de volontaires a été constituée. Des volontaires de la communauté et des alentours ont reçu une formation pour effectuer des inventaires des arbres, des PFNL et des animaux, et apprendre les techniques de cartographie. Avec l’appui de la Commission des forêts, ils ont rassemblé des données sur les stocks d’arbres, de PFNL et d’animaux présents dans leurs forêts. Les points de vue, les intérêts et les craintes de toutes les parties prenantes ont aussi été documentés. Ceci a constitué la première partie du plan de gestion. Dans la deuxième partie, les informations réunies ont été utilisées pour faciliter la conception de programmes de gestion des forêts. Dans le cadre du programme d’amélioration, la communauté a décidé que tous ceux qui avaient des fermes plantées en cultures vivrières à l’intérieur des zones forestières devraient les quitter après la récolte suivante. Ceux qui avaient des plantations de cacao pourraient les conserver pendant un temps plus long, durant lequel l’équipe de volontaires planterait des arbres. Au bout du compte, tous les agriculteurs forestiers étaient partis, sauf les membres de la famille Alhassa, qui font partie du royaume Opropong. Ces derniers faisaient valoir que leur oncle, qui était le dernier chef, leur avait donné la terre. Invités à maintes reprises à discuter de la question, ils n’ont pas répondu. Le conflit est devenu manifeste quand:

les cultivateurs forestiers ont arraché des essences forestières plantées; les plantations de cacao ont été agrandies; le coordonnateur de projet a été emmené au commissariat de police pour avoir harcelé les cultivateurs forestiers;

les cultivateurs forestiers ont menacé de tirer sur tout volontaire qui pénètrerait dans leurs fermes; les cultures vivrières plantées par les cultivateurs forestiers ont été récoltées par des volontaires travaillant dans la forêt. Il y a eu une escalade du conflit. Les cultivateurs forestiers ont déraciné les arbres que les volontaires avaient plantés. En guise de représailles, les volontaires ont abattu les cacaoyers des plantations. Ils ont aussi rappelé à la famille Alhassa qu’il y avait d’autres familles royales à Opropong et que tout le monde avait accepté d’un commun accord de protéger la zone.


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La famille Alhassa a maintenu qu’elle avait le droit de cultiver ces terres et que l’objectif de protection de la forêt était en fait un prétexte de la communauté pour les isoler. Elle a fait remarquer que toutes les autres familles royales avaient des parcelles de terres à Opropong, et fait valoir que d’autres avaient repris les terres de leurs mères parce qu’ils n’étaient pas résidents de la ville. La terre est cruciale pour la famille Alhassa, car elle tire ses moyens d’existence de ses domaines agricoles. Après la préparation du plan de gestion, il a été proposé de donner à la zone le statut de réserve de façon à ce que la communauté puisse exercer son pouvoir de gestion. Cette initiative n’a pas encore été officiellement approuvée, mais les membres de la communauté s’occupent de la promouvoir aux niveaux ministériel et parlementaire. Jusqu’à ce que le statut juridique de la forêt ait été déterminé, tous les arbres situés à l’intérieur de la forêt (qu’ils soient plantés ou issus de la régénération naturelle) peuvent être utilisés par la communauté, en consultation avec la Commission des forêts, qui donne des conseils techniques. Une fois que le plan de gestion avait été élaboré, les anciens de la communauté ont averti les cultivateurs forestiers qui étaient encore là qu’ils devaient quitter leurs fermes. Lorsque la famille Alhassa a continué à revendiquer la terre, qui lui aurait été léguée par le chef précédent, les anciens ont fait valoir que le dernier chef n’avait pas le droit de céder la terre car c’était un site sacré pour toute la communauté. Très énervée par l’inertie des anciens, l’équipe de volontaires a décidé de cesser de travailler dans la forêt jusqu’à ce que les anciens aient expulsé la famille Alhassa et repris leurs fermes.

Processus de gestion et de résolution du conflit Tentatives antérieures de résolution du conflit: Bien que la Commission des forêts ne soit habilitée à donner des conseils que pour les zones extérieures aux réserves, elle a encouragé les factions à se rencontrer et à résoudre ce problème. Les anciens ayant échoué dans leurs efforts, l’Unité de gestion participative des forêts a tenté de résoudre le conflit en invitant toutes les parties prenantes à se réunir avec le Directeur forestier de district et un représentant du Directeur forestier de région. La famille Alhassa a quitté la réunion car elle estimait que toute la communauté était liguée contre elle. L’administrateur en chef du district (DCE) a aussi tenté de trouver une solution. Il a invité toutes les parties prenantes à prendre part à des discussions mais après un certain nombre de réunions, l’affaire a été abandonnée car les anciens avaient l’impression que le DCE soutenait la famille Alhassa. Plus tard, la Commission agraire a été contactée pour s’occuper de la question. Elle a commencé à tenir des réunions avec les factions et il a été convenu qu’aucune pièce de forêt ne serait plus défrichée jusqu’à ce que le problème soit résolu. Mais la Commission agraire a dû laisser tomber l’affaire à mi-parcours, faute de fonds pour aller effectuer des contrôles sur les sites. Certains membres de la famille Alhassa assuraient unilatéralement les services d’arpentage et préparaient les plans de leurs fermes. Ils faisaient valoir que cela avait été demandé par la Commission agraire et que par conséquent toute résolution du problème devrait être basée sur les limites qu’ils avaient eux-mêmes définies (unilatéralement) en 2000.


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Mode alternatif de gestion du conflit: La situation se présentait ainsi lorsque le MAGC a commencé. L’équipe de médiation a commencé à intervenir dans l’affaire lorsqu’un membre du personnel de l’Unité de gestion participative des forêts a suivi une formation sur la gestion des conflits liés aux ressources naturelles. Deux autres stagiaires sont venus grossir l’équipe qui, ainsi constituée, a commencé à se préparer pour intervenir dans le processus de gestion du conflit. L’équipe a animé trois réunions internes durant lesquelles tous ses membres ont partagé les informations en leur possession sur le contexte du conflit. Les membres de l’équipe ont préparé un plan d’action (calendrier, objectifs) pour aborder le conflit et entrer dans la communauté. Ils ont sélectionné un coordonnateur communautaire de l’équipe de volontaires (un enseignant) qu’ils ont chargé de prendre toutes les dispositions nécessaires, et ont envoyé un message pour informer la communauté de ce qu’ils pouvaient faire pour l’aider à résoudre le conflit en tant qu’équipe de médiation. Malheureusement, des incompréhensions sont apparues lorsque le coordonnateur communautaire a déclaré par erreur que l’équipe était déléguée par le ministère. Ceci a compliqué les rapports de l’équipe avec la famille Alhassa, car l’équipe n’était pas considérée comme impartiale.

Premier cycle de réunions: Lorsque l’équipe est arrivée, elle s’est d’abord réunie avec les anciens de la communauté puis avec la famille Alhassa. Elle a ensuite informé l’office forestier de district du processus. Durant la réunion avec les anciens de la communauté, les membres de l’équipe se sont présentés et ont expliqué pourquoi ils avaient décidé d’intervenir et d’offrir leurs services de médiation. Les anciens semblaient ouverts aux idées de l’équipe, d’autant plus que de nombreuses tentatives antérieures de gestion du conflit avaient échoué. Toutefois, le chef de la familla Alhassa, qui était un personnage clé, n’assistait pas à la réunion. Les médiateurs ont expliqué aux anciens qu’ils rencontreraient les autres parties prenantes du conflit ultérieurement. Les médiateurs ont ensuite rencontré la famille Alhassa. Là encore, ils ont expliqué ce qui les poussait à faciliter la négociation. La famille était sceptique sur la réussite du processus et a expliqué ce qui l’opposait à la communauté. Les médiateurs ont souligné qu’ils participaient à une formation avec une ONG internationale qui garantirait un processus équitable et leur propre neutralité. Ce dernier argument a convaincu la famille Alhassa.

Réunion interne: Après ces réunions, les membres de l’équipe se sont réunis pour conduire une analyse préliminaire du conflit et évaluer la situation. Ils ont identifié les parties prenantes principales et leurs positions. Deuxième cycle de réunions: Les médiateurs ont d’abord rencontré les anciens de la communauté et les volontaires et répété les objectifs de leur mission – à savoir aider à résoudre le conflit par une approche coopérative. Ils ont aussi souligné les avantages qu’il y avait à parvenir à un règlement négocié du conflit. L’équipe de médiation a posé des questions commençant par «pourquoi» et «pourquoi pas» pour comprendre ce que les anciens et les volontaires pensaient de la partie adverse. Ils ont aussi eu recours à ce type de questions pour identifier les options que semblaient


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privilégier les anciens et les volontaires pour résoudre le conflit. Un ancien, qui était également un volontaire, a exposé le point de vue des volontaires sur le conflit. Interrogés sur la manière dont le conflit pourrait être résolu, la plupart des participants ont tout de suite insisté sur le fait que les cultivateurs forestiers devaient s’en aller car la terre appartenait à la communauté. Malgré les efforts déployés par l’équipe de médiation pour trouver une gamme d’options possibles, les anciens n’en envisageaient qu’une seule: expulser la famille Alhassa de ses fermes. Lorsque les médiateurs ont rencontré la famille Alhassa, cette dernière a défendu avec acharnement sa position. Elle estimait que la préparation d’un registre des terres et la possession de titres fonciers légaux permettraient de résoudre le problème. Les médiateurs ont essayé de comprendre pourquoi ces terres étaient si importantes pour la famille et d’identifier ses besoins. Cet examen a révélé que le conflit foncier était lié à un différend sous-jacent sur la chefferie. Cette discussion a suggéré à l’équipe de médiation l’interprétation suivante:

Position de la famille Alhassa: Notre revendication sur cette terre est justifiée. Intérêt: Sauvegarder les investissements réalisés sur la terre, et assurer un domaine agricole à nos enfants pour leur garantir des revenus.

Besoins: La famille se sent isolée de la communauté, et bien qu’elle ait perdu son trône, elle veut au moins s’assurer cette terre.

Réunion interne: Les médiateurs avaient besoin de clarifier les questions suivantes:

Qui semble avoir les positions les plus extrêmes au sein des groupes de parties prenantes? Qui semble le plus disposé à coopérer?

Quelles stratégies conviendrait-il d’adopter pour chacun de ces deux groupes? Quelles sont les relations de pouvoir et les réseaux sociaux? Troisième cycle de réunions: Les médiateurs ont tenté d’élargir l’engagement des parties prenantes et contacté d’autres individus, notamment des témoins de l’affaire foncière, l’administrateur en chef de district et d’autres cultivateurs forestiers. Après quoi, ils ont à nouveau réuni les anciens de la communauté et les volontaires. Les volontaires craignaient que les anciens ne soient trop conciliants en raison de leurs liens de parenté avec la famille Alhassa. L’équipe a également réuni à nouveau les membres de la famille Alhassa qui lui ont montré les maisons des témoins, pour attester que l’ancien chef avait bien légué la terre à la famille. Les médiateurs ont décidé que le témoignage de ces personnes ne ferait pas avancer le processus de gestion du conflit.


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ANALYSE DES PARTIES PRENANTES La forêt communautaire de Bawumpila est importante aussi bien pour les propriétaires que pour l’ensemble du pays parce qu’elle contribue à conserver la biodiversité, à créer des emplois et à préserver la culture. C’est pourquoi le conflit a affecté diverses parties prenantes, dans tous les camps. Durant l’analyse du conflit, les diverses parties prenantes ont été identifiées: Parties prenantes principales: anciens de la communauté d’Assin Opropong, l’équipe de volontaires et la famille Alhassa; Parties prenantes secondaires: la Commission des forêts, l’Assemblée de district, la Commission agraire et les communautés environnantes. Partie prenante

Description

Anciens de la communauté d’Assin Opropong et équipe de volontaires

Communauté propriétaire de la terre

Subinso 1 et 2, Brofoyedur, Ajalo, Nsutam, Fawoman, Dawomanso, Bakaapa

Villages tributaires de la forêt

Famille Alhassa

Membres de la famille royale qui ont empiété sur la forêt. Ils sont instruits et relativement riches.

La Commission des forêts

Fournit un appui à la communauté Donne des avis aux décideurs, en se fondant sur les problèmes découlant de la gestion de cette zone

Assemblée de district

Autorité gouvernementale locale

Commission agraire

Organisme officiel chargé de la gestion de toutes les terres

Quatrième cycle de réunion: Des réunions séparées ont été conduites avec chaque groupe de parties prenantes, à savoir:

la famille Alhassa; les femmes de la communauté; les volontaires; les anciens de la communauté; quelques-uns de ceux qui avaient empiété sur la forêt mais avaient déjà quitté la terre, la plupart étant des migrants ayant peu de liens sociaux dans la communauté.


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À ces réunions des parties prenantes, tous les groupes ont élaboré un certain nombre d’options pour résoudre le problème. La participation des femmes a contribué à élargir le processus. Ainsi, la Reine Mère a fait une proposition qui a été reprise ultérieurement dans un accord préliminaire. En outre, le fait de réunir séparément les diverses parties prenantes a permis de mieux comprendre les causes du conflit et les relations des parties prenantes. Les options identifiées ont été les suivantes:

Tolérer le maintien de fermes forestières à l’intérieur des limites définies sur la carte établie en 2000, sans extensions supplémentaires.

Métayage (Abusa): la communauté (équipe de volontaires) fournit le travail, prend un tiers de la récolte et entretient la ferme forestière.

La communauté procure de nouvelles terres à la famille Alhassa. Les médiateurs cherchent à obtenir une assistance de donateurs pour établir une nouvelle ferme ailleurs pour la famille. Dans l’intervalle, la famille récolte les produits de sa ferme forestière existante.

Détruire les fermes forestières et indemniser les agriculteurs. Détruire les fermes forestières sans verser d’indemnisation. Tolérer le maintien des fermes forestières pendant une certaine période, à l’issue de laquelle elles seront détruites pour faire place à la forêt.

La famille Alhassa fournit des terres et la communauté l’aide à rétablir ses fermes. Dans l’intervalle, la famille récolte les produits de ses fermes forestières. Ces options ont été analysées avec les différents groupes de parties prenantes, sur la base de trois critères élaborés séparément avec les deux parties, à savoir:

Nécessité de maintenir de bonnes relations. Nécessité de gérer la forêt de manière durable. Procurer quelques avantages à la famille Alhassa. Cinquième cycle de réunions: Les médiateurs ont animé deux autres réunions, respectivement avec les anciens de la communauté et avec la famille Alhassa, en vue d’examiner les sept options. Ils ont présenté les options et laissé les parties prenantes élaborer des critères pour les évaluer. Les parties prenantes ont été invitées à identifier leurs options «irréalisables» et leur meilleure solution de rechange à un accord négocié (BATNA) et à classer les options sur la base des critères. Cette stratégie de classement a été difficile car les parties prenantes voulaient absolument garder plusieurs options à l’esprit à la fois. Les médiateurs ont ensuite invité la communauté à choisir leurs représentants dans les négociations. Chaque groupe de parties prenantes devait avoir un représentant ayant un point de vue extrémiste sur la manière de résoudre le conflit. Plusieurs membres de la famille Alhassa étaient disposés à accepter différentes options représentant un compromis. Ceci montrait que la famille n’était pas un bloc monolithique, mais un groupe d’individus avec des intérêts et des besoins différents.


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Réunion de négociation: La première réunion de négociation a eu lieu en dehors de la communauté, au bureau de district de la division des services forestiers, dans un souci de neutralité. Les médiateurs ont organisé des transports de la communauté jusqu’au lieu de la réunion. Les membres de la communauté se sont d’abord réunis entre eux pour planifier une stratégie, mais les membres de la famille Alhassa ne l’ont pas fait. La réunion de négociation devait durer trois heures. Elle comprenait une prière d’ouverture, une allocution de bienvenue du directeur forestier de district et une «présentation de soi» par chaque participant. Après avoir défini les règles de base et expliqué les objectifs de la réunion, les médiateurs avaient prévu d’inviter les différentes parties à exposer leur version des faits, mais comme l’atmosphère était tendue ils ont décidé qu’il valait mieux qu’un membre de leur propre équipe présente chaque cas tel qu’il était compris par les médiateurs. Les parties pourraient ensuite commenter ces interprétations. Les médiateurs ont présenté une synthèse des options et demandé aux parties d’en ajouter d’autres qui n’avaient pas encore été mentionnées. Cette stratégie semblait nécessaire pour empêcher les esprits de s’échauffer. Les parties ont ensuite commencé à négocier à propos des options préférées. Au bout du compte, elles ont décidé de prendre pour référence la situation en l’an 2000 - toutes les fermes établies après cette date devant être détruites. Ceci était à quelques détails près la proposition qui avait été faite par la Reine Mère auparavant. Cet accord initial a été suivi d’une pause avec des rafraîchissements, que les parties ont mise à profit pour planifier les conditions qu’ils voulaient obtenir s’ils acceptaient l’option. Après cet entracte, les deux camps ont commencé à négocier les conditions pour parvenir à l’option convenue. La communauté insistait sur le fait que tous les cacaoyers établis après l’an 2000 devaient être abattus. La famille Alhassa refusait et demandait qu’on l’autorise à conserver les fermes de cultures vivrières établies après cette date, car elle en avait besoin pour assurer sa subsistance. Les représentants de la communauté n’étaient pas prêts à approfondir la négociation sur ce point et ils ont insisté pour que les champs soient délimités de façon à ce que l’étendue des terres empiétant sur la forêt soit visible avant que l’on parvienne à un règlement définitif. Cette délimitation devait être faite de façon multilatérale.

Exercice de délimitation: Pendant l’exercice de délimitation, un géomètre et des représentants des anciens de la communauté et des volontaires ont rejoint les médiateurs et les membres de la famille Alhassa, ce qui montrait que les deux camps étaient capables de régler directement sur le terrain des différends mineurs de bornage, de façon pragmatique. Toutefois, seules deux fermes ont pu être délimitées car certains membres de la famille Alhassa ont refusé de participer à l’exercice. Les médiateurs ont supposé que ces membres de la famille avaient fait de gros investissements depuis l’an 2000, et qu’ils avaient peur de les perdre. Cela montrait, une fois encore, que la famille Alhassa n’était pas un groupe monolithique, mais que ses membres avaient des intérêts différents et en partie contradictoires. La majorité des membres de la famille qui participaient à la réunion de négociation ne craignaient pas de perdre grand-chose, avec l’exercice de délimitation.


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Synthèse des réalisations:

La communauté (les anciens et les volontaires) a accepté de laisser des fermes dans la forêt. Deux fermes ont été délimitées et bornées. Les relations rompues entre certains membres de la famille Alhassa et la communauté semblent rétablies (les médiateurs étaient très contents d’entendre un membre de la famille bavarder avec quelques anciens, pour se mettre au courant des faits nouveaux récents survenus dans la communauté – cela ne s’était pas produit depuis plus de cinq ans.)

Que reste-t-il à faire? À l’heure où nous écrivons, le processus de gestion du conflit se poursuit. Le défi est d’arriver à élargir la solution aux membres de la famille Alhassa qui ont refusé de prendre part à l’exercice de délimitation. Les médiateurs pensent que la résolution de ce conflit devrait être complétée par des efforts visant à réintégrer la famille dans les réseaux sociaux de la communauté, car les différends liés à l’utilisation des ressources se combinent avec des problèmes de chefferie non résolus et avec une crainte d’une marginalisation et d’une exclusion sociale. Dans l’idéal, le processus de résolution finale du conflit devrait être le suivant:

délimitation et bornage des fermes restantes; parachèvement des négociations; rédaction d’un accord; recherche d’un consensus sur l’accord; signature de l’accord; célébration de l’accord; mise en œuvre et suivi de l’accord.

Enseignements tirés L’étude de cas sur la forêt communautaire de Bawumpila nous permet de tirer un certain nombre d’enseignements importants pour la gestion d’un conflit:

Le conflit montre que des revendications concurrentes relatives à l’utilisation des ressources peuvent se combiner avec des problèmes sociaux et politiques plus généraux comme le conflit de chefferie et les craintes en matière d’identité.

Lorsque plusieurs tentatives de règlement du conflit ont échoué, les parties prenantes peuvent se montrer méfiantes ou sceptiques sur toute nouvelle intervention et refuser de s’engager dans le processus de gestion du conflit.

La neutralité des médiateurs est essentielle. Il peut cependant être difficile de la garantir si un membre de l’équipe de médiation a précédemment été associé au conflit, comme c’est le cas avec les membres du personnel de la Commission des forêts.

La personne qui établit le premier contact avec la communauté doit être choisie avec soin. Si elle est perçue comme partiale, ou si elle n’est pas compétente pour remplir cette fonction, il peut être difficile de gagner la confiance des parties prenantes.


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Il est difficile de vérifier les informations sur les causes du conflit, si elles sont exposées par une partie en présence de ses opposants, car cela peut déclencher la colère et échauffer les esprits.

Les outils d’analyse des conflits peuvent être utilisés comme des modèles mentaux par les médiateurs, quand ils consultent les parties prenantes et explorent différents problèmes. Toutefois, il peut être extrêmement difficile de les appliquer en public avec les parties prenantes du conflit.

Il est quasiment impossible de traiter avec des individus qui ont des positions extrémistes. S’ils interviennent dans le processus de négociation, ils peuvent le faire échouer. S’ils sont laissés en dehors, ils risquent de le gâcher plus tard, lorsqu’il faudra appliquer les accords.

Il est souvent malaisé d’empêcher les parties prenantes de dévier. Les membres extrémistes des différents groupes tendent à revenir à des querelles antérieures et à se braquer sur leurs positions.

Il est difficile de faire intervenir des parties prenantes qui ne résident pas dans la communauté. Il peut être utile d’ouvrir la voie au rétablissement de relations sociales ou personnelles, pour faire avancer le processus. Par exemple, en ménageant un espace pour des conversations informelles en prévoyant des pauses durant les réunions à des moments importants, on permettra aux parties prenantes de planifier une stratégie ou de poser des questions informelles.

Il est parfois difficile de parvenir à une résolution définitive du conflit car certaines parties prenantes peuvent refuser de passer d’une négociation fondée sur les positions à une négociation fondée sur les intérêts.


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ÉTUDE DE CAS 2: CONFLIT RELATIF AU DÉTOURNEMENT DU FLEUVE BOSOKO DANS LA ZONE HUMIDE D’AMANSURI J. Parker McKeown et E. Nitri

Questions servant de guide pour l’étude de cas numéro 2 1 Comment l’introduction du Projet de conservation et de développement intégré d’Amansuri a-t-il

affecté la gestion du conflit? Selon vous, comment le projet aurait-il été géré sans le projet? 2 Comment les diverses parties prenantes ont-elles cadré le conflit? 3 S’agissait-il d’un conflit sur les moyens d’existence, sur les droits des communautés à gérer leur

environnement ou sur la conservation? En quoi le cadrage d’un conflit influence-t-il la manière dont il est traité? 4 Pourquoi les populations de Gyamozo ont-elles opposé une telle résistance aux tentatives de

résolution du conflit? 5 Pourquoi l’entrée des médiateurs dans le conflit est-elle si importante? 6 Quelles techniques les médiateurs ont-ils utilisées pour organiser le processus de gestion du conflit? 7 Quelles techniques les médiateurs ont-ils utilisées pour faciliter les réunions? 8 Pourquoi les parties prenantes de Gyamozo ont-elles mis tant de temps à recadrer leur projet? 9 Êtes-vous d’accord avec la manière dont les parties prenantes secondaires «perturbatrices» ont

été traitées? De quelle autre manière aurait-on pu réagir? 10 Comment auriez-vous facilité ce processus? Pensez-vous que c’était une bonne idée de commencer

par une réunion avec une seule partie au conflit (y compris pour effectuer l’analyse du conflit)? 11 Pensez-vous que les médiateurs ont bien fait d’obtenir un appui externe pour remplir les

engagements de l’accord? Comment auriez-vous fait vous-même dans une telle situation? 12 Considérez-vous que cette étude de cas est un succès? Dans les deux cas, justifiez votre réponse.


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Jeu de rôle pour l’étude de cas numéro 2 Sélectionnez une des réunions facilitées, choisissez des rôles appropriés (médiateur, Tufuhene (autorité traditionnelle), membres de la communauté de Gyamozo (l’un ayant des parents dans les autres communautés, l’autre n’en ayant pas), membres des communautés d’Old et New Nzulezo (l’un ayant des parents dans les autres communautés, l’autre n’en ayant pas), une partie prenante de Nzulezo sceptique sur tout accord qui permettrait à la population de Gyamozo de s’enfuir sans rétribution, un administrateur de projet (distinct du médiateur) et un membre de l’assemblée). Animez une négociation, en partant du principe que toutes les parties sont venues aux négociations – de bon ou de mauvais gré. Essayez de parvenir à une entente. Dans le cadre du processus de gestion du conflit, vous pouvez commencer à analyser le conflit sur la base d’une analyse des causes profondes, d’une analyse des relations, d’une analyse des parties prenantes, d’une analyse des relations à l’aide des 4R et d’une analyse du pouvoir, des positions et des intérêts.

Problèmes clés Le cas relatif à la zone humide montre à quel point les conflits liés aux ressources peuvent être différents et complexes. Il démontre aussi que de nombreux flux d’avantages différents provenant des ressources des terres humides peuvent être affectés par un conflit. Il nous apprend que, même quand la tension est forte, il peut être utile de faciliter un rétablissement de la communication entre les parties opposées pour régler un conflit. Des chefs de clans ou des chefs de famille traditionnels respectés peuvent jouer des rôles positifs en incitant les parties à s’engager sincèrement à trouver une solution acceptable et en mettant en route un processus qui permettra de renouer des relations traditionnelles constructives. L’étude montre en outre que toute gestion d’un conflit basée sur la coercition et la force est pratiquement vouée à l’échec. Compte tenu du climat houleux avant l’intervention du médiateur, il a fallu beaucoup de temps pour convaincre toutes les parties concernées de se réunir autour de la table des négociations. Plus spécifiquement, le cas souligne:

l’incidence négative que peuvent avoir les conflits liés aux ressources sur les projets de développement;

la difficulté de comprendre les multiples effets des mesures de gestion des ressources; le nécessité de rétablir des liens de communication pour trouver des solutions avantageuses pour toutes les parties;

la complexité des problèmes liés aux ressources, qui sont imbriqués avec des questions d’identité et avec les relations sociales passées. Comme dans l’étude de cas numéro 1, il semble que nous soyons ici en face d’un cas «gagnantperdant». Un village détourne un cours d’eau pour améliorer son propre accès. Ce détournement affecte les communautés d’aval, qui perdent d’importantes ressources nécessaires à leur subsistance. Au début, la première partie refuse tout compromis et la seconde demande que des sanctions soient prises contre la première qui a commis une action illégale.


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Contexte La zone humide d’Amansuri se trouve sur la côte occidentale du Ghana, à l’intérieur des Territoires traditionnels orientaux et occidentaux du Nzema et des Districts d’Est Nzema et de Jomoro dans la région occidentale du Ghana. La zone se trouve à environ 360 km à l’ouest d’Accra et les grandes agglomérations les plus proches sont Axim et Half-Assini. La zone a un climat équatorial de mousson et se trouve à l’intérieur de la forêt sempervirente humide du Ghana. La zone humide couvre avec ses bassins versants plus de 1000 km2, et elle est constituée de dix sous-bassins versants d’une superficie allant de 18 à plus de 140 km2. La région forme le bassin versant du Lac Amansuri et englobe les zones de drainage de plusieurs cours d’eau, ainsi que la plaine côtière inondable située au nord de Beyin. La zone humide proprement dite couvre plus de 100 km2, comprenant de petites étendues d’eaux libres (lac d’Amansuri). La lagune côtière de la région est reconnue d’importance internationale pour les échassiers. L’écosystème de la zone humide d’Amansuri présente plusieurs catégories de zones humides et contient une grande diversité d’espèces de plantes et d’animaux. C’est la seule forêt de tourbière marécageuse connue du Ghana, et le meilleur exemple de forêt marécageuse d’eau douce du pays, caractérisée par des eaux humifères noires. La zone humide d’Amansuri a été désignée comme zone d’importance mondiale pour les oiseaux et des préparatifs sont en cours pour l’inscrire sur la liste des sites de Ramsar (des zones humides d’importance internationale). Les populations indigènes vivant dans la zone du conflit sont les Nzéma, mais des pêcheurs Fanti et Éwé se sont installés dans quelques villages côtiers. La zone humide se trouve à l’intérieur du Territoire traditionnel occidental du Nzema, dont la capitale est Beyin. Dans ce territoire traditionnel, les propriétaires terriens sont des chefs de famille mais le chef suprême décide en dernier ressort sur les problèmes liés à la terre. Il existe plusieurs systèmes de tenure différents. Les membres de la famille ont des droits d’usage sur leurs propriétés. Les individus peuvent louer des terres à des


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colons et à des personnes qui ne font pas partie de la famille dans le cadre d’un système de métayage appelé «abunu» ou «abusa». Il y a environ 19 communautés aux alentours de la zone humide d’Amansuri et cinq à l’intérieur. À l’intérieur de la zone humide, on se déplace essentiellement en bateau. Toutes les communautés qui résident dans la zone humide sont fortement tributaires de ces ressources. Leurs principales occupations sont la pêche et la transformation du poisson, l’extraction du vin de palme, la distillation de gin local (Akpeteshie), l’agriculture et les activités agro-alimentaires et le commerce. L’ONG Ghana Wildlife Society (GWS) met en œuvre en partenariat avec le Conseil traditionnel du Nzema occidental le projet ACID (projet de conservation et de développement intégré d’Amansuri), dans la partie occidentale du Territoire traditionnel Nzema de la zone humide d’Amansuri. L’objectif ultime du projet est de parvenir à la situation suivante: un écosystème de zone humide préservé, avec des fonctions écologiques et un paysage esthétiquement intact et une utilisation des ressources à impact limité, conforme aux principes de la gestion durable.

Histoire du conflit Deux grands fleuves et trois cours d’eau mineurs se déversent dans le Lac d’Amansuri. Le Bosoko est le plus gros, et c’est aussi le chemin le plus court pour relier Old Nzulezo à des villages comme Gyamozo et New Nzulezo, à l’intérieur de la zone humide. Les habitants d’Old Nzulezo empruntent aussi le fleuve pour se rendre dans leurs fermes et sur les sites où ils extraient le vin de palme et distillent de l’alcool. Le fleuve Bosoko est la principale voie d’accès à la grand route de Half-AssiniSameneye qui relie Gyamozo à Old et New Nzulezo. Le village de Gyamozo se trouve à environ 2 km des rives du Bosoko et les habitants de Gyamozo marchent normalement à travers les marais jusqu’à leur bateau. Pendant la saison des pluies, il est pratiquement impossible de traverser cette zone à pied à cause des inondations. Entre la fin 2001 et le début 2002, les habitants de Gyamozo ont détourné une partie du fleuve Bosoko à travers un canal naturel, ce qui leur a permis d’éviter de traverser les marais à pied mais a considérablement réduit le volume des eaux qui se déversent dans le lac d’Amansuri. Le Bosoko est le seul gros fleuve qui se déverse dans le lac depuis que les habitants de Sameneye ont détourné l’autre gros fleuve, l’Ayevula, il y a environ 25 ans. En mars 2002, les habitants de Nzulezo qui étaient les plus touchés par le détournement ont informé les habitants de Gyamozo de ses effets, et leur ont demandé de rétablir le cours originel du fleuve, mais rien n’a été fait. Les anciens de Nzulezo ont ensuite signalé l’affaire au Comité de gestion du projet ACID, étant donné que la zone où le cours du fleuve avait été détourné se trouvait à l’intérieur de la réserve naturelle communautaire établie par le projet. En mai 2002, le Comité de gestion du projet a demandé à trois de ses membres (le chef d’Old et New Nzulezo, le membre de l’assemblée de la circonscription de Beyin et le directeur du projet ACID), de se rendre sur les lieux où les eaux avaient été détournées et à Gyamozo pour résoudre le conflit. Ils se sont tous les trois rendus sur le site mais les habitants de Gyamozo ont refusé à deux reprises de les rencontrer. Lorsque les


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habitants de Nzulezo ont réalisé que l’intervention du Comité de gestion du projet ne servait pas leurs intérêts, ils ont proféré des menaces et lancé des ultimatums à la communauté de Gyamozo, en insistant pour qu’ils rétablissent le cours du Bosoko. En août 2002, le Comité de gestion du projet a signalé l’affaire à l’Assemblée du District de Jomoro, qui est administrativement responsable de la zone du conflit. Les règlements en vigueur de l’assemblée interdisent le détournement des cours d’eau naturels sans autorisation. Toutefois, même après plusieurs tentatives, l’Assemblée n’a pas réussi à résoudre le problème. Deux officiers de police ont accompagné des agents de l’Assemblée à Gyamozo mais les habitants avaient quitté le village avant afin d’éviter une confrontation avec la police. Lorsque l’assemblée a envoyé une deuxième fois des officiers de police, il y a eu des bagarres à New Nzulezo entre des parents des habitants de Gyamozo et la police. En janvier 2003, les tensions se sont ravivées lorsqu’un résident d’Old Nzulezo a grièvement blessé un habitant de Gyamozo qui refusait de le laisser extraire du vin de palme dans le Territoire traditionnel. Le membre d’Old Nzulezo faisait valoir que l’extraction du vin de palme avait été interdite dans les zones traditionnellement exploitées par les habitants d’Old Nzulezo, par représailles contre le détournement du fleuve. Des querelles et des affrontements violents entre les habitants des deux villages semblaient éclater pour le moindre prétexte. Certains habitants d’Old Nzulezo affirmaient que si l’assemblée n’était pas capable de régler le problème, ils le résoudraient à leur manière (c’est-à-dire par la force).

Processus de gestion et de résolution du conflit C’est dans ces conditions chargées de tension qu’un membre du personnel du projet ACID a suggéré de recourir à une approche de type coopératif pour résoudre le conflit.

Analyse préliminaire du conflit et des parties prenantes: Pour commencer, les membres du personnel du projet ACID ont conduit, en tant que médiateurs, une réunion interne pour évaluer la situation actuelle dans la zone. Ils ont identifié les parties prenantes et planifié une stratégie pour entrer sur la scène du conflit, en déterminant notamment qui devait être contacté en premier. L’équipe de médiateurs à peine constituée prévoyait de rencontrer le Tufuhene, la seconde autorité après le chef, qui vit à New Nzulezo. Les membres de l’équipe ont reconnu que, en tant qu’agents du projet ACID, ils étaient des parties prenantes secondaires car le conflit avait un effet néfaste sur les activités du projet.

PARTIES PRENANTES DU CONFLIT Principales

Secondaires

Parties intéressées

Old Nzulezo

Ghana Wildlife Society

Mlegyinla

New Nzulezo

Assemblée de district de Jomoro

Ngelekazo

Gyamozo

Ekebaku

Beyin

Ebonloa


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Consultation des parties prenantes: La première fois qu’ils se sont rendus sur les lieux, les médiateurs ont rencontré le Tufuhene pour qu’il les autorise à assurer la médiation dans le règlement du conflit. Le Tufuhene a accepté, déclarant cependant qu’il doutait que les habitants de Gyamozo en fassent autant. Il a fixé une date pour une réunion communautaire. En vue de la rencontre avec les habitants de Gyamozo, les médiateurs ont ensuite contacté un ancien de New Nzulezo qui a envoyé un message à Gyamozo. Les habitants de Gyamozo n’étaient cependant pas disposés à accepter les médiateurs et ils n’ont pas participé à la réunion. Les médiateurs ont supposé que certains habitants de Gyamozo considéraient qu’ils étaient partiaux à cause de leur intervention précédente dans le conflit, en tant que membres du personnel du projet ACID. Après cet échec, les médiateurs ont invité les participants à conduire une analyse des causes profondes à Old Nzulezo. Parmi les opinions concernant les raisons potentielles du détournement du fleuve par les habitants de Gyamozo, deux se sont démarquées: 1) se garantir un accès pendant les périodes d’inondation; et 2) détruire la production de vin de palme, que certains habitants d’Old Nzulezo obtenaient dans des forêts voisines. En détournant le fleuve, ces ressources en vin de palme s’assècheraient, ce qui aurait pour effet de réduire la concurrence, et de revaloriser le vin de palme produit à Gyamozo. Les médiateurs sont ensuite passés à une analyse de l’impact du détournement du fleuve et ont identifié d’autres parties prenantes, telles que les agriculteurs dont les champs étaient inondés, et les pêcheurs des environs de Beyin pénalisés dans leur activité par l’assèchement des marais. Les médiateurs se sont rendus compte que les familles d’Old Nzulezo, New Nzulezo et Gyamozo avaient des liens de parenté. Beaucoup de résidents de New Nzulezo continuaient, bien qu’ils soient affectés par le détournement du fleuve, à entretenir des relations étroites avec leurs parents de Gyamozo. Les médiateurs ont ensuite divisé les parties prenantes en deux groupes affectés de manière différente par le détournement du fleuve. L’un était constitué d’agriculteurs, de pêcheurs et de commerçants et l’autre de saigneurs de palmiers à vin et de distilleurs d’alcool. A son retour à New Nzulezo, l’équipe de médiation a rencontré séparément les agriculteurs, les saigneurs et les distilleurs, ce qui lui a permis de mieux comprendre comment ces différentes parties prenantes étaient affectées.

Engagement des parties prenantes: Les médiateurs ont présenté leurs premières constatations à une réunion publique à Old Nzulezo. La première réaction des villageois a été de dire que les habitants de Gyamozo devraient rétablir le cours normal du fleuve et être punis de l’avoir détourné. Après l’analyse, ils ont réalisé qu’ils n’avaient rien à gagner à se braquer sur cette position. À la fin de la réunion, les habitants de Nzulezo ont adouci leur position et suggéré que le seul moyen d’amener la communauté de Gyamozo à négocier et à résoudre le conflit était de demander aux anciens de New Nzulezo (qui entretenaient de bonnes relations avec la communauté de Gyamozo) de les persuader. En attendant, les villageois d’Old Nzulezo étaient les plus pénalisés par le détournement du fleuve. Ils étaient prêts à rencontrer la partie adverse pour tenter de parvenir à un règlement négocié. Les médiateurs ont ensuite expliqué qu’ils allaient rencontrer les habitants de Gyamozo pour tenter de les convaincre de négocier avec Old Nzulezo. Trois anciens modérés d’Old Nzulezo les ont accompagnés pour rencontrer les anciens de New Nzulezo. Ces derniers ont accepté facilement d’inviter les habitants de Gyamozo à venir dans leur communauté pour une réunion.


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Les habitants de Gyamozo avaient cependant refusé plusieurs fois d’avoir affaire avec les médiateurs. Le chef de la famille de New Nzulezo a envoyé un linguiste dans la communauté pour inviter ses membres à se réunir autour d’un terrain d’entente. Cette invitation est lourde de conséquences sur le plan des traditions. Par la suite, trois hommes de Gyamozo ont assisté à cette réunion. Tous étaient des saigneurs de palmiers, alors que les médiateurs avaient demandé qu’une gamme de parties prenantes différentes vienne de Gyamozo. Les représentants de la commune de Gyamozo ont expliqué qu’ils voulaient un accès à la route. Globalement, ils ont exposé les faits avec modération, en insistant sur le fait que leur village serait pratiquement inaccessible durant la saison des pluies. Ils ont déclaré que leur but n’était pas de détruire les moyens d’existence de leurs frères, mais qu’ils avaient un besoin urgent d’accéder à la route. Les médiateurs leur ont demandé s’ils étaient conscients des effets que le détournement du fleuve avait eu sur les autres communautés, en leur montrant les résultats de l’analyse d’impact. Les membres de la communauté de Gyamozo ont répondu qu’ils ne s’étaient pas rendus compte de la gravité de ces effets. À ce stade le chef de la famille New Nzulezo les a confrontés à la situation difficile qui régnait à Old Nzulezo, dont les habitants étaient pénalisés non seulement par la destruction de leurs moyens d’existence, mais aussi par des problèmes d’accès, À la fin de la réunion, les médiateurs ont demandé aux participants s’ils seraient prêts à négocier si aucun membre de la police ou de l’assemblée n’était présent, et ont proposé New Nzulezo comme terrain neutre. Après cette réunion, les médiateurs ont analysé la situation. Ils ont réalisé que les gens reconnaîtraient les agents du projet ACID qui étaient précédemment intervenus dans le conflit, et qu’ils les considèreraient comme étant de parti pris. C’est pourquoi ils ont invité une tierce personne à se joindre à l’équipe, en tant que médiateur principal. Cette personne n’était jamais intervenue dans le conflit.

Réunion de négociation: Durant la réunion, les médiateurs ont laissé chaque partie faire sa déclaration. Alors que les deux parties étaient censées n’envoyer que dix représentants, une foule énorme se pressait autour du lieu choisi. Les règles de base étaient très efficaces, en partie parce que le Futuhene et le chef de famille étaient là, de même qu’un représentant de l’assemblée. Les représentants d’Old Nzulezo ont été les premiers à exposer les faits. Ils en sont venus à leur position et ont pris une ligne dure («rétablir le cours normal du fleuve et affronter la sanction»). Le chef de famille a apaisé les esprits en faisant remarquer que les deux parties ne s’étaient pas réunies pour se battre mais pour négocier. Les représentants de Gyamozo ont déclaré qu’ils étaient contents de ce qu’ils avaient fait. Ensuite ils ont ressorti une vieille histoire, dans laquelle le chef alors en fonction n’avait pas puni des individus qui avaient enfreint les règles d’utilisation des ressources, et c’était le village de Gyamozo qui avait été pénalisé. Ceci leur donnait le droit, affirmaient-ils, d’enfreindre les règles à leur tour. À ce stade, le chef de famille a repris la situation en mains. L’équipe de médiation a présenté les résultats de l’analyse d’impact, ainsi qu’un schéma des relations mettant l’accent sur les liens de parenté entre les villages opposés. Ils ont invité les deux parties à essayer de trouver une solution mutuellement acceptable. Diverses personnes ont commencé à faire des suggestions. Des habitants de New Nzulezo ont fait valoir que le cours normal du fleuve devrait être rétabli. Ils ont rejeté la justification de la «vieille histoire» et ont insisté sur la nécessité de résoudre le problème. Lorsque le médiateur a posé la


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question «À qui appartient l’endroit en question?», tous les représentants des parties prenantes se sont calmés et ont baissé les yeux, la question les avait vraiment frappés. Le chef de famille a répondu qu’il n’appartenait à personne, mais que tout le monde y avait accès pour utiliser ses ressources. Le site était destiné aux trois communautés. Une personne de Gyamozo a dit «Nous avons fait plus de mal que de bien. Nous ne nous rendions pas compte de la gravité des conséquences. Nous devrions rétablir le cours normal du fleuve. S’il y a des funérailles à Old Nzulezo, nous ne pourrons pas y aller à cause de cette histoire.» Cette déclaration a marqué un tournant dans le processus de négociation, et d’autres membres de la communauté de Gyamozo l’ont approuvée. Une fois qu’un consensus a été obtenu sur la nécessité de rétablir le cours normal du fleuve, le chef de famille a suggéré que les trois communautés travaillent ensemble pour rétablir leurs relations. Un membre d’Old Nzulezo a fait remarquer que le problème de l’accès à Gyamozo n’était toujours pas résolu. Les participants sont convenus qu’il conviendrait de construire une passerelle pour franchir le fleuve à pied. Les médiateurs ont prié les deux parties de choisir des représentants pour mettre la dernière main aux détails de l’accord.

Accidents de parcours: Après cette réunion, quelques saigneurs de palmiers à vin (principalement des jeunes gens) d’Old Nzulezo ont commencé à critiquer les habitants de New Nzulezo. Les médiateurs sont retournés à Old Nzulezo pour clarifier les problèmes. Quelques personnes se sont plaintes du fait qu’elles aidaient à rétablir le cours du fleuve et à construire la passerelle alors que le problème venait des Gyamozo. La solution proposée avait suscité de la rancœur. Le médiateur a réalisé qu’il y avait eu un défaut de communication à propos du processus et des résultats de la négociation et il a donné des explications claires. En conséquence, quelques jeunes gens ont continué à développer d’autres idées d’activités conjointes avec les autres communautés pour rétablir leurs relations. Lorsque certaines personnes ont réalisé qu’il y avait eu un défaut de communication, une dispute a éclaté à Old Nzulezo. Les médiateurs ont alors appris qu’une partie prenante puissante de l’extérieur du village avaient fait pression sur certaines personnes pour qu’elles transmettent des informations fausses sur la réunion de négociation et son résultat. Ils ont décidé de résoudre le problème au cours d’une réunion communautaire avec des représentants de New Nzulezo et de Gyamozo. À cette réunion, ceux qui avaient transmis le faux message ont été confrontés. Le chef de famille les a mis en garde de ne pas alimenter le conflit et de nouveaux représentants des communautés ont été choisis. Rédaction de l’accord: À une réunion ultérieure tenue à New Nzulezo, les parties ont arrêté la procédure à suivre – d’abord construire la passerelle, puis rétablir le cours normal du fleuve. Elles ont reconnu que l’accord impliquait des coûts pour payer les matériaux, un opérateur de scie à chaîne, le carburant et la main-d’œuvre, et elles ont demandé à l’assemblée de district et au projet ACID de mettre des fonds à disposition pour la construction du pont. L’accord est à présent en cours de rédaction, mais les fonds de développement n’ont pas encore été mobilisés, de sorte que les parties n’ont pas les moyens de le mettre en œuvre. Pendant ce temps, les effets néfastes continuent à se faire sentir.


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Enseignements tirés Les principaux enseignements à tirer de cette étude de cas sur la zone humide sont les suivants:

Il peut être difficile de tenter de résoudre des conflits, dans un contexte où règnent la coercition, la violence ou la méfiance.

Les médiateurs doivent préparer avec soin leur entrée sur la scène du conflit, car la manière dont ils seront perçus par les parties prenantes peut dépendre de ce premier contact. Dans certaines situations, une intervention des médiateurs en tant que parties prenantes, peut influencer l’idée que l’on se fait d’eux, en particulier de leur partialité ou de leur impartialité. Il arrive que des médiateurs ternissent eux-mêmes leur crédibilité même s’ils sont animés des meilleures intentions.

Les chefs traditionnels peuvent jouer un rôle important en aidant les médiateurs à instaurer un climat de confiance avec les communautés locales et en créant une atmosphère propice à des négociations.

Un conflit lié à des ressources peut affecter de manière très différente les diverses parties prenantes. Des parties prenantes externes à la zone du conflit proprement dite peuvent aussi être affectées.

Lorsque l’on s’efforce de rétablir des relations entre les parties opposées dans un conflit, il peut être utile de s’appuyer sur des liens de parenté existants pour les convaincre plus facilement d’examiner les points de vue des autres. Cela permet aussi de trouver plus facilement un terrain d’entente pour les négociations.

Même si une des parties prenantes refuse de négocier, on peut encore parfois conduire des processus de gestion des conflits valables avec les autres parties prenantes principales et secondaires. Il existe des stratégies et des outils, comme l’analyse participative du conflit, qui peuvent donner aux parties des informations importantes pour les guider dans leurs efforts de recadrage du conflit. Toutefois, quand toutes les parties prenantes n’interviennent pas, les médiateurs doivent avoir présent à l’esprit qu’ils n’obtiennent qu’un cadrage «sélectif» du conflit, et qu’ils doivent absolument se renseigner sur la manière dont les parties prenantes manquantes cadrent le conflit.

Certaines parties prenantes, notamment secondaires, peuvent avoir l’impression que leurs intérêts sont menacés par le processus de gestion d’un conflit et s’évertuer à le faire échouer.

Les accords qui ne peuvent être résolus qu’avec des fonds ou des ressources externes, sont particulièrement délicats. Il ne faut pas partir du principe que l’on obtiendra facilement ou automatiquement cet appui une fois que l’accord aura été atteint, sauf si l’on a obtenu au préalable des engagements fermes. Si ce n’est pas le cas, l’accord est très fragile et risque fort de s’effondrer (en effet, il peut avoir été obtenu sur de fausses bases, si les parties opposées ont eu l’impression que les ressources étaient disponibles alors que ce n’était pas le cas).


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LES TECHNIQUES DE NÉGOCIATION ET DE MÉDIATION APPLIQUÉES À LA GESTION DES RESSOURCES NATURELLES

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explique comment aider les populations à faire face à des conflits qui compromettent ou désorganisent la gestion des ressources naturelles, entravent le développement, et provoquent des explosions de violence. Il montre comment on peut utiliser les techniques de négociation et de recherche d’un consensus pour gérer un conflit et bâtir une collaboration, et donne des indications pratiques, étape par étape, sur la manière d’établir et de gérer un processus de négociations consensuelles faisant intervenir de multiples parties prenantes. Le guide s’adresse à des spécialistes de la gestion participative/conjointe des ressources naturelles et de projets liés aux moyens d’existence ruraux.

Les techniques de négociation et de médiation appliquées à la gestion des ressources naturelles

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