Prada Transformer (Seoul 2009)

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ont aussi bénéficié de cette plateforme pour exposer des mannequins d’un genre nouveau, renouvelant ainsi les stratégies de mise en scène du vêtement. N’imaginez pas une forêt de fantoches hagards, mais bien des installations en mouvement, mettant en valeur la vie de l’habit. Le but étant par ailleurs d’explorer la jupe comme écran de projection de fantasmes liés à l’esthétique formelle, mais aussi au désir et à l’identité sexuelle.

flesh, mind and soul Posé sur sa face hexagone pour la mode, le Transformer allait, pour le cinéma, s’accouder sur son flanc rectangle. En maîtres de cérémonie, le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu et le critique cinématographique Elvis Mitchell. Sur deux semaines s’est alors déroulé un festival, où les programmateurs avaient carte blanche pour présenter leurs films favoris, pour la plupart inédits en Corée du Sud. Et surtout, représentatifs de démarches qui prennent aux tripes, comme le décrit Iñárritu : « Il y a les films qui ont parlé à mon âme d’une manière délicate et lumineuse. Il y a ceux qui ont nourri la chair ; les films faits avec le bassin, avec le foie… ceux-là vous prennent à la gorge dans un bombardement sensuel et sensoriel. Et puis il y a les films qui m’ont juste explosé la tête. » Ouvrant avec Lonesome ( 04 ), film muet de 1928 signé Paul Féjös, le programme comptait entre autres L’année dernière à Marienbad (Alain Resnais, 1961), Seasons of the Year (Artavazd Peleshian, 1975) et You, the Living (Roy Andersson, 2007). Quelque cinq mille festivaliers se sont disputé les 276 mètres carrés durant la quinzaine, et plus de cent mille ont suivi, via le web, un master-class du réalisateur de Babel (qui travaille en ce moment sur Biutiful, son prochain opus).

Texte Sarah Burkhalter

La capitale sud-coréenne accueillait un spécimen d’architecture tout à fait inédit. Tour à tour galerie, cinéma et scène, le Prada Transformer est la dernière collaboration de Miuccia Prada et de Rem Koolhaas : 180 tonnes de construction éphémère à rouler comme un dé. Un hexagone, un rectangle, une croix, un cercle ( 01 ). Les formes desquelles a émergé le dernier pavillon-événement de la Fondation Prada, choisies par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et son bureau OMA (Office for Metropolitan Architecture), sont diablement sommaires. C’est plutôt leur agencement qui trahit la poésie. En effet, soudées l’une à l’autre et enveloppées d’une toile blanche translucide, elles ont créé un amalgame pyramidal : d’abord maison de la mode, en avril, puis salle de projection, en juin, enfin espace d’exposition, en septembre. Quelques grues pour renverser la structure à intervalles réguliers ( 02 ), une programmation artistique de pointe – et voilà qu’une fusion des arts se concrétise sur l’esplanade du palais impérial Gyeonggi, joyau du XVIe siècle sud-coréen. Le changement est donc le pivot de ce projet. Parangon de la métamorphose, changeant d’allure au gré des saisons et des rituels des collections, la mode lance ici un défi à l’architecture. Comment coller au temps, à ce qui change en permanence, inévitablement ? La réplique est désarmante de simplicité : en dessinant une structure mobile, d’environ 20 m d’envergure, multiusage, dans une cité de 25 millions d’habitants en pleine expansion. Au service, évidemment, du mécène milanais qui soutient la création d’avant-garde depuis 1993. Le Prada Transformer marque donc une nouvelle étape dans la longue collaboration entre la styliste et l’architecte, et ose bouleverser les attentes face au construit. Avec des promesses de « frisson entre le rapide et le lent », aux dires des initiateurs.

waist down Et d’abord “ depuis la taille jusqu’en bas ”, comme l’indiquait l’intitulé du premier événement. La jupe, icône du lexique vestimentaire féminin selon Miuccia Prada, s’est montrée dans tous ses états dans une exposition itinérante ( 03 ) dont la cinquième halte était justement Séoul. Une sélection de la collection privée de Madame voyageait avec des designs de jeunes stylistes coréens. Certains d’entre eux

turn into me

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Jusqu’à la mi-septembre, l’artiste et vidéaste suédoise Nathalie Djurberg s’est ensuite emparée du lieu, inaugurant le troisième cycle de métamorphoses, avec une installation d’objets, de dessins et de vidéos à l’esthétique tantôt inquiétante, tantôt grotesque ( 05 ). L’aménagement, tapissé d’un fond sonore électro composé par son associé et concitoyen Hans Berg, avait été commandé l’an passé par la Fondation Prada. Découpés dans de larges pans de feutre, des alcôves et des dolmens déroulent une topographie onirique, intime, que l’artiste n’hésite pas à appeler « la cave de l’inconscient ». On y croise des baleines en tissu, écorchées, et quelques séquences de films d’animation, où des figurines en pâte à modeler narrent des histoires de débauche, parfois macabres. Actuellement exposée à la Biennale de Venise (qui l’a récompensée du Lion d’argent de la meilleure jeune artiste), Djurberg fabrique des œuvres visuellement et émotionnellement très chargées, souvent dénonciatrices des dessous des institutions (comme l’Église catholique), forcément sales. Une prise de position viscérale, d’ailleurs soulignée, à Séoul, par le plan cruciforme du Transformer.

épilogue ? À l’heure où paraît cet article, le dernier happening aura eu lieu – et le secret sera levé sur son contenu. Auparavant, pourtant, presque aucun indice n’aura hélas filtré. Inutile, donc, de se perdre en suppositions… Mais possible de décrypter quelques orientations. Le point d’orgue – ou special event, tel qu’il est annoncé – aura lieu sur le cercle. Dans l’arène, en d’autres termes. Un site évocateur d’accomplissement, de boucle qui se boucle, de rotation. On imagine alors un défilé, un concert, un spectacle. Quelque chose, en somme, qui ne laisse apparaître ni paroi, ni pellicule, ni couture. Juste du vivant. fin


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