La réhabilitation de l'habitat à pan-de-bois - Mémoire Master Architecture - Sarah Briche

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La rehabilitation de l’habitat a pan de bois, une affaire d’architecte ?

SARAH BRICHE Séminaire : “Architecture, Environnement, Construction” École Nationale Superieure d’Architecture de Paris Belleville Enseignants : Roberta Morelli, Teiva Bodereau, Christine Simonin, Mohamed Benzerzour



SA RAH BRICHE Mémoire de master, sous la direction de : Roberta Morelli, Teiva Bodereau, Christine Simonin, Mohamed Benzerzour, dans le cadre du séminaire de recherche “ Architecture, Environnement, Construction ” École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Belleville 2018


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Table des matieres INTRODUCTION

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A. L’OBJET

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LE PAN DE BOIS A1 Le pan-de-bois d’hier à aujourd’hui 18 • L’histoire du pan-de-bois • Les typologies du pan-de-bois

A2 Une technique constructive variable

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• La lisibilité du pan-de-bois • L’ossature en bois

A3 Les matériaux et leur complémentarité

34 34

• Du soubassement à la couverture • Les remplissages et finitions • L’équilibre énergétique

ENTRETIEN avec les habitants

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B. L’ACTE

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LA REHABILITATION B1 Le contexte d’intervention

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• Intervenir sur le bâti ancien • La réhabilitation et ses spécificités • L’acte de la réhabilitation

B2 Les critères d’intervention

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• Avant toutes interventions • L’intervention suivant l’occupation • Précisions sur les interventions

B3 Deux chantiers : études de cas

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• Un socle presque commun • Une maison bricolée • Une mise en oeuvre peu commune • Une maison mise à nu • Une transformation révélant un état antérieur • Un écart notable entre deux démarches

ENTRETIEN avec Push Architecture

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C. LES ENJEUX

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POUR L’ARCHITECTE C1 Préserver un patrimoine

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• La pérennité des constructions à pan-de-bois • Le mitage territorial et les démolitions • Le cadre normatif

C2 Adapter un habitat

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• Un nouvel attrait pour le vernaculaire • La compatibilité des matériaux et techniques • La recherche de l’innovation

C3 Se placer dans un système d’acteur

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• Un systeme d’acteurs particulier et variable • La participation des habitants • La présence de l’architecte

CONCLUSION

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Bibliographie

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Tables des illustrations

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Sources des illustrations

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Remerciements Aboutissement de deux années de recherches, ce mémoire est le fruit d'un travail que je n'aurais pu réaliser sans l’aide et le soutien de mes enseignants, ma famille et mes amis. Je remercie tout d’abord Roberta Morelli, Teïva Bodereau, Christine Simonin et Mohamed Benzerzour, mes enseignants du séminaire de recherche “Architecture, Environnement, Construction” pour leurs suivis, leurs conseils avisés et la confiance qu’ils ont pu m’accorder pour mener cette recherche avec autonomie. Je souhaite exprimer ma reconnaissance particulière à Teïva Bodereau qui a encadré ce travail et consacré du temps à la relecture, me guidant vers ce résultat. Un grand merci à Rémy Claden et Raphaëlle Antony, architectes de l’agence Push architecture qui m’ont accordé de leur temps pour un entretien, des discussions, des rencontres et qui m’ont fourni une documentation précieuse. Je remercie également Sébastien Vazquez, charpentier et dirigeant de SV bois, pour m’avoir accueilli dans son entreprise ainsi que toute son équipe pour les heures passées avec eux sur les chantiers, me transmettant avec enthousiasme leurs savoir-faire. Merci à Franck et Martine Thomas-Dubail, propriétaires d’une maison à pan-de-bois qui m’ont accordé du leur temps pour un entretien et m’ont ouvert leur porte avec grande générosité. Merci à toute l’équipe de l’ASMA pour leur accueil et ce qu’ils m’ont transmis au cours des tables rondes et des visites. Merci à mes parents, Daniel et Nadine, pour leurs relectures et pour leur grand soutien tout au long de mes études et de ces recherches. Merci à mon ami, William Saint-Pierre, pour sa relecture et les nombreuses conversations qui ont permis à ce travail de murir. Enfin, merci à tous mes amis pour leurs chaleureux encouragements.


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Avant propos Un attrait particulier pour le bois est né au cours de mes années d’études. Des heures passées dans l’atelier bois aux ouvrages précisant mes connaissances sur ce matériau, cet intérêt provient probablement des souvenirs des paysages alsaciens qui m’ont entourée pendant dix-huit ans. Le sujet de ce mémoire découle également d’un regard particulier que je porte au domaine de la construction et de l’architecture dont certaines tendances m’inquiètent quant aux enjeux environnementaux de notre génération. Tout au long de mon parcours scolaire j’ai orienté autant que possible mes projets d’architecture vers le domaine de la réhabilitation. Dans le but de réaliser au mieux ces recherches qui selon moi devaient passer par la pratique, j’ai dans un premier temps effectué un stage de 6 semaines dans l’entreprise de charpente SV Bois, en Alsace. Cette expérience du chantier, m’a permis par le vécu, de comprendre les réelles contraintes de la mise en oeuvre et d’autant plus dans les interventions sur le bâti existant. J’ai pu participer à 8 chantiers, dont deux seront exposés dans ce mémoire, allant de la réalisation d’une extension neuve, à la réalisation d’assemblages traditionnels, en passant par le rehaussement de toiture, la réalisation de planchers et l’isolation de parois. C’est au cours de l’un de ces chantiers que j’ai pu rencontrer un couple de clients, Franck et Martine Thomas-Dubail. La passion et l’entrain qu’ils mettaient en oeuvre dans la réalisation des travaux, suscitant mon attention, ont conduit à un entretien dans lequel ils dévoilent la rebondissante histoire de leur maison. Parallèlement à la pratique, les recherches bibliographiques m’ont guidée vers l’ASMA, Association pour la Sauvegarde de la Maison Alsacienne. Proposant des rencontres entre particuliers et professionnels autour des questions de réhabilitation, j’ai pu être spectatrice des échanges et des conseils, approfondissant mes connaissances sur les gestions de travaux, sur les coûts et la mise en oeuvre ainsi que sur l’analyse des causes et des conséquences des désordres touchant les constructions à pan-de-bois. Ces tables rondes m’ont permis de rencontrer l’architecte Rémy Claden dont l’activité principale est l’éco-rénovation du bâti ancien et qui y intervient en tant qu’architecte conseil. M’accordant un entretien avec son associée Raphaëlle Antony , ils m’ont également partagé leurs expériences et répondu tant que possibles à mes questionnements tout au long de cette dernière année. En l’occurrence, ils ont pour habitude de travailler avec l’entreprise SV Bois où j’ai pu découvrir leurs projets en participant à certains de leurs chantiers. Ainsi, toutes ces rencontres avec les acteurs, dont les points de vue diffèrent, m’ont permis de mener à bien cette réflexion sur la réhabilitation de l’habitat à pan-de-bois et de nourrir les réflexions autour de ce sujet.


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Introduction Les territoires et l’architecture qui les composent sont des objets de transformations perpétuelles. Que les traces du passé soient encore lisibles ou bien que la table rase soit passée par là, l’art de bâtir a suivi et continue de suivre une évolution complexe, tout comme les métiers qui y sont associés. Les réalisations architecturales contemporaines semblent devenues d’une diversité sans précédent et la démultiplication des techniques constructives et des matériaux élargissent d’autant plus le champ d’intervention des architectes ainsi que leurs possibilités techniques. « Les territoires et les villes que nous observons résultent d’un long processus de sélection cumulative, encore en cours à l’heure actuelle. Tous les jours nous sélectionnons quelque chose, une maison, un bout de route, un pont ou une forêt, et le vouons à la destruction; nous retenons certaines choses du passé, en les modifiant et décidons d’en conserver d’autres telles quelles »1 . La transformation des formes d’habitats s’inscrit également sur un temps long et s’accélère avec le développement économique et social et les progrès techniques du domaine de la construction. Le caractère incontrôlable de ce processus évolutif tend à prendre une tournure aussi déconcertante qu’innovante selon les cas de figure. Selon la typologie bâtie ou constructive et selon le domaine d’intervention, tout acte construit peut conduire à autant de conséquences bénéfiques que problématiques. Parfois liée à une économie de moyens, d’aspect immédiat et intuitif, l’architecture de l’habitat et les villes se transforment sur elles-mêmes sans architecte. « C’est un domaine si mal connu que nous ne savons au juste quel nom lui donner. À défaut de terme spécifique, nous dirons de cette architecture selon le cas, qu’elle est vernaculaire, anonyme, spontanée, indigène ou rurale »2 . Issus d’une architecture savante ou non, d’une architecture pensée ou spontanée, les édifices existants constituent tout au moins un objet d’inspiration pour les architectes. Entre la tradition et l’innovation, les limites sont faiblement discernables voire s’entrecroisent, les écritures architecturales nouvelles prenant presque toujours appui sur les préexistantes. Parmi cette architecture, l’habitat à pan-de-bois, reconnaissable par sa composition structurelle lisible en façade et plus communément appelé maisons à colombages, anime aujourd’hui de nombreux paysages urbains comme ruraux. Conséquence de la déforestation massive en France et de l’avènement de l’ère industrielle, la technique de construction à pan-de-bois a peu à peu été abandonnée. Occulté par les matériaux de l’époque moderne, le bois ne renaît dans la construction en France que depuis les années 60. Il existe de nombreuses maisons à pan-de-bois subsistant un peu partout en Europe et ce modèle a su s’exporter au-delà du continent. L’histoire de cette technique constructive, relevant du savoir-faire associé à la charpente, remonte bien avant celle des premiers architectes. Pourtant « l’origine des recherches sur la maison à pan-de-bois remonte à près d’un siècle et demi » 3 seulement alors que « l’histoire de l’architecture orthodoxe met l’accent sur l’architecte et sur l’oeuvre individuelle »4 . 1.

SECCHI Bernardo, Première leçon d’urbanisme, Marseille, Parenthèses, 2011, p. 13.

2.

RUDOFSKY Bernard, Architecture sans architectes, Chêne, 1977, p. 7.

FRITSCH Florent, HAEGEL Olivier, RAIMBAULT Jérôme, LOHRUM Burghard, WERLÉ Maxime, La maison en pan-de-bois, Lieux dits, Lyon, collection Clefs du Patrimoine d’Alsace, 2015 3.

4.

RUDOFSKY Bernard, op. cit., p. 9.


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L’héritage laissé par l’utilisation de cette technique offre à présent une palette très diversifiée de typologies d’habitats à pan-de-bois. Pouvant être considérée comme un patrimoine architectural, une partie non négligeable du bâti ancien rural dans la région de l’Alsace est détruite ou laissée à l’abandon chaque année. De plus, il ne subsiste plus que très peu de ces édifices dans leur état d’origine et les interventions successives sur ces bâtiments en donnent une lecture parfois confuse. En alternative, leur sauvegarde consiste essentiellement en leur entretien et leur réhabilitation. Les techniques constructives étaient bien moins nombreuses par le passé. La plupart des bâtis anciens ayant subi de nombreuses transformations jusqu’alors, constituent des objets transformés, plusieurs fois même. Intervenir sur un tel bâti ajoute une strate supplémentaire qui parfois passe par la suppression de certaines parties et le rétablissement d’un état antérieur de l’édifice. Le domaine de l’habitat privé en milieu rural constitue un champ d’intervention d’autant plus réduit. Les transformations de l’habitat ancien constituent dans ce contexte un processus évolutif parfois autodidacte, découlant d’un naturel besoin des habitants d’adapter leurs foyers à leurs modes de vie actuels. Certaines transformations répondent quant à elles, à l’idée d’un projet, d’un dessin architectural se dotant d’objectifs précis. « L’intervention sur l’existant, qui représente une part conséquente de l’activité de construction, “échappe” à l’institution architecturale. (...) une grande partie des travaux de réhabilitation échappant à la demande de permis de construire, les maîtres d’ouvrage peuvent légalement se dispenser de l’intervention d’un architecte »5 . Les interventions se matérialisant sur les chantiers, ne sollicitent donc pas toujours les architectes et elles se déclinent aujourd’hui en une variété de dénomination en «Re», restaurer, rénover, réhabiliter, requalifier. Qu’elles soient considérées comme des disciplines distinctes ou non, il ne s’agit pas d’ouvrir le débat entre la préservation du bâti existant et la construction neuve, mais de s’interroger sur les interventions en elles-mêmes, conduisant à la problématique suivante : Comment la réhabilitation de l’habitat à pan-de-bois interroge l’intervention de l’architecte ? De par la spécificité de chaque bâtiment et du contexte des acteurs, les démarches de projet de réhabilitation se différencient de la construction neuve. Beaucoup plus dense, le site conditionne les objectifs de la réhabilitation. L’architecte prend part à un système d’acteur particulier lorsqu’il est sollicité dans le domaine privé. Entre l’architecte, l’habitant et les entreprises, chacun porte un intérêt différent quant à la réhabilitation d’un édifice. Dans un cas aussi particulier que la réhabilitation de l’habitat à pan-de-bois en milieu rural, qui fait appel à des savoir-faire spécifiques, en quoi les compétences de l’architecte donnent une direction spécifique à l’objectif de la réhabilitation est une question à soulever. Dans le cas d’une intervention sur un pan-de-bois, les connaissances de la technique constructive attendues de l’architecte peuvent se rapprocher des savoir-faire et des connaissances d’un charpentier. Par contre, sa capacité à intégrer au projet des enjeux qui, dépassant l’échelle de l’édifice en lui-même, font partie des savoir-faire de l’architecte. TOUSSAINT Jean-Yves, ZIMMERMANN Monique (dir.), INSA de Lyon, “La part de l’existant” in Concevoir pour l’habitant : d’autres commandes, d’autres pratiques, d’autres métiers, Actes du colloque du 17 octobre 2006, PUCA, 2006 5.


43 % des travaux portent sur des structures neuves et 57 % sur l’entretien et l’amélioration en 2014 (cf. chapitre I, partie 2). Comme indiqué dans le précédent rapport de l’Observatoire de la profession, ces chiffres traduisent une pénétration faible des architectes dans le secteur de la rénovation ou de la réhabilitation de bâtiments existants. Graphique 65 : Évolution de la proportion selon la nature des travaux, 2002-2014

* Depuis 2012, une ventilation des travaux plus détaillée a été prise en compte. La nouvelle rubrique « extension supérieure à 50 % » est ici regroupée avec les travaux neufs. L’évolution des travaux « neufs » en est impactée. Note de lecture : en 2014, les travaux neufs représentaient 73,3 % des travaux. Source : MAF Fig 1

Les chiffres de l’Ordre des Architectes 6

Au vu de la présence partielle de l’architecte dans ce domaine d’intervention, il s’agit à travers la réhabilitation de l’habitat à pan-de-bois, d’interroger le trio d’acteurs Architecte/Habitant/Entreprise, au regard de la rencontre de leur savoir-faire et de leurs intérêts respectifs. En admettant que l’intégration de différents enjeux dans le projet fasse partie du savoir-faire de l’architecte, et que les connaissances de chacun page 84 soient différentes, les actes de réhabilitation portés sur l’habitat à pan-de-bois peuvent au travers du chantier être porteurs de la rencontre des savoir-faire et de techniques spécifiques de chacun des acteurs et des métiers. Il s’agit alors, dans un contexte où il n’y a pas systématiquement d’architecte, de comprendre la place de chacun et l’influence de ces croisements de connaissances sur les objectifs et sur la réalisation des interventions. Trois hypothèses sont émises : • La technique constructive du pan-de-bois offre une souplesse d’adaptation de l’habitat. • La réhabilitation de cette technique ancestrale et maîtrisée appelle à des nouveaux savoir-faire. • Les spécificités de la réhabilitation de l’habitat à pan-de-bois appellent à l’intégration d’enjeux propres aux savoir-faire de l’architecte. Afin de tester cette hypothèse, une première partie rassemblera une base des connaissances de cette technique constructive, resserrant l’objet d’étude à l’habitat à pan-de-bois dans le milieu rural en Alsace. Connaître ses évolutions et les différences régionales et typologiques qui en découlent, ainsi que d’en discerner les différentes logiques constructives, exposera la variabilité de ces habitats et mettra en lumière les savoir-faire qui y sont associés. Ensuite, la réhabilitation sera abordée en portant un regard particulier sur la diversité des contextes et des critères d’interventions. Il s’agira de s’interroger sur les démarches, les techniques et les matériaux qui peuvent être employés. Cette partie présentera notamment l’étude de deux chantiers ayant un contexte similaire mais dont la différence notoire est la présence ou non de l’architecte dans le trio d’acteurs. Enfin, des enjeux liés à la préservation de cette architecture, à l’objectif des interventions ainsi que ceux liés aux particularités du cercle d’acteurs, seront regroupés dans une dernière partie. L’ensemble des parties s’appuieront également sur les retranscriptions d’entretiens avec la maîtrise d’ouvrage d’un des chantiers et avec la maîtrise d’oeuvre de l’autre. 6.

Sources des illustrations : page 142

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Le contexte de l’Alsace L’Alsace est une région de l’Est de la France qui a su tirer profit de sa situation géographique. Frontalière avec la Suisse et l’Allemagne et loin d’avoir été épargnée par les guerres, cette région autrefois Allemande se trouve à la croisée de différentes cultures. Les influences et les modèles ne l’ont pas destituée de son authenticité mais au contraire lui ont permis de se distinguer. De plus, l’Alsace est soumise aux écarts de température de son climat semi-continentale aux hivers rudes et aux étés très chauds. Elle se situe dans la zone sismique du fossé rhénan. Les contraintes climatiques et géographiques ont fait de son architecture traditionnelle une architecture locale et adaptée. La bonne inertie thermique de ces matériaux, les toitures à fortes pentes et la résistance sismique des constructions à pan-de-bois, en font une architecture d’autant plus pertinente pour cette région. Les communes alsaciennes aujourd’hui tirent pourtant un meilleur profit des démolitions et des reventes des terrains que des réhabilitations du bâti à pan-de-bois détérioré ou à l’abandon. En dehors des sites classés, l’Alsace se voit perdre toute une partie de son patrimoine régional. De nombreux habitants dénoncent ces démolitions et plusieurs associations voient le jour. L’ASMA, Association pour la Sauvegarde de la Maison Alsacienne née en 1972 et présidée par Benoît Josseaume, tente notamment de préserver le bâti ancien en Alsace à travers une série d’interventions diverses. Des conseils gratuits pour particuliers et collectivités jusqu’à la valorisation des réhabilitations exemplaires. Ainsi c’est à travers des partenariats et par des moyens très divers que de nombreux acteurs luttent chaque jour pour la préservation du caractère singulier de leur région. Des démarches intéressantes s’évertuent à lutter pour la préservation et la valorisation des pans-de-bois en Alsace à différentes échelles d’interventions. La plus significative de ces démarches se trouve dans le village d’Ungersheim dans le Haut-Rhin où l’Écomusée d’Alsace a vu le jour en 1971. « Face à la dégradation du patrimoine architectural de notre région, un groupe constitué majoritairement de jeunes étudiants en histoire et en archéologie décide d’agir afin de préserver et sauvegarder bon nombre de bâtiments (…) le groupe restaure ainsi des maisons abandonnées et en démonte d’autres vouées à la destruction. Sous cette impulsion est fondée l’association Maisons Paysannes d’Alsace, en 1973 »7 . Grâce à la mise à disposition d’un terrain en friche, les bénévoles de cette association ont entrepris de restituer des maisons préalablement démontées pour constituer au fur et à mesure des années un véritable musée à ciel ouvert. Ainsi, depuis une trentaine d’années la région d’Alsace cherche par différents moyens à protéger son patrimoine architectural traditionnel. La réhabilitation et l’adaptation de cette architecture font appel aux savoir-faire des architectes, des artisans et entreprises mais également à une sensibilisation des particuliers, ayant besoin de solutions durables qui préserveraient ce patrimoine des lois et du temps.

7.

“ L’histoire de l’Écomusée d’Alsace, d’hier à aujoud’hui ”, (www.ecomusee.alsace.fr), 2016



L’OBJET Le pan de bois Partie A

Les formes et échelles variables des bâtiments à pan-de-bois, bien qu’elles soient en partie résultantes d’une évolution structurelle, diffèrent également selon les régions, selon le milieu, rural ou urbain et selon les modes de vie et les usages qui s’y opèrent. Il est important de différencier le colombage du pan-de-bois. Le mode de construction dit à pande-bois a traversé les âges sous différentes formes et nominations. Plus connu sous le nom d’opus craticium pour l’époque Antique, l’on peut penser que cette technique appliquée aux étages des bâtiments d’habitation est née d’un besoin de trouver une alternative à la construction maçonnée trop couteuse et plus complexe dans sa mise en œuvre. Par la suite apparaît le terme colombage qui est utilisé pour désigner un ensemble de pans de bois. Il vient quant à lui du terme colombe attesté en 1334 au sens de jambage de porte, et plus lointainement du mot colonne.


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l’objet

Le pan de bois d’hier a aujourd’hui

A1

L’histoire du pan de bois a technique de construction à pan-de-bois apparaît en architecture dès l’Antiquité Romaine. Bien que disparue des sites antiques en ruine, ce mode de construction a su s’exporter au cours de l’histoire bien au-delà des frontières de l’Europe. À l’origine, cette architecture vernaculaire s’est développée dans une logique d’auto-construction par les habitants. Simple dans sa mise en œuvre car composé de matériaux légers et faciles à travailler, le pan-de-bois vu le jour bien avant les premiers architectes et fut principalement l’œuvre de maîtres charpentiers. Il est difficile de dater l’apparition du pande-bois dans la construction Française, ce qui pose alors la question de la datation des édifices encore présents aujourd’hui. Pouvant être déterminé grâce à différentes moyens, l’âge des bâtiments peut se faire par dendrochronologie, une méthode de datation extrêmement fiable et précise, adaptée aux natures de ces bâtis anciens. Il est aussi possible de se référer directement aux inscriptions sur les bâtiments, la datation par millésime. Enfin, certaines sources écrites constituent, elles aussi, des traces sur lesquelles il est possible de se fier. De cette manière la mise au point d’un « bref historique des études sur la maison en pande-bois en Alsace »8 liste chronologiquement les différentes études établies depuis plus d’un siècle et demi sur le pan-de-bois dont le professeur Franz Xaver Kraus (1840-1901) fut un des premiers à s’y intéresser en Alsace. Néanmoins, certaines hypothèses ont été émises quant à l’apparition de cette technique. En effet, alors qu’elle se place dans une logique d’économie de matériaux et de simplicité de mise en œuvre dès l’antiquité, « les fouilles archéologiques ont pu révéler la présence, dès le néolithique, de techniques de construction s’apparentant au pan-de-bois »9 .

L

ette technique a suivis une évolution à travers les âges. Bien qu’elle se soit faite de manière non linéaire et fut marquée par des ralentissements au cours du temps, la technique de pan-de-bois a finalement atteint son apogée au cours du XVIe siècle avec une intelligence technologique et une compréhension du matériau bois dont les performances étaient optimisées au mieux en ce temps. Au Moyen Âge cette technique connaît son âge d’or. La lecture que l’on peut en avoir aujourd’hui laisse apparaître l’utilisation de cette technique de construction comme la plus répandue et la plus démocratisée de cette époque notamment lorsqu’il s’agissait d’architecture domestique, rurale ou agricole. Toutefois, dès le XVIIe siècle et durant tout le XIXe siècle, les façades des maisons à pande-bois se sont vues être plâtrées et enduites afin de leur donner un aspect plus luxueux et moderne, imitant l’appareillage des façades en pierre. Mais outre l’aspect esthétique, en ville ce fut surtout pour la protection au feu. En effet, sans en donner la lecture, la ville de Paris par exemple accueille aujourd’hui un grand nombre de constructions à pan-de-bois mais elle n’en autorise cependant plus l’apparence en façade depuis un édit de 1607. Traversant les périodes antique, gothique et jusqu’à la renaissance, le pan-de-bois s’est vu s’adapter aux besoins et aux envies stylistiques, justifiant ainsi ses différentes typologies structurelles et formelles. Ainsi, la longue histoire de la construction à pan-de-bois lui a permis d’évoluer tant dans les milieux ruraux qu’urbains en atteignant un niveau de sophistication impressionnant. De plus, permettant des variantes structurelles et formelles, les maisons à pan-de-bois sont aussi devenues le support de véritables œuvres d’art en matière de sculpture sur bois. Jusqu’au XIXe siècle, cette technique a été utilisée.

C

FRITSCH Florent, HAEGEL Olivier, RAIMBAULT Jérôme, LOHRUM Burghard, WERLÉ Maxime, La maison en pan-de-bois, Lieux dits, Lyon, collection Clefs du Patrimoine d’Alsace, 2015 8. 9.

VALENTIN Jean-Louis, Le colombage, mode d’emploi, Eyrolles, 2012


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le pan-de-bois, d’hier à aujourd’hui

Toutefois, l’utilisation millénaire du bois dans la construction, qui fit preuve de ses capacités et de sa résistance, fut très rapidement détrôner par la période moderne et ses matériaux. Ainsi, les édifices à pan-de-bois sont devenus en quelques dizaines d’années des objets démodés, dépassés, n’ayant plus leur place dans les paysages urbains. Pourtant, la culture très ancienne du bois bien qu’au départ quelque peu rudimentaire n’a en rien à avoir honte au vu de l’épanouissement qu’elle avait connu au XIVe siècle. ’avènement de l’époque moderne, bien qu’occultant la construction à pan-de-bois, a permis au matériau bois de bénéficier de ses acquis technologiques. En effet, suite à l’industrialisation des techniques de construction, le bois est passé de son état brut à un état transformé, industrialisé, se découvrant de nouvelles possibilités de mise en œuvre. L’émergence de nouveaux modes constructifs a placé la construction à ossature bois comme héritière de la construction à pan-de-bois. Avec une application plus simple, l’ossature bois ne fait pas appel à un savoir-faire particulier quant à sa mise en œuvre. C’est alors l’artisanat qui est supplanté par l’industrialisation de la filière bois conduisant à la disparition d’un certain nombre

L

1. La hute

2. La maison fossé

Fig 2 Les ancêtres de l’habitat à pan-de-bois

de métiers et à l’oubli de savoir-faire. Frappées d’indignité, les constructions à pan-de-bois ont été systématiquement employées au cours de l’histoire, mais ont été rayées des pratiques courantes d’une rapidité sans égale. Les questionnements se multiplient depuis quelques années. La deuxième décennie du XXIe siècle dont les problématiques environnementales inquiètent, remet en cause nos modes de production et de consommation. En particulier dans le domaine du bâtiment, la redécouverte de matériaux traditionnels et de la production circulaire est à l’ordre du jour. La logique d’implantation en fonction du contexte topographique et climatique, l’utilisation de matériaux naturels et locaux ainsi que la pérennité de cette architecture donnent un certain exemple dont sont nombreuses les leçons à tirer. L’esthétique vernaculaire peut inspirer à tel point qu’aujourd’hui voient le jour des pastiches en tous genres. L’histoire du pan-de-bois, provenant d’une architecture non savante, commence bien avant les premiers architectes qui sont aujourd’hui confrontés aux enjeux de la réhabilitation du bâti ancien. Effectivement, le nouvel attrait pour le vernaculaire de la part des architectes remet en lumière certaines typologies constructives dont celle du pan-de-bois.

3. La hutte à poteaux

5. La maison à sablière et madriers verticaux entre les poteaux

4. La maison avec poteaux et murs de madriers


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l’objet

Les typologies du pan de bois Les formes et échelles variables des bâtiments à pan-de-bois, bien qu’elles soient en partie résultantes d’une évolution structurelle, diffèrent également selon les régions, selon le milieu (rural ou urbain) et selon les modes de vie et usages qui s’y opèrent y pologies régionales: Ty piquement en Normandie les panneaux présentent une trame régulière et uniquement composée d’éléments verticaux très rapprochés. De cette manière le remplissage (hourdage ou hourdi), partie la plus fragile ne compose que 50% de la façade. La diminution de la surface de remplissage et l’augmentation de la surface d’éléments, bien que gourmandes en bois, permettaient de renforcer la résistance du bâtiment en cas d’attaque. En effet l’insécurité au Moyen Âge obligeait la conception des pans à se faire de la sorte, dite «bois pour bois» ou «tant plein que vide». Ce sont aussi les sections de ces pièces qui sont variables. «On vérifie cette hypothèse en constatant que certaines «maisons fortes» médiévales (...) construites en pan-de-bois réduisent l’écartement entre les pièces verticales et en augmentent la section»10. À l’inverse dans d’autres régions la subdivision des panneaux s’opère par des éléments principalement horizontaux (lisses), tel que dans le sud de l’Alsace. «Cette pratique qui marque prioritairement la partie haute des bâtiments, semble, par son aspect fruste, être le fait d’époques plus anciennes». Dans certains cas le confortement des panneaux, c’est-à-dire les pièces servant de contreventement, assurant leur stabilité, se fait par l’utilisation de pièces obliques. Il peut s’agir d’écharpes, d’éperons, de liens, de guettes, de croix

T

Normandie

Fig 3 Dominante verticale type

“tant plein que vide”

Alsace

de Saint-André, etc. Selon leurs dispositions et leurs répétitions, ces pièces apportent leurs spécificités régionales aux bâtisses. La multiplicité de leur organisation introduit une grande souplesse quant aux variantes esthétiques et statiques possibles. S’ajoutent à cela les éléments de décor. Raccordés généralement aux décharges de contreventement, les éléments de décor suivent un objectif double: d’une part esthétique et symbolique en fonction des régions et des envies particulières de certains clients, d’autres par un objectif structurel. Ils se voyaient effectivement attribués de fonctions techniques, renforçant les assemblages des différentes pièces de l’ossature. L’art très abouti du décor du pan-de-bois a pu se développer essentiellement en Alsace mais aussi en Normandie, en Bretagne et en Champagne. Plusieurs critères sont à l’origine de ces différences, économiques, climatiques, géographiques, sociales. Les expressions régionales de cette technique constructive varient également fortement à une échelle territoriale plus réduite. La région de l’Alsace par exemple se divise en certain nombre de sous-régions. Elles se distinguent par la nature des sols, par les conditions climatiques et par le contexte économique qui dépendent des deux premiers critères. Chacun de ces pays présentent des caractéristiques architecturales différentes et notamment dans le pande-bois, du plus modeste au plus orné. Ainsi, les bourgs des vignobles très touristiques aujourd’hui sont riches en ornementation du fait de leur situation économique, c’est-à-dire de la prospérité des activités commerciales et de la viticulture. ypologies selon les morphologies urbaines: L es maisons à pa n- de -bois savent morphologiquement s’adapter aussi bien au milieu rural qu’urbain. Pour en comprendre les spécificités, il est à préciser qu’elles ne reflètent pas le statut administratif de la commune dans lequel elles s’insèrent. Les morphologies se différencient en générant deux types de tissus bâtis. C’est d’un point de vue morphologique et non pas administratif qu’ici il faut entendre le sens des mots urbain et rural.

T

Fig 4 Dominante horizontale et

triangulation

10. VALENTIN Jean-Louis, Le colombage, mode d’emploi, Eyrolles, 2012


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le pan-de-bois, d’hier à aujourd’hui

combles

étages

Les deux typologies se distinguent suivant la morphologie urbaine générale. Cette dernière est directement liée à son mode d’expansion. Selon le développement du tissu bâti linéaire ou concentrique, se présentent respectivement deux morphologies bâties : les maisons mitoyennes en alignement sur rue et les maisons individuelles isolées. L’architecture à pan-de-bois est capable de fabriquer ainsi une riche variété de paysages, des plus ruraux aux plus urbains. De plus, suivant cette catégorisation se discernent également des sous-typologies parmi les maisons à pan-de-bois individuelles. Dans un tissu rural, les propriétés peuvent se composer de plusieurs corps de bâti, séparés ou non sur une même parcelle. Découlant des usages, il est fréquent d’avoir un corps de bâti principal en front de parcelle et un corps de bâti en retrait faisant office de grange. Les fonctions d’habitations et agricoles s’entremêlant traditionnellement dans l’architecture vernaculaire. uant à l'organisation intérieure, de la maison archaïque et monopièce à la maison alsacienne traditionnelle, l’évolution de cette architecture vernaculaire annonce les prémices d’une sorte de standardisation de l’habitat. Sa composition spatiale s’est développée selon les exigences fonctionnelles et climatiques aboutissant dès le XIVe siècle à un plan traditionnel type répandu à travers toute l’Alsace. La pièce principale, appelée la Stube en alsacien était la seule pièce chauffée de la maison avec la cuisine. Le lambrissage des parois et du plafond de cette pièce, renforçant son isolation, contribuait également à l’atmosphère chaleureuse de la maison. « C’est la pièce qui semble avoir fait le plus tôt l’objet d’une séparation propre au sein de la maison »11 . Au cœur de la vie domestique, son implantation et son orientation ne sont en rien laissées au hasard. Alors que l’entrée se fait généralement par la façade secondaire, la Stube occupe parfois toute la largeur de la façade principale sur la rue. Lorsque la maison est implantée à l’angle de deux rues, c’est dans celui-ci qu’elle trouvera sa place privilégiée, en ville comme à la campagne.

Q

fumoir

“Kunst”

hotte

“Kàmmer”

“Kuchà”

cuisinière

Fig 5 Coupe du mur coupe-feu traditionnel

D’influence germanique, les Stuben semblent atteindre les limites de leur expansion occidentale en Alsace, dont les plus anciennes recensées sont datée du milieu du XIVe siècle. C’est le Kaecheloffe, poêle traditionnel alsacien, qui servait à chauffer cette pièce principale. Il tirait sa chaleur indirectement du fourneau de la cuisine auquel il était relié par un conduit qui traversait un mur pare-feu. Ce mur séparant la Stube de la cuisine était l’unique mur maçonné dans les maisons à pan-de-bois. Les autres pièces, non chauffées, généraient des zones intermédiaires favorisant la préservation de la chaleur au sein de la Stube. Le confort thermique en hiver n’étant pas négligeable dans une région telle que l’Alsace, les maisons vernaculaires ont donc atteint un niveau de sophistication remarquable en matière de chauffage dès le XVe siècle. La logique de composition spatiale découlant ainsi d’un raisonnement économe en matière de confort et d’énergie. raditionnellement, les maisons se construisaient selon les ressources locales disponibles. Le bâti en pierre, étant fortement présent en Alsace, ne peut être ignoré du patrimoine architectural vernaculaire lorsque l’on parle de la technique du pan-de-bois. De ce fait, des typologies constructives hybrides sont présentes dans toute la région, les paysages se composant de ces deux matérialités en termes d’architecture.

T

FRITSCH Florent, HAEGEL Olivier, RAIMBAULT Jérôme, LOHRUM Burghard, WERLÉ Maxime, La maison en pan-de-bois, Lieux dits, Lyon, collection Clefs du Patrimoine d’Alsace, 2015 11.


Fig 7 Morphologie d’un tissu rural, commune de Brunstat, plan 1/5000e

LA PIERRE ET LE PAN DE BOIS

“peuvent être

considérés comme deux expressions d’une même architecture dont ils constitueraient les 13 extrêmes.”

100% Pierre

100% Bois

Fig 6 Un volume, deux expressions

Le bois et la pierre aux caractéristiques physiques et esthétiques différentes, n’en sont pas moins complémentaires. Bien au contraire, de nombreuses villes et villages présentent une multitude de maisons que l’on peut qualifier de mixtes, construites simultanément en pierre et en pan-de-bois. Une sorte d’hybridation étant déjà ancrée dans la tradition, ces typologies constructives, constituent à divers degrés, les étapes intermédiaires entre l’architecture en pierre et celle en pan-de-bois. De la sorte, il est courant que

les maisons à pan-de-bois reposant habituellement sur un solin maçonné se munissent d’un rez-dechaussée entièrement en pierre. « On bâtissait généralement avec ce que l’on trouvait le plus facilement sur place ; la maison à colombages n’a pas le monopole de l’alsacianité. »12 Dans d’autres cas, les maisons en pierre dont la charpente est toujours en bois, se munissent parfois d’un dernier étage constitué en pande-bois. Le pan-de-bois, plus léger et moins couteux que la construction en pierre mais moins

12. CLADEN Rémy, Comprendre la maison alsacienne à travers l’exemple sundgauvien, Support de cours pour les étudiants d’UP6 (ENSA

Paris la Villette) en stage patrimoine avec le Centre Européen de formation P.A.R.T.I.R à l’Ecomusée d’Alsace, 1996 et 1997


1

2

3

Fig 9 Les typologies bâties

LES MORPHOLOGIES URBAINES

“On a des villages

1.La maison urbaine en mitoyenneté 2.La maison rurale isolée (dit aussi ferme-bloc) 3.L’ensemble de corps bâti (dit aussi ferme-cour)

aujourd’hui tels que Eguisheim, où c’est urbain du point de vue de l’urbanisme mais selon l’INSEE c’est un village et inversement pour Brunstatt, c’est urbain du point de vue de l’INSEE mais au niveau structurel et du tissu urbain, c’est un 14 village.” résistant à l’humidité du sol a longtemps été considéré face à la pierre comme une architecture de grange et de grenier. Il connait un nouvel essor quant à l’image typique régionale qu’il renvoie aujourd’hui. Au point même qu’un grand nombre de maisons en pierre se sont vu recouvrir ces dernières années par des éléments imitant le pan-de-bois dans un seul but d’esthétisation, pour faire plus alsacien. Il peut être remarqué en déambulant dans les villages alsaciens que ce maquillage de colombages concerne souvent les 13. CLADEN Rémy, Entretien n°2, 2018 (voir p. 106) 14. Ibid.

Fig 8 Morphologie tissu urbain, commune de Éguisheim, plan 1/5000e

bâtiments abritant des bars, cafés et restaurants. Au-delà de la question subjective et esthétique que soulèvent ces éléments rajoutés, ils révèlent surtout de l’incompréhension architecturale généralisée à laquelle est parvenue notre société. La disparition des savoir-faire et des connaissances ancestrales de l’art de bâtir étant ainsi inévitable. Les acteurs défenseurs de ce patrimoine sont nombreux et cherchent autant à soulever des questions techniques que pédagogiques, patrimoniales, environnementales, sociales, et politiques.


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l’objet

Une technique constructive variable A2 La lisibilite du pan de bois aché, protégé, visible, le pan-de-bois peut se présenter de différents manières. Premièrement, Il s’est vu être caché pour de diverses raisons. Aucun indice ne permet de déchiffrer la façade et donc de se douter de la nature de la structure. Certains pan-de-bois n’ont pas été édifiés dans une volonté d’être vu. Destinés à rester couverts par un clayonnage fixé sur la charpente, les éléments de la structure sont généralement de mauvaise qualité ou issus de réemploi, sans intérêt esthétique particulier. Ainsi, seule la dégradation des enduits laisse à deviner la structure du bâtiment. Il ne faut pas confondre cette situation avec celle des milieux urbains qui se sont vus être soumis à des règlementations sur la construction au cours du XVIIIe siècle. Dans les centres urbains les structures à pan-de-bois étaient généralement destinées à être vues, mais ce sont les questions de protection contre la propagation des incendies qui ont réduit considérablement le nombre de structures à pan-de-bois visibles en ville. Dès le début du siècle se dressent des projets de réaménagement des villes, orchestrés par les architectes et ingénieurs de l’Armée et ceux des Ponts et Chaussées (créé en 1716). « Ils planifient l’alignement des façades, l’élargissement des rues et le percement de vastes places. Les encorbellements et tous les éléments en saillie sur la rue (…), sont interdits à la construction et doivent être supprimés dans les cas de rénovations »15 . La construction urbaine va alors privilégier le matériau pierre, accompagnée de l’ouverture de carrières et d’aménagements facilitant le transport de ce matériau. Mais les règles ne se sont pas appliquées dans les milieux ruraux. À la campagne, le droit de marnage était encore en vigueur. Il autorisait chaque bourgeois à se servir du bois dans la forêt communale pour construire son habitation.Ainsi, la technique constructive a su être perpétuée dans ses milieux en lui donnant une image cam-

C

pagnarde. De là, la période de la Renaissance s’accompagne d’une vision archaïque de ces édifices, les cachant alors sous les revêtements imitant la pierre appareillée pour des raisons finalement esthétiques. Deuxièmement, le pan-de-bois protégé. C’est autant la manière de cacher la structure que les raisons qui y ont poussé, qui différencient le protégé du caché. De nombreux exemples en Normandie, en Bretagne et en Champagne témoignent encore de cette manière de recouvrir les façades les plus exposées aux vents, les protégeant ainsi de l’humidité et des infiltrations d’eau. La méthode consiste à clouer directement sur les éléments de l’ossature un essentage. Il s’agit d’utiliser des matériaux habituellement utilisés pour les couvertures sur un mur extérieur. Des tuileaux de terre cuite, des ardoises ou encore des bardeaux de bois par exemple. Parfois, sur une même bâtisse, il se peut qu’une seule des façades (la plus importante à protéger) se voie attribuer un recouvrement tandis que les autres pans restent lisibles. La troisième déclinaison consiste simplement à laisser le pan-de-bois visible en n’enduisant que le remplissage. La structure lisible en façade étant la manière de faire la plus répandue en France, ne se veut pourtant pas être la même partout. Les éléments de subdivisions des panneaux, les éléments de confortement et les éléments de décor qui diffèrent les uns des autres, révèlent des styles régionaux reconnaissables. La distinction se fait quant à la densité de pièces verticales ou par la composition de l’ossature en elle-même. Une grande partie du territoire français est concernée par le pan-de-bois et ce principe constructif se retrouve tant dans les milieux ruraux qu’urbains. Bien qu’il soit plus représenté dans certaines régions françaises que d’autres, cette technique ne se veut pas obligatoirement reconnaissable. Tantôt lisible en façade, tantôt caché, ce sont de multiples raisons qui ont poussé le pan-de-bois à se recouvrir

15. FRITSCH Florent, HAEGEL Olivier, RAIMBAULT Jérôme, LOHRUM Burghard, WERLÉ Maxime, La maison en

pan-de-bois, Lieux dits, Lyon, collection Clefs du Patrimoine d’Alsace, 2015


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une technique constructive variable

d’enduit, le plus souvent dans les milieux urbains comme à Paris. Mais outre le nombre d’édifices en pan-de-bois dissimulés, ceux pour lesquels, la structure reste lisible, n’en donnent pas moins des compositions structurelles diversifiés. En effet, même si le principe constructif reste identique, les marques bâties selon les régions se distinguent fortement et les déclinaisons esthétiques, structurelles et formelles démontre la souplesse constructive de cette technique. a technique de construction à pan-de-bois, ayant traversé plusieurs siècles, s’est vue évoluer au fur et à mesure du temps de manière non linéaire. Héritière de cette culture très ancienne du bois, elle fit d’abord appel à des techniques rudimentaires puis trouva rapidement son épanouissement et offrit dans les assemblages des pièces de mise en œuvre une sophistication poussée à l’extrême. Les raisons de cette mutation sont multiples.

L

Structure archaïque

Fig 10 L’évolution de la structure

De manière générale le pan-de-bois se constitue d’une ossature de bois faite de sablières hautes et basses, de poteaux de décharges et de tournisses composant la structure principale du bâtiment. Le hourdage jouant le rôle de remplissage et de raidisseur est fait de briques crues, de moellons ou de matériaux légers comme le torchis ou le plâtre. La technique à bois longs, lorsque les montants sont continus sur plusieurs niveaux se différencie de la technique à bois courts. Les longs bois découlent des structure à pan-de-bois archaïques. Ils se sont vus substitués à la technique des bois courts, les poteaux ne faisant plus que la hauteur d’un étage et permettant ainsi la démultiplication de ces derniers. En effet, la rareté des sections de bois de très grande hauteur amplifia leur substitution, mais il s’agissait aussi de permettre l’intégration de l’encorbellement, c’est-à-dire, la mise en porte-à-faux des planchers au fur et à mesure que l’on montait dans les étages.

Structure à bois longs

Structure à bois courts


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l’objet

Classification structurelle

Jacques Fredet et Jean-Christophe Laurent

TYPE 1

TYPE 2

Fig 11 Superposition des cadres porteurs de plancher, avec ou sans

Fig 13 Superposition de cadre porteurs ou non de plancher. Cadres directement

encorbellement. Superposés par l’intermédiaire des abouts de solive. Pan de

superposés sablière sur sablière. Encorbellement possible avec poteau pigeâtes

bois porteur de plancher. Transfert de charge par compression transversale des

(à tête élargie). Mais implique solive sur sablière haute.

abouts de solive.

TYPE 1 BIS Fig 12 Superposition de cadres porteurs de plancher, avec long bois. Poteaux filant sur plusieurs étages (poteaux montant de fond). Cadre à traverse multiple

TYPE 2 BIS Fig 14 Superposition de cadres porteurs ou non, avec long bois. Sablières directement superposées. Descente de charge par les poteaux directement.

(plusieurs sablières).

Encorbellement impossible.

rincipes statiques: Les constructions à pande-bois, aussi diverses soient-elles, peuvent se classifier selon les différents rôles que jouent les pans dans la composition des parois verticales. Jacques Fredet et Jean-Christophe Laurent16 par exemple classifient les pan-de-bois selon leurs différents principes statiques. L’amélioration des connaissances du matériau bois, de la géométrie, de la statique et la découverte

de la complémentarité des caractéristiques physiques des matériaux a amené le pan-de-bois à s’améliorer au fil du temps. De la sorte, il s’est adapté aux conditions et aux disponibilités matérielles de son contexte mais aussi aux besoins et usages auxquels il devait répondre. Il existe différentes classifications des structures à pan-de-bois. Jacques Fredet et JeanChristophe Laurent propose une classification

P

16. FREDET Jacques et LAURENT Jean-Christophe, Guide du diagnostic des structures dans les bâtiments d’habitation anciens, Le moni-

teur, 2013, pp.346-349.


une technique constructive variable

TYPE 3

TYPE 4

Fig 15 Superposition de portiques porteurs ou non de plancher. Portique à

Fig 17 Superposition de portiques porteurs de plancher, avec sablière de

montants multiples. Descente d’un portique à l’autre nécessite sablière à la

chambrée.

compression transversale. Si porteur de plancher, abouts de solive reposant sur les sablières du portique inférieur. Abouts de solive posés dans les espaces laissés libres par les poteaux et les écharpes.

TYPE 3 BIS

TYPE 4 BIS

Fig 16 Superposition de portiques porteurs ou non, avec long bois. Entretoise

Fig 18 Superposition de portiques porteurs de plancher, avec sablière de

(>> sablière de chambrée) à quelque décimètre du dessus de la sablière haute.

chambrée et long bois.

Particulièrement courant à Paris.

selon ; la superposition des cadres, (s’ils sont porteurs ou non), le type bois longs ou bois courts, la présence ou non de l’encorbellement, les portiques (porteurs ou non) de plancher. Deux logiques sont dégagées. D’abord celles où le portique est à montants multiples, ensuite celles où le cadre est à montants multiples. Cette dernière permet la mise en place d’un encorbellement là où la première logique ne le permet pas.

Une fois ces logiques définies, ils mettent en place une fine classification tenant en compte la fragilité des sablières en compression transversale ainsi que de la résistance apportée par les poteaux continus travaillant en compression axiale ou en flexion verticale.

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l’objet

L’ossature en bois Le pan-de-bois est composé d’une ossature de bois dont les sections se disposent de manière verticale, horizontale et oblique. Elle repose constamment sur un soubassement en maçonnerie de sorte à ce qu’elle soit mise à distance de l’humidité du sol. Entre la structure en bois, les vides sont remplis par les hourdis dont la composition et les matériaux diffèrent suivant les habitudes locales et la qualité de la construction. e bois, vertus, préparation et savoir-faire: Le bois dans la construction, en comparaison avec la pierre, a toujours été considéré comme un matériau peu noble, à la portée de tous et limité quant à sa performance au feu, à sa pérennité dans le temps et à sa résistance en cas d’attaque. Relégué alors aux architectures ordinaires quotidiennes et domestiques est né avec le bois tout un savoir-faire constructif qui s’est développé de manière non savante. En effet, des sites antiques et romains jusqu’aux vastes temples d’Angkor Wat au Cambodge, toutes les parties d’habitations édifiées à l’origine en bois ont disparu. Ce sont généralement les maisons rurales, les corps de ferme et les granges qui se sont fait le plus souvent en pan-de-bois, mais parfois aussi des habitations urbaines sur plusieurs étages de types accolées et qui constituent une grande partie aujourd’hui du patrimoine classé des villes alsaciennes. Bien qu’il donne l’image d’un matériau non pérenne, il ne faut pas oublier qu’en comparaison avec l’obsolescence des certains bâtiments contemporains en béton, le bois fait encore ses preuves un peu partout en France. Des bâtisses en pan-de-bois de plus de 400 à 600 ans se tiennent encore debout dans le paysage Français. Rappelant ainsi sa capacité à être un matériau pérenne, le bois doit pourtant être préparé et protégé avec soin. De ce fait, les questions de savoir-faire et de métiers liés au travail du bois appellent à être transmis encore aujourd’hui dans un souci de conservation de nos bâtiments. Traditionnellement, le savoir-faire des charpentiers dans la maîtrise du matériau bois se transmet de génération en génération prenant en compte le cycle de vie des arbres. Les outils et techniques n’ayant pratiquement pas évolués de

L

la fin du XIIIe siècle au XIXe siècle, le travail du bois mécanisé et usiné remplacera le savoir-faire et provoquera l’abandon de ces modes de production du bois dans la construction. « L’arrière-grand-père le plante, le grand-père en profite et en prend soin, le père lui aussi en tire profit puis il l’abat, le fils enfin, après l’avoir tenu en réserve, le met en œuvre »17 . Était désigné comme bon charpentier celui qui, à son tour, plantait des arbres. L’essence de bois participe évidemment aux différences régionales des constructions à pande-bois. Le chêne est assurément l’arbre privilégié pour l’utilisation en bois d’œuvre. En raison de sa résistance et de son caractère imputrescible s’il est correctement mis en œuvre, il l’emporte prioritairement sur les autres essences. Lorsqu’il manquait, le châtaignier voire le peuplier ou le pin s’y substituait. Bien qu’il soit plus difficile de travailler le chêne que les bois résineux du fait de sa pousse non rectiligne, il est bien plus résistant aux intempéries. Pour les maisons à pans-de-bois en Alsace, le bois est issu des forêts vosgiennes dont les essences principales sont le chêne, le sapin, l’épicéa, le pin et le hêtre. Afin d’en tirer encore de meilleures capacités de résistance, le chêne peut être prélevé en lisière où, non protégé des vents et subissant les intempéries, il accroît ses résistances. Sa caractéristique noueuse et courbe et les sections de petites longueurs le rendent reconnaissable parmi d’autres. Il est par ailleurs capable, en plus de supporter de fortes charges, de résister aux attaques fongiques et bactériologiques ainsi qu’aux insectes xylophages. Idéalement utilisé pour les supports isolés, il se met en œuvre notamment sous forme de poteau, sablière murale et chambranle de fenêtre. Il se prête également en intérieur pour les menuiseries, alors employé en lambris. De plus, il n’est pas rare qu’une même construction en pan-de-bois s’édifie de l’association de plusieurs essences. Employée ainsi de façon complémentaire, le sapin, l’épicéa et le chêne mettent chacun au service d’une construction les propriétés et qualités qui leur sont propres.

WEISS Walter, Construire la maison : les ABC de l’Ecomusée d’Alsace, traduction FISCHER Thierry, GOETZ Michèle, SCHNEIDER André, Bahy, 1991, 17.


une technique constructive variable

Fig 19 Reconstitution d’une scène de préparation d’un pan-de-bois à l’ECOMUSEE d’Alsace

L’abattage du bois fait appel à des règles bien spécifiques. De novembre à février voire mars, la sève est basse et les feuilles sont tombées, c’est donc le moment le plus approprié pour procéder à l’abattage puisque l’arbre est peu gorgé de sève et le plus chargé en résine. Cette période est la plus propice également quant à sa faible sensibilité aux attaques des parasites. Aussi, le poids de l’arbre est au plus bas à ce moment-là et facilite le travail des bûcherons. Ensuite, afin de sortir le bois du lieu de coupe, il faut procéder à la vidange suivant des méthodes différentes en fonction du contexte, qu’il soit montagneux ou plutôt en plaine. L’étape suivante de l’équarrissage et du débitage des planches consiste à transformer le tronc de forme cylindrique en parallélépipède si possible peu de temps après son abattage lorsque le bois est encore vert. Le bois de chêne par exemple, peut être ensuite stocké deux voire trois ans sans subir d’altérations. Le transport du bois, selon l’éloignement entre le lieu de coupe et les chantiers de construction, fait appel à « des modes de transport éprouvés »18. Les deux seuls transports utilisables pour le bois étaient le transport terrestre et/ou fluvial jusqu’au XIXe siècle, souvent combinés, le voiturage

pour les courtes distances et le flottage pour les plus longues. Ce dernier tire parti du caractère flottant du bois permettant un transport moins laborieux et moins coûteux tout en acheminant jusqu’au cœur des centres urbains autant de bois que nécessaire. Le séchage final peut s’achever même une fois le bois déjà mis en œuvre dans la construction. De ce fait, les charpentiers utilisent si possible des bois de réemploi, cherchant à retravailler un minimum matière. La métier de charpentier ne concerne pas uniquement la charpente. Déjà pour les pande-bois ils ne se préoccupaient pas uniquement de la toiture mais dors et déjà des façades. Par contre la pratique actuelle de ce métier tend à le réduire à un simple métier d’assembleur, de cloueur, de viseur. La main d’œuvre qualifiée se raréfie, puisque très peu de projet nécessitent de tels savoir-faire. Lorsqu’ils interviennent sur le bâti ancien, selon la commande, leur compétences en assemblages traditionnelles sont recherchées. Cela conduisant directement à une hausses des prix qui appuie d’autant plus l’abandon des techniques constructives traditionnelles lors d’interventions sur l’existant.

18. FRITSCH Florent, HAEGEL Olivier, RAIMBAULT Jérôme, LOHRUM Burghard, WERLÉ Maxime, La maison en

pan-de-bois, Lieux dits, Lyon, collection Clefs du Patrimoine d’Alsace, 2015

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l’objet

Fig 20 Vocabulaire du pan-de-bois

Avec le développement des assemblages contemporains et industrialisés, le bois est devenu un centre d’intérêt pour les ingénieurs également, s’inspirant des assemblages des structures métalliques pour l’appliquer sur ce matériau. Ces nouveaux assemblages ont permis de donner un nouveaux souffle à la construction en bois. D’une part, les assemblages sont nettement plus résistant et il permettent d’autre part de réduire les sections de bois utilisés. iérarchisation des éléments: L’ossature se compose de deux familles de pièces en bois. D’une part, les pièces structurelles et d’autre part, les pièces de remplissage. Les pièces structurelles participent à la bonne tenue de l’édifice, en reprenant à la fois son poids propre, les surcharges et les efforts horizontaux dus au vent, aux poussées et forces induites. L’al-

H

tération ou la suppression de l’une de ces pièces mettrait en péril le bâtiment et conduirait à sa mise en ruine partielle ou totale. Elles permettent de retransmettre les forces au soubassement maçonné qui à son tour retransmet la totalité des charges au sol. Dites de premier ordre dans la classification des éléments constituants l’ossature, il s’agit de pièces horizontales, verticales ainsi qu’obliques. Les pièces horizontales retransmettent les charges aux poteaux verticaux. Le contreventement peut quant à lui se faire par triangulation. Ensuite, les pièces dites de second ordre, appelées également pièce de remplage ou pièce de remplissage viennent partitionner les cadres créés par la composition des pièces structurelles ce qui subdivise les parois et les planchers. Ne remplissant pas nécessairement de fonction statique, elles sont pourtant essentielles à la consolidation du bâ-


une technique constructive variable

timent, tout en composant les espaces nécessaires aux placements des fenêtres. Font partie de cette catégorie les entretoises, les poteaux d’huisseries, les appuis, les montants et les linteaux de baies, ou encore les chevêtres d’escalier et de cheminée. Le remplacement de ces pièces peut s’opérer sans difficulté et sans risque de remise en cause de la stabilité de l’ouvrage à condition que les pièces du premier ordre soient en bon état de conservation. Viennent s’y ajouter les pièces de bois décoratives. N’assurant aucun rôle structurel ou porteur, elles permettent néanmoins, comme mentionné précédemment, de jouer un rôle secondaire de renforcement, de contreventement ou de remplissage. Elles sont le reflet des goûts et des savoir-faire artisanaux de leurs époques et de leurs territoires respectifs. omme toute technique de construction, c el le du pa n- de -b oi s né c e s site s on propre vocabulaire. Véritable dictionnaire de charpentier, la lecture des pièces d’un pande-bois ne s’appréhende pas facilement mais est indispensable à la communication lors de la construction et d’autant plus dans le cas d’une réhabilitation. Néanmoins, les termes techniques, d’origines lointaines, proviennent aussi de certaines interprétations régionales, souvent déformés de leur vrai terme scientifique de départ. Comme exprimé précédent, les colombes, pièces verticales entre deux sablières, viennent à l’origine du mot columna désignant la colonne, ce qui donna par défaut de langage l’appellation la plus répandue de colombage pour parler des constructions à pan-de-bois. Un des éléments essentiels, dont le nom se décline en fonction de son positionnement dans le pan-de-bois, est la sablière désignant les pièces de bois horizontales principales. De la sablière de seuil, en passant par la sablière d’encorbellement, jusqu’à la sablière de chambrée le terme vient de sable. Probablement du fait que les sablières de seuil étaient, aux prémisses de la construction à pan-de-bois, directement posées au sol. Aujourd’hui, il est courant d’employer aussi les termes de sablière basse, de sablière d’étage et de sablière haute pour simplifier la désignation de la sablière en fonction de sa hauteur (dites aussi traverse). Les décharges, comme leur

C

nom l’indique, transmettent les charges des parties supérieures du bâtiment de sablière en sablière, pouvant être mises en relation aussi avec les poteaux porteurs. La préparation de toutes ces pièces de bois demande une attention toute particulière de la part des charpentiers, évaluant, détaillant et marquant les pièces. En fonction du projet, ils feront le débit du bois, que ce soit pour une restauration partielle ou une construction neuve. Tantôt de bois neuf, tantôt de bois ancien ou de récupération, les pièces sont sélectionnées avec précision par rapport à leurs caractéristiques. L’essence, la section, la qualité, la résistance rendent le choix des pièces, singulier en fonction du rôle qu’elles auront à jouer dans l’ouvrage, que ce soit statique ou esthétique. Ensuite, les pièces ainsi que les tenons, mortaises, trous de cheville et rainurages de blocage sont façonnés en atelier suivant une épure, plan à échelle réduite et l’étalon (ou ételon). Celui-ci, un tracé en grandeur réelle au sol, permet de procéder

Fig 21 Assemblage à l’angle d’une construction à pan-de-bois

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l’objet

Fig 22 Déclinaison des assemblages traditionnels en bois

à l’assemblage des façades à plat. Une à une, elles sont mises dedans à blanc préalablement à leur remontage sur site, ce qui sert à la vérification des liaisons et au réajustement des pièces si nécessaire. Ainsi, les assemblages en bois, véritable savoir-faire de complexités variables, relient les pièces les unes aux autres dans un souci d’accorder une certaine souplesse à la structure. Fonctionnant de la même manière que des articulations, ces assemblages permettent au bâtiment de subir des déformations importantes sans dommage.

Les éléments de l’ossature du pan-de-bois, dont les pièces structurelles, de remplissages mais aussi les éléments de confortement, liens, guettes et éperons, s’assemblent généralement à tenon et mortaise chevillés. Les tournisses, poteaux verticaux de remplissage, reliant une sablière (horizontale) à une écharpe ou une décharge (oblique), s’assemblent de biais sur ces dernières par un assemblage à oulices et sont chevillés ensuite. Dans le cas d’une restauration ou d’une réhabilitation, il arrive que certaines pièces doivent


une technique constructive variable

être remplacées partiellement ou dans leur totalité. Dans ce cas, pour assembler à la pièce existante l’autre élément bout à bout, on utilise d’autres types d’assemblages puisque les pièces ne se croisent pas. Le raccordement se fait alors par enture à sifflet ou par enture à trait de Jupiter. Les principaux types d’assemblages des sablières et des pièces de pande-bois en usage au XVIIIe et au XIXe siècle sont les suivants; l’assemblage à mi-bois d’angle droit, l’assemblage d’angle à trait de Jupiter, l’assemblage en entaille traversante, l’assemblage à entailles

cruciformes, l’assemblage à tenon traversant et clavette, l’assemblage à tenon et mortaise. Mais la conception de l’angle entre deux façades pose le problème des diverses forces de traction qui doivent être contrariées. Ainsi, les assemblages se complexifiant sont riches dans leurs déclinaisons.

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l’objet

Les materiaux et leur complementarite

A3

Du soubassement a la couverture orsque la totalité du bâtiment est construite selon la technique du pan-de-bois, rez-dechaussée compris, il repose tout de même sur un solin maçonné. Celui-ci protège la structure en bois de l’humidité du sol. Cette solution de séparation entre le sol et la maison par le cadre de sablière sur des fondations en pierre fut un perfectionnement décisif dans l’évolution de l’habitat. Du fait que ces fondations étaient aux prémices de l’architecture, en sable, le terme sablière est utilisé pour désigner la traverse horizontale basse qui y repose. La maçonnerie de ce soubassement peut être monolithique ou hétérogène avec un mélange de moellons de pierre, de galets ou de briques et parfois même en pierre de taille. Pour allier économie matérielle, financière et logique constructive, sont parfois ajoutées des fortes sections en pierre appelées Dé aux pieds des poteaux. Ils sont de forme variée et les matériaux qui les composent proviennent généralement du sous-sol avoisinant ou des productions alentours. Désormais, ces matériaux traditionnels sont souvent remplacés par des soubassements en ciment mais surtout, au vu de l’âge avancé de certaines maisons, il arrive que les solins disparaissent sous la chaussée.

Notamment en milieu urbain, la stratification successive des couches de revêtement des rues entraîne un enfouissement des solins qui ne peuvent plus jouer leur rôle protecteur. Les pièces de bois en partie basse se retrouvant en contact avec le sol, elles sont directement soumises à l’eau et l’humidité stagnante, entrainant dans certaines situations des déformations notoires de tout l’édifice. Il est impératif pour la bonne tenue du bâtiment en pan-de-bois que le solin, sa fondation, soit évidemment en bon état, mais surtout que sa partie supérieure soit hors-sol. La qualité d’exécution et le potentiel esthétique de ce dernier varient, d’une grande délicatesse dans les jeux d’alternance de couleurs à une grande rigueur lorsqu’il se munit de pierres de chaînage d’angles. Par ailleurs, la montée du niveau des sols à l’intérieur des bâtiments peut empêcher le solin de protéger le bois de l’ossature des remontées capillaires. Ceci conduit à l’affaissement de la sablière basse. La hauteur du plancher intérieur du rez-de-chaussée ne doit en aucun cas dépasser le niveau du solin maçonné. C’est lui qui donne le niveau de référence pour le sol intérieur de l’habitation.

Fig 23 Ruine de la sablière basse et du pied de poteau causé par un enduit de

Fig 24 Affaissement de la sablière basse dû aux remontées capillaires

ciment recouvrant le solin

d’humidité et de la modification du niveau du sol

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les matériaux et leur complémentarité

n alsace, les conditions climatiques sont la première cause de différenciation des toitures. Les maisons à pan-de-bois en offrent un grand nombre de formes, des plus simples aux plus étonnantes. Ces formes associées au type de couverture utilisé, sont reconnaissables par leurs fortes pentes. Permettant une évacuation rapide des eaux de pluies, elles évitent la surcharge en cas de neige. À ces dernières se greffent parfois des lucarnes. Selon les recherches de l’ASMA19, les lucarnes étaient plus fortement représentés en milieu urbain sur les bâtiments à plusieurs niveaux alors que plus rares en milieu rural. Aujourd’hui beaucoup de lucarnes ont été ajouté aux maisons à pan-de-bois, accompagnant l’évolution et les transformations de ces habitats. En effet, les combles ne faisant plus fonction de réserves ou de fumoirs, ils sont de plus en plus habités et se munissent donc d’ouvertures en tout genre. Les lucarnes se distinguent des châssis tabatières, des vasistas et des fenêtres de toits en pente, par le fait qu’elles sont abritées par un ouvrage de charpente et de couverture et que son vitrage est disposé verticalement. De manière générale, l’ajout d’ouvertures en toiture sur les maisons est une des principales transformations qui s’observe en milieu rural. Le code de l’urbanisme exige la déclaration préalable de ce type de travaux étant donné qu’ils modifient l’aspect extérieur des bâtiments. L’autorisation délivrée par la mairie sous forme d’un arrêté peut, en fonction des règles d’urbanismes en vigueur, prescrire voire imposer certaines adaptations telles que les formes, les couleurs et les proportions à respecter.

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ongtemps, les maisons alsaciennes étaient recouvertes de chaume. C’est même ce matériau de couverture qui semble être à l’origine des fortes pentes traditionnelles en alsace. Mais

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il n’est plus mis en œuvre depuis le XVIIIe siècle en raison des trop forts risques d’incendies. Des bardeaux de bois étaient aussi anciennement utilisés. Puis, les grandes tuiles ont été introduites par les Romains dans la région du Rhin mais restaient toutefois destinées aux bâtiments importants. Dès son apparition en 1470 à Rixheim, la tuile plate en terre cuite, typiquement alsacienne, supplantât tout autre matériau de couverture. Devenue un véritable élément décoratif, elle n’en est pas moins d’une grande efficacité en matière d’étanchéité à l’eau. Sa forme lui offre deux possibilités de mise en œuvre, en couverture simple ou en couverture double plus fréquente. La couverture simple : les tuiles sont alignées en rangées verticales, permettant à l’eau de se diriger vers la pointe de la tuile. Avant la cuisson, des rainures en V sont gravées pour épargner les joints verticaux. Pour une disposition en simple recouvrement comme celle-ci, l’étanchéité doit être renforcée sous les joints des tuiles par des bardeaux en sapin ou en pin ou par des tôles galvanisées très minces. La tuile plate se pose sur un lattis de couverture cloué aux chevrons grâce au bec d’accrochage sur sa face interne. L’écartement entre les lattes doit être d’environ 24cm selon la dimension des tuiles. Pour un mètre carré, il faudra compter entre 22 et 25 tuiles, soit un poids d’environ 50kg au mètre carré. Ce procédé économique diminuant le nombre de tuiles utilisées permet également de minimiser les sections de bois de charpente. Les chevrons sont espacés de 90cm à 1m plutôt que de 60cm habituel. L’inconvénient de ce recouvrement réside en la surveillance régulière à laquelle il fait appel. Il convient moins au mode de vie aujourd’hui puisque l’aménagement des combles est souvent recherché. En effet, dès lors qu’une tuile est cassée, l’ouverture générée peut entrainer une pénétration directe de l’eau à l’intérieur de l’habitation.

GOETZ Marc, “Les lucarnes” in Fiche technique de l’ASMA, n°1, 2017

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l’objet

Toiture en bâtière avec comble sur pignon

Toiture à quatre pans, comble à croupe (convient très bien à une couverture en chaumes

Comble sur pignon avec coyaux

Toiture mansardée (permet de mieux utiliser les volumes)

Comble avec demi-croupes (aspect plus lourd)

Comble à deux étaux avec ouverture d’évacuation de fumée (très ancienne, à l’origine couverte de chaume)

Combles à petites croupes et auvent

Comble à pavillon carré (pyramidal, rare pour une habitation)

Toiture mansardée avec croupes (forme rare, plus prestigieuse)

Fig 25 Les formes de toiture de l’habitat à pan-de-bois

En matière de mise en œuvre, les hauteurs des charpentes alsaciennes ne sont pas à négliger,et notamment dans les dépendances et les granges. L’utilisation d’un échafaudage étant nécessaire, les interventions sur les toitures de ce genre, même pour une seule tuile défectueuse, sont compliquées à réaliser pour les particuliers. Aussi, il n’existe aucune réglementation qui régit ce type de couverture spécifique à l’Est de la France, ne permettant aucune garantie de la part du couvreur car aucune assurance professionnelle ne la couvre en cas de litige. Ces données ne favorisent pas l’utilisation de cette méthode de recouvrement. Elle disparaît peu à peu des paysages alsaciens, laissant

place à une autre méthode de recouvrement. La couverture double : Placées en quinconce d’une rangée à l’autre, les tuiles plates disposées ainsi génèrent une surface de recouvrement d’une tuile à l’autre nettement supérieur à la méthode précédente. Cette méthode convient mieux lorsque les combles sont habités mais nécessite de plus grandes sections de bois de la charpente et un pureau du lattis plus resserré, environ 15,5cm. De 36 à 40 tuiles seront nécessaires pour recouvrir une surface d’un mètre carré. Plus onéreux, il faut compter un poids au mètre carré d’environ 30% supérieur mais son efficacité sans pareil est beaucoup plus pérenne et ne contraint pas à une


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les matériaux et leur complémentarité

Lucarne rampante

Lucarne retroussée

Lucarne dite œil-de-bœuf

Lucarne à deux pans

Lucarne-fronton

Lucarne à croupe

Lucarne à gâble Fig 26 Déclinaison de lucarnes

“Schendel” Ergot

Tuile plate “Biberschwanz”

Couverture simple

Couverture double Fig 27 Tuiles plates alsaciennes

vigilance permanente. Une tuile cassée au vu du triple recouvrement généré par cette disposition, pourra rester en l’état sans que l’eau ne pénètre dans les combles. Ensuite, de par le poids et l’emboitement des tuiles les unes par rapport aux autres, le risque d’envol lors de tempêtes est quasi nul. Les joints entre les tuiles ainsi recouverts peuvent dessiner selon la forme du bout de la tuile deux motifs distincts. Souvent de bout arrondi dit en queue de castor ou de bout pointu. En complément de leur forme, la variation des couleurs de ces tuiles du rouge vif aux jaunes anciens, constitue un élément générateur du paysage bâti en Alsace. Sur certains bâtiments administratifs

où religieux, elles sont mêmes vernies d’orange et de vert. Leur production se faisait essentiellement à la main jusqu’aux années 1900 par la majorité des tuileries. Depuis, un type de tuile plate dite Biberschwanz est cependant produite industriellement par la tuilerie de Bouxwiller qui puise dans les sols argileux Alsaciens de très grande qualité depuis maintenant quatre siècles. Cette industrialisation, qui propose un grand nombre de modèles, permet notamment de répondre aux exigences de rénovation du patrimoine classé, des églises et des monuments historiques en produisant encore aujourd’hui des tuiles typiquement alsaciennes.


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Les remplissages et finitions

n remplissage se place dans les vides de l’ossature. Il peut être de nature ou de matériaux différents en fonction des disponibilités des régions, mais le plus connu reste le torchis. Il doit dans tout les cas répondre à certaines exigences fonctionnelles. Servant à l’isolation thermique et acoustique, il assure aussi l’étanchéité. Stabilisant, il doit répondre en fonction du climat aux agents atmosphériques, chaleur, ensoleillement, froid, gel, neige, pluie, verglas, etc. De cette sorte, même dans la seule région de l’Alsace, plusieurs remplissages sont utilisés. Bien que le torchis soit utilisé de manière universelle et que son excellente stabilité aux séismes lui a permis de s’exporter jusqu’en Amérique centrale, suivant les régions, les remplissages peuvent être divers. Le remplissage est souvent appelé le hourdage au sens de maçonnerie sommaire. La terre crue, traditionnellement utilisée dans l’architecture, se trouve être le matériau par excellence pour l’architecture de l’habitat individuelle vernaculaire, ne répondant pas à une volonté stylistique ou esthétique mais bien et uniquement pratique. Chaque individu devait pouvoir construire son propre foyer. Alors que tout transport de matériaux et toute intervention extérieure étaient des obstacles à l’architecture vernaculaire, l’emploi de la terre, déjà sur place et facile dans sa mise en œuvre était une évidence. Car toute modification du matériau d’origine entrainant coût et main-d’œuvre supplémentaire rendait l’édification des bâtisses impossible dans le monde rural. Le recours à la terre crue semble tel un réflexe, prendre son origine depuis la nuit des temps et son usage persévère encore aujourd’hui sur l’ensemble de la planète, étant probablement un des matériau de construction des plus présents. Par ailleurs, la terre offre une multitude de possibilité d’utilisation dans le domaine de l’architecture. Le torchis dont il est ici question, n’en est qu’une variante utilisée dans la construction à pan-de-bois. Crue ou cuite, en blocs appareillés ou en pâte, bauge, pisé, ou encore adobe, la terre se prête à diverses manipulations, lui donnant différentes caractéristiques selon la manière dont

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20. DEWULF Michel, Le torchis, mode d’emploi, Eyrolles, 2015

elle est mise en œuvre. Aussi bien utilisée en murs massifs monolithes qu’en remplissage garnissant l’intérieur des structures, sa préparation appelle d’autres adjuvants suivant le résultat souhaité. On y trouve des débris végétaux, des crins ou du gravier ayant pour rôle d’accroitre ses performances naturelles. La polyvalence de la terre, s’illustre remarquablement par la diversité des usages de ce matériau. Alors que certaine mise en œuvre de la terre, telle que la brique, ont su lui donner un certain prestige, le torchis quant à lui, peine à s’extraire de son rôle de hourdis du pan-de-bois et de l’image rurale à laquelle il est associé. Trop souvent il a été remplacé dans les édifices à pan-de-bois par d’autre types de remplissage comme la brique, la pierre voire le béton, au mépris de ses qualités naturelles mettant en péril la santé des bois de l’ossature. Pourtant « un lent mouvement de réappropriation de cette “culture torchis” se fait jour cependant en France depuis quelques années, engendrant pour les artisans de la restauration du patrimoine bâti la nécessité de se former »20. La terre, indéfiniment recyclable, répond aux préoccupations actuelles d’économie d’énergie, de consommation locale et circulaire. En cas de démolition elle ne constitue pas un déchet polluant et, respectant l’environnement, elle suscite un nouvel intérêt dans le monde de la construction. e torchis dont l’origine du mot n’est pas tout à fait cerné, semble provenir de «torche» désignant des fibre nouées en torsade. Ce terme est admis dans toutes les régions où l’on pratique ce mode de remplissage des vides d’une structure en bois. En Alsace, il peut être désigné également par les termes Alsaciens «Wickelbrode» ou encore «Lähme». Quoi qu’il en soit, il existe une multitude de termes locaux employés tels que «terri», «pailli» ou encore «paillebart» allant de pair avec la diversité de compositions possibles. Le torchis, méthode la plus répandue, est traditionnellement le fruit du mélange d’eau, d’argile et de fibres telles que la paille, le foin, le crin de cheval.

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les matériaux et leur complémentarité

Treillage de baguettes

Treillage de bois refendu

Plançons verticaux crépis

Cloisons en planches enduites

Madriers non crépis

Cloisons d’étable en madriers

Boules de torchis entre pieux verticaux

Torchis maintenu par bûchettes

Gros galets de rivière avec mortier de liaison

Galets montés en arête de poisson et tuiles en inter-couche

Briques dressées

Briques diversement appareillées

Tuiles creuses cassées avec mortier de remplissage

Tuiles plates cassées diversement agencées à des fins ornementales

Fig 28 Les matériaux de remplissage


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Fig 29 Remplissage en torchis et support en tressages de baguettes de bois, Saint-Ulrich

Sa mise en œuvre demande à ce qu’il s’enrobe sur un clayonnage (assemblage tressé de branchage préalablement installé). Ce dernier, « malgré les apparences, (…) par le fait même de son caractère vernaculaire, connaît une grande variété de compositions et de mises en œuvre »21. Mais le torchis diffère aussi selon les régions. « Un torchis alsacien n’est pas semblable à un torchis champenois (…). Toutes les variantes introduites par ces particularités régionales, voire locales, sont loin d’être totalement recensées. »22. Le but recherché lors de la fabrication d’un torchis est d’aboutir à un mélange souple doté d’une bonne résistance mécanique et d’une longévité maximale avec des ressources matérielles issues de la production locale. Il n’existe pas de dosage exact du torchis artisanal et sa fabrication industrielle n’est pas encore à l’ordre du jour. Si l’emploi de ce matériau a traversé les âges tant en milieu urbain que rurale, il a rapidement été supplanté au cours du dernier siècle par les produits basés sur le béton qui simplifient la mise en œuvre. L’oubli de la technique du torchis a été accéléré par la lenteur et la pénibilité de sa préparation.

Son développement arrêté et sa sauvegarde menacée, le torchis renaît dans les consciences collectives. « Actuellement, une certaine mécanisation introduite dans la fabrication du torchis (“torchis prêt à l’emploi”), permet de redonner à ce matériau une place croissante. »23 . Dater les premiers usages du torchis dans la construction humaine relève de l’impossible. Les fouilles archéologiques ne peuvent que nous livrer les soubassements en pierre de bâtiments millénaires, voire des traces laissées par des ossatures de bois figées dans le sol. L’ignorance sur l’utilisation des matériaux de remplissage n’empêche pourtant pas de penser que l’homme ait utilisé la terre dans ses premiers gestes de constructeurs. Imitant probablement les animaux, « modeler la terre, se servir de ses mains pour enduire une paroi sont presque des gestes instinctifs (…) à ce titre, le torchis pourrait bien être le matériau de construction le plus ancien tant il s’impose par la simplicité des gestes et de l’outillage que sa mise en œuvre réclame. »24. Le rôle du torchis, non porteur à la différence de la bauge et du pisé utilisés en murs monolithes, s’arrête au remplissage de structure en bois.

2 1. D E W U LF M i chel, Le to rc his , m o de d’em p lo i , Eyrolle s, 2015 2 2 . Ib i d. 23. Ib i d. 24. Ib i d.


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les matériaux et leur complémentarité

De ce fait, ce sont ses qualités isolantes qui sont recherchées et non pas sa résistance mécanique. Assurant une protection thermique, phonique et visuelle des bâtiments lorsqu’il est en contact avec l’interface extérieure, il assure également une grande protection au feu. L’invitant à garnir l’entre-solivage des plafonds et même à édifier les conduits de cheminées, il limite la propagation d’un incendie et les qualités de résistance au feu de la terre crue ne sont pas contredites dans le cas du torchis. Le torchis n’a pas de réelle fragilité face aux intempéries, mais il est toutefois important de le mettre en œuvre de manière adéquate et d’accepter que la maison n’ait pas forcément des façades identiques. Ayant une influence directe sur le confort de l’habitat, sa mise en œuvre est dépendante de l’orientation de la maison. Au nord et à l’ouest il s’agit d’assurer une protection contre le froid tandis qu’au sud et à l’est son inertie aura une fonction de régulation de la température. tant non porteur, la mise en œuvre du torchis nécessite un support. Celui-ci l’accueillant, il peut varier suivant qu’il s’agisse d’une paroi horizontale ou verticale mais aussi selon les régions. L’habitat à pan-de-bois se déclinant déjà par sa structure et ses typologies a aussi développé des pratiques induisant nuances voire différences radicales dans le traitement même de ces supports. Le clayonnage est certainement le

plus ancien et il reprend le principe du vannage des paniers. Grâce à l’entre-laçage de baguettes souples (de tilleul, de saule, de noisetier) sur une trame de barreaux (en chêne ou châtaignier) il assure le maintien du torchis qui s’appliquera pardessus. Ce tressage hiérarchisé s’effectue à partir d’éléments d’ossature espacés d’une trentaine de centimètres s’installant dans l’entre-colombage aussi bien de manière horizontale que verticale suivant les édifices. Pour les autres procédés comme les éclisses, branchettes ou palissons, les éléments de bois de plus forte section (ronde ou quadrangulaire) sont plus resserrés et le torchis directement posé dessus. Dans tous les cas, ces éléments de supports s’insèrent dans un rainurage préalablement prévu dans les pièces du pan-de-bois. Il est possible aussi dans les traitements plus récents de voir ces éléments simplement fixés par des clous. Au-delà de connaître la composition du torchis et le rôle qui lui est affecté, les enjeux autour de ce matériau résident principalement dans son entretien et dans sa restauration. Le torchis, puisqu’il est essentiellement constitué de terre crue, est un matériau de grande longévité. Mise en œuvre dans une maçonnerie la terre peut avoir une durée de vie quasi illimitée. Néanmoins, il faut rester attentif aux conditions climatiques agressives qui, sans protections efficaces, endommageraient les façades en torchis.

Fig 30 Palissons insérés en encoche

Fig 31 Clayonnage à dominante verticale

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l’objet

Souvent les interventions malencontreuses ou encore les malfaçons lors des travaux de réhabilitation sont les premiers facteurs de détérioration du torchis. Ce sont bien des agents extérieurs mais en aucun cas le vieillissement proprement dit du matériau qui peut en être la cause. Le constat déplorable du nombre de maisons à pan-de-bois démunies de leur remplissage d’origine ne doit pourtant pas faire tomber dans le piège de la restauration absolue. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’intervenir sur le pan-de-bois, les architectes également sont appelés à se renseigner sur ce matériau, dont l’utilisation aujourd’hui est en marge des procédés actuels. Effectivement le torchis bien que peu couteux en matières premières nécessite une main-d’œuvre très spécifique et un temps de mise en œuvre dépassant celui de ces concurrents. Il est fréquent de voir disparaître le torchis des maisons à pande-bois au profit de laine de verre par exemple. La première cause de dégradation du torchis, est l’eau. Le torchis n’est pas à l’abri des dégradations dues aux vents porteurs de pluie ou des voies d’eau dans une couverture en mauvais état. Il faudrait de grandes quantités d’eau sur une surface très exposée pour que le torchis se désagrège mais l’eau faisant gonfler la terre laisserait apparaître les fibres végétales, supprimant l’assemblage entre l’argile et la paille. Ce dernier sera donc dans la

grande majorité des cas enduit. Afin de préserver le pan-de-bois, c’est le remplissage et sont enduit qui doivent assurer la migration de la vapeur d’eau à travers la façade. Les matériaux de remplissage doivent permettre l’évacuation de l’humidité venant de l’extérieur ou de l’intérieur selon le principe de la paroi perspirante. Dans le cas d’un remplissage en brique, c’est le bois qui recevra le plus d’humidité face à la forte étanchéité de la brique. L’interface bois/brique met en danger la pérennité des éléments de bois. Pire encore, il est d’usage de compléter les creux entre la brique et le bois par le liant en ciment. L’eau pénétrant de ce fait par le bois, il est condamné à être rongé à chaque zone d’infiltration. Réhabiliter une maison à pan-de-bois dont le hourdi est encore présent, consiste en sa préservation et sa protection lui assurant longévité. Mais lorsque le torchis est absent, le choix du remplissage en torchis pour l’architecte se trouve bien souvent compromis. Bien que le prix des matériaux soit dérisoire, d’autant plus s’il est disponible sur place, il n’existe en Alsace très peu d’artisans sachant mettre en œuvre ce procédé. Celui-ci impliquant une main-d’œuvre très onéreuse, limite les cas dans lesquels le budget permet l’application d’un nouveau torchis, s’ajoutant à cela le temps de mise en œuvre nécessaire pour remplir l’intégralité

Fig 32 Éclisses posées en oblique entre les poteaux

Fig 33 Palissons en encoche, cloués sur l’ossature secondaire


les matériaux et leur complémentarité

Fig 34 Torchis à nu d’une maison à l’abandon, Schlierbach

d’une ossature à pan-de-bois. Dans d’autres cas de figures, il se peut que le torchis soit partiellement préservé. Il s’agit alors au préalable de diagnostiquer l’état de ce torchis. On notera que le torchis ne se munie toujours pas de DTU (Documents Techniques Unifiés). Il faut alors veiller à ce que l’artisan qui le met en œuvre, se dote d’une assurance complémentaire. ès lors que l’une des façades n’est pas à l’abri des intempéries un enduit de finition est nécéssaire. Il s’insère entre les bois d’ossature et s’applique directement sur le torchis lorsqu’il s’agit d’un pan-de-bois apparent. Il arrivait parfois que pour des raisons économiques le torchis ne soit pas recouvert d’un enduit. Son épiderme pouvait

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25. ANTONY Raphaëlle, Entretien n°2, 2018 (voir p. 106)

alors se creuser sous l’agression des intempéries. Dans ce cas, un badigeon le protégeant de l’érosion causée par la pluie était appliqué tous les deux ou trois ans. L’enduit de finition, qui pour cette technique de construction ne relève pas de l’esthétique, assure la longévité du bâtiment. Ayant pour rôle de protéger le remplissage, l’enduit doit à tout prix éviter de l’enfermer. Les choix des matériaux composant l’enduit dépendent de leurs propriétés physiques. L’association d’un enduit et d’un torchis doit assurer une compatibilité matérielle suivant des principes d’absorption et d’évacuation de l’humidité.

« Le réemploi du torchis... On n’y croit pas vraiment... » 25

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Fig 35 Maisons mitoyennes, Hirtzbach

Ainsi, l’enduit au même titre que le remplissage doit permettre le phénomène de perspiration. Au vu de l’importance de son rôle protecteur, le bon état et la stabilité de l’enduit sont impératifs. Il doit pouvoir s’accrocher favorablement au remplissage sans risque de fissuration lors de son séchage. « Il doit être impeccable, s’accrocher, couvrir et permettre au torchis de vivre longtemps quelle que soit l’orientation de la façade » 26. Le bon remplissage de ses fonctions réside autant dans le choix du matériau que dans la qualité de sa mise en œuvre et des précautions prise lors de sa restauration. À noter que l’enduit qui recouvre le torchis non stabilisé doit avoir une certaine souplesse afin de suivre les mouvements du support. Il doit en effet être capable de subir les déformations liées à la rétractation du bois et de la terre sous l’effet du

soleil, ou bien liées au gonflement de ces derniers dus à la pluie. Conservant son accrochage et son adhérence il est attendue de lui qu’il amortisse les mouvements de la structure. Dans le cas échéant, une trop forte rigidité lui coutera la rupture. n contact direct avec l'eau, le torchis se ramollit. Il n’est pas un matériau stabilisé car il ne contient ni chaux ni liant. Effectivement, la terre qui y est contenue est considérée comme un liant mais elle n’y a pas été stabilisée. Pour l’enduit, l’emploi de liants naturels tels que des chaux et surtout des agrégats choisis par rapport à leur granulométrie et leur plasticité est essentiel. Cela permettra de stabiliser le produit. De la terre utilisée pour l’enduit pouvant être la même que celle qui compose le torchis. Néanmoins

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26. D E W U LF Mi chel, Le to rc his , m o de d’em p lo i , Eyrolle s, 2015, p.58.


les matériaux et leur complémentarité

sa préparation sera différentes. Subissant d’autres contraintes, l’enduit réalisé demande une certaine rigueur quant à la complexité de sa composition. Il faut obtenir de la terre une granulométrie qui soit bien inférieure à 1 mm27. Pour cela elle ne sera pas utilisée directement mais moulée et façonnée en galettes qui une fois sèches seront broyées et transformées en poudre d’une grande finesse. Cette terre argileuse uniformisée de cette façon voit ses performances augmentées lorsqu’elle sera mélangée aux autres composants de l’enduit. Les micrograins vont de telle manière s’associer préférablement les uns aux autres, liés par l’armature naturelle constituée par la chaux, l’ana de lin, l’étoupe de chanvre. De la sorte, l’enduit est facilement étalé à la truelle et les qualités qui lui sont requises sont respectées. L’argile utilisée pour la fabrication de l’enduit diffère de celle du torchis au niveau de sa préparation. Jouant ici un rôle de liant elle représente entre 20 et 25% du volume total obtenu. Cette argile dont la finesse lui apporte toute la plasticité, se neutralise grâce à l’adjonction de sable. Finalement, l’enduit est un torchis maîtrisé dégraissé par les sables qui favorise sa mise en œuvre et son durcissement. Deux types de sables sont utilisés, avec chacun une fonction particulière. D’une part le sablon, un sable de carrière plus ou moins limoneux, il dégraisse la terre en se mélangeant aisément aux fines particules d’argile. D’autre part, le sable lavé qui assure la solidité de l’ensemble grâce à ses grains plus grossiers donne de la structure à l’argile. Un mauvais dosage des matériaux de l’enduit se décèle rapidement après séchage et selon la lecture du résultat.

« Quand j’ai commencé mes études, parler de chaux dans une école d’architecture, c’était comme une injure. » 28

27. Seuls 5 à 6% des grains auront 1 mm dans cette farine argileuse 28. CLADEN Rémy, Entretien n°2, 2018 (voir p. 106)

Lors de l’apparition d’un retrait et/ou de cassures, il s’agit d’un manque de sable dans la préparation, l’argile n’étant pas suffisamment dégraissée pour préserver une certaine souplesse. À l’inverse si le sable est en excès dans le dosage, surviennent des craquelures ou un poudroiement. Par ailleurs dans tout enduit se retrouve une faible proportion de fibres végétales structurant la matière. Comme pour le torchis il faut prêter attention à la taille de ces fibres et veiller à mélanger aussi bien des courtes que des longues. Par contre l’excès de fibres conduirait l’eau à l’intérieur de l’enduit. La chaux est le dernier élément de l’incorporation. Elle aide à la stabilisation du produit. Il est préférable de mélanger une chaux aérienne (CL) et une chaux hydraulique naturelle (NHL2), dont les proportions varient selon leurs teneurs respectives en argile. En dessous de 7% de teneur en argile on parlera de chaux aérienne. Au dessus de 7% il s’agit d’une chaux hydraulique naturelle. Il est attendu de ces chaux qu’elles confèrent au mortier d’argile toute sa résistance face aux agressions de l’humidité. Premièrement, la chaux aérienne, dont la grande plasticité vient de la progressivité de sa prise à l’air, durcie sur plusieurs mois. Parce qu’elle n’offre pas une résistance mécanique suffisante au début du chantier, elle ne peut pas être exposée aux intempéries. Il convient donc ensuite d’incorporer de la chaux hydraulique naturelle. Cette dernière, dès la phase de préparation du mortier fait sa prise à l’eau et permet un durcissement plus immédiat de l’enduit. Lors du séchage, une fois toute l’eau du mélange évaporée dans la couche de l’enduit appliqué, ce dernier acquiert alors toute sa dureté. Théoriquement, l’eau étant indispensable pour la prise de la chaux, l’enduit mis en œuvre doit avoir un taux d’humidité de l’ordre de 90% pendant les 72 premières heures. Partant de l’association de ces deux chaux, l’enjeu réside en le savant dosage qui permet à l’enduit d’acquérir une bonne résistance et d’assurer sa compatibilité avec le torchis.

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Fig 36 Pose de tuiles plates alsaciennes sur un auvent

Fig 37 Finitions de l’enduit avec bordure

La pose de l’enduit est à privilégier pendant la période de mars à octobre car sa bonne mise en œuvre dépend des conditions climatiques. Le mieux étant le plus tôt avant l’hiver pour permettre à l’enduit d’acquérir suffisamment de dureté pour lui résister, la prise de la chaux aérienne prenant un certain temps. Outre les caractéristiques physiques des matériaux et de leur compatibilité avec les autres éléments constitutifs de la façade, la pose de l’enduit est déterminante quant à la pérennité du pan-de-bois. Pour toutes interventions sur ce type de construction, il est bien entendu conseillé de faire appel aux artisans spécialisés dans les enduits traditionnels. Toutefois, ce n’est pas communément le cas. La viabilité d’une réhabilitation

dépend d’un grand nombre de facteurs mais peut rien qu’à travers la mise en œuvre de l’enduit de finition permettre la sauvegarde d’un grand nombre de maisons. Pour cela, il s’agit d’adopter des réflexes simples quant aux conditions nécessaires à son application. Il est ordinairement réduit à une simple fonction décorative dans les consciences de tout un chacun. En conséquence, les interventions sur celui-ci sont des plus fréquemment dommageables à l’édifice, témoignant de la disparition de ce savoir-faire. L’enduit relégué à une importance secondaire en a par conséquent été trop souvent négligé. Les erreurs qui en découlent sont les témoins de la disparition de ce savoir-faire. De plus en plus de remplissages sont recouverts d’enduit en


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les matériaux et leur complémentarité

Fig 39 Toiture à lucarnes et tuiles plates

Fig 38 Enduit en surépaisseur

surépaisseur de la structure, la gouttière générée par le débord de ce dernier récupérant toute l’eau s’écoulant de la façade et peut provoquer des infiltrations au niveau des sections du pan-de-bois, «(...) enfin si on voulait le faire pourrir, on ne ferait pas différemment.»29. Bien que l’enduit n’appelle pas un savoir-faire aussi complexe que la pose du torchis, lors du chantier il est préférable qu’ils soient tout deux à charge de la même entreprise pour des questions d’assurance. En effet, le décollement de l’enduit par exemple, peut être causé par un mauvais dosage de celui-ci mais il est aussi probable qu’il soit dû à une mauvaise mise en œuvre du torchis. Face à une restauration de façade d’un pan-

de-bois, il est souhaitable d’être attentif aux différents lots qu’il est nécessaire de rassembler sous la charge d’un même artisan. On notera tout de même que le statut de l’architecte ne lui donne pas le dernier mot sur le choix des entreprises avec lesquels il devra travailler. De plus, les contraintes budgétaires du projet amènent souvent les propriétaires à vouloir réaliser certaines tâches eux-mêmes lors du chantier. L’enduit de finition, au vu de sa facilité de mise en œuvre, en est l’exemple type. S’il arrive qu’un habitant veuille de lui-même réaliser cet enduit, l’architecte, s’il a été en charge d’autres étapes du chantier, peut se retrouver directement remis en cause en cas de problème.

29. CLADEN Rémy, Entretien n°2, 2018 (voir p. 106)


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l’objet

L’equilibre energetique

ne gestion de l’équilibre énergétique de plus en plus assistée par la technologie, complexifiée par l’avènement de nouveaux matériaux, ou encore codifiée par des règlementations, était pour les hommes d’auparavant de l’ordre du réflexe. Jusqu’au début du XXe siècle, dans les climats froids et tempérés, il n’y avait qu’une unique zone chauffée dans les bâtiments d’habitation. La fonction thermique de l’habitat dans la culture rurale était intégrée à sa fonction économique. Par exemple dans les fermes, la présence des animaux ainsi que le stockage et les réserves des denrées dans les greniers apportaient un confort thermique supplémentaire en hiver. Ces espaces intermédiaires entre les zones chauffées et l’extérieur n’étaient pas destinées à devenir des espaces de vie. Désormais, le moindre espace constitutif d’une propriété est habité. Tout espace doit répondre à des exigences thermiques équivalentes peu importe sa fonction et son emplacement. « L’intelligence pragmatique de ces murs anciens, qui intégrait la présence d’espaces tampons ou encore les rythmes saisonniers, savait jouer aussi avec l’humidité, que l’on gérait en en favorisant la sortie, mais contre laquelle on ne tentait pas d’imposer un barrage »30.

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fin de préserver au maximum l’ossature du pan-de-bois il faut que les autres matériaux de la façade soient perspirants. C’est-à-dire qu’ils soient étanches à l’eau et à l’air mais qu’il permette

A

l’évacuation de la vapeur d’eau de la paroi. Une paroi perspirante permet de préserver au mieux l’ossature du pan-de-bois et d’éviter les zones d’infiltration conduisant le pourrissement des éléments. « Dans le domaine de la construction, on désigne sous le terme de «paroi perspirante» toute paroi de l’enveloppe du bâti permettant une meilleure migration de la vapeur d’eau au travers des éléments qui la constituent tout en restant étanche à l’air »31 . En d’autres termes, il s’agit de permettre à la façade de respirer à l’heure où les règlementations, les normes et les matériaux actuels tendent à étanchéifier les constructions au maximum. La paranoïa de la maison étanche, qu’il faudrait enfermée sous un manteau de matériaux, conduit malheureusement à des paradoxes absolus dans le domaine de la réhabilitation du bâti ancien. Parler de paroi perspirante aujourd’hui, dans le simple fait de lui donner un nom, démontre à quel point la logique constructive pré-industrielle a été oubliée ces dernières décennies. Ainsi se cache sous la domination de « paroi perspirante », des parois intelligentes par leur autonomie qui sont capables de répondre, parfois même mieux, aux prérequis des façades actuelles. La logique de fonctionnement de ces parois découlant des connaissances et des savoir-faire traditionnels n’a rien d’innovant. Elle a néanmoins besoin d’être redécouverte car la diffusion de ce savoir constructif est un enjeu majeur pour les problématiques environnementales contemporaines. En effet, le fonctionnement des façades dépend d’une association vertueuse de

Espaces chauffés Espaces tempérés Espaces tampons actifs Espaces tampons passifs

-Rez-de-chaussée: espace chauffé en hiver réduit au minimum par l’isolation du plancher d’étage. L’étage sert d’espace tampon. -Étage: espace utilisé surtout en été, et protégé des surchauffes par une forte isolation des rampants et une surventilation de la toiture

Fig 40 Zonage thermique intersaisonnier 30. OLIVA Jean-Pierre, COURGEY Samuel, L’isolation thermique écologique, Terre vivante, 2010, pp.11-71. 31. “Les parois perspirantes, une solution alternative pour une ambiance hygrométrique saine et confortable”, (www.bois.com), 2012 32. OLIVA Jean-Pierre, COURGEY Samuel, op. cit.


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les matériaux et leur complémentarité

BATIMENT ETANCHE +

Densité d’humidité

BATIMENT PERSPIRANT +

Densité d’humidité

Fig 41 Migration de l’eau vers là où la densité d’humidité est la plus faible

matériaux suivant leurs propriétés, leurs caractéristiques physiques et leurs prérequis. Ceci impactant directement sur la pérennité de l’édifice, il s’agit aussi de prévenir des déperditions énergétiques et de favoriser le confort, la qualité et la salubrité de l’air de la maison. Le concept de la paroi perspirante fondé sur l’observation du bâti ancien, s’est d’abord développé dans les pays nordiques et germaniques où le climat y est rigoureux et oblige les habitant à vivre pendant de longues périodes à l’intérieur. Il s’agit de prêter une attention particulière à l’interaction entre l’air intérieur et le climat extérieur. En Alsace, la culture germanique fortement présente cultive la diffusion de cette conception appropriée au climat continental de la région. Bien que basées sur l’observation du fonctionnement de l’habitat ancien, les exigences du confort moderne conduisent « à rationaliser ce système respiratoire rustique. »32. rincipe de fonctionnement: Limiter l’entrée de la vapeur d’eau, faciliter son transit vers l’extérieur, et ne pas l’empêcher de ressortir côté intérieur aussitôt que les conditions hygrothermiques le permettent. À l’heure où la stratégie thermique consiste à faire barrages, le principe de la paroi perspirante contemporaine suit une logique inverse. Régulant et favorisant le transit de la vapeur d’eau dans les bâtiments, cette paroi ne s’oppose pas à son passage. Premièrement, il s’agit de limiter la pénétration de la vapeur d’eau dans la paroi en réalisant côté intérieur une bonne étanchéité à l’air. C’est-à-dire

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que le matériau intérieur tel qu’un frein vapeur, assure une étanchéité à l’air mais avec un Sd (résistance à la diffusion de vapeur) limité. De cette manière l’humidité éventuellement présente dans la paroi migre tout de même vers l’intérieur si nécessaire. Ce peut être un panneau, un film ou encore un enduit. Ensuite, il est attendu de la paroi perspirante qu’elle prête une attention particulière aux caractéristiques physiques des matériaux employés. Compte tenu des fortes épaisseurs utilisées pour les isolants, il s’agit de choisir des matériaux dont la capillarité est suffisante au déplacement de la condensation vers les parements. Dans ce cas, la présence d’eau condensée dans la paroi pourra se réévaporer. Le dernier principe de la paroi perspirante réside en la disposition des différentes couches de matériaux. La succession des épaisseurs, de l’intérieur vers l’extérieur, doit être d’une perméabilité croissante. La valeur Sd du matériau intérieur devant être supérieure aux valeurs Sd des matériaux qui lui succèdent. Le bois, la laine de bois, la laine végétale et animale, la terre cuite ou encore la chaux et le plâtre sont des matériaux perméables dont la valeur Sd inférieure à 10 correspond à une bonne diffusion de la vapeur d’eau. Il ne faut pas confondre le phénomène de ventilation et de perspiration. Alors qu’un bâtiment ancien pouvait s’en passer, il est désormais presque indispensable de ventiler mécaniquement un bâtiment pendant la saison chaude. Ce n’était pas grâce à la perspiration des parois que ces anciennes bâtisses se ventilaient suffisamment sans ventilation mécanique contrôlée, mais parce


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l’objet

« Faute de définition officielle de « frein de vapeur » et « pare-vapeur », les appellations diffèrent mais semblent s’accorder sur les valeurs suivantes ; - est considéré comme « frein de vapeur » un matériau dont la résistance à la vapeur d’eau est comprise entre 1 et 5 mètres ( 1 < Sd < 5 m) - est considéré comme « pare-vapeur » un matériau dont la résistance à la vapeur d’eau est supérieure à 10 voire à 15 mètre ( Sd > 10 à 15 m ) »33

que le renouvellement de l’air était assuré par une ventilation naturelle dès lors qu’il n’y avait pas d’étanchéité à l’air. ans de nombreux cas, les parois extérieures ne sont pas suffisamment perméables à la vapeur d’eau pour lui permettre la progressivité de la perméabilité des couches de l’intérieur vers l’extérieur. Avec une isolation par l’intérieur, (c’est le cas par exemple pour les murs en agglos de ciment, en bétons étanche, les murs enterrés, et même pour les toitures munies de sous-toitures étanches à la vapeur d’eau) le rôle du frein de vapeur ne pouvant assurer à la fois d’évacuer toute l’humidité, s’est alors développée une alternative.

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Depuis une dizaine d’années, ce problème s’est résolu par l’élaboration de freins de vapeur à diffusion variable, dont la résistance à la vapeur d’eau varie selon la saison. Élevé en hiver pour ralentir la diffusion, faible en été permettant l’évaporation vers l’espace intérieur. « Cette adaptation de la membrane fonctionne avec l’humidité relative de l’air qui l’environne. »34. Dans la réhabilitation du pan-de-bois, dont le principe constructif initial suit le principe de perspiration, l’objectif est de restaurer les caractéristiques perspirantes des parois. Puisque les interventions actuelles sont généralement loin d’être les premières que subissent ces maisons à pan-de-bois, il s’agit de

33. OLIVA Jean-Pierre, COURGEY Samuel, L’isolation thermique écologique, Terre vivante, 2010, p. 73. 34. OLIVA Jean-Pierre, COURGEY Samuel, op. cit., p. 75.


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les matériaux et leur complémentarité

PAROI PERSPIRANTE 1

3 2

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PAROI ETANCHE 1

7

3 2

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1. Bardage 2. Lame d’air ventilée 3. Pare-pluie en laine de bois 4. Isolant insufflé entre les montants de l’ossature de 20cm (ex: ouate de cellulose ou fibre de bois) 5. Frein vapeur 6. Lame d’air 7. Parement intérieur (ex: plaque de plâtre) Fig 42 Exemple de mur perspirant d’une maison à ossature bois

revenir à l’utilisation de matériaux plus favorables à la respiration des édifices. Il est question de préserver ou de restaurer l’équilibre hygrométrique et thermique des habitats à pan-de-bois qui de plus en plus nombreux se sont vu démunir de la perspiration de leur matériaux. La réhabilitation dont les interventions étaient pensées de manière additionnelle jusqu’à présent, suit de plus en plus une stratégie soustractive. La première étape consistant souvent à remettre l’édifice à nu dans le but de le débarrasser des dernières interventions parasites. D’autre part, l’intervention de l’architecte, ne se limitant pas au rôle de prescripteur de produits, est alors souhaitable dès lors qu’il s’agit de

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1. Bardage 2. Lame d’air ventilée 3. Film d’étanchéité pare-pluie 4. Panneau OSB de contreventement 5. Isolant insufflé entre les montants de l’ossature de 12cm (ex: ouate de cellulose ou fibre de bois) 6. Film d’étanchéité pare-vapeur 7. Lame d’air (pour gaine électrique par exemple) 8. Parement intérieur (ex: plaque de plâtre) Fig 43 Exemple de mur étanche d’une maison à ossature bois

composer avec des matériaux naturels. Faire appel à des artisans ayant connaissance de ces pratiques ancestrales ne suffit pas toujours. Pour des raisons d’intérêts principalement économiques, les interventions sur les maisons à pans-de-bois manquent généralement d’un acteur dont les intérêts vont dans le sens de l’édifice. L’efficience des interventions est dictée par le système économique actuel au détriment de l’objectivité de l’acte de construire. À défaut d’impartialités dans les interventions de réhabilitation, la responsabilité de l’architecte quant à la préservation du patrimoine vernaculaire devient de plus en plus importante.



ENTRETIEN avec les habitants

Franck et Martine Thomas-Dubail, sont les propriétaires depuis 1981 d’une maison à pan-de-bois à Ueberstrass étudiée dans la deuxième partie. Ils n’ont jamais fait appel à un architecte. Ils réalisent eux-mêmes et directement avec des entreprises les travaux de leur maison depuis plus de trente ans. Ils en livrent les raisons au cours de cet entretien et racontent les aléas de la transformation progressive de leur habitation. Tous deux enseignants à la retraite, ils consacrent désormais la plupart de leur temps à leur maison qui, pouvant être considérée comme un laboratoire d’expériences, n’a pas fini de les surprendre.

Fig 44 Maison de Franck et Martine Thomas-Dubail, Ueberstrass


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entretien

ans quel état était votre maison M : Oui c’est ça on était écolo des années F : Ceux à qui on a racheté, disons, 70. bricolaient pour pouvoir habiter et il y lorsque vous l’avez acquise ?

Martine Thomas-Dubail : Nous avons acheté la maison en très mauvais état puisqu’elle était quasiment en ruine. Ce qui nous intéressait, c’était qu’il y avait deux logements. Deux couples mulhousiens l’avaient achetée pour ensuite en faire une maison de campagne. Ils avaient divisé la maison en deux logements avec deux salles de bains, deux cuisines etc… Et donc on avait acheté ça comme ça. (...) Certains poteaux n’arrivaient plus au sol et ils avaient mal travaillé. Ils avaient mis n’importe quoi, du béton cellulaire pour les murs et autres, enfin c’était bricolé quoi. Le truc c’est qu’elle penchait parce qu’elle a pris un obus (…) à la place du four à pain et elle s’est affaissée mais ils ne l’ont pas redressée. Ils ont mis un mur en petites briques à la place. Donc en fait, les deux couples n’ont pas rénové, ils ont fait des travaux pour cacher. Il y avait encore des scories dans le plafond de la cave qui isolaient entre les deux niveaux et ça commençait à tomber. C’est pour ça qu’on l’a refait, parce que ça s’abimait. (…) Alors on a tout enlevé à l’intérieur des pièces pour assainir mais on a utilisé les matériaux qui étaient dans la maison quand on l’a achetée. Ils avaient acheté le Placoplatre, la laine de verre, etc... tout était entreposé donc on n’a pas changé de matériaux. Même si on n’était pas d’accord avec ces matériaux on a quand même utilisé ceux qu’on avait à disposition.

ourquoi avez-vous choisi une maison a lsacienne et spécifiquement à pan-de-bois ?

P

M : D’abord, parce qu’on était écolo, dans la tendance de l’époque. Franck Thomas-Dubail : C’était aussi une opportunité. Je crois qu’à l’époque, la plupart de ces maisons étaient soit abandonnées soit détruites. M : Et puis on avait beaucoup d’amis qui avaient déjà commencé à rénover des maisons donc on était dans un milieu qui suivait cette tendance. F : Oui il ne faut pas oublier (...) on était dans les mouvements antinucléaire, enfin il y avait tout ça, il faut voir tout l’ensemble.

F : Bon après on cherchait aussi quelque avait même la moitié de la maison qui n’était pas habitable. Donc on a racheté chose de pas trop chère. parce qu’ils n’ont pas assumé cette affaire. M : Pour moi le colombage c’est quand Ils ont même essayé de chauffer ça avec même la maison traditionnelle alsades radiateurs électriques, ils n’avaient cienne, plus que la pierre (…) donc oui même pas de bois. pour acheter c’était plutôt colombages M : Oui il y a des planchers qui sont qu’autre chose. d’origine, des portes et différentes choses comme ça.

E

st-ce que la maison a été datée ?

M : On l’a datée avec les bois, mais avait-il une isolation lorsque vous on nous avait dit que la plus ancienne êtes arrivés ? maison du village était de 1820 mais que ce n’était pas celle-là. Le charpen- M : Ils avaient isolé avec de la laine de tier avait parlé de 1880 mais sans aucune verre et ils avaient fait des murs avec du polystyrène, en béton cellulaire et oui, certitude. F : En tout cas ça doit être fin de la fin du c’était un peu bricolé.

Y

19e siècle mais il n’y a rien de scientifique, F : Il faut tout de suite préciser qu’on a dû détruire pas mal de choses parce qu’ils ont on n’a jamais fait de dendrologie. M : On regardait plus dans les bouquins, laissé les tuyauteries par exemple contre dans la revue le Bulletin de la Société In- le mur en torchis (…) ce qui fait qu’on a dustrielle de Mulhouse, on avait fait des dû tout arracher parce qu’on avait plein de conduites qui gelaient parce qu’elles recherches par rapport à ça. étaient quasiment dehors et n’étaient pas F : Déjà ce n’est pas une des plus anciennes chauffées. parce que ce n’est pas à bois long. M : Le torchis se décolle du poutrage, les oiseaux font des trous dans les coins (…), donc ils faisaient des trous à l’intéo m b i e n d ’ i n t e r v e n t i o n s rieur du torchis et l’air passait le long du avez-vous déjà réalisées dans torchis. Eux avaient fait l’isolation à l’intérieur mais la tuyauterie était derrière cette maison ? l’isolation. Donc on a dû détruire et enM : Pour les interventions avec les en- lever. treprises il y a eu, la charpente, le chauffage central, les sanitaires, les planchers F : C’est vrai que l’isolation c’était une de et puis le menuisier du village aussi qui nos grandes questions dans cette maison. On a toujours dû réfléchir là-dessus parce nous a fait les fenêtres. qu’on ne savait pas comment faire pour F : Mais on a beaucoup fait par nous- trouver une solution. même. M : Pour être en cohérence parce qu’on M : Le reste oui on l’a fait nous-même aurait pu isoler par l’extérieur mais ça ne avec des copains qui eux-mêmes réno- se faisait pas encore à l’époque et ça auvaient des maisons alsaciennes. Ou bien rait détruit tout le cachet de la maison. Il avec mon frère qui est dans le métier. n’y avait pas encore la réflexion sur l’écoDes trucs comme ça, des chantiers, des nomie d’énergie dans les années 80. copains. F : Il n’y avait pas les matériaux et nousmême dès le départ on s’est posé des -t-elle subit des interventions questions sur ces mousses polyuréthanes, sur ces trucs… et puis on avait des doutes avant votre arrivée ? M : Certainement pas, il y a des endroits sur le Novopan, les colles, la vapeur tout de la maison qui sont d’origine comme ça… Donc bon il y avait tout ces produits mais il n’y avait pas d’alternative. les planchers par exemple.

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A

M : Et on le savait parce qu’on était dans des milieux écolo.


habitants: franck et martine thomas-dubail

F : Oui mais tous ces mouvements, avec l’association Terre Vivante, en fait, eux avaient déjà commencé à faire des dossiers sur ce genre de chose, alors on ne savait plus quoi faire. Souvent on bricolait ou alors on ne faisait rien. M : Oui parce qu’on n’avait pas les moyens financiers.

F : Parce que SVbois, Sébastien Vazquez, c’est quand même une des premières entreprises et personne qu’on a rencontré qui est souple et qui écoute.

uel rôle avez-vous joué dans le choix de la méthode utilisée pour votre plancher ? (voir p. 87)

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F : Ou alors c’était super chère, il fallait M : En fait, comme il avait travaillé sur faire venir les trucs de je ne sais où… la charpente et qu’on savait qu’il avait M : ...surtout d’Allemagne parce qu’ils une sensibilité pour ça et qu’en plus il étaient en avance. est du village, on lui a fait entièrement F : Parce qu’on avait des copains aussi confiance, je ne sais pas. On a senti qu’il (…) un par exemple, il vitrifiait bio. Il était assez respectueux du lieu et puis a dû recommencer 36 fois parce que qu’on pouvait lui faire confiance. Mais la justement, ça ne tenait pas, ça ne marchait méthode c’est lui qui l’a trouvée. pas. Je veux dire, c’était tous les débuts F : Par contre, concernant les matériaux… de ces produits. Les trucs chimiques j’ai appris des choses parce qu’il y a un c’était vachement efficace et bien mais les moment où je ne me suis plus intéressé. alternatives n’étaient pas encore au point. On avait fait des travaux de ce style M : Oui, par exemple les fenêtres on les a traitées à l’huile de lin mais l’huile de lin, les insectes collaient dedans, dans la poussière. Il n’y avait pas assez de siccatif. Enfin on a fait plein d’erreurs comme ça au début et puis, bon on n’était pas les seuls, chacun essayait sa façon parce qu’on était tous fauchés.

mais je ne connaissais plus les nouveaux matériaux et je ne savais pas que c’était déjà passé au stade industriel en fait. Parce qu’on ne trouve pas ça dans les magasins de bricolage (…). Mais par contre, j’ai découvert quand il était là sa technique pour mettre à niveau. J’ai fait le couloir du haut et lui-même a regardé comment F : C’est vrai, parfois on se demande j’ai fait et m’a dis en rigolant «ça c’est pourquoi on n’a pas jeté l’éponge parce intéressant!» que parfois on a ramé… On bricolait mais M : Le couloir d’en haut l’a peut-être ce n’était pas satisfaisant, puis ce n’était inspiré. Pour ce couloir que l’on a fait jamais fini en fait… ce n’était jamais nous-même on avait ce problème de niterminé… Sauf pour le crépi, ça c’était veau et donc je lui avais dit : «tu mets cohérent parce que là, c’est quand même des planches le long des poutres qui sont la recette à l’ancienne avec la chaux et plus hautes que les poutres et tu les mets tout. toutes à niveau» et peut-être que c’est M : Il y a un autre problème, c’est que ça l’idée qu’il a réutilisée pour faire les quand on fait appel aux entreprises, cadres. Effectivement nous on avait fait comme au menuisier, on n’a pas le choix le plancher d’en haut un peu comme ça des... des manières. C’est-à-dire que lui, avant. il utilisait la mousse polyuréthane autour des fenêtres. Alors on en a parlé avec Sébastien Vazquez (Patron de l’entreprise SVBois) on lui a demandé comment lui il faisait pour isoler les fenêtres et il n’a pas de solution. Parce qu’il y a un interstice entre la fenêtre et le bois et automatiquement pour remplir cet interstice ils utilisent des mousses. (...) On l’a appelé à faire une réflexion là-dessus. Ce qui fait que si on fait refaire les fenêtres on ira peut-être chez quelqu’un d’autre pour acheter les fenêtres mais par contre le faire poser par SVBois pour l’isolation.

F : Moi j’ai trouvé que c’était très bien, parce que après, pour l’isolation et tout et la pose du dessus, tout est facilité et après il y a juste une étanchéité à faire entre ces planchers et les poutres.

M: Il nous a même fait promettre de mettre le scotch quand le mur serait fini ! F : On lui a fait confiance, on n’avait pas une idée préconçue. Vous voyez, au niveau du langage (…) on lui avait dit en haut dans le couloir, on veut faire à l’ancienne. Lui il m’a fourni un plancher, et quand j’ai regardé les planches que je voulais y mettre, une fois que j’avais fini

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de mettre à niveau, je ne comprenais pas, ce n’était pas parallèle c’était donc le fameux truc en queue de billard et moi je ne savais pas ce que c’était. Je l’ai appelé, je lui ai dit « écoutez les planches là, y’a tout de travers ! » Il est venue, il m’a expliqué, il a pris le temps. Et en fait lui, il avait compris à l’ancienne, il pensait que c’était cette technique. Bon après je l’ai fait quand même. Et après il a vu qu’on l’a posé, mais comme il n’avait pas pensé à ça, du coup moi je l’ai mis à l’envers de ce qu’il voulait faire lui. Mais par contre il est là, il ne dit rien, il n’impose pas sa technique, il réfléchit et il essaye de trouver. M : …il respecte beaucoup les gens aussi et puis le milieu. Il s’adapte. F : Moi je trouve que c’est extraordinaire, au point de vue de l’innovation aussi. M : Donc c’est pour ça en fait qu’on va lui faire confiance, parce qu’on sait qu’il va chercher ce qui nous convient, aux clients ou à la maison. F : Par contre pour le mur (…) il m’a expliqué comment faire, quelles étaient les nouvelles méthodes dans les normes. Je n’avais jamais utilisé ces films, le Fermacell je ne connaissais pas. Et il a fourni le matériel et le service aprèsvente, parce que j’ai fait moi-même, et il est venu plusieurs fois, ou par mail, m’expliquer la technique des choses et il m’a fourni toutes les vis, tout, tout ce qu’il fallait ! J’ai découvert et ça c’est très intéressant mais c’est vrai qu’il faut qu’il y ait un échange parce que nous on est prêt à apprendre. M : Ah oui ! On a gardé cet esprit des années 80. F : Voilà ! Il sait que bon, parfois même si ce n’est pas intéressant pour lui, de nous fournir le matériel, il sait qu’on va lui demander quand même d’intervenir en tant que professionnel après. Et les gens qui sont autour de lui, bon l’équipe qu’il y avait là, c’est aussi des gens très intéressants et très intéressés par la chose quoi. Ce ne sont pas juste des mecs qui font leurs heures et qui rebouchent un trou puis c’est bon c’est terminé. M : Vraiment moi je suis en admiration parce qu’ils s’investissent aussi. Ils donnent des cours et prennent des cours, ils se donnent à fond. On voit qu’ils aiment ça et que c’est leur métier.


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C’est extraordinaire. F : Parce qu’on peut comparer par rapport à d’autres entreprises comme on avait essayé de faire venir pour la salle de bain où finalement on a fait nous-même. Les gens qui viennent ils imposent leur truc (…) et puis ils font d’une manière et pas autrement quoi !

uriez-vous souhaité faire appel à un architecte? Avez-vous un objectif de projet depuis toutes ces années ?

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M : Il y a deux choses, déjà le budget, mais aussi le fait que moi j’ai des idées bien précises. Si l’autre ne comprend pas mes idées, ne les suit pas je ne suis pas intéressée. Et les architectes c’est quand même des gens qui sont des créateurs. Ils veulent créer leurs choses. Donc je crois que je n’arriverai pas à m’entendre avec un architecte (…) c’est mon caractère quoi. Disons qu’avec les artisans on est bien tombé par rapport à la charpente (…) ou on est mal tombé par rapport au menuisier, mais on n’est jamais allé jusqu’à l’architecte (...). Il aurait fallu qu’on trouve un architecte comme un médecin. Tomber sur le médecin qui comprend qu’elle est la médecine que je voudrais pour ma maison. L’architecte c’est pareil en fait. Donc il aurait fallu un travail fou rien que pour trouver la bonne personne. F : Mais il faut bien préciser (…) nous on est un cas particulier quand même. On ne peut pas généraliser. On a quand même un caractère où on lit beaucoup, on cherche, on se renseigne. M : Moi c’est un métier qui m’aurait tenté (…) F : Pour dire, un de nos rêves quand on a vu le terrain on pensait à une vie autonome, à l’autarcie, vous voyez, faire de l’oxygène avec des plantes, enfin bref. Et j’ai toujours dit, s’il n’y avait pas eu la maison, moi j’aurais bien aimé faire une maison autonome, à l’époque ça n’existait pas le BBC tout ça, mais on cherchait dans les autres énergies. Donc on avait déjà un esprit, ça allait au-delà de juste faut changer la moquette, ou faut changer la chaudière. M : Si on avait eu les moyens illimités, j’aurais désossé la maison et j’aurais fait

entretien

refaire peut-être avec un architecte alors. Un architecte des Maisons Paysannes d’Alsace ou bien d’un organisme vraiment qui s’intéresse à la maison alsacienne, en rajoutant des idées modernes et là, un architecte, un maître d’œuvre qui prend tout en charge et j’ai plus qu’à dire mes idées. F : Parce que c’est vrai que nous on doit découvrir, vous voyez, par exemple comme là on veut tout rénover, il faut vraiment réfléchir quand on fait quelque chose, comme on refait tout et qu’en même temps on remet tout aux normes. On regarde la norme électrique actuelle et on essaye de le faire. Bon on n’est pas toujours tout à fait dedans au niveau des réseaux de communications par exemple (…). Mais on est obligé d’avoir cette réflexion. Nous on avait des idées et on essayait de le faire dans la réalité.

ous parlez de rénovation dans le cas de votre maison, que voyez-vous comme différence avec les notions de réhabilitation et de restauration ?

V

maintenant je voudrais que ce soit clair. On en a marre du tout bois en fait. Toute la période du lambris et tout… M : D’ailleurs, ce n’est pas d’origine le lambris. C’était du bricolage des gens à qui on a racheté la maison. Et nous on en a mis parce qu’on ne pouvait pas faire autrement. Ce n’est pas tout bois, c’est le cachet de l’ancien. Les petites chambres avec les gros meubles, enfin ce qu’il y avait avant. Parce qu’on veut enlever toutes les portes pour gagner de la place, pour moderniser, gagner de la place mais on ne veut pas toucher à l’extérieur. Par contre on mettra des fenêtres en aluminium parce que ça nous évite l’entretien. F : Ceux qui visitent, ils sont tous étonnés. Ils disent que les poutres c’est bien mais nous on en a marre des poutres brunes. On dit non, on va les arracher.

st-ce que vous réemployez les matériaux lorsque vous démonté certains éléments ?

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F : Disons, réemployer par exemple à l’extérieur. La toiture qui est sur le garage, ce sont les tuiles de la maison. On M : Pour nous, la restauration ça serait fait des choses à l’extérieur, on recycle, garder en l’état, tout était vraiment remis mais peut-être pas à l’intérieur. Quand on en l’état. Et rénovation ça serait pour change, on change. moi plutôt garder ce cachet de l’ancien, M : On cherche des matériaux modernes respecter le travail des anciens mais avec et écologiques. En fait là, maintenant, les matériaux et les énergies nouvelles. on en est quand même à un stade où on F : Rénover c’est peut-être plus violent… aimerait bien que ce soit des matériaux enfin je ne sais pas. Si on avait eu les bios avec l’économie d’énergie etc... moyens, dans un monde idéal où on n’aurait pas eu de problèmes financiers iscussion libre : je pense qu’on aurait fait à fond de la M : On fait des concessions aussi à rénovation. l’intérieur sur ce qu’on veut. M : Moi je ne veux pas le confort visuel du 19e, je veux ce qui est moderne en fait. M : Le torchis, partout où il y était encore on l’a laissé. Et là comme il n’y avait plus F : Nous on veut de la lumière, on veut rien il y avait du béton cellulaire, on a éclaircir. mis des briques. M : Moi je voudrais prouver, montrer, F : On a réfléchi par panneau en fait, voilà qu’une maison alsacienne qui pourrit sur si c’était en ruine on enlevait tout et on pieds, on peut la refaire mais en ayant à mettait de la brique. l’intérieur du confort moderne. La hauteur des pièces, l’espace, casser les murs M : La sablière était pourrie, la clé de sans enlever le colombage pour qu’on l’assemblage était abimée donc on a mis ait les canons de maintenant. Des pièces du béton. à vivre énormes, des petites chambres, dressing etc.. Mais à l’extérieur c’est une F : C’est du béton armé à l’intérieur mais maison alsacienne. quand vous regardez on dirait une poutre. F : L’intérieur, au début on ne voulait Mais aussi c’était difficile parce qu’on pas toucher au bois. Mais on a évolué, n’avait parfois pas de conseil. Vous savez

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habitants: franck et martine thomas-dubail

moi je ne suis pas un bricoleur, je suis un intellectuel et en fait il y a des gens, un maçon, qui m’a dit que ça au premier hiver ça allait tomber parce que j’ai fait tout moi-même. Alors j’avais peur, mais ce n’est jamais tombé. Enfin, il y a des gens qui nous trouvaient fous. M : Dans la pièce du salon, on a enlevé tout parce que c’était du torchis qui était abimé, donc là on a fait le soutènement, on a mis des étais et là tout est neuf, en brique.

aller acheter les matériaux là où il faut, on n’utilisera plus de matériaux non bios, non fabriqués de façon correcte. (...) Mais vraiment, on ne sacrifiera plus rien, on ne fera plus de concession.

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cas particulier. C’est que nous on n’a pas fait intervenir un architecte dans notre parcours.

M : Parfois on se demande qu’est-ce qu’on a fait comme bêtise en achetant F : Les gens qui sont dans les trucs où tout cette maison mais quand on regarde les est à 90 degrés ils ne comprennent pas. photos on est content d’avoir progressé !

M : Rien n’est droit ici et là une entre- F : Si tous les architectes passait par là prise ne supporte pas ça quoi. (le chantier) ils comprendraient mieux, Quelle que soit la région, il faut que les parce qu’il y en a certains ce sont des entreprises connaissent l’architecture lo- intellectuels. Ou alors quand n’y a pas cale, la tradition et arrivent à connaître cette dimension de l’architecte à l’écoute F : Par contre j’étais déjà gêné à l’époque, le lien entre les nouveaux matériaux des besoins des gens peut-être, ça c’est parce qu’on avait notre copain qui faisait et l’histoire de l’architecture ou de la des artistes en fait. des murs en Iso40 et moi je faisais des construction. En fait, c’est ça le travail M : On était des militants qui voulaient rébriques qui faisaient 15cm, parce que là de l’architecte, de faire le lien parce que habiliter quelque chose qui existe, qui exisla plupart du temps ça fait 15/17cm les le plus grand problème quand on a af- tait, mais il n’y avait aucun lien avec les arpoutres. Et je me disais, les murs ne sont faire à des entreprises directement, des chitectes. pas bien épais. gens comme le menuisier qu’on a eu, ils F : Peut être parce qu’entre-temps, voilà, il y M : Mais tout ça, c’est dû au fait qu’on sont obtus. C’est-à-dire qu’il fait son tra- a eu des notions de développement durable n’avait déjà pas le temps, parce qu’on vail mais si on lui parle d’autre chose il et quelque chose comme ça où on se dit, voilà était très investi dans notre travail et ne comprendra pas de quoi on parle. Et on ne peut pas tout détruire et recommencer puis on n’avait pas d’argent. Donc on fai- donc si on passe par un architecte quand à zéro. sait au coup par coup. Effectivement si on est client d’un architecte et que c’est M : Si on parle de déchets, ici le plancher on avait eu de l’argent on aurait fait une l’architecte qui fait ça, peut-être que de la salle à manger on le réutilise pour des tout autre réflexion. l’architecte a plus de poids ou plus de aménagements extérieur dans le potager ou F : Et c’est vrai que si on a de l’argent et capacités à dire aux entreprises, utilisez pour l’abri à poubelle etc... C’est du réutilisé. un architecte, il y a plus de distance et tel isolant, ou bien il y a telle technique, Puis les chutes nous servent au chauffage. Il une vision plus globale sans doute. Bon ou bien maintenant on peut isoler les faut toujours qu’on trouve un deuxième empar chance, on n’a pas eu d’erreur qui ont fenêtres sans utiliser des mousses de ploi. fait qu’on a dû redémolir. On n’a pas pu polyuréthane, des choses comme ça. M : Rien qu’en Alsace, le nombre de maifaire dans l’ordre normal. Il y a encore des F : Oui je pense qu’un architecte peut sons à vendre qui ne se vendent pas et pourchoses, comme à la cave, ce faussé bon chercher lui-même les entreprises, il ne tant il y a des lotissements avec des maisons finalement c’est un pis-aller. On n’a pas travaille pas avec n’importe qui. Là on clés en main qui arrivent. Là il y a cinq maiencore de solution (...). Mais ce n’est pas est prisonnier du local souvent et comme sons à vendre dans cette rue. (...) Je préfère fini. Ce n’est pas aussi propre que quand il dit, ici il n’y a qu’une manière de faire une maison à colombages qu’une maison on dit, bon voilà on refait une toiture la avec un fournisseur et c’est comme ça comme ça, parce que c’est souple dans son maison est sèche et il ne pleut pas dedans. point. aménagement. Et il y a le critère, si j’achète M : Moi je suis contente de l’avoir fait, Si toutes les entreprises de France (en une maison qui a au moins un siècle, elle a mais effectivement on a pris les choses à parlant de SVBois) étaient comme ça, on été construite sur un sol sain. Alors que les l’envers. On était jeune, on était impulsif, serait au top au niveau international et au nouvelles maisons peuvent être construites et puis on a acheté la maison sur un coup niveau innovation je pense, du progrès et sur des décharges. Pour ça, ça comptait de tête et donc on a dû apprendre les puis même pour faire marcher la vente de d’acheter quelque chose de vieux parce qu’il métiers. Il y avait des structures comme produits. n’y avait pas de toxicité dans le sol. Et c’était Maison Paysanne d’Alsace et tout, mais M : En tout cas il est sur que si tous les dans la tradition. en fait on les a pas utilisées parce qu’on architectes pouvaient faire ce lien entre F : C’est quand même une suite parfois, n’avait pas les moyens au départ quoi. les nouveaux matériaux biosourcés et la ce n’est pas toujours des choix. C’est des Maintenant on a des artisans qui sont tradition et bien, ça gagnerait en qualité. opportunités ou alors c’est des hasards. Il beaucoup plus évolués qu’avant et de faF : Le problème c’est que ça va avec les faut avoir l’esprit ouvert aussi. Un moment çon locale et puis on a plus de moyens finances. Il faut aussi connaître toutes les donné il fallait toujours tout cacher. On a puisqu’on est à la retraite et qu’on a fini aides et ça c’est aussi en train d’évoluer pris le parti inverse dans nos travaux. de la payer. Maintenant tout ce qu’on suivant les politiques énergétiques. C’est fait, c’est quand même dans un esprit de vrai que le moins cher c’est quand même rénovation correcte, durable. (…) Si on de la laine de verre. (...) Mais après c’est fait quelque chose, quitte à se déplacer, vrai on ne peut pas généraliser, c’est un



L’ACTE

La rehabilitation Partie B

Des questions fondamentales sont à poser au préalable de toutes interventions sur le bâti ancien. Suivant le type d’intervention, les impacts sur les édifices sont variables. De l’esthétique des façades à la résistance structurelle, il s’agit de concilier l’efficacité technique à moyen et long terme tout en respectant les caractéristiques propres à chaque édifice. Conditionnant les interventions, le contexte varie et les critères d’interventions sont multiples. Le chantier, point de rencontre des savoir-faire, est abordé sous l’angle des mises en oeuvre qui s’y opèrent. Il soulève les questionnements quant aux démarches d’interventions.


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l’acte

Le contexte d’intervention

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«L’architecture vernaculaire n’est pas soumise aux caprices des modes.»35

Intervenir sur le bati ancien e compromis en compromis, les solutions émergentes dev raient permettre à la construction de vivre le plus longtemps possible. Mais il est question également d’apporter un maximum de confort aux habitants tout en respectant leurs idées, leurs envies et leurs budgets respectifs. «Et si ces solutions sont celles de la tradition, pourquoi chercher d’autres, plus « modernes » mais peut-être plus aléatoires, voire dangereuses pour la survie du bâtiment.»36. Le problème n’est peut-être pas aussi simple. En admettant qu’un retour aux pratiques de construction traditionnelles serait bénéfique à la préservation d'un savoir-faire, il est parfois non négociable voire inévitable d’avoir recours à des méthodes plus contemporaines. Dans tous les cas, les problématiques des maisons sur lesquels il convient d’intervenir sont si diversifiées qu’il est préférable de ne pas se radicaliser vers une méthode plutôt qu’une autre. Bien avant les phases de projet, la résolution des problèmes techniques soulevés par un diagnostic du bâtiment est à prévoir. Ces derniers étant moteurs du projet qui en suivra.

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e bâti existant dont il s’agit ici englobe les monuments historiques, le patrimoine ancien (bâtiments non protégés situés aux abords de monuments classés, en secteurs sauvegardés, ou dans les sites protégés de milieu urbain ou rural), le patrimoine ordinaire dont le vernaculaire, constitué par les bâtiments de caractère faisant rarement l’objet de mesures de protection.

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Ce patrimoine au sens large, représentait déjà dans les années 90 plus d’un tiers37 de l’activité du bâtiment mais peu d’étude ont su en quantifier clairement le vaste champ d’intervention. En comptant l’entretien courant et la réhabilitation d’édifices qui ont peu de chances d’être un jour considérés comme un patrimoine (logements sociaux, bâtiments industriels) on estimait grossièrement que les interventions sur le bâti existant représentaient dans les années 1980 environ la moitié de l’activité du bâtiment. Ce large domaine d’intervention ne peut être abordé comme une simple niche d’activités spécialisées au vu des besoins en qualifications conduisant à s’interroger sur l’ensemble des formations du secteur du bâtiment. Les travaux de Françoise Choay, consistant à montrer comment la façon de définir et de considérer le patrimoine évolue au fil des ans, indiquent le signe d’une évolution des mentalités. S’ajoute à cela l’arrivée timide de certains enseignements sur la réhabilitation et non pas la restauration du patrimoine dans les écoles d’architectures Françaises, bien qu’encore sous enseignée. En réalité il est difficile de quantifier ce secteur étant donné l’impossibilité d’évaluer le patrimoine bâti à travers des critères bien précis. Chacun peut se faire son opinion de ce qu’il considère comme un bâtiment ayant une valeur patrimoniale. Quoi qu’il en soit, le domaine de « l’architecture non codifiée »38 est d’après Bernard Rudofsky si mal connu qu’il en est impossible de le nommer.

35. RUDOFSKY Bernard, Architecture sans architectes, Chêne, 1977, p. 4. 36. VALENTIN Jean-Louis, Le colombage, mode d’emploi, Eyrolles, 2012 37. Données issue d’une enquête menée par le Céreq et le CERFISE, auprès des architectes du Patrimoine, Réalisée à la demande du

ministère de la Culture et de la Communication., (www.cereq.fr/cereq/netdoc16.pdf), entre octobre et décembre 2001 38. RUDOFSKY Bernard, op. cit., p. 5.


le contexte d’intervention

L’architecte, dans sa pratique sur l’existant, est alors toujours confronté à un choix entre ce qu’il décide de préserver ou de supprimer. Ce qu’il considère comme support d’une valeur et porteur d’une mémoire selon sa propre subjectivité, sera alors conservé, restauré voire valorisé au détriment d’autres éléments dont la disparition peut être autant bénéfique que dommageable au bâtiment en bien des aspects. La réhabilitation consiste au sens large en des choix tant issus de subjectivité que de compromis et de négociation. Car même si la valeur patrimoniale d’un bâtiment est un aspect dont l’architecte peut se faire le défenseur, il est parallèlement confronté aux moyens techniques, matériels et financiers dont il n’est pas le seul maître décisionnel. En effet, en plus des enjeux architecturaux que représente la préservation du bâti existant, les interventions sur ce dernier sont confrontées à un grand nombre de problématiques divergentes selon les intérêts de chaque acteur concerné. Depuis plusieurs décennies en France, le bâti ancien en milieu rural connaît une disparition croissante traduisant la perte d’usage d’un grand nombre de bâtiments dont le devenir pose problème. Depuis peu, les regards sur le patrimoine ont évolués et les démarches pour valoriser le bâti ancien se multiplient. Les constructions qui avaient autrefois une seule valeur d’objet sans intérêt architectural, tendent à prendre une valeur de témoignage. Les maisons rurales issues de techniques de construction vernaculaires prenant de ce fait une valeur culturelle, sociale, économique et environnementale. Au-delà des raisons fonctionnelles qui justifiaient leur existence, ces maisons peuvent aujourd’hui être considérées comme un réel patrimoine ordinaire habité.

Dans certaines situations une mauvaise réhabilitation peut nuire fortement à la pérennité d’un édifice et en réduire les qualités initiales.

Cette prise de conscience constitue un véritable jalon de l’évolution de la notion de patrimoine depuis l’invention de celle de «monument historique» . Néanmoins, la variété de ce patrimoine en France ne permet pas de mettre en place une démarche de préservation standard. e développant sans architecte, l’architecture traditionnelle a de tout temps été l’objet d’une expression spontanée et naturelle d’un peuple soucieux de son habitat. Les bâtiments devaient être consolidés, modifiés ou agrandis suivant l’évolution du programme et des besoins des occupants. Ces adaptations sans projet démontraient d’une aptitude naturelle de la part des bâtiments à se transformer progressivement. Le développement industrialisé des techniques, l’amélioration des communications et la disponibilité de nouveaux matériaux ont favorisé les modifications apportées aux architectures traditionnelles. Celles-ci, dans un certain sens, suivaient déjà une forme de standardisation quant à leurs identités locales. Les maisons alsaciennes, dont les techniques constructives varient entre la pierre et le pan-de-bois par exemple, suivaient une même structure spatiale. Depuis transformées parfois à maintes reprises, ces maisons subissent l’éventail des possibilités techniques et formelles disponibles pour les propriétaires et constructeurs locaux ainsi que pour les architectes. L’apport de nouveaux concepts structuraux et typologiques ne permet plus aux conditions de départ d’une intervention de reposer sur les fondements de la tradition locale ni sur les principes de son organisation économique et sociale. Modifiant considérablement le résultat final, ces transformations donnent l’image d’une nouvelle architecture populaire qui, même si elle tend à répondre aux enjeux environnementaux et aux envies, marque une cassure probablement définitive avec la tradition. L’architecture traditionnelle s’en retrouvant confrontée à une certaine réalité du milieu rural contemporain qui en adoptant de nouvelles formes et de nouveaux matériaux, souhaite moderniser son habitat.

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l’acte

La rehabilitation et ses specificites ombreuses sont les définitions du mot réhabilitat ion dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme. Ce terme apparaît de plus en plus dans les vocabulaires depuis ces 30 dernières années. Il se retrouve alors bien souvent utilisé pour définir n’importe quelle intervention sur le bâti existant, par effet de mode ou d’habitude de langage. Communément, les confusions ou confrontations avec les notions de restauration et de rénovation ne sont pas rares. Ces notions vont aussi dépendre du vocabulaire propre à chaque domaine et métier. Alors que les charpentiers parlent le plus souvent de rénovation, les architectes vont probablement privilégier le terme de réhabilitation sachant que l’un n’exclue pas l’autre. La réhabilitation, parmi les termes restauration et rénovation, est peut-être le moins définissable. L’entrecroisement de ces notions empêche de les ranger dans différentes cases, ce qui serait réducteur. Au contraire, s’ils font l’objet de tant de débats, c’est bien parce que les frontières entre les définitions sont loin d’être strictes et immuables. Il ne s’agit pas ici de définir clairement les limites de la notion de réhabilitation, mais plutôt d’illustrer dans une démarche comparative la complexité et les divergences qu’elle suscite.

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« En 2013, la construction neuve (y compris travaux d’extensions) représente 73,9% des travaux des architectes pour seulement 26,1% à la réhabilitation. Les architectes sont donc sur-représentés dans le neuf et sous-représentés dans l’existant (qui, dans le chiffre d’affaire global du bâtiment, représentent respectivement 43,6% (neuf) et 56,4% (entretien)). »39

i la construction de nouveaux édifices devance de loin la réhabilitation dans la pratique des architectes, ces chiffres ne prennent pas en compte le type de bâtiment dont il est question. Ainsi, un regard est à porter sur les chiffres dans le secteur du logement, puis plus précisément du logement individuel. Ensuite, le nombre de maisons à pande-bois sur lesquelles il y a intervention est difficile à quantifié. Car en effet, l‘intervention d’un architecte n’est pas obligatoire, sauf si la construction dépasse les 170 m2 de surface de plancher et que les aménagements requièrent une demande de permis de construire. Pour autant, même si l’architecte, n’est pas toujours impliqué directement dans la réalisation de la réhabilitation, il est intéressant pour les propriétaires de pouvoir consulter et être conseillés gratuitement par un architecte du CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement) de son département afin d’obtenir des idées et recommandations. Les ABF (Architectes des Bâtiments de France) veillant à la conservation du patrimoine, qui ne réalisent ni plans, ni permis de construire, peuvent également être consultés gratuitement. En effet la réhabilitation des maisons à pande-bois se voit souvent être confiée directement aux entreprises de charpentes, dont les savoirs faire sur le bâti ancien et les implications peuvent étonnement varier de l’une à l’autre. Parallèlement, la formation des architectes en France favorise l’apprentissage du projet de construction neuve, au détriment de la réhabilitation, et les techniques de construction traditionnelles sont quasi-inexistantes des programmes. De ce fait, les architectes aujourd’hui sont amenés à se former eux-mêmes quant à la réhabilitation des constructions traditionnelles. En effet, cette architecture, n’étant pas considérée comme une architecture savante, ne fait pas l’objet d’un apprentissage spécifique. Pourtant ces techniques de construction, le pan-de-bois entre autres, sont sur bien des points à l’origine de l’évolution de l’architecture comme on la conçoit aujourd’hui.

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39. “la profession en chiffres, Ordres des Architectes”, (www.architectes.org), 2016


le contexte d’intervention

Fig 45 Maison à pan-de-bois avec extension récente, Hirtzbach

La croissance de l’activité des architectes dans la réhabilitation, dont les contours sont difficilement identifiables, constitue un marché en cours de construction où l’organisation progressive du cercles d’acteurs doit savoir s’adapter. Or, parce que l’architecte lui-même est en charge de la conception, il est appelé à jouer un rôle de premier plan dans la structuration de ce marché. Son implication dans la préparation, le suivi des chantiers et les négociations qu’il mène lui permettent de mesurer l’écart entre ce qui est souhaitable et ce qui est faisable. L’enjeux résidant en l’écart entre les objectifs et les résultats des projets de réhabilitation. lors que les bâtiments protégés ou classés se concentrent essentiellement dans les villes, le bâti rural reste en marge et notamment pour ce qui est de l’habitat et du bâti agricole. Le monde rural est porteur d’une architecture traditionnelle en partie délaissée. Le fait de réhabiliter dans ce milieu peut présenter des avantages comme des inconvénients. Entre autres, l’isolement des édifices rallonge les temps de transport de matériaux et les rend parfois difficiles d’accès. Les bâtisses individuelles offrent souvent de larges espaces extérieurs facilitant la mise en œuvre, le

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stockage et favorisent la fabrication in situ de certains éléments de la construction. Ce qui en milieu urbain et dans les villages de morphologie bâtie urbaine n’est pas aussi simple. La pose d’un échafaudage par exemple peut s’avérer difficile dès lors que le bâti se présente en front de rue sur la limite parcellaire. D’autre part le milieu rural est généralement moins règlementé en termes d’urbanisme et présente donc des avantages quant aux flexibilités des projets de réhabilitation. La réhabilitation trouve également dans le monde rural une certaine informalité dans les négociations qui est facilitée par le fait que les acteurs concernés sont nettement moins nombreux qu’en milieu urbain. Au vu de ses innombrables cas particuliers, le bâti rural Alsacien et notamment celui construit en pan-de-bois, peine à survivre face à la pression immobilière grandissante de la région frontalière.

Connaître et reconnaître cette architecture comme objet patrimonial ne garantit en rien sa sauvegarde.

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Éventuellement, trouver une nouvelle vocation dans le cadre de projets bien précis à certains édifices constitue un premier pas. Le glissement de fonction des bâtiments tend généralement dans les milieux ruraux à se traduire par la transformation du bâti agricole en bâtiment d’habitation. Le phénomène de désagricolisation des campagnes laisse un grand nombre d’anciens corps de fermes à l’abandon car leurs entretiens et transformations demeurent onéreux. Cependant, il n’est pas toujours souhaitable de tout conserver. Il est même normal de chercher à tirer le meilleur parti du potentiel que le bâti rural présente. En pensant

le bâti rural comme un tout et non pas comme la somme de bâtiments individuels juxtaposés, c’est en l’intégrant dans des projets de développement territorial à plus grande échelle qu’il obtiendrait peut-être une chance de survie. Mais dans la majorité des cas, le problème est au-delà de la stratégie de valorisation à employer. Un frein majeur à la préservation de ce patrimoine ordinaire vient du fait qu’il soit du domaine du privé. Stratégies, démarches et théories se heurtant continuellement au fait que les décisions prises sur cette architecture dépendent directement de leurs propriétaires. Il est compréhensible pour


le contexte d’intervention

Fig 46 Corps de ferme et habitation reconstruit dans l’ECOMUSEE d’Alsace

un propriétaire d’être séduit par les offres d’achat des promoteurs immobiliers, mais la pression foncière n’est pas le seul facteur de disparition de ces maisons. Pour en revenir plus précisément au pan-de-bois, leur préservation dépend également des conditions dans lesquelles elles sont entretenues et des différentes interventions auxquelles elles sont soumises au cours de leur existence. Ces facteurs sont directement liés aux décisions et aux compromis auxquels tout propriétaire est confronté. Jusqu’alors ces maisons à pan-de-bois construites essentiellement par des maîtres bâtisseurs charpentiers, ne faisaient pas l’objet d’attention

particulière de la part des architectes. S’emparant de plus en plus de la question de la réhabilitation, ils se heurtent dans ce cas précis à des problématiques qui mettent à l’épreuve leurs plus nobles intentions envers le patrimoine ordinaire vernaculaire. Leurs possibilités d’action s’en trouvent parfois très limitées. Si toutefois ils sont invités à travailler de plus en plus sur ce type de projet, faire appel à un architecte n’est pourtant pas une possibilité que tout propriétaire peut s’octroyer.

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l’acte

L’acte de la rehabilitation

bsent dans l’enseignement de l’architecture, et abandonné peu à peu, le chantier est un des aspects du métier de l’architecte dont on parle le moins. Il est pourtant permanent, dans le sens où tout commence au seuil du chantier. Pierre Bernard définit le mot chantier de la langue française, qui selon lui sans égale ni en anglais, ni en allemand, « recouvre trois topiques indissociables : l’activité, la temporalité et le lieu. »40. Cet espace/temps/action qu’est le chantier, dont certains architectes s’éloignent, est le générateur de toute construction, la naissance de tout objet d’architecture. Pour ce qui est de la réhabilitation, le chantier prend une autre dimension. Il ne s’agit pas de la phase en amont de la construction ayant un début et une fin marquée symboliquement par la réception du bâtiment. Le chantier de réhabilitation intervient en cours de vie du bâtiment. Il démarre d’ailleurs la plupart du temps par des actes de démolition, plus que de reconstruction. Il a dans ce cas pour objectif de libérer l’édifice de ses greffes du passé, de ses blessures et de ses atrophies. Selon l’état du bâtiment et le nombre d’interventions qu’il a pu subir par le passé, le chantier vise au départ à le démunir de ce qui lui est dommageable. Un autre aspect différencie le chantier de construction neuve au chantier de réhabilitation. C’est la variabilité de sa temporalité. Il peut en effet être de très court terme tout comme il peut durer plusieurs années. Cela dépend du projet et du budget qui y est accordé. Si l’on conçoit la réhabilitation non pas comme un acte isolé en un temps donné, mais comme une série d’interventions pouvant survenir à différents instants de vie du bâtiment alors la réhabilitation d’un édifice peut également s’inscrire dans un processus de très long terme, répartissant le chantier en une segmentation de petits travaux d’entretien. C’est le cas généralement lorsque le budget ne peut couvrir l’intégralité de la remise en état de l’édifice. Effectivement, si le chantier est de taille importante et si les finances ne peuvent pas suivre, ou bien les deux, la réalisation des travaux peut se faire en plusieurs fois.

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Lors du démarrage d’un chantier de réhabilitation plusieurs étapes sont essentielles avant d’entamer les travaux de gros œuvre.

La priorité est de chasser l’humidité, d’attribuer les premiers soins à l’édifice et seulement une fois que la maison est assainie les travaux peuvent prendre une tournure de construction classique. n lieu de transmission év incé par la préfabrication: Les connaissances sur les techniques de construction ont été transmises pendant des siècles, de génération en génération et directement sur le terrain. Cette transmission orale est aujourd’hui menacée de disparition mais commence à faire l’objet de travaux écrits. Au jour où la communication n’a jamais été aussi simple et l’information aussi accessible, elle se perpétue et se renouvelle à travers de nouveaux outils. La responsabilité de cette transmission de savoir-faire change de main au fur et à mesure. Auparavant, les maîtres charpentiers et autres artisans diffusaient ce savoir sur le seul lieu du chantier, par la pratique. De même pour les habitants, la culture constructive locale était ancrée dans les savoirs de chacun et tous suivaient les mêmes techniques de construction que celles des alentours. Auparavant adaptées au contexte géographique et climatiques et construite en fonction des matériaux disponibles et proches, les modèles d’architecture n’étaient pas aussi nombreux. L’évolution exponentielle du domaine de la construction et les innovations portées ont mené à une diversité inédite des techniques constructives. Les modes constructifs diffèrent aujourd’hui d’une maison à l’autre dans le même village. Alors qu’avant on construisait comme son voisin puisque c’était ce que l’on connaissait et c’était ce qui était possible, aujourd’hui on ne peut

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40. BERNARD Pierre, “Le chantier”, in Criticat, n°02, retranscription de conférences, 2008, p. 100.


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le contexte d’intervention

Fig 47 La maison démontable de Buster Keaton

compter le nombre de type de construction disponible et envisageable. Mais progressivement ces connaissances se sont vues oubliées. L’avènement des techniques et matériaux industriels facilitant et standardisant les techniques de mise en œuvre et permettent de ne plus se soucier de la conservation de l’architecture traditionnelle. Conséquence de la mondialisation, l’architecture des villes comme des villages ne correspond plus à un modèle traditionnel unique et produisent des paysages construits très hétérogènes. Les modes constructifs diffèrent aujourd’hui d’une maison à l’autre dans le même village. Les connaissances de toutes ces techniques si spécifiques ne peuvent être alors que déplacées vers des professionnels qui ont chacun leurs spécialités qui ne font plus partie des acquis culturels de tous. Ainsi, la connaissance de la technique de construction du pan-de-bois est éclatée et disparate. Passant des mains des artisans et des habitants à celles de différentes catégories d’acteurs. Les personnes concernées par cette diffusion se sont en effet démultipliées. Les architectes mais également les associations, les municipalités, les historiens, voire même les archéologues dans certains cas sont aujourd’hui des acteurs importants dans la

diffusion de ces savoirs et ce, malgré leurs intérêts respectifs. La responsabilité de cette diffusion ne revient donc pas aux seules entreprises et aux architectes, mais dépend d’une palette d’acteurs. Les effets des jeux d’acteurs sont tantôt bénéfiques, tantôt dommageables à la préservation de l’architecture à pan-de-bois. Ils dépendent des intérêts et des moyens de chacun de ces acteurs, conduisant à l’écart entre l’objectif de la réhabilitation et le résultat obtenu. Aussi, la transmission des savoir-faire et des techniques de construction s’est vue disparaître avec l’arrivée de la préfabrication impliquant une tout autre stratégie de construction. Les procédés industriels de préfabrication ont considérablement changé la valeur du chantier. Conduisant ce dernier à passer d’un lieu de fabrication, d’ingéniosité et d’apprentissage à un simple lieu de montage, la dernière étape in situ du montage d’un édifice. Évidemment, cela dépend du degré de préfabrication de l’édifice et de ses composants. La maison en Kit préfabriquée dont Buster Keaton fait la critique dans un de ses courts métrages, La Maison démontable 41, est une extrême illustration de la perte de valeur symbolique du lieu de construction. Mais cette préfabrication impacte également le domaine de la réhabilitation. Des

41. KEATON Buster (réal.), La maison démontable, court métrage, Métro Pictures, 1920, 21 min.


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l’acte

Fig 48 Solives d’origines raccordées à un nouvelle poutre, chantier de réhabilitation, Altkirch

maisons dont les matériaux d’origine sont naturels se voient aujourd’hui greffées de matériaux contemporains industrialisés et issus de cette logique de préfabrication de l’architecture. es savoir-faire sont liés aux matériaux de construction utilisés et se voient remplacés au fur et à mesure par de simples métiers de pose. Une pose de produits et non plus de matériaux au sens noble du terme qui conduit à des changements radicaux sur la mise en œuvre. Évidement les produits de la construction sont conçus et pensés directement avec la question de leur mise en œuvre. En effet, la facilitation de cette dernière est un des objectifs majeurs du développement de ces produits industriels. L’évolution de la construction est dimensionnée et conditionnée par ces produits standards dont certains architectes prennent le parti d’en faire un moteur de projet, pendant que d’autres subissent. L’utilisation du terme produit plutôt que matériau reflète l’impact de l’industrialisation sur le domaine de la construction. Parler d’une évolution des techniques de mise en œuvre semble paradoxale alors qu’il s’agit plutôt de la disparition et de l’oubli des techniques et savoir-faire. L’’utilisation des produits et des techniques industrialisés dans le domaine du bâtiment dont il ne faut pas non plus oublier les qualités, distance

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de loin les matériaux et techniques traditionnelles. Face à cela, l’architecte tend à troquer son rôle de concepteur pour un rôle de simple prescripteur de matériaux industrialisés. La qualité de la mise en œuvre ne peut pas dépendre directement du travail de l’architecte. En revanche, il est de sa responsabilité d’anticiper les problématiques de mise en œuvre lorsqu’il conçoit un projet et qu’il prescrit les matériaux à utiliser. Dessinateur de détails techniques, il est du ressort de l’architecte de sortir du rôle d’assembleur de produits préconçus. La réhabilitation ne laisse d’ailleurs pas le choix à l’architecte. Il se retrouve confronté à des bâtiments anciens où chaque élément est unique, fait sur mesure, où rien n’est droit de part les déformations subies par l’édifices et où le bricolage s’est déjà opéré. L’objectif étant alors pour lui d’anticiper au maximum les problèmes de mise en œuvre et d’y répondre lorsqu’ils apparaissent sans affecter la cohérence globale du projet de réhabilitation. Une autre question se pose en amont lorsqu’il s’agit d’intervenir sur le bâti traditionnel. L’écart entre une mise en œuvre traditionnelle et une mise en œuvre contemporaine, est interpellant. Des choix et des compromis en fonction de ce qui serait le mieux pour l’édifice et la bonne conduite de la réhabilitation sont à faire. Il ne s’agit peut-être pas de choisir entre l’une et l’autre, tout dépend de l’ambition de départ du projet.


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le contexte d’intervention

Bien évidemment, tout défenseur du patrimoine traditionnel préconisera une mise en œuvre dans les règles de l’art, en suivant la technique d’origine de l’édifice. Mais en réalité, une mise en œuvre traditionnelle n’est pas toujours la plus bénéfique pour la pérennité de l’édifice et il est très rare que toutes les conditions y soient favorables. D’abord, le budget ne permet généralement pas de financer la main-d’œuvre qualifiée et avec cela le temps nécessaire à la réalisation en bonne et due forme d’une mise en œuvre traditionnelle. En effet, les savoir-faire associés sont si spécifiques que les artisans qualifiés en sont d’autant plus rares, et il est donc d’autant plus couteux de faire appel à eux. D’autre part, même si les fonds financiers sont présents, il n’est pas toujours techniquement possible d’appliquer sur un bâtiment existant une mise en œuvre traditionnelle, en fonction de l’état du bâtiment mais aussi en fonction de la disponibilité des matériaux d’origine.

1: Éloigner l’eau de la maison (souvent par le drainage du terrain) 2: Ne pas l’enfermer, enlever tout ce qui empêche les murs de respirer (suppression des bas de murs en béton ou des enduits imperméables) 3: Empêcher l’eau d’entrer (révision de la toiture et des gouttières) 4: Résoudre les désordres (pourrissement du bois ou présence de nuisibles) 5: Le gros œuvrçe (intérieur comme extérieur) 6: Le second œuvre (électricité, cloison etc.. ) 7: Les finitions

Notamment sur les bâtiments en pan-de-bois, les mises en œuvre étaient très spécifiques aux assemblages traditionnels du bois, à la fabrication et la pose artisanales du torchis. Il ne s’agit alors pas pour l’architecte de faire de l’excès de zèle en optant automatiquement pour une mise en œuvre traditionnelle. Tout est une question de compromis. Même si la diabolisation des assemblages contemporains et des connecteurs métalliques, peut en faire des solutions de derniers choix, leur utilisation peut parfois s’avérer être la meilleure option pour des questions de gains de temps, d’argent mais surtout pour faciliter la mise en œuvre. En effet, la pénibilité des conditions de chantier s’accroît lorsqu’il s’agit de réhabilitation. Ceci étant, on notera que l’application d’une technique de mise en œuvre courante pour une construction neuve, peut simplement s’avérer impossible à mettre en œuvre dans un bâtiment existant.

Fig 49 Des étapes de travaux spécifiques au bâti existant


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Les criteres d’intervention

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Avant toutes interventions a volonté de facilitation du quotidien impact considérablement la manière de vivre son habitat aujourd’hui. Les connaissances des logiques constructives ont disparues de la culture collective et amènent les consciences à penser qu’une maison est un objet figé. Même si le débat n’est pas de peser le pour et le contre entre le bâti ancien et le bâti récent, il est intéressant de noter à quel point il est encré dans les mentalités qu’il est plus simple de vivre dans une construction neuve. Effectivement, acquérir une maison à pande-bois ne se limite pas à poser ses valises. Bien que la question d’habiter une maison à pan-de-bois soit subjective, la qualité de vie qu’offre ces maisons est souvent prônée par leurs propriétaires. Mais l’on pourrait dire que cette qualité se mérite. En effet, les maisons à pande-bois exigent une certaine attention. L’entretien et la surveillance régulière qu’elles requièrent, amènent leurs habitants à devoir comprendre le fonctionnement de leur maison, apprendre et se renseigner sur cette technique constructive. Bien que l’auto-construction de la tradition ne soit plus à l’ordre du jour, certains habitants, par le choix de leur mode de vie sont encore très concernés par le fonctionnement de leur habitats. Quelques points sont de ce fait à rappeler quant à l’entretien raisonné d’une maison à pan-de-bois, dont la composition matérielle naturelle demande une attention particulière.

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n plus de la couverture qui doit éviter la pénétration des eaux de pluie et de leur conséquence sur la structure, il y a d’autres points à surveiller. Les systèmes de protection des sablières d’étage, c’est-à-dire les auvents ainsi que les moulures intégrées aux pièces de bois notamment. L’état du remplissage doit faire aussi l’objet de contrôles systématiques. Il est vital à la pérennité de l’ossature car sa dégradation ne protégeant plus de bois des

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pourrissements serait dommageable à la pérennité de l’édifice. Il y a également les sols aux alentours du bâtiment qui sont à vérifier. En effet, une imprégnation par des eaux mal drainées peut dégrader la semelle qui supporte les poteaux de l’ossature mais aussi les solins qui protègent la sablière basse des remontées capillaires. Ensuite, une attention particulière doit être prêtée aux revêtements de protection dont leurs fonctions vues précédemment doivent être préservées faces aux intempéries. À noter qu’en cas de présence d’un enduit au ciment il est impératif de le retirer car, par nature, sa condensation produit de l’eau dont l’emprisonnement entre l’enduit étanche et le mur attaquerait les bois de la façade. Toutes ces surveillances constituent à proprement parler une grande partie de l’entretien d’une maison lorsqu’elle est habitée. En outre, elle renforce le lien entre l’habitant et son habitat du fait du suivi de son évolution et de son vieillissement progressif. D’autant plus lorsque des travaux tels que refaire un hourdi ou un enduit, placer un drain, reposer un élément de bardage, peuvent, selon les compétences de chacun, être directement réalisés par l’usager ou par un artisan spécialisé. u préalable de toutes interventions sur le bâti, un diagnostic va permettre d’évaluer la santé de l’édifice. Autant visibles que cachés, les désordres sont nombreux, mais la réelle difficulté réside en leur compréhension. Pour chacun des maux que l’on peut rencontrer, il n’y a pas de remède miracle. Certains ne peuvent être que bénins et ne nécessitent pas d’interventions lourdes, seulement une surveillance quant à leur évolution dans le temps. Alors que certaines pathologies sont directement apparentes, d’autres se révèlent à travers les effets indirects sur certains points du bâtiment. Peu importe le désordre repéré, dans un second temps il s’agit d’en déterminer l’origine qui parfois

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est bien loin de ce que l’on pourrait imaginer. Le phénomène de cause à effet d’un désordre à l’autre peut s’avérer être un grand frein quant à la viabilité d’une intervention. Après un entretien régulier et une attention exigée par l’habitat à pan-de-bois, le diagnostic s’effectue généralement par des professionnels; artisans et architectes, voire les deux. Tous les angles du bâtiment, inspectés méticuleusement à l’intérieur comme à l’extérieur, font l’objet d’attention toutes particulières. L’objectif étant de ne pas passer à côté de signes avant-coureurs de désordres. Pour cela, les relevés photographiques et architecturaux permettent de débusquer l’essentiel des désordres par les anomalies qui en ressortent. Préalablement, il est conseillé aux habitants de tenir même sommairement en note

les découvertes faites dans leur maison au fur et à mesure du temps. Les détails pouvant être à peine percevables dans certains cas, ils n’en sont pas moins primordiaux pour poser les bases de l’examen visuel de l’édifice. Peu importe le cas de figure, le diagnostic nécessite un certain temps et un investissement de la part de chaque acteur lié à la réhabilitation d’une maison. Prendre le temps de revenir plusieurs fois sur les lieux et surtout à différents moments de la journée semble être de l’ordre du bon sens pour mener à bien un diagnostic fondé. Bien que précédente à toutes interventions, la phase du diagnostic ne s’arrête pas au moment où le projet et les travaux commencent.

Un poinçon permet d’évaluer en profondeur, la résistance de la pièce affectée.

À l’aide d’une plane, il sera parfois nécessaire de retirer les partie atteintes en surface d’un bois pour ne pas avoir à remplacer la pièce

Fig 50 Sondage du bois

Fig 51 Vérification de l’état du bois


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Fig 52 Sablière intermédiaire rongée entrainant le déboitement d’une partie du pan-de-bois

armi les cas les plus f lagrants, il y a la maison à pan-de-bois médiévale et gauchie étant encore mircaculeusement debout.Ces rares cas de déversements latéraux des édifices proviennent le plus souvent de l’ancienneté des bâtisses. Plus le bâtiment est ancien moins il est possible que l’origine du désordre découle d’une ma lfaç on. Une aut re donnée v ient s’ajouter quant à ces déversements. Il s’agit des modifications apportées à l’environnement de l’édifice. L’implantation des réseaux urbains peut déstabiliser les poteaux d’angle ainsi que la sablière basse. Ces dernières pièces sont également menacées par l’exhaussement des sols causés par une stratification successive des revêtements et engendrant leur pourrissement. D’autre part, la déformation du bâtiment peut être causée par des voies d’eau non contrôlées dans la façade entraînant la détérioration des assemblages de l’ossature.

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Le fléchissement d’une sablière d’étage est directement lié à l’état des éléments de bois sur lesquels elle repose et qui participent à la répartition des charges. S’il y a rupture sur ces derniers, alors la sablière, sans support, fléchie. Ce n’est pas le même phénomène que pour une poutre supportant des planchers dont la déformation notable est liée aux charges qui lui sont soumises et à la longueur de sa portée. Par contre, la rupture de la sablière elle-même peut être causée par l’infiltration d’eau si elle n’est pas protégée par une gouttière. Conduisant à son pourrissement et à la propagation de cette détérioration aux autres éléments de bois, il est d’usage de protéger la sablière par différents dispositifs. Le larmier (ou bec-de-corbin) par exemple protège la sablière et se dote d’une fonction de décoration. Dans d’autres cas, la sablière est mise à l’abri de l’eau grâce à un auvent ou encore grâce à l’encorbellement de l’étage supérieur. C’est le cas pour


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les maisons urbaines où l’encorbellement, en plus de contrebalancer la portée des poutres, préserve le rez-de-chaussée des ruissellements de la pluie. Concernant la sablière basse (ou sablière de seuil), deux phénomènes peuvent être à l’origine de sa dégradation ; les remontées capillaires du sol en cas de mauvais état du solin (ou soubassement ) et les écoulements supérieurs de l’eau qui y trouvent là une zone de stagnation. Dans les cas les plus extrêmes cela peut entraîner la désolidarisation des poteaux d’angle ainsi que le faux-aplomb des poteaux intermédiaires. Aussi, le poteau d’angle peut être directement atteint par ces remontées capillaires s’il repose sur une semelle dégradée, qu’elle soit monolithique ou bien faite d’une maçonnerie de pierre. C’est d’ailleurs pour cela que l’on prenait traditionnellement soin d’intercaler entre les poteaux et leur support, une ardoise parfaitement étanche. Ces désordres majeurs, mettant en péril l’intégralité de la structure du pan-de-bois, doivent être pris en charge en priorité. Dû à l’humidité d’un hourdi mal entretenu ou bien à l’humidité provenant de l’intérieur du bâtiment, la détérioration d’une pièce de remplissage survient généralement de dommages collatéraux. Néanmoins, leur rupture peut provenir d’un choc accidentel. La rupture des pièces de décharges obliques par exemple, est souvent générée par l’excès d’humidité rongeant le pied de l’élément. Plus localement, des désordres bien visibles peuvent se manifester au niveau des assemblages à tenon-mortaise. Ceux-ci peuvent découler dans la situation la plus extrême, de la disparition de la cheville qui tient l’assemblage mais dont la durée de vie est normalement au moins équivalente à celle des pièces qu’elle bloque. Ce cas est d’autant plus rare si elle est faite en acacia puisqu’une telle cheville peut supporter jusqu’à 1500 kilogrammes. Plus couramment, le problème vient d’un simple relâchement, c’est-à-dire d’un jeu de quelques centimètres, entre le tenon et la mortaise. Ceci étant engendré par le dessèchement, et donc par la rétractation du bois après sa mise en œuvre. De manière générale l’eau et l’humidité sont effectivement les premières causes de dégradation d’un pan-de-bois. Mais s’additionnent à cela les in-

terventions préalables telle que la suppression de certaines pièces ou encore l’ouverture de nouvelles baies dans la façade.

Les maisons à pan-de-bois recouvertes par des enduits alors qu’elles étaient à l’origine destinées à être visibles, ont vu leurs logiques constructives disparaître en même temps que leurs esthétismes. De ce fait, la dissociation totale d’un assemblage est souvent produite par un désordre majeur affectant la logique générale du pande-bois. Concrètement, la suppression d’une pièce de contreventement qui conduit à la déformation du panneau peut empêcher l’assemblage poteaux/ sablière de jouer mécaniquement son rôle. Autres que les interventions dommageables et des problèmes d’eau et d’humidité, les insectes sont aussi une menace à ne pas sous-estimer.

Fig 53 Assemblage poteau d’angle/sablière basse, creusé par l’eau

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Certains laissent derrière leur passage des traces visibles et bien reconnaissables dans le bois. Premièrement, la petite vrillette forme des petits trous allant de 1 à 1,5 millimètre de diamètre. Ensuite, la grosse vrillette en percera jusqu’à 2 millimètres. Le capricorne, quant à lui, est capable de forer de 2 jusqu’à 5 millimètres. De cette manière, il est aisé de reconnaître le nuisible dont il est question en fonction de la dimension des perforations dans le bois. Un autre indice, au sol permet de savoir si ces derniers sont encore présents dans le bois. Ce sont les sciures générées par les creusements du bois lorsque les insectes forment leurs galeries qui facilitent le repérage de leur présence. Alors que la vrillette n’attaque que l’aubier du chêne, le capricorne lui ne peut s’y attaquer qu’à la condition que le bois ait déjà été dégradé par la mérule. our le pan-de-bois comme pour toute autre construction, l’analyse de la maison ne peut s’arrêter aux seuls désordres observés. De plus, il y a les désordres qui atteignent les autres éléments de la construction en dehors du pan-de-bois à proprement dit. L’état des éléments de second œuvre, des planchers, des menuiseries ou encore des enduits intérieurs dépend de la structure générale. Ainsi, la présence de désordres sur ces parties peut trouver son origine dans les désordres de la structure même si cette dernière n’en laisse rien apercevoir.

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Fig 54 Bois attaqué par la vrillette

Il n’est pas rare qu’un désordre puisse en cacher un autre, voire plusieurs. La dégradation des appuis de fenêtre qui dans la tradition étaient réalisés en bois, est un cas de figure courant. S’ils sont recouverts par des plaques de zinc ou de plomb comme il en a souvent été d’usage, l’air ne peut circuler sur le bois, entraînant sa dégradation et son pourrissement. Si l’état de délabrement n’est pas trop avancé, il peut suffire de découvrir les appuis d’origine pour arrêter les dégâts. Le faux-aplomb des ouvertures se trouve être bien souvent directement lié à l’état de la structure. Parfois, la difficulté d’ouverture des portes et des fenêtres s’avère être symptomatique d’un basculement dû à l’affaissement de la sablière basse. Une construction à pan-de-bois est tout de même capable d’accepter un certain niveau de déformation sans pour autant que cela remette en question la stabilité de l’édifice. Ces déformations pouvant évoluer sur une très longue temporalité, il est d’usage de se contenter de raboter les menuiseries ou de simplement reprendre les niveaux de planchers. La désolidarisation des poutres apparaît souvent dans le cas des maisons urbaines en mitoyenneté. Le raccordement des toitures par un chéneau autrefois en bois, aujourd’hui en zinc, assure la protection des sablières d’étage de chacun des bâtiments contigus. Si le chéneau n’est plus en état de jouer son rôle protecteur, la ruine progressive des sablières qui en découle amène à la désolidarisation des poutres qui s’y raccordent. Dans le cas d’une grange placée en équerre contre une habitation il est primordial pour cela de contrôler l’état de la noue de raccordement des toitures. L’attaque des bois par les champignons peut se déceler de l’intérieur de la construction. De l’extérieur les champignons ne laissent pas plus d’indices que la simple dégradation de l’enduit dont on peut confondre la cause. Du côté des murs intérieurs, la mérule progressant dans l’aubier


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Fig 55 Sablière basse creusée par l’inflitration de l’eau dans le ciment de finition du soubassement

du bois laisse des traces de différentes couleurs variant du noir au blanc en passant par les verts, marrons et rouges. Ces traces s’identifient par leur aspect de poudre humide sur la surface du bois. Bien qu’il soit rare qu’une poutre puisse être entièrement attaquée par un champignon, un sondage permettra de connaitre la profondeur qu’il a pu atteindre. Sa présence ne doit pas être déconsidérée car au-delà du peu de dégâts que le champignon peut engendrer, il prépare le terrain aux insectes xylophages. En effet, il détruit le tanin protecteur du bois et combine souvent son attaque avec celles des insectes. Des sondages sont également nécessaires pour une vérification des parties recouvertes derrière les papiers peints, les enduits au ciment et les plaques métalliques pour ne citer que quelques exemples. Des désordres en devenir jusqu’aux désordres très avancés, il n’est jamais trop tôt pour réaliser ces sondages. Ils apportent une première palette d’indices nécessaires à la compréhension de l’état de l’édifice. Pourtant, puisqu’ils sont localisés en des points précis du bâtiment, les sondages peuvent parfois fausser le diagnostic global du bâtiment. Il peut s’avérer que l’endroit où le sondage a été effectué ne soit qu’un cas particulier de l’édifice. La plus répandue des illustrations de ce problème 42. THOMAS-DUBAIL Martine, Entretien n°1, 2018 (voir p. 52)

concerne les remplissages du pan-de-bois. Sur un même édifice, les remplissages, s’ils sont encore enduits, ne donnent pas à lire leur composition matérielle. Il est alors impossible de savoir si tous les remplissages d’une même maison à pande-bois sont identiques. Beaucoup de maisons ayant subi maintes transformations se composent d’un camaïeu de remplissage, tantôt en torchis, tantôt en brique voire même en parpaing. Ces bâtisses, par leur hétorogénéité matérielle, obligent à réaliser des diagnostics de plus en plus complets tout en sachant qu’il ne peut s’agir que d’hypothèses. La plausibilité de ces hypothèses émises suite au diagnostic de l’édifice est très difficile à atteindre. La démarche des architectes face à ces incertitudes aurait donc tout intérêt à se rapprocher du suivi de chantier, diagnostic y compris. Une démarche de projet qui doit savoir s’adapter en fonction des découvertes faites au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

« Il aurait fallu qu’on trouve un architecte comme un médecin. Tomber sur le médecin qui comprend qu’elle est la médecine que je voudrais pour ma maison. »42

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L’intervention suivant l’occupation

Avant de regarder l’état actuel de la maison qu’il faut réhabiliter, il est question de son occupation. Des cas de figure sont discernables et les réhabilitations qui en suivent doivent être abordées de manières différentes. éhabilitation de maisons abandonnées: Elles appellent à une attention toute particulière sur le fait qu’elles n’ont pas été soumises depuis un certain temps à une différence de températures et d’hygrométrie entre l’intérieur et l’extérieur. Chauffer une maison du jour au lendemain additionné à l’apport de chaleur corporelle et d’humidité, généré par les occupants constitue un véritable choc pour une maison. Les matériaux naturels utilisés dans la technique du pan-de-bois et les façades se retrouvent confrontés à des conditions dont ils ont perdu l’habitude. Une maison vide, suivant les conditions dans laquelle elle est restée, n’est plus habituée à jouer son rôle de foyer. Par exemple, une maison restée sans fenêtres et sans portes pendant des années, a pour habitude d’être ventilée en permanence. Son étanchéification à l’air, liée aux besoins et au confort thermique des habitants, augmente les risques de dégradation des matériaux respirant continuellement jusqu’alors. Un bois asséché brutalement soumis à un taux d’humidité élevé peut présenter une plus faible résistance dans le temps et est d’autant plus menacé par les pourrissements, les champignons ou encore les insectes. Dans ce cas, la réhabilitation qui en suit, devra prêter une attention particulière non seulement à l’état de l’édifice dans sa globalité mais surtout à la temporalité matérielle de la maison. De cette manière, même les maisons à l’abandon peuvent tenir des dizaines d’années dès

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Il n’est pas rare que certaines réhabilitations, suivant de bonnes intentions, passent à côté de l’anticipation du comportement des matériaux face aux changements de conditions d’occupation.

lors que la couverture est en bon état et qu’il n’y a pas de remontée d’humidité depuis le sol. Dans ce genre de cas, lorsque la maison est inhabitée depuis plusieurs années, ce sont généralement les réhabilitations suivantes qui sont des plus dévastatrices. Non pas pour des causes de malfaçons, mais simplement par la présence de nouveaux habitants et des changements qu’ils génèrent. éhabi lit at ion de ma isons oc cupée s : La présence des habitants pendant les travaux implique toutes les problématiques liées à la réhabilitation en milieu occupé. Les enjeux concernant en priorité la sécurité et le confort des occupants, apportent une difficulté supplémentaire notoire. L’organisation et le planning de chantier ne s’abordent pas de la même manière que dans une intervention classique sans occupant. Principalement, l’avancée des travaux dépend aussi des conditions climatiques. Alors que dans un chantier inoccupé, une toiture pourra rester découverte une certain temps, même sous un temps de pluie, l’étanchéité à l’eau et à l’air doit être assurée en permanence lorsque la maison est habitée. Par exemple, s’il commence à pleuvoir lors d’une intervention sur une charpente découverte laissant l’eau pénétrer à l’intérieur de la maison, le chantier s’en retrouve immédiatement stoppé et la toiture bâchée. Mais de manière générale, les interventions en milieu occupé concernent plutôt des réhabilitations partielles et localisées en un élément ou bien en une zone précise du bâtiment. En effet, il est difficilement possible pour les habitants d’entreprendre une réhabilitation totale de la maison lorsqu’ils y vivent. De cette manière la réhabilitation de certaines maisons peut s’étaler sur des dizaines d’années, et même sur toute une vie pour ses habitants. Multipliant les interventions, il s’agit pour eux d’articuler les possibilités financières et les priorités de confort. Dans certains des cas, les habitants se lancent eux-mêmes dans la réalisation de certains travaux en parallèle ou non d’interventions professionnelles.

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les critères d’intervention

Fig 56 Acquisition d’une maison en 1981 par Mr et Mme Thomas-Dubail, Ueberstrass

La limite entre bricolages et travaux n’étant pas si simple à définir, l’on peut dire que certains habitants s’improvisent eux-mêmes les architectes de leur maison. Ces interventions autodidactes peuvent être tout autant porteuses d’innovation, de créativité et d’ingéniosité qu’être une véritable prise de risque quant à la pérennité de l’édifice et au respect du patrimoine traditionnel. Bien qu’il soit louable que les maîtres d’ouvrage s’investissent de telle manière, cette situation induit des difficultés particulières pour la maîtrise d’œuvre et pour les entreprises. Sont à prévoir par exemple, des retards dans les réalisations dont les qualités ne sont pas assurées. La démarche est également plus pédagogique du fait du temps qui est accordé aux explications, à la transmission des savoirs et aux conseils. Ainsi, plus les acteurs sont actifs dans la réhabilitation de leur maison, plus nombreuses et longues sont les négociations. Il est sûr que l’architecte n’ayant pas le dernier mot sur les décisions est dans ce genre de cas confronté à de nombreux compromis. omme il a été précédemment énoncé, l’humidité est le premier ennemi du bois. Certains réflexes simples sont à prendre pour

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ne pas occasionner une telle humidité. Les enduits étanches sur les parois intérieures, l’isolation plaquée conter les murs ne laissant pas l’air circuler, les fuites d’eau persistantes des canalisations, les infiltrations de la pluie par la toiture et les sols cimentés qui emprisonnent la base de pièces de bois de la structure sont à proscrire. L’objectif est d’éviter tout occasion à l’humidité de stagner et d’ainsi favoriser une ventilation naturelle. Cela permettra aux matériaux de respirer et d’évacuer l’humidité tantôt vers l’intérieur, tantôt vers l’extérieur selon les besoins et les conditions. Une façade peut être protégée sans faire appel à des enduits étanches ou des recouvrements d’enjolivement. S’il est prévu à l’origine pour être à l’air libre, la protection d’un pan-de-bois peut être assurée par un bardage de bois, des tuileaux ou des ardoises, à la condition que soit laissé impérativement un vide d’air entre celui-ci et le pan. Par contre, dans le cas d’un pan-de-bois qui n’était pas destiné à être vu au départ, il ne faudra absolument pas retirer l’enduit ou le bardage qui s’y trouve car cela, exposant les matériaux aux intempéries sans qu’ils n’y soient habitués, conduirait à de graves désordres. Il y a néanmoins la possibilité de rajouter un nez en bec-de-corbin (moulure de rejet d’eau) sur les éléments horizontaux de la structure, exception faite pour la façade sud-ouest qui de manière générale est beaucoup plus exposée que les autres en Alsace.

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Precisions sur les interventions nter ventions les plus courantes: citées ci-dessous, elles diffèrent selon la nature des désordres, des techniques de mises en œuvre et des moyens financiers. Chacune conduisant à une durée particulière du chantier, elles mobilisent des moyens techniques divers, allant de la méthode de restauration la plus traditionnelle à la plus contemporaine, en passant par le réemploi de matériaux. Il y a également les interventions non pas liées aux désordres de l’édifice, mais qui visent à améliorer le confort. Notamment par rapport à l’isolation thermique qui est une des interventions des plus fréquentes. Pour cela un doublage intérieur d’une paroi ou un doublage extérieur pour un pan-de-bois caché sera à effectuer.

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Des vérins sont mis en place pour soustraire les parties abîmées. Le réassemblage se fait ensuite par enture

nterventions sur un élément secondaire: comme vu précédemment, les pièces de second ordre qui structurent les panneaux des façades à pande-bois peuvent jouer des rôles différents dans la logique statique de l’édifice. Néanmoins leur remplacement ne présente pas de danger particulier quant à la stabilité de la structure durant la durée des travaux. Colombes, guettes, liens, éperons, lices, décharges sont traditionnellement assemblés aux sablières et aux poteaux par tenons et mortaises. Mis en place par emboitements successifs lors du premier montage de la façade, il serait en toute logique nécessaire de procéder à un démontage pièce par pièce de la totalité de la façade pour remplacer l’une de celles-ci. Fort long et fort couteux, surtout si la façade ne présente que quelques éléments secondaires défectueux, ce n’est que très exceptionnellement la méthode choisie. Pour des éléments de remplissage tels que les boutisses ou les tournisses (pièces verticales et horizontales à l’intérieur des panneaux), il s’agit dans un premier temps de retirer le hourdi qui l’entoure ainsi que les palançons qui le retiennent. Les chevilles qui les maintiennent, si elles y sont encore présentes, sont à retirer également de manière à pouvoir déboucler la mortaise. Ceci consiste en l’agrandissement de l’entaille de la mortaise permettant de désengager le tenon latéralement. Si cette méthode permet de préserver l’assemblage traditionnel de la pièce, il est possible, et c’est de plus en plus fréquent pour des soucis de temps et d’économie, de simplement scier la pièce pour l’ôter. La pièce de remplacement sera alors clouée directement en tête et en pied de sablières. Cet assemblage peu gracieux se verra ultérieurement masqué par le rétablissement du hourdi de remplissage. Dans la mesure où ces pièces ne sont pas porteuses, il n’y a pas de risque d’effondrement.

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ntervention sur un élément de décharge : la précédente technique de remplacement d’une pièce de l’ossature ne peut s’appliquer aussi simplement aux éléments de contreventement. En cas d’intervention il est préférable qu’une guette ou un lien retrouve son assemblage à tenon mortaise,

I Fig 57 Remplacement d’une partie de la sablière basse et du pied de poteau


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Fig 58 Ossature d’un pan-de-bois démonté, Altkirch

les transferts de charge y étant plus importants. Pour une décharge, il faut dans un premier temps retirer les tournisses qui s’y assemblent de part et d’autre. Selon les cas, une décharge neuve peut être préparée en atelier comme sur le lieu du chantier. Si seule une partie de cette décharge est à remplacer, une enture est à effectuer pour remplacer la partie détériorée. Rappelons qu’une enture est un assemblage de pièces de bois mises bout à bout et taillées de manière à pouvoir s’emboiter. Une fois le nouvel élément prêt, il peut être repositionné entre les sablières. La mortaise ayant été agrandie pour le retrait de la décharge, une petite cale sera placée pour la compléter et bloquer l’assemblage. Le placement provisoire d’un ou de plusieurs étaies permettra d’éviter tout risque en l’absence de la pièce de contreventement.

ntervention sur un élément majeur de l’ossature: sablières et poteaux doivent faire l’objet d’une attention particulière lors de leur restauration. Ces pièces massives et couteuses peuvent être remplacées ou réparées, partiellement ou dans leur totalité mais toujours dans une recherche d’économie matérielle et financière. Dans la mesure du possible les parties encore saines de ces pièces doivent être conservées car il est de toute façon très rare que la totalité d’un poteau ou d’une sablière soit dégradée en profondeur. Pour un poteau, le pied au contact du soubassement se présente généralement comme la partie la plus abimée. La tête d’un poteau en contact avec la sablière intermédiaire reste la plupart du temps saine. Dans ce cas de figure, une fois le remplissage et les pièces intermédiaires déposés et après avoir

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Fig 59 Ossature d’un pan-de-bois remonté à l’ECOMUSEE d’Alsace

étayé la poutre, il faut sectionner la partie atteinte en la sciant. Une enture est ensuite réalisée en sous-face de ce poteau à l’aide d’un passe-partout (scie munie de deux poignées et manipulées par deux personnes) ou d’une tronçonneuse. Puis l’inverse de cette enture est taillé dans la pièce de bois de remplacement qui sera emmanchée sans jeu avec la pièce d’origine. Dans le cas où la tête d’un poteau est dégradée à la suite d’une fuite de chêneau par exemple, le procédé de remplacement sera identique. De manière quasi inévitable, lorsqu’un pied de poteau est atteint par le pourrissement, la sablière basse qui s’y raccorde l’est également. Il est alors nécessaire de tronçonner l’about dégradé de cette dernière. Une pièce neuve de la même section sera préparée avec un tenon-mortaise pour l’assemblage avec le poteau et de l’autre côté, une enture horizontale pour se raccorder à la sablière existante. Pour cela, la maçonnerie du soubassement doit au préalable être dégagée et remplacée ponctuellement par des vérins. C’està-dire, un assemblage provisoire de pièces de bois composé d’un pied de poteau et d’une portion de sablière, mis en place par enture en sous-œuvre de la sablière basse afin de la maintenir.

À noter que pour toutes interventions mettant en œuvre des entures, l’essence de la pièce de remplacement doit être la même que celle de la pièce existante. émontage partiel ou complet d’un édifice: il arrive qu’un démontage complet d’une façade soit nécessaire à la bonne conduite de la restauration de ses pièces endommagées. Dans le cas d’une maison abandonnée depuis de nombreuses années notamment, il est même fréquent que la bâtisse soit démontée dans son intégralité pour être reconstruite sur un autre terrain. Bien qu’il soit incohérent de décider de la destruction pure et simple du bâtiment, peu importe la gravité de son état, trop de maisons et leur bois associé, se voient disparaître aujourd’hui. Quotidiennement, de nombreuses pièces de bois atteignant parfois des centaines d’années et issues de chênes séculaires finissent malheureusement jetées ou brulées. Cette matière considérée alors comme du déchet, saurait pourtant se réintroduire dans une façade et continuer de jouer son rôle pendant encore des années. Par souci d’économie, mais aussi pour le respect de l’histoire de l’édifice et de ses bâtisseurs,

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les critères d’intervention

réutiliser un maximum d’éléments semble ne pas manquer de pertinence. « On devra donc admettre comme principe préliminaire aux travaux que toutes les pièces de bois récupérables seront épargnées »43 . Pour ce faire, le hourdi doit être minutieusement retiré de l’entre-colombage. Des zones de stockage sont à prévoir en attendant la réutilisation des matériaux. Cette mise à nu de la structure permet en parallèle de comprendre les mises en œuvre particulières d’origine ainsi que de déterminer l’âge de la maison dans une approche presque archéologique. Dans le cas d’une charpente de toit saine sur laquelle il n’y a pas d’intervention à prévoir, les fermes sont à étayer pour procédé au démontage des façades. Une façade doit dans les règles de l’art, être démontée en suivant le chemin inverse de l’ordre logique de son montage originel. Pièce par pièce, assemblage par assemblage, il faut malgré tout veiller à laisser en place la sablière haute et les poteaux d’angles et des échafaudages sont à positionner à l’intérieur comme à l’extérieur du bâtiment.

Au fur et à mesure du démontage et après avoir vérifié et complété le marquage des bois, les pièces n’ayant pas à subir de transformation pourront être stockées sur place mais sur des cales les mettant à l’abri de l’humidité du sol et sans bâchage. Ils peuvent être grattés au niveau des assemblages et parfois purgés à la javel en précaution du développement de la mérule. Pour les pièces abimées devant être changées, certaines parties saines pourront tout de même être réutilisées. Après taillage, une autre affectation leur sera attribuée. Le pan-de-bois se voit alors entièrement restructuré soit en atelier soit sur place. Retravailler les assemblages sur le chantier nécessite un espace disponible à cet effet. C’est lorsqu’il s’agit d’une intervention aussi lourde sur un édifice qu’il peut ainsi être préférable d’opter pour un démontage complet de la façade et d’en refaire l’épure et la taille en atelier. Pour finir, le remontage des pans de la façade suit l’ordre de marquage des pièces à partir des poteaux d’angle et des sablières basses, jusqu’aux derniers éléments de remplissage.

Boutisse

Décharge

Sablière basse (ou de seuil)

Les deux boutisses assemblées à oulices sont retirées par déchevillage et basculement. Après avoir remplacé la partie défaillante, la décharge est replacée dans la sablière basse en complétant la mortaise avec une cale. Les boutisses sont rechevillées à neuf.

Une partie de la sablière de seuil ayant dû être remplacée, on opère un réemboîtement de la pièce neuve, par enture désaboutée. La pièce de remplacement sera de préférence choisie dans un bois courbe de manière à pouvoir reprendre plus aisément les tenons des tournisses.

Fig 60 Intervention sur une décharge

Fig 61 Intervention sur une sablière basse

43. VALENTIN Jean-Louis, Le colombage, mode d’emploi, Eyrolles, 2012, p. 54.


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Deux chantiers : etudes de cas ne étude de ces chantiers, recouvre une période d’une semaine pour chacun et ne correspond pas a un suivi de toute la période des travaux. Elle correspond plutôt à un resserrement sur quelques étapes de mise en oeuvre dans un temps égal. Cela permettra d’illustrer deux démarches, d’en faire émerger les raisons et les différences et notamment, de mesurer l’écart entre deux interventions sur des bâtis pourtant similaires. Dans un premier temps, le socle contextuel commun aux deux chantiers doit être pris en considération car il appuye justement les

U

B3

différences entre les deux interventions. Ce sont effectivement les points divergeants qui conditionnent l’objectif de l’intervention et dont découlent les choix de mise en oeuvre. Ces derniers se doivent de répondrent aussi bien aux problématiques techniques que budgétaires. Ils sont des points centraux autours desquels s’articulent les contraintes et les décisions. L’étude de ces mises en oeuvre, permettra de révéler les facteurs qui diversifient les possibilités d’actions.

Un socle presque commun es maisons sont toutes deux situées dans le territoire du Sundgau, partie Sud du département du Haut-Rhin en Alsace. Leur typologie bâtie est répandue dans le milieu rural alsacien. Bien que l’une d’elle se munie d’une grange dans sa prologation, type ferme-bloc, ces deux habitations individuelles correspondent à tissu rural de maisons individuelles isolées. Elles sont implantées en milieu de parcelles avec une façade à pignons en alignement sur la rue. Issue d’une même technique constructive, leurs structures à pan-de-bois sont lisibles en façades. Pour ces deux chantiers, une même enteprise de charpente avec la même équipe réalise les travaux nécéssaires. Dans les deux cas, les habitants participent quant à eux, aux tâches auxquelles ils le souhaitent que ce soit en amont, en avale, ou en parallèle de ces étapes de chantier.

C

Le premier chantier, dans le village de Ueberstrass, est une intervention ponctuelle sur une seule des pièces de la maison qui ne fait pas intervenir d’architecte et où seule l’entreprise de charpente interviendra. Le second chantier, dans le village de SaintUlrich, est une réhabilitation globale de tout le corps de bâti, grange non comprise, où le client fait appel à l’agence PUSH Architecture. L’échelle du chantier et le cercle d’acteurs diffèrent. Ce sont deux cas deux figures opposables dans le champs d’intervention sur le bâti ancien. Malgré leur contexte identique et leur similarité, ces interventions ne se présentent pas de la même manière dans le marché de la construction. D’une part avec un architecte, de l’autre sans, il ne s’agit de pas de questionner la légitimité de la présence ou non de l’architecte. La comparaison permettra de comprendre en quoi ces réhabilitations peuvent être porteuses de recherche de solutions de mise en œuvre dans des cadres d’acteurs différents.


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Chantier N°1

Chantier N°2

Maîtrise d’ouvrage

M. et F. THOMAS-DUBAIL

G. et M. HOUTH-BADIN

Commune

Ueberstrass

Saint-Ulrich

Période de construction

Fin du XIXe siècle

Fin du XVIIIe siècle

Surface au sol

100m2

130m2 (grange non comprise)

Milieu

Rural

Commande

Privée Habitat individuel

Typologie

Pan-de-bois

Mode constructif

SV Bois

Entreprise charpente

Participent au travaux

Habitants

Maîtrise d’oeuvre

Pas d’architecte

Agence PUSH Architecture

Mise en oeuvre

Non traditionnelle

Traditionnelle si possible Fig 62 Tableau comparatif des contextes des chantiers

Pour le chantier n°1, il s’agit d’une intervention qualifiable “d’entretien” car une seule des pièces de l’habitation est concernée. Plus précisément dans le but d’en redresser un plancher. L’échelle réduite de cette intervention fait néanmoins partie d’une transformation lente de cette maison qui s’opère depuis plus de 30 ans. Dans ce cas, il n’y a pas de volonté particulière quant à l’utilisation des techniques de mise en oeuvre. Aucun assemblage traditionnel n’y sera opéré, les contraintes principales étant de redresser un plancher en préservant les solives d’origine en chêne dont le fléchissement peut atteindre 10 cm en milieu de portée.

Concernant le chantier n°2, il s’agit d’une écorénovation, terme employé par les architectes, pour y recomposer l’entière partie de l’habitation. La bâtisse ayant subis diverses transformations au fil du temps, le projet ne tendra pas à la ramener à un état d’origine. Les façades en pan-de-bois seront restaurées autant que possible avec des assemblages traditionnels. Des greffes seront misent en place. Dans le but de rendre à la structure sa logique constructive, certains choix s’opèreront quant au remplacement et au repositionnement de certains éléments du pan-de-bois, tout en adaptant le projet aux besoins et souhaits de la maîtrise d’ouvrage.


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21 Septembre 2017

Une maison bricolée chantier n°1

Dernier virage à la sortie du village de Ueberstrass, une maison à pan-de-bois s’installe en épis par rapport à la rue principale. Son pignon lisible depuis la rue laisse déjà apparaître les premiers indices de certaines interventions. Difficilement datables à vue d’œil, les pièces de bois de différentes teintes selon leur vieillissement donnent à lire de manière assumée les parties ayant été remplacées, modifiées ou même ajoutées. Habitée par ses propriétaires depuis une trentaine d’années, cette maison de la fin du XIXe siècle n’a jamais cessé d’être l’objet de transformation. Les différents travaux et interventions qu’ils ont opérés sur cette bâtisse se sont étalés sur le long terme. Tantôt effectuant les travaux par eux-mêmes, tantôt faisant appel à des entreprises et corps de métiers spécialisés. Déjà bien avant l’acquisition de cette maison Sundgauvienne par le couple bricoleur, cette habitation avait déjà été l’une des nombreuses victimes de la premier et seconde guerre mondiale. Transformée, agrandie, détruite, reconstruite depuis déjà plus d’un siècle suivant les aléas et les changements de propriétaires, il est très difficile aujourd’hui de retrouver son état d’origine. C’est ainsi que se mélangent ici des éléments de toutes époques, différentes essences de bois et un bon nombre de techniques de construction plus ou moins anciennes, créant un ensemble hétérogène, dont la composition hybride se veut intemporelle. À l’intérieur, il faut être alerte. Aucun pan n’est droit. Les planchers peuvent atteindre 17 cm de différence de niveau d’un bout à l’autre de la maison et les hauteurs sous plafond sont plus nombreuses et plus variées que le nombre de pièces. Les propriétaires sont heureux de voir arriver l’entreprise qui enfin redressera le plancher de leur salle-à-manger dont les meubles devant être recalés, peinaient à tenir sur leurs quatre pieds. L’intérieure est peu lumineux et simple dans sa composition en plan mais le charme de cette maison bricolée de toute part, n’en est pas amoindri et il satisfait ses habitants. « Cette maison a toujours été un véritable chantier » racontent-ils. Une lumière surprenante vient rompre l’aspect troglodyte de ce style de maison dans la dernière pièce parcourue. Donnant sur un grand jardin, la façade arrière se dote d’une grande baie vitrée illuminant la pièce de vie principale. Cette ouverture, plus qu’inhabituelle dans les maisons à pan-de-bois apporte néanmoins une qualité lumineuse et un confort thermique en hiver grâce à son orientation au Sud. Cette façade partiellement détruite par un obus pendant la guerre avait déjà été comblée par des parties en brique, causant au fur et à mesure des années le déséquilibre de la maison. Ainsi se présentait l’opportunité d’installer cette baie vitrée sans pour autant détruire une partie de pan-de-bois. Lors du passage d’un étage à un autre, périlleux sont les escaliers bien que contemporains, dont le vernis du bois neuf contraste avec les sombres éléments de bois tout autour. Dans les combles, une surprenante charpente est doublée par endroit. Des pièces anciennes accompagnées de plus récentes récupérent les affaissements causés par le temps ou remplaçent les parties trop abimées. Les propriétaires l’exposaient avec fierté. Ainsi toute la charpente et la couverture avaient été rénovées, en prenant soin de préserver un maximum d’éléments de bois existant. Véritable laboratoire, cette maison à pan-de-bois est dans son état actuel, la somme d’interventions lisibles et affirmées lui donnant un caractère unique. Cette structure hétérogène témoigne du passé et de l’histoire de la bâtisse. Toute la maison laisse apparaître dans chacune de ses pièces de nouveaux éléments et différents styles. Le chantier de redressement du plancher dont il s’agira ici, s’additionnant à toutes les autres interventions, s’inscrit dans une logique de long processus de transformation. Il faut voir cette intervention comme une intervention ponctuelle comprise dans une temporalité de modification de l’édifice bien plus élargie.

Fig 63 Façade principale de la maison de M. et F. Thomas-Dubail, mars 2018


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Une mise en oeuvre peu commune chantier n°1

Au-delà du charme et du pittoresque de l’histoire de cette maison, ce sont des raisons souvent plus pragmatiques qui poussent les propriétaires à s’engager sur de longues années de travaux. Que ce soit pour des questions économiques, pratiques, écologiques ou autres, il n’est pas rare de voir des maisons à pan-de-bois se transformer lentement, parfois sur plusieurs générations. C’est probablement même le cas le plus fréquent et cette logique de juxtaposition d’interventions ne concerne que rarement les architectes si ce n’est pour des diagnostics et des conseils avant travaux. Le chantier du plancher étudié n’est en effet qu’une infime partie dans la temporalité globale de la vie de l’édifice. Néanmoins, ce chantier fait l’objet d’une certaine forme d’innovation de la part de l’entreprise de charpente. La technique de mise en œuvre utilisée, bien qu’insolite, démontre de la volonté de l’entreprise de trouver une solution adaptée en fonction des moyens et des demandes des propriétaires. L’objectif est de refaire un plancher à niveau et de l’isoler. Les solives fléchies doivent être préservées, faute de budget pour les remplacer. Un mal pour un bien au vu de la qualité et quantité de matière sauvegardée. Les sections ayant subis de grandes déformations, il n’est pas possible de les contraindre sans risque de rupture. Franck Thomas-Dubail, le client, est intervenu en amont, démontant lui-même le plancher existant, avant de laisser la main à l’entreprise. La technique peu conventionnelle, consiste en l’insertion de cadre de bois fait sur mesure dans l’entre-solivage. Cette solution a été envisagée suite aux discussions entre Sébastien Vazquez, chef d’entreprise de SV Bois, et les clients, Martine et Franck Thomas-Dubail.

Martine Thomas-Dubail: En fait, comme il (Sébastien Vazquez) avait travaillé sur la charpente et qu’on savait qu’il avait une sensibilité pour ça, on lui a fait entièrement confiance. On a senti qu’il était assez respectueux du lieu et puis qu’on pouvait lui faire confiance. Mais la méthode c’est lui qui l’a trouvée… Franck Thomas-Dubail: Mais par contre, j’ai découvert quand il était là sa technique pour mettre à niveau. J’ai fait le couloir du haut et lui-même a regardé comment j’ai fait et m’a dis en rigolant « ça c’est intéressant! ». Martine Thomas-Dubail: Oui alors le couloir d’en haut ça l’a peut-être inspiré. (...) Pour ce couloir qu’on a fait nousmême on avait ce problème de niveau, et donc je lui avais dit, tu mets des planches le long des poutres qui sont plus hautes que les poutres et tu les mets toutes à niveau et peut-être que c’est ça l’idée qu’il a réutilisée pour faire les cages. Parce que c’est vrai qu’effectivement nous on avait fait le plancher d’en haut un peu comme ça avant. Franck Thomas-Dubail: Moi j’ai trouvé que c’était très bien, parce qu’après, pour l’isolation et la pose du dessus, tout est facilité. Après il y a juste une étanchéité à faire entre ces planchers et les poutres. (...) Mais par contre il est là, il ne dit rien, il n’impose pas sa technique, il réfléchit et il essaye de trouver. Martine Thomas-Dubail: Donc c’est pour ça en fait qu’on va lui faire confiance, parce qu’on sait qu’il va chercher ce qui nous convient… aux clients ou à la maison. Extrait d’entretien


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LES ETAPES DE MISE EN OEUVRE

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Sablière basse en béton et plaque de bois

Solives existantes à préservées

Mur de soutènement en pierres maçonnées

C RD

160cm

Fléchissement jusqu’à 10cm

1 R-

m 0c 25

Solives sur potelet, avec calles intermédiaires

Fig 64 Existant après la dépose du plancher et avant l’ntervention de l’entreprise


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1 Mesures et fabrication des cadres sur mesure

Sapin 6x17cm Assemblages vissés

Variation de la largeur entre les solives, de 49 à 61cm

Cadres vissés directement dans les solives

2 Mise à niveau et fixation des cadres entre les solives existantes

Fig 65 Étapes de mise en œuvre 1/4

Les cadres sont fabriqués en section de sapin (6x17cm). La variation de l’écart entre les solives, de 49 cm à 61 cm par endroit, entraîne certaines difficultés quant à la fabrication de ces cadres qui doivent être en contact avec les solives sur toute leur longueur. L’ajustement de chacun de ces cadres grâce à un niveau laser permet de récuperer un plan parfaitement horizontal. Leur niveau haut se positionne quelques centimètres au-dessus de la plus haute des solives de manière à pouvoir positionner ensuite les autres éléments constitutifs du plancher par-dessus.


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Des plaques d’OSB, elles aussi découpées sur mesure pour récupérer les déformations des solives sont clouées en sous-face de ces cadres. L’étanchéification entre les plaques d’OSB de sous-face et les solives présentent tout de même des défauts au vu de la dégradation des sections existantes.

4 Insertion et fixation des plaques en sous-face

Plaques clouées dans les cadres

3

Étanchéité au joints des plaques et à la jonction avec les solives

Mesures et découpe des plaques d’OSB sur mesure

OSB 18mm d’épaisseur

Fig 66 Étapes de mise en œuvre 2/4


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Lattes de 4x6cm

6 Mesures Préparation des lattes Clouées sur le champ des pièces du cadres

5 Projection de l’isolant dans les cadres et par dessus les solives Fig 67 Étapes de mise en œuvre 3/4

Ouate de cellulose

La ouate de cellulose est soufllée dans les cadres ainsi que par-dessus les solives existantes. Un lattage dans le même sens des solives est ajouté par-dessus ces cadres.


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OSB perpendiculaire au sens des lattes, placé en quinconce et cloué

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Étanchéité des joints et des plinthes

Largeur de solive

7

Pose et fixation des plaques d’OSB

Pose et fixation des lattes

Environ 30 cm

Les plaques d’OSB sont placées perpendiculairement aux lattes et en quinconce. Un fois clouées à ces lattes, il faut étanchéifier comme en sous-face, chaque joints entre les plaques ainsi que la jonction entre les plaques et les murs. Fig 68 Étapes de mise en œuvre 4/4


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Fig 69 Photographies des différentes étapes du chantier

Récapitulatif des étapes: • Déposer le plancher existant : réalisé par le client lui même. • Prise de côtes entre le solivage. • Réaliser des cadres sur mesure, en section de bois (sapin traité) 6x17 cm. • Insérer les cadres, les règler avec un niveau laser. • Fixer les cadres entre le solivage par des vis, à faire dépasser du niveau haut des solives. • Découper les sous-faces en OSB 18mm d’épaisseur. • Fixer les sous-faces en OSB au pistolet à clous. • Etanchéifier les intersections entre les cadres

et les solives (très irrégulières) avec un ruban adhésif type SIGA . • Découper et clouer le lattage de 6x4 cm, dans le même sens longitudinal au centre et sur les montants extérieur des cadres. • Projection à l’intérieur des cadres de ouate de cellulose soufflée. • Placer les plaques d’OSB perpendiculairement aux cadres et solives et les clouer aux lattes. • Etanchéifier les joints entre les plaques d’OSB et les plinthes, avec un ruban adhésif type SIGA • Poser le revêtement: sera réalisé par le client


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Fig 70 Photographies des différentes étapes du chantier

Inconvénients majeurs: Tout les transferts de charges passent par les assemblages en visserie entre les cadres et les solives. L’étanchéité à l’air présente des défauts en raison des déformations et des irrégularités des solives.


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25 Septembre 2017

Une maison mise à nu chantier n°2

En arrivant par la route principale du village, la maison à pan-de-bois aux remplissages jaune-orangé se montre peu à peu. Son pignon principal étant en alignement sur rue, c’est son profil qu’elle donne à découvrir en premier lieu. Entourée de friches, la battisse isolée se dévoile sur l’ensemble de sa profondeur, permettant d’identifier au premier regard l’ensemble formé par deux corps de bâti. En front de parcelle, le corps d’habitation principal aux façades soignées et surplombées d’une imposante couverture se prolonge par une grange, dont l’esthétique sommaire se cache sous une toiture débordante, éprouvée par les intempéries et ondulante dans le ciel. Les travaux ont commencés depuis quelques mois et le propriétaire s’active avec enthousiasme aux côtés des artisans. Déjà de l’extérieur certains enduits et remplissages manquent à l’appel déshabillant les façades en pan-de-bois dans une déclinaison de plein et de vide. De cette manière, le tressage des petits bois maintenant le torchis, ainsi que ce dernier sont exposés à l’air libre. De plus, certaines fenêtres ont été retirées et seuls quelques volets fermés en bois peints persistent à l’étage supérieur. L’arrière de la parcelle révèle un autre aspect de l’état de la grange jusque-là non déplorable. De ce pan ayant pour dernier maintien deux étais, en ressortent des pièces de bois à l’extérieur du plan de la façade. Pourtant l’intérieur de la grange se munit d’une impressionnante charpente traditionnelle en bel état, dont le charme opère en laissant apparaître quelques rayons de lumière à travers les tuiles manquantes. Néanmoins, l’intérieur de la partie d’habitation dont la structure en bois commence elle aussi à être mise à nu est difficilement assimilable à la chaleureuse idée d’un foyer. Poussières et débris recouvrent le sol tandis que les échelles, les outils et les rallonges électriques s’y présentent pour seul mobilier. Dans une pièce d’angle au rez-de-chaussée, le plancher a été supprimé, dégageant le soubassement composé de pierres hétérogènes subissant les coups de masse. D’autre part elle est inhabitée depuis quelque temps et elle fait l’objet aujourd’hui d’une lourde réhabilitation. Du soubassement à la toiture, chaque partie déteriorée doit être remplacée ou restaurée. Pour cela, la mise à nu de certaines parties de cette maison est nécessaire quant à la compréhension de sa composition et de sa structure. Ceci permet d’autant plus de préciser la direction du projet qui s’adaptera en fonction des données de ce site très riche et des aléas du chantier en cours.

Fig 71 Façade principale de la maison de G. et M. Houth-Badin, chantier n°2, septembre 2017


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Une transformation revelant un etat anterieur chantier n°2

La maison s’installant en bordure de route, se compose d’un corps de bâti principal destiné à l’habitation et d’une grange dans sa prolongation vers le fond de la parcelle. Elle suit la typologie de la ferme-bloc. Construite vers la fin du XVIIIe siècle, cette bâtisse a déjà subi un grand nombre d’interventions. En l’état actuel, le volume de l’habitation n’est dors et déjà plus le même qu’à son état d’origine. Du fait de l’important volume, l’intégralité du bâtiment ne sera pas traité. Seule la future partie habitable fait partie de la commande. Il faut de prime abord déterminer l’emprise de ce volume habitale. Les différentes posibilités de cette répartition spatiale influent à la fois sur la surface qui sera à traiter, sur la surface brute du plancher de l’habitation mais également sur le volume qui sera à chauffer. D’autre part, pour les architectes, la phase de relevé et de diagnostic représente la partie majeure du travail sur ce type de projet. En effet, le diagnostic évoluant en parallèle de l’avancement du chantier, le projet et les détails techniques conçus pour ce chantier ne peuvent être figés à l’avance. L’évolutivité du projet, dans le cas de réhabilitation est de fait, beaucoup plus accentuée. La conception architecturale ne pouvant s’affranchir des découvertes va s’adapter au fur et à mesure du chantier à l’existant. Il s’agit ici d’une réhabilitation totale de l’édifice, où architectes, clients et artisans se doivent de trouver des terrains d’entente.

AMBITIONS: Éco-rénovation d’une ferme bloc - Amélioration thermique avec conservation des torchis et des fenêtres existantes. - Restitution/ réparation des structures manquantes (sans modifications de la distribution). - Budget limité. - Extension minimale dans la grange.

Rémy CLADEN : C’est quelque part la même démarche de projet que dans la construction neuve, avec une même approche d’étude du site. Toutes les caractéristiques vont nourrir le projet car la pratique est contrainte. On fait l’inventaire de tout, sauf qu’effectivement, en réhabilitation on a un site qui est un peu plus riche, un peu plus dense. (...) Mais sinon c’est la même chose, c’est des potentialités et des contraintes et avec ça il faut essayer de faire le projet le plus riche possible. (...) Raphaëlle ANTONY : Quand on arrive en fait, la maison est dans son jus ou a été modifiée une voire plusieurs fois. Il faudrait remettre toute la structure à nu pour découvrir des choses, c’est la première phase. R.C : (...) Il faut voir si le bâtiment est plus proche de son état d’origine ou de son état transformé. Qu’est-ce qui a encore aujourd’hui du sens? Quel est aussi le souhait du propriétaire? Par exemple, le propriétaire de ce bâtiment, souhaite revenir le plus possible à l’état antérieur, en tout cas pour les éléments visibles de la façade.(...) Il y a toute cette démarche-là, qui en plus est dans son intérêt. Ici ça fait partie de la commande.Mais sur un autre bâtiment où l’on aurait des transformations qui seraient parfois plus intéressantes du point de vue spatial que finalement le bâtiment d’origine, on n’aura pas la même démarche. R.A : Il y a aussi la question financière, c’est un départ qui conditionne. R.C : Aussi, il y a une limite dans le retour à un état d’origine. Il faut se méfier du purisme. Effectivement, cela pousserait à supprimer des éléments qui seraient finalement plus intéressants parce qu’ils raconteraient la vie du bâtiment. Alors que l’état d’origine serait un état standard que l’on connaît déjà parfaitement. Extrait d’entretien n°2, (voir p. 106)


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État d’origine: Surface d’enveloppe traitée: 284m2 Surface brute de plancher: 120m2 Volume à chauffer: 300m2

État existant: Surface d’enveloppe traitée: 346m2 Surface brute de plancher: 144m2 Volume à chauffer: 360m2

Proposition N°1: Surface d’enveloppe traitée: 360m2 Surface brute de plancher: 168m2 Volume à chauffer: 420m3

Proposition N°2: Surface d’enveloppe traitée: 376m2 Surface brute de plancher: 150m2 Volume à chauffer: 450m3

Souhait des propriétaires: Surface d’enveloppe traitée: 487m2 Surface brute de plancher: 254m2 Volume à chauffer: 635m3

Compromis retenu: Surface d’enveloppe traitée: 407m2 Surface brute de plancher: 162m2 Volume à chauffer: 415m3

Espaces non chauffés Espaces chauffés

Extension sur une demi-travée

Fig 72 Coupes comparatives des espaces à l’attention de la maîtrise d’ouvrage, fait le 15/06/16 par la maîtrise d’oeuvre


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D’après l’architecte en charge du projet, Rémy Claden, le bois long n’est pas un critère de datation dans cette partie du Sundgau où il est encore couramment utilisé au XIXe siècle. On pourrait se situer dans la deuxième moité du XVIIIe siècle, si on se réfère à la section des bois, à la symétrie de la composition et aux proportions des fenêtres. Le bâtiment a également subi des phases de transformation : prolongement de la grange, extension de l’habitation dans la troisième travée, et suppression de l’auvent sur la façade Sud de l’habitation. L’étape de chantier étudiée concerne la restauration d’une partie du pan-de-bois de la façade sud, à la jonction entre la partie d’habitation et la grange. La logique structurelle y est effectivement confuse. Une porte sépare la partie d’habitation en pan-de-bois de la partie grange dont le mur est maçonné sur tout le premier niveau. Des éléments y ont aussi été ajoutés de manière informelle, tels des racommodages. Le auvent également présente une déformation notoire et les pièces qui le supportent sont dans un état de détérioration très avancé.

Difficultés au fur et à mesure qui touchent les aspects suivants : la technique, la communication, les finances et le planning: - Présence d’une dalle au rdc avec ponts thermiques intraitables. - Exigences des clients qui ne sont pas toujours compatibles avec leur budget (ex : sdb/ buanderie hors de l’espace chauffé dans le volume de l’étable, reconstruction du four à pain...) créant des surcoûts et difficultés techniques. - Mauvaises surprises au niveau des maçonneries de la cave et des veines d’eau. - Rythme de l’autoréalisation difficile à concilier avec les plannings des entreprises (problèmes d’organisation). - Problèmes de réactivité. Ressenti des architectes : - Choix techniques et esthétiques parfois au détriment de la cohérence globale du projet sur le plan financier et énergétique. - Problèmes d’organisation et de communication avec les clients.

Raphëlle ANTONY : Il y a toujours des petits compromis, mais la question c’est qu’il y en ait le moins possible. C’est-àdire que le cahier des charges de départ soit suffisamment clair pour les artisans justement pour tout ce qui est mise en oeuvre. L’assemblage à l’ancienne, évidemment c’est l’idéal plutôt que des connecteurs métalliques partout. Donc on est relativement précis déjà à la base pour diriger les choses et ensuite il reste des ajustements en fonction du chantier et des étapes. Rémy CLADEN : Il y a des entreprises qui préfèrent refaire à l’ancienne parce que c’est vraiment leur domaine de compétences (...). De ce côté-là il n’y a pas de problème on est même obligés parfois de les freiner un peu. (...) Quand il s’agit par exemple d’une pièce dont seulement l’assemblage aurait été abimé et que le fait de la visser au lieu de refaire un assemblage évite de la changer, cette technique-là sera prioritaire au remplacement du poteau par exemple, parce que ça permet de conserver plus de matière du bâtiment. Le but au final, c’est de conserver un maximum de la matière du bâtiment. Déjà pour des raisons patrimoniales, parce que ça ne sert pas à grand chose au final d’avoir un bâtiment qui n’est qu’une copie du bâtiment d’avant tellement de pièces ont été remplacées dans le sens où après il nous raconte plus rien. R.A : C’était les clients qui avaient récupéré le bois au fur et à mesure des démolitions proches, du coup on a utilisé ça. Après, les charpentiers ont fait le tri sur place car tout n’était pas bon. Ils n’ont gardé que le chêne mais ça ne suffit pas donc il faut en chercher ailleurs. R.C : Dans tous les cas c’est quand même l’artisan qui décide ou non s’il va utiliser le bois.(...) Le bois, l’artisan en le travaillant voit tout de suite s’il est bon ou pas. Extrait d’entretien n°2, (voir p. 106)


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Fig 73 Façade sud existante

Grange d’orignie

Habitation d’origine

Grange existante

Habitation existante

Grange projetée

Habitation projetée 0

1

2m

WC Buanderie 9,4m2

9,4m2

Repas

Cuisine

Bibliothèque

8,6m2

12,3m2

9,9m2

Douche 2,1m2

Séjour 22 m2

Grange et atelier

Chambre

Entrée

9,4m2

9,5m2

N

Espaces non chauffés

Fig 74 Plan de l’habitation, projet en cours, mais 2017


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ETAPES DE RESTAURATION D’UNE PARTIE DU PAN DE BOIS

Fig 75 Repérage du cadrage

Pièces déposées Pièces remplacées Zone sans remplissage

Fig 79 Pièces supérieures à déposer

Fig 76 Pièces à déposer

Fig 80 Après dépose des pièces

Fig 77 Après dépose des pièces

Fig 81 Après pose du poteau de refend

Fig 78 Sablière basse remplacée

Fig 82 Après pose des greffes et de l’entretoise


deux chantiers

1. Dépose du torchis

Cette étape a été réalisée par les habitants avant que l’entreprise de charpente prenne en charge les étapes suivantes.

2. Pose des étais et retrait du soubassement

Les étais remplacent temporairement la fonction des pièces démontées. Certaines plaques de bois sont également ajoutées pour maintenir des pièces entre elles. Le soubassement doit être retiré de plus de la hauteur de la sablière basse. Cela permet de la retirer et de la remplacer sans retirer les éléments verticaux qu’elle reçoit.

3. Dépose des premiers éléments

La greffe au-dessus du cadre de porte, la pièce de support du auvent, ainsi que le poteau et la sablière basse sont retirés dans ce même ordre. Ces éléments sont soit fortement détériorés, soit ils n’ont rien à faire dans la composition de la façade.

4. Préparation et pose de la sablière basse

Le poteau intermédiaire qui s’y repose y est assemblé à tenon mortaise, il faut donc préparer la mortaise dans la nouvelle sablière. Ensuite, elle est assemblée à mi-bois d’un côté et à tenon mortaise de l’autre. Les assemblages sont préparés à l’aide d’une défonceuse et d’une tronçonneuse sur la pièce remplaçante ainsi que sur les pièces en place. Elle s’insère par-dessous en plaçant la pièce contre l’autre sablière. Un mouvement de rotation permet la pose de la pièce dans les différents assemblages.

:

études de cas

7. Préparation du poteau de refend

Les assemblages sont préparés aux extrémités et sur les champs latéraux du poteau de refend.

8. Pose du poteau de refend

La pose du poteau qui mesure près de 4m50, nécessite la main d’oeuvre de deux artisans. Il est redressé grâce à un système de poulie improvisé avec des sangles. Cette étape est la plus délicate. Un tenon à son extrémité supérieur s’assemble dans la mortaise prévue dans la sablière haute. En l’absence de soubassement, la sablière basse est temporairement abaissée pour laisser place à l’insertion de ce poteau. Puis elle est remontée pour permettre l’encatrement du tenon réalisé sur le bas du poteau et de la mortaise préalablement creusée dans cette sablière.

9. Préparation et pose des greffes et des boutisses

Des mi-bois sont découpés à la tronçonneuse en about des sablières d’étages qui ont été séctionnées pour y assembler les greffes de part et d’autre du poteau de refend. Les boutisses s’encastrent dans la décharge et pivote verticalement pour placer son tenon dans la mortaise prévue dans le poteau de refend.

5. Découpe de la sablière d’étage

Cette pièce et sont assemblage avec le poteau intermédiaire supérieur est en mauvais état. Elle est découpée à la tronçonneuse sur la portion à retirer.

6. Dépose du poteau intérmédiaire et de l’entretoise

Le poteau est retiré car en plus de son état avancé de détérioration, il ne correspond pas à la logique structurelle de la façade. Pour le déposer, une des entretoises adjacentes est retirée également, tandis que l’autre sera soutenue temporairement par des sangles. Fig 83 Insertion d’une pièce dans le pan-de-bois

101


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l’acte

AVANT

Fig 84 Extrait de façade, avant travaux

Fig 85 Découpe des mortaises dans le poteau de refend

La réhabilitation complète de cette maison une fois mise à nu, conduit dans un premier temps à la réparation de la structure et des soubassements. Dans la mesure du possible, architectes, clients et charpentiers ont décidé de mener cette réhabilitation en suivant des techniques de mise en œuvre traditionnelle, et notamment à propos des assemblages de l’ossature du pan-de-bois. Dans certains cas, il s’agit également de rétablir un état antérieur

Fig 86 Découpe des mortaises dans le poteau de refend

de la structure. Comme vu précédemment, parmi les cas les plus fréquents, certaines pièces sont à remplacer et des greffes sont à réaliser sur d’autres. L’objectif étant de restaurer les parties du pan-de-bois endommagées, il s’est présenté une occasion de redonner une logique de composition à la structure. Les sections de bois utilisées pour les greffes et pour les nouvelles pièces misent


deux chantiers

:

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études de cas

Fig 88 Tenon à l’extréminité du poteau de refend

Fig 89 Pan-de-bois et sous-bassement restauré

APRES

Fig 87 Mi-bois entre la sablière d’origine et la nouvelle

en oeuvre, sont en partie issu de réemploi. Le propriétaire a pu profité des démolitions aux alentours pour se les procurer. Les assemblages sont autant que possible réalisés de manière traditionnelle. Cette maison à pan-de-bois qui est réhabilitée avec en partie des techniques traditionnelles, est support d’un acte présent, mais en faisant appel à des techniques constructives passées, qui peuvent

Fig 90 Extrait de façade restaurée avec ses remplissages

répondre aux besoins de l’édifice et à des enjeux d’ordre patrimoniale. L’architecte y intègre également les problématiques environnementales actuelles qu’il soumet à la maîtrise d’ouvrage dès la première phase du projet et tentent de résoudre dans ce but les problèmes d’ordre techniques de paire avec les savoir-faire des charpentiers.


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l’acte

Un ecart notable entre deux demarches chantiers n°1 et 2 Les deux chantiers étudiés précédemment sont sur plusieurs points des situations si particulières que l’une ne peut se vouloir plus pertinante que l’autre. Là n’est pas la question. Au contraire, ils sont à considérés comme deux exemples témoignant de la grande diversité des cas d’intervention sur un bâtiment existant. Sans en juger les ambitions de départ, ni les techniques employées, elles révèlent l’importance du contexte d’intervention. Sur une même typologie constructive, dans un même contexte ici rural, avec la même entreprise de charpente, et dans la commande privée de l’habitat individuel, les démarches d’interventions sont grandement opposables. D’une part les objectifs et les ambitions de départ de ces chantiers n’étaient absolument pas les mêmes. Également, le cercle d’acteurs concernés diffère. Ensuite, l’échelle du projet et le temps nécessaire à la réalisation des travaux n’est en rien comparable. Ces chantiers ont étés abordés à un instant T, sur une période d’une semaine alors qu’ils appellent tout deux à des temporalités différentes. Pour l’un, la réhabilitation dure depuis plus de 30 ans, pour l’autre, le chantier a commencé il y a 1 ans et n’est pas terminé.

Aussi, le budget est un fait prédominant à toutes décisions. Celui-ci, suivant son degré de contraignance, pose un cadre qui limite les possibilités d’actions. De ce fait, découlent des solutions qui, devant respecter ce budget, se négocient et qui tentent malgré tout de répondre au maximum à l’objetctif de l’intervention. Poussant ainsi tout les acteurs, clients, artisans ou architectes à oeuvrer ensemble dans une recherche de solution. Une démarche de résolution technique dynamique, qui se nourrit des savoir faire de chacun, tentant de répondre à la fois à la commande mais aussi aux intérêts de l’édifice. Également ces choix sont au centre des intervenants dont les objectifs et les intérêts ne vont pas toujours dans la même direction. Véritables supports de discussions, le lieu du chantier de réhabilitation peut être un vecteur de transmission de savoir-faire, lieu de rencontre, d’échanges et de confrontation. Tel un laboratoire, il contribue aux réflexions communes et à la recherche de résolutions spécifiques à chacun des enjeux de l’intervention sur l’existant.


deux chantiers

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études de cas

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ENTRETIEN avec Push Architecture

Rémy Claden est un architecte intéressé par le bâti ancien depuis sa jeunesse. Dans les années 90, il commence par intervenir à l’Écomusée d’Alsace dans des groupements de travail sur le bâti ancien avant d’entamer ses études d’architecture à L’École Nationale Supérieure d’Architecture de Bretagne. Il revient en Alsace en 2010 et forme l’agence Push Architecture en association avec Raphaëlle Antony depuis 2013. Il est également membre de l’association ASMA où il y joue un rôle d’Architecte Conseil. Raphaëlle Antony est issue d’une formation pour adultes dans la conduite de travaux de second œuvre et a appris directement sur le terrain les autres corps de métier. À eux deux, ils forment l’agence PUSH Architecture dont les principales activités sont la réhabilitation, l’éco-rénovation du bâti ancien ainsi que la construction d’habitations passives.

Fig 91 Réhabilitation par l’agence Push Architecture, photographie en fin de chantier, septembre 2017


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entretien

'activité de l'agence, domaines d'interventions

Rémy CLADEN : Quand j’ai commencé mes études, parler de chaux dans une école d’architecture c’était comme une injure. On avait vraiment beaucoup d’a priori là-dessus. On était encore assez Corbuséen, c’était les matériaux modernes pour l’époque moderne. Quand j’ai fini mes études, les étudiants qui faisaient des projets avec de la terre et tout ça, c’est devenu normal, ça a beaucoup évolué. Dans l’agence notre activité c’est principalement de la réhabilitation dont l’éco-rénovation. On n’a pas fait des moyennes très précises, on a en gros 20% dans le neuf en passif et là c’est aussi de l’éco-construction. Sinon j’essaye de sensibiliser les élus ou même les particuliers sur l’aspect urbain mais ça pour l’instant c’est purement du bénévolat. C’est-à-dire des choses que j’amène dans tous les projets mais qui ne sont pas forcément valorisables en tant que tel. Disons le principal problème étant que tout le monde se retranche derrière les règlements qui finalement ne tiennent pas compte de ces aspectslà, et donc c’est très dur de faire bouger les lignes. Et sinon à côté de ça je donne quelques cours à l’INSA ou dans le cadre de la formation de l’éco-rénovation. C’est une formation qui est plutôt pour les architectes, les bureaux d’études et les artisans. Et sinon à l’INSA c’est pour les étudiants en architecture en général. Raphaëlle ANTONY : Cela fait 4 ans que je travaille avec Rémy. Je suis issue d’une formation en ressources humaines à la base et je suis arrivée dans le bâtiment beaucoup plus tard, en faisant une formation pour adultes dans la conduction de travaux, plutôt second œuvre dans un premier temps et puis ensuite j’ai appris sur le terrain un peu tous les corps d’État. J’ai rejoint Rémy il y a 4 ans et maintenant nous travaillons plutôt sur des grosses réhabilitations et des constructions passives.

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ne formation d’architecte pour Le fait que ce soit aujourd’hui des architectes qui se penchent sur la travailler sur le bâti ancien

R.C : J’ai commencé à me fâcher avec le bâti récent, d’abord avec la maison de mes parents et ensuite en général avec les architectes, les constructeurs, les bureaux d’études, enfin tout le monde quoi. Quand j’étais à l’Écomusée j’ai rencontré des étudiants de la Villette qui encadraient les stages sur le patrimoine. Je participais à ça au début en tant qu’intervenant et ensuite on les organisait ensemble, trois années de suite. Cela m’a un peu réconcilié avec les architectes et ce sont eux qui m’ont convaincu qu’il fallait que je fasse des études d’architecture parce que sinon je n’étais pas du tout parti làdedans.

question, je pense qu’on a trop découper la façon, l’art de bâtir à partir des années après guerre pour qu’aujourd’hui on n’ait pas besoin d’une compétence qui justement nous permette de resynthétiser tout ça. Donc avoir une vraie vision de maître d’oeuvre, je pense que c’était déjà le cas à l’époque quand un maître charpentier faisait une maison, il la dessinait. Ce n’était pas quelque chose qui sortait comme ça de son savoir-faire. Et quelque part il y avait une réflexion aussi et c’est lui qui faisait ce travail-là. Le fait qu’aujourd’hui ce soit des architectes qui le fassent je pense c’est tout à fait dans l’ordre des choses.

es architectes aujourd’hui pour Une réhabilitation c’est différent une architecture construite sans d’une construction puisqu’il faut déjà comprendre le bâtiment et ensuite architecte

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R.C : On avait trouvé dernièrement sur les archives du presbytère de Cernay, qui est un bâtiment Renaissance assez “banal” qui datait du XVIe siècle, qui a été rénové enfin qui est passé sous la coupe de l’évêché dans les années 1720, et quand il a été renové, la rénovation a été confiée à un architecte, donc c’était quand même une pratique assez courante. Après dans le XVIIIe siècle, l’architecte est intervenu plus régulièrement que peut-être auparavant. Tous les couvents faisaient appel à des architectes ou ils avaient des architectes sous la main. Donc on a peut-être espoir de trouver des plans de ce bâtiment parce que la Suisse ayant conservé plus d’archives que nous, on ne sait jamais. Mais pour ça il faudrait entreprendre des recherches et ce n’est pas la priorité non plus. C’est vrai que lorsqu’on aborde une question comme ça, ce serait intéressant de pouvoir faire des recherches approfondies sur le bâtiment. On étudie déjà le bâtiment sur place ce qui peut nous en apprendre en lui-même et on apprend nous-même en étudiant le bâtiment. Je suis à chaque fois étonné de tout ce qu’on peut apprendre sur un bâtiment alors qu’on pense déjà tout savoir, c’est quasiment systématique.

intégrer et restituer tout ça dans un projet. C’est vrai que les artisans ils ont une approche plus immédiate peut-être. S’il y a quelque chose à faire, ils le font mais peut-être pas avec la prise de recul sur ce qu’était le bâtiment et sur la signification qu’il a pu avoir, comme on replace ça dans le projet actuellement.

U

ne pratique différente que dans la construction neuve

R.A : En terme de temps passé sur place déjà oui. R.C : C’est quelque part la même démarche de projet que dans la construction neuve, avec une même approche d’étude du site. Toutes les caractéristiques vont nourrir le projet car la pratique est contrainte. On fait l’inventaire de tout, sauf qu’effectivement, en réhabilitation on a un site qui est un peu plus riche, un peu plus dense. On a donc une étude qui est un peu plus fournie à ce niveaulà. Mais sinon c’est la même chose, c’est des potentialités et des contraintes et avec ça il faut essayer de faire le projet le plus riche possible.

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es hypothèses qui doivent être émises, une difficulté en plus ?

R.A : Quand on arrive en fait, la maison est dans son jus ou a été modifiée une voire plusieurs fois. Il faudrait remettre toute la structure à nu pour découvrir des choses, c’est la première phase.


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push architecture

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our une maison déjà été modifiée Donc là, sur ce type de bâtiment, il s’agit Le cas classique d’extension d’une travée plusieurs fois, à quel état revenir? de faire ressortir cet état justement de la d’habitation dans une grange: la fonction

R.C : Ce n’est pas nous qui décidons ça vraiment, puisque déjà il y a l’état du bâtiment. Il faut voir si le bâtiment est plus proche de son état d’origine ou de son état transformé. Qu’est-ce qui a encore aujourd’hui du sens, quel est aussi le souhait du propriétaire.Par exemple, le propriétaire de ce bâtiment (à SaintUlrich), souhaite revenir le plus possible à l’état antérieur, en tout cas pour les éléments visibles de la façade. C’est-à-dire qu’il souhaite restituer les étables croisées par exemples. Il y a toute cette démarchelà, qui en plus est dans son intérêt. Ici ça fait partie de la commande. Mais sur un autre bâtiment où l’on aurait des transformations qui seraient parfois plus intéressantes du point de vue spatial que finalement le bâtiment d’origine, on n’aura pas la même démarche. R.A : Il y a aussi la question financière, c’est un départ qui conditionne. R.C : Aussi, il y a une limite dans le retour à un état d’origine. Il faut se méfier du purisme. Effectivement, cela pousserait à supprimer des éléments qui seraient finalement plus intéressants parce qu’ils raconteraient la vie du bâtiment. Alors que l’état d’origine serait un état standard que l’on connaît déjà parfaitement. Il y a beaucoup d’exemples comme ça dans l’histoire de l’architecture, les arènes d’Arles qui était un site magnifique occupé par une ville médiévale avec une église et une place de marché, et au XIXe siècle on a tout démoli pour retrouver quelques ruines romaines qu’on peut retrouver quasiment identiques presque dans toutes les villes romaines. Donc c’est clairement à chaque fois une démarche de réintérrogation du bâtiment en permanence. Au niveau du projet c’est clair que ces derniers temps on s’est spécialisé sur les bâtiments Renaissance parce qu’il y en a énormément mais qui sont quasiment invisibles parce qu’ils ont été trop transformés et du coup beaucoup de bâtiments sont détruits. Le public, ou même les propriétaires, ne perçoivent pas la richesse du bâtiment, c’est-à-dire qu’ils voient ça comme un bâtiment banal.

noblesse du bâtiment et aussi son état d’habitation a complètement changé, d’esprit. l’aire de grange devient un garage, Je veux dire qu’il y a quand même une une travée d’étable devient une travée grande différence entre la Renaissance d’habitation. Voilà, donc ça c’est de la et le Classicisme, c’est-à-dire qu’on a réhabilitation. Après la façon de le faire basculé d’une période où les façades ça dépendra effectivement des caractères exprimaient énormément de choses à du bâtiment. On va lui donner pas mal de la fois de ce qu’il y a à l’intérieur mais paramètres, on ne peut pas standardiser aussi de ce que le propriétaire souhaitait comme ça, ce n’est pas mathématique. Et montrer de l’intérieur à l’extérieur et à c’est aussi toujours une phase négociée une sorte de hiérarchisation des choses parce que clairement dans les projets qui a complètement disparu dans le on aurait peut-être fait autre chose classicisme alors la façade parle toujours que ce qu’on a finalement décidé de mais pas de la même manière et surtout faire, soit pour des raisons budgétaires elle s’est complètement figée dans une soit effectivement quand le client tient sorte de symétrie qui ne traduit plus rien absolument à ce que ce soit comme ça et pas autrement. On arrive quand même de l’intérieur du bâtiment. en général à convaincre les clients que Pour pouvoir restituer les fenêtres d’origine lorsqu’on a une solution qui est meilleure par exemple sur un bâtiment Renaissance, qu’une autre, c’est la meilleure solution. déjà c’est très intéressant, effectivement le bâti prend un peu toute sa dimension, hoi x de mise en oeuv re et parce que d’une façade qui était finalement “classifiée” de manière un peu symétrique de réalisation, restaurer les et qui s’était un peu appauvrie on peut assemblages de manière traditionnelle retrouver tous ces éléments-là quand on R.A : Il y a toujours des petits compropeut les restituer. mis, mais la question c’est qu’il y en ait le moins possible. C’est-à-dire que le caotion de réhabilitation hier des charges de départ soit suffisamR.C : Alors il y a restauration, ment clair pour les artisans justement rénovation et réhabilitation, donc dans pour tout ce qui est mise en oeuvre. L’asla restauration c’est clair, on essaye semblage à l’ancienne, évidemment c’est effectivement de revenir à cet état l’idéal plutôt que des connecteurs métalantérieur, restituer ce qu’il manque et de liques partout. Donc on est relativement précis déjà à la base pour diriger les la façon dont s’était avant. choses et ensuite il reste des ajustements Dans la rénovation, on va parfois en fonction du chantier et des étapes. démolir des parties entières du bâtiment et reconstruire parfois complètement ntreprises et les choix de mise en différemment, on refait parfois un bâtiment à neuf sur une base ancienne et oeuvre la réhabilitation c’est là où on va chercher R.C : Il y a des entreprises qui préfèrent à tirer le meilleur parti du bâtiment, de refaire à l’ancienne parce que c’est son potentiel, de ce qu’il peut apporter et vraiment leur domaine de compétences intégrer au projet, les souhaits du maître et c’est pour ça qu’ils sont devenus d’ouvrage, mais disons quelque part en charpentiers, parce qu’ils travaillent sur expliquant d’abord le bâtiment au maître le bâti ancien. De ce côté-là il n’y a pas de d’ouvrage. problème on est même obligés parfois de

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Lui nous explique son programme, son projet, ce qu’il veut faire et ensuite, nous on étudie le bâtiment et on essaye de voir comment les deux peuvent se rapprocher. On essaye d’en sortir le résultat le plus riche. S’il faut modifier le projet pour que cela rentre mieux dans le bâtiment c’est ce que l’on va conseiller au maître d’ouvrage.

les freiner un peu.

Après il y en a d’autres où c’est tout l’inverse effectivement, la solution sera systématiquement la plus simple, la colle, les vis et les trucs comme ça.


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entretien

Quand il s’agit par exemple d’une pièce dont seulement l’assemblage aurait été abimé et que le fait de la visser au lieu de refaire un assemblage évite de la changer, cette technique-là sera prioritaire au remplacement du poteau par exemple, parce que ça permet de conserver plus de matière du bâtiment. Le but au final, c’est de conserver un maximum de la matière du bâtiment. Déjà pour des raisons patrimoniales, parce que ça ne sert pas à grand chose au final d’avoir un bâtiment qui n’est qu’une copie du bâtiment d’avant tellement de pièces ont été remplacées dans le sens où après il nous raconte plus rien. Au final c’est ça, aujourd’hui on lit des choses et on repasse quelques années après on lit d’autres choses. Si on a changé les pièces on ne va plus rien lire du tout. Et d’autre part, du point de vue environnemental c’est réutiliser un maximum de l’existant. Si sur un poteau il y a juste les dix derniers centimètres qui sont foutus, on remplace la partie basse du poteau, on fait une greffe. Il y a des artisans qui vont faire ça sans problème, qui peuvent faire des greffes sur quasiment toutes les pièces et d’autres qui préfèrent changer la pièce et la négociation parfois est un peu dure. Parce que chacun tire un peu de son côté et finalement l’artisan, c’est très difficile de lui faire faire quelque chose qu’il ne veut pas faire.

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hoix des entreprises

rchitecte mis à l’écart d’une Après c’est surtout le savoir-faire de décision prise directement par le l’artisan qui va juger si le matériau est bon au réemploi ou non. Donc ceux qui client et l’entreprise

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R.C : Généralement ça se passe mal après, parce que au bout du compte comme on a été court-circuiter à un moment donné et bien il y a des choses qui n’ont pas été prises en compte et derrière effectivement ça crée des problèmes sur le chantier. Ça arrive de temps en temps. C’est soit le client soit l’entreprise et en général quand c’est une fois, deux fois, après on recadre les choses, ou bien on laisse tomber parce que même s’il y a des informations qui nous échappent on ne peut pas faire la maîtrise d’oeuvre du chantier.

sont intéressés par cette démarche ils le font, ils savent un peu ce qu’ils font.

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ois réemployé pour un chantier à Saint-Ulrich

R.A : C’était les clients qui avaient récupéré le bois au fur et à mesure des démolitions proches, du coup on a utilisé ça. Après, les charpentiers ont fait le tri sur place car tout n’était pas bon. Ils n’ont gardé que le chêne mais ça ne suffit pas donc il faut en chercher ailleurs.

R.C : Dans tous les cas c’est quand même l’artisan qui décide ou non s’il va utiliser uivi de chantier différent que dans le bois. Et puis pour le bois c’est quand même un peu plus simple qu’avec d’autres la construction neuve matériaux comme les tuiles par exemple. R.A : Les difficultés ce sont les surprises. Le bois, l’artisan en le travaillant voit tout Après en terme de planification c’est très de suite s’il est bon ou s’il ne l’est pas. compliqué parce qu’on ne souhaite pas mettre en place des systèmes d’indemniuiles plates, difficiles à trouver ? té de retard parce qu’on préfère travailler dans la confiance et sur des bonnes R.C : Disons qu’avec tout ce qu’on a bases. Et du coup, c’est le problème du jeté dans les vingt dernières années c’est temps parce que les choses s’allongent. sûr que... Après ça peut être des problèmes de R.A : Et ceux qui les ont prises ils comfournitures parce que forcément on est mencent à les vendre cher maintenant. sur des matériaux spécifiques et donc c’est plus difficile à trouver que de se R.C : Aujourd’hui pour en avoir il faut fournir directement dans des filiales s’approvisionner assez en amont. Tous les inconvénients de ce type de démarche standards. c’est que ça créer aussi une demande et R.C : Il y a des artisans qui font aussi du coup une surévaluation de la valeur de la récupération et on essaye de les des choses. Puisque les choses qui sont encourager dans cette démarche. finalement des déchets finissent par être R.A : Il y a un travail de mise en réseau vendus sur internet 50 euros pièce. Par quand les choses fonctionnent comme ça. contre on peut toujours produire de la tuile faîte main et le prix est de 2 euros ou 2.50 euros la tuile. éemploi des matériaux

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R.A : On conseille certaines entreprises justement parce qu’on est sur des chantiers un peu spécifiques, après il y a aussi des habitudes de travail qui s’installent et des habitudes relationnelles aussi. En gros ils savent ce qu’on attend R.C : En fait, c’est des questions d’eux donc ça marche aussi mieux dans d’assurance décennale. C’est très difficile ce sens. aujourd’hui alors que ça se faisait R.C : Mais comme c’est un chantier qui beaucoup par exemple de demander aux est soumis à la maîtrise d’oeuvre, tout artisans de poser les tuiles qui viennent passe par nous. Donc à la fois si le client d’un autre toit. Mais là-dessus je n’ai pas veut proposer quelque chose il va nous de garantie, s’il y a une tuile qui casse. Et le dire à nous et c’est à nous ensuite de puis effectivement on va jamais forcer un le répercuter au niveau des artisans. artisan à faire un truc car si jamais il se Ensuite, si l’artisan dit qu’il ferait ça passe quelque chose après je peux fermer plutôt autrement ou qu’il propose autre la boîte, c’est-à-dire que ce sont des chose c’est pareil, il nous en parle à nous responsabilités qui sont mesurées. et c’est à nous de proposer au client.

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R.A : Mais il n’y a pas la patine du temps et ce n’est pas pareil.

R.C : Par contre on a effectivement une sorte de garantie dessus, on a des possibilités mais du coup c’est un autre budget. C’est aussi ça que le client doit comprendre et accepter dans ces cas-là. R.A : Il y a déjà ce qu’on appelle les ressourceries qui existent où c’est de la récupération puis de la revente. Ce qu’on voudrait mettre en place c’est une espèce de matériauthèque de produits anciens mais ça prend du temps et il faudrait arriver à centraliser tout ça et puis trouver


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la personne qui s’en charge.

Avec les élus ce n’est pas en rénovation R.C : Auparavant les artisans faisaient qu’on va avoir des problèmes. C’est plutôt ça naturellement, c’est-à-dire qu’ils pour prévenir les démolitions d’une part allaient quelque part sur un chantier, on et après dans le neuf évidement. leur demandait d’enlever les tuiles pour Pour construire des bâtiments neufs remettre des tuiles neuves et les tuiles aujourd’hui qui ont autant de sens dans en bon état ils les stockaient. Ils avaient le village qu’avaient les bâtiments anciens tous un stock avec des matériaux qu’ils ça demande une implantation particulière revalorisaient derrière pour les réutiliser qui n’est généralement pas possible en et ils les revendaient. Avec la façon de suivant le PLU, sauf sur certains sites qui travailler qui a évolué vers le zéro stock, sont vraiment dans le centre du village. vers les assurances pour chaque chose, Dès que l’on est dans les zones d’extension les artisans ont fini par jeter leur stock de du village il y a des marges de recul qui matériaux. Donc des choses qui étaient font que finalement on peut seulement abondantes il y a encore vingt ans, gaspiller du terrain. On essaye parfois de aujourd’hui effectivement on ne va plus négocier ça avec des élus mais c’est assez les trouver. rare qu’on soit suivis de ce côté-là.

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a relation avec les ABF et les élus

R.C : Bon avec les ABF c’est vite fait, on n’a pas trop de problèmes. Parfois c’est des discussions types: «est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux mettre un conduit de cheminée moderne quand on rajoute une chaufferie plutôt que de mettre une simili-cheminée?» Voilà, c’est ce genre de discussion mais qui finalement sont des choses assez réversibles. Sur les détails, dans le fond, on a à peu près le même objectif, valoriser au mieux le patrimoine, qu’il reste vivant avec les matériaux qui le respectent et qui respectent la santé des gens. Ça, à priori personne n’est contre, il n’y a pas de raison qu’on ne soit pas d’accord dessus. C’est vrai que pour un châssis de toit, un Velux c’est ce qu’il y a de plus simple, on crée une ouverture dans un toit et c’est vrai que les ABF n’aiment pas trop les Velux. Le problème c’est que quand on est sur des bâtiments comme les granges par exemple c’est pas du tout cohérent de mettre des lucarnes donc il y a des discussions comme ça. R.A : Du moment que c’est bien argumenté en général ça passe. R.C : Ils ont effectivement un regard et leur mot à dire mais c’est plus sous forme d’échange que sous forme de choses imposées. En général on les consulte en amont justement pour ne pas se retrouver dans des situations où l’on devrait négocier ou revenir sur des choses qui avaient été décidée.

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a relation avec les clients

R.A : En ce qui concerne les clients, on peut dire qu’il y a autant de clients différents que de projets différents. R.C : En gros on a deux types de clients, ceux qui nous font confiance et nous laissent faire et dans ce cas-là c’est assez facile parce qu’on leur fait valider toutes les choses qu’on décide. Et on a ceux qui sont investis sur le projet mais qui du coup doivent comprendre la moindre décision, la moindre chose. Du coup on a énormément d’échanges pour qu’au final parfois certains restent bloqués sur les choses et ils veulent absolument que ça aille dans leur sens et bon, c’est un peu au détriment du projet.

Mes premiers projets c’était plutôt du neuf que de la réhabilitation. J’étais à peu près sur les deux dès le départ mais j’étais à peu près à 40% / 60% avec plus de neuf au départ. Maintenant le fait qu’en Alsace il y ait quand même une dynamique avec l’ASMA autour de la réhabilitation du bâti ancien fait que forcément ça tire notre activité vers ce domaine. Il y a aussi une autre chose qui a un peu évolué mais ça nous a surtout donné plus d’air plus de possibilités. Dès le départ je voulais travailler avec la terre, avec la chaux avec des matériaux naturels, des matériaux qui étaient cohérents par rapport à l’objectif qu’on voulait atteindre. C’est-à-dire les transferts de vapeurs d’eau, les questions d’isolation, ce sont des questionnements que je me suis posé dès la base, avant même d’avoir l’idée de faire des études d’architecture. Mes premiers questionnements, c’était ça. C’est-à-dire, le confort dans un bâtiment, à quoi il est dû. C’était la base de mon questionnement, et la réponse que j’ai trouvée au départ c’était qu’effectivement, c’était des matériaux « anciens » donc terre, chaux, paille, bois qui permettaient la régulation des transferts de vapeur d’eau et qui faisaient qu’on avaient pas ces problèmes de condensation. C’était des matériaux qui étaient moins denses que le béton et moins conducteurs que l’acier, on avait aussi moins de points de déperdition donc plus de facilité finalement à amener ça vers un certain confort à partir du moment où on avait les moyens de le chauffer.

De toute façon un projet c’est toujours quelque chose qui est fait en commun, entre ce que propose le bâtiment, ce que souhaite le client, les moyens qu’il ise aux normes énergétiques des a, la capacité de faire des artisans, notre habitats à pan-de-bois expertise, comment on peut mélanger R.C : On peut la faire avec des matériaux tout ça et ce qui en sort. qui sont cohérents avec le fonctionnement du bâtiment et avec la physique du ne pratique spécifique du métier? bâtiment. En plus, on a maintenant des R.C : C’est beaucoup de pédagogie logiciels qui permettent de calculer ces que ce soit avec les clients ou avec les transferts de vapeur d’eau. Avant, on entreprises. Après ça passe beaucoup travaillait, on se disait; on fait ça parce par des choses techniques donc c’est un qu’on sent que c’est la bonne solution, peu plus simple on va dire dans le sens et vingt ans après on savait si ça l’était où on fait un schéma et on discute sur le ou pas. Maintenant on peut commencer schéma. Les questions financières ce n’est à anticiper ce genre de chose en faisant pas qu’il n’y a pas de choix à faire mais des calculs par rapport à ça. On a aussi c’est au contraire un choix qui est une beaucoup plus de matériaux sur le marché. sorte de hiérarchisation des priorités.

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entretien

C’est un peu paradoxal, aujourd’hui les matériaux anciens sont disponibles sur le marché ce qui n’était pas le cas avant. Avant, la seule solution qu’on avait c’était de l’autoconstruction quasiment. On est, je pense, dans une bonne dynamique avec tout ce qui se passe justement par rapport à ça, mais c’est par pour autant que de manière globale on prend la bonne direction. La grosse masse de ce qui se passe ça va toujours dans la mauvaise direction généralement. Le problème, au niveau de la pratique, mon objectif c’est de pouvoir concevoir de l’habitat sain, parce que je ne fais quasiment que de l’habitat. De l’habitat sain où justement les gens peuvent s’épanouir et quand je dis de l’habitat ce n’est pas seulement le logement dans lequel on va habiter, c’est-à-dire tout ce qui se passe autour. Qu’est-ce que ce bâtiment, ce logement va apporter au quartier ou au village? Comment est-ce que ça interagit? Comment les gens vont vivre à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment? De quelle manière ça va améliorer les relations sociales? Par rapport à ça on est clairement loin d’aller dans la bonne direction. En gros on est sur l’écorénovation, la construction passive et de l’urbanisme parce que finalement ce sont trois choses qui se tiennent. Et justement la qualité urbaine aujourd’hui n’est plus tenue que par le bâti ancien, hors le bâti ancien il est forcément amené à disparaître. Tout ce qu’on pourrait faire c’est de construire du bâti neuf qui soit aussi pertinent que le bâti ancien mais ça, on ne le peut pas à cause des règlements actuels. Donc on est forcément dans une dynamique avec des questionnements qui sont intéressants, des choses qui s’améliorent, mais quelque part on est toujours en train de partir dans la mauvaise direction.

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articularité du milieu rural

Justement, on a des villages aujourd’hui tels que Eguisheim où c’est urbain du point de vue de l’urbanisme mais du point de vue de l’INSEE c’est un village. Inversement, Brunstatt c’est urbain du point de vue de l’INSEE mais du point de vue structurelle et du tissu urbain c’est un village.

L’idée d’une certaine manière, c’est qu’à travers cette rénovation où, à cet endroitlà, on va construire quelque chose de complètement neuf, on retrouve dans le paysage l’identité du bâtiment d’origine. C’est une restitution mais pas par de la restauration. Plutôt par le paysage. Quand on regarde de loin le village on a justement ces pignons-là qui sont presque tous médiévaux et Renaissance, alignés sur le rempart, et puis on en a un qui est un peu aplati. Donc si on le relève un peu on retrouvera d’autant plus la gravure du 18e siècle, même s’il manquera toujours le château malheureusement...

On intervient un peu sur les deux. Là on a un exemple, Zehlenberg, qui est une ville avec un statut INSEE de village, mais qui est une ville du point de vue structurelle. On y intervient sur un bâtiment, effectivement dans un environnement classé, très serré, avec une grande mitoyenneté mais il n’y a pas de différence. Après ça sera certainement ne évolution dans la manière de au niveau du chantier que ce sera pratiquer les interventions sur différent. Pour des questions d’accès et d’acheminement parce qu’on est sur les l’existant ? remparts avec de l’autre côté une falaise R.C : Il y avait déjà des architectes qui donc on ne peut intervenir que d’un côté. faisaient de la rénovation du bâti ancien C’est là qu’il va y avoir plus de dans les années 80 mais avec l’approche négociations, par rapport à simplement et les matériaux qu’on utilisait dans l’occupation de l’espace public pendant le la construction de ces années-là. C’est plutôt à ce niveau-là, où on est obligé temps des travaux. d’aller plus loin que ce que les normes Mais après il y a quelque chose à négocier et les règlementations proposent, parce avec les Architectes des Bâtiments de qu’il faut quelque part faire plus appel France, parce que là en l’occurrence aux savoir-faire qu’aux matériaux et aux ce qu’on envisage c’est de décapiter techniques. le bâtiment et remettre un étage R.A : C’est plus du point du travail et complètement neuf par-dessus. des relations avec tout le monde où il est R.A : ...qui rappelle justement son oriquestion de savoir-faire à retrouver. gine. R.C : Peut-être que dans la pratique du R.C : En fait, c’est un bâtiment renaissance projet et du chantier, on amène ça moins qui a été en partie détruit par un incendie comme une organisation pyramidale dans les années trente et construit avec où l’architecte crée le truc, ensuite ça un toit un peu trop plat, et du coup, on a se répercute comme ça. Disons qu’on au niveau de la façade quelque chose de est plutôt tous au même plan et on a montant. On est encore sur une typologie un petit peu plus un échange on va dire gothique avec une sorte d’élévation de « circulaire » sur toutes les questions, l’architecture. Puis on arrive avec un toit aussi dans la conception. Quand je un peu écrasé, donc c’est un peu bizarre dessine quelque chose, il faut que je dans le contexte. En même temps on a vérifie derrière que quelqu’un pourra le une vue magnifique de là-haut, sur toute réaliser, donc il faut quelque part que je la Plaine d’Alsace et ça serait dommage puisse aussi un peu tout réinterroger et de ne pas en profiter. Du coup on avait qu’il y ait des allers-retours. proposé de mettre un étage avec des matériaux d’aujourd’hui et avec les performances d’aujourd’hui.

R.C : Alors, déjà qu’est-ce qu’on entend par urbain et rural? Quels critères? Pour l’instant c’est la base, disons la Parce que pour moi, il y a beaucoup de première idée du projet qui plaît assez villages qui sont urbains en réalité. au client dans le principe. Mais après il s’inquiète plus du point de vue du budget et il faudra effectivement voir ça avec les élus, les ABF.

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push architecture

Il faut qu’on puisse présenter le projet assez tôt à ceux qui vont le réaliser pour qu’ils puissent nous faire leurs remarques, mais ça c’est aussi la constitution d’un réseau et aussi pour cela qu’on retrouve souvent les mêmes entreprises sur nos chantiers. Ce n’est pas parce qu’on veut absolument celles-là, c’est parce qu’on sait que c’est très difficile de partir avec une entreprise qu’on ne connaît pas et qui ne nous connaît pas, donc d’arriver avec quelque chose qui soit fluide au niveau du chantier.

Il y a eu des chantiers de remplissage en torchis. Mais ce n’’est pas possible par rapport au cout de la main-d’oeuvre et des matériaux aujourd’hui de faire fabriquer du torchis aux entreprises, puisque la matière coute quasiment rien mais par contre ça demande énormément de main-d’oeuvre par rapport aux techniques qu’on utilise actuellement. Après il y a la question de savoir si le torchis est pertinent encore aujourd’hui si on a plus en tête d’autres matériaux pour le remplacer, mais c’est encore un autre C’est plutôt peut-être dans la perception débat. En tout cas, quand il y en a encore qu’on a de l’architecte que ça remet on essaye de la préserver. peut-être plus les choses à leur place, R.A : On utilise principalement du chaux que vraiment dans la pratique. Pour chanvre banché, projeté peu importe. ma pratique, je n’ai jamais travaillé On aimerait aussi essayer du terre/paille autrement. J’ai travaillé à l’Écomusée mais on n’en a pas encore eu l’occasion. avant d’être architecte où on travaillait R.C : Disons en remplissage de pan-dede cette façon, donc ça a toujours été bois, on essaye de rester sur des choses quelque chose de normal de négocier avec qui permettent de bien englober le bois. les différentes parties. Le problème c’est de laisser des vides

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an-de-bois apparent à l’intérieur et à l’extérieur ?

R.C : Déjà ça n’a jamais été le cas, il était toujours enduit à l’intérieur. Ensuite ce n’est pas vraiment souhaitable, puisque d’une part, le bois est dressé sur une face, la face apparente. À l’intérieur on est sur des parties de bois déjà qui n’ont pas la même épaisseur, sur le dos de la pièce de bois où l’on n’est pas sur des faces régulières donc esthétiquement ce ne serait même pas forcément viable, et on a 100% de chance d’avoir des courants d’air qui passent à travers les murs. C’est pour cela qu’on englobe complètement de l’intérieur et si possible de 10cm pardessus la poutre pour éviter justement les fissurations. C’est vrai qu’il y a beaucoup de personnes qui idéalisent le colombage et qui le veulent apparent à l’intérieur. On n’avait pas une idéalisation comme ça.

Dans certains exemples, on voit des pour l’eau qui s’infiltre mais dans ce cas-là motifs qui passent en travers du bois il faut aussi que ce soit des matériaux qui éemploi du torchis et sur le remplissage. La composition R.A : On n’y croit pas trop au réem- soient aussi très perméables à la vapeur décorative est complètement dissociée d’eau et en même temps qui absorbent. ploi du torchis... de la composition structurelle du panR.C : Une fois que la paille a été Ce qui se passe trop souvent en Alsace, en de-bois même si on peut être sur une face humidifiée, malaxée et mise en place, si général, on enlève tous les torchis et on qui a toujours été apparente dans une on la défait, on la remouille etc... je ne suis met de la brique à l’intérieur. Résultat on maison. pas sûr qu’on obtienne la même chose. Je a une interface bois/brique même pire Le pan de bois n’a pas vocation à être préfère essayer d’en refabriquer ou alors bois/béton utilisé pour le liant des briques esthétisé comme ça à l’intérieur des reprendre un petit peu de matériaux et et qu’on vient toujours boucher les trous maisons. puis le mélanger à de la paille fraîche et avec du ciment sur les bords et c’est Il faut aussi faire la part des choses, si a avoir les bons dosages ce n’est pas évident, clairement du côté du bois que l’humidité une esthétique Renaissance sur l’extérieur parce que les torchis traditionnels sont va rentrer. En fait on condamne comme mais pas sur l’intérieur. À l’intérieur on plutôt lourds donc on cherche à avoir des ça le bois à être rongé à chaque zone peut avoir les plafonds, avec les solives choses plus isolantes donc on va essayer d’infiltration. Et si en plus on couvre les apparentes avec des chanfreins, voir des de rajouter plus de paille et parfois aussi remplissages de crépis en surépaisseur on poteaux qui sont très travaillés. Mais le on utilisait de la chaux dans les torchis et vient créer une petite gouttière qui vient pan-de-bois en lui-même, il était soit du coup on ne peut pas les réutiliser dans récupérer toute l’eau de la façade et qui complètement masqué, soit traité de façon vient ronger les poutres. ces cas-là. assez uniforme. Suivant les époques, Enfin si on voulait le faire pourrir on ne quand on était sur de la chaux, on avait ferait pas différemment. Donc on essaye solation un lait de chaux et sur les plafonds peints d’avoir des matériaux pour éviter ça et R.C : À une époque, c’était difficile s’il y a infiltration, parce que c’est tout décoré, du pigment pur mélangé avec un de trouver autre chose que de la laine de même très difficile à éviter dans le liant, ou alors de la peinture à l’huile mais de verre pour isoler. Il y avait soit pan-de-bois (sauf en mettant un bardage plus rare. l’option laine de verre de chez Point P, par-devant) on essaye de faire en sorte Les plans des maisons étaient toujours soit l’option torchis fait maison. Après que l’eau soit absorbée plutôt par le les mêmes. C’était déjà une forme de c’était l’investissement que finalement les remplissage plutôt que par le bois. C’est standardisation. propriétaires pouvaient faire eux-mêmes. en général dans les assemblages qu’il y

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a le plus de dégâts, là où l’eau peut bien rentrer.



LES ENJEUX Pour l’architecte Partie C

La maison individuelle à pan-de-bois dans le milieu rural n’est certes qu’une catégorie bien précise dans la diversité de l’architecture de l’habitat. Pourtant, les enjeux liés à sa réhabilitation correspondent à la complexité contemporaine du domaine de la construction et de ses acteurs. Les interventions sur cet habitat révèlent un certain nombre de problématiques auxquelles sont confrontés les architectes lorsqu’ils y sont inclus, liées à la préservation du patrimoine, au cadre normatif actuel, à la consommation de matériaux et d’énergie, à l’innovation de l’architecture ainsi qu’à la transmission des connaissances et des savoir-faire. La matérialisation du projet de réhabilitation doit faire face aux contraintes techniques, physiques, économiques et sociales. L’acte architectural singulier peine à se faire une place parmi ses nombreux enjeux, interrogeant l’objectif du travail de l’architecte, qui se place entre la satisfaction d’un client et la préservation d’un patrimoine.


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les enjeux

Preserver un patrimoine

C1

La perennite des constructions a pan de bois a plus ancienne maison construite en pande-bois recensée en Alsace date du XIIIe siècle, dans la ville de Sélestat. Au vu de l’âge qu’elles peuvent atteindre, ces constructions font preuve d’une incroyable longévité. Mais une si longue vie des bâtiments dépend de facteurs essentiels et leur préservation n’exclue pas les interventions et la substitution de certains éléments. L’édifice peut ne présenter aucun désordre nécessitant une action plus ou moins immédiate. Pourtant, il doit être surveillé et entretenu, comme d’ailleurs tout autre type de construction. Le manque de vigilance quant à l’état de la construction jusqu’aux parties les moins visibles, peut engendrer avec le temps des dégradations irréversibles. Bien que le bois peut connaître des désordre de tout ordre, il n’en est pas moins un matériau pérenne s’il est entretenu dans les bonnes conditions comme on a pu le voir précédemment. La technique de construction du pan-de-bois a su, rien que par sa présence dans toute l’histoire de l’architecture, faire preuve de sa longévité. Elle est dotée d’une grande souplesse structurelle et présente parfois des édifices quelques peu déformés. C’est en particulier grâce cela qu’elle a pu, par rapport à d’autres techniques plus statiques, montrer sa capacité à résister aux séismes et qu’elle est encore fortement présente dans la région d’Alsace.

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N’étant pas conçues pour être des boîtes étanches telles les constructions actuelles, la logique énergétique de ces maisons était basée sur le phénomène de perspiration. De part la complémentarité de ses matériaux la maison savait respirer et évacuer son humidité, et se proteger des remontée capillaire du sol. Les modes de vie et les usages réglaient à travers les logiques spatiales la gestion énergétique. Si ces maisons tendent à dépérir de plus en plus vite, c’est en partie les non-sens constructifs auxquels elles ont été soumissent qui se sont multipliés avec la réglementation globalisante du domaine de la construction et l’évolution des styles et modes de vie. Des dizaines de maisons à pan-de-bois sont couvertes d’enduits de ciment ou sont isolées de manière étanche pour limiter les déperditions thermiques, pouvant conduire à une dégradation. La mise en œuvre qui serait bénéfique à la pérennité du bâtiment ne correspond pas toujours aux normes et aux exigences actuelles. Bien qu’une réhabilitation puisse être favorable à la pérennité de ces constructions traditionnelles, elles sont tout de même soumises aux respects des attentes des clients et des normes. Toute échelle d’intervention, même la plus réduite sur les finitions intérieures, peut avoir un impact considérable sur le bâtiment et peut mettre en péril toute la structure de l’édifice.


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préserver un patrimoine

Fig 92 Commune de Eguisheim, avril 2018


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les enjeux

Les demolitions et le mitage territorial

ormis dans les centres urbains où elles sont la plupart du temps protégées, des centaines de maisons à pan-de-bois sont détruites chaque année rien que dans la région d’Alsace. Atteignant les 400 détructions par an44 dans les années 80, ces destructions sont d’ailleurs bien souvent illégales et commises en toute impunité. Parrallèlement un grand nombre de particuliers sont en quête d’acquisition de ce genre de maison. Amoureux du bâti ancien ou fervent défenseur du patrimoine rural alsacien, un certain nombre d’acteurs se soulèvent autour des problématiques liées à la préservation de cette architecture. Dans ce but l’ASMA, lutte à travers toute la région pour la préservation de ce patrimoine bâti, se donnant pour mission d’informer de conseiller et d’agir sur ce sujet. Depuis quelques années l’association met en place un réseau de sentinelles bénévoles, arpentant les villages, repérant les maisons à l’abandon ou encore les panneaux de démolitions. Leur travail permet d’une part de prévenir des démolitions radicales mais également d’en dénoncer les causes et les responsable. Les tables rondes invitent également particuliers et spécialistes dont des architectes bénévoles à discuter de projet de réhabilitation sous forme de conseils et de mise en contact avec les entreprises. Même si les innombrables démolitions peuvent représenter un véritable fléau pour la sauvegarde du patrimoine en pan-de-bois, il faut tout de même savoir lorsqu’un édifice est arrivé à un stade de détérioration trop avancé. Effectivement, si la quasi-totalité de la construction doit être remplacée, il est parfois préférable de récupérer uniquement ce qui est encore en bon état pour en faire du remploi. Réhabiliter une maison à pan-de-bois peut prendre bien souvent plus d’énergie et de moyens que ce qui était prévu avec les surprises survenant en cours de chantier. Ainsi, il est rare que les moyens financiers suffisent à ressusciter des édifices en trop mauvais état, mais surtout, si au final la maison ne contient plus aucune pièce d’origine, l’intérêt de sa réhabilitation est à questionner.

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ien que le phénomène d’exode rural continu son ascension et que la majorité de la planète sera bientôt composée d’espaces urbains, on assiste à une volonté générale de retour aux sources et de plus en plus d’architectes luttent à travers leurs activités contre le grignotage des sols. Le mitage territorial est un enjeu auquel le choix de l’acte de la réhabilitation est capable, du moins en partie, de répondre. Ainsi, la réhabilitation permet de redonner vie à un espace dors et déjà investi par l’homme, limitant la bétonisation des sols. Bien que l’architecte puisse choisir de concentrer son activité sur le travail avec l’existant, ce phénomène dépend malheureusement d’une donnée non contrôlable. L’envie et le choix des habitants. Découlant du rêve américain, il est encore fortement ancré dans les mentalités qu’avoir sa propre maison individuelle avec son terrain constitue un objectif, un aboutissement de vie pour les particuliers. Face à cette demande, la réhabilitation de l’existant, peut contribuer au ralentissement du phénomène d’étalement urbain. Elle fait témoin d’une alternative à la construction neuve. L’architecte, en orientant son travail sur la réhabilitation de ces constructions, constribue à la préservation d’une technique constructive mais également, cette activité permet de répondre à des enjeux territoriaux plus large qui dépassent l’échelle constructive.

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“Si le phénomène se poursuit, son rythme s’est ralenti entre 2006 et 2012 par rapport aux cinq années précédentes. Les surfaces « bétonnées » ont augmenté de près de 0,5 % par an à cette période, contre 1,3 % par an entre 2000 et 2006.” 45

44. “ En Alsace, les maisons à colombages en voie de disparition ”, (www.immobilier.lefigaro.fr), 2015 45. RÉJU Emmanuel, “ En france, la bétonisation des sol ralentit ”, (www.la-croix.com), janvier 2016


préserver un patrimoine

Fig 93 Reconstitution d’un village alsacien, ECOMUSEE d’Alsace

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les enjeux

Le cadre normatif

ois, réglementations et normes sont des notions qui régissent la pratique quotidienne des architectes et qui sont impor tantes à distinguer. Déjà dans la différenciation du domaine d’intervention, qu’il soit d’ordre privé ou bien public, les limites du cadre législatif en France sont très différentes. Complexe, ce cadre souvent d’ordre restrictif s’impose bien évidemment dans le domaine public mais il en est d’un tout autre ordre dans le domaine du privé. Alors que les lois et règlementations sont obligatoires, les normes dans leur plus grandes majorités ne sont que d’ordre prescriptif, dont les particuliers peuvent à s’affranchir. Le domaine de l’habitat individuel, et surtout en milieu rural, est si diversifié qu’il devient difficile d’y mettre en application des règles standardisées sans en défavoriser la richesse architecturale. Les multiplicités des cas particuliers rien que pour l’architecture à pan-de-bois regorgent de complexité allant à l’encontre d’une politique architecturale uniforme et globalisante. S’additionne à cela la singularité de l’acte d’intervention sur l’existant, acte isolé qui peine parfois à trouver une résonance avec les règles régies par le domaine de la construction. Alors que l’inquiétude sur l’évolution standardisante de l’habitat individuel français est à l’ordre du jour, la réglementation a dors et déjà par le passé eu un impact considérable sur le patrimoine résidentiel et particulière sur celui construit en pan-de-bois. Au XVIIIe siècle, la nouvelle administration française renouvela les règlements relatifs à la construction de l’habitat. Période où les incendies urbains étaient particulièrement meurtriers et dévastateurs, il était nécessaire de prendre certaines mesures de prévention. L’utilisation de matériaux naturels était évidentes pour l’autoconstruction de l’architecture individuelle. Pourtant ces matériaux se sont vu peu à peu être substitués. Certains règlements ont restreint l’utilisation du bois d’œuvre pour les pignons des édifices, leurs charpentes et leurs cloisons

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intérieures. L’emploi de la pierre étant imposé pour certains murs. Ainsi « Les règlements sur le droit de la construction (Bauordnungen) s’affirment comme les vecteurs de diffusion des principes d’ordre et de symétrie de l’architecture classique française. »46 Planifiant l’alignement des façades, l’élargissement des rues et le percement de vastes places, ils ont participé à la disparition de l’encorbellement et de tout élément en saillie sur rue. Ces règlements n’ont pas été strictement respectés. Une grande majorité des villes montraient déjà des réticences pour appliquer ces plans d’urbanismes en vigueur. En bon exemple, l’ambitieux plan d’embellissement de Strasbourg, porté par Jean François Blondel de 1964 à 1966, n’atteignit que trop peu ses espérances. La pierre s’est imposée dans la construction urbaine et le pan-de-bois, s’il y était mis en œuvre, se recouvrait d’enduit tentant d’imiter les murs en maçonnerie. Dans les compagnes en revanche, l’isolement a permis le ralentissement, voire l’inexistence de l’application de ces règlements, où de plus était préservé illégalement parfois le droit de marnage. Ainsi, le prélèvement du bois dans les forêts communales pour bâtir son habitat a su persister un certain temps dans les murs bourgeois. es législations et le cadre règlementaire ne sont pas les ennemis du patrimoine architectural. Bien que certaines erreurs puissent en ressortir, la réglementation aujourd’hui reste un levier pour la préservation du patrimoine rural si elle est bien définie. «À terme, un règlement d’urbanisme valorisant le patrimoine s’avérera en fait un atout économique, dynamisant le tissu artisanal autour de savoir-faire et matériaux locaux, non délocalisables.»47 Aujourd’hui un grand nombre de communes françaises se trouvent démunies tout document d’urbanisme. Certaines d’entre elles se réunissent en communautés de communes élaborant

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46. FRITSCH Florent, HAEGEL Olivier, RAIMBAULT Jérôme, LOHRUM Burghard, WERLÉ Maxime, La maison en pan-de-bois, Lieux dits,

Lyon, collection Clefs du Patrimoine d’Alsace, 2015

47. Josseaume Benoît, “Le règlement d’urbanisme est la clef ” in ‘S Blättel, n°26, Bulletin de l’ASMA, octobre 2017 48. La carte communale consiste en un document simple, permettant de délimiter les secteurs où la commune peut délivrer des permis de

construire.


préserver un patrimoine

ensemble un PLUI, Plan Local d’Urbanisme Intercommunales, substituant le Plan Local d’Urbanisme classique. Dans le cas échéant, en l’absence de ce document, les communes en sont remises aux Cartes Communales (CC)48 ou encore au Règlement Nationale d’Urbanisme (RNU). Contrairement au PLU, elle ne fait pas l’objet d’une réglementation détaillée sur les modalités d’implantation sur les parcelles, ne maîtrisant pas les types de constructions autorisées, la densité bâtie, les règles de recul, le stationnement, ni même les espaces verts. Ce sont donc les dispositions du règlement national d’urbanisme qui s’appliquent quant à l’orientation de ces aménagements. Ce dernier s’appliquant dans les communes dotées d’une carte communale, dès lors qu’une

commune ne définit pas de règles applicables en matière d’urbanisme, c’est le code de l’urbanisme qui prévoit un ensemble de prescriptions minimales à respecter sur le territoire national. De cette manière le système de règlementations mis en place permet de maîtriser la construction, ainsi que le mitage territorial et la destruction de l’environnement. Mais il est est d’un autre ordre lorsqu’il s’agit non pas de bâtir mais de démolir ou au mieux, d’intervenir sur l’existant. Suivant la demande des propriétaires de maisons sur lesquelles les architectes interviennent, ils se retrouvent parfois dans l’impasse entre la demande des clients et la faisabilité d’une mise en œuvre légale mais pérenne.

Fig 94 Pan-de-bois archaïque, une des plus ancienne de la région, ECOMUSEE d’Alsace

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les enjeux

Adapter un habitat

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Un nouvel attrait pour le vernaculaire es tendances actuelles portant un intérêt à l’écologie, à la bio-consommation et au respect de l’environnement, influent directement sur le domaine de l’architecture. Non rares sont ceux qui rêvent de verdures, de campagne et d’air frai. Dans l’imaginaire citoyen, cela se caractérise souvent par une petite maison isolée, un jardin muni d’un potager et le silence. Mais il faut avouer que l’une des autres raisons qui poussent les particuliers à l’acquisition d’une ancienne bâtisse est aussi l’aspect économique. Si peu valorisées, elles sont parfois même moins chères qu’un terrain constructible libre, une aubaine pour les jeunes propriétaires.

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“Plus de 1 Français sur 2 et près de 3 jeunes sur 4 souhaiteraient habiter dans une maison individuelle isolée” 49 D’autre part le milieu rural appelle à un autre mode de vie et permet de s’inscrire dans une logique de consommation locale et circulaire. Il y a généralement une autonomie possible là où les anciens ont bâti. L’insertion de ces maisons dans leur site étant évidement guidée par l’orientation, la topographie et les vents dominants, il a aussi une multitude de ressources présentes aux alentours. L’architecture vernaculaire, en quelque sorte écologique avant l’heure, suit une logique d’autoconstruction mais aussi d’autonomie de consommation, tant dans le mode de vie qu’elle apporte à ses habitants que dans sa propre composition matérielle et constructive.

L’architecte aussi s’intéresse aux anciens modes de production de l’habitat. Nouveau sujet dans les livres d’architecture depuis le milieu du siècle précédent, il est redécouvert et mis en valeur. Le principe d’architecture sans architecte énoncé par Bernard Rudolfsky dans les années 60 dans le cadre de la publication de son ouvrage et d’une exposition au musée MoMa de New York, ne fut pas toujours un concept évident. Que cette architecture inspire est une chose, mais éviter son obsolescence en est une autre. Les architectes chargés de la réhabilitation de bâtiments issus de l’architecture traditionnelle et notamment celle en pan-de-bois, sont confrontés à l’actualisation de cette architecture. Les exigences de confort ont considérablement évolué, les usages et modes de vie sont différents de ce à quoi cette architecture devait répondre auparavant. De cette manière, les maisons se transforment sur elles-mêmes sans architecte depuis plusieurs générations interrogeant l’arrivée des architectes dans ce processus. L’intérêt pour cette production de l’habitat ancien dans une volonté de retrouver cette culture constructive autodidacte, conduit aussi les architectes vers une démarche participative où les habitants sont invités à participer à la conception ou à la transformation de leurs propres habitats. Alors que les savoir-faire des charpentiers ont permis à cette architecture d’évoluer pendant plusieurs siècle et en ont démultiplié les typologies, aujourd’hui l’actualisation des maisons par rapport aux exigences contemporaines pose problème et peut conduire aux non-sens construction tant les possibilité techniques se sont diversifiée.

49. Etude TNS, “Les français et leur habitat, perception de la densité et des formes d’habitat”, janvier 2007 in GALLETIER Agnès, Rénover

une vieille bâtisse, Actes Sud, coéd. Kaisen, 2017


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adapter un habitat

Fig 95 Construction à pan-de-bois ECOMUSEE d’Alsace


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les enjeux

La compatibilite des materiaux et des techniques

e manière universelle et en l’absence de béton, l’architecture vernaculaire s’est toujours tour née vers les matér iau x naturels présents dans son environnement. Leur disponibilité en a fait des matériaux de construction dont les techniques de mise en œuvre se sont spécifiées et ont évoluées suivant des styles, des époques et des contextes géoclimatiques. Dans chaque pays, chaque village, chacun est devenu maître de sa propre façon de faire et ces villages qui se construisaient selon une même technique rendaient un ensemble homogène. De manière générale, lorsqu’un particulier s’applique à certains travaux, la disponibilité matérielle et les connaissances des matériaux envisageables restent très limités par les produits commercialisés au grand public. Dans le rôle de l’architecte de prescripteur de solution et de produit de construction, la démarche est difficile pour revenir à un mode de consommation local. S’il est si compliqué de s’affranchir

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« On avait fait des travaux (…) mais je ne connaissais plus les nouveaux matériaux et je ne savais pas que c’était déjà passé au stade industriel en fait. Parce qu’on ne trouve pas ça dans les magasins de bricolage. » 50 des produits industrialisés, c’est dans un premier temps pour une question de cout et de mise en œuvre. Suivant la demande des propriétaires également, des compromis sont à faire suivant les produits et les matériaux à employer. De plus, il n’est pas toujours nécessaire d’employer les techniques et des matériaux traditionnels pour obtenir une réhabilitation pérenne. Les matériaux anciens ne sont plus toujours disponibles et leur pose ne peut être réalisée que par des artisans spécialisés. Même lorsqu’il s’agit de restaurer un

50. THOMAS-DUBAIL Martine, Entretien n°1, 2018 (voir page 52)

pan-de-bois en suivant des techniques traditionnelles d’assemblage, il est généralement préférable de consolider ces derniers par de la visserie. Au final, il est très rare de voir une réhabilitation qui s’affranchit totalement des nouveaux matériaux de construction et les techniques de mise en œuvre évoluant, peuvent savoir s’adapter entre nouveaux et anciens matériaux. e savoir-faire et les objectifs des entreprises varient. L’architecte, même s’il conseille les clients quant au choix des entreprises qui réaliseront les travaux, dépend des compétences et de la volonté des ouvriers pour mettre en œuvre certains matériaux et certaines techniques. Faire de l’ancien avec du neuf peut parfois desservir l’objectif de la réhabilitation, tout comme que de vouloir inconditionnellement s’attacher aux techniques traditionnelles. Il s’agit plutôt de trouver le bon dosage entre ce qui doit rester, ce qui doit remplacer et ce qui doit être ajouté. Cet équilibre est régi par une logique d’économie sur tous les points possibles. Une économie matérielle d’une part, de manière à générer le moins de déchets possible et préserver un maximum de matière viable, mais également dans un souci d’économie d’intervention et de mise en œuvre pour faciliter la conduite des travaux. L’ajout de nouveaux matériaux, permet également d’actualiser les maisons à pan-de-bois en termes de confort et d’esthétisme. Souvent, les propriétaires sont heureux d’avoir une maison ancienne de l’extérieur, mais avec une esthétique intérieure plus contemporaine et plus adaptée à leurs besoins et leur envies. Le choix, non exculsif, des matériaux à mettre en œuvre pour la réhabilitation d’une maison à pan-de-bois ne se limite pas à opter soit pour des matériaux traditionnels soit pour des matériaux contemporains. Alors que les entreprises préfèrent parfois suivre leurs habitudes, le recul de l’architecte le conduit à devoir évaluer ce qui servira au mieux le bâtiment et le projet de réhabilitation qu’il porte. Son rôle, s’il ne veut justement pas se limiter à un simple prescripteur est de comprendre

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adapter un habitat

Fig 96 Combinaison de section de bois neuves et de sections d’origine, Berentzwiller

et manipuler au mieux la compatibilité entre les anciens et les nouveaux matériaux. Simultanément utilisées dans un même bâtiment, matériaux anciens et produits industriels de construction peuvent se faire échos et conduire à la réussite de l’ambition de départ. D’autre part, le rôle de prescripteur dans le marché des matériaux de la construction offre aux architectes une possibilité d’influer sur le rapport entre l’offre et à la demande. En prescrivant des matériaux pour un projet, l’architecte prend part à un mode de concommation.

« Le nouveau paradigme environnemental entraine par conséquence à une forte augmentation de l’épaisseur de l’isolant, posant la question de la redécouverte des matériaux traditionnels et celle de la production circulaire. » 51

51. BERTHIER Stéphane “Processus d’innovation de la filière bois et création architecturale : le cas de l’architecture résidentielle en France”, 2013

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les enjeux

La recherche d’innovation

n se rappelant que l’architecture à pande-bois est déjà issue d’une composition matérielle mixte, la succession des interventions a démultiplié d’autant plus le nombre de matériaux et de matières présents dans ces constructions. Alors que certains pan-de-bois classés sont restaurés en suivant leur état d’origine, les maisons rurales font l’objet d’une incontrôlable diversité de transformations. Des plus proches de leur état d’origine aux plus dénaturées, les maisons se transforment sur elles-mêmes sans suivre de loi. L’hybridation qui en découle peut parfois indigner certains puristes de la maison à pan-de-bois. Pourtant aucun modèle prédominant ne découle de la technique de construction à pan-de-bois et l’architecture si diversifiée qui en découle ne peut se résumer à la conformité d’un type idéal. L’exemple de la lente transformation de la maison d’Ueberstrass, montre à quel point les strates d’interventions peuvent rendre une maison hybride, entre une maison Alsacienne à pan-de-bois de l’extérieur et une maison, plus contemporaine à l’intérieur. Il ne s’agit pas de débattre de la légitimité de ces interventions ni même de l’esthétisme qui en découle. Par contre, chacune de ces modifications apportées au bâtiment a su être pour les propriétaires mais également pour les entreprises de véritables moments d’expériences qui les ont conduit à faire preuve d’ingéniosité dans une recherche de solution. La transformation des maisons peuts’opérer sur un très long terme et sans architecte. En l’absence de pensée globale de projet et sans objectif architectural précis, cette maison découle d’un processus d’hybridation presque accidentel. La réhabilitation, dans la démarche de l’architecte peut consister en une hybridation consciemment élaborée. En prenant d’abord en compte le degré de transformation du bâti existant, il s’agit ensuite de synchroniser des démarches autonomes, de manière à rendre les résultats des unes et des autres, interactives et convergentes vers l’objectif de la réhabilitation en question.

E

es interventions sur le bâti ancien doivent toujours répondre à des problématiques différentes. Le fait que chaque réhabilitation soit un cas particulier, interroge donc sur la part d’innovation qui s’y exerce. Selon Pascal Amphoux, du fait que la nouveauté soit dans toutes les disciplines une préoccupation universelle, les termes « recherche », « innovation », et « créativité » sont bien souvent associés, voire confondus. Il énonce que la recherche qui sousentend une expertise scientifique se différencie de la créativité qui relève d’une liberté artistique et l’innovation d’une production technique. Pour insister sur la notion d’innovation, « Ce que l’on appelle « innovation architecturale » relève habituellement plutôt de la performance technique (statique, thermique, acoustique, matériologique, écologique…) ou technologique (un principe constructif, un dispositif interactif, un nouveau logiciel, un générateur de formes). »52 La limite entre le bricolage et travaux n’étant déjà pas simple à définir, il est également difficile de cerner en quoi, et à partir de quel moment, l’on peut dire d’une mise en œuvre qu’elle relève de l’innovation. Si l’on considère qu’innover, ce n’est pas seulement proposer de nouvelles technologies ou de nouveaux modes de mise en œuvre, alors l’innovation s’inscrit dans la démarche de résolution technique, principale problématique constructive de la réhabilitation. Pour la résolution d’un problème technique suivant les données et contraintes de départ, il n’y a en aucun cas une manière universelle de faire, même si les principes de mise en œuvre peuvent se retrouver d’un chantier à l’autre. Le lieu du chantier, où s’applique la technique choisie, peut être porteur de réflexion dans la recherche de solutions techniques. Résoudre les problèmes techniques fait éminemment partie de la pratique de l’architecte. C’est peut-être la recherche de résolution technique appliquée à chaque cas particulier qui donne un aspect innovant aux interventions et qui se doivent d’être aussi astucieuses, qu’efficaces.

L

52. AMPHOUX Pascal, “ L’innovation architecturale n’est pas toujours là où on l’attend ”, in Culture et recherche, Paris, Ministère de la

Culture et de la Communication, 2009, p.22-23. 53. Ibid.


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adapter un habitat

Fig 97 Expérimentation constructive, ECOMUSEE d’Alsace

Au vu de la complexité et de la particularité de chaque réhabilitation, il peut s’y opèrer certaines formes d’innovations, qu’elles soient reconnues officiellement comme telles ou non, là n’est peut-être pas la question. Le chantier peut être un lieu d’expérimentations. C’est à travers les discussions, les négociations et les compromis qu’implique la recherche de résolutions techniques que la rencontre de savoirs et de connaissances s’y opère. La confrontation des connaissances différentes de chacun sur un même sujet peut parfois augmenter d’un niveau les difficultés en termes de prise de décision. L’architecte au milieu des négociations et des compromis, choisit et conseil à la fois les matériaux à utiliser mais

également la manière dont ils doivent être mis en œuvre. Lorsqu’il s’agit de réhabiliter un bâti ancien où se mêlent les savoir-faire traditionnels et les poses contemporaines, là il faut être capable d’innover dans la manière de faire, d’assembler l’ancien et le nouveau. Là s’inscrit aussi la responsabilité de l’architecte qui au plus proche du chantier, est un prescripteur de solutions constructives.

« L’innovation est peut-être le plus vieux concept du monde. » 53


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les enjeux

Se placer dans un cercle d’acteurs

C3

Un systeme d’acteurs particulier et variable Les enjeux de la pratique de la réhabilitation du pan-de-bois se révèlent aller au delà des questions constructives. Ces maisons, toutes uniques et pourtant si semblables sont chacune des cas particuliers pour lesquels il n’y a pas de recettes d’interventions. Poussant ainsi architecte s’il est présent, artisans et habitants vers la recherche de solutions. La réhabilitation de cette technique constructive peut autant être innovante et durable, que défavorable à la pérennité de l’édifice. S’ajoute à cela, la complexité des acteurs et des limites de leurs pouvoirs décisionnels. Schématiquement, l’architecte, le client et l’entreprise n’auront pas les mêmes intérêts dans la réhabilitation d’une battisse. Les missions de chacun des acteurs ne sont pas clairement délimitées et les règles d’interaction entre eux sont souvent très informelles voire implicites. Ce n’est pas la hiérarchisation des tâches qui permet de résoudre les problèmes liés à ce domaine constructif mais un ajustement entre les acteurs. L’absence relative de la maîtrise d’œuvre dans les interventions sur l’existant est issue de divers faits. La commande déjà, découle d’une très grande hétérogénéité de la maîtrise d’ouvrage et elle est issue du marché privé. Cette activité s’organise autour de petits travaux individualisés ou de chantiers faiblement rémunérateurs. Parfois, ces chantiers sont même conduits en milieu occupé, c’est-à-dire que les propriétaires et accédants vivent dans la maison pendant la période des travaux et il arrive même que ces derniers y participent voire conduisent les travaux eux-mêmes. Le financement relatif aux études et à la conception est rarement la priorité et les habitants s’y adonnent parfois de manière autodidacte. Étant donné qu’une grande partie des travaux de réhabilitation ne nécessitent pas de demande de permis de construire, les particuliers se dispensent généralement et légalement de l’intervention d’un architecte.

En s’intéressant au cercle d’acteur Client/ Architecte/Entreprises lié à la réhabilitation d’une maison à pan-de-bois, l’on se rend compte que le problème majeur vient de la divergence des intérêts de chacun, avec comme sous-fifre central l’édifice dont il est question. Le système d’acteur est complexifié par l’hétérogénéité des entreprises et de leur spécialisation très fine dans le domaine de la construction traditionnelle. Cela implique une difficulté supplémentaire pour les acteurs coordinateurs quant à l’organisation globale du projet de réhabilitation, puisqu’ils n’ont qu’une connaissance limitée des activités et des savoir-faire des autres acteurs. Lorsque le client décide de participer aux travaux en parallèle des entreprises par exemple, l’architecte ne peut anticiper la qualité de ses interventions et le temps de mise en œuvre dont il aura besoin. L’organisation des acteurs de la réhabilitation du l’habitat individuelle dans le milieu rural offre tout de même une certaine souplesse. Du fait d’une plus grande proximité entre intervenants, de leur nombre réduit (parfois à deux personnes dans le cas d’un particulier en lien direct avec une entreprise sans maîtrise d’œuvre) la communication est simpifiée. Cela conduit à une certaine réactivité des équipes en cas de changements ou de problèmes survenant autant lors du diagnostic, que de la conception et que de la construction. Cette forme de gestion de projets implique par contre un temps conséquent de négociations et de discussions et notamment pour l’architecte, qui se retrouve partagé entre ses intérêts et ceux de la commande, compliquant de fait, les prises de décisions par le caractère informel des échanges.

L’absence de l’architecte est relativement courante dans les interventions d’entretien et d’amélioration sur le logement en milieu rural.


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se placer dans un cercle d’acteurs

Fig 98 Maison remontée à l’Écomusée d’Alsace


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les enjeux

La participation des habitants La participation de l’usager dans la construction et dans la réhabilitation de son logement était une pratique habituelle dans la génération de l’architecture traditionnelle. Il n’est pas rare de voir encore aujourd’hui les habitants eux-mêmes prendre part à la réhabilitation de leur maison, que ce soit par envie ou bien par nécessité. Leur niveau d’investissement et de qualification est variable, impliquant une gestion de l’organisation du projet plus complexe. La présence du client ou des clients sur le chantier présente certains avantages comme certains inconvénients. D’abord, réhabiliter une ancienne bâtisse constitue pour certain un réel objectif de vie. L’implication d’un propriétaire à la réhabilitation de sa maison lui apportera une certaine proximité avec la bâtisse. Il saura mieux comprendre la façon dont sa maison vit et de ce dont elle a besoin. Le chantier peut constituer un moment privilégié pour les habitants. Un lieu d’apprentissage et de pédagogie, où ils s’adonnent tant bien que mal à la préparation de leur foyer. L’investissement des habitants dans la réhabilitation de leurs habitats est primordial, sachant que ce sont les premiers concernés par la qualité de leur habitat. En termes de transmission de savoirs et de savoir-faire, leur présence permet en effet de ne pas limiter les connaissances constructives aux architectes et aux entreprises. Invitant ainsi à la sensibilisation et à la diffusion de l’architecture dont il est question. Seul un habitant qui saura comment est construite et comment fonctionne sa maison, saura par la suite repérer les prémices de certaines dégradations. De cette manière, c’est tout un patrimoine qui serait non plus amené à disparaître mais qui serait sous l’autosurveillance de ses propres habitants, comme il en a toujours été le cas avant l’industrialisation de la construction.

Aussi, la présence du client sur le chantier, peut faciliter la communication et la prise de décision au fur et à mesure de l’avancement du chantier. Effectivement, le client s’octroie ainsi la possibilité d’avoir la main sur la plupart des décisions qui en son absence auraient été prise directement par les entreprises et architectes. L’habitant s’assure de cette manière, en suivant le chantier de très près, que le résultat obtenu se rapproche le plus de ce qu’il souhaite. Lorsque le projet de réhabilitation est confié à un architecte, la participation du maître d’ouvrage sur le chantier peut s’avérer parfois problématique quant à la maîtrise du planning, et la qualité de mise en œuvre. En effet, les clients peuvent décider de réaliser les tâches qu’ils souhaitent. Le plus souvent, ils prennent à charger les étapes au démarrage et/ou en fin de chantier. Le démontage ou la démolition de certaines parties, par exemple ainsi que les finitions de certains espaces intérieurs comme la pose de parquet. Mais il arrive aussi qu’ils participent aux travaux en parallèle des entreprises, auquel cas, les délais sont alors plus compliqués à respecter puisqu’en tant qu’autodidacte, ils ne peuvent réellement estimer leur temps de réalisation. De plus, les propriétaires ne peuvent pas bénéficier d’assurances sur les éléments auto-réalisés. « Petit exemple : lors du travail de gros œuvre de la partie centrale de la ferme, mon maçon découvre un erreur de cotes dans les plans. L’architecte s’est trompé sur l’emplacement des poutres, emplacement qui conditionne le percement de nouvelles fenêtres (…). Conséquence : les plans de la façade (…) sur lesquels j’ai passé des soirées entières et autant d’insomnies, sont soudainement inadaptés (…) Imaginez mon effroi : une telle décision, à prendre là, tout de suite ? Si je n’avais pas été présente à ce moment là, mon maçon aurait tout de même avancé, suivant ses propres intuitions. Le soir, j’aurais découvert ma nouvelle façade, sans autre explication qu’un sincère « J’ai fait au mieux »... »54

54. GALLETIER Agnès, Rénover une vieille bâtisse, coéd. Actes Sud, Kaisen, 2017, p. 40.


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se placer dans un cercle d’acteurs

Fig 99 Chantier dans une habitation occupée


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les enjeux

Le presence de l’architecte

La démarche de la réhabilitation, au-delà des étapes qui la différencie de la construction neuve, ne laisse parfois pas beaucoup de place à la conception architecturale. Si la question du site pour les architectes se trouve être un moteur de projet, ce point d’ancrage de la construction prend une autre dimension dans la réhabilitation. Le site, déjà construit, est plus riche et la légitimité du projet qui s’y inscrit posera question dès le début de la conception. En rappelant que la réhabilitation commence généralement par une phase de démolition, peu importe l’étendue de ces dernières, le projet commence là. Il ne s’agit plus de composer avec une feuille blanche, mais de commencer par effacer et par faire l’inventaire des ressources disponibles à préserver ou à réemployer. L’architecte doit être au plus proche de chantier, car la temporalité de celui-ci chevauche sur celui de la conception. En effet, les surprises et les aléas du chantier au cours d’une réhabilitation appellent l’architecte à faire preuve d’adaptation. En réalité, il faut comprendre que le projet est basé sur des hypothèses qui ne s’avèrent pas toujours au plus proche de la faisabilité technique et matérielle.

“Une réhabilitation c’est différent d’une construction puisqu’il faut déjà comprendre le bâtiment et ensuite intégrer et restituer tout ça dans un projet.”55 Parallèlement aux difficultés techniques, la conception architecturale dans le domaine du logement privé doit correspondre à la commande. Une commande qui tantôt pragmatique et fonctionnelle, tantôt subjective, suit la diversité de la maîtrise d’ouvrage. Les envies et les besoins des habitants devant être satisfait en premier lieu, l’architecte doit tout de même savoir convaincre lorsqu’il s’agit des intérêts du bâtiment, du patrimoine, de 55. CLADEN Rémy, Entretien n°2, 2018 (voir p. 106) 56. Loi n° 77-2 du 3 Janvier 1977 sur l’architecture

l’environnement ou autres. Il est en perpétuelle négociation. La place et la liberté de la conception architecturale dans les projets de logements individuels peuvent varier du tout au tout selon le niveau de confiance qu’accorde le client à l’architecte et selon la commande de départ. La réhabilitation y ajoute un degré de difficulté lié à la prise en compte d’un existant très présent dont il faut savoir tirer le meilleur parti pour concevoir le projet et auquel le projet ajoutera une plus-value pérenne et respectueuse.

« La mission de l’architecte : La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public. »56 En considérant que la discipline de l’architecture est un domaine non pas en tant que tel, mais qui embrasse et se nourrit d’une quantité d’autres domaines tels que l’environnement, la politique, la sociologie, l’urbanisme, l’économie, le paysage, l’archéologie, la culture et bien d’autres, le métier d’architecte en est d’autant plus complexe. Le rôle et la place de l’architecte, aussi variables soient-ils en fonction du contexte et du travail qu’il mène, lui définissent une infinité de pratique possible. C’est un acteur environnemental parce qu’il doit garantir que la construction soit « responsable », que son insertion soit harmonieuse dans un territoire existant déjà structuré. Veillant à limiter l’impact des constructions sur l’environnement existant, il préserve la densité du bâti et doit éviter le gaspillage des ressources foncières, agricoles, naturelles et matérielles. L’ensemble des exigences écologiques et sanitaires dont il doit prendre compte l’engage au respect des règles de sécurité. Cela tout en privilégiant les matériaux locaux


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se placer dans un cercle d’acteurs

disponibles ou dont l’impact environnemental sera faible. Un acteur économique parce que sa démarche s’inscrit dans une logique d’éco-efficience qui doit garantir une réduction des consommations d’énergie et une bonne performance thermique du bâtiment. Ainsi par exemple, une conception bioclimatique assurant le confort d’hiver comme d’été aura pour but d’éviter les surconsommations saisonnières. Il est censé prévoir le coût global induit par l’entretien futur et la maintenance du bâtiment. Un acteur social parce qu’il doit intégrer les préoccupations liées à la mixité sociale, à la cohabitation des générations et à la multiplicité des activités des habitants. Il se préoccupe avant tout de l’usage du bâtiment en prévoyant les usages futurs et leur modularité dans l’idée que celles-ci peuvent évoluer.

“ “Dans le processus de mutation des territoires auquel nous assistons, notamment avec le fait métropolitain, les architectes ont certes un rôle de maîtrise d’œuvre, mais aussi en amont de conseil.” estime Catherine Grandin, 57 directrice du CAUE du Rhône” Un acteur culturel puisqu’il vise la bonne intégration du bâti dans son contexte culturel et traditionnel. Sa sensibilité aux matériaux et savoir-faire locaux le conduit à éviter les pastiches de formes traditionnelles. Aussi, il recherche un épanouissement culturel par la création d’une architecture contemporaine en actualisant l’architecture d’hier.

Fig 100

Vue aérienne de l’Écomusée d’Alsace

57. SIGOT Françoise, “L’architecte au service des territoires, quelle repartition des roles ? ” (www.lagazetdescommunes.com), juin 2015


« De même, l'intérêt que je porte au patrimoine bâti, historique ou on, ne doit, en aucune manière, être interprété comme une marque de passéisme. Je milite contre toutes les formes actuelles de muséification, mais pour une pratique mémorielle qui conditionne l'innovation. »

CHOAY Françoise, Le patrimoine en questions, anthologie pour un combat, Du Seuil, 2009, p. 209.


Conclusion La technique constructive du pan-de-bois a su, de par son histoire, faire preuve d’adaptation et de pérennité. La souplesse de cette technique lui a permis de se développer et de se transformer depuis des siècles. Les savoir-faire qui étaient associés à la construction de ces édifices ont été, eux aussi, amenés à évoluer du fait qu’il ne s’agisse plus de bâtir en pan-de-bois mais d’intervenir sur cette technique. Au travers des réhabilitations et des chantiers, ces “savoir-refaire” naissent de la rencontre et du partage des connaissances de chaque acteur. Hors intervenir sur ces habitations à l’heure d’aujourd’hui se révèle être un acte à double tranchant. Entre transformer pour préserver et détruire à force de transformation, intervenir sur une telle architecture s’inscrit dans un phénomène de cause à effet complexe. Les strates successives d’interventions peuvent dénaturer la logique constructive initiale. La transformation des espaces intermédiaires tels que les combles en espaces d’habitation fait perdre à l’organisation spatiale sa qualité économe en matière de régulation thermique. L’application de nouveaux matériaux comme le ciment sur ces constructions démontre d’une incompréhension des compatibilités matérielles qui pourtant garantissent la longévité de l’édifice. Ces habitations exhibant leur squelette de bois massif témoignent à travers leur lisibilité de la richesse technique des assemblages traditionnels en bois. À force de remplacer les assemblages endommagés, bien que perpétuant le mode traditionnel, la matière initiale du bâtiment disparaît et le bâtiment se transforme progressivement en une copie de lui-même. L’enjeu de conserver un maximum de la matière du bâtiment peut s’avérer faire appel à une hybridation mêlant assemblages traditionnels et visseries, l’intervention doit permettre à l’édifice de garder du sens pour qu’il puisse raconter s’il est au plus proche de son état d’origine ou d’un état transformé. L’intervention sur l’existant n’est pas un sujet nouveau. Une véritable symphonie de dénominations en « Re » tente de répondre à des enjeux liés au domaine de la construction : réhabilitation, rénovation, reconversion, restauration, réutilisation, réemploi, requalification, revalorisation. Ce préfix, dénominateur commun, induit dans toutes ces notions la préexistence d’un objet, d’un lieu, d’un territoire dont l’état actuel serait à modifier. Ces notions souvent présentées comme des « alternatives » ne sont pas tant à opposer à la construction neuve et font partie intégrante de la transformation de nos villes et de nos territoires. Le phénomène d’obsolescence pouvant toucher chaque édifice, il tient du bon sens que d’appeler à réhabiliter le bâti existant. Sous un regard architectural et non pas historique, cette recherche a tenté de mettre en lumière la spécificité de la réhabilitation de l’habitat à pan-de-bois. Dans la recherche d’un regard présent sur une technique de construction ancienne, finalement, l’on peut affirmer que l’habitat à pan-de-bois a besoin de l’architecte pour maintenir un équilibre entre sa disparition et sa transformation et pour ne disparaître ni sous l’ouvrage du temps, ni sous l’ouvrage de l’homme. Mais pour aller plus loin, l’inverse pourrait également affirmé. Les architectes n’auraient-ils pas quant à eux besoin de porter leur regard sur une technique traditionnelle ancienne dont nos modes de construction sont issus afin de bâtir mieux pour demain ?


136

Bibliographie OUVRAGES THEORIQUES CHOAY Françoise, L’allégorie du patrimoine, Du Seuil, 1992 FREY Pierre, Learning from vernacular (Pour une architecture vernaculaire), Actes Sud Beaux Arts, Coédition Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, 2010 RUDOFSKY Bernard, Architecture sans architectes, Chêne, 1977 SECCHI Bernardo, Première leçon d’urbanisme, Parenthèses, 2011 KREBS Jan, Concevoir l’habitat, Birkhäuser, 2011 TOUSSAINT Jean-Yves (dir.), ZIMMERMANN Monique (dir.), INSA de Lyon, Concevoir pour l’habitant : d’autres commandes, d’autres pratiques, d’autres métiers, Actes du colloque du 17 octobre 2006, PUCA (format pdf - 1.4 Mo - 04/02/2015), décembre 2006

OUVRAGES TECHNIQUES CLADEN Rémy, Comprendre la maison alsacienne à travers l’exemple sundgauvien, Support de cours pour les étudiants d’UP6 (ENSA Paris la Villette) en stage patrimoine avec le Centre Européen de formation P.A.R.T.I.R à l’Ecomusée d’Alsace, 1996 et 1997 DEWULF Michel, Le torchis, mode d’emploi, Eyrolles, 2015 FREDET Jacques et LAURENT Jean-Christophe, Guide du diagnostic des structures dans les bâtiments d’habitation anciens, Le moniteur, 2013, p38-39, p.230-245, p.343-353. FRITSCH Florent, HAEGEL Olivier, RAIMBAULT Jérôme, LOHRUM Burghard, WERLÉ Maxime, La maison en pan-de-bois, Lieux dits, Lyon, collection Clefs du Patrimoine d’Alsace, 2015 OLIVA Jean-Pierre, COURGEY Samuel, L’isolation thermique écologique, Terre vivante, 2010 GALLETIER Agnès, Rénover une vieille bâtisse, Actes Sud, coéd. Kaisen, 2017 PÉROUSE DE MONCLOS Jean-Marie, Architecture, méthode et vocabulaire, Du patrimoine, Paris, 7e éd. 2009 (1ère éd. 1972), p145-151 VALENTIN Jean-Louis, Le colombage, mode d’emploi, Eyrolles, 2012 WEISS Walter, Holzbau im Elsass (Construire la maison), traduction FISCHER Thierry, GOETZ Michèle, SCHNEIDER André, Les ABC de l’Ecomusée d’Alsace, 1991

COURT METRAGE KEATON Buster (réal.), La maison démontable, Métro Pictures, 1920, 21 min.


137

ARTICLES AMPHOUX Pascal, “L’innovation architecturale n’est pas toujours là où on l’attend” in Culture et recherche, Paris, Ministère de la Culture et de la Communication, 2009, p.22-23 BERNARD Pierre, “Le chantier”, retranscription de conférences in Criticat, n°02, pages 99 à 111, 2008 BERTHIER Stéphane, “Processus d’innovation de la filière bois et création architecturale - le cas de l’architecture résidentielle en France”, juin 2013 BIAU Véronique, “Stratégies de positionnement et trajectoires d’architectes” in Sociétés contemporaines, n°29, 1998, p. 7-25. GOETZ Marc, “Les lucarnes” in Fiche technique de l’ASMA, N°1, 2017 JOSSEAUME Benoît, “Le règlement d’urbanisme est la clef ” in ‘S Blättel, n°26, Bulletin de l’ASMA, octobre 2017 ROUANET François, “Observatoire de la profession d’architecte” in Archigraphie, n°2, Conseil national de l’Ordre des Architectes, décembre 2016 RÉJU Emmanuel, “En france, la bétonisation des sol ralentit”, (www.la-croix.com), janvier 2016 SIGOT Françoise, “L’architecte au service des territoires, quelle repartition des roles ? ”, (www. lagazetdescommunes.com), juin 2015 “la profession en chiffres, Ordres des Architectes”, (www.architectes.org), 2016 “ Réhabilitation et extension d’une maison à pans de bois du XVIème siècle ”, (www.maison-bois.com), 2014 “ Les maisons à colombages menacées par la Transition énergétique ”, (www.batirama.com), 2014 “ Transition énergétique et fin des maisons à colombages? ”, (www.patrimoine-environnement.fr), 2014 “ En Alsace, les maisons à colombages en voie de disparition ”, (www.immobilier.lefigaro.fr), 2015 “ L’histoire de l’écomusée d’Alsace, d’hier à aujou’dhui ”, (www.ecomusee.alsace), 2016 “Les parois perspirantes, une solution alternative pour une ambiance hygrométrique saine et confortable”, (www.bois.com), 2012

SITES INTERNET www.architectes.org www.asma.fr www.cohesion-territoires.gouv.fr www.ecomusee.alsace.fr www.urbanisme-puca.gouv.fr


138

Tables des illustrations Fig 1

Les chiffres de l’Ordre des Architectes 6

13

Fig 2

Les ancêtres de l’habitat à pan-de-bois

19

Fig 3

Dominante verticale type “tant plein que vide”

20

Fig 4

Dominante horizontale et triangulation

20

Fig 5

Coupe du mur coupe-feu traditionnel

21

Fig 6

Un volume, deux expressions

22

Fig 7

Morphologie d’un tissus rural, commune de Brunstat, plan 1/5000e

22

Fig 9

Les typologies bâties

23

Fig 8

Morphologie tissu urbain, commune de Éguisheim, plan 1/5000e

23

Fig 10

L’évolution de la structure

25

Fig 11

Superposition des cadres porteurs de plancher, avec ou sans encorbellement.

26

Fig 12

Superposition de cadres porteurs de plancher, avec long bois.

26

Fig 13

Superposition de cadre porteurs ou non de plancher.

26

Fig 14

Superposition de cadres porteurs ou non, avec long bois.

26

Fig 15

Superposition de portiques porteurs ou non de plancher.

27

Fig 16

Superposition de portiques porteurs ou non, avec long bois.

27

Fig 17

Superposition de portiques porteurs de plancher, avec sablière de chambrée.

27

Fig 18

Superposition de portiques porteurs de plancher, avec sablière de chambrée et long bois.

27

Fig 19

Reconstitution d’une scène de préparation d’un pan-de-bois à l’Ecomusée d’Alsace

29

Fig 20

Vocabulaire du pan-de-bois

30

Fig 21

Assemblage à l’angle d’une construction à pan-de-bois

31

Fig 22

Déclinaison des assemblages traditionnels en bois

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Fig 23

Ruine de la sablière basse et du pied de poteau causé par un enduit de ciment recouvrant le solin

34

Fig 24

Affaissement de la sablière basse dû aux remontées capillaires d’humidité et de la modification du niveau du sol

34

Fig 25

Les formes de toiture de l’habitat à pan-de-bois

36

Fig 26

Déclinaison de lucarnes

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Fig 27

Tuiles plates alsaciennes

37

Fig 28

Les matériaux de remplissage

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Fig 29

Remplissage en torchis et support en tressages de baguettes de bois, Saint-Ulrich

40

Fig 30

Palissons insérés en encoche

41

Fig 31

Clayonnage à dominante verticale

41

Fig 32

Éclisses posées en oblique entre les poteaux

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Fig 33

Palissons en encoche, cloués sur l’ossature secondaire

42

Fig 34

Torchis à nu d’une maison à l’abandon, Schlierbach

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Fig 35

Maisons mitoyennes, Hirtzbach

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Fig 36

Pose de tuiles plates alsaciennes sur un auvent

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Fig 37

Finitions de l’enduit avec bordure

46

Fig 39

Toiture à lucarnes et tuiles plates

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Fig 38

Enduit en surépaisseur

47

Fig 40

Zonage thermique intersaisonnier

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Fig 41

Migration de l’eau vers là où la densité d’humidité est la plus faible

49

Fig 42

Exemple de mur perspirant d’une maison à ossature bois

51

Fig 43

Exemple de mur étanche d’une maison à ossature bois

51

Fig 44

Maison de Franck et Martine Thomas-Dubail, Ueberstrass

53

Fig 45

Maison à pan-de-bois avec extension récente, Hirtzbach

63

Fig 46

Corps de ferme et habitation reconstruit dans l’ECOMUSEE d’Alsace

65

Fig 47

La maison démontable de Buster Keaton

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Fig 48

Solives d’origines raccordées à une nouvelle poutre, chantier de réhabilitation, Altkirch

68

Fig 49

Des étapes de travaux spécifiques au bâti existant

69

Fig 50

Sondage du bois

71


139

Fig 51

Vérification de l’état du bois

71

Fig 52

Sablière intermédiaire rongée entrainant le déboitement d’une partie du pan-de-bois

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Fig 53

Assemblage poteau d’angle/sablière basse, creusé par l’eau

73

Fig 54

Bois attaqué par la vrillette

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Fig 55

Sablière basse creusée par l’inflitration de l’eau dans le ciment de finition du soubassement

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Fig 56

Acquisition d’une maison en 1981 par Mr et Mme Thomas-Dubail, Ueberstrass

77

Fig 57

Remplacement d’une partie de la sablière basse et du pied de poteau

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Fig 58

Ossature d’un pan-de-bois démonté, Altkirch

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Fig 59

Ossature d’un pan-de-bois remonté à l’ECOMUSEE d’Alsace

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Fig 60

Intervention sur une décharge

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Fig 61

Intervention sur une sablière basse

81

Fig 62

Tableau comparatif des contextes des chantiers

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Fig 63

Façade principale de la maison de M. et F. Thomas-Dubail, mars 2018

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Fig 64

Existant après la dépose du plancher et avant l’ntervention de l’entreprise

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Fig 65

étapes de mise en œuvre 1/4

88

Fig 66

étapes de mise en œuvre 2/4

89

Fig 67

étapes de mise en œuvre 3/4

90

Fig 68

étapes de mise en œuvre 4/4

91

Fig 69

Photographies des différentes étapes du chantier

92

Fig 70

Photographies des différentes étapes du chantier

93

Fig 71

Façade principale de la maison de G. et M. Houth-Badin, chantier n°2, septembre 2017

94

Fig 72

Coupes comparatives des espaces à l’attention de la maîtrise d’ouvrage, fait le 15/06/16 par la maîtrise d’oeuvre

97

Fig 73

Façade sud existante

99

Fig 74

Plan de l’habitation, projet en cours, mais 2017

99

Fig 75

Repérage du cadrage

100

Fig 76

Pièces à déposer

100

Fig 77

Après dépose des pièces

100

Fig 78

Sablière basse remplacée

100

Fig 82

Après pose des greffes et de l’entretoise

100

Fig 79

Pièces supérieures à déposer

100

Fig 80

Après dépose des pièces

100

Fig 81

Après pose du poteau de refend

100

Fig 83

Insertion d’une pièce dans le pan-de-bois

101

Fig 84

Extrait de façade, avant travaux

102

Fig 85

Découpe des mortaises dans le poteau de refend

102

Fig 86

Découpe des mortaises dans le poteau de refend

102

Fig 88

Tenon à l’extréminité du poteau de refend

103

Fig 87

Mi-bois entre la sablière d’origine et la nouvelle

103

Fig 89

Pan-de-bois et sous-bassement restauré

103

Fig 90

Extrait de façade restaurée avec ses remplissages

103

Fig 91

Réhabilitation par l’agence Push Architecture, photographie en fin de chantier, septembre 2017

107

Fig 92

Reconstitution d’un village alsacien, ECOMUSEE d’Alsace

117

Fig 93

Commune de Eguisheim, avril 2018

119

Fig 94

Pan-de-bois archaïque, une des plus ancienne de la région, ECOMUSEE d’Alsace

121

Fig 95

Construction à pan-de-bois ECOMUSEE d’Alsace

123

Fig 96

Combinaison de section de bois neuves et de sections d’origine, Berentzwiller

125

Fig 97

Expérimentation constructive, ECOMUSEE d’Alsace

127

Fig 98

Maison remontée à l’Écomusée d’Alsace

129

Fig 99

Chantier dans une habitation occupée

131

Fig 100

Vue aérienne de l’Écomusée d’Alsace


140

Sources des illustrations

CLADEN Rémy, Comprendre la maison alsacienne à travers l’exemple sundgauvien, Support de cours pour les étudiants d’UP6 (ENSA Paris la Villette) en stage patrimoine avec le Centre Européen de formation P.A.R.T.I.R à l’Ecomusée d’Alsace, 1996 et 1997 Fig: 5, 6, 10, 27 GALLETIER Agnès, “Rénover une vieille bâtisse”, Actes Sud, coéd. Kaisen, 2017 Fig: 49 FREDET Jacques et LAURENT Jean-Christophe “Guide du diagnostic des structures dans les bâtiments d’habitation anciens” éd. Le moniteur, 2013 Fig: 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 GOETZ Marc, “Les lucarnes” in Fiche technique de l’ASMA, N°1, www.asma.fr, consultation 2017 Fig: 26 OLIVA Jean-Pierre, COURGEY Samuel, “L’isolation thermique écologique” éd. Terre vivante, 2010 Fig: 40 ROUANET François, “Observatoire de la profession d’architecte” in Archigraphie, n°2, Conseil national de l’Ordre des Architectes, 2016 Fig: 1 VALENTIN Jean-Louis, Le colombage, mode d’emploi, Eyrolles, 2012 Fig: 20, 23, 24, 50, 51, 54, 57, 60, 61 WEISS Walter “Holzbau im Elsass” adaptation française par FISCHER Thierry, GOETZ Michèle, SCHNEIDER André “Construire la maison” éd. Les ABC de l’Ecomusée d’Alsace, 1991 Fig: 2, 21, 22, 25, 28 © http://www.dattler-bois.fr/maisons-colombages/ Fig: 96 © IGN 2017 ­www.geoportail.gouv.fr/mentions­legales Fig: 7, 8 © https://www.mouv-in.com/Cine-concert-La-Maison-demontable_a475.html Fig: 47 © http://atasteofmylife.fr/2015/03/13/normandie-eure-pont-audemer/ Fig: 3 © http://www.birdsandbicycles.fr/petits-bonheurs-9/ Fig: 4 Photographies fournies THOMAS-DUBAIL Martine et Franck Fig: 56, 69, 99 Photographies réalisés par l’auteure: Fig: 19, 29, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 44, 45, 46, 48, 52, 53, 55, 58, 59, 63, 70, 71, 85, 86, 88, 87, 89, 91, 92, 93, 94, 95, 97, 98, 100 Dessins fournis par l’agence Push Architecture Fig: 72 Dessins réalisés par l’auteure : Fig: 9, 30, 31, 32, 33, 41, 42, 43, 62, 64, 65, 66, 67, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 90,


141




La réhabilitation de l’habitat à pan-de-bois, une affaire d’architecte ?

L’habitat rural à pan-de-bois autant détruit que valorisé est un objet d’étude qui permet d’aborder les enjeux du chantier de réhabilitation. Dans un décor d’acteur où l’architecte n’est pas nécessairement sollicité, les interventions sur cette technique constructive issue d’une architecture sans architectes sont étudiées au travers de ce mémoire. La question de la complémentarité des savoir-faire est abordée sous le prisme du trio d’acteurs ; Architecte/Habitant/Entreprise. Le chantier, lieu de rencontre de ces savoir-faire, souligne les particularités de chaque cas de réhabilitation. Des étapes de mise en oeuvre de deux chantiers réalisés par la même entreprise de charpente sont exposées et appuyées par des entretiens avec la maîtrise d’ouvrage pour l’un et la maîtrise d’oeuvre pour l’autre.

Sarah Briche École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Belleville


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