"Les villes spontanées peuvent-elles générer un renouvellement des manières de projeter?"
Samantha LUC Mémoire Master 1
Juin 2013 Séminaire «L’autre Ici» Elisabeth Pasquier & Pauline Ouvrard
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Sommaire Introduction: ..............................................................................................................p3 Déterminer les bidonvilles............................................................................................p5 Contextes urbains contrastés........................................................................................p11 Paris : deux périodes de naissance des quartiers informels...............................p13 Kânpur : essor industriel : essor des habitats spontanés.................................p17 Buenos Aires : logements informels fortement ancrés dans l’urbain........................p19
Légalité/Illégalité.........................................................................................................p23 Paris : politique de résorption..........................................................p25 Kânpur et Mumbaï : politique de réhabilitation en évolution..............................p27 Buenos Aires : deux étapes : de la résorption vers la consolidation......................p31 L’insertion des quartiers informels dans le tissu urbain.................................p37
Les impacts d’une « société rationnelle ».........................................................................p41 Conséquences des processus d’urbanisation accélérés......................................p43 Le logement & l’industrialisation........................................................p47
Uniformisation de l’espace urbain et de l’habitat...........................................................p51 Normes de protection, de sécurité, de construction.......................................p53 Critères jugés d’ « esthétisme » et de « confort ».......................................p55
L’imprévu générateur d’urbanité..................................................................................p57 Constat des conditions de vie au sein des bidonvilles....................................p59 Accès au logement........................................................................p61 Naissance d’un urbanisme collectif.......................................................p63 Formation spontané d’espaces publics.....................................................p67 Génie constructif........................................................................p71 Redéfinition de l’architecture vernaculaire..............................................p77
Etat des lieux sur un regard projectuel...........................................................................p79 Projets architecturaux...................................................................p81 Photographies et œuvres d’art............................................................p87
Conclusion..................................................................................................................p89 Bibliographie..............................................................................................................p91
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La ville d’aujourd’hui révèle de grandes complexités. De nombreux phénomènes liés à la fabrique de la ville se confrontent et se connectent, se régulent et se dérégulent. La ville de notre siècle évolue à une vitesse considérable car elle est, entre autre, le lieu de l’accroissement démographique et de l’expression capitaliste. Elle devient hétérogène, morcelée, et s’étend de façon démesurée. Tous ces facteurs ont fait naître au sein des métropoles de nouvelles demandes et de nouveaux besoins. La demande de logements, leurs qualités, et spécificités ont nettement augmentés. Cependant, à une échelle globale, on peut voir qu’il est bien difficile pour les acteurs haut placés des villes, de répondre à ce manque de logements, et aux nouvelles envies des habitants. L’un des révélateurs de cette est la naissance de l’habitat qui peut prendre de nombreuses des densités différentes. Ce est global, il s’étend à mondiale.
situation spontané, formes et phénomène l’échelle
J’ai commencé cette étude des bidonvilles en 2ème année de licence à l’ENSA de Nantes, dans le cadre de la bibliographie critique encadrée par Pauline OUVRARD. J’y ai alors porté un grand intérêt, en tentant d’en comprendre les causes diverses et croisées. J’ai aujourd’hui l’envi de continuer cette recherche. L’étude de l’informalité dans la ville
touche tous les domaines, l’économie, la politique, la sociologie mais aussi l’architecture. Mon premier travail sur ce sujet était peut-être un peu naïf. Le regard que je portais était bien plus basé sur les conditions de vie misérables au sein des bidonvilles, bien sur non négligeables, mais qui sont bien sur l’aspect que l’on voit en premier lieu, et sur lequel on s’arrête. Cependant, je n’avais pas saisis les qualités d’auto-organisation et d’autogestion qui en ressortait. Comme l’explique John Turner, les architectes préfèrent s’intéresser aux édifices qui n’ont pas été construit par l’un des leurs. Je pense me retrouver dans cette idée. La méthode d’approche de ce sujet sera bibliographique, c’est une thématique de la ville très abordée. A travers tous ces textes, livres, articles, films, je vais mettre en avant les idées, les notions clefs qui guident ce mémoire. Cette étude s’articulera autour de plusieurs thématiques qui ont été pour moi des points d’accroches pour le développement de mon sujet. Chaque thématique comprend des sous parties qui en découleront. Pour un meilleur développement, une approche par le visuel sera mise en place. En effet, les thématiques comprendront à la fois, des extraits de documents, mais aussi des diagrammes que j’aurai réalisés pour synthétiser des idées. Mais aussi, des analyses par le biais de croquis qui montreront l’importance du projet urbain et architectural que ce sujet engendre.
Ainsi, plusieurs idées vont être développées. Il faudra tenter de définir ce qu’est le bidonville, le slums, la favela, la villa miseria etc.… tant le vocabulaire évolue selon le contexte de formation, tant il est ambitieux d’en saisir toutes ses caractéristiques. En premier lieu, j’aborderai la spontanéité à l’échelle de la ville. Leur formalisation est bien souvent la conséquence des politiques de chaque pays et de l’histoire. Chaque bidonville à sa propre situation et ses propres causes de construction. Pour avoir des points d’attaches différents et en même temps liés, je me concentrai, dans cette partie, sur trois pays, la France, l’Argentine et l’Inde, choix que j’expliquerai par la suite et qui viendront être appuyés par des situations venant d’autres zones d’études. La légalité et l’illégalité prendront une place importante dans cette partie. Les différents contextes urbains contrastés sont révélateurs des différentes façons dont les quartiers informels émergent. On y lira une ville fragmentée, en étudiant l’insertion des parties informelles dans le tissu urbain. On observera plusieurs « typologies » sans vouloir formaliser l’informalité. Il a été important que je me construise différentes images fictives des formes que pouvait prendre le bidonville pour pouvoir mieux l’aborder, sachant que
mon travail ne s’effectue pas à travers des enquêtes de terrains. Par la suite, comprendre la production de la ville et de l’habitat dans notre société m’apparaît essentiel et pour saisir, à l’inverse, les qualités des bidonvilles. Je mettrai alors en parallèle la standardisation de l’habitat et l’appropriation. Ces deux notions s’opposent et se rencontrent. Pour argumenter, il est important d’approfondir certains points du fonctionnement de notre société actuelle, et quelles conséquences elle génère (uniformisation des modes d’habiter, le lien avec l’industrialisation et la consommation). D’autre part, après l’analyse des modes d’habiter et de fabrication de la ville formelle, nous verrons que l’imprévu peutêtre générateur d’une urbanité de qualité. A travers les notions d’accès à la propriété, de construction, d’autogestion et d’autoorganisation, d’espaces publics spontanés, nous redéfinirions en quoi les bidonvilles peuvent être qualifiés de vernaculaire. En dernier point, le regard projectuel aura toute son importance. Les différents écrits théoriques d’architectes et d’urbanistes nous permettront de donner un autre sens à l’informalité dans la ville. Nous aurons alors une vision de l’autogestion et de l’auto-construction tendant vers l’utopie. Une vision utopiste que l’on retrouvera notamment dans les domaines des arts et de l’architecture.
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DĂŠterminer les bidonvilles
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Rapport des villes UN-HABITAT 2006-07, «State of the world’s cities report» Extrait de la page 20
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-Informations trouvées dans: Mike Davis, « Le pire des mondes possibles : de l’explosion urbaine au bidonville global »,Paris : Ed. La Découverte/poche , 2006 Victor Hugo Olmsted «The slums of Baltimore, Chicago, New-York and Philadelphia» United States. Bureau Of Labor
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Rapport des villes UNHABITAT 2006-07, «State of the world’s cities report»
Les villes de notre siècle se sont développées à une vitesse considérable et presque incontrôlable. On parle de métropole, de mégapole à partir de 10 millions d’habitants, ou encore de mégalopole lorsqu’il s’agit d’un rassemblement de plusieurs agglomérations. La ville s’établit ainsi à plusieurs échelles, et chaque échelle impacte des enjeux différents. Dans ces villes démesurées les municipalités, l’Etat, les politiques sont souvent face à de nombreux problèmes. Ils sont submergés par la demande de logements, l’immigration, la forte croissance démographique, la pauvreté, la lutte, l’étalement urbain. Il est alors bien difficile pour eux de gérer cette accumulation. Les exigences d’une ville ont également bien évoluées. Les villes ont une image à tenir, de grands projets qui viennent les qualifier, leur donner une identité. On se place alors dans une situation de marketing urbain. D’autre part, les demandes de confort dans la ville augmentent, on est face à des logiques de consommation. Les pressions immobilières sont elles aussi omniprésentes. Tous ces phénomènes sont la cause de situations d’exclusion. L’apparition des « bidonvilles » comme on les appelle le plus communément, sont une des conséquences de ces situations. Il est important de tenter de définir ce trait des villes.
Il est nécessaire d’en saisir les termes. Donner une définition de ce qu’est le bidonville n’est pas chose facile à faire tant il s’agit d’un phénomène compliqué et large. Nous pouvons alors réunir de multiples données et définitions déjà proposées, pour en tirer une première plus personnelle. 1
On peut alors partir du point zéro. La première définition du bidonville apparut en 1812, en Angleterre, par James Hardy Vaux, avec le terme «slum». Ce terme qui au départ était équivalent à «racket» ou «commerce criminel». Ce qui montre ce regard déjà stigmatisant et péjoratif que l’on pouvait porter sur cette nouvelle forme d’urbanisme. Par la suite, en 1894 on parle d’une «zone de ruelles sales, notamment lorsqu’elle est habitée par une 2 population de misérables et de criminels». Dans ces deux définitions on est face à une vision négative de la population et de leur mode de vie. Les bidonvilles apparaissent comme des points noirs dans la ville, ils semblent déranger. 3
En 2002, une définition officielle prend place, et trace une vision seulement des conditions de vie au sein des bidonvilles. Dans cette définition, on ne prend pas en compte la population y vivant. Le bidonville est alors caractérisé en cinq points majeurs: - «Durable housing» Constructions sur des terrains illégaux, structures éphémères, ne supportant pas les conditions climatiques. - «Sufficient living area» Habitation ayant une densité de plus de trois personnes par pièce
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Rapport des villes UN-HABITAT 2006-07, «State of the world’s cities report»
Habitat spontané Habitat de fait Quartiers illicites Habitat sous-intégré Habitat insalubre et indigne
Baraquement Favela Agglomération Taudis Espaces habités Bidonvilles
http://www.synonymes.com/
-Colette Pétonnet, « Espaces habités : Ethnologie des banlieues », Paris : Galilée , 1982, Débats, 174p -Mike Davis, « Le pire des mondes possibles : de l’explosion urbaine au bidonville global », Paris : Ed. La Découverte/ poche , 2006
Habitats informels Villes informelles Secteur de l’informel
Camps Campements illicites
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Caroline BUADES, «Habitat spontané ou la fabrication de la ville de demain», article Diapason, Habitat, Avril 2011
«Circulaire interministérielle NOR INTK 1233053C du 26/08/2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites.»
«villes générées par l’usager» «intervention par acupuncture» «habitat populaire contemporain» «architecture nécessaire» «design urbain participatif» « urbanisme d’action»
-Syste de Maat, «Architectes sans impératifs», Architecture d’Aujourd’hui
- «Access to sanitation» Pas assez de sanitaire pour un nombre raisonnable de personne - « Access to improved water» Pas d’accès à l’eau suffisant pour une famille, avec un prix raisonnable - «Secure tenure» Expulsions forcées et sans droit de propriété Cette approche du bidonville semble assez distanciée de celui-ci. Elle peut apparaître imprécise. On peut penser que cinq caractéristiques sont un peu vagues pour décrire ce qu’est le bidonville et bien le saisir. On emploie des mots tels que «raisonnable» «suffisant» «accès» etc. Mots qui peuvent prendre différentes valeurs dont nous n’avons pas vraiment la contenance dans cette définition. La définition du bidonville est encore peu valorisante. Il est définit comme ne répondant pas aux «normes» de notre société. Normalités que nous aborderons dans une autre étape de notre étude. Les termes synonymes de bidonville s’accumulent: (vocabulaires que j’ai pu rencontrer au cours de mes recherches) Tous ces termes peuvent correspondre au bidonville, tout dépend quelle vision nous avons de celuici. Le taudis le définit très négativement, les baraquements évoquent l’amas de maison, quartier illicite, le point de vue légal et politique. Ainsi, le terme employé relève d’une caractéristique que l’on veut mettre en avant. Dans cette étude le terme approprié serait pour ma part l’habitat spontané ou la ville spontanée, car cette recherche a pour but de relever les atouts et qualités que génèrent ces imprévus.
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Contextes urbains contrastés
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-Serge Letchimy, «L’habitat insalubre et indigne dans les départements et régions d’outre mer: un défi à relver» septembre 2009
Le rendu intermédiaire de mémoire m’avait permis de balayer plusieurs territoires d’installation des villes spontanées. La France premièrement, car il est plus instinctif d’aborder le contexte dans lequel on vit. Puis au fil de mes recherches et des documents que j’ai pu rencontrer, j’ai élargi ma zone d’étude. J’ai porté un regard sur les DOM-TOM, étant des territoires reliés à la France, par le biais du rapport de Serge Letchimy définissant les quartiers informels comme un « défi à rele4 ver ». Par la suite, ma curiosité m’a amené à regarder la Chine qui est un contexte intéressant à étudié de part son taux de population très élevé. Mais dans ce pays, nous sommes dans un système difficile à cerner tant d’un point de vue politique sur la gestion de l’habitat insalubre, tant dans la forme que prennent ces bidonvilles. De plus, très peu de documents ou ouvrages nous renseignent sur ce contexte. Par la suite, le Brésil, à travers le travail de Didier Drummond, « Architectes des Favelas » sur la Rocinha à Rio de Janeiro, m’a permis de comprendre les
systèmes migratoires de cette ville mais aussi le génie constructif des habitants du bidonville. Après toutes ces recherches, il m’a semblé judicieux de cibler mon étude sur trois exemples afin de les approfondir. Ils sont de différentes natures, d’échelles variées à différents endroits dans le monde. J’ai alors choisis les trois zones suivantes : Paris (France, Europe) pour comprendre notre situation en France qui était jusqu’à aujourd’hui encore inconnue pour moi. J’ai alors un point de vue sur le passé mais aussi sur l’aspect actuel. Kânpur et Mumbaï (Inde, Asie) car l’Inde est l’un des pays qui comporte le plus de bidonvilles au monde mais aussi car le rapport UN-HABITAT le situe comme l’un des pays ayant fait le plus de progrès sur ce sujet, tout comme la Chine. Puis, Buenos Aires (Argentine, Amérique Latine) qui pour cette année de master a pris une place prépondérante car j’ai une vision élargie sur cette ville étant donné que je l’étudie dans l’UE de projet « Buenos Aires entre Villas et Countries ». J’ai volontairement choisis cette option de projet, pour faire un lien direct avec mon sujet de mémoire.
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Image empruntée sur: http://bidonville-nanterre.arte.tv/ «127 rue la Garenne, le bidonville de la Folie, Nanterre» Extrait d’une frise intéractive dessinée à la manière d’un bande dessinée On voit différents acteurs, les usages, la communauté etc... Notamment, ici le rapport avec la ville formelle, construction de grands ensembles
Paris : deux périodes de naissance des quartiers informels
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http://www. ateliergrandparis.fr/
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-Classement du groupe immobilier « Knight Frank » et de la « Citi Private Bank »
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Pierre George, «L’immigration en France: faits et problèmes», Armand Colin Actualité, Paris, 1986
Pour commencer, la ville de Paris, située en Ile de France, est la capitale de la France. Cette ville a une visibilité internationale et fait rêver bon nombre de pays pour sa composition urbaine et sa Tour Eiffel. Aujourd’hui on parle du 5 « Grand Paris », notamment du projet qui donne une unité entre le Paris Intramuros et le Paris Hors Les Murs, mais aussi une forte « promotion » à la ville en y invitant à travailler des « archistars » comme le dirait Franco Le Clela. Paris est un espace très régulé par des normes d’urbanisme rigoureuses, l’inattendu n’y a alors que peu de place. Selon les sources de l’INSEE en 2010 elle compte 2,2 millions d’habitants (une densité de 21 289 hab/km²). C’est l’une des villes les plus peuplées en Europe, mais aussi la neuvième ville 6 la plus chère au monde. La composition sociale de Paris, malgré cette caractéristique, est assez hétérogène. On trouve les classes aisées à l’ouest et au sud-ouest, et populaire au nord et à l’est. En France, on est face à deux périodes de naissance des bidonvilles. Dans les années 1960, on observe une nette croissance des bidonvilles, puis en 1970 ces habitats spontanés sont réduits par des politiques de résorption. Dans les années 1990, les bidonvilles refont leur apparition. Ces deux étapes historiques sont intéressantes à recouper entre
elles, pour en comprendre les raisons, les différentes populations concernées selon les périodes. La guerre d’Algérie est un déclencheur de l’immigration, tout comme la politique de la France à ce même moment. Comme l’appelle 7 les allemands les «Gastarbeiter», les travailleurs invités. La France encourage l’immigration pour trouver de la main d’œuvre, mais ne prend pas en compte un établissement fixe de ces populations, aucun logement ne seront prévus. Ainsi, cela impliquera la construction de bidonvilles en périphérie de Paris, avec une population majoritairement algérienne. Ces populations seront alors laissées pour compte et marginalisées. Le plus grand bidonville de Nanterre sera celui de la Folie, d’une étendue de 17 hectares. La ségrégation prendra des formes très violentes dans les discours du ministère de la Reconstruction et du Logement, en 1955 : “Dans les bidonvilles, il faut veiller à limiter le nombre de lits par foyer de manière à éviter la constitution de véritables villages indigènes aux portes des agglomérations. Il faut recourir à la forme architecturale habituelle à la localité et non pas à celle du camp de baraquement dont l’aspect, insolite dans le paysage urbain, accentue le caractère de paria du migrant. La formule de la casbah avec patio et minaret, sans parler de la décoration intérieure “à l’orientale” est aussi insolite dans notre paysage occidental” On rejette alors ces nouveaux arrivants, et on cherche à les priver, et à en donner à la nation une image péjora-
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Bidonville de Nanterre, 1956 © Jean Pottier / Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration Empruntées sur: http://www.histoire-immigration.fr/musee/collections/bidonville-de-nanterre-photographies-de-jean-pottier
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-Pierre Frey, Article dans Le Monde, 12 juillet 1967
tive. On critique leur culture, ce qui évoque une peur de l’étranger. Le relogement de ces nouveaux habitants pose un problème crucial aux huit communes parisiennes. A Nanterre par exemple, un résident sur trois est un étranger. Ils ont alors tenté de répartir de façon équitable sur le territoire les habitants des bidonvilles pour éviter un phénomène de ghettoïsation comme l’on peut trouver dans les villes des Etats-Unis. Pierre Frey résume assez bien ces craintes : « Les commune où la proportion des étrangers dépasse la côte d’alarme, ne pourront plus retrou8 ver l’équilibre sociologique souhaitable ». Le rejet de « l’autre ici » semble assez prégnant plus que le bidonville ne lui-même. On retrouve cette ségrégation encore aujourd’hui mais cette fois-ci avec l’arrivée des Roms en France. On assiste aujourd’hui, à l’immigration de la population rom en France. Depuis le 1er janvier 2002, avec l’ouverture des frontières de l’Espace Schengen aux Bulgares et aux Roumains, on est face à une hausse des arrivées de migrants partout en Europe. Les migrants ont le droit de séjourner en France pendant trois mois sans justifier d’un travail. Au-delà de cette période, ils doivent pouvoir justifier d’un travail, d’études ou de ressources suffisantes. Les Roms, arrivant en France, n’ont alors pas d’endroit où se loger, ils établissent des campements. Le retour des bidonvilles est indigeste pour la France. Le processus de formation des bidonvilles à Paris, et plus généralement en France était au dû au départ à la guerre d’Algérie et à l’industrialisation. On retrouve ce même schéma à Kanpûr dans les années 40-50.
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Croquis personnels: en haut à gauche «Micro ahatas» et bas a droite «Grands ahatas»
Kânpur : essor industriel : essor des habitats spontanés
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-Mike Davis, « Le pire des mondes possibles : de l’explosion urbaine au bidonville global »,Paris : Ed. La Découverte/poche , 2006
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Jean-Claude Lavigne, «La Réhabilitation des bidonvilles : Kanpur UP Inde», Economie et Humanisme, 1983, 175p
La situation exploitée à Kânpur se situera dans les années 1940-1950 pour comprendre le développement des bidonvilles, puis plus tard nous nous positionnerons par rapport à la politique actuelle. Il m’a semblé intéressant de comprendre l’émergence des bidonvilles et les processus mis en place en Inde car la moitié de la population nationale vit dans un bidonville contrairement à la France où ces situations informelles ont été rapidement limité et caché. L’inde se place en 8ème position des pays ayant la plus grande population urbaine vivant en bidonville 9 (158,4 Millions d’habitants). Kânpur est une ville située au nord-est de l’Inde. Aujourd’hui elle compte 2,5 millions d’habitants selon recensement de l’INSEE en 2001, l’équivalent de Paris. Elle a été formée par le rassemblement de six agglomérations et est devenue la 8ème métropole indienne. Dans les années 19501960, l’urbanisme de la ville est pratiqué à travers l’industrie, mais les politiques et les autorités gouvernementales sont peu présentes. Ainsi, il n’y a pas de plan d’aménagement. La ville a connu un grand développement industriel et une croissance importante. Cet essor industriel sera maintenu et en progression nette pendant la Seconde Guerre Mondiale car le pays s’engagera à soutenir l’effort militaire Britannique. Dans les années 1945, on comptera 175 unités industrielles. La ville érigera alors des cités dédiées aux travailleurs, mais pas assez. « Ce qui fut autrefois une ville industrielle dé-
bordante d’activité, est désormais un bidonville géant où 1 millions de personnes vivent 10 dans des conditions désastreuses ». On trouve deux typologies de bidonvilles. Les « slums », c’est-à-dire les bidonvilles euxmêmes, avec une installation de baraquements sur des terrains publics, sans titre de propriété et sans garantie. Puis on trouve les « ahatas » qui sont aussi précaires que les « slums » mais qui ont un statut foncier de terrain privé. On est alors dans des stratégies spéculatives, où les maisons sont plus que rudimentaires. Ces « ahatas » permettent d’avoir sur les habitants un contrôle social (proximité logements et travail, on rend les ouvriers disponibles pour les entreprises), on peut les associer à des cités ouvrières. On en trouve sous plusieurs formes. En centre, les microahatas sont souvent aménagées en deux rangées de maisons avec une ruelle au centre qui sert d’égouts. Les grands ahatas sont un ensemble de 100 maisons organisées comme un véritable ensemble urbain avec une organisation interne. En périphérie, elles sont construites autour des industries. Au départ, ils s’agissaient souvent de bidonvilles qui ont été légalisés. Dans les zones rurales, les ahatas s’insèrent dans les vides du tissu des villages sans respecter leur contexte. Alors l’industrialisation du pays est l’une des plus grande cause de l’apparition des quartiers informels. Sur notre autre zone d’étude, Buenos Aires, l’exode rural en est également la cause mais l’accroissement démographique prend également une grande place. En effet, la ville s’est étendue et densifiée à une vitesse incroyable.
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«Villa Miserias» en haut «Asentamientos» en bas, visuels réalisés sous Illustrator avec comme support de base des captures d’écran Google Earth, mise en avant des différentes stratégies d’utilisation des sols
Buenos Aires : logements informels fortement ancrés dans l’urbain
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-Mercedes Falcon & Maria Laura Raffo, «Relevamiento de villas y asentamientos en El Gran Buenos Aires», Un techo para mi pais, octubre 2011, 104p
Buenos Aires, capitale de l’Argentine, se situe au Nord-est de celle-ci. Il s’agit de la plus grande région métropolitaine du pays, mais qui concentre également le plus de bidonvilles. Le Grand Buenos Aires (RMBA) compte aujourd’hui 3 050 728 habitants selon les rescencements de l’INSEE en 2007 avec une densité de 15 000 hab/km². La ville regroupe alors un quart de la population totale du pays et la majeure partie des activités économiques. Une des caractéristiques urbaines fondamentales de la ville est son tissu urbain qui suit le plan hippodamien : la trame s’étend à l’infini sur la Pampa. Ce damier permet de forte densité dans les « manzanas » (carrés de la trame) mais aussi une forte hétérogénéité de l’architecture, que Le Corbusier caractérisait de sans identité. La trame est un signe de neutralité sociale mais également une notion d’intégration sociale. On trouve de nombreux contrastes dans la ville. Cette ville a une capacité d’exploration des nouvelles techniques, mais à l’opposé, une grande manifestation de sous-développement. Le principe de la trame, a permis à la ville de se développer sans urbaniste en appliquant le damier à n’importe quelles situations. Ainsi, les traits d’auto-construction sont très présents. Un phénomène important de celle-ci est l’augmentation des « barrios cerrados » (équivalents des gated-communities) qui eux ne viennent pas s’intégrer au qua-
drillage pour revendiquer leur différence. Puis à leur opposé, des bidonvilles, où l’on trouve deux typologies. En premier les « villas miserias » qui s’installent dans les anomalies de la trame, sur des friches, dans lesquels il n’y a pas de verdure et où l’on ne distingue pas de rue. Mais aussi les « asentamientos » qui tentent eux de maintenir la trame actuelle où les « manzanas » sont découpés en lot, ils veillent aussi à laisser les espaces libres pour les futurs équipements que les municipalités veulent mettre en place. Ainsi on observe deux stratégies d’occupation des sols : les asentamientos veulent revendiquer leur droit d’exister dans la ville par leur façon de s’insérer dans le tissu urbain, et les villas miserias s’implantent sur des terrains sans valeur foncière. Tous les quartiers construits au sein des « manzanas » portent des noms qui les qualifient, mais on vient donner aux bidonvilles des numéros, on est alors dans une réelle ségrégation socio-spatiale. A Buenos Aires, selon « un techo para mi pais »11 qui est une organisation qui travaille avec les familles des quartiers informels pour améliorer leur qualité de vie, on compte environ 864 « villas miserias » où vivent 508 144 familles. Sur la totalité de ces familles, 35% vivent autour des fleuves alors exposés au risque d’inondation, et 22% contigus aux décharges. Sur toute la population de la ville, 68% de la population ne bénéficie pas d’eau potable et 85% ne sont pas reliés au réseau des égouts.
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Croquis personnel évoquant la division entre la ville formelle et la Villa 31 par la voire ferrée Contraste très marqué entre le bidonvilles et Puerto Madero, nouvelle partie de la ville où vivent les classes aisées
A Buenos Aires, l’émergence des bidonvilles remonte aux années 1930-1940 durant le développement industriel qui a attiré les familles rurales en ville à la recherche d’opportunité de travail. On appelait ces bidonvilles des « villas miserias » car ils étaient considérés comme une étape de transition vers un 12 logement meilleur. Ainsi, 68,1% des migrants des bidonvilles proviennent de l’intérieur du pays dont la majorité arrive de la ville de Chaco au Nord Est du pays. Dans les années 1970-1980, on remarque une croissance des asentamientos due à la désindustrialisation et à l’instabilité économique du pays provoquée par la dictature de 1976 à 1983. Mais cette informalité du logement ne doit pas forcément être associée à des niveaux de vie précaires. En Effet, l’accès au logement en Argentine reste très complexe car il est difficile d’accéder aux documents pour louer ou acheter.
Croquis insipiré du Livre «Architectes de Favelas» avec annotations supplémentaires, montrant contraste entre ville formelle et favelas de Rio de Janeiro
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-Mercedes Falcon & Maria Laura Raffo, «Relevamiento de villas y asentamientos en El Gran Buenos Aires», Un techo para mi pais, octubre 2011, 104p L’UE de projet «Buenos Aires: entre villas et countries» dirigé par R.Hondelatte, à également apporté de nombreuses informations
De ce fait, cela fait plus de 50 ans que les habitants des quartiers informels amènent diverses stratégies pour se loger et faire reconnaître leur droit à la propriété. Ainsi, on remarque une nette densification 13 des occupations illégales, dans 65,4% des quartiers informels en 2011 on continuait à construite de nouveaux logements. Les habitants des bidonvilles savent que leur risque d’être expulsé s’efface au fur et 14 à mesure que le quartier ce consolide (66,3% des villas sont édifiés depuis plus de 15 ans). Toutes ces manières d’agir et ces chiffres montre que les logements informels sont fortement ancrés dans l’urbain.
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Légalité-Illégalité Dans le cadre des bidonvilles, plusieurs acteurs entrent en scène dans les prises de décisions. Les gouvernements prennent une place importante. La Banque Mondiale regroupe la Banque Internationale pour la reconstruction et le développement puis des associations internationales de développement. La Banque Mondiale lutte contre la pauvreté en donnant des subventions. Les ONG extérieures et intérieures sont des organisations non-gouvernementales d’origine privée, elles sont créées pour l’intérêt public. Prendre ces trois contextes urbains est une méthode pour dégager à la fois les actions politiques et la place de ces acteurs, mais aussi quel degré prend la notion de légalité et d’illégalité. La légalité répond aux lois et l’illégalité va à leur opposé. Mais la limite entre les deux en ce qui concerne le logement est assez floue, lorsque devenir propriétaire ou locataire n’est pas accessible à tout le monde.
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Paris : politique de résorption
Chronologie très succinte des évènements que nous abordons ci-contre
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http://www.certu.fr/, Les outils de l’aménagement, «Une vue d’ensemble par Philippe Méjean» 2007
Paris, dans le cas des bidonvilles de Nanterre exposé précédemment adoptera une politique de résorption (encouragée par la SONACOTRA Société nationale de construction de logements pour les travailleurs algériens). Cette politique de résorption prend aussi place dans la société actuelle. « Les opérations de résorption de l’habitat insalubre (RHI) sont des opérations publiques, sous maîtrise d’ouvrage locale, bénéficiant de financements substantiels de l’État (70 à 100 %). Ce dispositif a pour objectif le traitement de l’insalubrité irrémédiable par acquisition publique - principalement sous forme de déclaration d’utilité publique -, de terrains ou d’immeubles impropres à l’habitation, dans une optique de protection, de relogement et d’amélioration des conditions de vie des occupants. Les opérations de RHI sont donc d’abord l’expression d’un projet social. Elles visent non seulement à trouver une solution de logement pérenne aux occupants, mais aussi à répondre, en tant que de besoin, à leurs difficultés d’insertion
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http://www.certu. fr/, Les outils de l’aménagement, «Une vue d’ensemble par Philippe Méjean» 2007
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«Les routes perdues», Mai 2008, Aude Léa Rapin et Adrien Selbert
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-Martin Olivera, « Roms en (bidon) villes », Les conférences-débats de l’association EMMAÜS et de normale SUP’, Editions rue d’ULM, La rue ? Parlons-en !, 80p
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-Loïc Wacquant, «Parias Urbains: Ghettos, Banlieues, Etat», La décourverte, 2007, 331p
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-Circulaire interministérielle NOR INTK 1233053C du 26/08/2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites
sociale. »15 Cette définition peut être lu sur le site du gouvernement CERTU, les outils d’aménagement. C’est la loi Vivien, mise en place il y a plus de 30 ans qui définit la RHI. Cette procédure est engagée par les communes, mais l’OPAC ou les offices HLM peuvent aussi en être les demandeurs. Les financements sont eux accordés par l’Etat. Ce texte explicatif de la RHI nie d’une certaine façon la réalité. On parle de relogement, qui n’a pas toujours lieu d’une part, et d’une autre part qui disperse les gens dans la ville, loin les uns des autres, et loin de leur lieu de travail. Je pense que ce texte de loi est à mitiger car on parle de « projet social » bien évidemment qu’il s’agit d’une aide, mais c’est aussi quelque part une façon de protéger la France d’une certaine image. Les bidonvilles sont vus comme donnant une vision négative du pays. Aujourd’hui, l’arrivée des Roms en France bouleverse une nouvelle fois les politiques. Les bidonvilles deviennent trop visibles dans le tissu urbain de plus en16 plus dense. Le film «Les routes Perdues» montre l’émergence d’un bidonville à Paris, que l’on vient cloisonner, cacher, effacer du champ de vision par une limite physique en tôle blanche. De plus le coût du foncier donne aujourd’hui valeur à tout terrain, et la crise du logement implique une forte hausse de ces coûts. On est alors face à des exclusions perpétuelles, sans réelle solution de relogement, ou d’aide quelconque.
Pour qualifier ces villes informelles, les politiques utilisent le terme de «campements 17 illicites», ce qui qualifie péjorativement ces populations Roms bien souvent. On parle 18 de «catégorie sociale à problèmes». Une stigmatisation qui touche ces populations, qui les contraint en partie à se rassembler en cabanes. On est face à «symptôme d’exclusion».19 20 La circulaire du 26 août 2012, montre un désir d’évolution et d’accompagnement de ces populations. Plusieurs points sont mis en avant: • Mobilisation • Dialogue/information • Diagnostic • Accompagnement • Hébergement/accueil • Insertion professionnelle La circulaire se veut représenter un pays solidaire, et montre une volonté de ne pas exclure ces populations sans réelle solution. Car bien souvent les exclusions amènent les Roms se déplacent perdant, laissant sur place tout ce qu’ils avaient accumulés et construits, ils n’ont alors pas le temps de se construire un patrimoine. Ces microbidonvilles ne deviennent plus que des fragments de leur vie. Jean-Marc Ayrault prône alors «respect du droit et humanité». En Inde, contrairement à la France, l’Etat souhaite réhabiliter les bouts de ville informels, pour offrir de meilleures conditions de vie à leurs habitants. Mais cela est aussi dû au nombre très élevé de bidonvilles dans ce pays, il serait alors bien trop compliqué de reloger toutes ces personnes.
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Diagramme personnel: synthèse des acteurs de la réhabilitation de Kanpur et de leur pôle d’action
Kânpur et Mumbaï : politique de réhabilitation en évolution
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Jean-Claude Lavigne, «La Réhabilitation des bidonvilles : Kanpur UP Inde», Economie et Humanisme, 1983, 175p
Les ahatas de Kânpur ont bénéficié dans les années 80 d’un plan de réhabilitation. Les acteurs de ce projet étaient la Banque Mondiale, l’UNICEF, le gouvernement et les autorités de la ville. Le projet a été mis en route au bout de 18 mois, ce qui est extrêmement rapide. L’accord a été signé en 1981 et était destiné à améliorer les conditions de vie de 20 000 familles. Elle comprenait la mise en place d’un réseau d’eaux usées, d’eau potable, le dallage des rues, l’éclairage public, l’accession à la propriété (avec l’expropriation des propriétaires des ahatas profitant de la situation de pauvreté), la consolidation de logements existants, la reconstruction de nouveaux habitats (avec des crédits accordés aux habitants) et enfin la création d’emplois. L’ampleur de cette réhabilitation était ambitieuse car elle touchait 28 ahatas. Le projet a été complexe a réalisé car plusieurs problèmes ont été rencontrés tels que l’acquisition des terrains par les autorités, l’augmentation des coûts du projet, ou encore le désintérêt de la population malgré ce que l’on aurait pu imaginer. Lorsqu’on lit les enquêtes de21 terrain de J.CI Lavigne et de I.Milbert on constate que ces réhabilitations n’ont pas toujours été un succès car peu de titre de propriété ont été distribué, le raccordement aux réseaux d’assainissement défectueux, les travaux ont endommagé certaines maisons, par contre les centres communautaires à
l’initiative de l’UNICEF ont souvent été apprécié de la population. Ainsi, le résultat de ces opérations est mitigé. De plus, ces actions ont été le résultat d’exode des ahatas. En effet, avec ces réhabilitations, les habitations ont pris de la valeur, ainsi, les personnes y vivant pour une partie les ont revendues. Pourtant, la bonne réussite de ce plan, n’était pas de susciter des départs, mais plutôt d’y ancrer la population. Pour comprendre comment aujourd’hui les politiques de réhabilitation fonctionnent il me semble intéressant de regarder la situation de Mumbaï. La ville adopte un regard innovant sur les bidonvilles. D’une part, on remarque une remise en question constante des politiques face à l’émergence des habitats spontanés. Lorsqu’on s’intéresse à la chronologie de ces politiques, on remarque une accumulation d’expérimentations, pour trouver le meilleur moyen de faire face à ce phénomène urbain. La ville de Mumbai compte près de 13 millions d’habitants. La naissance des bidonvilles est principalement due à une politique d’usage des sols que l’on pourrait critiquer, aux prix des logements trop élevés, et à une forte densité démographique. On estime aujourd’hui que la moitié de la population vivrait dans ces villes spontanées. Depuis 1995, avec l’élection de Shiv Sena, la politique est restée la même. Shiv Sena a mis en place Le «Slum rehabilitation scheme» (SRS). Cette politique consiste à résorber les bidonvilles tout en offrant des
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Chronologie des politiques face aux bidonvilles à Mumbai
Schéma montrant le principe du SRS
Extrait: Pierre Noël Giraud & Paula Restreo, «La politique de réhabilitation de Mumbaï» Cerna Working paper series, janvier 2011
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-Informations trouvées dans: Pierre Noël Giraud & Paula Restreo, «La politique de réhabilitation de Mumbaï» Cerna Working paper series, janvier 2011
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-http://www. realitytoursandtravel. com/
solutions plutôt convaincantes. Les bidonvilles sont reconstruits in situ. Cela nécessite l’accord de 70% des signatures, qui en attendant la reconstruction, sont logés temporairement dans des camps de transit. Cette réhabilitation est financé par le secteur privé de fait d’une mise en place de «Droit de développement supplémentaires» Ces DDst leur permettent de construire plus de surface (in situ ou sur un autre terrain) et de revendre ces surfaces «bonus» sur le marché de l’immobilier. Les résultats de cette 22 méthode sont assez probants: -Construction de 100 000 logements -473 000 habitants bénéficiaires Mais il faudrait 184 ans pour résorber la totalité des bidonvilles. On reste comme en France dans une résorption des bidonvilles, mais à Mumbai elle semble moins néfaste pour les habitants, l’approche est plus douce. Le regard sur les bidonvilles à Mumbai n’est pas le même qu’en France. On peut donner un exemple pour le moins surprenant. L’agence de voyage Indienne « 23 Reality Tours and Travel » , propose des visites de bidonvilles (maximum 5 personnes avec interdiction de prendre des photographies) pour valoriser ces villes. L’opérateur propose de découvrir les métiers traditionnels au sein du bidonville, et cette communauté solidaire. 80% des bénéfices sont reversés aux associations. Ainsi, ce tourisme (qui nie toutes formes de voyeurisme) participe au développement des bidonvilles. Ces nouvelles formes de départ en vacances offrent ainsi une réalité. Les bidonvilles sont beaucoup moins isolés que dans notre pays. A Buenos Aires ils sont également moins renfermés sur eux-mêmes et font partie intégrante du paysage urbain de la ville.
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Carte empruntée au document: « Anteproyecto Urbano Barrio 31 Carlos Mugica », réalisé par IHEu, FADU, UBA. On remarque que le tissu de la villa miseria est dans sa majeure partie conservée, le lieu gardera alors une trace de son identité
Buenos Aires : deux étapes : de la résorption vers la consolidation
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-Conseil municipal de planification urbaine, Buenos Aires,1980
-Paul Rajoni, Architecte urbaniste, «Buenos Aires, 1976-1982, La Ségrégation compulsive», Revue Hérodote, 1983
Jusqu’à aujourd’hui il n’existe presque pas d’informations claires sur les bidonvilles de Buenos Aires, ni de politique vraiment fondée ou appliquée. J’ai alors méthodiquement repris dans un ordre chronologique les évènements liés aux bidonvilles pour m’établir une vision d’ensemble sur les réactions de l’Etat face à ce phénomène. Avec la croissance des bidonvilles dans les années 1940, le gouvernement de Perón (1645-1955) essaya de freiner la hausse des loyers par une loi de gel des prix de locations, hors, celle-ci, à l’inverse de son objectif, provoqua surtout des ventes et diminua l’offre de logements à louer. Par la suite, une des phases importantes a été la dictature. Elle a joué un rôle majeur et surtout négatif pour les « villas miserias » et « asentamientos ». A cette époque, pour répondre à l’accroissement démographique et le nombre de logements inhabitables, il aurait fallu construite plus de 152 000 logements. Pour le gouvernement du coup d’Etat de 1976, la présence de familles aux niveaux de vie précaires est inacceptable. On est face à une politique élitiste qui ne veut bien accepter dans la ville de Buenos Aires que les « riches ». A ce moment, il ne s’agissait pas seulement d’un problème de logements, mais surtout une mauvaise image pour la ville. Pour ce gouvernement, les bidonvilles étaient associés à un regroupement de mafias
et de criminels. Cette citation reflète la situation : « La municipalité, responsable de l’urbanisation et ornement de la ville, ne peut ni ne doit tolérer la prolifération des constructions précaires lesquelles pour être au contraire aux besoins minimaux- matériels et spirituels- de la vie humaine portent 24 atteintes à la santé de la population. » Le Gouvernement avait alors mis en place « un Plano de Erradicacion de Villas Emergencias » (Plan d’éradication des bidonvilles émergents). Les mots employés sont forts et violents tout autant que les gestes qui suivirent son application. Des pratiques d’harcèlements des populations ont alors été mises en route pour les pousser à quitter leur habitation. On passa d’une série d’interdictions à des convocations dans les bureaux. Le gouvernement pratiquait alors l’intimidation, les violences, les démolitions, les signatures de force ou encore les meurtres. L’Etat ne prévoyait en aucun cas des solutions de relogement. On remarquera avec ces actions une diminution impressionnante de la population vivant dans les villas miserias et asentamientos dans 25 l’agglomération de Buenos Aires : en mars 1976 on comptait 224 885 personnes, et en mars 1981 plus que 16 000. Les habitants ont alors migré en périphérie. Actuellement la ville de Buenos Aires, après la dictature a décidé d’adopter une politique libérale, on est alors plus face à un laisser faire. Néanmoins, il existe « el Programa Mejoramiento de Barrios » mis en place en 1997. Il est destiné à améliorer les conditions de
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Visuels empruntés au document: « Anteproyecto Urbano Barrio 31 Carlos Mugica », réalisé par IHEu, FADU, UBA. On peut critiquer les visuels pour leur rendu, où on ne saisit pas très bien les enjeux du projet, par contre on remarque que la villa 31 est bien prise en compte. Elle est présente et fait partie intégrante du projet.
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-www.promeba.org.ar/ proyectos.php
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-Toutes les informations sur le projet ont été trouvé dans: « Anteproyecto Urbano Barrio 31 Carlos Mugica », réalisé par IHEu, FADU, UBA
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-Discours de Javier Fernando Castro, architecte et directeur du projet de la villa 31, à La Radio «El Mundo»: «30% des logements doivent être démolis pour des besoins d’ouverture des rues et pour des raisons d’assainissement. Les 70% restants sont récupérables.»
vie et de permettre à ces populations l’accès aux services publics tels que l’eau, le gaz et l’électricité. Depuis, le programme a déjà fait profiter 132 26 457 familles. De plus, la permanence des installations fait que les municipalités mettent en place des processus formels de régularisation qui garantissent de manière définitive l’occupation des terres. Pour comprendre la politique actuelle, il m’est apparu intéressant de s’arrêter sur le projet mis conçu pour la Villa 31 et la Villa 31 bis situées dans l’agglomération de Buenos Aires au Nord Est. La population de ces villas misérias a plus que doublé en l’espace de 8 ans et on compte aujourd’hui parmi toutes les constructions, 72 bâtiments de 5 étages. Cette « Villas Miserias » regroupe 26 000 personnes. Les acteurs du projet « Anteproyecto Urbano Barrio 27 31 Carlos Mugica » sont : « el instituto de le Especialidad humana de la Facultad de Arquitectura, Diseno y Urbanismo de la Universidad de Buenos Aires », « el Departemento de Sociologia y Politica de la PUC de Buenos Aires ». Ils veulent unir et lier les Villa 31 et Villas 31 bis à l’ensemble de la ville.
option. Le projet a été approuvé le 3 décembre 2009. Une des données importante a été énoncé à la radio « El Mundo » par Javier Fernandez Castro : « 30 por ciento de las viviendas deben ser demolidas por la necessidad de abrir calles por razones de hacinamiento. El 70 por ciento restante es recuperable.28 » Ainsi, la conservation de la majorité des habitations est très représentative de la vision politique du pays. Les travaux ont commencé en 2010 et devraient se terminer en 2015. Ils concernent l’ouverture des rues contigües à l’autoroute, la récupération et la consolidation des logements, la construction d’une école et de services sanitaires mais surtout l’articulation de la ville formelle et informelle. Les enjeux du projet sont intéressants car ils tiennent à respecter l’histoire et la configuration préexistante. L’accessibilité à cette partie du territoire est largement mise en valeur, ainsi que l’enracinement maximale au sein de ce quartier. L’important pour eux est de changer l’image de cette partie de la ville, la cohésion sociale est une des notions forte du projet.
L’option de démolition et de relogement est impensable car les habitants ne voudraient pas quitter leurs habitations, et déplacer 26 000 personnes n’est pas envisageable. La régularisation de la « villas miserias » est la meilleure
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Croquis personnels, déductions d’après analyse
L’insertion des quartiers informels dans le tissu urbain
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-Belaadi Brahim & Debla Abdellaali, «Typologies des bidonvilles, analyse critique» Revue des Sciences Humaines, février 2004
-D’après l’ouvrage «Bidonvilles d’Algérie» de Robert Descloitre, trouvé dans Belaadi Brahim & Debla Abdellaali, «Typologies des bidonvilles, analyse critique» Revue des Sciences Humaines, février 2004
Cette première approche à travers trois situations différentes nous a permis de voir que les fragments de ville informelle comme nous l’avons vu précédemment adoptent des « astuces » d’utilisation des sols différentes et se développent de manières singulières. Nous pouvons alors tenter d’en déduire des « caractéristiques communes » en veillant à ne pas formaliser la spontanéité de ces villes. Il s’agira d’en dégager des points différents pour en révéler leur complexité et leur urbanité sans oublier que chaque bidonville est unique selon son contexte, car il varie, entre autre, en fonction des cultures, de la géographie, des guerres, du niveau de précarité, des désastres naturels, des matériaux à disposition et des ressources sur place. On peut s’appuyer sur certains chercheurs qui ont déjà tenté de « classifier » les bidonvilles. On rencontre alors de nombreuses différences dans leurs approches mais aussi beaucoup de subjectivité dans les critères choisis ce qui montre à quel point catégoriser les quartiers informels est difficile. Ils amènent chacun des nuances et des différences, il est tout de même je pense intéressant de prendre en compte ces différents travaux pour en faire une synthèse peut-être plus personnelle. Dans les différents travaux regardés à travers l’analyse critique de Belaadi 29 Brahim et Debla Abdellaali ont trouve les auteurs suivants : Robert Descloitre,
Milton Santos, Yves Lacoste, Bernard Granotier et Farouk Benatia. En mêlant leurs travaux ont peut retenir les critères importants à prendre en compte. Leurs études sont toutes complémentaires, et à mes yeux chacune ne s’auto-suffit pas. On peut regrouper les propos de ces chercheurs en trois catégories majeures : l’aspect formel, morphologique, mais aussi les caractéristiques sociologiques puis le caractère historique et originel. Pour l’aspect formel, la densité des quartiers et leur taille sont déterminantes dans les caractéristiques principales. Farouk Benatia parle par exemple de micro-bidonvilles dans le cas où il s’agit de 10 à 15 baraques établies par une même communauté. Les roms en France répondent à ce « critère ». Robert Descloitre, avec des fourchettes plus larges, a émit des catégories de bidonvilles de moins de 1000 personnes et de plus de 1000 personnes, ce qui est très arbitraire à mes yeux. Mais les sous-ensembles qu’il en a déduits sont intéressants. Pour les quartiers informels de moins de 1000 résidents, il parle de « bidonvilles 30 embryonnaires » qui sont de tailles conséquentes et qui ont la possibilité de s’agrandir. On trouve ces formes urbaines dans les périphéries de Buenos Aires par exemple où la Pampa donne une notion d’infinité. 31 Puis, il énonce les « bidonvilles îlot » fortement enfermés au sein du tissu urbain, ce qui est comparable aux ahatas indiens. Les fragments de plus de 1000 habitants sont pour lui les bidonvilles urbains qui sont très
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denses. Les baraquements sont confinés, à étages avec un système de ruelles comprenant des marchés informels et tout type de services. Cette « typologie » est comparable à la Villa 31. Et pour finir, les suburbains, où on y trouve des ensembles d’habitats placés de façon régulière mais avec un système de jardins cultivés plus libres. Ces hypothèses d’urbain et de suburbain sont également mises en évidence dans l’étude de Farouk Benatia et de Milton Santos qui lui révèle le caractère intérieur ou extérieur, donc une question de situation dans la ville. Le premier point important pour les habitants de ces quartiers, est de s’inscrire sur des terrains à proximité des lieux de travail. Ils réduisent alors leur temps de déplacement et augmentent leurs opportunités d’emploi. Souvent, il s’agit de zones industrielles. Milton Santos montre aussi que le plan à toute son importance : ordonné ou désordonné, c'est-à-dire-dire volontaire ou spontané.
Croquis personnel de la Torre David
D’un point de vue sociologique, les villes spontanées regroupent diverses particularités significatives. Milton Santos met en exergue l’importance des activités des résidents, urbaines ou agricoles, mais aussi le degré d’autogestion. Bernard Granotier, lui, inventorie les bidonvilles seulement d’après deux caractéristiques sociales : le « degré de participation populaire » rejoignant alors M.Santos sur l’autogestion. Dans cela, il oppose taudis et bidonville, en considérant le taudis
comme un élément qui se dégrade au fil du temps, et le bidonville en constante amélioration. Par la suite, « le degré d’institutionnalisation », c’est-à-dire l’amplitude du caractère d’organisation. Je pense qu’à cela on peut rajouter que la permanence des installations est un attribut majeur des bidonvilles. Elle marque leur ancrage dans la ville mais également leur intégration ou non. 32 33
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-Informations trouvées dans: Mike Davis, « Le pire des mondes possibles : de l’explosion urbaine au bidonville global », Paris : Ed. La Découverte/poche , 2006
-Informations trouvées dans: Torre David : informal vertical communities / UrbanThink Tank, chair of architecture and urban design ETH Zürich. ; . photographs by Iwan Baan, 2013, 415p Lausanne : Lars Müller ,
Ensuite, M.Santos stipule l’origine de leur formation comme un facteur notable. En effet, comme nous l’avons fait précédemment dans l’établissement des contextes urbains, comprendre les origines permet de saisir les quartiers informels encore présents. Sont-ils nés de précarités, de luttes, d’une déréglementation volontaire, d’immigrations ? Tous ces phénomènes permettent d’éclaircir le regard que l’on peut porter sur chacun de ces quartiers. Dans l’origine, il est nécessaire d’y comprendre, comme Yves Lacoste le dit, le contexte. Il désigne deux sous-ensembles : dans les pays sous-développés où nous sommes dans un phénomène de masse, puis dans les pays développés où c’est une manifestation plus « marginale ».
2013
Cependant, je pense qu’il est important dans ces caractéristiques de souligner le trait légal et illégal des bidonvilles, tous ne sont pas dans des situations illicites. Mike Davis a mis au point un tableau synthétisant ces aspects
licites et illicites. Ils choisissent également des terrains sans valeur foncière afin de limiter le risque d’expulsion. La dangerosité des sites est un des motifs primordiaux dans le choix. Ce qui qualifie ces zones informelles sont bien souvent les risques naturels, les conditions sanitaires, la menace d’une catastrophe. Ces fractales urbaines augmentent aussi les risques : « dangers x populations x fragilités 32 = risques » . Le bidonville de Karte Ariana, en Afghanistan est le bidonville où « l’espérance33 de vie y est l’une des plus faibles au monde » de part ces choix d’emplacement. De nouvelles formes de bidonvilisation apparaissent dans notre société moderne. La densité des villes et le manque d’espaces libres provoquent de nouvelles typologies : on assiste à la verticalisation des villes spontanées. L’exemple de la Torre David est très représentatif de ce phénomène. La 34 construction de la Torre David a débuté dans les années 1980 dans le quartier central des affaires. Seulement en janvier 1994, le Vénézuela a été victime d’une crise financière. Les banques qui finançaient l’édification de la tour ont été fermées. Ainsi, elle a fait partie des nombreuses tours abandonnées. Alors, plus de 750 familles se sont installées illégalement dans cette tour de 194 mètres et 45 étages. Ainsi, chacun de ces auteurs avaient synthétisé ce qui pouvait définir des typologies, mais il apparaît que tous ces points réunis pourraient former une approximation de catégories.
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Les impacts d’une
société rationnelle « The world’s mega city are in constant and dramatic state of flux. Buildings are demolished ; new ones are erected. Economy rise and fall.»
L’apparition des bidonvilles, comme nous l’avons vu précédemment est pour le plus souvent liée à l’industrialisation et le développement de nouvelles technologies car elles créent des formes de ségrégation. On peut aller plus loin en parlant d’une société rationnelle. Cette rationalisation a pour but d’ordonner les éléments de façon plus efficace en évinçant ce qui semblerait inutile. Le rationnel est fondé sur la raison, la logique, la science et la technique. Le domaine de l’économie en est un exemple. Le capitalisme a pris une grande place dans notre société et notamment en architecture et urbanisme. La ville et l’habitat ont été touchés par tous les facteurs liés à cette rationalisation. Il s’agit ici d’en comprendre les impacts autant à l’échelle de la ville que de l’habitat
Torre David : informal vertical communities / Urban-Think Tank, chair of architecture and urban design ETH Zürich. ; . - photographs by Iwan Baan, 2013, 415p Lausanne : Lars Müller , 2013
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Série de Cartes empruntées de la vidéo «Urbanisation de Buenos Aires» http://www.wat.tv/video/urbanisation-buenos-aires-1t9lh_2io8d_.html On peut observé qu’avec son système tramée, la ville s’étend à l’infinie. Rationalisation de l’espace au maximum.
Conséquences des processus d’urbanisation accélérés
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-Mike Davis, « Le pire des mondes possibles : de l’explosion urbaine au bidonville global », Paris : Ed. La Découverte/ poche , 2006
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Drummond, Didier, «Architectes des favelas» Paris : Dunod , 1981, 112p
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Bernardo Secchi, «La ville du XXIème siècle», Editions Recherches, 2009
La révolution industrielle du 19ème siècle a fait basculer la situation des villes. Elle a été synonyme de découvertes, d’engouements, de questionnements mais aussi de commerces et d’économie. C’est en partie cette révolution industrielle qui a changé la manière de voir la ville et l’habitat. Nous regarderons ces changements de la ville d’un point de vue critique pour prendre le recul nécessaire sur la société actuelle. Les villes contemporaines ont grandi à une vitesse fulgurante, si bien que nous sommes souvent face à des dispersions et des morcellements de la ville. L’évolution des moyens de transports, de plus en plus rapides et parcourant de grandes distances, ont été le facteur de possibilité de mobilités nouvelles, mais aussi d’étalement urbain. De plus, on trouve une croissance démographique élevée et d’autre part une croissance urbaine qui vient accélérer les déséquilibres au sein de nos villes. Les bidonvilles sont un exemple fort de ces déséquilibres. Le rapport de UN-HABITAT montre que dans certains pays en voie de développement, le taux d’urbanisation augmente à la même vitesse que celui de la formation de quartiers informels. On peut donner l’exemple de l’Amazonie qui a eu une urbanisation éclaire mais aussi la 38 naissance de 80% de quartiers informels au sein de celle-ci. L’émergence des favelas de Rio de Janeiro est également
une des conséquences des progrès des villes. En effet, pour se donner une idée de l’ampleur des impactes qu’à eu l’industrialisation, on peut donner des chiffres reflétant de l’exode 39 rural à Rio de Janeiro: -en 1940: 30% = population urbaine 70%= population rurale -en 1970: 30%= population rurale 70%=population urbaine On constate un retournement de la situation de la population du Brésil en l’espace de 30 ans. Comme nous l’avons vu dans nos précédentes études de Buenos Aires, Paris ou encore Kanpur, l’industrialisation a été la conséquence de migrations car vectrice d’emploi dans les villes où elle s’est développée. Pour ce qui est des conditions d’accueil du migrant elles étaient presque inexistantes car les villes n’étaient préparées à cette demande subite de logement. On remarque alors des contrastes : un désir de progrès rapides contré par une explosion de la précarité (surtout dans les pays sous-développés) mais aussi une « expansion et [une] dissolution 40 de la ville » . En effet, en Europe par exemple, les importants flux migratoires ont contribué à cette extension des villes, ainsi les autorités étaient face à de nouvelles demandes et de nouveaux besoins. Les villes européennes, par exemple, ont alors été submergées par la demande de logements, d’équipements et de services et n’étaient pas armées face aux pressions foncières de l’après guerre. Ces spéculations foncières ont pris de plus en plus d’ampleur au fil du temps. JeanLoup Gourdon dit de façon très juste que
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-Gourdon JeanLoup, «Eloge paradoxale du bidonville», Libération, 11 février 1994
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Pour une critique de la ville : la sociologie urbaine française 1950 - 1980 / Eric Le Breton.
Représentation très schématique d’une ville hiérarchisée
Interprétation d’une ville plus libre, possibilité d’une mixité des usages
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Bernardo Secchi, «La ville du XXIème siècle», Editions Recherches, 2009
« les modes actuels de production de la ville relèvent d’une grande concentration de capitaux, public, privés ou mixtes, mis en œuvre dans un temps très rapide et avec 40 une très grande sophistication technique ». On peut alors dire que la ville est devenue un produit de consommation. Mais dans ces villes démesurées où se trouve la place de l’individu ? Les métropoles, les mégalopoles par leur étalement effréné, négligent l’aspect collectif et individuel. L’esprit capitaliste a pris le dessus sur les pratiques sociales : « la valeur initiale de 41 la ville est la valeur d’usage » . Aujourd’hui on parle surtout d’intérêts et de stratégies : une marchandisation de la ville. Il est vrai que la ville est entièrement planifiée, zonée, hiérarchisée. On trouve a un endroit les zones commerciales, industrielles, portuaires, habitations, mais finalement peu de mélanges ce qui impacte sur les modes de vie. Toutes ces programmations de la ville régissent les pratiques urbaines, mais seulement quelques acteurs en décident, on peut dire que nous sommes dans un système de dominations, soumis à des décisions. Cette rationalisation de l’espace urbain amène à «une société structurée par la production économique 42 » . Radicalement, on pourrait penser que les villes sont conçues pour 43 « une société de haut niveau de confort » . Ainsi, on peut dire que les quartiers informels ne se laissent pas écraser par les pressions économiques et l’image « marketing » des villes. En effet, la réhabilitation et consolidation des bidonvilles de Darhavi
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Jacques Dreyfus Pour une critique de la ville : la sociologie urbaine française 1950 - 1980 / Eric Le Breton.
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-Colette Pétonnet, « Espaces habités : Ethnologie des banlieues », Paris : Galilée , 1982, Débats, 174p h t t p : / / id.erudit.org/ iderudit/006228ar compte rendu associé de Monique Cousineau
à Mumbaï et de Villa 31 à Buenos Aires sont l’expression d’une victoire face à la ville formelle.
yeux sur l’imprévu et la spontanéité qui sont les plus représentatifs des vrais besoins des individus.
La ville est uniformisée à travers son urbanisme. Mais on peut se demander si l’on répond réellement aux attentes de ses habitants ? Colette Pétonet énonce ce problème : les lieux tels que les espaces publics, squares sont-ils vraiment des espaces de rencontre comme la ville et ses acteurs les désignent ? On peut s’appuyer sur Jacques Dreyfus et 44 ouvrage « La ville disciplinaire » où il décortique les besoins que l’urbanisme associe de façon automatique à tous les habitants d’une ville. On trouve une indépendance entre les besoins les uns des autres. Une idée selon laquelle ces mêmes besoins seraient constants dans le temps (alors qu’ils semblent apparaître évolutifs). Puis une idée réductrice suivant laquelle, pour l’homme, les espaces devraient être nécessairement dissociés. On peut nuancer ce propos, mais dans sa globalité on comprend que l’urbanisme tente d’ordonner les envies de l’homme, ce qui est bien sur difficilement faisable. « Le désordre est un critère négatif 45 surtout en ce qui concerne les français » . D’où les pratiques de résorption de l’habitat spontané en France, ou encore l’édification de palissades lors de grands évènements comme au Nigeria en 1960, lié à l’arrivée d’une représentante de la Reine Elizabeth. Ainsi, la ville capitaliste ferme les
La ville standardisée et marchandée peut se lire dans l’exemple extrême et à l’opposé radical des bidonvilles, dans le modèle des quartiers fermés, gated communites (aux Etats-Unis) ou encore barrios cerrados (en Argentine). En effet, là on parle d’un enclavement de la ville et d’un processus de privatisation de celle-ci. La formation de ces enclaves est un marché foncier très enrichissant et en plein développement. Les promoteurs vendent la sécurité en mettant justement en avant l’insécurité qui est aussi une résultante de la société actuelle car les médias cultivent la peur. Les citadins ont alors le sentiment de devoir acheter leur tranquillité et ont, à travers ces villes closes, l’impression de tout contrôler et planifier. On est ici face à une standardisation et une uniformisation du marché immobilier où l’imprévu et la spontanéité n’y ont pas leur place. Ces typologies de fragments de villes valorisent l’homogénéité, autant architecturale que sociale. Les habitants de ces quartiers pensent alors que le fait d’y vivre les place dans une position d’ascension sociale, hors on pourrait dire qu’il ne s’agit que de stratégies et de profits. En allant vers un discours extrême, ce type d’urbanisation dévalorise l’aspect social de la ville. Ces quartiers clos sont pour ses résidents une démonstration idéalisée de la vie en communauté. Ces observations à l’échelle urbaine, peuvent aussi s’effectuer à l’échelle de l’habitat.
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Le logement & l’industrialisation
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Bernard Salignon, « Qu’est-ce qu’habiter ? », Editions de La Villette, Penser l’espace, 2010, 143p
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« A r c h i t e c t u r e industrialisée et préfabriquée» Sous la direction de Franz Graf & Yvan Delemonty
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-Paul Chemetov « Inachevé… Parce qu’inachevable », publié en 1982 suite à la Biennale de Venise de 1981 en 1982
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Industrialisation et construction par Christophe Gobin
Ci-contre croquis personnels évoquant la répétition, même les modèles de familles sont standardisés
Le logement dans notre société moderne constitue un aspect important du bien-être, de qualité de vie, et de développement social. L’habitat est au départ bien sur une solution à des besoins vitaux tels que se protéger. Toutefois, il n’est pas seulement un abri mais une partie de notre quotidien. Le logement est le reflet de soimême. Bernard Salignon met en évidence à travers la langue allemande deux positions face à l’habitat. En effet, les allemands utilisent deux termes : « Haus » qui exprime la présence matérielle et constructive de la maison et « Heim » qui marque « ce qui ne se voit pas, « l’intime » de la 46 maison ». Ainsi, on entretient alors deux rapports bien distincts face au logement. Il me semble intéressant de pouvoir penser que l’habitat devrait être une représentation de son occupant. Cependant, l’ère industrielle dont nous avons parlé précédemment a bouleversé à la fois la ville et le logement. L’industrialisation a au départ alimenté le regard utopique par rapport au logement et à la ville à travers des atouts d’universalité et de changement de la société. Les architectes se sont bien souvent appuyés sur l’utopie pour légitimer leurs attraits pour ces nouveaux modes constructifs qui ont aussi changé les modes d’habiter. La production en série a permis de réduire les coûts comme par exemple les unités d’habitation de Le Corbusier
qui ont engendré un gain d’espace et des équipements supplémentaires. « Les tentatives d’industrialisation ont profondément changé 47 la culture constructive et architecturale » . Elle a été un vecteur de renouveau et a permis l’évolution des modèles structurels. Néanmoins, cette pensée utopique est contrastée de nombreux échecs de l’industrialisation et notamment dans la préfabrication de l’habitat. Paul Chemetov affirme qu’il s’agit 48 d’une modernité « inachevée » car elle ne porte pas un regard qui englobe toutes les problématiques. Le mouvement moderne dans ses grands concepts revendiquait « 49 le logement pour tous » . Il est vrai que l’industrialisation a permis une production de masse pour répondre aux nouveaux besoins quantitatifs de logements. La « solution » a été de pré fabriquer les éléments constitutifs de l’habitat et de les assembler. On a alors presque une solution prédéfinie pour chaque habitat, on généralise alors les besoins. Ce mode de production en série est appelé « 50 industrialisation fermée » . Elle qualifie une production de masse, contrairement à l’ « industrialisation ouverte » plus légère, qui a pour but de dessiner des espaces qui puissent se moduler tout en ayant des éléments répétitifs et abordables économiquement. Cette industrialisation lourde a eu des conséquences sur les pratiques sociales du logement, l’uniformité et la répétition ont appauvri le concept de l’habitat. Les grands ensembles sont considérés comme un échec : « face au nouveau mode de production mis en place l’erreur spécifique de la plupart des architectes fut de ne pas comprendre qu’une
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Schéma emprunté au livre de John F.C Turner, montrant l’implication des acteurs dans chacun des étapes de la construction de logements. On voit alors que l’autoconstruction, donne à l’usager une place prépondérante.
Pour John F.C Turner, on a une division du processus de fabrication du logement en trois étapes: -La planification -Construction ou opération d’édification -Administration et maintenance de ce qui est construit Puis, trois ensembles d’acteurs correspondant respectivement à trois secteurs -Usagers: secteur populaire -Fournisseurs: secteur privé -Régulateurs: secteur gouvernemental
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-Paul Chemetov « Inachevé… Parce qu’inachevable », publié en 1982 suite à la Biennale de Venise de 1981 en 1982
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-Gourdon Jean-Loup, «Eloge paradoxale du bidonville», Libération, 11 février 1994
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Bernardo Secchi, «La ville du XXIème siècle», Editions Recherches, 2009
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-Yona Friedman, » L’architecture de survie : où s'invente aujourd'hui le monde de demain », Paris : Casterman , 1978, 171p
architecture ne découle pas directement 51 d’un mode production » . Jean Loup Gourdon note que les grands ensembles52 sont l’objet d’une « triple dépossession » . La première est celle de l’espace, où l’urbain ne donne plus la possibilité d’appropriation. La seconde celle de la dépossession de l’édifice car les coûts d’entretien sont élevés, comportant aussi une trop grande sophistication technique. La troisième dépossession est celle des habitants, qui sont des locataires ne pouvant pas modifier l’espace dans lequel ils vivent. Le surplus de technologies a étouffé la production architecturale, la rendant beaucoup moins libre. La modernité a accéléré et altéré les priorités aux profits de l’économie. Aujourd’hui, on peut parler d’une nostalgie postindustrielle où l’on aspire à un désir de détournement de l’industrialisation. Il serait intéressant de l’utiliser non pas pour une production sérielle mais plutôt pour la création de situations singulières et uniques. Hormis cet appauvrissement dans la conception, on retrouve des oppositions : une production de masse mais à contrario un accès au logement de plus en plus difficile car le prix l’offre immobilière est en constante augmentation. Le droit au logement n’est alors plus le même pour tous, le logement devient un « luxe ». On peut penser que « la machine urbaine, pour la
majeure partie de sa population, s’est révélée être un outil d’exclusion, de ségrégation et 53 d’appauvrissement de l’expérience ». Le dernier point critique que je pourrai noter est la place de l’habitant : quelqu’un 54 décide pour lui. L’ouvrage de Yona Friedman , que l’on pourrait remettre en question sur certaines de ses idées peut-être un peu trop irréalistes à mes yeux, évoque ces questions. Il met en relation l’architecte et l’habitant en définissant tout d’abord leurs rôles actuels : l’architecte est un concepteur, et l’habitant est l’utilisateur. De façon très juste, il observe que la satisfaction de l’habitant n’est pas toujours réelle. Parfois, l’habitant ne sait pas communiquer ses désirs, et l’architecte, en tant que bâtisseur, a théoriquement appris comment vivait l’habitant. Ainsi, il est laborieux de trouver, comme on pourrait le dire en langage courant « chaussure à son pied ». Des choix de conception de notre logement envisagés par d’autres personnes ne peuvent pas nous correspondre de manière globale. C’est sur tous ces points que les habitats spontanés sont en opposition, et respectent le mieux par le mode de l’auto-construction les désirs des habitants car ils pensent eux-mêmes leur logement. Outre ces notions critiques, on retrouve l’uniformisation des modes d’habiter par le biais des normes que l’on rencontre à la fois en tant qu’architecte mais aussi dans la position de pratiquant de la ville et de l’habitat.
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Uniformisation de l’espace urbain et de l’habitat « Toute norme n’est-elle pas antinomique par rapport à la valeur »
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-Conu 2005 cité par Chantal Iorio, «Normalisation de l’habitat», Habiter le temporaire, numéro 56, 2011
Par le biais des études d’architecture, on se rend compte que le projet urbain et architectural est envahi par de nombreuses normes, règlementations et contenances administratives et juridiques. Cette omniprésence de règles est justifiée par des aspects de sécurité et d’esthétisme. Hors, tous ces mécanismes règlementaires sont parfois des freins à la conception et au bien-être au sein des espaces que nous pratiquons. Les habitants ne savent pas réellement ce qu’ils ont le doit ou non de faire. Ils sont perdus au milieu de règles, qui parfois dans leur formulation littérale semblent abstraites. Elles ne sont pas accessibles à tous. Ces normes viennent compliquer l’appropriation des espaces. On peut définir les normes comme un « ensemble de règles de conduite socialement édictées et sanctionnées qui 55 s’imposent aux membres de la société ». Les normes sont établies pour proscrire, contraindre ou bien autoriser.
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Normes de protection, de sécurité, de construction
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Franco, Le Clela «Contre l’architecture», 2010
De nombreux documents sont écrits en vue de sécuriser nos espaces urbains. Ils sont de l’ordre du PLU (Plan local d’urbanisme), normes incendies, normes PMR (Personnes à mobilité réduites), règlements de copropriété, décret des normes d’un logement décent, le droit au logement, la lutte contre l’habitat insalubre etc.… Ces documents envahissent la ville et notre logement dans un but à la base positif et qui le reste selon les situations. Cependant, on se rend compte que certaines de ces normes appauvrissent nos espaces et qu’elles réduisent à la passivité. Ces mécanismes de sécurisation donnent à notre environnement la sensation d’être figé. L’habitat normatif limite la possibilité d’avoir différents modes de vie, le système métrique notamment est très présent et paralyse le logement. Le logement devient une « infrastructure 56 déshumanisante » . Les logements sociaux en France, par exemple, doivent être conçus selon certaines données métriques très précises. La taille des portes, des fenêtres, la hauteur des plans de travail, des poignées doivent être identiques partout. La salle de bain, le couloir d’entrée, la chambre,
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Film «Medianeras» de Gustavo Taretto, 2011
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Nicolas Soulier. «Reconquérir les rues : exemples à travers le monde et pistes d'actions « Paris : Ulmer , 2012, 285p
la cuisine sont régis par des normes PMR. Les normes standardisent fortement les modes de vie. D’autres règles, cette fois-ci urbaines, peuvent bafouer la qualité des habitats. Par exemple si l’on regarde sur d’autres continents, à Buenos Aires, les « 57 Medianeras » envahissent le paysage urbain et privent les logements de lumière et de ventilation. La règlementation oblige à ne pas ouvrir de fenêtre sur les murs mitoyens à une autre parcelle (même non construite ou bâtie avec un bâtiment de faible hauteur) pour éviter un point de vue sur le voisin. Hors, c’est une règle absurde car elle ne prend pas en compte le contexte et la plupart des logements en centre ville ne disposent que d’une unique ouverture. Alors, les habitants se retrouvent bien souvent dans une position d’illégalité en réalisant eux-mêmes un percement dans le mur mitoyen. Mais en général, la dérégulation de la ville à Buenos Aires est plus tolérée qu’en France. Ainsi, on voit que la notion de propriété privée est très ambiguë. Nous ne sommes pas totalement libres dans l’utilisation de notre bien. La propriété privée est le droit de posséder des biens, sans aller à l’encontre des lois et des règlements. Tout est contrôlé et vérifié par des systèmes de permis de construire et d’autorisations de travaux. Des contrôles plus indirects sont établis. Comme vu précédemment l’accès à la propriété est de plus en plus difficile,
le raccord aux réseaux publics permet aux autorités d’exercer une emprise. Cela limite les occupations informelles du sol. L’espace public est aussi rempli de codes réglementaires. « Nous n’avons pas de prise sur lui : il est pensé, prédéfini, entretenu et géré pour nous. Pour nous, et jamais par 58 nous. » Rien est laissé au hasard pour que nous ne puissions pas nous l’approprier. Toutes ces réglementations marquent un manque de confiance vis-à-vis des usagers de l’espace urbain. Les municipalités craignent des appropriations et des actes mal intentionnés, ils mettent alors en place toute une série d’objets et de codes. On 59 parle de « principe de tampon » . C’est une série de limites physiques comme la pelouse, les haies, glissières ou encore barrières. On contrôle les trajets des piétons, mais aussi des voitures. Des principes de passages dénivelés, de rond-point, de glissières de sécurité restreignent les voitures dans leur arrêt : « on annihile ainsi toute possibilité d’arrêt inopiné, impromptu, qui est pourtant 60 une des clefs de la vie urbaine ». On ne fait que traverser nos rues. En analysant ces multiples exemples (qui ne sont qu’une infime partie de règlements), on peut dire que la sécurisation et la prohibition de ce qui pourrait gêner autrui provoquent une perte d’identité de nos lieux et limite les usages que pourraient en faire les habitants. Mais pour ajouter à cela des normes d’ « esthétisme » et de « confort » sont presque arbitrairement engagées. Hors, comment peut-on les qualifier de justes ?
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Critères jugés d’ « esthétisme » et de « confort » Ci-contre, règlement de mon propre immeuble (situé au 2 boulevard Vincent gâche, 44 200 NANTES), qui illustre mon propos.
A travers la lecture de quelques règlements de copropriété ou encore de PLU, on se rend compte que l’image que la ville renvoie prend une place considérable dans ces textes. Tout ce qui est visible depuis l’espace urbain ne doit pas être modifié ou parasité. On ressent dans ces documents officiels un désir d’homogénéité et d’harmonie. On trouve une accumulation de critères. Cette critique des normes esthétiques, m’est apparue assez tôt sans savoir de quoi il s’agissait réellement car j’étais enfant. J’ai le souvenir d’une famille vivant à quelques pas de la mienne. Le mari avait construit un mur de clôture en parpaing et l’avait enduit sans que cela ne choque personne du voisinage, car cela était plutôt bien réalisé (bien sur cela est un avis personnel). Il n’avait pas demandé d’autorisation de travaux. Malheureusement, quelques jours plus tard, son mur avait été lâchement détruit par la municipalité à coup de petit bulldozer. La mairie aurait préféré un grillage avec une haie bien taillée, selon les règlementations du plan local d’urbanisme. Cela m’avait paru absurde. En étant étudiante et bien sur plus âgée je saisis mieux cette situation. Les matériaux sont imposés tout comme les couleurs en France par le plan local d’urbanisme. On ne choisit pas la couleur de l’enduit de sa maison, ou encore moins la teinte de ses volets. L’entretien extrême des espaces verts est révélateur que même
la nature doit être « parfaite » : pas de feuilles sur le sol, une pelouse bien tondue sans que mauvaises herbes et marguerites ne puissent s’y installer. Il en est parfois de même pour les maisons individuelles où les propriétaires ou locataires sont tenus d’entretenir leur jardin. Le critère est l’ordre. L’harmonie des façades des immeubles est un point important pour la ville. L’image des bâtiments depuis l’espace urbain est primordiale pour les autorités. Elles doivent paraître « propres ». Il n’est par exemple pas autorisé d’étendre son linge sur les rambardes extérieures de sa fenêtre. Les jardinières sont parfois également proscrites. Les règles d’esthétismes limitent les usages des habitants. Ci-contre, le règlement de mon propre immeuble rend compte de ces limitations. Toutes ces normes et réglementations peuvent nous amener à regarder de plus près les villes spontanées pour leurs qualités et leur liberté. La liberté est ce qui traduit une possibilité d’agir sans contrainte. Mais pour bien comprendre leur situation, et en quoi la précarité peut générer un génie constructif et des caractères d’auto-organisation, il est nécessaire d’avoir un regard objectif sur les conditions de vie.
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L’imprévu générateur d’urbanité
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Constat des conditions de vie au sein des bidonvilles Il est important de ne pas négliger les conditions de vie insalubres des bidonvilles mais aussi l’hypocrisie des états face à ces quartiers. Dans certaines situations, les Etats tirent profit de cette précarité. C’est l’idée que l’auteur Mike Davis met en avant. Pour ces notions, nous nous appuierons sur l’ouvrage « Le pire des mondes possibles ». Un livre que l’on peut qualifier d’objectif, qui nous montre, par des chiffres et faits, une réalité. Pour cette partie, je reviendrai sur le travail de bibliographie critique effectué en 2ème année, car les conditions de vie étaient centrales. Pour commencer, la densité est un point important des conditions de vie. Les méga bidonvilles sont la fusion des bidonvilles et des communautés de squatteurs, ils sont des formations de ceinture de pauvreté autour de la ville. Les questions primordiales pour les habitants est de savoir si ils peuvent aller facilement vers les sites de travail. De ce fait on a une concentration des pauvres dans les centres des villes, et les périphéries. Ainsi, Nous sommes face à un phénomène de densification : les immeubles sont surpeuplés, et les
squats s’étendent de plus en plus. Par exemple à Hong-Kong, on obtient la plus forte densité de peuplement en zone légale au monde, car la ville libère au maximum d’espace au sol pour leur gratte-ciel et nouveaux centre commerciaux: plus de 250 000 personnes vivent dans des extensions illégales. La densification amène les bidonvilles à se verticaliser car il y a une pénurie de terrains (à Rio, Bombay etc…) La pénurie de terrains se ressent aussi dans les sites que choisissent les futurs habitants. La dangerosité des sites est le facteur majeur dans le choix comme nous l’avons dit précédemment en définissant différentes « typologies ». Elle permet d’être protégé de la hausse du foncier et de trouver une place pour se loger mais cela à un prix. La définition du camp de squatteur : les risques naturels, les conditions sanitaires, la menace d’une catastrophe. Les bidonvilles sont des lieux où l’espérance de vie y est parfois plus faible qu’ailleurs. On peut énoncer plusieurs causes à ce type de situation. En premier on peut parler du manque d’eau potable, à Kibéra par exemple, les pauvres paient le litre d’eau 5 fois plus cher que les Américains. En effet, ce qui est rare dans des situations précaires prend une valeur bien supérieure. En second, les villes pauvres sont
des égouts bouchés géants, des décharges publiques dans lesquelles il n’y a pas de toilettes (ou alors payantes) Mike Davis dit de façon cru qu’habiter un bidonville c’est 61 « vivre dans la merde ». Tout cela amène à des épidémies, des maladies, la malnutrition etc…. Il est important de relevé que vivre dans un bidonville n’est pas gratuit. C’est une caractéristique que l’auteur met en avant dans tous les chapitres quasiment, il nous met alors face à une réalité 62 et à « la maladie de blancs » qu’il dit être la maladie de l’argent. L’auteur dénonce alors un désir d’argent de plus en plus intense, un avis totalement objectif car il s’appuie sur un tas de faits que nous allons voir dans le paragraphe qui suit. L’esprit capitaliste s’en ressent alors même au sein d’un quartier informel. Mike Davis souligne que les terrains gratuits seraient « 63 un secret magique » accordés aux pauvres. Mais ils ne sont jamais gratuits car les plus riches se les accaparent : gangsters, hommes politiques,
police etc…. Naissent alors les loyers informels. A Bombay, par exemple, l’Eglise catholique est le plus grand marchand de taudis de la ville. Les terrains, comme les maisons deviennent des biens de consommation : apparition de la concurrence et flambée du foncier. Car en effet, les marchés de l’immobilier on réinvestit dans les bidonvilles. On est alors face à une augmentation des loyers et à un appauvrissement des habitants. Loger les pauvres est « une affaire 64 qui fonctionne » comme dit dans le livre, et cette exploitation de la misère existe depuis des décennies. C’est l’investissement le plus sûr de tous car la pauvreté va en augmentant : une estimation nous dit que en 2020 la pauvreté totale sera de 45% de la population. Les habitants des bidonvilles sont alors instrumentaliser. Une exploitation que l’on ne retrouve pas que sur le marché de la terre. L’auteur démontre que cette exploitation des riches sur les pauvres s’étend sur tous les domaines. La modernisation des villes fait de ces habitants des « 65 obstacles humains » aux yeux des autorités, ce qui engendre des conflits. L’état escroque les pauvres en démolissant leur seul investissement et recherchent
l’éradication des bidonvilles. Parfois de façon criminelle par des incendies volontaires : « des démolitions chaudes », bien sur cela ne représente que certaine situation, il ne s’agit pas d’une généralité. Mike Davis nous fait sentir que dans les bidonvilles, on lutte contre de nombreux fléau, et principalement celui d’être exclu. En effet, les riches ne se soucient plus d’eux car ils emménagent dans des « villes prisons » où ils considèrent qu’ils sont loin de la rue, de la violence. Leur sécurité devient une obsession. Nous sommes aujourd’hui face à une militarisation de l’espace urbain dans certains contextes, comme à Buenos Aires par exemple, où les « barrios cerrados » sont en plein essor. Ce sont les quartiers fermés que nous évoquions précédemment. Les bidonvilles redoutent les grands évènements tels que des jeux olympiques (Pékin), où la politique de la peur les exclu et supprime les bidonvilles. L’auteur met habilement en parallèle la société de consommation et les bidonvilles, il montre à quel point tout s’oppose mais en même temps comment la société formelle tire profit de cette situation. A côté de ces exclusions, l’auteur montre l’exploitation. Il prend l’exemple pertinent de Nairobi, où en 1954, les Africains étaient considérés
comme des résidents temporaires, mais aussi des domestiques pour les fonctionnaires de l’administration. Au Japon, « vous étiez un moins que rien si 66 vous n’aviez pas de ricksaw privés », on avait alors des esclaves pour les classes supérieures. Les femmes et les enfants sont exploités dans tous pays du tiers-monde comme travailleurs. Le documentaire « Les enfants des rues de Mumbaï » montre les difficultés de ces jeunes enfants vivant dans un bidonville. Ils doivent travailler des journées entières, se priver d’éducation pour subvenir aux besoins de leur famille dès l’âge de 6 ans, malgré les dangers. Le livre décline une accumulation d’exemples dans le monde entier, qui sous-entendent que les « riches » acceptent et alimentent la pauvreté quand ils peuvent en tirer profit, ce qui n’est pas écrit mot pour mot dans le livre, mais dont on peut en avoir le ressentit. Mike Davis tente aussi de nous rappeler que dans les médias nous n’entendons que des chiffres, mais les conditions de vie sont souvent oubliées. 61 à 66
-Mike Davis, « Le pire des mondes possibles : de l’explosion urbaine au bidonville global », Paris : Ed. La Découverte/poche , 2006
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Accès au logement
Le logement est un marchande se loue, s’hérite. 67
bien qui s’achète
se ou
L’accès au logement est aujourd’hui,
http://www.terri- ce que je qualifierai d’une chance, toires.gouv.fr/ car il est difficile d’en obtenir un.
En effet, cela est du aux démarches complexes, critères de sélection et possibilités financières. Lorsque l’on se documente sur le site officiel67 du gouvernement français (le Ministère de l’Egalité du Territoire et du Logement) la navigation provoque beaucoup de questions. Ici, c’est la rubrique « Logement et Hébergement » que nous alors regarder de plus près. Plusieurs sous ensembles apparaissent comme « Accéder à un logement », « Etre locataire ou propriétaire », « Construire des logements », « Rénover et agir sur le logement » etc. … On voit alors apparaître sur ce site internet des notions qui donnent l’idée de « projet », à travers des verbes d’action : êtes, construire, rénover, agir, accéder…
Puis, l’on commence à rentrer dans la partie locataire et propriétaire, et tout de suite, on se sent un peu perdu au milieu de pages à choisir, entre « vos obligations », « votre fiscalité », « vous avez des difficultés pour payer votre logement », « copropriétés en difficulté ». Par le biais de ce site on se retrouve vite face à la réalité du logement en France, d’une part l’aspect financier, les lois, le manque d’autonomie etc. … 68
69 à 74
Bernard Salignon, « Qu’est-ce qu’habiter ? », Editions de La Villette, Penser l’espace, 2010, 143p
-Gourdon Jean-Loup, «Eloge paradoxale du bidonville», Libération, 11 février 1994
Bernard Salignon68 souligne ces difficultés à acquérir un logement, pour lui il s’agit aussi d’un manque de choix, les personnes se rabattent sur ce qu’il y a encore sur le « marché ». J’ai pu personnellement constater ces obstacles à l’obtention d’un appartement par exemple, en regardant de près le fonctionnement des agences immobilières et leurs critères de sélection. Elles se veulent sécurisantes pour les propriétaires bailleurs et pour ellesmêmes. Elles se renseignent sur les revenus des futurs locataires, des cautionnaires, mais aussi des situations familiales (divorces, mariages…). De plus, certaines de ces enseignes réclament un regard sur des documents auxquels elles ne devraient pas avoir accès, et qui ne sont en aucun cas des critères d’accès au logement (bien sur cela ne concerne que certaines agences, il ne faut pas en faire une généralité). On peut aussi parler de l’autre moyen
d’accéder au logement en reprenant le slogan : « Devenez propriétaire » que l’on entend à plusieurs reprises dans les publicités. Devenir propriétaire implique la demande de crédit, qui encore une fois est accessible sur critères de revenus, mais aussi votre état de santé par exemple et sur des temps longs : 15, 20, 25 ou encore 30 ans. On s’engage alors sur plusieurs années à rembourser de l’argent que l’on ne possède pas encore pour détenir un bout de terre et un logement. Posséder légalement son logement prend une consonance temporelle très importante. Elle est rythmée de façon régulière par mensualité, nous n’avons pas de liberté et ne pouvons pas faire en fonction du budget que nous détenons sur le moment même. C’est une des idées que Jean-Loup Gourdon met en évidence dans son « 69 Eloge paradoxale du bidonville » . 70
En reprenant l’exemple des « quartiers libres » et son contre-exemple des grands ensembles, l’auteur met en avant l’établissement d’un 71 « itinéraire résidentiel » ou chacun trouve son rythme. Pour cela il parle de la « petite 72 appropriation » . Pour Jean-Loup Gourdon, les bidonvilles sont un moyen simple d’établir un patrimoine de départ. Il s’agirait alors d’user du temps, des compétences de chacun, des amis et de sa famille pour aboutir à l’accès à un logement. « Il s’agirait alors d’associer l’intelligemment la modernité, l’économie et la solidarité aux processus73 de formation et d’appropriation de l’habitat ». Ainsi, par le biais de cette « petite 74 appropriation » on parviendrait mieux à anticiper l’augmentation des coûts d’entretien mais aussi l’immigration.
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Extrait du livre de Drummond, Didier, «Architectes des favelas» Paris : Dunod , 1981, 112p Montre les étapes de densification de la Rocinha à Rio de Janeiro, on peut voir que le bidonville s’auto-organise spontanément, les baraques suivent les lignes de la topographie, et laisse libre passage aus voies et circulation
Naissance d’un urbanisme collectif
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76
-Colette Pétonnet, « Espaces habités : Ethnologie des banlieues », Paris : Galilée , 1982, Débats, 174p http://id.erudit.org/ iderudit/006228ar compte rendu associé de Monique Cousineau
Documentaire « les bidonvilles qui valent de l’or », France 24, 07/06/2012 trouvé sur http://www.france24.com/ fr/20120607-a-bombaydes-bidonvilles-quivalent-de-lor
« Signes d’une activité humaine organisée » 75 Les quartiers informels, peu importe leur forme, sont un exemple d’organisation interne et d’une communauté. Ils sont une forme urbaine qui montre que la nécessité de règles, de normes, de standardisation, d’homogénéité ne sont pas obligatoires pour obtenir un bout de ville stable. Les habitants construisent au fil du temps leurs propres règles de vie, sociales et spatiales. Dans ces villes spontanées, on peut ressentir une grande autonomie et une auto-organisation interne. Si l’on regarde de plus près la Torre David -en se basant sur les observations du livre « Torre David » -qui est une véritable ville verticale et informelle, on trouve au sein de celle-ci un enjeu collectif : construire et améliorer le cadre de vie. Deux ans après leur installation, les occupants de cette tour inachevée, ont mis en place une coopérative : « Casiques de Venezuela ». Malgré l’informalité, cette coopérative a officiellement été enregistrée par le « Servicio Autonomo de Registros y Notarias » en 2009. On passe alors de la dérégulation à la régulation. L’organisation a été progressive. Au fur et à mesure, ils ont construits une Eglise, produit un système d’élimination des déchets, de stockage et distribution de l’eau et de l’électricité. On trouve également un groupe de surveillance
de la tour pour assurer la protection et la sécurité. Des évènements et activités communes sont également proposés. Chacun met ses compétences au profit des autres. On y trouve des commerces qui permettent aux habitants de trouver à proximité ce dont ils ont le plus besoins. Il y a également un coiffeur. Ce partage des compétences est fortement mis en valeur dans le film « Les routes perdues ». Les hommes se rasent entre eux et se coupent les cheveux. En effet, la solidarité est une caractéristique forte des bidonvilles. Parfois, ces activités provoquent l’émergence d’une forme d’économie. L’économie informelle y est alors très importante. Cette forme d’économie se retrouve notamment dans le bidonville de Darahvi à Mumbaï. En effet, elle prend tellement d’ampleur que les habitants entreprennent des collaborations avec le gouvernement et les promoteurs, cela fait aussi parti des liens qui s’établissent entre ville formelle et informelle. Ces activités informelles représentent à Mumbaï, près de 500 millions de dollars par an 76 . Pour que cela fonctionne, on trouve au sein de cette tour, une certaine hiérarchie, où chacun tient son rôle. Tout le monde trouve une place. Pour donner un exemple, Gladys semble être une femme importante. Il s’agit de la secrétaire de la coopérative, vivant au 15ème étage de la tour. Hormis, son travail de secrétaire, elle joue parfois le rôle de médiatrice entre les habitants en cas de conflit. Elle apparaît comme indispensable dans ce quartier vertical selon les propos
65
trouvés dans l’ouvrage « Torre David ». Pour une bonne entente entre les résidents, mais aussi une sécurité, la coopérative a établit des règles de sécurité. Le « leadership » de la communauté limite, par exemple, l’accès aux étages supérieurs au 29ème pour protéger ses habitants. Il existe bien d’autres règles, et il a été décidé qu’au-delà de trois infractions commises, les résidents sont priés de quitter la Torre David. On observe alors une vraie autorégulation. On a ici, une vraie communauté donnant ses propres règles, avec des procédures et sa propre administration.
77
F i l m « E l e l e f a n t e blanco», de Pablo Trapero, 2012
L’esprit de groupe se retrouve aussi dans la religion. L’installation de l’Eglise dans la tour en est symbolique. La Rocinha à Rio de Janeiro comprend également une église. Elle accueille environ cent à deux cent personne tous les dimanches. Mais cela se voit également à travers le film « 77 El elefante blanco » , assez tragique, montre que la religion prend une grande portée dans ces contextes urbains. Les personnages des prêtres ont les rôles principaux. Ils sont présents pour aider la population dans le « bidonville
de la Vierge ». La dénomination de ce bidonville lui donne une identité religieuse. Les prêtres, amis depuis longtemps, se servent des relations qu’ils entretiennent avec les politiques pour soutenir la population. Ainsi, par le biais de ce film, on comprend l’importance des acteurs de la religion au cœur de ces quartiers. La religion devient un des points d’attache avec l’extérieur du quartier et elle vient apporter un équilibre.
77 78
-Colette Pétonnet, « Espaces habités : Ethnologie des banlieues », Paris : Galilée , 1982, Débats, 174p http://id.erudit.org/ iderudit/006228ar compte rendu associé de Monique Cousineau
Pour poursuivre, il est nécessaire de souligner l’organisation sociospatiale. « La vie de relation est indissociable de l’espace, les gens en ont conscience et ils l’expriment.77 » Cette idée est mise en avant par Colette Pétonnet d’après ses observations à l’intérieur des bidonvilles le « Moulin Brûlé », « La voie Rude » et le « Four à chaux ». Elle note que dans ces trois quartiers informels, l’organisation se fait par rapport aux ethnies, aux relations familiales et amicales. On peut alors dire que les bidonvilles ont leurs propres codes et langages dans leur manière de se constituer. C’est ces principes sociaux et spatiaux qui viennent donner aux bidonvilles leur équilibre. Colette Pétonnet a pu, lors de ces enquêtes, comprendre que ces systèmes mis en place par les habitants, ont pour but de permettre de se protéger. Ainsi, ils s’entourent des membres de leur famille, ou de même ethnie. Les terrains libres ne sont pas réservés
à n’importe qui : la personne qui quitte sa parcelle choisit le futur habitant, afin d’assurer une sécurité aux habitants encore présents. On voit alors apparaître des sous ensembles. Colette Pétonnet souligne que ces organisations ethniques ne participent pas d’une ségrégation mais d’une « reconnaissance ethnique ». Cette organisation au sol permet d’éviter les conflits et de créer la rencontre. Elle cite l’exemple de cette famille gitane, ce passage m’a semblé intéressant à retranscrire : « Le 106 abrite une famille gitane sans lien de parenté avec quiconque ; mais il est accolé au 105 originaire de son village et frère du 83. Il y a donc un trajet préférentiel entre ces trois maisons. Par ailleurs, les gitans ne sont pas très bien acceptés des autres. Leur position au bout du terrain le confirme et en même temps y remédie. Plusieurs fois par jour, chaque fois qu’ils vont chercher de l’eau ou vaquer à leurs affaires, les gitans effectuent la totalité du parcours en passant devant chaque maison. Et peu à peu, tout le quartier s’est habitué à leur 78 présence. » Cet exemple est très significatif de cette structuration de l’espace. Elle met en évidence ce rythme socio-spatial, et montre une lisibilité sociale à travers ce mode de production de la ville. Il ne faut également pas négliger la place du temps. L’arrivée et les départs modifient constamment l’équilibre du bidonville, ils le font évolués, et sont caractéristiques d’un type de mobilité.
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-Photographies empruntées à: Torre David : informal vertical communities / Urban-Think Tank, chair of architecture and urban design ETH Zürich. ; . photographs by Iwan Baan, 2013, 415p Lausanne : Lars Müller , 2013
Formation spontané d’espaces publics
-Photographie empruntée à: Torre David : informal vertical communities / Urban-Think Tank, chair of architecture and urban design ETH Zürich. ; . - photographs by Iwan Baan, 2013, 415p Lausanne : Lars Müller , 2013
A partir de ces acteurs informels de l’urbanisme, il est intéressant de voir que l’informalité de ces appropriations génère des points de rencontre, des espaces publics. L’espace public peut se définir comme étant un espace urbain de rencontre et de passage, à l’usage collectif. En reprenant l’exemple de la Torre David on peut observer une grande appropriation des lieux et des espaces qui n’étaient à la base pas conçu pour ces nouveaux usages. Le sport est un moyen de regroupement et de divertissement. Les résidents de l’édifice ont alors décidé d’y inclure un terrain de basket. Ils ont repris la structure existante pour créer cet espace. Le terrain est situé entre la structure du parking et la tour. Cet interstice prend une place importante dans les usages. Les deux paniers de basket qu’ils ont fixés sur la structure du bâtiment, prennent alors toute leur importance. Ce lieu est rythmé et habité. Les limites de cet espace sont définies par des fresques. Il est un espace d’expression, il est scénographié de façon spontanée. Dans cette tour conçue de façon standardisée, on y reconnait les lieux les plus banals tels que les escaliers, que l’on peut avoir dans son immeuble, ou bien souvent, on ne croise personne. Dans la Torre David, ces espaces
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Espace libre de La Villa de Retiro, Buenos Aires, Argentina http://www.pelada-movie.com/
de circulation, ne sont pas de simples lieux de desserte, ils deviennent des endroits où l’on s’arrête, s’assoit et discute avec ses voisins. On est face à de véritables espaces d’échanges et de rencontre. Les couloirs apparaissent également comme des lieux de confluence. On peut les qualifier d’espace public à part entière.
79
-«Les routes perdues», Mai 2008, Aude Léa Rapin et Adrien Selbert, 40min, Svaski Dan film
80
www.e-publicspace.net article « L’espace public dans le bidonville ou « espace public autre » : Buenos Aires,Villas »
De plus, la structure n’ayant été que partiellement fermée par des façades, certains espaces sont à l’air libre. Les mères ont alors organisé des lieux de regroupement, ayant l’aspect de balcon. On y voit des objets rapportés tels que des chaises et des canapés. Ils viennent participés des usages tels un mobilier urbain. Les enfants jouent sur ce balcon, pendant que les mères discutent et les surveillent. Il est possible de rapprocher ce lieu d’un parc de jeux que l’on rencontre dans l’espace public, où les mères s’assoient sur un banc attendant que leurs enfants s’amusent. On retrouve alors une scène du quotidien de la ville formelle, dans un lieu approprié d’une autre manière. Cet espace de balcon, me rappelle également la terrasse du 1A de l’Ecole Supérieure d’Architecture de Nantes. Elle a été conçu vide. Aujourd’hui elle est réinvestit par du mobilier créé par les étudiants, mais aussi des canapés de récupération depuis mai 2013. L’exploitation du lieu par ces objets divers et variés, amènent une réappropriation par les étudiants, on
y croise bien plus de monde, et on y passe bien plus de temps. Ces situations sont un bon exemple car les objets reprennent leur vraie valeur d’usage. Pierre Frey souligne que les objets ont perdu leur valeur depuis l’industrialisation : la notion d’usage n’est plus le sens premier, aujourd’hui il faut que l’objet est une valeur autre. Dans un bidonville horizontal, les ruelles, impasses et espaces libres sont appropriés par les habitants. Colette Pétonnet montre par le discours des résidents des bidonvilles, que les habitants des bidonvilles relogés regrettent leur bidonville pour l’aspect collectif. L’été était très apprécié car possibilité de tous se retrouver. Dans le film 79 les « Routes perdues », l’espace extérieur devient un lieu de fête, de musique, de repas partagé. Pour aller plus loin dans la notion d’espace public, la Villa de Retiro à Buenos Aires semble un exemple significatif. Dans ce quartier informel, une grande place a été formée par l’emplacement des constructions. Les résidents prennent soin collectivement de cette zone de la « villa ». C’est « une 80 hétérotopie de l’espace public » . Il est le support de nombreux usages : installation de restaurants, marchés, sport, garderie d’enfants etc.… Ce qui rajoute à son identité est son rapport avec les édifices qui l’entourent. Le rez-chaussée des bâtiments de trois à quatre étages comportent des ateliers de réalisation à partir de récupération. Cette caractéristique rappelle certaines places publiques et rues où les rez-dechaussée sont commerciaux.
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Dessin personnel montrant évoquant les bidonvilles de Hong Kong: greffe sur immeuble déjà existants, matérieux de récupération, variétés des textures et des formes etc...
Extrait de l’enquête de terrain de: -Colette Pétonnet, « Espaces habités : Ethnologie des banlieues », Paris : Galilée , 1982, Débats, 174p Elle montre par ce plan, l’évolution et l’amélioration de cette habitat. On y voit plusieurs générations d’une même famille habitant dans cette maison. Chacun à préservé son intimité.
Génie constructif
81
82
Drummond, Didier, «Architectes des favelas» Paris : Dunod , 1981, 112p
Phrase de Ludwig Mies Van Der Rohe, citée par Torre David : informal vertical communities / Urban-Think Tank, chair of architecture and urban design ETH Zürich. ; . - photographs by Iwan Baan, 2013, 415p Lausanne : Lars Müller , 2013
La problématique du livre de John F.C Turner est de se demander si les constructions doivent être obligatoirement bâties par des organisations supérieures. Il décrète qu’il ne faut pas opposer secteur public et auto-construction. En regardant les propriétés des abris et baraques construits par les habitants des bidonvilles, malgré les conditions de vie, on peut y voir de nombreuses qualités et y lire les « réflexes de bâtisseurs » 81 . « Less is more », en suivant l’idée du livre « Torre David », le « moins » est une réalité pour de plus en plus de personnes. Faire du recyclage est l’un des premiers choix de l’autonomie, mais aussi une des manières de construire astucieusement. C’est un choix qui est avant tout économique, mais il me semble qu’il est aussi écologique. Les quartiers informels sont une référence en matière de récupération de matériaux et d’objets. La Torre David est un bon exemple d’ingéniosité constructive. Les habitants sont venus reprendre entièrement la structure de base pour s’accrocher dessus. On se réapproprie alors une structure délaissée, et on profite de cela comme un support et un médium de construction. Les habitants ont cumulé des constructions à la fois collectives et individuelles. L’architecture des lieux, est décrite par l’auteur comme « éclectique ». On
peut lire à travers elle une grande variété, dépendant à la fois des capacités de chacun mais aussi des différentes ressources. Le matériau principal des greffes est la brique, utilisée pour construire les maisons dans les quartiers. On voit à l’intérieur de celleci l’importance du degré privé/ public. Les résidents démarquent les espaces privés, les limites sont lisibles. Par exemple, l’utilisation des la peintures au sol fait partie de ces démarquages. Dans cette tour, on trouve une diversité considérable de fabrication de l’espace. Les espaces bougent continuellement afin de s’adapter aux besoins changeant des habitants. Ce désir d’espace évolutif est le reflet de notre société constamment en mouvement et en désir de progrès. La reprise de la structure existante d’un bâtiment n’est pas un cas isolé. A Hong-Kong cela se manifeste avec un procédé différent. La densité de cette ville s’élève à 5 179 hab/km, on peut la comparé à celle de la ville de Paris étant de 990 hab/km² pour se donner un ordre d’idée. Hong-Kong est alors environ cinq fois plus peuplée que Paris. Les espaces au sol disponibles sont alors presque inexistants. Les installations informelles se forment alors sur les toits des immeubles. Certaines personnes vivent sur les toits depuis 20 ou 30 ans. L’extension à la verticale est une preuve d’ingéniosité car difficile à réaliser. Par la suite, l’étude de Didier Drummond sur la favela de la Rocinha à Rio de Janeiro, m’a permis de mieux saisir les modes de vie
73
Extraits du livre de Drummond, Didier, «Architectes des favelas» Paris : Dunod , 1981, 112p Représentation en plan de baraques et abris, démonstration des détails techniques, on comprend alors la place prépondérante de la construction. Elle déocule des capacités, des ressources et des modes de vie de chacun.
83 84
Drummond, Didier, «Architectes des favelas» Paris : Dunod , 1981, 112p
de ces résidents. La Rocinha prend ses racines en 1927 sur un terrain sans valeur au flanc de la montagne. Son implantation s’est faite au fur et à mesure des années, et est de plus en plus définitive. La caractéristique principale de cette favela est son implantation sur une pente. Dans sa recherche par le biais d’enquêtes de terrains, associées à des annotations et croquis, il révèle les évolutions progressives de ces habitats. Pour lui il existe deux grandes catégories d’habitat : « l’abri » et la « baraque ». D’après ses observations, on passe de l’un à l’autre dans un temps long. Cette progression est marquée par plusieurs modifications : -l’extension ou la division de la pièce unique en différents espaces -la solidification ou le remplacement des éléments fragiles En ce qui concerne l’abri, première construction du nouvel arrivant, il est souvent composé d’une unique pièce polyvalente, puis d’un espace de travail extérieur. Pour les favelados, l’espace extérieur devient plus fondamental que l’espace intérieur. Ils ont alors des usages complètement différents de ceux que l’on peut connaitre dans nos logements aujourd’hui. Certain abris sont parfois divisés en deux pièces intérieures par une cloison, espace sec et espace humide. Didier Drummond annote un détail : les cloisons intérieures sont soit tapissées, soit recouvertes
de papiers journaux. Cela isole du vent mais apporte aussi une finition à l’intérieur, signe d’un désir d’embellissement de son « chez-soi ». Il a observé également que certains habitants avaient la volonté d’identifier visuellement l’entrée de leur abri (par exemple un entourage de la porte en chaux). Avec ces deux exemples « nous voyons comment de manière peut inconsciente le favelado traduit des soucis d’ordres 83 architecturaux ». Le modèle de ces abris était d’ordre rural. L’amélioration et la transformation en baraque elle, prend de 84 plus en plus des « références urbaines » . La transformation de l’abri en baraque passe par plusieurs étapes. Didier Drummond illustre ceci par plusieurs exemples types. L’espace de travail, situé à la base devant la façade d’entrée, est replacé derrière afin de redonner un vrai caractère d’entrée à la première façade. Progressivement cet espace de travail extérieur devient intérieur. Ainsi, on fait place à une pièce en plus. Les usages se modifient progressivement. La cuisine, qui était un espace polyvalent, retrouve sa fonction unique de cuisine. Progressivement, apparaissent des divisions plus nettes de la zone sèche et humide, de la zone nuit et jour, de la cuisine et de la salle d’eau. Les baraques se rapprochent des modes de vie urbains tout en conservant leurs modes de fabrication propres.
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Raccordement à l’électricité
Croquis d’analyse
Toutes les couvertures sont en plaque de tôle
Utilisitation de différents matériaux, dont ici la brique. On peut encore lire l’appareillage, sûrement une extension Ajout d’un auvent en tôle, avec poutrelles en bois, agrandissement de l’espace, protection contre la pluie Inscriptions indiquant la présence de l’Eglise, marquant aussi l’identité du lieu
Possible espace de stockage des matériaux Muret de délimitation de la zone
On devine un Panneau de Signalétique Fenêtre recouverte d’un grillage de protection
Porte d’entrée principale ou secondaire
Ouverture avec un encadrement appuyé
Il m’a semblé intéressant, par le biais de photographies, n’ayant pas fait de terrain d’enquête, de reprendre en croquis des extraits de bidonvilles, afin d’en retirer des principes constructifs qui sont créés pour des usages et besoins apparus au fil du temps. Par exemple, ci-contre, on peut voir, à travers des déductions, la réalisation d’un étage supplémentaire apparu après grâce aux différentes avancées des traitements de façades. Mais aussi des protections contre la pluie au dessus des fenêtres et de la porte. Le auvent donne le sentiment d’une extension de l’espace extérieur voué à cette construction: un Eglise, sûrement une protection contre la pluie et le soleil pour les fidèles.
Socle en béton pour assurer une stabilité à l’auvent
http://www.lacedille. com.ar/ Une lueur de compassion au cœur des bidonvilles, article publié le 03/08/2011 « Villa Jardín » est Située à Buenos Aires, à proximité du fleuve du Riachuelo
Util de t coup et d
Récupé d’une en pla (étanc
Drapeau (peut-être un signal) Collage d’un morceau de tapisserie Surélévation comme une tour de guet, peut-être un point de surveillance
Collage d’un morceau de tapisserie
Petit auvent
Étendre son linge
lisation tissu pour per du vent de l’eau
Sorte de petite table, espace extérieur toujours très important
ération bâche astique chéité)
Photographie de Peter Bialobrzeski, travail «Case Study Homes», http://www.bialobrzeski.de/
Surélévation sur pilotis pour se protéger des innondations
Fabrication d’un porte d’entrée par l’assemble de plusieurs morceaux de bois
Escalier une marche, pour accéder à la baraque
Par sont travail de photographie, il met en évidence le «patchwork», c’est-à-dire l’assemble des matériaux récupérés. En dedessinant cet abris, on se rend compte de tous les détails mis en oeuvre. Cet abris apparaît désordonné, hors tout est pensé, à la fois pour habiter, se protéger, la stabilité, l’étanchéité, avec le peu de resource trouvées.
77
Redéfinition de l’architecture vernaculaire
85
Ivan Illich, « le genre vernaculaire » in Œuvres completes, vol.2 Fayard, paris 2005
86
-Bernard Rudofsky, « A r c h i t e c t u r e without architects: a short introdution to Non-pedigreed Architecture»,1964
87
Préface de Patrick Bouchain, Pierre Frey, «Learning from vernacular, pour une architecture vernaculaire», Actes Sud, 2010, 176p
88
Pierre Frey, «Learning from vernacular, pour une architecture vernaculaire», Actes Sud, 2010, 176p
89
Préface de Patrick Bouchain, Pierre Frey, «Learning from vernacular, pour une architecture vernaculaire», Actes Sud, 2010, 176p
Il semble juste de penser que les bidonvilles s’apparenteraient à une architecture vernaculaire, ils en regroupent certaines des caractéristiques. Afin de mieux comprendre ces termes, nous allons définir ce qui signifie « vernaculaire ». Pour appréhender cette notion, je me baserai principalement sur les idées de Paul Rudolfsky, avec son exposition et texte « Architecture without architects » et Pierre Frey et son ouvrage « Learning From Vernacular ».
L’architecture qu’il met en avant dans cette exposition est une architecture vernaculaire. Ce mot venant du latin « verna » étant un esclave né dans la maison, et « vernaculus » une déclinaison latine signifiant comme l’a dit Ivan Illich « Etait vernaculaire tout ce qui était confectionné, tissé, élevé à la maison et destiné non à la vente mais 85 à l’usage domestique » . Il s’agit là de la définition classique. L’architecture vernaculaire prend forme sur place et est réellement définit par son contexte.
De plus en plus d’architectes s’intéressent à cette architecture vernaculaire. Paul Rudolfsky souligne que l’histoire de l’architecture n’est prise en compte qu’à partir de ses derniers échelons. Cette histoire de l’architecture ne concerne que certains favoris. Il explique cette négligence des premiers stades par le manque de monuments. Les historiens présentent en général, une architecture très formelle. L’histoire de l’architecture est rarement introduite d’un point de vue social, on a peu de rapport aux usages. Paul Rudolfsky rappelle à juste titre que les animaux étaient déjà des constructeurs avant nous. Avec son exposition, il tente alors d’apporter une connaissance sur ces architectures vernaculaires, en émettant l’idée qu’elles puissent apporter une nouvelle manière de construire. Il suggère par cette manifestation de se libérer d’une architecture trop commerciale.
Il y a peu de temps que les architectes s’intéressent à celle-ci. Paul Rudolsky souligne que c’est un type si peu connu, qu’il n’y avait pas de nom pour la qualifier. Il n’a pas souhaité y appliqué un terme générique, mais il énonce plusieurs possibilités d’appellations : « vernacular,86 anonymous, spontaneous, indigenous, rural » . Il rappelle que la qualité de ces architectures a longtemps été considérée comme accidentelle, et pour lui, nous devrions plutôt la voir comme l’application du génie. Il me semble que cela en est de même pour les quartiers informels. Ils sont souvent dénigrés par méconnaissance, hors ils sont une application possible de ce que pourrait être l’architecture. Paul Rudolfsky cite Pietro Belluschi, un architecte américain faisant partie du mouvement moderne, pour sa position juste sur laquelle l’architecture n’est pas l’œuvre seulement d’intellectuels et d’architectes, mais le résultat d’une production plus spontanée de toute une communauté, se forgeant son propre patrimoine. Cela recoupe toute l’analyse
sur les bidonvilles, qui en sont la manifestation. Pour Patrick Bouchain, l’architecture vernaculaire serait une manière de « surmonter la crise sociale, 87 environnementale et culturelle ». Il soulève tout comme Paul Rudolfsky, un oubli du savoir et de l’origine des formes et de la construction. Les méthodes de constructions traditionnelles sont souvent jugées hors-jeu car nécessitant trop de mains d’œuvre et de temps. Ils sont vus comme ne pouvant pas satisfaire autant de besoins que la production industrielle. Pierre Frey souligne que revenir à l’architecture vernaculaire, c’est redonner à la discipline de l’architecture son honnêteté. Il parle alors d’une «88 nouvelle architecture vernaculaire ». Elle a pour but de redonner son rôle à la réalisation artisanale, un retour des sens tactiles. C’est une reconnaissance des architectes anonymes. Elle met en exergue, selon Pierre Frey, une autre forme de l’économie, elle n’est plus une économie formelle mais plutôt une économie non marchande, celle du sens, des compétences, du groupe et de la coopération. Elle revête alors un caractère social que l’on oublie lorsque l’on conçoit de l’architecture. Pierre Frey définit
quatre points importants représentatifs de cette « nouvelle architecture vernaculaire ». Elle est avant tout collective. Elle est qualifiée par des matériaux disponibles à profusion et de faible cout, l’usage des matériaux du contexte environnant limite l’emprunte écologique des bâtiments. Il s’agit aussi de savoir-faire. Et pour finir, il insiste sur une place pour les femmes plus centrale dans l’architecture. Pierre Frey et Patrick Bouchain notent deux points importants : l’enseignement et le chantier. Il m’a paru fondamental de les relever. Il est nécessaire d’introduire ces notions dans le cursus de l’enseignement d’architecture. La conception assistée par ordinateur (CAO) a pris une place omniprésente dans les études. Elle relève d’une fascination, nous sommes dans une conception purement virtuel, les bibliothèques d’objets, les codes graphiques viennent submerger nos manières de concevoir. Hors, il me semble que l’on a oublié avec cela beaucoup de savoir-faire et techniques. L’option théorique dirigée par Bettina Horsch au second semestre de Master 1 à l’Ecole supérieure d’architecture de Nantes, redonne une place à l’architecture vernaculaire. On redécouvre une technique peu reconnue : la « terre crue ». On est confronté au matériau de façon réel avec une application manuelle. Et on comprend mieux la notion de chantier. La notion de chantier est vue d’un
œil nouveau par les deux auteurs. Pour Pierre Frey, l’architecture vernaculaire consiste à approuver que l’usager lui-même dicte ses besoins. Et pour cela, il doit tenir un rôle sur le chantier pour que celui-ci évolue comme un véritable espace de production du bâtiment. Patrick Bouchain pense que l’architecture n’est pas quand on la dessine, mais plutôt quand on la construit. Il nous décrit dans cet extrait sa façon d’aborder le projet : « Dès lors, la voie que j’ai choisie est celle de la construction autoproduction, que j’applique en ce moment au logement social. Sur cinq chantiers en cours, je n’ai fait que suivre des gens ayant du temps disponible, dont les conditions sont trop modestes pour accéder au système du logement subventionné ou à la propriété, mais qui peuvent y investir leur temps, leur savoir-faire et leur force de 89 travail. » Le chantier est un lieu d’identification à ce que l’on bâtit. L’usager du futur bâtiment y trouvera alors mieux sa place s’il participe à l’édification de son futur habitat.
79
Etat des lieux sur un regard projectuel Afin de poursuivre mon étude, par l’observation des villes spontanées, il m’a semblé intéressant d’établir un petit inventaire de quelques projets et œuvres en rapport avec celle-ci. On trouve plusieurs types de « réponses ». Nous pourrons alors porter un regard critique sur ces productions.
81
-Extrait du livre de Yona Friedman, » L’architecture de survie : où s'invente aujourd'hui le monde de demain », Paris : Casterman , 1978, 171p
Projets architecturaux
90 à 93
-Yona Friedman, » L’architecture de survie : où s'invente aujourd'hui le monde de demain », Paris : Casterman , 1978, 171p
94
-Syste de Maat, «Architectes sans impératifs», Architecture d’Aujourd’hui
En premier lieu, nous allons porter notre attention sur des écrits théoriques qui amènent vers du projet. Yona Friedman donne comme point de départ à ses écrits la pauvreté. . Le guide du livre « L’architecture de survie » serait que la pénurie est la base de l’innovation sociale et technique. « C’est la société du monde pauvre qui invente l’architecture de survie 90». Avec cette notion de nouvelle pauvreté, il nous amène à revenir vers nos réels besoins. Le toit et la nourriture. Pour lui, la nourriture est le centre de l’habitat, une vision caricaturale mais tout de même assez réaliste. Nous avons besoin d’eau, d’air, d’une protection climatique, et de nourriture. Il met alors en opposition notre société actuelle où le rythme est91 de « travailler, habiter, se cultiver » et une société qui serait beaucoup plus « raisonnable » où les mots clefs seraient plutôt de « manger, dormir, se 92 protéger et coexister avec les autres » . Nous pouvons dire que dans ce livre, l’auteur tente de montrer que l’homme doit retrouver son instinct de survie, quelque chose qu’il a oublié dans notre société de consommation. Le concept serait alors d’allier toit et nourriture ce qui donnerait l’agriculture urbaine, mais il dit lui-même que cette stratégie serait surement inapplicable dans une trop grande organisation, un regard très objectif. Yona Friedman voit à travers l’architecture un outils à la survie.
Elle devrait permettre de collecter de la nourriture, de l’eau, être une protection climatique, protéger les biens privés et publics, et organiser les rapports sociaux. « Je préfère donc définir l’habitat comme un ensemble de fonctions de l’environnement nécessaires à la survie d’une espèce animale 93 particulière ». L’auteur pour théoriser ses idées fait des néologismes, ce qui montre encore une fois qu’il s’agit d’un livre très personnel et un désir presque révolutionnaire de sa part. Parmi les néologismes, on retrouve les termes « habitabilisation », « organisabilité », « comestibilisation ». L’auteur donne pour objectif une autoplanification. Une partie de sa théorie est de donner un rôle plus présent à l’habitant, il met en place un langage pour que l’habitant puisse exprimer simplement ces désirs avec des boutons et des ficelles, chacun des éléments ayant leur propre signification. On peut dire qu’il s’agit d’une méthode pédagogique, mais on peut aussi douter de son efficacité. En effet, il parle d’un langage universel, mais un langage inventé par une seule personne (lui) est-il universel ? On peut alors facilement remettre en question cette hypothèse, mais cette méthode peut être simple à appliquer, et permettre l’autoplanification. Syste de Maat dans son article « Les 94 architectes sans impératif » a les mêmes préoccupations que Yona Friedman : remettre les habitants au centre de la conception de leur habitat. Il ne propose pas de solutions de projet mais met en évidence les qualités
83
Recadrage d’une photographie des bidonvilles de Caracas, photographie de Iwan Ban empruntée sur http://www.iwan.com/, ci-dessous
Long Tan Park Liuzhoun images trouvées sur http://www.mvrdv.nl/ ci-dessus
créatrices des quartiers informels. Il compare Internet et les bidonvilles, car tous deux sont représentatifs d’une expression libre. De plus, il soulève que ces formes urbaines sont des formes d’inventivités pour nous, qui sommes acclimatés à des processus formalisés. L’auteur constate que l’architecture est sur une balance entre usagers et industrie. Il dit à juste titre que « l’architecte ne pourra jamais concevoir des habitats informels, et les habitants informels ne demanderont jamais à un architecte de concevoir leur logement »
95
http://www.mvrdv.nl/
97
www.waterstudio.nl/ archive/766
En second plan, on trouve des projets s’inspirant directement des formes des bidonvilles. 95 Le projet de l’agence MVRDV reprend les grands principes des bidonvilles de Caracas. Ils ont pour caractéristique de suivre les lignes topographiques du paysage. On ressent à la vision de ce paysage urbain une harmonie avec la nature. MVRDV projette à Liuzhou, une ville au sud de la Chine un ensemble de 2700 maisons. Cette localisation étant situé près de la ville a attiré les promoteurs, voulant produire des logements destinés aux classes aisées. Les contraintes de relief du territoire ont poussé l’agence à rechercher une continuité avec le paysage. Les maisons individuelles suivent la topographie des pentes et sont espacées les unes des autres d’une distance de trois mètres. Structurellement, tout est étudié pour que ces maisons s’adaptent à la
topographie. Hors, je pense que ce projet, en tout cas dans ses rendus en image de synthèse, apparaît beaucoup moins humain et vivant que les bidonvilles de Caracas. On est confronté à une répétition de volumes identiques et d’un même matériau. On peut interroger ce projet, dans le sens où il tente d’apparaître comme spontané avec ces cubes empilés de façon faussement désorganisée. On se rend alors compte, qu’il est difficile de projeter un ensemble de logements sans que cela ne s’uniformise, malgré que l’on est comme référence une ville spontanée. Michel Ecochard semble avoir une approche plus basée sur les usages que sur la forme. C’est un architecte qui a passé beaucoup de temps à enquêter et explorer les quartiers informels de Casablanca, faisant partie des urbanistes de cette ville. Pour la construction d’un ensemble de maisons à patios, la conception naîtra directement de ces enquêtes de terrain dans les bidonvilles. Ainsi, l’architecture découlera directement des modes de vie les plus rudimentaires. On alors ici, une utilisation fine du contexte. On retombe tout de même là encore dans une standardisation. Par la suite, on rencontre les projets qui ont pour but d’améliorer les conditions des bidonvilles quelles soient sociales ou matérielles. 97 L’équipe de Waterstudio a obtenu en 2012 le « Level Architecture & Sea Rise » de la Fondation Jacques Rougerie. Le cabinet a pour spécialité de trouver des solutions flottantes. Ici, ils ont appliqués leurs
85
Visuels empruntés sur www.waterstudio.nl/archive/766 « Level Architecture & Sea Rise » de la Fondation Jacques Rougerie, agence Water Studio
Visuels empruntés sur http://www.coloco.org/, Agence Coloco, «Les jardins de Stolac»
concepts aux quartiers informels localisés au bord de l’eau. L’initiative a été de proposer des systèmes flottants, flexibles et appropriables d’assainissement des abris, mais aussi des apports d’énergie. Ce solutions, qui sont actuellement utilisés pour « les riches » sont voués dans ce projet, à des populations plus précaires. D’autant plus, elles ne viennent pas perturber l’organisation interne de ces villes car elles utilisent l’eau comme nouveau sol. La somme déversée par la fondation sera vouée à une mise en œuvre de ce projet dans un bidonville au Dhaka (Bangladesh).
98
http://www.coloco.org/
Pour poursuivre, le lien avec l’architecture participative me semble inévitable. L’habitant par le biais de ce type de projet retrouve une place : il est impliqué. A la suite d’une conférence donnée par 98 Pablo Georgieff (agence COLOCO) dans l’option de projet Buenos Aires, je me suis intéressée à leurs projets. Ils n’ont pas une manière standard de travailler. Ils s’adaptent aux différents acteurs, contextes, situations. C’est ce qui fait la richesse et la qualité de leurs projets. Les Jardins de Stolac sont un exemple approprié de participation active des habitants. C’est ce qui en fait sa force : « Le projet sera développé sur trois ans, avec une participation croissante des habitants, des écoles et des institutions bosniaques » . Ce
projet rend compte de plusieurs installations mises en œuvre par les habitants tels des jardins secrets, un jardin d’enfant, des bancs, des fresques etc. … Un des points clef du projet a été la remise en valeur de la rivière oubliée lors des guerres. On redonne à leur habitant, par le biais de leur propre implication le goût de l’endroit où ils vivent. Une exposition au musée permet de donner une visibilité au projet, autant de la conception que des phases de chantier. Cette exposition montre qu’il s’agit d’un travail collectif. Ces catégories de projets nous montrent le regard des architectes face aux quartiers informels, mais marquent aussi la difficulté d’allier une part de spontanéité avec les modes de constructions actuelles.
87
Oeuvre d’Arne Quinze, arnequinze.com/
«Bidonville,
view
230»,
2008,
http://www.
Photographie de Peter Bialobrzeski, Manille 2008, http://www.bialobrzeski.de/
Photographie de Dionisos Gonzalès, «Nova-Heliopolis» http://www.dionisiogonzalez. es/
Oeuvre de Hema Upadhyay, photographie sur http://ffffound.com/
Photographies et œuvres d’art
Les bidonvilles ont engendré une fascination autant en architecture qu’en photographie ou dans le domaine des arts plastiques. Découvrir une infime partie de cette production, montre le caractère utopique que prennent les quartiers informels. 99
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Villes imaginaires et constructions fictives : quand l'art s'empare de l'architecture / sous la direction de Robert Klanten et Lukas Feireiss. Paris : Thames and Hudson , 2009 Magazine Dà, n°215, mars 2013, article «Peter Bialobzeski, villes réelles, villes rêvées» par Olivier Namais
Dionisios Gonzalès est un artiste qui s’intéresse de près aux favelas de Sao Paulo et de Rio de Janeiro. Il a passé plusieurs années à les observer. Il admire ces villes pour leur autonomie. Mais aussi car les habitants sont leurs propres architectes et que les maisons sont en constante évolution. Ainsi, par le biais de ses photos retouchées, il intervient dans ces espaces par le collage d’éléments de l’architecture contemporaine. Cela aurait pour but de donner une amélioration des conditions de vie (stabilité des structures, étanchéité, isolation etc…). D’un regard purement subjectif, son travail ne vient pas parasiter les favelas, mais au contraire renforce leur harmonie, sans les réguler. C’est un travail très fin, qui montre une bonne compréhension des favelas. Ces photographies gardent l’esprit d’un désordre organisé. 100 Le travail de sculpture de Hema Upadhyay (artiste indienne vivant à Bombay) de la reproduction du bidonville de Dharavi est un travail de façonnage et de peinture. Elle recycle de la tôle et du plastique. Son œuvre exprime une expérience individuelle mais aussi collective. Elle révèle, par le biais de ses sculptures les mutations de Bombay, en constante augmentation démographique. On peut dire que sa réflexion est mondiale car elle rejoint l’accélération des processus de
migrations. C’est un travail sensible qui permet de mieux comprendre les bidonvilles. Ces maquettes sont très détaillées et soulèvent les modes de vie et les qualités constructives. C’est un travail surprenant et méticuleux car les villes spontanées ne sont jamais reprises en maquette. 101 Arne Quinze, artiste belge, a elle aussi une approche par la sculpture. Hors, celle-ci est abstraite. Elle construit des structures qui sont un mélange du bidonville et des gratteciel. Elle mixe les deux « opposés » pour n’en faire qu’un. Par cela, elle évoque une métaphore de la vitesse démesurée à laquelle grandissent les villes. Dans ces deux cas, on a une approche critique de la ville et de sa croissance. La photographie prise par Peter Bialobrzeski, du bidonville de Manille, représente une 102 des « villes réelles, villes rêvées » . Les photographies donnent « les premiers « motifs » de ces nouveaux paysages urbains : la répétition, la verticalité, la monumentalité ». En effet, il a réalisé plusieurs séries de photographies, qui selon le point de vue, donne une image de la ville contrastée. Ainsi, il joue avec les différents plans et netteté de l’image pour nous donner une lecture bien précise de la ville. La photographie du bidonville de Manille, est l’expression des usages et des appropriations. Les objets prennent autant de place que l’architecture dans cette photo. On peut y lire pleins de micro-espaces, entre-deux. C’est une photographie qui met en scène le nombre impressionnant de détails que les habitats spontanés nous offre.
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Conclusion/Ouverture Cette étude m’a permis d’avoir un autre regard sur les villes spontanées. Elle a été un espace d’expérimentations. En effet, par le biais de recherches, j’ai pu recoupé différentes notions, que sans ce travail, je n’aurai jamais pensé lier.
Ce travail purement bibliographique a été très riche pour moi. J’ai découvert des auteurs, des artistes, des films. J’ai appris beaucoup d’un point de vu sociologique.
Parler de «bidonvilles», c’était aussi parler de «contextes». Cela faisait partie des points importants à ne pas négliger. J’ai pu alors comprendre les différentes manières d’aborder l’urbain dans plusieurs pays.
Hors, je pense que l’enquête de terrain à été un manque à certains moments de mon travail.Il est vrai que pour aborder par exemple la thématique du «Génie constructif», j’ai ressentit parfois le besoin de voir les choses «en vrai». Le but de ce mémoire était pour moi de montrer des manières de renouveler le projet à travers l’habitat spontané. Pour cela, je désirai depuis le début, passer par le biais du croquis. C’est sur ce point là que les enquêtes de terrain auraient, il me semble été nécessaires, pour comprendre les manières de bâtir, les usages, la temporalité des constructions etc... Cependant, je me suis appuyer sur des ouvrages tels que «Architectes des favelas» ou encore «Torre David».
Parler de «bidonvilles» c’était parler aussi «d’industrialisation». Il était nécessaire de mette en parallèle logements standardisés et logements informels. Parler de «bidonvilles» c’est parler de «l’auto-construction», ici à travers la survie. Les quartiers informels sont signicatifs de la créativité et de l’inventivité des auto-constructeurs. Le bidonville a été un «pretexte» pour explorer diverses thématiques liées à l’habitat et l’urbain. Comme je l’ai dit dans mon introduction, il ne s’agissait pas de faire une éloge de l’habitat précaire. Durant, mon étude, une phrase de Fanco Le Clela critiquant durement le travail de Rem Koolhaas sur son exposition «Mutations» m’avait provoqué un doute. « Comment le réalisme de Rem Koolhaas pouvait-il en arriver là? N’est-ce pas effrayant d’exploiter la misère du monde pour montrer combien on est avant-gardiste? [] En fin de compte, n’est-ce pas une version esthétisante de la catastrophe et du cynisme?» Après avoir lu cette phrase, cela m’a fait prendre du recul, et m’a fait prendre conscience de la fragilité de cette problématique. J’ai alors remanier mon plan, rajouter des notions et nuancer mon propos pour ne pas retomber dans la critique juste de Franco Le Clela.
Pour ouvrir ce mémoire, l’architecture participative, dont nous avons parlé succinctement à travers l’agence COLOCO me semblerait intéressante à approfondir. C’est une autre manière de concevoir la ville et le logement. L’architecte trouve une place, il est un pilier et les communautés d’habitants sont leur propre concepteur. Il s’agit là d’une architecture de dialogue, collective.
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Bibliographie commentée Le travail bibliographie a pris la place principale dans ma recherche. Ainsi, cette bibliographie sera commentée. J’ai effectué un regroupement des documents par le biais des grandes notions de ce mémoire.
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-Yona Friedman, » L’architecture de survie : où s'invente aujourd'hui le monde de demain », Paris : Casterman , 1978, 171p
Faut-il dès maintenant apprendre à vivre dans la pauvreté ? Cet ouvrage fait partie de l’un de ses nombreux « manuels ». Y. FRIEDMAN est un architecte de papier, il a réalisé beaucoup d’utopies. Les livres qu’il a écrits sont des réflexions purement personnelles, énormément de subjectivité. Ce livre a été écrit dans un contexte où la pauvreté devenait naissante, ou plutôt commençait à être révélée à la société. L’intention générale de l’ouvrage est de reconsidérer l’architecture en relation avec la notion de survie. La démarche de l’auteur était d’écrire une sorte de manuel destiné à « l’homme de la rue » pour le faire réfléchir sur à la fois cette pauvreté de plus en plus présente, et sur comment l’appréhender dans l’architecture, l’architecture qui définit nos modes vies
Regards théoriques , «Eloge» du bidonville
John F.C Turner, «Housing by people: autonomy in building environments»
towards
-Syste de Maat, «Architectes sans impératifs», Architecture d’Aujourd’hui
Les constructions doivent-elles être menées par des organisations supérieures?
Il met en évidence la «capacité des gens ordinaires». Il critique ainsi la modernisation car elle a provoqué une accélération et une modification des priorités pour obtenir plus de financement. Toute la question du livre est de savoir s’il est possible d’introduire dans la construction des villes et de l’habitat, la participation. Pour lui, la construction et l’entretien des logements n’est plus accessible à tous, mais la standardisation entre également en confrontation avec les différents individus.
- «Le bidonville comme lieu de gestation u r b a i n e » Ecodécision (Canada) n°10, septembre 1993
-Gourdon JeanLoup, «Eloge paradoxale du bidonville», Libération, 11 février 1994
http:// laboratoireurbanismeinsurrectionnel. blogspot.fr/2011/07/architecture-etbidonville-humanisme-et.html -Laboratoire insurrectionnel d’urbanisme, «Architecture et Bidonville : Humanisme et néolibéralisme»
www.e-publicspace.net article « L’espace public dans le bidonville ou « espace public autre » : Buenos Aires,Villas »
«Bidonville, l’autre ville», DIjon, 24/06 au 23/07/2011
-Belaadi Brahim & Debla Abdellaali, «Typologies des bidonvilles, analyse critique» Revue des Sciences Humaines, février 2004
Magazine Dà, n°215, mars 2013, article «Peter Bialobzeski, villes réelles, villes rêvées» par Olivier Namais -Caroline Buades, «L’habitat spontané ou la fabrication de la ville», Diapason, Avril 2011
Bernard Salignon, « Qu’est-ce qu’habiter ? », Editions de La Villette, Penser l’espace, 2010, 143p
Bernardo Secchi, «La ville du XXIème siècle», E d i t i o n s Recherches, 2009
Livre accessible dans la lecture. L’auteur explique les phénomènes divers et variés liés à la «dissolution» de la ville. On a une remise en question de la ville du 21ème siècle. On en comprend les causes. Il prend des exemples significatifs pour illustrer ses propos. On trouve au sein du livre des «mini-dossiers» sur différentes villes.
Pour une critique de la ville : la sociologie u r b a i n e française 1950 - 1980 / Eric Le Breton.
Livre de sociologie très complet sur la critique de la ville. Chapitres lus: «L’urbain contre la ville», «La fête détruite», «De l’urbanisme à l’idéologie de l’espace», «L’autogestion comme mode de gournance de l’espace habitant», «L’urbanisme une rationalité répressive» ,«Tactique et anti-discipline»
Franco, Le Clela «Contre l’architecture», 2010, Paris : Arlea, 174p
Franco Le Clela, dans cet écrits, critique fortement les «archistars» et la façon de fabriquer de l’architecture et de l’urbain. L’auteur n’hésite pas sur ces propos.
Critique, recul, sur l’habitat et l’urbain
Nicolas Soulier «Reconquérir les rues- Exemples à travers le monde et pistes d’actions »
L’auteur d’après l’observation de contextes variés, montre que les règles urbaines ont réduites nos rues à être sans vie. Son propos est très radical. Je me suis surtout penché sur la partie «Processus de stérilisation» qui a nourri ce mémoire.
Villes imaginaires et constructions fictives : quand l'art s'empare de l'architecture / sous la direction de Robert Klanten et Lukas Feireiss. Paris : Thames and Hudson , 2009
-Marc Gossé, «Informalité, illégalité...modèles de gouvernance?»
-Chantal Iorio, «Normalisation de l’habitat», Habiter le temporaire, numéro 56, 2011
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Textes Lus Pierre Frey, «Learning from vernacular, pour une architecture vernaculaire», Actes Sud, 2010, 176p
La Nouvelle Vernaculaire
architecture
Pierre Frey, dans ce livre, dont la préface est de Patrick Bouchain, redéfinit ce que serait pour lui «La nouvelle architecture vernaculaire». Il en redonne les points clefs. Ce livre nous montre que l’on a oublié les savoirsfaire traditionnel dans la conception de l’architecture. C’est une remise en évidence de l’architecture traditionnelle.
Textes faisant partis du Corpus proposés par Marie-Paul Halgand en Culture de l’architecture contemporaine -Kenneth Frampton « Reflexions sur l’état de la modernité : fragments polémiques » publié en 1982 suite à la Biennale de Venise de 1981 -Paul Chemetov « Inachevé… Parce qu’inachevable », publié en 1982 suite à la Biennale de Venise de 1981 en 1982
Ivan Illich, «Le genre vernaculaire», Seuil, 1983
Ivan Illich étudie la philosophie et la théologie. Il part à New-York et porte son regard sur les bidonvilles de Manhattan. Ce qui incitera sûrement ses écrits. Il est souvent considéré comme un des plus grands humaniste du 20ème siècle . Il critique largement dans ce livre les bases du capitalisme. Ce qui se lie au thème des bidonvilles dans ce livre, c’est ce regard sur l’auto limitation. Le genre vernaculaire montre l’apparition d’une économie de subsistance face à l’ère industriel.
Critique, recul, sur l’habitat et l’urbain (suite)
Etudes Parcourues -Sous la direction de Franz Graf & Yvan Delemonty, «Archtiecture industrialisée et préfabriquée: connaissance et sauvegarde Lecture des chapitres: «Industralisation et politique», « La question de l’utopie», «De nouvelles perspectives d’industrialisation» -Christophe Gobin, «Industrialisation et construction» Lecture du chapitre: «Industrialisation comme une utopie mécaniste»
-Bernard Rudofsky, « A r c h i t e c t u r e without architects: a short introdution to Non-pedigreed Architecture»,1964
Drummond, Didier, «Architectes des favelas» Paris : Dunod , 1981, 112p
-Informations trouvées dans: Torre David : informal vertical communities / Urban-Think Tank, chair of architecture and urban design ETH Zürich. ; . - photographs by Iwan Baan, 2013, 415p
Monique Hervo, Marie-Ange Charras, «Bindonvilles», François Maspero, Paris, Cahiers Libres, 1971
Lausanne : Lars Müller , 2013
Positionnement l’architecte favelas
face
de aux
Ce livre nous montre une approche de l’architecture sans architecte. Tous les domaines sont ainsi reliés, histoire, sociologie et construction. Toute l’organisation des favelas y est figurée. Les schémas, croquis, plans, coupes donnent une nouvelle dimension aux bidonvilles. On ressent alors concrètement les pratiques de ces espaces informelles. Les modes d’habiter sont placés au centre de l’ouvrage.
Rufina Wu, Stefen Canham, «Portraits from above-HongKong’s informal rooftop communities», MCCM Creations, Peperon books, 2009, 275p
Enquêtes de terrain au sein des bidonvilles
Bidonville Vertical?
Ce livre regroupe l’histoire de la Torre David. Il est à la fois technique, anthropologique, sociologique. Les photographies viennent appuyer le discours, et nous immerge dans ce microcosme.
-M6, «La citébidonville», Spéciale 2012 http://www.m6.fr/ emission-66_minutes/ videos/11265732-la_cite_ bidonville.html
«Les enfants des rues de Mumbaï», documentaire diffusé sur Arte, Nick Read, trouvable sur www. youtube.com
-«Les routes perdues», Mai 2008, Aude Léa Rapin et Adrien Selbert, 40min, Svaski Dan film
Jean-Claude Lavigne, «La Réhabilitation des bidonvilles : Kanpur UP Inde», Economie et Humanisme, 1983, 175p
-Colette Pétonnet, « Espaces habités : Ethnologie des banlieues », Paris : Galilée , 1982, Débats, 174p http://id.erudit.org/ iderudit/006228ar compte rendu associé de Monique Cousineau
Analogie et comparaison des modes d’habitats
La table des matières permet de comprendre immédiatement le sens du livre: Le vieux quartier, le bidonville, le second établissement et l’insertion définitive, l’espace contraint du relogement. On y lit alors une trajectoire, un parcours de l’habitat. Pendant cinq années, Colette Pétonnet s’est glissée dans ces différents quartiers ouvriers. Pour conclure ses observations, elle met en exergue la «rationnalité» de nos espaces qui figent les modes d’habiter et les relations sociales.
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-Mike Davis, « Le pire des mondes possibles : de l'explosion urbaine au bidonville global », Paris : Ed. La Découverte/ poche , 2006
Emergence massive de la pauvreté?
L’intention générale de ce livre est de montrer une réalité objective des nouvelles villes informelles. Pour cela l’auteur s’appuie sur des fragments de dialogues, de textes, de pourcentages qui ont une utilité forte, car elles permettent de rendre plus concret le discours de l’auteur. La thèse défendue et engagée par l’ouvrage est que la modernité, les villes formelles, la société actuelle sont les seules responsables de cette pauvreté omniprésente dans les pays du tiers-monde. Il révèle dans ce livre une certaine hypocrisie. Ce livre est finalement très dénonciateur. Articles, ciruclaires, rapports lus (Buenos Aires)
-Martin Olivera, « Roms en (bidon)villes », Les conférences-débats de l’association EMMAÜS et de normale SUP’, Editions rue d’ULM, La rue ? Parlons-en !, 80p
Roms en bidonville, population marginale?
Dans ce petit «manuel», nous en apprenons énormément sur la population Roms si stigmatisée dans notre pays. Martin Olivera éclaircit toutes ambiguïté et croyance de la société face aux Roms, qui est décrite péjorativement comme une population marginalisée, et gênante . Dans ce livre on comprend alors mieux leur situation en France, le avant, le pendant et le après «bidonville». Il évoque leurs difficultés mais aussi leur ingéniosité face à la pauvreté.
Articles, ciruclaires, rapports lus (France) -Pierre Frey, Article dans Le Monde, 12 juillet 1967 -O. Berthelin «La ciculaire «Campements illicites» ouvre le droit commun aux roms», www.lagazettedescommunes.com, le 31 août 2012 -Collectif Romeurop de l’agglomération nantaise, «Les Roms indésirables?», Place publique numéro 24, Nov/Dec 2010 -Philippe Gambert, «Roms: La voie étroite de Jean-Marc-Ayrault» OuestFrance -Circulaire interministérielle NOR INTK 1233053C du 26/08/2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites -Serge Letchimy, «L’habitat insalubre et indigne dans les départements et régions d’outre mer: un défi à relver» septembre 2009 http://www.certu.fr/, Les outils de l’aménagement, «Une vue d’ensemble par Philippe Méjean» 2007
Regards objectifs & aspects politiques
-Mercedes Falcon & Maria Laura Raffo, «Relevamiento de villas y asentamientos en El Gran Buenos Aires», Un techo para mi pais, octubre 2011, 104p -Toutes les informations sur le projet ont été trouvé dans: « Anteproyecto Urbano Barrio 31 Carlos Mugica », réalisé par IHEu, FADU, UBA -Paul Rajoni, Architecte urbaniste, «Buenos Aires, 1976-1982, La Ségrégation compulsive», Revue Hérodote, 1983 -www.promeba.org.ar/proyectos.php L’UE de projet «Buenos Aires: entre villas et countries» dirigé par R.Hondelatte, à également apporté de nombreuses informations Articles & rapports lus (Mondial) -UN-HABITAT, «State of the world’s cities report» 2006-2007 -UN-HABITAT «Les tendances de l’urbanisation: la Chine et l’Inde progressent à pas de géant vers l’éradication des taudis» -Grégoire Allik, «La Chine un modèle urbain à suivre selon l’ONU...» Le Monde, 4 novembre 2008 -Hubert M.G Ouedraogo, Faculté de droit et de science politique, «Politiques urbaines étatiques et stratégies populaires d’accès au foncier: le problème de l’habitat spontané à Ouagadoudou Rapports lus (Inde) Jean-Claude Lavigne, «La Réhabilitation des bidonvilles : Kanpur UP Inde», Economie et Humanisme, 1983, 175p -Pierre Noël Giraud & Paula Restreo, «La politique de réhabilitation de Mumbaï» Cerna Working paper series, janvier 2011