L'Identité au Prisme de la Globalisation

Page 1

L'IDENTITE CULTURELLE au prisme de la GLOBALISATION ou Comment l'identite culturelle arrive-t-elle a s'exprimer en architecture a L'ere de la globalisation ? LE cas de Port-au-Prince. Memoire de Master Par : Sarah Jane RAMEAU


Juin 2014


Ce mémoire a été réalisé sous la direction d’Adrien GONZALEZ et de Jean-Philippe GUILLEMET dans le cadre du programme de Master 2 à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Bordeaux.


Remerciements spéciaux à : Mes tuteurs, Adrien Gonzalez, Jean-Philippe Guillemet et Kent Fitsimons pour leur support mes parents, Guy Rameau et Gladys Jean-Marie Rameau ma soeur, Moéva Rameau l’amour de ma vie et futur brillant architecte, Hugo Devillers à mes mamans-gâteau : Francine, Lucie et Carmelle Jean-Marie et à toute la famille confondue Rameau, Jean-Marie, Celestin, Guillaume, Devillers et Mazet.. à mon maître de stage, Michel Présumé et à toute l’équipe de l’UCLBP à l’architecte François Laroche pour ses précieux conseils à l’architecte Jean-Pierre Bart et toute l’équipe de Jean-Pierre Bart Architecte à Montréal. à mon tuteur, Christian de Conninck qui a toujours cru en moi. à ma kyrielle d’amis (ies) et jeunes architectes et artistes prometteurs, Isabelle Jolicoeur, Nathalie Jolivert, Myriame Allioualla, Killian Wieber, Sophia Ouakrim, Chloé Navaux, Christian Nerette, Lionel Isern Margaux Ducas-Binda, Lucas Bacle, Florie Barsaq, Maia Djambazian, Justine Tremblay, Mylène Carrière, Ariane Latendresse, Alexandre Baramily, Elodie JB Lalanne... Puissiez vous dépasser les limites du succès. à Jafly! à Sigrid Landrin à Christine Pierre-Louis à mes amis (ies) de toujours : Axel, Alex, Anne Christelle, Catherine, Dominique, Jean-Paul, Jeff, Leila, Ludmilla, Priscilla, Sacha, Vanessa... pour leur soutien constant... à tous ceux que j’ai oublié mais qui ont contribué et m’ont accompagné d’une façon ou d’une autre dans mon parcours. et à Haïti, pour m’avoir permis de te redécouvrir.



Table des matières Préambule Culture et “Trans-culture”.

Hypothèse, Méthodologie et Problématique. La globalisation dans l’architecture aujourd’hui.

Qu’est ce qu’une architecture représentante de l’identité culturelle ?

Un cas d’architecture composite, Port-au-Prince : depuis 1492. Une histoire riche. L’architecture locale. La maison Gingerbread : Une identité o Origine o Le Style o Matériaux o Organisation Spatiale o Une fin marquante Le Nouveau Langage contemporain. L’ « architecture » de béton. o Origine o Matériaux et Style La réinterprétation du style gingerbread : La Villa Jean-Marie. o Entrée et terrain o Organisation spatiale o Matériaux.

A

25 27 33 41 42 44 46 48 51 55 56 59 65 69 71 77


9 15

L’architecture globale à Port-au-Prince.

Le cas de Port-au-Prince après 2010. Mise en situation Intervention de l’aide internationale. o Proposition architecturale o Répercussions et contrecoups

79

B

81 87 92

Reconstruction : Projet de la Nouvelle Cité Administrative o Méthodes et Principes. o Le nouveau village urbain Les corridors L’îlot urbain Le bâti

101 106

Mot de la fin

125

97

111 112 114 119

Conclusion

Bibliographie / Flimographie

136

Médiagraphie

140

Iconographie

142

Lexique

146

Annexe

148



Préambule

Culture et “Trans-culture”



Culture et “Trans-culture”

L’identité d’un individu commence par son nom. Elle le décrit, le définit et le diffé-

rencie des autres. C’est son appellation et son image projetée. C’est une étiquette. À l’échelle communautaire, sociétale et nationale, l’identité définit un regroupement par ses différents traits caractéristiques : ses pratiques, son éducation, ses connaissances, ses croyance et sa culture. Le domaine nous intéressant ici est celui de la culture.

Une culture est tout d’abord une identité. Le dictionnaire la définit comme un ensemble

des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique, une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou une autre nation. La culture est une forme d’expression de soi et de son individualité, ce qui est un moyen de distinction important vis à vis des autres. Elle est représentative de la nation qui la pratique et elle y est traduite partout dans son vécu sous plusieurs formes :dans ses modes de vie, dans sa littérature, dans son art et notamment dans son architecture. Ce trait de caractère que possède cette nation lui permet de se démarquer des autres et de s’exprimer. Elle devient intrinsèque à ses habitants et elle contribue également à sa construction sociale et intellectuelle. D’où sa grande importance à travers le monde.

Avoir une culture propre, une identité propre, c’est exprimer son individualité, c’est affirmer 11


et assumer ses points particuliers.

Cependant, aujourd’hui, nous sommes témoins d’une non distinction de culture. Nous assis-

tons à des échanges politiques, économiques, sociaux et culturels facilités entre plusieurs nations. C’est le phénomène de la globalisation : un processus qui consiste à réduire les distances à partir de réseaux frontaliers en vue de développer une notion d’interdépendance entre les nations (Principalement les échanges commerciaux).

La globalisation est un processus transnational qui amène vers une vision globale du monde.

Elle comprend deux grandes dynamiques de processus:

1)

La formation d’institutions et de processus explicitement globaux comme l’OMC, les

marchés financiers globaux, le cosmopolitisme et les tribunaux internationaux.

2)

national et infranational. 1

Le processus local qui fait quand même partie de la globalisation, situé en territoire

Ce processus local est important car il établit un lien direct et facilite la globalisation et les échanges.

En effet, la globalisation est un phénomène politique et économique qui a pour but de ré-

duire les distances entre les nations. Un sentiment de vivre ensemble se fait sentir. Aujourd’hui, nous sommes beaucoup plus proches que nous le pensons, d’où l’expression « Le monde est petit ». Les échelles deviennent plus grandes et nous nous y adaptons. Petit à petit, nous sentons que le national devient international. Sur le plan économique, nous voyons se développer la Bourse internationale. Sous nos yeux se sont réunis plusieurs pays se partageant la même devise fiduciaire. Sur le plan politique et judiciaire ont pris naissance La Cour Internationale de Justice, les Nations 1

Sassen, Saskia. La globalisation, une sociologie. (p.47 à 50)

12


Unies et l’Unesco. La gestion et les prises de décisions de toutes les opérations politico-économiques sont maintenant gérées par l’union des pouvoirs internationaux. Les lois, les règlements et mêmes les langages deviennent universels pour tout un chacun.

Au point de vue sociétal, notre monde connaît aujourd’hui un exode de peuplades migrant

vers différents pays, particulièrement vers les plus grandes puissances où se concentre cette force internationale prospérant dans tous les domaines. De cette incursion ressort alors une grande palette ethnique et culturelle dispersée grâce aux réseaux et aux autres moyens de communication et de déplacement. Cette immigration entrant en scène provoque donc un entremêlement de cultures déclenchant le phénomène de transculturalité. Également synonyme d’interculturalité et de multiculturalité, la transculturalité est le passage d’une culture à une autre. Le contact de deux ou de plusieurs cultures peut paraître simpliste, mais il est pourtant très complexe. L’auteur antrhopologue et ethnologue cubain, Fernando Ortiz Fernandez fait ressortir ces différentes complications à travers son oeuvre «Controverse cubaine entre le Tabac et le Sucre». Il explique : Malgré les identités plurielles au sein d’une même nation et la richesse que chacune apporte, la transculturalité remet en question l’autonomie identitaire de celle-ci. Dans ce bouillon interculturel, la culture initiale arrive-t-elle à survivre? Avec ce lien multiculturel tissé par les gouvernements entre les rapports économiques et sociaux, qu’en est-il de la culture principale? Y en-a-t-il une nouvelle qui y émerge? C’est à travers ce mémoire que nous essayerons de répondre à ces questions et à comprendre les complexités de ce nouveau phénomène touchant notre monde aujourd’hui.

13



Hypothèses, Méthodologie et Problématique La globalisation dans l’architecture aujourd’hui.



La globalisation dans l’architecture aujourd’hui.

«...En effet, le nouveau pacte social des États Nations ne se fonde plus sur l’obéissance de tous les sujets

à un même prince mais sur l’appartenance de tous à une même nation conçue comme une communauté de culture et d’origine. La construction symbolique de cette communauté se fait à travers la recherche de ce qui fait l’âme d’un peuple, que révèlent sa poésie, son histoire, une communauté d’origine (la race) et un rapport spécifié à un territoire. Dans cette perspective, les habitants des campagnes représentent le peuple par excellence car ils sont plus proches par leur mode de vie, leur langue, leurs mœurs, de ce que l’on suppose être la vérité de la personnalité nationale. »2

À travers cette citation, nous pouvons déjà nous faire une idée de ce que peut être l’iden-

tité nationale d’un peuple. À travers une scène du monde rural, nous arrivons presqu’à la palper. L’identité nationale est un amalgame des moeurs, des coutumes, des façons de vivre, des caractères spécifiques à un peuple. Elle est beaucoup plus évidente dans le monde rural parce qu’elle n’a subi aucune altération externe. En architecture, nous appelerons celle qui est indentitaire à sa nation «architecture locale» “Ceci explique pourquoi la question de l’architecture rurale, de ses copies, de ses pastiches ou ses transformations est 2

Loyer, François et Toulier Bernard: Le Régionalisme, Architecture et Identité

17


associée avec autant de permanence et de force aux thèmes de l’identité et de la cohérence de la nation.” 3

En effet, une architecture identitaire locale se copie et peut même s’exporter. Ce qui nous

porte plus tard, à découvrir qu’à travers une étude concrète de l’architecture d’Haïti, que l’architecture d’une nation peut être « transvasée » d’un lieu à un autre. “Par ailleurs, l’urbanisation, l’industrialisation et l’effacement des modes de vie traditionnels suscitent le désir d’en conserver les traces (danses, costumes, mais aussi mobilier et habitat.) On peut voir dans ce phénomène une façon pour la collectivité de penser et de panser la douleur de l’arrachement à un mode de vie.” 4

À la base, l’architecture locale est celle qui influe sur un autre milieu et c’est à partir de là

que se crée des échanges. Ce nouveau milieu, voyant sa mémoire menacée par la mise en place de nouvelles structures et modes de vie caractérisés principalement par ces échanges et notamment par l’urbanisation et l’industrialisation, a tendance à vouloir rester accroché à ses traditions ancestrale.

Depuis la révolution industrielle, plusieurs architectes ont longtemps milité pour la protec-

tion de cette architecture locale, du lieu, de l’usage de matériaux locaux et de la mise en valeur du paysage et du climat. Et leur militantisme est traduite à travers leur architecture. Cette pensée activiste devient primordiale pour eux et se développe en une réflexion philosophique et sociale. Cette pensée s’appelle : le régionalisme.

Le régionalisme un mouvement architectural qui tire ses substances du lieu qui les ac-

cueille. La pensée régionaliste découle de plusieurs notions et parmi les plus importantes, nous retiendrons : 1) La démarche hédoniste du pittoresque : c’est-à-dire, la mise en valeur de ce qui est aux 3 4

Loyer, François et Toulier Bernard: Le Régionalisme, Architecture et Identité Loyer, François et Toulier Bernard: Le Régionalisme, Architecture et Identité

18


alentours et de ce qui est local. Beaucoup conçoivent cette notion comme du kitsch.5 La pensée régionaliste choisit de protéger les éléments matériels locaux et internes et de conserver les valeurs de la société traditionnelle culturelle locale. 2) La démarche politique. : Cette démarche conteste cette idée d’uniformisation du monde : la globalisation. Elle dénonce également la modernité oublieuse de consulter son passé. Les régionalistes proposent donc à notre société d’aujourd’hui une culture fondée sur un héritage traditionnel et d’en faire une alternative à la civilisation urbaine et industrielle. 3) La démarche patriotique qui est tout simplement l’importance du sentiment national et la représentation de sa nation par une image particulière qui leur est propre.

La pensée régionaliste propose d’être fidèle envers son lieu de provenance par un simple

geste d’amour et de respect pour sa «petite patrie». Vivre, se battre et mourir pour son pays est une devise régionaliste en vue de conserver la mémoire du passé. L’idéologie régionaliste est donc intégrée sans conflit important entre les nationalistes des grands pays.6 En voulant faire de l’architecture régionaliste, peut-on donc conclure que ce mouvement prône une idéologie régressive pour une société? Le régionalisme, peut-il être évolutif?

La définition du régionalisme est d’autant plus complexe que sa récurrence dans le temps :

Rejetée la majeure partie du temps par les architectes modernistes, le régionalisme incite au repli sur soi et « les réactions régionalistes contre l’architecture moderne sont souvent, d’ailleurs, le résultat d’un 5 6

Voir lexique. (Référence tirée de la conférence de Danier Le Couédic : «La remanance des régionalismes»)

19


racisme borné »7 . En effet, le régionalisme a tendance à faire parti-pris de tout ce qui lui est identitaire et d’exclure ce qui lui est différent. On peut même supposer qu’il va à l’encontre de ce qui est modernité et contemporanéité. « Une architecture ne doit pas dédaigner de consulter ceux qui sont nés et vécus dans l’histoire, le passé.»8

L’architecture ne doit pas uniquement traduire un patriotisme extrême et être répétée et

pastichée mais elle doit aussi être capable d’être locale tout en étant contemporaine. En effet, comme le dit Mr Le Couédic, architecte et professeur à l’Université de Bretagne Occidentale, lors d’une conférence sur la remanance des régionalismes, un retour vers le passé est nécessaire pour faire une excellente architecture. «C’est un travail d’intenses recherches (retour à la source pure) et de création tandis que certains pensent qu’il ne s’agit que de reproduction ou de pastiche.»

Aujourd’hui, l’architecture contemporaine n’est pas seulement dite « globalisée » et dépourvue

de contexte, mais elle compte également beaucoup de typologies régionalistes ayant évolué avec leur temps. Ce sont des architectures classées contemporaines, qui arrivent à établir un dialogue avec le monde d’aujourd’hui. Les œuvres d’Oscar Niemeyer, architecte brésilien, de Xavier Leibar, architecte français, ou d’Alvaro Siza, architecte portugais, peuvent en dire long sur l’identité culturelle de chacun tout en maintenant une apparence correspondant à l’époque contemporaine.

« Au Brésil, Oscar Niemeyer est une icône, comme Pelé pour le football et Jobim pour la bos-

sa nova. Si le Brésil a tant changé ces dernières décennies, c’est aussi grâce à Niemeyer et à son style 7 8

Ragon Michel. Le Livre de l’architecture moderne. Le Couédic, Daniel. La remanance des régionalismes.

20


: des immeubles en béton, des murs blancs, du verre, et des formes arrondies qui rappellent, disait-il, le corps des femmes de son pays…

…. Niemeyer invente Brasilia. La ville sort de terre en cinq ans seulement. Elle est inaugurée

le 21 avril 1960. Elle ne ressemble à rien. Quand le cosmonaute russe Youri Gagarine découvre Brasilia, il reste stupéfait : “j’ai l’impression de débarquer sur une planète différente, et pas sur la terre”. Brasilia offre un dessin en forme d’oiseau aux ailes déployées. Son parlement présente ses deux demi sphères inversées. Sa cathédrale a des pointes blanches dirigées vers le ciel bleu. 
» 9 Pour Niemeyer, l’architecture locale n’est pas que de l’architecture vernaculaire typique avec ses formes, ses couleurs, ses matériaux et sa relation avec son contexte. Il va plus loin dans sa réflexion. La culture brésilienne comprend les courbes folles de ses femmes, la douce bossa-nova et la chaleureuse samba jusqu’à la représentation abstraite de son drapeau, l’amour de son climat ensoleillé et de son ciel bleu. On vit Brasilia à travers son architecture.

«De la Banco Pinto & Sotto Mayor (Oliveira de Azeméis, 1971-1974) à la Fundação Iberê

Camargo (Porto Alegre, 1998-2008) Il y a une pensée claire et un travail constant de recherche. Bien que situé sur des sites distincts, Siza dessine des plans de délimitation potentiels et coordonnées du contexte, qu’il s’agisse d’une construction urbaine ou d’une carrière de pierre abandonnée. De là, la logique apparemment inéluctable de la disposition du programme libère la conception de ce qui est, en fin de compte un équilibre délicat entre la composition surprenante et dans le cadre de l’analyse, une traçabilité logique formelle ». 10 9 Oscar Niemeyer : des courbes, du béton et l’amour de la vie. France Info http://www.franceinfo.fr/decryptage/l-histoire-du-jour/l-histoire-du-jour-aod-824393-2012-12-06 10

Von Der Linie, Zum Raum, Alvaro Siza, From Line to Space.

21


Il est connu de tous que les problèmes fonctionnels passent avant tout, pour Siza. Par contre, les formes, les espaces, l’atmosphère d’un bâtiment ne viennent pas de ses fonctions. L'architecture de Siza est, certes, fortement ancrée dans le mouvement moderne, mais intègre une approche subjective de la notion et la conception locale. Elle est constamment à la recherche d'autres interprétations modernes de son contexte. En plus de préoccupations culturelles et sociales de la population portugaise, les conditions géographiques et climatiques dans l'architecture de Siza sont d'une importance capitale à cette réflexion. «Dans les projets de Siza, la sensibilité par rapport au contexte ne donne pas lieu à l'historicisme nostalgique ou régionalisme critique.»11 Il s'agit plutôt d'une approche unique à un langage universel transformé

pour répondre à une situation locale. Pour lui, la vraie architecture a une âme. Ce qui veut dire, qu’elle a une capacité de répondre à des besoins techniques mais elle doit avoir un vécu. Dans ses espaces et ses formes doivent transparaître un passé, un présent et un avenir. Elle doit être dépourvue de contraintes et doit être libre et capable de raconter une histoire. Elle traduit l’image d’une société et d’une culture. L’utilitaire c’est une chose, l’architecture pure, création de l’esprit, c’en est une autre. Et par l’architecture de Siza, il est possible de retrouver ces deux particularités qui parviennent à se distinguer.

Dans le cas de Siza, l’identité architecturale culturelle est sans nul doute dans la manipu-

lation des matériaux locaux et dans la prise en compte du lieu. Il laisse les matériaux s’exprimer purement dans l’architecture. « En architecture, tout n’est qu’impression. »12 Elle est laissée à l’interprétation des regards. Il réussit même à la situer dans son contexte contemporain sans en faire de reproduction cliché de l’architecture vernaculaire portugaise. Pour lui, l’architecture locale va 11 12

Von Der Linie, Zum Raum, Alvaro Siza, From Line to Space. Arte, “De la Construction à l’Architecture.” http://www.arte.tv/fr/de-la-construction-a-l-architecture/413252,CmC=413246.html

22


au-delà du pastiche. « Les anthropologues montrent qu’avec un système donné, une politique donnée se raccorde à une architecture particulière. Il est étonnant de dire qu’une société de consommation qui domine notre niveau de vie n’ait pas son architecture propre » 13

Dans le domaine de l’architecture encadré aujourd’hui par la globalisation, le capitalisme,

la création de grandes villes cosmopolites et la société de consommation, les théories formelles, techniques et pratiques deviennent, peu importe le climat, universelles et applicables partout. Avec la starification de certains architectes, l’architecture est facilement identifiable mais le contexte demeure ignoré. Parmi les architectes de renom et pour ne citer que ceux-là, nous comptons Rem Koolhaas et Zaha Hadid où le contexte est visité et réinterprété sous un angle autre que celui de l’avoisinant. Leur philosophie architecturale repose en grande partie sur le formalisme sans un souci apparent du lieu. Leur architecture est alors communément appelée « architecture objet ».Oeuvre éposée dans un espace quasiment neutre. Mais peut-il devenir identitaire malgré qu’il ne soit pas raccordé au lieu ou à la culture de celui-ci? L’architecture peut-elle devenir identitaire si elle est transvasée vers un autre contexte? Ces architectes-stars, font-ils nimporte quoi ou anticipent-ils l’avènement d’une nouvelle culture dont nous ignorons encore l’existence, ou encore une culture dans laquelle, déjà, nous sommes immergés? Une culture globale...

Nous arrivons à la formulation de la problématique où nous mettons ces deux entités archi-

13

Mangin, David. La ville franchisée.

23


tecturales face à face. L’architecture locale et l’architecture globale. Pensons nous que l’architecture globale s’impose sur le local aujourd’hui? Et en supposant que ces deux ne soient pas antinomiques, comment pouvons nous comprendre la résistance de l’architecture locale face à celle du global ?

Comment l’identité culturelle arrive-t-elle à s’exprimer en architecture à l’ère de la globalisation? Par deux analyses de cas étudiant les réactions de ces deux entités, local et global, confrontées, dans la ville de Port-au-Prince en Haïti, et à travers des entrevues avec différents architectes et urbanistes exerçant leur métier sur le territoire, Michel Présumé (Maître de stage, coordonnateur de projet de la Cité Administrative et membre directeur, architecte-urbaniste de l’Unité de Construction de Logemement et de Bâtiments Publics (UCLBP) et Secrétaire d’État à la Planification du gouvernement de la République d’Haïti) et l’architecte-ingénieur, François Laroche ainsi qu’avec deux jeunes architectes haïtiennes fraîchement diplômées d’universités internationales : Nathalie Jolivert (diplômée de Rhode Island School of Design, RISD aux États-Unis) et Isabelle A. Jolicoeur (diplômée de l’Université de Montréal - Faculté d’Aménagement- au Canada), nous apprendrons comment ces deux entités arrivent à communiquer découvrirons les différents outils utilisés à ce dialogue pour répondre à la problématique posée.

24


Qu’est ce qu’une architecture représentante de l’identité culturelle? Un cas d’architecture composite : Port-au-Prince, depuis 1492.

A



UNE HISTOIRE RICHE

Avec cette globalisation omniprésente, un cas d’exemple pouvant aider à répondre à la

problématique, est celui de la ville de Port-au-Prince, capitale de la république d’Haïti. C’est un exemple pertinent puisque depuis l’arrivée de Christophe Colomb et tout au long de son histoire, l’architecture de Port-au-Prince n’a été que le fruit de son importation.

Haïti, ou encore Ayiti, appelée ainsi par les Tainos pour désigner ce pays aux nombreuses

chaînes montagneuses, est située dans les grandes Antilles, entre les îles Cuba, la Jamaïque et Porto-Rico. Le pays partage la partie occidentale de l’île avec la République Dominicaine. Le 6 décembre 1492, Christophe Colomb et ses « conquistadores »14 arrivent sur cette île qu’ils baptisent Hispaniola et ne tardent pas à en faire une colonie officielle de l’Espagne et à en extraire ses richesses, principalement l’or. Désireux de s’enrichir au plus vite, les Espagnols reçoivent des terres avec le plein droit de faire travailler les « indiens » autochtones qui y vivent. D’où le principe du « repartimento ». Ce principe les conduit à asservir durement les populations autochtones, dont 14

Voir lexique.

27


le chiffre équivaut à un million à l’époque. L’extraction de l’or dans les sous-sols et les rivières s’avère dans un premier temps très productif, jusqu’à fournir 500.000 écus d’or par an à l’Espagne. Les autochtones, par contre, incapables de s’habituer à ce rythme de vie imposé et incapables d’effectuer des travaux aussi ardus et acharnés dans les mines, trépassent tous, en moins de cinquante ans.

Fig. 1 :

Carte des Grandes Antilles

28


En 1697, Charles II, le roi d’Espagne, cède au roi de France, Louis XIV, la portion Ouest d’Hispaniola que ce dernier rebaptise, Saint-Domingue. Les Espagnols, eux, s’emparent de la partie Est, aujourd’hui baptisée République Dominicaine.

À Saint-Domingue, au 18ème siècle, sous l’autorité française, les plantations prospèrent

sous le climat tropical de l’île : café, tabac, cacao, indigo… Un système d’exploitation agricole basé sur la culture de la canne à sucre et du café est mis en place. «À l’époque, la canne à sucre, le véritable or blanc de l’époque, avait la même importance économique que le pétrole a aujourd’hui dans notre économie.»

En 1697, le roi Louis XIV se fait céder légalement la partie occidentale d’Hispaniola par le

15

traité de Ryswick qui met fin à la guerre de la Ligue d’Augsbourg en Allemagne. Cette acquisition marque le vrai commencement des ambitions coloniales de la France.

La France s’enrichit donc grâce aux produits exportés en grand nombre de Saint-Domingue

et particulièrement grâce à l’arrivée de noirs importés d’Afrique et mis en esclavage. Entre 1697 et 1791, des bateaux négriers amènent principalement de l’île de Gorée, au Sénégal plus de 860.000 nègres. Une fois arrivés de l’Afrique, ils sont exploités et réduits en esclavage par les Français. À la veille de la Révolution Française, « Saint Domingue assure près de ¾ du commerce mondial du sucre. En 1788, son commerce extérieur évalué à 214 millions de francs…»16

Saint-Domingue devient une ville prospère dans son économie et au fil des ans, la société

ne tarde pas à se mélanger et à se métisser, contre son gré. La colonie compte près de 600.000 habitants dont 40.000 affranchis, essentiellement des mulâtres (métissage entre Africains et Français) et 500.000 esclaves noirs. Ce métissage ne cause que du tort au sein de la population noire 15 16

Gougeon, Gilles. “Misère et Conflits en Haïti. Archives Radio Canada. http://archives.radio-canada.ca/politique/international/clips/16358/ « 1492 à 1804 : D’Hispaniola à Haïti »

29


et engendre des hiérarchies de classes sociales basées uniquement sur la couleur de peau. Les enfants issus d’union illégitime de Français et d’Africains, ou communément appelés les mulâtres créoles, sont devenus affranchis. Ce qui veut dire qu’ils sont des êtres libres, pouvant pleinement jouir de certains droits communs aux colons et pouvant même être propriétaires d’esclaves. Ils avaient donc une position supérieure à celle des esclaves et ne partagent pas leurs intérêts. La société divisée commençe donc alors à se dessiner.

«Vers 1791, « Liberté, Égalité et Fraternité » deviennent les principes désirés en France par tous sauf à Saint-Do-

mingue où les propriétaires de plantations y voient une menace au maintien du système esclavagiste.»17 Leur crainte

se matérialise quand le sort de l’île devient bouleversée par la Révolution Française. Certains affranchis ont désormais le droit de voter : Et grâce à eux, certains esclaves sont libérés et d’autres se révoltent. Les premières grandes et violentes rebellions prennent naissance avec en tête, le général en chef noir, Toussaint Louverture. Ce dernier est emprisonné en France par les généraux de Napoléon Bonaparte et meurt dans sa cellule. Après la mort de Toussaint s’ensuit le Général Jean-Jacques Dessalines avec qui les esclaves rebelles réussissent à vaincre les soldats de Napoléon et à chasser violemment les colons de l’île. Le 1er Janvier 1804, les Haïtiens proclament leur indépendance. Haïti devient la première république noire indépendante du Nouveau-Monde.

L’indépendance d’Haïti lui a permis de s’approprier une culture et une identité propre à elle-

même. Son histoire a combiné de nombreuses connaissances, plusieurs croyances et plusieurs couleurs de différents peuples l’ayant habitée : des « indiens » Autochtones aux Espagnols, des Français aux Africains, des Anglais aux Allemands et pour finir par les nouveaux occupants ac17

Gougeon, Gilles. “Misère et Conflits en Haïti. Archives Radio Canada. http://archives.radio-canada.ca/politique/international/clips/16358/

30


tuels. Malgré son indépendance, elle accumule encore des cultures qui la côtoient. Ces cultures ont marqué l’histoire et ont également laissé une partie d’eux-mêmes. Elles y ont légué un profond héritage qui constitue cette riche identité culturelle. On ne peut donc dire qu’Haïti soit un pays dépourvu de culture. L’histoire et la culture d’Haïti sont des produits de l’alliage culturel majoritairement européen et africain. Et le fait qu’elle soit hybride, la rend unique, donc caractéristique de sa nouvelle identité. On ne peut donc nier sa richesse en culture. Dans sa démographie variée, son langage, ses danses, ses peintures, son art, ses religions, ses couleurs et son peuple, nous sentons constamment les différents ingrédients qui constituent aujourd’hui cette fusion culturelle qui compose son identité.

31



"Le monde tout entier lui a dispensés des ressources inépuisables pour édifier les légendes. La France lui a cédé le mode et le moule de quelques uns de nos contes. La vie paysanne âpre, simple et frugale en a offert le cadre (…) puis l’imagination créatrice du nègre, son goût du rythme, son sens du lyrisme ont coloré la chanson cadencé les bouts rimés, enjolivés les légendes…" L’écrivain haïtien, Jean-Price Mars.



L’ARCHITECTURE LOCALE

L’architecture d’Haïti, tout comme son passé historique, ne lui a pas appartenu. Malheu-

reusement, l’architecture vernaculaire autochtone, avant 1492, n’a pas trop été retenue dans les anales historiques. Il ne reste que de rares traces de la culture autochtone avant l’arrivée des eu-

Fig. 2 et 3 :

Le modèle “Caney des gens communs à droite et le modèle “Bohio” des caciques à gauche.

ropéens. 18

« Les bourgades Tainos18 s’organisaient autour d’une place centrale appelée «batey». Les édifices entourant Voir Lexique.

35


cette place étaient de deux types : des habitations communes nommées «caney», de plan hexagonal avec un toit conique ; et les demeures des personnages importants, lesquelles étaient de plan rectangulaire, considérablement plus vastes que les caney, et agrémentées en outre d’une terrasse couverte. On a émis l’hypothèse que ce type de maison, telle que la description en apparaît dans les chroniques espagnoles, aurait déjà pu dénoter une influence européenne. Quoi qu’il en soit, il est significatif que le nom que les Tainos attribuaient à ces grandes demeures (bohio) était également celui par lequel ils désignaient l’entièreté de leur île»19

Figure 4 : Vue schématique d’une habitation sucrière.. À gauche : les bâtiments industriels et la sucrerie. Au centre, la plantation de cannes. À droite : les logements : la grand ‘case en haut et les cases nègres en bas.

L’architecture autochtone, n’ayant laissé que très peu d’héritage, laisse à suggérer

qu’Haïti n’a connu que de l’architecture importée depuis l’arrivée de Christophe Colomb jusqu’à son indépendance. Entre 1492 à 1804, avec la colonisation européenne, sans oublier le com19

D’ Ans André Marcel, « Haiti, Paysage et Société »

36


merce triangulaire d’Africains, Haïti a connu une architecture vernaculaire française (néo basque), africaine, anglaise (victorienne) et espagnole. Voulant se sentir chez eux, les colons, venus s’y installer pour l’exportation des denrées, ont amené avec eux cette influence architecturale et occidentale dans leur nouvelle demeure sur l’île: la grand ‘case. (Fig. 3)

La grand ‘case est une maison de construction de bois dont le plan est invariablement

simple. Le toit pentu est en chaume et permet l’évacuation des eaux de pluie. Elle évolue au XVIIIème siècle en logement colonial, maison de prestige, dans la ville centrale. Vers la fin du XVIIIème siècle, le moment de la révolution sonne. Les esclaves se révoltent et vers 1804, ils réussissent à chasser les colons de l’île par la force et la violence et cette dernière devint la première république noire à être proclamée indépendante. Les maisons coloniales, par contre y sont restées, symbolisant l’emprise du territoire français par les Haïtiens. La maison du colon adopte les toits en pente des tainos et elle s’inspire des influences baroques et gothiques de l’époque. À cette période, l’art est à son apogée en France, et l’usage de matériaux nouveaux est envisagé comme nouvelle possibilité. Pour souligner cette période artistique, l’habitat colonial se voit ajouté, comme élément décoratif, des frises et des galeries de bois ou de métal finement découpées semblables à de la dentelle.

Jusqu’à aujourd’hui, cet héritage français et colonial demeure. Un héritage très vivace dans

plusieurs domaines : la langue, la littérature, la religion et l’architecture. Avec la combinaison des savoirs africains, autochtones-amérindiens et européens, une pluralité culturelle et architecturale prend naissance et ce métissage de styles importé et adopté par le peuple haïtien devient ancré 37


dans ses racines et constitue aujourd’hui, le fondement de son existence. Il fait partie intégrante de son identité haïtienne. Petit à petit, son architecture locale se forme et surtout se transforme.

38



« L’architecture « Gingerbread » est peut être le reflet de plusieurs cultures de différents styles, mais les tourelles, corniches, balcons et treillis finement brodés qui la composent ont reçu la touche délicate qui caractérise Haïti» Phillips Anghelen Arrington, « Gingerbread Houses : Haiti’s Endengered Species »


La maison Gingerbread : Une identité.

Fig. 5 : Maison Gingerbread.

Le logement en Haïti se développe avec la société de l’époque. À l’aube du 20ème

siècle, Port-au-Prince, a une société dont la classe moyenne est en pleine expansion mais encore basée sur l’inégalité sociale et raciale. L’aristocratie, composée de mulâtres et de quelques blancs, règne. Ce sont les privilégiés et grands commerçants qui occupent les plus beaux logements de la capitale de Port-au-Prince. « Des logements rappelant l’architecture française avec des ossatures en colombages de bois avec un remplissage de briques enduites. »20 Ces logements sont inspirés des modèles de villas coloniales et sont appelées « Gingerbreads. » qui fait référence à l’architecture de bois découpé finement comme de la dentelle. 20

Anghelen Arrington Phillips. Gingerbread Houses. Haiti’s Endangered Species.

41


ORIGINE

Figure 6, 7 et 8 :

Modèles di’inspiration (de gauche à droite) Basque, Victorienne et Palladienne.

« L’expression « gingerbread » a été adoptée dans les années 1950 lorsque des touristes américains

venus visiter Haïti ont comparé ce style à celui proche des édifices de l’ère victorienne des Etats-Unis.» 21

Vers 1950, sous le président Estimé, Haïti fait partie des tous premiers pays de la Caraïbe

à être destiné au tourisme. Les touristes américains arrivant sur l’île et découvrant l’un des plus grands gingerbreads de l’époque, l’Hôtel Oloffson - autrefois grande demeure de l’ancien président Tirésias Simon Sam et construite par un architecte français (dont nous ignorons malheureusement le nom) - sont plus que fascinés. Ses frises, ses balustrades et ses bords de toitures finement découpés comme de la dentelle sont impressionnantes. Le terme Gingerbread lui a été approprié parce qu’elle fait référence aux petits gâteaux de pain d’épices d’origine allemande en forme de maison. 21

WWMF, « La Préservation des maisons de style gingerbread d’Haiti p.16

42


C’est un style, dont l’influence est principalement française, particulièrement issu des domaines balnéaires des côtes basques et normandes. Ces derniers utilisent le bois comme charpente et l’utilisent également pour la sculpture des frises sur les façades et bords de toitures. La brique, autre matériau local de l’époque, est visible comme structure porteuse. Ce style confirme son éclectisme en s’inspirant aussi du genre gothique victorien et du style des villas palladiennes.

« Ces maisons disposent en outre de pignons, de balcons en bois travaillé, de grandes portes et fenêtres avec

des persiennes en bois fixes ou ajustables. La façade ornée de dentelures dans des boiseries comporte des croisillons ou poutrelle de bois divisé par des surfaces en mortier… », Michel Doret Architecte.

Fig. 9 : Gingerbread du domaine Peabody, Port-au-Prince.

43


LE STYLE

Vers 1842, un violent tremblement de terre détruit toute la ville du Cap-Haïtien, ville princi-

pale du département du Nord de l’île. Pour éviter d’autres répétitions, les bâtiments doivent désormais répondre aux normes sismiques. C’est donc le modèle gingerbread qui se voit être adopté. Le style et le mouvement gingerbread commence en 1881 sous le gouvernement du président Lysius Salomon par la construction du premier Palais National. Ce dernier sert de modèle aux nouvelles normes de construction à adopter pour les bâtiments du pays à l’époque. Ce style est amené par trois jeunes architectes haïtiens revenus après leurs études de l’École d’Architecture de Paris : Léon Mathon, Georges Baussan et Eugène Maximilien.

« Ces trois jeunes architectes revinrent imprégnés du style balnéaire (que l’on retrouve encore sur la côte

normande par exemple) très à la mode à cette époque »22

Les Gingerbreads sont de grandes villas situées entre cour et jardin à volumétrie générale-

ment verticale construites sur de grandes propriétés (environ 1 hectare). On les retrouve dans de nombreux quartiers de Port-au-Prince, notamment dans les quartiers autrefois chics de la capitale : Turgeau, Bois Verna, Pacot, Carrefour, le Bel Air. Le style s’éparpile ensuite vers les autres provinces particulièrement au Cap-Haitien et à Jacmel, commune du Sud-Est. Les maisons Gingerbread dégagent, jusqu’à aujourd’hui, une richesse dans leur prestance, leur élégance, leur originalité, la finesse de leurs détails et de leurs matériaux. Ce n’est donc pas en vain qu’ils furent appropriés et même associé à l’aristocratie haïtienne.

22

Le petit Futé “ Haïti”

44


« À l’origine et presqu’exclusivement, les maisons Gingerbread étaient destinées à servir de résidences familiales

(avec parfois logements pour serviteurs), pour les Haïtiens fortunés. Cependant, de nombreuses maisons, plus petites et plus modestes furent également construites »23

Fig. 10 : Gingerbreads modestes. Dessin de Claude Laurent-Aubert.

Avec le temps, les gingerbreads se sont vulgarisés. Les modèles deviennent plus modestes,

plus petits et plus simplifiés mais ont gardé les normes de construction similaires.

« Bien que Bois-Verna et Pacot avaient des maisons Gingerbread les plus riches, d’autres quartiers comme

Bas-Peu-de-Chose en avait de plus modestes. » Explique la jeune architecte haïtienne, Nathalie Joli-

vert, passionnée de la préservation de ce style.

23

WWMF, « La Préservation des maisons de style gingerbread d’Haiti. p.17

45


MATÉRIAUX

La maison Gingerbread a été conçue pour répondre aux différents besoins et conditions

climatiques et sismiques du pays. Les architectes Baussan, Maximilien et Mathon se sont basés sur les méthodes constructives des maisons alsaciennes en bois et brique, connues pour leur sol à caractère sismique. Plusieurs autres techniques de construction ont permis au Gingerbread d’occuper une place de choix dans la vie haïtienne. Parmi ceux-là, nous comptons le surelèvement de rez-de-chaussée qui sert au blocage de l’humidité dans les encadrements de fenêtres et des pièces intérieures, et aussi les lourds volets aux fenêtres se refermant hermétiquement lors des périodes de pluie et d’ouragan.

Fig. 11 : Gingerbreads, Détails de plafond.

Fig. 12 : Gingerbreads, toitures.

« Les toits en pente abruptes permettent à l’eau de pluie de s’écouler facilement lors des fréquentes averses. » 24 « On peut tout aussi bien dire que les toits pointus des gingergreads sont également inspirés de l’architecture de la période des Taïnos» François Laroche, Architecte. 24

WWMF, « La Préservation des maisons de style gingerbread d’Haiti. p.21

46


Dans un entretien avec l’architecte François Laroche, de plus amples informations sur les

différents matériaux et leur pose permettent de mieux comprendre ce style : « Le principal matériau utilisé pour la construction des Gingerbread est le bois de pin local pour non seulement sa disponibilité, sa légèreté et sa résistance parasismique. Le bois a servi de poteaux en colombages disposés en « X » aidant à combattre les efforts de traction et de compression. Et les briques en argile ayant des qualités quant à la diminution de l’action du feu, en cas d’incendies, sont disposées entre les solives de bois. Le plancher intérieur est entièrement fait de bois… »25

L’argile et la chaux calcique proviennent des sédiments calcaires des montagnes haïtiennes, ou encore obtenues par combustion de coraux et de coquillage. Ils servent à la fabrication de briques, de torchis de plâtre et du stuc dans les fours à briques de la région.

« Ces briques et tuiles creuses existent sous forme rectangulaire et décorative afin de créer des ornements

architecturaux tels que des rejéteaux et corniches… L’argile a également été largement utilisée pour la fabrication des mortiers destinés à la construction des parties maçonnées – avec une prédilection pour les moellons plutôt que pour les briques dans les maisons gingerbread...» 26

25 26

WWMF, « La Préservation des maisons de style gingerbread d’Haiti.p.22 WWMF, « La Préservation des maisons de style gingerbread d’Haitip.23

47


ORGANISATION SPATIALE

L’organisation du plan intérieur propose généralement des rez-de-chaussée surélevés,

dont l’entrée est accessible par des escaliers monumentaux. Son intérieur présente de hauts plafonds, de grands greniers et de grandes baies ouvrant sur de larges galeries qui font le périmètre d’immenses salons accueillant principalement des réunions mondaines. Les galeries latérales et frontales servent d’espaces tampon favorisant la ventilation et l’apport de fraîcheur dans les différentes pièces intérieures.

Fig. 9 : Gingerbread du domaine Peabody, Port-au-Prince.

« Bien que l’élément décoratif soit prédominant sur les façades, elle ont été très bien conçues de manière à ce qu’elles répondent aux normes et conviennent parfaitement au climat tropical. »27

27

Phillips Anghelen Arrington, « Gingerbread Houses : Haiti’s Endengered Species » p.24

48


« Héritage de l’époque coloniale, la cuisine, la buanderie et les services affairant, logés au fond de la cour, sont

séparés de la maison.»28

Un autre point caractérisant le gingerbread et le différenciant de l’architecture victorienne, c’est la séparation de la maison du personnel et des espaces de services logés à l’extérieur, au fond de la cour, isolés des espaces de vie commune de la maison. C’est une caractéristique très typique acquise depuis l’époque coloniale qui est souvent utilisée dans les modèles actuels et particulièrement dans l’architecture rurale et paysanne, appelée dans ce cas, le lakou. 29 Ajoutés à cela, les éléments décoratifs représentés par les frises découpées, les volets des fenêtres en bois sculpté, les balustrades de bois ou de tôle découpée finement dessinées dans les moindres détails avec un choix de vifs coloris qui augmentent le tableau pittoresque du paysage sont les accessoires qui constituent l’originalité locale.

« Le mode de vie d’une société influe sur son l’architecture. »

François Laroche, architecte. Le style architectural du gingerbread reflète la tranquillité, l’abondance économique et l’essor de la société émergente de l’époque. Sa beauté, ses détails, la présence d’éléments superflus et de pièces démesurées et rarement fréquentées, sa finesse et sa prestance soulignent le caractère grandiloquent et paisible de l’époque.

28 29

Haïticulture.ch : Haïti, le Gingerbread, un patrimoine architectural en péril Voi lexique.

49


«Les Gingerbreads ont connu une période de prospérité lorsqu’Haïti fut accueillie à l’Exposition Universelle de Paris en 1900 en y adaptant et intégrant des influences étrangères à l’art populaire et à l’architecture haïtienne. Les couleurs vives des ouvrages à clairevoie, les balustrades richement ornées et les découpes découpant les portes et les fenêtres sont emblématiques de la culture de l’époque. » 30

Fig. 14 : Gingerbread, Carte postale montrant la façade de l’Hôtel Oloffson.

30

Phillips Anghelen Arrington, « Gingerbread Houses : Haiti’s Endengered Species »

50


UNE FIN MARQUANTE.

Fig. 15: Gingerbread. Dessin de Claude Laurent-Aubert.

« Les Haïtiens qualifient souvent leur pays de terre glissée, c’est-à-dire un lieu où rien ne dure, rien ne reste.

L’architecture est à l’image de cette expression en particulier à cause des mouvements de la terre, des cyclones et des incendies… » 31

Malheureusement, cette période de production architecturale ne fait pas long feu. Elle

prend fin vers 1912 avec l’explosion du palais national de la poudrière de l’armée haïtienne. La mairie fait promulguer des lois compte tenu des maisons de bois exposées aux incendies. Pour réduire les risques de ces derniers dans la ville, l’usage de maçonnerie (brique) et ensuite du béton armé ou en fer est désormais requis. Une nouvelle ère voit le jour et les Gingerbreads voient leur fin approcher. 31

Le Petit Futé : « Haïti »

51


« Ces maisons qui ont connu leurs heures de gloire pendant la première moitié du 20ème siècle, sont en voie de disparition. Les quelques unes qui subsistent encore sont, en majorité, dans un état de délabrement. Etant en bois, leur durée de vie est limitée car elles ne résistent pas indéfiniment aux intempéries et aux actions des termites. Elles ont tenu un siècle, elles auraient dû pouvoir durer davantage. Cependant, leur entretien coûte trop cher. Le bois étant maintenant plus rare, les travaux de réfection deviennent très coûteux. »32

L’accès aux carrières de sables des montagnes et au ciment est le plus facile et le bois de-

vient de plus en plus cher pour la construction des maisons. Ce dernier est désormais brûlé pour être réduit en charbon pour la cuisine. Les plaines et les montagnes sont devenues les cibles et sont rasées. L’érosion fait surface.

Vers la fin des années 90, sous les gouvernements des Duvalier père et fils, plusieurs fac-

teurs conduisent l’architecture gingerbread à son extinction. L’ascension en flèche de la vente du béton armé, la croissance accrue de la pauvreté, l’arrivée des Tontons Macoutes et de l’insécurité, la bidonvilisation et l’exode rural à Port-au-Prince poussent les propriétaires, voyant leur « territoire envahi » à s’emmurer entre de grandes clôtures ou à se réfugier dans la fraicheur des hauteurs de Pétion-Ville. Les demeures Gingerbread se désertent et changent progressivement de fonction. Certaines sont mises en location, d’autres deviennent des bâtiments d’utilité publique, comme des écoles, des galeries d’art, des bureaux ou encore des foyers religieux.

« La majorité des bâtisses gingerbread dans la zone évaluée servent toujours de résidences et beaucoup d’entre elles sont habitées et appartiennent encore à des résidents descendant directement des premiers propriétaires. 32

WWMF, « La Préservation des maisons de style gingerbread d’Haiti. p.34

52


Certaines de ces maisons sont aujourd’hui habitées par des familles élargies ou par plusieurs familles, d’autres enfin ont été divisées en appartements. »33

Vers le début du XXème siècle, le béton ayant gagné la côte au sein de la population

moyenne, les quelques gingerbreads restant deviennent les petits bijoux de la capitale. Ces habitations maintenant devenues en voie d’extinction, les gingerbreads sont devenus de véritables bibelots, des objets décoratifs dans la ville qu’il ne faut absolument pas toucher. Les retravailler et les revisiter aurait constitué un outrage à l’histoire du pays. Grâce au programme de protection et de réhabilitation des maisons gingerbreads mis en place par l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN), ces constructions font aujourd’hui partie du patrimoine national du pays et représentent un symbole emblématique propre, une fièrté de l’architecture locale haïtienne.

“Certaines entités comme FOKAL (Fondation Connaissance et Liberté) avec le projet de préservation des mai-

sons gingerbread, et autres compagnies/ONG qui essaient de faire revivre les couleurs d'antan et de recréer les atmosphères propices à un pays tropical comme Haïti, arrivent à montrer l'importance de cette identité.” rapporte

Nathalie Jolivert avec engouement. Aujourd’hui, ces constructions sont retravaillées, ré exploitées et remises au goût du jour. Un peu plus loin, nous verrons comment ce style est revisité dans sa contemporanéité et ce qui la distingue du style gingerbread traditionnel.

33

WWMF, « La Préservation des maisons de style gingerbread d’Haiti. p.35

53



LES NOUVEAUX LANGAGES CONTEMPORAINS. L’”architecture” de béton.

“En Haïti, il y a trois grandes familles de bâtiments. D'abord, un important patrimoine de style

colonial, assez beau. Ensuite, beaucoup de gros édifices à ossature en béton construits au XXe siècle. Enfin, il y a l'habitat populaire, des bidonvilles plus ou moins consolidés, souvent situés dans les ravines et à flanc de colline, avec des maisons de tôles, de planches, de briques.»34 Patrick Coulombel spécialiste de la reconstruction

des villes et villages dévastées par des séismes, des cy clones et des tsunamis.

34

Voir médiagraphie. A Haïti, “il y a peu d’architectes et d’ingénieurs pour construire bien”


ORIGINE

Suivant l’idée de l’importation et du métissage de culture, vers le début des années 1915,

un traité hatiano-américain visant à « remettre en ordre » l’administration financière haïtienne et à mettre en exécution des plans pour le développement économique du pays est signé. Quelques mois plus tard, une nouvelle forme de colonisation voit le jour : la capitale se voit occupée par les américains. « L’occupation américaine a facilité la venue du béton dans le pays. Sous Dumarsais Estimé, la situation politique étant tranquille et stable permit le premier boom de l’arrivée du béton. Plusieurs écoles et centres administratifs furent construits en béton. » Explique Nathalie Jolivert.

À partir de 1957, un régime dictatorial mené par le président François Duvalier (Papa Doc),

succédé par son fils Jean-Claude Duvalier (Baby Doc) installe une terreur dans toute la capitale. Les résultats deviennent néfastes quant à l’organisation socio politico économique du pays. Grand militant pour la cause « noire », François Duvalier participe à la création de plusieurs emplois, en vue de créer une classe moyenne. Il ajoute de multiples cabinets ministériels et crée une milice paramilitaire dans lesquels il invite le peuple à y prendre part. Les membres de cette milice armée encore appelés les : « Tontons Macoutes » 35 sont encouragés à exercer leur pouvoir vengeur et violent contre les mulâtres, riches et méprisants. La terreur, de nombreux bains de sang et d’inombrables actes de vandalisme envahissent la capitale. Les commerces sont brûlés et détruits, et des familles sont blessées et divisées. Les propriétaires des Gingerbreads se retrouvant bousculés par 35

Voir lexique.

56


les gouvernements Duvalier (père et fils) s’enfuient ailleurs ou quittent définitivement le pays pour s’éparpiller un peu partout dans le monde.

Pour marquer leur territoire, les Tontons Macoutes détruisent de nombreux gingerbreads

pour construire leurs propres demeures, dont le style est vraiment à l’opposé de l’architecture d’origine mais qui reflète l’esprit fasciste et anarchique de l’époque. Les Macoutes, et ceux qui avaient quitté les provinces pour s’installer à Port-au-Prince, trouvent facilement du travail et forment désormais la nouvelle classe moyenne du pays. Malheureusement, cette société, désireuse d’être plus riche que ses prédécesseurs, avide d’argent et de pouvoir projette son image sur son habitat.

Fig. 16: Architecture de béton à Port-au-Prince.

57


« La quasi disparition du style gingerbread résulte également de l’adoption des normes modernes de construc-

tion. Aussi, le béton offre t-il des possibilités de plus grandes constructions et sur de plus grand espaces. À cela s’ajoute l’absence de mesures politiques tendant à conserver ce patrimoine nationale d’où des utilisations qui accélèrent leur dégradation ou leur fréquente démolition au profit des constructions en béton »36

36

Le Petit Futé : « Haïti »

58


MATÉRIAUX ET STYLE

Fig. 17, 18, 19 :

Matériaux composant l’architecture de béton en Haïti. De gauche à droite : Armature d’acier, sable, ballustrades et claustras.

Les maisons du début du 20ème siècle à Port-au-Prince sont en béton armé. En plus des

qualités citées ci-dessus, ce matériau est privilégié pour sa résistance, la rapidité dans sa mise en œuvre et à l’époque, occupe une place de choix dans le monde : «…plus avancés technologiquement et plus moderne devenant même un symbole de statut élevé dans la société »37

Ce sont des blocs de béton parfois armés de fine armature d’acier qui constituent l’ensemble de ces maisons. Aussi, avec le manque de connaissance et l’empressement et l’envie de posséder sa propre maison, la plupart est dépourvue d’armature ce qui les expose à de nombreux risques 37

WWMF, « La Préservation des maisons de style gingerbread d’Haiti.

59


et dommages dangereux. Le traitement des fenêtres est composée parfois des persiennes ajustables en verre ou pour les plus modestes, un ensemble de blocs ajourés, appelés claustra qui facilitant les entrées d’air et de ventilation.

Plus gros, plus massif, plus grotesque, donc plus riche en apparence, sont les critères

dressés de la maison haïtienne de l’époque. Et il faut qu’elle soit construite par un ingénieur, non pas par un architecte. Cela leur coûterait beaucoup trop cher. «...et de toute façon, à quoi servirait un architecte, s’il ne fait que dessiner? Un ingénieur peut bien le faire à sa place, il s’y connaît en structure et en bâtiment...encore mieux, JE peux bâtir ma propre maison». Telle est la pensée majoritaire haïtienne de l’époque. Et tranquillement, les architectes sont écartés du marché de l’immobilier. Les ingénieurs n’ont pas tardé pas à occuper une place importante dans la demande immobilière. La pullulation de ces objets informes, sans goût et sans relation particulière avec son contexte a envahi la ville dans l’espace de quelques années. Et ce «boom» contagieux parvient à toucher la classe défavorisée qui s’agglutine en masse sur les flancs de montagnes dans des versions de bicoques en béton encore plus médiocres et plus risquées que celles qui les ont influencées. Ces bicoques en question ont progressivement évolué en bidonvilles.

Les maisons de béton armé en Haïti, sont particulièrement signe de richesse matérielle mais

non culturelle. Elles représentent l’individualisme et le capitalisme et est le résultat de la débrouillardise du peuple haïtien sans la consultation d’experts appropriés en architecture, en urbanisme et en logement. La conception et la réalisation du projet est produite par ceux qui se disent propriétaires et qui refusent de dépenser parce qu’avoir des logements en bon et due forme n’est que 60


le cadet de leurs soucis, ou par des ingénieurs qui ignorent tout de l’architecture et de la sociologie. Mais à toute règle et propos, il y a, bien sûr, des exceptions. Certain disent cette architecture de béton ne fait pas partie de la culture. Elle a quand même marqué l’histoire et fait partie des éléments caractérisant ce peuple particulièrement depuis le gouvernement de Duvalier.

« Les plus beaux édifices de l’architecture haïtienne

sont ceux bâtis avant l’avènement du béton armé. Aujourd’hui, 80% des villes, y compris les petites maisons des bidonvilles) sont en ciment et en béton. » 38

« Il n'y a pas de doute que l’architecture soit l'un des

moyens de communiquer au monde l'identité et les traits caractéristiques d'un pays. Il se trouve qu'Haïti, depuis quelque temps, avec la bidonvilisation généralisée du pays, a perdu son identité architecturale puisque le « cubisme » recherché et les gingerbreads sont noyés dans un amalgame d’ architecture sans nom. » explique Monsieur Michel Présumé

avec zèle.

Fig. 20: Maisons de béton surempilées, formant presque des bidonvilles.

38 61

Le Petit Futé : « Haïti »


Le Gingerbread évoque pour moi une ancienne Haiti aux couleurs tropicales, aux accents de prestige. Elle

évoque une ancienne «élite» aux goûts rafinés, une aristocratie déchue. C’est le passé empreint de standards de vie, de luxe recherché et de confort é typicité familiale. Le Gingerbread, c’est aussi ce rapport à l’Europe, le goût du beau. La Maison en Béton évoque une paupérisation de la culture architecturale, une banalisation du style, un goût amer d’embourgeoisement mal orienté, une diasporisation d’Haiti, une américanisation certaine. Le «Béton» serait-ce ce paliatif de mauvais goût qui efface d’un revers de main tout un standard éducationnel? Faut-il voir dans le béton une descente culturelle? Toujours est-il, les valeurs se perdent et le bon goût aussi.» Nous confie Jean-

Paul Guillobel, consultant en marketing hotellier et en tourisme, lors d’un entretien.

Sans poser de jugement de valeur, elles sont souvent qualifiées de laides, barbares et dé-

sordonnées par les savants cultivés. Elles sont massives, avec des formes régulières carrées ou rectangulaires avec des toits en pente en tôle ou en béton surdimensionnés ou des toits plats permettant d’ajouter des étages de plus par-dessus. La plupart sont clôturées et ont une cour faisant leur périmètre. Elles sont souvent chargées de détails inutiles, par contre minutieusement travaillés. Il n’y a aucune relation avec l’environnement ou avec le voisinage et très peu de planification réfléchie et structurée dans l’organisation spatiale. Dans cette dernière, on retrouve une multitude d’espaces perdus, des racoins stériles, des espaces dont la fonction et les proportions restent improbables et inimaginables. Aucune esthétique fine et délicate en émane sauf peut-être, si l’on veut être un tantinet magnanime, les masses boursoufflées des colonnes informes composant les balustrades des terrasses et les débords de toits en relief qui font des clins d’œil très maladroit à un quelconque style architectural savant.

62


Ces constructions carrées semblables à des bunkers, souvent laissées grises, couleur

d’origine du béton, ou parfois peintes avec des couleurs allant du rouge vif au vert perroquet, du jaune citron au violet criard , se sont multipliées dans la capitale et laissent un goût désagréable et d’amertume, surtout lorsqu’elles côtoient une maison gingerbread. C’est la véritable confrontation du profane et du savant. Cependant, un nouveau style voit le jour mais malgré qu’elle soit décriée, sa stigmatisation n’est nullement nécessaire parce qu’elle est ancrée dans les mémoires. Ce style fait partie de l’identité locale et, quand bien même, contribue à l’évolution architecturale haïtienne.

« Les tentatives de faire évoluer le gingerbread du bois et de la maçonnerie vers le béton armé demeurent

très timides. De plus, ces nouvelles maisons ne disposent plus de toutes les caractéristiques traditionnelles du gingerbread. Pour l’architecte Doret, c’est un changement radical, le style a disparu. » 39

Fig. 21:

39

Maisons de béton emmurée.

Haïticulture.ch : Haïti, le Gingerbread, un patrimoine architectural en péril

63


64


LA RÉINTERPRÉTATION DU STYLE GINGERBREAD. La Villa Jean-Marie.

« On parle souvent de régionalisme dans d'autres pays. Mais de quoi parle-t-on en Haiti? Je pense que la prise en compte de la culture et de l'histoire de l'environnement dans lequel s'établit l'architecture est extrêmement importante afin de créer une architecture significative dans laquelle les usagers peuvent se reconnaitre en tant qu'individu composant une société unique. Pourtant il ne faut pas tomber dans le piège d'une architecture nostalgique - je pense notamment aux gingerbread en se bornant à imiter des modèles d'antan. Il faut plutôt rechercher comment intégrer ou transformer un savoir-faire traditionnel ou des formes historiques de manière innovatrice afin de créer une architecture qui s'inscrit dans la modernité. » Isabelle Jolicoeur, architecte.

65



Dans les hauteurs de la Vallée, petite commune

de la ville de Jacmel dans le département du Sud-Est, sied une maison de villégiature moderne créant un contraste avec l’habitat modeste et rural de la région. C’est la maison familiale secondaire de l’économiste et ministre des finances Marie Carmelle Jean-Marie. C’est une commande privée dessinée et construite en 2004 par les architectes et ingénieurs Sidney Esper et Antoine Boulos de la firme d’architecture haïtienne Design One. Fig. 22: Maison Jean-Marie Façade.

Ici, la famille au complet se réunit pour échapper

au stress quotidien de la capitale. C’est un espace d’air pur, d’évasion, de plénitude, de calme et de repos où il fait bon vivre.

Pour approfondir l’étude de l’histoire de l’architecture locale d’Haïti, le choix de cette vil-

la, comme élément d’analyse est très intéressant pour le rapprochement qu’elle crée entre deux périodes architecturales haïtiennes importantes. En effet, c’est une conception contemporaine hybride entre le modèle gingerbread et le modèle d’habitat en béton à travers son organisation 67


spatiale et par les divers matériaux qui la composent . Dans la capitale, on retrouve de très rares modèles combinant le gingerbread classique et le style béton. Dans le lot, il est facile d’identifier quelques maisons privées datant à des années 2000 et des commandes publiques comme des restaurants et des hôtels, comme le Ritz Kinam I à Pétion-Ville. Ce mélange de styles anime et renforce davantage la culture locale. Elle rajoute une couleur de plus à la vie quotidienne haïtienne.

68


ENTRÉE ET TERRAIN

La maison Jean-Marie partage le terrain avec le cimetière familial et une petite maison ayant

appartenu à la famille à l’époque des parents et des grands-parents. Cette maison donne face à une rue passante limitant le terrain et le séparant des voisins. Le terrain, en hauteur surplombe et offre une vue fantastique sur la ville de Jacmel bordée par la mer.

Fig. 23, 24

Maison Jean-Marie en pleine construction. De gauche à droite. Façade et Dos.

Pour accéder à la villa, deux grandes entrées automobiles sont prévues : Celle de l’arrière,

créée en même temps que le bâtiment débute par le franchissement d’une grande barrière bleue donnant sur la rue. Une grande allée en pente douce continue le parcours et débouche directement sur le garage, à l’arrière de la maison, simplement composé d’un treillis métallique sur lequel des plantes grimpantes s’y agrippent. La deuxième entrée est planifiée beaucoup plus tard, de façon à arriver face à la maison. Cette 69


dernière s’étend tout le long de la bordure de la colline qui offre une vue fantastique en hauteur sur la ville de Jacmel et sur la mer pour ensuite, biffurquer face à la maison. Le premier accès permet de longer un petit chemin de graviers contournant la façade de la maison pour déboucher jusqu’à la grande terrasse de la façade sur la falaise. Le premier constat effectué sur ce projet est la reflexion intelligente sur les complexités que propose le terrain. Une attention particulière a été portée sur le contexte et la relation à établir avec l’habitat. Au niveau de son implantation et de l’approche du bâtiment, ce qui associe ce style mixte à celui de ses deux prédécesseurs, c’est son installation au sein d’un espace pittoresque et végétal. Similairement aux autres cas cités ci-dessus, l’accès est marqué par une imposante barrière et prolongée par un long cheminement monumental bordé de chaque coté d’un espace végétal créant un milieu captivant et folklorique. Ici ce qui le différencie c’est son environnement rural dans lequel il est implanté qui requiert une entrée de plus pour faciliter son accès.

Fig. 25, 26:

Maison Jean-Marie Vues de droite. (de gauche à droite ) grande terrasse et Parking.

70


ORGANISATION SPATIALE.

La villa Jean-Marie est construite sur trois niveaux. Le sous-sol, accessible à partir de la

grande terrasse du rez-de-chaussée par une cage d’escalier, dessert les chambres et salles de bains des plus jeunes. Avec son haut plafond, les fenêtres, semblables à des hublots carrés sont disposées à quelques centimètres du plafond ce qui les rend difficilement accessibles. Elles donnent directement sur le niveau inférieur de la terrasse du rez-de-chaussée, ce qui permet une entrée directe de la lumière extérieure dans le sous-sol.

On accède au rez-de-chaussée par les deux grandes entrées décrites précédemment. La

première arrive directement devant la cuisine, sous le treillis métallique. Nous pouvons supposer que cette dernière est disposée ainsi pour trois grandes raisons : La première, pour faciliter le transport des provisions effectuées préalablement à la capitale. Son aboutage au garage permet effectivement un déchargement facile et rapide de la voiture à la cuisine. La seconde, qui fait un clin d’œil à l’organisation spatiale du logement typique haïtien, (la cuisine se retrouvant au bout du plan ou directement à l’extérieur de la maison). Et la dernière permettant de rassembler les espaces de service ensemble. Elle est située tout près de l’espace consacré à la buanderie.

Une fois la cuisine franchie, on arrive dans le salon à double hauteur, coupé par une petite

mezzanine. Trois chambres à coucher équipées chacune de leur salle de bain, sont réparties de part et d’autre de cette grande pièce centrale. Nous sommes en présence d’une organisation spatiale assez symetrique. Grâce à sa double hauteur et à ses grandes baies vitrées disposées parallèlement sur les côtés terrasse et cuisine, nul besoin d’éclairer les pièces en journée. Sans difficulté, la lumière du soleil 71


Fig. 27 Plan de rez-de-chaussĂŠe de la maison Jean-Marie

Fig. 28

Plan du sous-sol de la maison Jean-Marie

72


arrive à inonder la pièce avec sa lumière douce est diffuse.

La mezzanine sert de bibliothèque, de bureau et d’espace de détente et pour y accéder, on

emprunte un escalier en bois, situé discrètement dans un coin du salon.

En franchissant la porte du salon, également la grande porte d’entrée, on aboutit sur la

grande terrasse qui domine tout un grand parterre végétal et qui offre une vue prestigieuse dominant la ville et l’océan tout au loin. Cette terrasse est couramment utilisée pour non seulement son

Fig. 29 et 30 : Maison Jean-Marie Intérieur. De gauche à droite : Salon et mezzanine.

73


apport de fraîcheur et de confort, mais aussi pour l’esprit de convivialité qu’il dégage.

Un escalier soulignant le porche prolonge la terrasse par un second plateau inférieur. De là,

une troisième descente est amorcée par un majestueux double escalier à deux flèches accentuant l’entrée.

Fig. 31 : Maison Jean-Marie. Photo de Terrasse.

Cela peut paraître anodin, surtout que nous supposons et spéculons les intentions des

architectes, mais nous ne pouvons nous empêcher de constater que l’organisation de la façade du projet de la villa rappelle tout d’abord le style Gingerbread par sa présetance majestueuse, mais fait aussi un clin d’oeil à « la maisons des esclaves » située sur l’île de Gorée au Sénégal. Avec le même escalier à deux flèches et son couloir central – Couloir, ici interprété comme terrasse- , et 74


les petites fenêtres hublots des cellules disposées au niveau du socle, la Maison des Esclaves a tout pour être une source d’inspiration à la construction du gingebread et de la villa Jean-Marie. En faisant le rapprochement avec la maison Gingerbread et en se rappelant de la maison coloniale, il n’y a pas de doute qu’il y ait connection et continuité historique. La maison des esclaves, préalablement construite en 1776 pour symboliser la traite négrière, a probablement influencé la grand’case et la maison coloniale, qui s’est ensuite développée en gingrebread et en ce qu’elle est aujourd’hui. Il est étonnamment curieux de faire également le rapprochement avec l’histoire du pays au XVIIème siècle, lorsque les Français avaient fait venir les Africains de l’île de Gorée en Haïti pour l’exploitation des terres. Il est impossible de dire que l’intention soit volontaire ou pas,

Fig. 32 : La Maison des esclaves au Sénégal, sur l’île de Gorée.

75


parce qu’il a été difficile d’entrer en contact avec les architectes du projet de la villa, mais il est fort probable qu’une recherche de l’identité locale ait été effectuée au point de la puiser jusqu’à sa racine. Cette identité locale, tirée du gingerbread, trouve ici une autre architecture mère.

76


MATÉRIAUX

La maison Jean-Marie est une vil-

la qui se dit hybride de la maison Gingerbread et de la maison de béton. Si l’on se rappelle bien, les maisons Gingebread priorisent grandement l’usage du bois et de la maçonnerie, tandis que les maisons de béton, tout comme son nom l’indique, ne sont que de béton. La maison Jean-Marie est faite de béton et de bois dans son intégralité. Ce maFig. 33 : Maison Jean-Marie : Matérialité

riage intéressant de ces deux matériaux

enrichit la composition du programme et la rend plus séduisante. Les cloisons, les structures porteuses sont toutes en béton.

Elles rappellent la force et la position forte qu’adoptent les maisons de béton à Port-au-

Prince. Elle rappelle également le modernisme, le côté froid, sobre et imposant de l’architecture internationale. Tandis que l’utilisation du bois que l’on retrouve au niveau du plafond et dans la constitution des poutrelles apparentes rétablit un certain équilibre. Le bois, utilisé pour représenter le côté pittoresque et folklorique du lieu traduit la délicatesse, la finesse et la beauté du travail de finition. Le brun vif de la charpente de toit enjolive l’espace, le rend très chaleureux et lui donne du 77


caractère. Elle rappelle le travail pointilleux du bois dans la conception des maisons gingerbread. Discrètement, elle laisse entrevoir l’aspect régionaliste européen.

De son indépendance à nos jours, l’architecture haïtienne a pris de nombreux tour-

nants. Nous avons constaté qu’au cours de son histoire, en s’appropriant un peu de la culture de ses précédents occupants, elle a pu former son propre style, qui maintenant évolue tranquillement jusqu’à aujourd’hui.

En effet, en passant de l’architecture rurale autochtone, bifurquant vers la maison coloniale

réappropriée et adaptée au climat par l’usage de matériaux locaux, côtoyant les lourdes maisons de béton armé symbolisant la nouvelle classe sociale émergente, et survolant les versants montagneux couverts de bidonvilles, l’identité architecturale haïtienne s’est lentement esquissée jusqu’à devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Sans aucun doute, le style local est bien présent en Haïti et s’affirme tranquillement. Ce style, autrefois de provenance extérieure, s’est vu devenir local et vernaculaire.

78


L’Architecture Globale à Port-au-Prince. Le cas de Port-au-Prince après 2010.

B 79


80


MISE EN SITUATION

Fig. 34 : Port-au-Prince, 2010. Désastre


82


Le 12 Janvier 2010, aux alentours de 17heures, un violent séisme d’une magnitude de 7.3

sur l’échelle de Richter frappe Port-au-Prince. L’épicentre étant à 25 km de la capitale, la ville se retrouve ensevelie sous des montagnes de décombres. Un bilan effectué par le ministère de la communication auprès de la population confirme plus de 230.000 morts, plus 300.000 gravement blessés et plus d’1 500 000 de sans-abris. Les haïtiens, oublieux de leur passé sismique et nullement préparés pour ce genre de catastrophes sont devenus sinistrés. En cette triste fin de journée, le peuple en effervescence, s’oubliant, toute classe confondue, s’affaire pour sauver tous ceux coincés sous les décombres, proches ou inconnus. Tandis que d’autres profitent pour s’enfuir dans le pays voisin, la République Dominicaine, ou par voie maritime et clandestine vers la Floride. Pendant les deux premiers jours, une atmosphère ahurissante hante la ville. De nombreux corps jonchent le sol, ou gisent sous de lourds tas de béton. Les petits hôpitaux, pour la plupart, très peu équipés, sont déjà remplis, ain-

Fig. 34 : Titanyen, 2010. Fosses communes.

si que les morgues. Ils ne disposent pas 83


d’une capacité suffisante permettant de gérer l’ampleur des pertes en vies humaines enregistrées.

Fig. 35 : Port-au-Prince, 2010. Effondrement du palais national.

« Dans un premier temps, les corps extraits des décombres ont donc été regroupés en ville sur des places ou le long de la voierie »40 témoigne quelqu’un. Avec le peu de moyen, des camions de sable s’activent

pour transporter les nombreux corps dans les fosses communes de la savane de Titanyen non loin de Port-au-Prince. Au bout de trois jours, l’état d’urgence est déclaré.

Les conséquences sur la ville et sur l’architecture ont été plus que morbides. En plus des

petites maisons modestes qui ont été détruites, les constructions les plus solides y sont quand 40

Assistance Mortelle. Raoul Peck DVD 1 :29

84


même passées. Tous les bâtiments gouvernementaux et ministériels ont été détruits particulièrement le Palais National, symbole de la république.

La tour de contrôle de l’aéroport international de Maïs Gâté, la grande Cathédrale de Port-

au-Prince, le palais de justice, le parlement, de nombreuses écoles supérieures et universités, la prison centrale, la direction générale des impôts …Tous y passent ou ont été gravement endommagés.

« De grands nuages de poussière apparaissaient dans les instants suivant le séisme à Port-au-

Prince. Cette poussière provient probablement du béton non armé des constructions ; des craintes s’accumulent donc concernant la possibilité que bien des édifices de ce type se soient effondrés. Pays pauvre, Haïti ne dispose pas de normes de constructions formelles en matière de bâtiments. »41

En effet, à cause de la corruption et de la mauvaise gestion politique, sociale et économique-

des précédents gouvernements haïtiens depuis Duvalier, Haïti souffre beaucoup d’un manque de rigueur dans sa structure et dans son organisation et de ce fait, d’énormes conséquences y découlent : le grand embargo commercial de 1994 par l’ONU provoqué par les réactions « rebelles » des militaires haïtiens, qui cause ensuite le manque d’éducation, le chômage, la pauvreté et la mendicité pour la majorité, la mauvaise répartition des richesses au niveau des classes sociales et l’agriculture, source de revenus est relayée au second plan. À l’échelle internationale, Haïti a depuis perdu son autonomie.

Souvenons nous qu’au cours de son histoire, Haïti a connu des précédents sismiques.

41

Assistance Mortelle. Raoul Peck DVD 1 :50

85


« Les précédents tremblements de terre de forte intensité survenus en Haïti incluent ceux survenus le 18 octobre 1751 et le 3 juin 1770. L’historien Moreau de Saint-Rémy relate qu’à Port-au-Prince, en 1751, une seule des maisons de maçonnerie ne fut pas renversée, et en 1770, la ville entière fut détruite…Des séismes survinrent encore en 1887 et en 1904 dans le nord du pays causant des dégâts majeurs. »42

En effet, malgré leur apparence solide, nombreuses ont été les maisons de béton à être ré-

duites à d’énormes tas de blocs sinistrement entassés dans la ville. Ce sont là, les conséquences de nombreuses violations de normes de sécurité et de règles de construction, et particulièrement due à la négligence de l’histoire de l’architecture haïtienne. En effet, depuis la fin de l’ère glorieuse des maisons gingerbreads, l’histoire de l’architecture haïtienne s’est brusquement paralysée et immobilisée.

Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a touché de nombreuses constructions de bé-

ton, mais celles qui ont survécu sont celles faites en maçonnerie : Les maisons Gingerbread. Certaines ont subi de graves dommages mais lors du séisme, elles ont encore fait preuve d’efficacité grâce à leur résistance et leur solidité contrairement aux bâtiments de béton.

42

WWMF, « La Préservation des maisons de style gingerbread d’Haiti. p.38

86


INTERVENTION DE L’AIDE INTERNATIONALE

« Les habitants d’Haïti peuvent compter sur le soutien des Etats Unis pour sauver les personnes prisonnières des décombres et envoyer de l’aide humanitaire : nourriture, eau et médicaments » Le président américain, Barack Obama, le 13 Janvier 2010.

« Épaulés par nos collègues à travers le monde, nous aiderons les Haïtiens à aller vers un meilleur futur » L’ ancienne Secrétaire d’état des Etats-Unis, Hilary Clinton.

« Nous prenons l’initiative de convoquer une grande conférence pour la reconstruction et le développement en Haïti » L’ ancien président Français, Nicolas Sarkozy.


88


La nouvelle du séisme en Haïti le 12 janvier 2010 se propage dans le monde entier comme

une traînée de poudre, et touchée par ce triste événement, la communauté internationale n’hésite pas à tendre la main vers Haïti. La population mondiale se mobilise et participe de quelque façon autre pour aider Haïti à se révéler, en faisant des dons monétaires ou encore en offrant leur support. Des associations gouvernementales et non gouvernementales (ONG) de plusieurs pays du monde de renommée internationale comme la Croix-Rouge, l’ONU, l’Action contre la Faim, L’Unicef , le COSI (Comité de secours internationaux) et tant d’autres offrent leur aide à Haïti.

« L’UNICEF intervient pour la distribution d’eau potable… l’approvisionnement prodigué par l’aide humanitaire

a donc privilégié des rations alimentaires compactes apportant le nécessaire nutritionnel ; ces rations devraient constituer l’alimentation de la population sinistrée dans les prochaines semaines… »43

Les premiers jours suivant la catastrophe, la communauté internationale ne tarde pas à faire

son apparition dans la ville. L’aéroport étant impraticable, celui de la République Dominicaine accueille les premiers atterrissages des forces américaines, canadiennes et françaises pour recevoir les éléments de survie pour la population (tentes, couvertures, nourriture et médicaments). L’aide 43

Assistance Mortelle. Raoul Peck DVD 5 :25

89


humanitaire réagit vite pour aider la population sans abri, en manque d’eau et de nourriture. Des collectes de fonds se sont produites dans plusieurs pays et le total des sommes s’élève à plus de plusieurs milliards de dollars.

« Le monde entier a promis de l’aide à Haïti. En tout, 5 milliards de dollars sur 18 mois ou 11 milliards sur 5 ans

proposés par plusieurs pays du monde. Pour gérer cet argent et coordonner l’ensemble des actions de reconstrution, on crée une nouvelle institution : La Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti, la CIRH… Autour de la table, seuls sont autorisés les grands bailleurs : ceux ayant promis au moins 100 millions de dollars… » Parmi ceux-là,

nous comptons la Banque Mondiale, L’ONU, la société civile Haïtienne et les représentants du gouvernement haïtien, l’Union Européenne, la France, le Canada, la BID, le Japon, le Vénézuela, la CARICOM, le Brésil, l’Espagne, les Etats-Unis et la Norvège. Et ce regroupement décide de choisir l’ancien premier ministre haïtien, Jean-Max Bellerive et l’ancien président américain, Bill Clinton, responsables de cette association pour la refondation d’Haïti. « Cela promettait d’être une grande campagne de guerre contre la misère et la pauvreté ».

Quant au gouvernement haïtien, à cause de sa corruption et de son indiscipline au sein de

la communauté internationale, ce dernier a les mains et pieds liés depuis 2004 par la Minhusta, organisme de l’ONU basé en Haïti. On lui fait croire qu’il a le contrôle de toute situation quand tout est contrôlé par l’international. Et maintenant, il n’arrive pas à aider son peuple sans l’aide de provenance extérieure. Les décisions à prendre doivent obligatoirement dépendre des américains. Le gouvernement haïtien est quasiment écarté et les organisations internationales décident de prendre la situation en main. Haïti est un pays assisté. C’est le début d’un désordre total, annonce 90


Raoul Peck dans son long métrage, «Assistance Mortelle».

« L’aide étrangère a changé la dynamique du pays dans la mesure où elle est arrivée rapidement. D’une manière pragmatique, les gens ont eu du riz et de l’eau. Et immédiatement, les gens disent: vive l’aide ! Mais l’étranger vient chercher son propre intérêt. » Ingénieur Joséus Nader.

« Toute la nourriture et toute l’eau qu’on donne dans les camps, provient de l’étranger, alors je dis aux «Blancs»44 d’arrêter ça. Il vaut mieux donner de l’argent aux gens. Les marchés sont pleins de provisions. Une bouteille d’eau, vous la mettez dans un avion pour l’apporter en Haïti. Elle coûte cinquante fois plus qu’une bouteille fabriquée ici. Or, ceux qui produisent de l’eau ici ont des problèmes et ils ne peuvent pas vendre. Cependant, je n’étais pas en position de les contrôler. Ils apportent de l’eau, merci pour l’eau. Ils apportent des médicaments, merci pour les médicaments. Ils apportent de la nourriture, merci pour la nourriture. Si l’État haïtien était en position de force, ils n’auraient pas pu s’imposer ainsi. Mais notre État est faible. »

A tristement confié l’ancien président haïtien, René Préval.

« Haïti est un pays où : 80% du financement de son développement est financé par la communauté internatio-

nale, où 70% du secteur privé, de la société civile qui agit, est liée ou appartient à la communauté internationale. La ligne entre ingérence, appui et support est très fine. » Explique l’ex premier ministre Jean Max Bellerive. En effet,

l’aide humanitaire, malgré sa bonne foi, met à l’écart le gouvernement haïtien et contribue à sa désorganisation interne et même pire, à sa perte. 44

Voir lexique

91


PROPOSITION ARCHITECTURALE

La question de reloger plus d’un million de personnes en Haïti devient le principal sujet de

conversation partout et surtout dans les bureaux gouvernementaux et des ONG. Un bilan sur 355. 000 maisons inspectées de la capitale démontre que «55% des bâtiments sont sains, 25% des bâtiments sont à réparer et 20% nécessitent des travaux si importants qu’elles doivent être démolies.»45 Des millions de familles

ont perdu leurs maisons et vivent désormais sous des tentes dans les rues près des décombres dans la promiscuité et la délinquance. Le gouvernement haïtien se bat pour faire changer quelque chose à tout prix, mais faute d’argent et particulièrement faute d’autonomie, il se dit incapable de se débrouiller. Haïti est devenu le pays assisté par excellence de l’Amérique.

Fig. 36 : Port-au-Prince, 2014. Vue arienne de la capitale.

45

Assistance Mortelle. Raoul Peck DVD

92


Quatre ans après le séisme, Le peuple vit encore sous les tentes, le palais national, toujours

en ruine et la misère s’étend de plus en plus sur le territoire. Survolant la capitale, on peut apercevoir plusieurs petites tentes bleues parsemant la ville. Une ville à refaire depuis son organisation urbaine. Cela demande beaucoup de travail et beaucoup de temps, ce qui peut évidemment conduire au découragement, mais la pensée de renouveau anime le cœur des haïtiens. Un espoir constant et un sourire ineffaçable demeure sur le visage de ce peuple. Ils espèrent encore un meilleur lendemain. Malgré la catastrophe, le train train habituel reprend tranquillement.

Après le départ de l’ancien président René Préval en 2010, Michel Martelly arrive au pouvoir

et tente de prendre la situation en main. Les procédures de mise œuvre de projets de reconstruction sont mises en marche et des appels d’offres sont lancés un peu partout dans monde. En Haïti, le principal enjeu de la reconstruction demeure dans son identité. Quel architecte, venant d’ailleurs, pourrait proposer un plan de reconstruction sans altérer son image identitaire ? Quel architecte accepterait de faire de l’architecture contemporaine haïtienne sans être une architecture contemporaine occidentale ? Cette nation, très attachée à ses racines, voit son image se transformer en un territoire de gratte-ciels. On peut s’imaginer nimporte quelle ville internationale sur le territoire. La jeune architecte Isabelle Jolicoeur, nous exprime ses craintes: “Le processus architectural n'est que trop souvent régi uniquement par la dimension monétaire ou économique au détriment de la qualité architecturale et toutes les préoccupations socio-culturelles qui y sont liées. Je pense notamment aux bâtiments institutionnels qui sont prévus dans le contexte de la reconstruction de Port-au-Prince. Ces bâtiments devraient, selon moi, faire l'objet d'études et de consultation auprès de comités qualifiés afin de déterminer leur pertinence dans le contexte Haïtien ainsi que leur approche par rapport à la question de l'aménagement du territoire. Un comité pourrait ainsi établir des standards de qualité architecturale et éviter certaines dérives. » 93


Fig. 37 : Port-au-Prince, 2014. Projet proposé par E. Kevin Shopfer et la firme Tangram 3DS

Le nouveau président haïtien s’organise avec des gens qualifiés dans leurs domaines res-

pectifs et motivés par l’idée de meilleurs jours pour l’avenir de ce pays. Des regroupements d’architectes et d’ingénieurs comme l’Unité de Construction de Logement et de Bâtiments Publics (UCLBP) se jouxtent au gouvernement pour assurer la coordination et la mise en œuvre de futurs projets. De cette manière, ils peuvent ainsi contrôler la conception proposée et la mise en œuvre jusqu’à la réalisation de ces derniers. En s’unissant avec des gens sérieux, petit à petit, le métier de l’architecte redore donc son blason. Car plusieurs facteurs sociaux, politiques et économiques sont nécessaires pour l’étude de la mise en œuvre d’un projet de reconstruction. Les questions d’organisation urbaine, d’esthétique 94


Fig. 38 : Port-au-Prince, 2014. Proposition de projet de reconstruction. par Foster

et du respect du patrimoine sont aussi d’importants atouts requis et il est rare qu’un ingénieur soit capable de répondre à de telles contraintes. Donc, une reconnaissance du métier d’architecte se modèle tranquillement dans le pays.

Fig. 39 et 40 : Port-au-Prince, 2014. De gauche à droite, proposition de projet de reconstruction du ministère du commerce et de l’industrie et proposition de reconstruction de la cathédrale Notre Dame de l’Assomption par une firme portoricaine.

95


Ailleurs qu’en Haïti, la question de reconstruction d’Haïti est sur toutes les lèvres. La com-

munauté internationale et locale, formée de cadres, d’architectes et d’ingénieurs propose des projets les plus inventifs pour la population haïtienne. Partis de l’idée principale d’aider, plusieurs projets ont malheureusement soulevé des remous au sein de la population.

96


RÉPERCUSSIONS ET CONTRECOUPS

« …Considérant l'étendue de l'emprise de la communauté internationale sur la question de la reconstruction

en Haïti, on ne peut s'étonner que la question culturelle ne soit pas évoquée quand vient le temps d'établir les grands axes et les normes qui régiront les futurs bâtiments qui constitueront par exemple, le futur centre-ville. A l'échelle territoriale, l'absence de politique culturelle est également a déplorer. » Isabelle Jolicoeur.

Des concours pour la construction de di-

vers équipements publics et de relogements ont été proposés de partout. On en voyait de tout : des projets allant du plus farfelu au plus simFig. 41 : Port-au-Prince, 2014. Proposition de relogement.

plement réduit. Tout y passe dans le catalogue de suggestions. L’intention est sûrement bonne

et honnête, mais l’opinion n’est pas partagée par tous. La population haïtienne, tout comme certains membres de la communauté internationale vivant depuis, sur le terrain y démontrent leur désaccord.

Priscilla Phelps, la responsable du

secteur « Logements » à la CIRH affiche son dégoût face à ces comportements opportunistes qui relèvent de l’ignorance des

Fig. 42 : Port-au-Prince, 2014. Projet de la Direction générale des impôts.

97


besoins et de la culture du peuple haïtien et qui résultent à un manque d’humanité : « Les gens considèrent Haïti comme une ardoise vierge sur laquelle tu peux projeter les idées les plus folles. Quelqu’un m’a appelée l’autre jour pour me parler de ses maisons en plastique qu’il voulait vendre. Il les importerait sous forme de petits éléments puis il engagerait des Haïtiens pour assembler ces maisons. Il est ainsi convaincu que ça créerait des emplois. Il y a des milliers d’idées farfelues en matière de logement, mais aussi de santé, d’éducation, de tout. » 46

Dans son documentaire, Assistance Mortelle, Raoul Peck fait ressortir l’importance de la

sensibilité du lieu. L’architecte doit être en mesure de la saisir en réalisant ses projets. Lors d’une rencontre avec l’ancien président de la république, René Préval, un représentant d’un camp de sinitrés de la ville d’Onaville, Jean-Ronald Mérisma est plus qu’outré par les propositions faites des pays extérieurs. Dans son triste discours, il affirme qu’en effet, les architectes internationaux ignorent leurs besoins et leur culture. « Ce qui me fait le plus mal, c’est la façon dont l’OIM construit pour les gens d’ici. Nous nous battons pour éradiquer les bidonvilles, mais elles seront pires qu’un bidonville, leurs maisons. Monsieur le Président, ça me fait mal. Et comme on dit : la mer ne cache pas la saleté, ça me fait mal en tant que Haïtien. Parfois, j’arrive à regretter d’appartenir à une telle nation. Pourquoi les étrangers font-ils ce qu’ils veulent ? Leur façon de construire, excusez-moi l’expression, mais ils n’y mettraient même pas leurs bêtes. En tant que chef de l’Etat, comment acceptez-vous cela ? Ils ont des millions entre leurs mains. Et ce qu’ils proposent, c’est pire que des bidonvilles. »

Il est triste, en effet, que des architectes, restés assis derrière leurs bureaux, proposent des

plans de reconstruction pour un pays sans le connaître. Sans connaître sa société et sans prendre 46

Assistance Mortelle. Raoul Peck DVD

98


Fig. 43 : Port-au-Prince, 2014. Projet de reconstruction de Port-au-Prince par l’’ingénieur haïtien Jean-Lucien Ligondé

le temps d’apprécier sa culture. Par les images présentées, nous constatons que certains architectes se base sur des idées et des clichés projetés par les médias : Misère, bidonvilles et petites cases. Et involontairement, ils agrémentent le stéréotype du pays misérable sans comprendre ses complexités et ses richesses. D’autres projettent radicalement l’image du monde occidental dans ce petit pays tropical. Certes, il y a une image à changer, mais ce n’est pas celle qui illustre la culture locale. Ce n’est pas parce que des immeubles sont démolis dans un pays qu’il faudrait pour autant changer son identité. Il y a un travail de recherche historique et socio-économique avant de se lancer dans une quelconque conception de projet. Il ne faut surtout pas oublier de consulter son passé et de connaître les besoins réels de sa population.

99


100


RECONSTRUCTION Projet de la nouvelle Cité Administrative.

« … Cependant les projets d'envergure nationale, semblent manquer l'opportunité de "vulgariser" l'importance de la culture haïtienne. Quelle meilleure façon de le faire voir à travers des projets publics, tels que parcs, ministères, centres culturels ? Les nouveaux bâtiments en constructions sont peut être bien conçus au standard international mais là (d'après moi) nous avons manqué l'opportunité de promouvoir la créativité et culture haïtienne... » Nathalie Jolivert, architecte.


Fig. 44 : Port-au-Prince, 2014. Plan d’organisation de la nouvelle CitÊ Administrative.

102


Le second cas que nous allons étudier est un projet de reconstruction d’ordre urbain

et a été proposé par la Fondation du Prince Charles de Galles en Angleterre en union avec le gouvernement haïtien et les ministères des Travaux publics, de Transport et de Communications et particulièrement l’Association Haïtienne des Architectes et Urbanistes. L’organisation de ce projet est en premier lieu une planification urbaine du centre-ville d’Haïti. Cette partie a longtemps été le point actif et central de la capitale et c’est dans cet espace que sont principalement regroupés les équipements publics à caractères patrimoniaux et gouvernementaux : bureaux ministériels, palais national, grandes places publiques, musées, cinémas, quelques hôtels, la caserne, la prison nationale et bon nombre de commerces. Les dégâts causés par le séisme ont également permis d’inclure dans le programme le port et les universités d’état situés un peu plus loin. Plusieurs logements occupant cette partie ont été détruits pendant la catastrophe. Motivé par la volonté de préserver ce territoire d’intérêt national d’une réhabilitation non planifiée, le gouvernement a adopté le 2 septembre 2010, un arrêté déclaratif d’utilité publique concernant un espace d’environ 200 hectares. Cet arrêté affirme la volonté de l’Etat et d’assumer le leadership de la reconstruction du centre-ville historique de la capitale, en raison de son importance stratégique pour l’identité, l’image et l’économie d’Haïti.

Malgré son temps précieux, Michel Présumé, architecte, urbaniste et l’un des membres fon103


dateurs de l’Unité de Construction de Logements et de Bâtiments Publics (UCLBP) et maintenant Secrétaire d’État à la Planification du gouvernement actuel, nous a accordé un moment pour nous apprendre mieux sur le projet en question.

« Pour ce qui est de la participation de la Fondation Prince Charles aux cotés des professionnels haïtiens au

grand projet du plan directeur de développement du centre ville historique de Port-au-Prince, cela a été une décision politique pour, d'une part, obtenir l'assistance technique d'un grand bureau d'étude en planification urbaine et en urbanisme pour travailler avec une équipe de professionnels haïtiens à l'élaboration du dit plan, et d'autre part, réduire les coûts du projet. L'idée était d'avoir un plan directeur à la préparation duquel participaient tous les secteurs de la société civile. La Firme qui a réalisé les études avec nous s'appelle DPZ Planners and Urbanism. C'est une Firme américaine basée en Floride.

Le gouvernement haïtien a d'abord déclaré d'utilité publique une aire de 200 hectares au centre ville historique

de Port au Prince pour le projet, puis créé le Comité de Facilitation de Reconstruction du Centre-ville de Port-auPrince doté d'un coordonnateur technique dont la fonction me revient. Ce comité a produit le document que je t'ai passé et duquel découle le plan actuel de la cite administrative actuellement en exécution avec la construction des bâtiments publics. »

Michel Présumé

L’ensemble du projet a été étudié et mis en place par la firme d’architecture Duany Pla-

ter-Zyberk (DPZ Planners and Urbanism) en partenariat avec la firme d’ingénierie Crabtree opérant partout aux Etats-Unis. Cette dernière s’est chargée de l’organisation du système d’infrastructures, 104


de la réflexion quant à l’organisation spatiale du centre ville et surtout de l’estimation des coûts. La firme d’architecture Duany Plater-Zyberk est l’une des plus grandes firmes d’architecture et d’urbanisme aux Etats-Unis. Ses principaux projets déjà réalisés se situent aux Etats-Unis, en Angleterre, au Brésil et bientôt en Haïti. Si le gouvernement a fait appel à cette firme, il est donc possible de déduire que sa méthode de travail est probablement efficace, et ses performances, indiscutables quant à la création de projets sur d’autres territoires. De plus avec sa collaboration avec le gouvernement, on peut émettre l’hypothèse du respect culturel et du passé historique et architectural pris en compte. « Rien n'a été imposé par la Firme DPZ. En fait, les aspects culturels et identitaires découlant de l'histoire de la ville de Port-au-Prince ont été une exigence des différents secteurs impliqués dans la réflexion sur le plan directeur du Centreville. » Surenchère Monsieur Présumé.

En parcourant le rapport final datant du mois de juillet 2011 et en examinant leur méthode de travail à travers les différentes étapes du projet, nous parviendrons à comprendre leurs intentions et à vérifier si ces dernières répondent à la question de dualité entre l’architecture globale qu’ils essaient d’importer dans ce milieu et l’architecture existante locale, malgré qu’elle soit détruite par le séisme.

105


MÉTHODES ET PRINCIPES.

Le programme d’études de la construction de la nouvelle cité administrative est divisé en

trois parties :

1)

Les infrastructures où ils révisent le tracé urbain de la zone et envisagent des solut

ions et des améliorations.

2)

Les logements.

3)

Les bâtiments civiques et gouvernementaux.

Contrairement à la première étude de cas qui se base sur une commande privée et orientée vers l’habitat, cette seconde étude englobe tout le paysage urbain de la ville de Port-au-Prince où tout est à reconstruire depuis le séisme du 12 janvier. Malgré le fait qu’elle soit une commande publique et qu’elle soit également un projet à plus grande échelle, la question d’identité culturelle ne peut être évitée. Nous verrons donc dans le parcours et à travers les principes de relogement adoptés, comment DPZ Planners dialogue avec l’identité locale du nouvel espace urbain à aménager.

“Les projets en construction actuellement sont des bâtiments publics qui respectent scrupuleusement les normes

minimales prescrites dans le manuel des lignes directrices du plan directeur. Les autres aspects concernent le secteur privé qui malheureusement n'a toujours pas entrepris la reconstruction de leur propre propriété.” Explique Monsieur

Présumé.

Dans le secteur du centre-ville de Champ de Mars, l’équipe DPZ en union avec l’UCLBP, 106


procède tout d’abord par une étude de l’état des lieux et découvre que la majorité du bâti requiert plus que des réparations superficielles. La plus grande partie mérite d’être reconstruite. Pour ce faire, la première recherche est effectuée dans les domaines historiques, sociaux et économiques. L’équipe affirme avoir lu, fait des lectures, des visites de sites et de régions avoisinantes du pays pour enrichir leur apprentissage du territoire.

«…En plus de la procédure de consultation, la méthodologie de l'équipe en charrette inclue: L’observation

de la culture locale et ses principaux facteurs socioéconomiques, tant aux situations passées qu’aux situations existantes. L’analyse des études est faite par le gouvernement, des ingénieurs, des ONG et des entreprises d'ingénierie, l'étude ISPAN de bâtiments historiques, et le ministère des Travaux publics. »47

Avec l’ISPAN, (L’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National) il est envisageable qu’une

continuité historique et culturelle se dessine sans équivoque. Des visites de maisons Gingerbread peuvent permettre également la compréhension du passé historique, de la reprendre ou encore de l’innover avec les éléments existants.

« …Des visites de sites sur la zone d'étude pour observer les bâtiments restants et les arcades de trottoir, les

marchés informels dans les rues, et les zones d'évacuation des eaux usées. L'équipe a également visité des sites importants dans Port-au-Prince, tels que les maisons Gingerbread à Carrefour et les montagnes autour de Kenscoff afin d’apprécier et de comprendre le contexte plus large de la géographie et de l'histoire du pays. Une lecture est approfondie sur Haïti et des conversations informelles avec les habitants sur leurs expériences personnelles est abordée pour une vision de l'avenir. »48 47 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 (document traduit) p. 5-6 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning 48 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 (document traduit) p. 11 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning

107


«Historiquement, l’organisation dans les bâtiments du Centreville est constitué principalement de deux étages,

peu à 3 étages et pratiquement aucun à 4 étages. Après avoir étudié les implications avec 1 et 2, et 3 étages, le plan recommande une hauteur générale maximale de 3 étages. »49

Une étude de l’organisation urbaine de l’espace leur permet donc de comprendre qu’il faut dès à présent ajouter à la liste des normes préétablies, des standards de construction à respecter sur le long terme.

Le tissu urbain de cette parcelle de Port-au-Prince est une simple grille homogène sur une

pente douce glissant vers le port. Après évaluation, une simple modification de ce tracé urbain définissant clairement les routes, les passages piétonniers, marchands et privés est nécessaire. Un changement radical risquerait d’augmenter le coût des travaux. Il est donc jugé sage de conserver ce tracé préliminairement dessiné. Ce qui nous porte à constater que l’un des facteurs de la reconstruction est le coût des travaux. Plus il y a des changements, plus d’argent il faudrait pour la main d’œuvre. Dans ce cas, le patrimoine risquerait alors de ne pas être en danger.

« La grille historique de la rue offre un excellent réseau qui génère la circulation le long de plusieurs routes et

permet la coexistence de plusieurs modes de transport. Les diverses types de rues ont été conçues pour encourager les rencontres fortuites qui crée des liens dans une communauté. Les murs de la rue ont été conçus pour maintenir et définir l'espace public, pour faciliter le déplacement des piétons et pour créer un espace public attrayant »50

49 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p.11 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning 50 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p. 51 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning

108


Avec le plan, les standards de constructions et les normes se dessinent peu à peu

par la mise en place d’un ensemble d’hypothèses. Parmi lesquelles, on peut citer :

1)

Celle des façades des rues qui resteront du domaine public et commercial, tandis

que le bloc interne deviendrait semi privé et sécuritaires.

2)

L’hypothèse de la rétention du tracé urbain historique de Port-au-Prince. Elle serait

uniquement modifiée et améliorée, si besoin est, tenant compte des circonstances.

3)

Celle de l’établissement de modèles de protocoles adoptés ailleurs qu’en Haïti.

Faire appliquer quelques normes générales internationales permettrait sans doute

de faciliter la reconstruction. Il est donc possible de croire que leur réutilisation

prouve leur efficacité. Mais pouvons nous dire que l’accumulation de petits détails

de la sorte altèrerait l’identité culturelle architecturale d’une nation ?

Les propositions architecturales seront fondées sur quelques modèles précédents,

4)

en supposant que l’architecture vernaculaire haïtienne représente une réponse intel

ligente au climat et à la culture.

La conservation des grands arbres et bâtiments spécifiques d'importance culturelle

5)

prendra généralement le pas sur les diverses recommandations du plan.

6)

La capitale restera Port-au-Prince. La restauration conséquente des ministères va

générer un grand nombre d'emplois qui justifient l'accent sur le logement de la

51

classe moyenne qui atteindra un équilibre sur l’emploi et le logement.51

(Éléments tiré du rapport de stage et du document des lignes directrices d’aménagement de la Cité Administrative de Port-au-Prince)

109


En plus des normes établies, la question qu’ils préfèrent se poser, c’est celle de la durabili-

té. Mis à part la construction, une analyse sociale du centre-ville permet de prendre conscience de cet environnement et de comprendre que les 70% de la population occupant cette partie sont de la classe modeste et sont particulièrement au chômage. Les architectes estiment que l’organisation du plan doit comprendre des équipements qui permettront à ces usagers de profiter pleinement de cet espace. Ils imaginent un futur où éventuellement le centre-ville comporterait des équipements capables de créer des emplois. Et avec cela, une croissance économique prendrait forme.

110


LE NOUVEAU VILLAGE URBAIN.

« Je crois à la nécessité d'une profonde réforme de l'architecture en Haïti. Bien sûr, ceci exige un plan d'urbanisation qui facilite la mise en valeur des traits identitaires et culturels du pays. » Michel Présumé

Fig. 45 : Port-au-Prince, 1940 Vue de la Rue Bonne-Foi et cathédrale.

111


LES CORRIDORS

Le respect de l’existant est l’élément

le plus important dans une reconstruction. La prise en compte et la compréhension de son état précédent aide à l’améliorer pour le futur. À sa création, les urbanistes ont conçu le plan du centre-ville de Port-au-Prince en le découpant en quadrillé, comme cité ci-dessus. Des rues perpendiculaires et parallèles s’entrecroisent et génèrent ainsi des îlots carrés d’approximativement de 112 mètres d’arête ou encore des îlots rectangulaires appelés « doubles blocs » de 112 mètres par 200 mètres. Ces îlots sont soit fermés, soit semi fermés de façon à ce qu’il y ait une liFig. 46 : Organisation de l’espace urbain de Port-au-Prince

mite franche établie entre l’environnement public et l’environnement privé. La plupart du temps,

on retrouve des commerces et des entrées de bâtiments publics sur le pourtour de ces îlots. De larges corridors de 4 mètres de large servent d’espace tampon entre la rue et les commerces. Leurs principales qualités sont, comme pour les maisons Gingerbread, d’apporter de la fraîcheur et de favoriser une ventilation naturelle des espaces intérieurs. Ils servent surtout à établir une transition douce entre la rue active et le bâti grâce à un trottoir qui accentue le clivage entre l’espace 112


public et semi public.

« Les éléments fondamentaux de la structure urbaine dans le plan directeur sont les notions de noyau urbain,

corridor urbain et village urbain. Ils comprennent des corridors pour les transports publics et les corridors réservés à l’espace privé et aux bâtiments. Les corridors urbains sont des systèmes longeant les rues et les espaces verts bordés des deux côtés du village et des bâtiments municipaux. Les villages urbains sont des blocs groupés créant des quartiers orientés vers l'intérieur dotés une cour centrale carrée et qui est directement reliée à la rue par une petite ruelle. Cette double orientation permet la formation d'une petite communauté au sein de la ville, d'où le nom de village urbain. »52

Aujourd’hui, les mêmes conventions sont exigées dans le but d’assurer une continuité

historique et culturelle. Les corridors urbains et les formes orthogonales des rues sont maintenus. Mais un travail au sein de chaque îlot est plus que nécessaire à cause de sa totale désorganisation. L’équipe en charrette formée par l’UCLBP et DPZ Planners est donc contrainte de réfléchir sur une nouvelle organisation du plan des îlots. En observant l’évolution d’un prototype d’îlot, nous comprendrons comment ses modifications se sont opérées en mettant en évidence le degré de prise en compte de l’existant.

52 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p. 51 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning

113


L’ÏLOT URBAIN

Au début de la planification, DPZ Planners et l’UCLBP ont pensé tout refaire à zéro à cause

du nombre de logements et de commerces détruits, impossible à reconstruire. Après maintes réflexions et discussions au cours de la charrette et surtout contraints de conserver plusieurs bâtiments historiques, ils ont jugé bon d’utiliser les anciens gabarits d’îlots pour recréer du nouveau en se basant sur l’existant. À partir de ce dernier et malgré certains problèmes d’infrastructures persistants avant le séisme, ils gagneraient en temps en réutilisant certaines méthodes locales encore efficaces aujourd’hui, et parviendraient à les perfectionner et à les moderniser en y ajoutant de leurs connaissances occidentales. De ce fait, ces éléments qui constituaient des obstacles hier et aujourd’hui seraient revisitées, améliorées et résolues. Dans la réalisation de ces îlots, ils s’accrochent alors à l’héritage local sans générer des situations de dépaysement pour les usagers tout en y ajoutant de leur touche personnelle. Originairement, un îlot typique à Port-au-Prince est de forme carrée ou rectangulaire, limitée par une voie d’accès publique Fig. 47 : Un ilôt urbain type.

et piétonnière faisant son périmètre et l’accès se fait son centre

114


par des petites ruelles ou couloirs . Le centre de cet îlot est occupé par des petites maisons ou squats disposées les unes sur les autres sans aucune organisation particulière. Cet amoncellement de petits squats en son centre est dû à l’exode rural et à la pauvreté. Bon nombre de ces gens qui y vivent y ont construit leur petite maison de tôle bancale sur

Fig. 48 : Organisation actuelle de l’îlot à Port-au-Prince.

ces terrains qui, à la base, ne leur appartient pas. (D’où le principe du squat). Dans un pays où il y a aucun contrôle sur l’immobilier, il ne faut pas être surpris d’un tel résultat. Leur installation anarchique et méprisable fait quand même réfléchir quant à leur organisation. Cela devient un point fort au point de vue spatial mais également culturel. Ces îlots sont actifs à l’intérieur comme à l’extérieur. À l’intérieur, avec ces petites maisons jonchées les unes sur les autres se crée des petits corridors, qui certes engendre la promiscuité mais constitue un parcours curieux et intéressant. «Le centre-ville sera toujours chargé de la vitalité de la vie de rue haïtienne. Mais il faut créer un environnement dans lequel la classe moyenne y retournerait, attirerait l'investissement privé et susceptible d'attirer le tourisme. »53 En effet, un retour de la classe moyenne, enfuie

dans les hauteurs de Pétionville, vers le centre-ville serait important pour un progrès économique, social et particulièrement touristique. Et pour créer cet atmosphère plaisant et attrayant pour tous, 53 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p.54 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning

115


les architectes ont dénoté cette touche locale qui qualifie l’esprit de la capitale, un point fort de la culture : L’activité bouillante de la ville.

On peut évoquer de multiples tableaux qui peignent encore ce qui y existe aujourd’hui : les

rues bourdonnant de monde sous une chaleur oppressante : des embouteillages encombrant les chaussées, des marchands ambulants circulant entre les voitures et vendant des boissons fraiches et de la nourriture aux piétons pressés. En bordure d’îlot, des petits stands de loterie et des petites boutiques vendant à tout venant toutes sortes de produits. En façades, Des pièces d’automobiles et d’électronique exposées sur les portillons des anciens gingerbreads abandonnés. De l’autre côté de la rue, des marchands négociant leurs plus beaux tapis de seconde main. Un peu plus loin, on aperçoit des petits enfants nettoyant joyeusement un tap-tap54 prêt pour le service quotidien. Un restaurant invisible, provenant de l’intérieur de l’îlot répand son odeur de viande frite dans l’air. C’est à cela que ressemble l’esprit d’animation du centre-ville aujourd’hui. Une atmosphère chargée et souvent animée.

Selon DPZ et L’UCLBP, le travail ne nécessite pas vraiment de modification quant à l’or-

ganisation et la disposition du bâti. Les modifications qu’ils comptent apporter dessus ne seront que très minimes. Ils se concentrent sur le centre de l’ilôt qui exige beaucoup de réflexion sur sa réorganisation. L’instauration de disciplines formelles dans ces espaces anarchiques est plus que nécessaire. Un système d’infrastructures va donc être mis en place.

Leur premier objectif est de rendre ces petits villages urbains autonomes les uns des autres.

Ils vont tout d’abord déblayer le centre en expropriant les habitants, ce qui est l’étape la plus dif54

Voir lexique

116


ficile parce que les fonds réunis pour la reconstruction du centre-ville n’inclue pas le relogement. Donc, beaucoup plus de personnes à la rue. (Pour l’instant). Une fois le champ libre et les petites maisons détruites et déplacées, l’équipe propose l’installation d’un système de pompe hydraulique commun au milieu de chaque îlot. Elle servirait de puisard central où les usagers de chaque bloc respectif s’y connecteraient pour s’alimenter. C’est un système innovateur et intéressant qui effectivement, rendrait chaque îlot autonome. Le cœur d’îlot exercerait une double fonction : Il servirait non seulement d’espace puisard, mais aussi de stationnement. Il est assez grand pour recueillir un petit stationnement semi-pet un stationnement privé pour les usagers vivant autour.

Fig. 49 : Un ilôt urbain type. (modification étape 4)

117


« Le plateau résultant fournit des accès voitures, vu que les rues seront dépourvues de parking. Le station-

nement sera public et partagé à l'intérieur du bloc. Certains biens sont répartis au centre du bloc afin d’établir une cour intérieure suffisante pour accueillir une zone d’utilité semi publique et semi-privé. Certains biens sont également acquis autour du périmètre pour créer une voie d'accès.»

« Ce schéma illustre les modifications apportées au plateau original amené à son état d’efficacité maximale.

Ces modifications proposent que les usagers devraient être propriétaires de ces lots pour former un bloc coopératif similaire aux associations de copropriété américaines. Avec un système de copropriété, des modifications seraient supervisées et des gestions collectives entretiendraient et gèreraient l’espace commun. « Alors que les préoccupations ont été exprimées par les propriétaires sur l'utilisation du domaine éminent d'exproprier de vastes régions du centre-ville , ils étaient réceptifs aux limites de propriété étant ajustées pour produire des espaces communs à des fins coopératives , tels que des parkings. Un participant a fait remarquer que les petits métiers font partie intégrante de la culture haïtienne et ces ajustements iraient parfaitement avec cette coutume. »55

La copropriété est un système qui fonctionne très bien dans les pays occidentaux, il est

donc emprunté pour son utilisation dans les quartiers du Centreville d’Haïti. Une copropriété entraine l’entraide et le partage. Ce serait un point de ralliement idéal pour des sociétés divisées. Il suffirait juste d’une bonne volonté des deux partis pour qu’il y ait une éventuelle cohabitation. La cour du noyau central de l’îlot sera alors régularisée pour qu’il y ait suffisamment de places de stationnement pour des appartements. Ils prévoient idéalement un stationnement par logement.

55 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p. 55 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning

118


LE BÂTI

Tout au long de l’étude, les ré-

flexions sur le projet se développent pour viser le village urbain idéal dans lequel serait ajoutée une double peau dans le noyau de la parcelle qui ferait écho aux bâtiments desservant la rue. Cette double peau constitue un ensemble de logements ayant chacun sa propre cour privée séparée par des murs mitoyens. Cette cour relie le logement aux bâtiments commerciaux qui bordent la rue et, contrairement aux premières esquisses, servirait également de stationnement privé pour répondre aux besoins de sécurité recherché. Sur la première image, nous comprenons que le centre a été redéfini avec les stationnements publics, la double peau de logements, la cour intérieur comprenant le garage et les commerces le long des rues. Nous reFig. 50: Un ilôt urbain type. (modification étape 6 et 7)

119


marquons également l’existence de longs bâtiments roses, annotés de la lettre E qui représentent le bâti existant et préservé. « Le plan du village urbain peut conserver les bâtiments existants. En outre, la section peut varier entre l'usage résidentiel et bureau à l'étage supérieur. »

« Une coupe de la parcelle peut montrer une mise en commun des deux espaces, commerciaux et résiden-

tiels.»56 En effet, il y a possibilité que les logements puissent partager le même bâtiment. Ce qui gé-

nèrerait une diversité dans le programme.«Un pôle d’utilité et un niveau de réglementation minimal exigerait de déplacer les arcades historiques le long de la rue. Ce qui permettrait au bâtiment la desservant, d’être un commerce ou magasin et ainsi, le propriétaire de la boutique pourrait vivre dans une des maisons du fond. C'était une pratique courante dans l’histoire. »57 Expliquent-ils.

Les architectes participants à cette charrette ont réalisé qu’avec la construction du centre

ville, le développement de tous les étages ne se ferait pas dans la phase initiale. Ils dessineraient un « plan–élan » qui permettrait aux commerces du rez-de-chaussée de générer les étages pour les phases futures, donc de cette manière relancer l’économie du marché prévision d’une croissance économique.

« Le Centreville ne permet pas actuellement le développement de plusieurs étages dans la phase initiale de la reprise. Cependant, les bâtiments inférieurs pourraient permettre au marché de prendre de l'élan. » 58

Le traitement des façades a été étudié de diverses façons, en tenant compte surtout des

normes déjà établies depuis le début. Les colonnades continues des couloirs font le pourtour de 56 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p. 56 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning 57 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p.57 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning 58 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p.58 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning

120


Fig. 51: Un il么t urbain type. (modification des coins)

121


la parcelle entrecoupée par quelques entrées d’îlot. La configuration des trois étages prévus peut permettre une diversité du bâti dans les coins ce qui permet de générer différentes variations. Le premier schéma montre un coin standard, complètement fermé. Les deux autres propositions ouvertes et semi ouvertes présentent un petit espace extérieur ouvert profitable à tous ceux qui voudraient se poser tranquillement.

« Les participants aux ateliers publics ont commenté sur la nécessité d’espaces verts au centre-ville. Il ya

déjà de grands parcs au centre-ville et des améliorations riveraines proposées ajoutés à cet inventaire. Des petites places intégrées dans quelques blocs complètent l'inventaire de l'espace ouvert. Les espaces de vente donnant sur le parc seront gérés par l’association. »59

La seconde image offre plutôt une entrée en retrait sécurisée par des barrières vers le centre de l’îlot. « Ce schéma représente un petit espace public qui maximise la sécurité fournie par un contrôle de supervision passive des bâtiments adjacents, ce qui est nécessaire pour les parcs sécurité des parcs urbains. »60

La dernière propose un coin standard mais chanfreiné et ponctué par un rond point. Modèle que l’on retrouve surtout dans les pays d’Europe. Comme elle répond à des solutions utiles, il est évident que cette technique de régulation de circulation soit utilisée pour l’amélioration des routes. « A quelques intersections, la circulation peut être modérée par la mise en place d'un rond-point de grand diamètre. Ces modèles de circulation sont proposés pour la rue des Salines. »61

59 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p.58 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning 60 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p.59 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning 61 Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011p.50 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning

122


Toutes ces possibilités montrant le raccord de l’îlot à la rue sont déjà utilisées dans le monde

occidental. Elle ont prouvé leur compétence par leur durabilité et n’ont jusqu’à aujourd’hui, causé aucun ennui à leur urbanisme local. Les standards internationaux, jugés efficaces, combinés aux normes locales de Port-au-Prince, nous assistons néanmoins à une évolution de l’architecture haïtienne. Sans perdre de sa couleur locale, sans altérer sa culture, sans oublier son passé et sans changer drastiquement d’apparence, Port-au-Prince se refait une beauté. Elle reprend forme sous ses décombres, mettant en valeur ses plus beaux atours tout en se dirigeant tranquillement vers le monde contemporain.

123



Mot de la fin Conclusion



Conclusion

Aujourd’hui, la contemporanéité dans l’architecture repose sur la globalisation. Une globa-

lisation omniprésente qui tend à réduire les distances et à rapprocher les nations par la standardisation et la mise en commun de normes et de règles. Avec l’entrechoquement et le métissage socio-culturel provoqué par cette dernière et en constatant le progrès économique et industriel des sociétés, on peut supposer qu’une architecture locale, représentante de l’identité propre d’un peuple n’arrive pas à s’adapter. On peut s’attendre à un état léthargique, un affaiblissement ou même prévoir une disparition de celle-ci. On dresse déjà le triste tableau « orwellien » où tout se généralise et l’expression individuelle n’existe plus.

L’une des questions principales du mémoire était de comprendre la réaction de l’archi-

tecture locale vis à vis de cette transition moderne, mondiale et grandissante. Comment l’identité

culturelle en architecture arrive-t-elle à s’exprimer à l’ère de la globalisation ? Faudrait-il faire un choix décisif entre les deux, ou y a-t-il possibilité de cohabitation ? Comme nous l’avons longuement dit dans le mémoire, il est difficile de scinder les deux types au risque d’être qualifié de kitch ou d’inhumain. L’architecture globale, caractérisée par le style international contemporain est le fruit d’une architecture locale. Son évolution aboutit à la naissance d’un nouveau style. L’architecture locale a une place égale à celle de l’architecture contemporaine. 127


Tout au long de la partie analytique de ce mémoire, nous avons apporté des réponses aux

hypothèses que nous nous étions posées. Avec un cas tel que celui d’Haïti, nous avons constaté que l’identité architecturale, bien qu’intrinsèquement, elle soit une entité figée, tout comme le régionalisme, elle est évolutive et laisse ses traces dans le temps. Les Autochtones, les Africains et les Européens ont marqué le territoire haïtien à travers leurs cultures, leurs langues, leurs croyances et leurs architectures. Par la suite, nous avons pu voir que cet héritage arrive à évoluer et à être orienté vers plusieurs directions par sa société. Ces chemins empruntés peuvent mener vers de profonds échecs comme à de grandes réussites. L’hypothèse a été démontrée par l’étude de cas de Gingerbread classique, de l’architecture de béton et d’un nouveau style hybride contemporain. Les retombées nous portent à conclure que malgré les choix de style effectués, le passé ne peut être effacé. De même qu’après le séisme de 2010, nous apprenons que malgré les failles dans l’organisation politique et économique de la société haïtienne, une identité locale est bel et bien existante grâce à sa force historique. Aussi importante qu’elle soit, nous comprenons que cette identité ne peut être figée et ne peut surtout être réinventée une fois ancrée dans l’histoire. Et tout comme sa population qui évolue, elle aussi, malgré ses racines bien ancrées, se transforme par rapport à ce qui l’anime. La mémoire historique d’un peuple constitue son identité. Et de ce fait, contrairement à nos attentes, tel un roseau, face à cette globalisation s’imposant et gagnant du terrain, l’architecture locale plie, mais ne rompt pas. Il est donc étonnant de découvrir sa force d’adaptation dans le temps vis à vis des remous universels.

128


Àu delà des réponses apportées à la problématique, ce travail m’a beaucoup ap-

porté. Les entretiens se sont avérés très enrichissants autant pour moi que pour les architectes participants. Les échanges furent très intéressants tant sur le plan social que sur le plan historique. Ils m’ont permis de découvrir et de comprendre l’importance et la force de l’architecture vernaculaire. Elle est un refuge et une ressource pour tous ceux qui veulent se replonger dans leur passé, apprendre de leur racine et connaître leur vraie identité. Ils m’ont permis comprendre également que malgré des épreuves difficiles que peut rencontrer une nation, elle est toujours présente grâce à sa culture constante, mais sous une autre forme, façonnée à partir de nouveaux outils, exposée sous une nouvelle façade.

« L’architecture change avec le temps.» Michel Présumé

Grâce à ce mémoire et aux entrevues, j’ai pu tout d’abord remettre en question mes aprioris concernant l’architecture locale et globale et j’ai pu saisir l’importance de l’histoire, qui est à consulter scrupuleusement en vue de la remodeler sans toutefois la réinventer au point d’en perdre son essence. Nous devons veiller à ne pas reprendre les mêmes maladresses effectuées autrefois par le passé.

129


« A l'heure de la mondialisation, trop de sociétés tentent de se réinventer sous le prisme de la modernité au détriment de leur propre culture. Il ne faudrait pas qu'Haïti tombe dans ce même piège. » Isabelle Jolicoeur.

« …Je laisse le terrain et les gens d'une zone influencer mes connaissances.... Je pense que ce qui m'inspire le plus est le beau résultat inattendu qui peut résulter d'un échange honnête et sans façons. »

Nathalie Jolivert. « …Je pense que l'architecture peut servir à faire la promotion culturelle d'un lieu. L'architecte possède ainsi une responsabilité sociale dans sa contribution, en tant que citoyen, dans la consolidation de l'autodétermination culturelle de la société dans lequel il/elle évolue. » Isabelle Jolicoeur.

130


Et le plus important de tout, ce mémoire m’aura permis d’une certaine manière de com-

prendre mon rôle en tant que future architecte. Il est vrai, qu’en ayant acquis des connaissances extérieures, l’architecte a tendance à exercer son acquis peu importe le territoire. Mais le travail de l’architecte est beaucoup plus complexe que nous le pensons. Par ce mémoire, nous arrivons à saisir la sensibilité du métier de l’architecte en reconnaissant la valeur d’un lieu et de sa culture propre. Malgré la globalisation, on ne peut se permettre d’envahir un espace quelconque et de créer quelque chose sans apprendre du milieu et sans penser à son contexte. Le but ce n’est pas de créer de beaux objets que l’on dépose dans un milieu donné sans se soucier du bien être de gens qui comptent y vivre pendant des années. En plus de son attrait artistique et esthétique, la création d’un architecte doit résulter de cette prise de conscience humaniste à laquelle sont rattachés le lieu, son climat et sa culture.

131



«What really bugs me is when people warn of «a loss of culture,» which was only defined by arbitrary borders and names of countries in the first place. Culture doesn’t dissapear, it just evolves, develops, and changes. I’m optimistic about this, and I see old cultures being forced to co-exist, and in turn generating new ones that already are or will be more open-minded and accepting.» Unknown




Bibliographie / Filmographie

Allen J. Scott. The City: Los Angeles and Urban Theory at the End of the Twentieth Century University of California Press ,1998

Anghelen Arrington Phillips. Gingerbread Houses. Haiti’s Endangered Species. Éditions Henri Deschamps. 2000.

Auger Marc. La Communauté illusoire. Rivage. Paris 2010

Bajac, Quentin. Dreamlands, Des parcs d’attractions aux citées futures. Catalogues du M. Centre Georges Pompidou Service Commercial, 2010

D’Ans André Marcel. Haïti : Paysage et Société. Editions Karthala. Paris 1987

Davis, Mike. Au-delà de Blade Runner: Los Angeles et l’imagination du désastre. Editions Alias 2006

Davis, Mike. City of Quartz : Los Angeles, capitale du futur. Editions La Découverte, 2006.

Davis, Mike. Le Stade Dubai du capitalisme. Les Prairies Ordinaires, 2007.

Davis, Mike & Monk, Daniel B. Paradis Infernaux, Les villes hallucinées du Néo-Capitalisme. The New Press, New York, 2007

Divorne, Françoise. Ville, Forme, Symbolique, Pouvoir, Projets Institut Français d’Architecture, Mardaga, Bruxelles, 1986

Doucet, Jean. Architectures Modernistes en Martinique (1927-1968) Somogy Editions d’Art, Paris 2012. 136


El Croquis 52, Zaha Hadid (1983-1991) El Croquis, Barcelò, 2007

Flouquet, Sophie. L’Architecture Contemporaine. Editions Scala, 2004

Frampton, Kenneth. L’architecture Moderne, une histoire critique. Editions Philippe Sers, 1985.

Frampton Kenneth, The Anti-Aesthetic. Essays on Postmodern Culture. Toward a Critical Regionalism : Six points of an architecture of résistance » Hall Foster, Bay Press, Port Townsen. 1983.

Fréret-Filippi, Manolita. Camille Albert: Une Architecture entre éclectisme, historicisme et régionalisme. Créaphis 2009

Harvey, David. Géographie de la domination. Les Prairies Ordinaires, 2008

Harvey, David. Le Capitalisme contre le droit à la ville. Néolibéralisme, Urbanisation, Résistances. Éditions Amsterdam 2011.

Homi K. Bhabha. Les Lieux de la culture, une théorie postcoloniale. Éditions Payot et Rivages, Paris, 2007.

Hublin, Anne. Case Créole et Ville Coloniale aux petites Antilles Françaises. Recherche Architecturale liée à l’Enseignement. École d’Architecture Paris Villemin. 1993

Klein Richard; Baudry Gaspard. Réalismes et expérimentations: tendances et hésitations de l’architecture moderne de l’entre-deux guerres. Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris 2007 137


Koolhaas Rem, Junkspace : Repenser radicalement l’espace urbain Éditions Payot. Janvier 2011

Koolhaas Rem, New York Delire : Un manifeste rétroactif pour Manhattan. Éditions Parenthèses, 2002

Le Corbusier. Vers une Architecture. Éditions Flammarion, 2005

Le Couédic, Daniel. La remanance des régionalismes. Cité de l’Architecture et du Patrimoine. DVD , Collections Cours Publics 2007-2008.

Loyer, François et Toulier Bernard: Le Régionalisme, Architecture et Identité Idées et Débats, Éditions du Patrimoine, Paris, 2001

Magnaghi, Alberto. Le Projet local. Bollati Bolinghieri, Torino, 2000.

Mangin, David. La Ville franchisée. Éditions de la Villette, 2004

Mongin Olivier. La Condition urbaine : La ville à l’heure de la mondialisation Éditions Points. 2007

Mongin Olivier. La Ville des flux, l’envers et l’endroit de la mondialisation urbaine. Librairie Arthème Fayard, 2013.

Ortiz, Fernando. Controverse Cubaine entre le tabac et le sucre. Mémoire d’Encrier, Montréal, 2011

Peck, Raoul, Assistance Mortelle DVD, Port-au-Prince, 2011 138


Plum, Gilles. L’Architecture de la Reconstruction. Éditions Nicolas Chaudun, 2011.

Sassen, Saskia. La globalisation, une sociologie. Gallimard, 2009

Sassen Saskia. The Global City, New York, London, Tokyo. Princeton University Press. 2001.

Tapie, Guy. Maison Individuelle, Architecture et Urbanité. Éditions de l’Aube. 2005

The Prince’s Foundation For the Built Environnement, Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 Final Report July 2011, Duany Plater-Zyberk Planning Paul Crabtree Engineering. Vigato, Jean-Claude. L’architecture Régionaliste, France (1890-1950) Institut Français d’Architecture. Éditions Norma, 1994.

Von Der Linie, Zum Raum, Alvaro Siza, From Line to Space. Heraysgegeben von Rudolf Finsterwalder und Wilfried Wang, Sprnger Wien New York, 2011

World Monuments Fund/ ICOMOS Soutenu par le Prince Claus Fund et FOKAL. La Préservation des maisons de style gingerbread d’Haïti. Rapport de mission après le séisme de 2010. FOKAL, 2010.

139


Médiagraphie INHABITAT : Design will save the world. . «HOK Teams Up With USGBC to Unveil Sustainable Orphanage and Children’s Center for Haiti». www.inhabitat.com . URL : http://inhabitat.com/hok-the-usgbcs-new-sustainable-orphanage-and-childrens-center-in-haiti-uses-biomimicry/ CITÉ DE L’ARCHITECTURE DU PATRIMOINE, Web/TV Conférences , “Le Post-Modernisme et après... Les années 1970 et 1980” . www. webtv. citechaillot.fr URL : http://webtv.citechaillot.fr/video/26-postmodernisme-apres-annees-1970-1980/ ARCHDAILY. “ Puzzle-Piece Homes, A Solution for Rapidly Growing Populations” . www.archidaily.com URL : http://www.archdaily.com/tag/haiti/ FOKAL : Fondation Connaissances et Liberté. “Gingerbreads entre décadence et renaissance” www.fokal.org URL: http://www.fokal.org/fr/index.php?option=com_content&view=article&id=507%3Agingerbreads-entre-decadence-et-renaissance&Itemid=54 SLATE AFRIQUE : “Pourquoi tout le monde est raciste en Haïti” www.slateafrique.com URL : http://www.slateafrique.com/91833/racisme-en-haiti-radiographie-du-mal L’EXPRESS : “Chronologie de Haïti (1492-2011)” www.lexpress.fr URL: http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique/chronologie-de-haiti-1492-2011_495209.html CICR, Comité International de Genève : « Séisme en Haïti : la situation est véritablement catastrophique » www.icrc.org URL : http://www.icrc.org/fre/resources/result/index.jsp?action=w2g_redirect&txtQuery=haiti-earthquake-update-180110 HAITI CULTURE “ Le gingerbread, un patrimoine architectural en péril “ www.haiticulture.ch URL : http://www.haiticulture.ch/haiti_maison_gingerbread_peril.html UNESCO : “ Heritage in Haiti” whc.unesco.org URL : http://whc.unesco.org/en/news/579

140


LE MONDE : “A Haïti, “il y a peu d’architectes et d’ingénieurs pour construire bien” www.lemonde.fr URL : A Haïti, “il y a peu d’architectes et d’ingénieurs pour construire bien”

141


Iconographie Fig. 1 :

Carte des Grandes Antilles Sources : Google Earth editée par S.J. Rameau

Fig. 2 et 3 :

Le modèle “Caney des gens communs à droite et le modèle “Bohio” des caciques à gauche. Sources : D’Ans André Marcel. Haïti : Paysage et Société.

Figure 4 : Vue schématique d’une habitation sucrière.. À gauche : les bâtiments industriels et la sucrerie. Au centre, la plantation de cannes. À droite : les logements : la grand ‘case en haut et les cases nègres en bas. Sources : D’Ans André Marcel. Haïti : Paysage et Société. Fig. 5 : Maison Gingerbread. Sources : Anghelen Arrington Phillips. Gingerbread Houses. Haiti’s Endangered Species. Figure 6, 7 et 8 : Modèles di’inspiration (de gauche à droite) Basque, Victorienne et Palladienne. Sources :http://rugbyfederal.com/forum/viewtopic.php?pid=732037 http://fr.topic-topos.com/maison-d-inspiration-victorienne-croissy-sur-seine http://blog.doctissimo.fr/riesener/palladienne-saint-germain-4000242.html Fig. 9 : Gingerbread du domaine Peabody, Port-au-Prince. Sources : http://haitimesvoyages.blogspot.fr Fig. 10 : Gingerbreads modestes. Dessin de Claude Laurent-Aubert. Sources :http://www.collectif-haiti.fr/extranet_photos.php?piIdCategorie=288 Fig. 11 : Gingerbreads, Détails de plafond. Sources :http://www.wmf.org/content/watch-day-events Fig. 12 : Gingerbreads, toitures. Sources :http://www.haitiwebs.com/showthread.php?t=45974 Fig. 13 : Gingerbread, Gallerie de l’Hôtel Oloffson. Sources :http://bendov.info/picpg/olof/olof.htm Fig. 14 : Gingerbread, Carte postale montrant la façade de l’Hôtel Oloffson. Sources : http://www.harryholcroft.com/gallery_interest.aspx?gallery=8&image=123&page=2 Fig. 15: Gingerbread. Dessin de Claude Laurent-Aubert. Sources :http://www.collectif-haiti.fr/extranet_photos.php?piIdCategorie=288 142


Fig. 16: Architecture de béton à Port-au-Prince. Sources :http://petionville.olx.ht/maison-a-louer-en-haiti-iid-256697406 Fig. 17, 18, 19 :

Matériaux composant l’architecture de béton en Haïti. De gauche à droite : Armature d’acier, sable, ballustrades et claustras. Sources :Photos prises par Guy Rameau.

Fig. 20:

Maisons de béton surempilées, formant presque des bidonvilles. Sources :Photos prises par Guy Rameau.

Fig. 21:

Maisons de béton emmurée. Sources :Photos prises par Guy Rameau.

Fig. 22:

Maison Jean-Marie Façade. Sources :Photo prise par Moéva Rameau

Fig. 23, 24 Maison Jean-Marie en pleine construction. De gauche à droite. Façade et Dos. Sources :http://www.design1haiti.com/architectureconstruction.html Fig. 25, 26:

Maison Jean-Marie Vues de droite. (de gauche à droite ) grande terrasse et Parking. Sources :Photo prise par Moéva Rameau.

Fig. 27

Plan de rez-de-chaussée de la maison Jean-Marie Sources :Dessinée par SJRameau

Fig. 28

Plan du sous-sol de la maison Jean-Marie Sources :Dessinée par SJRameau

Fig. 29 et 30 :

Maison Jean-Marie Intérieur. De gauche à droite : Salon et mezzanine. Sources :Photo prise par Moéva Rameau.

Fig. 31 :

Maison Jean-Marie. Photo de Terrasse. Sources :Photo prise par Moéva Rameau.

Fig. 32 :

La Maison des esclaves au Sénégal, sur l’île de Gorée. Sources :http://histoireontheway.blogspot.fr/2011/11/hercules-de-lhistoire-4-reponses-fiches.html

Fig. 33 :

Maison Jean-Marie : Matérialité Sources :Photo prise par Moéva Rameau.

Fig. 34 : Port-au-Prince, 2010. Désastre Sources :http://lutheran-in-sc.blogspot.fr/2011/02/disaters-and-theology.html 143


Fig. 34 : Port-au-Prince, 2010. Désastre Sources :http://lutheran-in-sc.blogspot.fr/2011/02/disaters-and-theology.html Fig. 35 : Port-au-Prince, 2010. Effondrement du palais national. Sources :http://www.dailymail.co.uk/news/article-1346405/Haiti-earthquake-5-rubble-cleared-year- happened-7bn-aid.html Fig. 36 : Port-au-Prince, 2014. Vue arienne de la capitale. Sources :http://lesailesdelamour.over-blog.com/article-haiti-un-an-plus-tard-65819991.html Fig. 36 : Port-au-Prince, 2014. Vue arienne de la capitale. Sources :http://lesailesdelamour.over-blog.com/article-haiti-un-an-plus-tard-65819991.html Fig. 37 :

Port-au-Prince, 2014. Projet proposé par E. Kevin Shopfer et la firme Tangram 3DS Sources :http://inhabitat.com/harvest-city-floating-islands-to-rebuild-haiti/

Fig. 38 : Port-au-Prince, 2014. Proposition de projet de reconstruction. par Foster Sources :http://archinect.com/news/tag/787/haiti Fig. 39 et 40 : Port-au-Prince, 2014. De gauche à droite, proposition de projet de reconstruction du ministère du commerce et de l’industrie et proposition de reconstruction de la cathédrale Notre Dame de l’Assomption par une firme portoricaine. Sources :De gauche à droite : 3D à l’UCLBP. , http://www.praytellblog.com/index. php/2012/12/20/design-for-new-port-au-prince-cathedral-unveiled/ Fig. 41 :

Port-au-Prince, 2014. Proposition de relogement. Sources : Assistance Mortelle. Raoul Peck DVD

Fig. 42 :

Port-au-Prince, 2014. Projet de la Direction générale des impôts. Sources :Archives stage, UCLBP

Fig. 43 : Port-au-Prince, 2014. Projet de reconstruction de Port-au-Prince par l’’ingénieur haïtien Jean-Lucien Ligondé Sources :http://www.hpnhaiti.com/site/index.php?option=com_content&view=article&id=3864%3Ahai ti-reconstructionles-images-du-nouveau-port-au-prince&catid=2%3Aeconomic&Itemid=6 Fig. 44 :

Port-au-Prince, 2014. Plan d’organisation de la nouvelle Cité Administrative. Sources :La Cité administrative - Lignes directrices d’aménagement. - Rapport de Stage. v

Fig. 45 : Port-au-Prince, 1940 Vue de la Rue Bonne-Foi et cathédrale. Sources :http://www.antanlontan-antilles.com/t_eglises_haiti-rue-bonne-foi_5.htmlv Fig. 46 :

Organisation de l’espace urbain de Port-au-Prince Sources :Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p.47 144


Fig. 47 :

Un ilôt urbain type. Sources :Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p.53

Fig. 48 :

Organisation actuelle de l’îlot à Port-au-Prince. Sources :Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p.54

Fig. 49 :

Un ilôt urbain type. (modification étape 4) Sources :Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p.56

Fig. 50:

Un ilôt urbain type. (modification des coins) Sources :Port-au-Prince Plan Centre-Ville 2011 p.58 et 59

145


Lexique

Blanc : Dans le réel Haitien, le Blanc est vu comme un étranger. Il ne se rapporte pas au sens ethymologique du mot, ni au sens racial du terme. Il a une dimension plus vaste qui détermine une figure sociale occidentale supérieure. Il évoque une certaine supériorité de niveau très subtile. C’est un rapport qui dans l’imaginaire haïtien évoque un certain rapport colonial non exprimé. Entretien avec Jean-Paul Guillobel. Conquistador :des officiers, des explorateurs et plus généralement des chefs d’expédition qui ont exploré puis envahi le Nouveau Monde du xve siècle au xviie siècle. De manière plus générale, on appelle aussi Conquistador, l’ensemble des aventuriers espagnols ou portugais partis à la conquête de l’Amérique. Cet épisode de l’histoire est désigné sous le terme colonisation espagnole des Amériques. Hammond Innes, The Conquistadors, Penguin,2002 Kitch :

Notion qui tend à remompre avec les échelles du temps. Considéré comme “ringuard” et hors du temps. Le terme, entre péjoratif et affectif (« mauvais » goût assumé), reflète toutefois le point de vue esthétique d’individus généralement cultivés et occidentaux[réf. nécessaire] : le kitsch d’un objet est surtout corollaire des goûts de son observateur. Ainsi, l’art rococo, les nappes napolitaines, la boule à neige et les horloges bavaroises ou pendule à coucou sont souvent taxées de kitsch, parfois avec condescendance, ou avec humour.

Lakou

En créole haïtien, le lakou désigne l’espace commun à plusieurs maisons voisines dans lesquelles résident les membres d’une même famille, regroupés autour de la maison du patriarche. Le nom « Lakou » vient de « la cour ». C’est un espace utilisé par tous, dans lequel se trouvent les lieux de la vie quotidienne tels que la cuisine ,la latrine, le tombeau des ancêtres ou encore le temple dédié au loa (esprit vaudou) de la famille. Le lakou peut prendre des formes différentes selon que l’on se trouve dans une zone rurale très isolée ou à proximité d’une ville.

146


Tainos : signifiant « hommes pacifiques, gens de bien » fut la dénomination sous laquelle les Arawaks d’Hispaniola se présentèrent aux Espagnols, avec le souci évident de se démarquer par rapport aux Kariba (Caraïbes) dont ils désapprouvaient très fort les mœurs anthropophages. Ce mot Kariba, parfois noté Kariba, devait évoluer dans nos langues jusqu’à la forme « can nibale » Haïti, Paysage et Société. Aujourd’hui, avec l’éclatement familial et le morcellement des terres, le lakou traditionnel tend à disparaître pour laisser la place à de petites parcelles contenant une seule maison i ndividuelle. » Reconstruire en Haiti : “L’habitat vernaculaire haïtien” Tap-Tap :

Tap-Tap : nom des transports en communs haïtiens. Ce sont des pièces de voitures pick-up recouvertes d’une structure métallique et de bois équipée de bancs pour les passagers. Ils sont reconnus pour leur décors multicolores qui les ornent.

Tontons Macoutes Le terme doit son origine au personnage folklorique du vieux paysan haïtien, qui portait un costume bleu et rouge et un grand sac en bandoulière appelé « macoute ». Dans la tradition haïtienne, ce personnage est devenu l’équivalent du croque-mitaine, du Père Fouettard ou du Bonhomme sept-heures qui effraie les enfants. Les tontons macoutes sont aussi appelés « bonhommes-bâton » en créole. Etzer Charles (préf. Jean Ziegler), Le pouvoir politique en Haïti de 1957 à nos jours, Karthala,1994, pp.168-172

147


Annexe

Entretiens Entretien via e-mail avec l’iarchitecte-urbaniste, Michel Présumé Peux tu me parler des origines de ce projet? de qui est-il formé et pourquoi ont ils voulu avoir recours à des haïtiens pour la réalisation du projet comparativement aux aides internationales arrivées directement sur le terrain? MP : Pour ce qui est de la participation de la Fondation Prince Charles,aux cotés des professionnels haitiens, au grand projet du plan directeur de developpement du centre ville historique de Port-au-Prince, cela a été une décision politique pour, d’une part, obtenir l’assistance technique d’un grand bureau d’étude en planification urbaine et en urbanisme pour travailler avec une équipe de professionnels haitiens à l’élaboration du dit plan, et d’autre part, réduire les coûts du projet. L’idée était d’avoir un plan directeur à la préparation duquel participaient tous les secteurs de la société civile. La Firme qui a realisé les études avec nous s’apelle DPZ Planners and Urbanism. C’est une Firme americaine basee en Floride. le gouvernement haitien avait d’abord déclaré d’utilite publique une aire de 200 ha au centre ville historique de Port au Prince pour le projet, puis créé le Comite de Facilitation de Reconstruction du Centre-ville de Port-au-Prince doté d’un coordonnateur technique dont la fonction me revenait. Ce comité a produit le document que je t’ai passé dans lequel découle le plan actuel de la cité administrative actuellement en exécution avec la contruction des bâtiments publics. Dans le programme, j’ai remarqué que parmi les critères, celle décrétant le respect de la culture et l’identité culturelle en fait partie. A-t-elle été une exigence proposée par les haïtiens ou initialement proposée par la firme? MP : Rien n’a été impose par la Firme DPZ. En fait, les aspects culturels et identitaires découlant de l’histoire de la ville de Port-au-Prince ont été une exigence des différents secteurs impliqués dans la reflexion sur le plan directeur du CV. Sachant qu’aujourd’hui les projets sont en pleine réalisation, penses-tu que ce critère a été respecté dans son intégralité? MP : Les projets en construction actuellements sont des bâtiments publics qui respectent scrupuleusement les nomes minimales prescrites dans le manuel des lignes directrices du plan directeur. 148


Les autres aspects concernent le secteur privé qui malheureusement n’a toujours pas entrepris la recontruction de leur propre propriété. Pourrais-tu me citer quels sont les projets d’architecture inclus dans le plan qui, selon toi ne sont pas identitaires de l’architecture haïtienne? et pourquoi, selon toi? (En pensant aux Gingerbreads et à l’architecture béton depuis Duvalier qui maintenant fait partie de notre identité) MP : Il n’y a pas une architecture type caractéristique des constructions en Haiti. Les architectures changent avec le temps. Donc comme je l’ai mentionné plus haut, I’ll n’y a pas de différence jusqu’a présent. Quelle est l’importance l’identité culturelle en architecture pour toi et penses-tu qu’il faudrait une réforme architecturale dans le pays? MP : Il n’y a pas de doute que l’architecture est l’un des moyens de communiquer au monde l’identité et les traits caréctiristiques d’un pays. Il se trouve qu’Haiti depuis quelque temps, avec la bidonvillisation généralisée du pays, a perdu son identité architecturale puisque le cubisme et les gingerbreads sont noyés dans un amalgame d’une architecture sans non. Je crois comme tu le suggères dans la nécessité d’une profonde réforme de l’architecture en Haiti. Bien sur ceci exige un plan d’urbanisation qui facilite la mise en valeur des traits identitaires et culturels du pays.

149


Entretien via e-mail avec l’iarchitecte en masters Isabelle A. Jolicoeur et Nathalie Jolivert. Quelle est l’importance de l’identité culturelle pour vous et quel est son degré de prise en compte, en prenant pour cas la reconstruction de Port-au-Prince? IAJ : L’identité culturelle, selon moi, devrait être au coeur de nos réflexions sur le processus architectural en Haiti. Si je ne suis pas d’avis que l’architecture peut changer le monde ou une société en difficulté comme l’est Haiti, je pense que l’architecture peut servir à faire la promotion culturelle d’un lieu. L’architecte possède ainsi une responsabilité sociale dans sa contribution, en tant que citoyen, dans la consolidation de l’autodétermination culturelle de la société dans lequel il/elle évolue. A l’heure de la mondialisation, trop de sociétés tentent de se réinventer sous le prisme de la modernité au détriment de leur propre culture. Il ne faudrait pas qu’Haiti tombe dans ce même piège. Considérant l’étendue de l’emprise de la communauté internationale sur la question de la reconstruction en Haiti, on ne peut s’étonner que la question culturelle ne soit pas évoquée quand vient le temps d’établir les grands axes et les normes qui régiront les futurs bâtiments qui constitueront par exemple, le futur centre-ville. A l’échelle territoriale, l’absence de politique culturelle est également a déploré. NJ : L’identité culturelle est extremement importante dans le domaine de l’architecture, surtout dans le contexte de la reconstruction de Port-au-Prince, ville qui a beaucoup souffert de constructions et aménagement de territoire anarchiques à travers le temps. Certaines entités comme FOKAL avec le projet de preservation des maisons gingerbread, et autres compagnies/ONG qui essaient de faire revivre les couleurs d’antan et recréer les atmosphères propices a un pays tropical comme Haiti, arrivent à montrer l’importance de cette identité. Cependant les projets d’envergure nationale, semblent manquer l’opportunité de “vulgariser” l’importance de la culture Haitienne. Quelle meilleure facon de le faire voir a travers des projets publics, tels que parcs, ministeres, centres culturels. Les nouveaux batiments en constructions sont peut etre bien concus au standard international mais la (d’apres moi) nous avons manque l’opportunite de promouvoir la creativite et culture Haitienne... Pensez-vous qu’il faudrait une réforme architecturale en Haïti? IAJ : Je pense qu’il faudrait tout d’abord un encadrement des mesures dans lesquelles l’architecture est crée en Haiti. Aucune instance gouvernementale ne régit ou chapeaute la mise sur pied des nouveaux bâtiments construits en Haiti, que ce soit en terme d’insertion urbaine, sociale (val150


eur ajoutée etc.) ou intégration à l’environnement bâti existant . Le processus architectural n’est que trop souvent régi uniquement par la dimension monétaire ou économique au détriment de la qualité architecturale et toutes les préoccupations socio-culturelles qui y sont liées. Je pense notamment aux bâtiments institutionnels qui sont prévus dans le contexte de la reconstruction de Port-au-Prince. Ces bâtiments devraient, selon moi, faire l’objet d’études et de consultation auprès de comités qualifiés afin de déterminer leur pertinence dans le contexte Haïtien ainsi que leur approche par rapport à la question de l’aménagement du territoire. Un comité pourrait ainsi établir des standards de qualité architecturale et éviter certaines dérives. NJ : Pas necessairement une reforme, mais de meilleures plateformes (serieuses et actives) de discussions et d’echanges. Je trouves que les architectes en Haiti se cachent trop souvent et renforcent l’idee d’un domaine d’elites.... ce qui empeche de vraiment creer les liens sociaux qui manquent dans le pays. Nous avons aussi besoin que les architectes enseignent.... Peut-etre nous faudrait-il une reforme dans les universites d’architecture? et l’etablissement d’un corps national d’architectes et d’ingenieurs... Comment pensez-vous arriver à créer de l’architecture adaptable et identitaire, compte tenu de vos connaissances acquises autre part qu’en Haïti? IAJ : On parle souvent de régionalisme dans d’autres pays. Mais de quoi parle-t-on en Haiti? Je pense que la prise en compte de la culture et de l’histoire de l’environnement dans lequel s’établit l’architecture est extrêmement importante afin de créer une architecture significative dans laquelle les usagers peuvent se reconnaitre en tant qu’individu composant une société unique. Pourtant il ne faut pas tomber dans le piège d’une architecture nostalgique - je pense notamment aux gingerbread - en se bornant à imiter des modèles d’antan. Il faut plutôt rechercher comment intégrer ou transformer un savoir-faire traditionnel ou des formes historiques de manière innovatrice afin de créer une architecture qui s’inscrit dans la modernité. NJ : En ecoutant mes clients et en etudiant le terrain et l’environnement dans lequel je vais concevoir leurs batiments. Les principes de distribution d’espace, d’eclairage, de ventialtion, de composition sont les instruments de base que j’ai appris et que j’applique au chantier en prenant compte de l’environnement et tous les partis impliqués. Je sais par example que ni le bois des maisons gingerbread, ni le beton du mouvement moderne ne conviendra dans certains milieux en Haiti. Je laisse le terrain et les gens d’une zone influencer mes connaissances.... Je pense que ce qui m’inspire le plus est le beau resultat inattendu qui peut resulter d’un echange honnete et sans façons.

151


Quel sera votre rôle en tant qu’architecte sur le territoire une fois sur le marché du travail? IAJ : Tel que dit plus haut, je pense que l’architecte représente un des nombreux maillons d’une chaine qui doit contribuer, à sa manière, à l’autodétermination et la promotion culturelle de la société dans lequel il/elle pratique. NJ : Sur le marché du travail, mon role est de satisfaire mes clients et les aider à visionner leurs bâtiments “tojours” en prenant compte de leur contexte urbain (ou rural). Je pense que dans un pays comme Haiti, ou le transfert de connaissance n’est pas évident, mon role est aussi d’apprendre de mes aines et de creer le temps de transferer mes connaissances lorsque je pense avoir accumulé assez d’experiences.

152


Annexe

Images

Gingerbread. modeste Dessin de Claude Laurent-Aubert.

Toile de Gingerbread. modeste. (Artise inconnu)

153


154


Ballustrades et claustras en ciment et en bĂŠton.

155


Vue du plafond , Maison Jean-Marie.

Accès à la mezzanine, Maison Jean-Marie.

Projets de reconstruction de Port-au-Prince, Habitat collectif sur le morne du Canapé-Vert.

156


Projets de relogement à Morne Cabrite, en pleine exécution.

Transport typique haïtien, le Tap-Tap

157


158


159


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.