Sarah Sauvin - Estampes - Collected - Mai 2020

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COLLECTED

SARAH SAUVIN MMXX



SARAH SAUVIN

COLLECTED

sarah-sauvin.com

MMXX



À l’occasion de notre participation aux deux salons de l’estampe en ligne organisés par la London Original Print Fair et par l’International Fine Print Dealers Association, nous présentons ce catalogue COLLECTED qui réunit un ensemble d’estampes de notre galerie et de nouvelles acquisitions. Le mot collected est employé en anglais pour désigner un recueil, mais il peut signifier aussi calme et résolu dans l’épreuve. À tous ceux qui nous connaissent et à ceux qui découvriront ici notre galerie nous souhaitons bienvenue et bonne santé ! Maurice et Sarah Sauvin


1. Albrecht DÜRER (1471 - 1528)

La Femme vêtue de soleil et le Dragon à sept têtes - c. 1497 Bois gravé, 392 x 279 mm. Meder 173, Bartsch 71. Épreuve de l’édition latine de 1511 avec le texte latin au verso, les mots iohannes (ligne 1) et bestiam coccineā (ligne 2) remplacés par Iohan̄es et bestiā coccineam. Avant les cassures dans le bois visibles sur les épreuves des tirages ultérieurs. Très belle épreuve imprimée sur papier vergé, rognée sur le trait carré ou très légèrement à l’intérieur dans l’angle inférieur gauche. Très bon état. Quelques courts plis de manipulation. Au verso, petits restes de papier de montage et quelques annotations au crayon. Un numéro 10 à la plume. Provenance : Karl Eduard von Liphart (18081891), sa marque de collection imprimée au verso (Lugt 1687).

La Femme vêtue de soleil et le Dragon à sept têtes est, après la planche de titre, la dixième planche de la série de L’Apocalypse de Dürer. Elle illustre un passage du chapitre XII de L’Apocalypse de Saint Jean, notamment les versets 1 à 5 qui décrivent l’apparition de la Femme vêtue de soleil et du Dragon roux à sept têtes, préfiguration de la Bête de l’Apocalypse.





2. Albrecht DÜRER (1471 - 1528

La Mise au tombeau - c. 1497/1500 Bois gravé, 389 x 278 mm. Meder 123, Bartsch 12. Édition de 1511. Planche de la série de la Grande Passion sur bois. Épreuve de l’édition de 1511, avec le texte latin imprimé au verso. Superbe épreuve très homogène et brillante, imprimée sur papier vergé. Parfait état de conservation. Filet de marge tout autour du trait carré. La Grande Passion sur bois comporte 11 planches accompagnées d’un frontispice, dont la réalisation s’est étendue sur plus de dix ans. Albrecht Dürer a gravé sept planches entre 1497 et 1500 (dont La Mise au tombeau) puis quatre autres planches et un frontispice vers 1510. Les trois plus anciennes planches de la Grande Passion : Le Christ au jardin des oliviers, La Flagellation et La Mise au tombeau, se rapprochent stylistiquement du premier groupe de planches de L’Apocalypse. Elles « se distinguent par une très grande richesse de détails et d’effets picturaux » (S. Renouard de Bussierre, p. 104). La Mise au tombeau est parfois titrée La Déposition. Elle réunit en effet ces deux sujets traditionnels du cycle de la Passion : on aperçoit à l’arrière-plan la croix où le Christ était cloué et sur la droite de la gravure s’ouvre l’extrémité du tombeau où son corps va être déposé. La planche de Dürer comprend également une scène de Lamentation : Marie-Madeleine tient la main du Christ mort tandis que la Vierge s’évanouit de douleur. Référence : S. Renouard de Bussierre : Albrecht Dürer, œuvre gravé, 1996.





3. Albrecht DÜRER (1471 - 1528)

L'Arrestation du Christ - 1510 Bois gravé, 399 x 282 mm. Meder 116, Bartsch 7. Édition de 1511. Planche de la série de la Grande Passion sur bois. Épreuve de l’édition de 1511, avec le texte latin imprimé au verso. Très belle épreuve imprimée sur papier vergé. Très bon état général. Deux taches très claires dans l’angle supérieur gauche, une très petite déchirure de 7 mm restaurée dans l’angle inférieur droit. Filet de marge tout autour du trait carré. L'Arrestation du Christ fait partie des quatre planches que Dürer grave en 1510 pour compléter sa série de la Grande Passion sur bois. Maxime Préaud note que « l’intensité dramatique de cette planche, une des plus belles de tout l’œuvre gravé de Dürer, est extraordinaire. Avec une technique proche du clair-obscur, une composition simple et rigoureuse, Dürer rend sensibles la brutalité de la soldatesque, la résistance du Christ et son dégoût accablé du baiser de Judas. ». Il remarque que l’arrestation du Christ se double ici « d’une scène annexe que Marc seul raconte : « Or il y avait un jeune homme qui le suivait, couvert d’un simple drap ; et comme on voulut se saisir de lui, il abandonna son drap et s’enfuit tout nu des mains de ceux qui le tenaient. » (Marc, XIV, 51-52). » (Préaud, p. 48 et 51). Références : Maxime Préaud : Albert Dürer, catalogue de l’exposition à la Bibliothèque nationale, 1971.







4. Albrecht DÜRER (1471 - 1528)

St Christophe tourné vers la droite - 1521 Burin, 117 x 77 mm. Meder 52 b/d, Bartsch 52, Hollstein 52. Impression Meder b, « légèrement brunâtre » (« bräunlich » selon Meder), avant les éraillures sur les doigts de l’Enfant Christ et dans la lumière. Très belle épreuve imprimée sur papier vergé. Épreuve en très bon état, rognée sur trois côtés à l’extérieur ou sur la cuvette, filet de marge au bas ; infime manque dans la marge inférieure droite. Très légères épidermures le long du bord gauche au verso. Petite tache claire dans l’angle supérieur gauche. Au verso, marque de collection et date 1602 à l’encre brune (Lugt 365, marque non identifiée). Le catalogue Lugt signale cette marque comme une variante de L. 369 attribuée à un amateur hollandais. Frits Lugt note : « Nagler (Monogrammisten I n° 1628) voit dans cet amateur un Hollandais, puisque la marque figure le plus souvent sur des estampes et dessins de ce pays. » Et il ajoute : « On la trouve fréquemment aussi sur de beaux Dürer. »



5. Albrecht ALTDORFER (c. 1480 - 1538)

Saint Jérôme marchant dans un cimetière - c. 1512/1515 Burin, 122 x 104 mm. Bartsch 22, Winzinger 121, New Hollstein e.24. Bonne épreuve imprimée sur papier vergé filigrané. Filigrane P gothique avec une fleur (ou fleuron à quatre feuilles) très proche de Briquet 8615 (relevé sur un document datant de 1477-1486). Ce filigrane appartient à un groupe (Briquet 8588 à 8653) qui présente de très nombreuses variantes relevées par Briquet sur des manuscrits ou des imprimés dont les dates s’échelonnent entre 1450 et 1560 et dont il lui a « paru impossible », dit-il, d’effectuer « un triage utile ». Franz Winzinger dit que le filigrane P gothique avec une fleur est caractéristique des épreuves de qualité a (sur b) du Saint Jérôme marchant dans un cimetière qui sont selon lui « d’un noir profond, d’une transparence bien nette » [« Tief, scharf durchsichtig »], les épreuves de qualité b étant au contraire « plates, d’impression non homogène, médiocres » [« Flau, ungleich gedruckt, mager »]. Il n’indique pas de filigrane pour les épreuves de qualité b. New Hollstein ne fait pas état de ces différences de qualité mais mentionne également le filigrane P gothique avec une fleur sur les épreuves de tirage ancien. Bien qu’elle possède le filigrane P gothique avec une fleur, notre épreuve présente quelques faiblesses dues à un début d’usure de la plaque : certains traits finement gravés sont faiblement imprimésou absents et certaines ombres sont un peu faibles. De nouveaux travaux, visibles notamment au niveau du bras gauche de Saint Jérôme, qui est ombré de tailles horizontales, et de son pied gauche, ont probablement été effectués afin de pallier cette usure de la plaque. Des épreuves présentant ces mêmes travaux sont conservées à Ratisbonne (c’est l’épreuve reproduite dans le catalogue raisonné par Franz Winzinger), à Berlin (c’est l’épreuve reproduite dans le volume du New Hollstein) et au Metropolitan Museum of Art de New York.


Nous estimons que ces épreuves constituent un 2d état et que les épreuves conservées au Museum of Fine Arts de Boston ou encore au British Museum doivent être considérées comme un 1er état. Les épreuves du Saint Jérôme marchant dans un cimetière, du 1er ou du 2d état, sont toutes très rares. Superbe état de conservation. Filets de marge tout autour de la cuvette (feuille : 124 x 106 mm).


« De toutes les représentations de Saint Jérôme par Altdorfer, celle-ci est certainement la plus fascinante et la moins conventionnelle. » (Talbot and Sheestack (dir.) p. 45, notre traduction) Son originalité réside d’abord dans l’utilisation d’éléments architecturaux qui jouent un rôle important dans la composition. On a rapproché le portail à l’arrière-plan et le mur avec son ouverture carrée et son arche basse de ceux gravés en 1510 par Dürer dans le Christ aux limbes (Meder 121, planche de la suite de la Grande Passion). Dans la gravure d’Altdorfer cependant ces éléments architecturaux sont plus individualisés et jouent un rôle plus important. Franz Winzinger a reconnu dans le grand portail roman ouvragé celui du cloître de l’église Saint Emmeran à Ratisbonne, ville où vivait Altdorfer et où il devint architecte en 1526. Le long mur du cimetière, à propos duquel Giulia Bartrum observe qu’Altdorfer « a transformé un détail architectural trivial en un élément remarquablement dominant de sa composition » (Bartrum p. 189, notre traduction) crée une perspective dynamique, soulignant le départ de Saint Jérôme et du lion vers le désert : l’austérité du mur évoque déjà la pénitence du saint homme. Giulia Bartrum souligne à ce propos « l’importance accordée aux différentes textures du mur » (Bartrum p. 189, notre traduction). Elle remarque également que « le traitement du corps et du drapé révèlent l’influence de l’Italie du Nord, par exemple de la figure du Christ dans la gravure au burin La Descente aux limbes datant de la fin des années 1460, attribuée à Andrea Mantegna (Hind, v, p. 18,9) » (Bartrum p. 189, notre traduction). Mais elle observe qu’Altdorfer a néanmoins innové en adoptant pour dessiner son personnage « un point de vue frontal particulièrement inhabituel ». Notons encore que la posture de St Jérôme courbé, tenant à la main un livre, un crucifix et une pierre pour sa pénitence, sera copiée par le jeune Hans Sebald Beham en 1520 dans Saint Jérôme à l’arche.

Références : Franz Winzinger : Albrecht Altdorfer - Graphik, 1963 ; C. Talbot and A. Shestack : Prints and Drawings of the Danube School, 1969 ; C. S. Wood : Albrecht Altdorfer and the Origins of Landscape, 1993 ; Giulia Bartrum : German Renaissance prints – 1490-1550, 1995.





6. Enea VICO (1523 - 1567)

Rhinocerus - 1542 Burin, 260 à 265 mm x 358 à 362 mm (feuille). Bartsch 47, The Illustrated Bartsch 47. Impression à l’adresse du premier éditeur, Antonio Salamanca (1478-1562), la date 1542 corrigée 1548. De très rares épreuves du Rhinocéros de Vico imprimées par Salamanca sont datées 1542. L’une d’elles est conservée au Rijksmuseum d’Amsterdam (RP-P1903-A-23317). Cet état antérieur n’était pas connu d’Adam Bartsch qui décrit seulement une épreuve datée 1548. Il n’est pas non plus mentionné dans The Illustrated Bartsch (volume 30, Enea Vico, publié en 1985). Une épreuve très usée, conservée au UCL Art Museum de Londres, porte la date corrigée 1558 ; l’adresse de Salamanca est remplacée par celle du graveur et éditeur Giacomo Lauro (c. 1561 - 1645/1650), actif à Rome à partir de 1583 : Iacobus Laurus excudit Romae. Superbe épreuve imprimée sur papier vergé filigrané (deux flèches en sautoir, filigrane dont on connaît de nombreuses variantes, employées selon Briquet en Italie aux 15e et 16e siècles). Très bel état de conservation général. Quelques rousseurs éparses très claires. On peut voir au verso de la feuille une maculature partielle d’une épreuve de La Nativité d’Agostino Veneziano (actif entre 1509 et 1536) (Bartsch, volume 14, n° 17, estampe « très rare » selon lui). Cette gravure datée 1531 ne porte pas d’adresse d’éditeur dans ses premiers tirages. Adam Bartsch mentionne des épreuves imprimées sur la plaque usée à l’adresse d’Antonio Salamanca, ce qui pourrait correspondre à l’époque du tirage de la gravure de Vico vers 1548.



En 1542, Enea Vico, qui a 19 ans, travaille à Rome, notamment pour les éditeurs d’estampes Tommaso Barlacchi et Antonio Salamanca. Il quitte ensuite la ville pour s’établir à Florence, puis à Venise en 1546. Comme bon nombre de ses contemporains, il pratique alors surtout la gravure d’interprétation ou de reproduction, y compris d’œuvres gravées. John Spike note que « dans la seule année 1542, Vico grave des compositions d’après l’Antique, d’après Perino del Vaga, Rosso Fiorentino et Vasari. Il travaille également d’après le Primatice et son compatriote le Parmesan. » (The Illustrated Bartsch, volume 30, Editor’s note, notre traduction). La même année, il reproduit très fidèlement La Vierge assise sur des nues, gravée par Raimondi d’après Raphaël (Raimondi : Bartsch 47 ; Vico : Bartsch 4). Dans The Renaissance Print - 1470-1550, David Landau et Peter Parshall notent que « les copies de gravures étaient normalement exécutées par de jeunes graveurs qui essayaient d’améliorer leur maîtrise en imitant les réussites techniques d’un confrère plus doué, tandis que les copies de dessins, exécutées à la demande d’un éditeur, étaient réalisées par des graveurs talentueux et expérimentés tels que Vico, qui cherchaient à rendre la tonalité de l’œuvre. ». (Landau et Parshall p. 165, notre traduction). Landau et Parshall mentionnent en particulier une gravure réalisée par Vico en 1546 d’après un dessin de Michel-Ange (Plusieurs enfants portant avec peine un cerf dans une chaudière, Bartsch 48), qui « reproduit non seulement avec précision chaque détail de son modèle mais essaie également de restituer les valeurs tonales du dessin par le clair-obscur de la gravure. Le buriniste subordonne son art à celui de l’auteur du dessin : il n’emprunte plus une composition créée par un d’autre pour la recréer dans son propre esprit mais il cherche, aussi fidèlement que le lui permet sa maîtrise et aussi servilement que le lui commande sa conscience ou sa convoitise, à égaler dans un autre medium l’œuvre d’un artiste plus célèbre que lui. » (Landau et Parshall p. 165, notre traduction). Si Enea Vico respecte le moindre détail du très célèbre Rhinocéros gravé par Albrecht Dürer en 1515, sa gravure n’est cependant pas une simple reproduction. Il entend démontrer sa capacité à traduire un chef-d’œuvre de la gravure sur bois dans un autre medium, la gravure au burin sur cuivre. Le souci extrême de la précision ne l’empêche pas de graver une image dont la sensibilité témoigne de sa grande maîtrise technique et de son talent d’artiste.


On notera que la gravure de Vico ne mentionne pas le nom de Dürer comme inventor. De même, l’événement qui fut à l’origine du dessin de Dürer y est à peine évoqué. La légende du dessin puis de la gravure de Dürer relatait en effet un événement contemporain : l’arrivée à Lisbonne en mai 1515 du premier rhinocéros ayant atteint vivant l’Europe depuis l’antiquité romaine. Présenté par le sultan Muzaffar Shah II au gouverneur des Indes portugaises, Afonso de Albuquerque, le rhinocéros avait été envoyé vivant au roi Manuel Ier à Lisbonne, où il était arrivé le 20 mai 1515 et où il avait fait sensation. La même année, envoyé en cadeau au pape Léon X, le rhinocéros avait fait escale à Marseille où le roi François Ier avait réussi à le voir peu avant qu’il périsse dans le naufrage du bateau qui le transportait. « Dürer ne vit jamais l’animal luimême. On suppose qu’il eut connaissance d’une description dans un journal portugais envoyé à Nuremberg, accompagnée d’une sorte de croquis qu’il retravailla dans son dessin. » (Dürer and his legacy, p. 285, notre traduction). La gravure de Dürer eut un grand succès et une influence durable dans l’histoire de l’art. La version d’Enea Vico en est la première copie connue. Elle eut également un succès important. Giulio Bodon note que « la large diffusion de l’image du rhinocéros en Italie auprès des artistes et des chercheurs en Histoire Naturelle est véritablement due à la gravure de Vico, qui a été fréquemment utilisée comme modèle. » (Bodon p. 51, notre traduction)

Références : The Illustrated Bartsch, volume 30, Enea Vico, 1985 ; David Landau et Peter Parshall : The Renaissance Print - 1470-1550, 1994 ; Giulio Bodon, Enea Vico fra memoria e miraggio della classicità, 1997 ; Giulia Bartrum (éd.) : Albrecht Dürer and his Legacy, 2002 ; Christopher L.C.E. Witcombe : Print Publishing in Sixteenth-century Rome: Growth and Expansion, Rivalry and Murder, 2008 ; Sharon Gregory : Vasari and the Renaissance Print, 2012.




7. Nicolas BEATRIZET (1507/15 - c. 1565)

Bataille des Amazones - 1559 Burin, 310 x 815 mm (deux planches). Robert-Dumesnil 98, ii/iv ; Bartsch 98 ; Bianchi 106, ii/v. Impression du 2e état (sur 5) avec la correction de Lothoringus en Lotharingus mais avant l’adresse de l’éditeur Orlandi et la date 1602. Très belle épreuve imprimée à partir de deux cuivres sur deux feuilles de papier vergé raboutées. Filigrane : pèlerin tenant un bâton dans un cercle (proche de Woodward 22, daté c. 1561). Epreuve rognée sur ou à 1 à 2 mm à l’extérieur de la cuvette. Bon état général. Deux petites déchirures restaurées dans le sujet et quelques rousseurs. Béatrizet a représenté ici le bas-relief d’un sarcophage antique du Capitole, aujourd’hui au Vatican. Christopher Witcombe rappelle que Nicolas Béatrizet a commencé à publier personnellement ses gravures à la fin de sa carrière, probablement à partir de 1558, ce qui explique la longue annotation en pied de la Bataille des Amazones, datée de 1559 : à la suite de la description du sujet, Béatrizet précise en effet qu’il est à la fois l’auteur et l’éditeur, à ses propres frais, de cette gravure : Eamque aeneis formis incidit atque in edibus suis suaque impensa Nicolaus Beatricius Lotharingus in lucem ad communem omnium qui rebus antiquis oblectantur utilitatem emisit K. Ian ∞DLIX [Nicolas Beatrizet, lorrain, l'a gravée sur des plaques de cuivres et l'a sortie de ses presses et à ses propres frais à destination de tous ceux qui se délectent de l’Antiquité, le jour des Calendes de Janvier 1559] (notre traduction). En 1602, Giovanni Orlandi rééditera la gravure avec son adresse (3e état). Elle sera rééditée ensuite par Henricus van Schoel qui remplacera cette adresse par la sienne (4e état), avant que la plaque ne rejoigne finalement la Calcografia Camerale de Rome (5e état). Références : Silvia Bianchi, Catalogo dell’opera incisa di Nicola Beatrizet, in Grafica d’Arte n°54 à 57, 2003-2004 ; Christopher L.C.E. Witcombe, Print Publishing in Sixteen-Century Rome, 2008, p. 242 ; David Woodward, Catalogue of watermarks in Italian Printed Maps ca 1540-1600, 1996.





8. Pieter van der BORCHT (c. 1535 - 1608)

La Grande fête des Noces - 1560 Eau-forte, 365 à 367 mm x 505 à 510 mm (feuille). New Hollstein 172, 1er état/2. Impression du 1er état (sur 3 ; sur 2 selon New Hollstein), avec la date 1560 et avant les retouches et la censure. Hans et Ursula Mielke (New Hollstein) mentionnent deux états de cette gravure : sur les épreuves du 1er état, comme celle que nous présentons, la date 1560 figure sous la signature de Pieter van der Borcht, dans l’angle supérieur gauche ; au 2d état, la date est effacée. Il existe cependant des épreuves d’un état intermédiaire où la date est encore présente tandis que la plaque a été retouchée pour pallier son usure mais aussi pour censurer l’image des deux moines attablés à l’extrême gauche de la composition, qui ont été transformés en simples paysans par l’ajout de cheveux sur leur tonsure (Hessel Miedema, p. 193). Une épreuve de cet état intermédiaire (ou 2e état/3) a été présentée par Christie’s le 25 janvier 2017 (mentionnée par erreur comme épreuve du 1er état/2). Les épreuves des trois états sont à l’adresse de l’éditeur anversois Bartholomeus de Momper (1535-1597). Très belle épreuve imprimée sur papier vergé filigrané : huchet dans un écu, très proche de Briquet 7862 (Brabant 1593 et Middelbourg 1591) mais plus grand (54 x 43 mm). Très bon état général. Trois très petits manques triangulaires (10 x 10 mm, 10 x 3 mm et 7 x 3 mm) dans les angles inférieurs et sur le bord supérieur et deux petites déchirures (13 et 17 mm) sur les bords inférieur et supérieur ; petite trace de frottement verticale vers le centre de la feuille.


Provenance : marque manuscrite de collection Z. Biernacki (Lugt 3094) et date 1902 au verso.

La Grande fête des Noces gravée en 1560 par Pieter van der Borcht s’inscrit dans une longue tradition de représentations de kermesses villageoises et de scènes de la vie et des mœurs paysannes dont il est parfois difficile de dire s’il les célèbre et s’en amuse ou s’il dénonce leur immoralité. L’œuvre de Pieter van der Borcht présente un certain nombre de ces tableaux de la vie paysanne qui ont inspiré ses contemporains, notamment Pieter Brueghel l’Ancien. Au centre d’une composition symétrique, la mariée est représentée assise à une table devant un grand morceau de tissu tendu conformément à la tradition. Elle croise les bras avec dignité, marquant par cette réserve qu’elle ne se laisse pas aller aux excès du banquet : on ne voit devant elle aucune nourriture ou boisson. Borcht ne l’a pas flattée : il lui a dessiné de grosses joues et des yeux qui louchent. On retrouve ces traits comiques dans certaines fêtes de noces peintes dans l’atelier de la famille Verbeeck, active à Malines au 16 e siècle (Vandenbroeck, p. 93).


Assis à la table de la mariée, où s’amassent des pièces de monnaie, un greffier prend note des cadeaux apportés par les invités, sous le regard attentif d’une vieille femme. De jeunes garçons se bousculent devant la table, apportant l’un une chaise percée, l’autre un pot de chambre. À leur suite, les invités brandissent chacun leur présent : boîte à sel, tabouret, chandelier, marmite, baratte, quenouille, soufflet, pinces, pots, louche… Le reste du tableau offre le spectacle habituel des banquets avec ses paillardises et ses scènes comiques. Comme le précise Hessel Miedema, on retrouve dans la Grande fête des Noces de Pieter van der Borcht quatre aspects essentiels des représentations de fêtes de noces paysannes contemporaines : les cadeaux à la mariée, le banquet, la musique et la charité. Selon lui, cette estampe aurait été spécialement créée par Pieter van der Borcht pour le marché d’Anvers, dans le but de présenter de façon précise et amusante les coutumes liées au mariage paysan (Miedema p. 194). La danse en est cependant absente, alors qu’elle sera le sujet principal du dessin de Pieter Bruegel, la Danse de Noces rustiques, gravé par Pieter van der Heyden et édité par la veuve de Hieronymus Cock après 1570. Le lien entre la gravure de Pieter van der Borcht et le dessin de Bruegel a été souligné depuis longtemps. Nadine Orenstein notait : « La conception initiale du thème a sans nul doute été inspirée par une gravure de 1560 de Pieter van der Borcht montrant une noce paysanne. » (Orenstein et al. p. 250). On retrouve en particulier dans le dessin de Bruegel la vue plongeante qui permet de découvrir au second plan les invités apportant toutes sortes de cadeaux hétéroclites à la mariée entourée, comme dans la gravure de van der Borcht, d’un greffier et de vieilles femmes.

Références : Hessel Miedema : « Feestende boeren - lachende dorpers. Bij twee recente aanwinsten van hetRijksprentenkabinet » in Bulletin van het Rijksmuseum, Jaarg. 29, n° 4 (1981), p. 191-213 ; Paul Vandenbroeck : « Verbeeck's Peasant Weddings: A Study of Iconography and Social Function » in Simiolus: Netherlands Quarterly for the History of Art, Vol. 14, n° 2 (1984), p.79-124 ; Eddy de Jongh et Ger Luijten : Mirror of everyday life, Genreprints in the Netherlands, 15501700, 1997 ; Nadine M. Orenstein et al. : Pieter Bruegel the Elder: Drawings and Prints, 2001 ; Hans et Ursula Mielke : Peeter van der Borcht, 2004 ; Manfred Sellink : Bruegel, L’œuvre complet, peintures, dessins, gravures, 2007.



9. Étienne DELAUNE (c. 1518 - c. 1583)

Écran avec Médée rajeunissant Aeson - 1561 Burin, 220 x 108 mm. Robert-Dumesnil 314. La gravure porte le titre MEDEA dans le sujet et la date 1561. Belle épreuve, tirée un peu sèche au centre et à gauche, imprimée sur papier vergé filigrané (lettres illisibles). Rognée à la cuvette. Très bon état général, quatre petits trous d’épingle dans les angles. Étienne Delaune choisit ici le mythe de Médée rajeunissant le roi Aeson à la demande de son fils Jason dans la version donnée par Ovide (Métamorphoses, L. VII). Le sujet principal est entouré de figures allégoriques, putti, animaux et ornements. Un miroir similaire, également daté 1561, titré IULIA représente « la mort de Julie, fille de Titus, succombant entre les bras de deux de ses suivantes, à l’action d’un breuvage empoisonné ». (Robert-Dumesnil 315). Étienne Delaune, qui était orfèvre, a produit de nombreux projets d’ornements, le plus renommé étant celui de l’armure d’Henri II dont le décor s’inspire de la rivalité de César et Pompée (1559). Il a également réalisé pour Catherine de Médicis un miroir qui fut transformé ultérieurement en reliquaire (voir ci-dessous). Ses décors étaient souvent inspirés des Métamorphoses d’Ovide, dont sont tirées notamment les scènes figurant sur des dessins d’aiguières conservés à la Bibliothèque nationale de France. Les deux projets de miroirs gravés en 1561 par Delaune sont un cas particulier : ce ne sont pas des dessins mais des estampes. Michèle Bimbenet-Privat remarque en effet que : « ces images de miroirs sont une exception dans l’oeuvre gravé de Delaune, dans lequel dominent des suites d’histoires ou des panneaux d’ornements tous caractérisés par de petites dimensions. Par crainte d’être copié, il est rare qu’un orfèvre diffuse l’image totale d’un objet de son invention, à moins que l’objet n’ait été célèbre ou qu’il n’ait représenté, pour son auteur, une forme de consécration. Le miroir fut-il une commande particulièrement appréciée de Catherine de Médicis ? Delaune voulait-il en faire un usage promotionnel ? » (L’Orfèvre et graveur Étienne Delaune (1518/191583) : questions et hypothèses, in Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 2009, 153-2, p. 644).





10. Giulio BONASONE (c. 1498 - c. 1574)

L’Amour surpris dans les Champs-Élysées - 1563 Burin, 230 x 360 mm au trait carré. Bartsch 101, Le Blanc 141, Massari 185. Impression du 1er état (sur 4) selon Massari, avant l’adresse de Gio. Giacomo Rossi. Belle épreuve imprimée sur papier vergé filigrané (Trois monts dans un cercle surmonté d’une étoile), rognée sur le trait carré, 1 mm à l’intérieur de celui-ci au niveau du feuillage des arbres sur le bord gauche. Petite déchirure restaurée sur le bord supérieur à droite. Adam Bartsch décrit ainsi cette pièce : « L’Amour surpris dans les champs elisées, par les ames des amans qui ont éprouvé son pouvoir pendant leur vie, et qui pour s’en venger, l’attachent à un arbre, et le fouettent avec des bouquets de roses et de fleurs. » Les vers italiens gravés sur la roche indiquent cependant qu’après avoir été fouetté l’Amour relâché retournera nous imposer sa loi dans ce Monde. Bartsch précise que « cette estampe est de l’invention de Jules Bonasone et de ses plus belles pièces, comme elle est de ses plus rares. »





11. Marten van CLEVE (1527 - 1581)

Proverbes - 2e moitié du 16e siècle Burin par un artiste anonyme ; images : ⌀ 150 mm, cuivre : 150 x 305 mm. Hollstein 302-307ad (attribué à Crispin de Passe I ou à son atelier). Ensemble de dix scènes (sur une série de douze) en tondo, imprimées sur cinq feuilles (deux par cuivre). Superbes épreuves d’un tirage ancien, imprimées sur papier vergé filigrané (Crosse de Bâle, proche de Briquet 1311, datée de 1578 et 1579). Bon état général. La lettre gravée sur le pourtour des tondos présente un sens clair qui recouvre un sens érotique : - De koning drinkt (Der König trinckt, besicht sein stroβ) : Le Roi boit et De netdroogster (Was macht ihr hie mein Magdlein fein…) : Le Séchage des filets - Worstmakers (Dasselb sich, Theiβgen, gar nicht…) : Les Fabricants de saucisses et Doedelzakspelers (Habt ihr mein rommel wel betast…) : Les Joueurs de cornemuse - De boogschutter (Hertz lieb, mein pfeil gantz unverfehrt…) : Le Tireur à l’arc et De hennentaster (Daβ ist ein groβe not furwar …) : Le Sondeur de poules - De krijgsman (Ach Rombert, ich muβ schreijen ie…) : Le Soldat et De handwerkende vrouw (Ihr kuβt mich Hanslein daβmans…) : L’Épouse à l’ouvrage - De spreeuwpot (Barblein hallt ewren Sprepott still…) : Le Nid et De opgewonden melkmeid (Ist snel Nelis, zaugt euch darvon…) : La Laitière excitée



Manquent deux scènes : De verloren jeugd (Was dunckt euch liebes Cläβlein fein…) : La Jeunesse perdue et De impotente visser (Moch ich in ewrem weierlein Fischen…) : Le Pêcheur impuissant. Hollstein ne mentionne que 6 scènes de cette série attribuée à Crispin de Passe I ou à son atelier. Ger Luijten les attribue à un graveur anonyme d’après des compositions de Marten van Cleve. Des gravures de cette série sont conservées à la BnF, dans l’album intitulé Facéties, c’est à dire, de choses bouffonnes & grotesques ayant appartenu à Michel de Marolles. L’Albertina, le British Museum et le Rijksmuseum conservent chacun une série de douze scènes sur six feuilles. Rare. Référence : G. Luijten, 'Teljoren in druk: een prentreeks naar Maarten van Cleve met mannen en vrouwen in het rond', in Bulletin van het Rijksmuseum n°49 (2001), p. 153169.



12. Jacques BELLANGE (1575 ? - 1616)

Diane et Orion - 1595/1616 Eau-forte et burin, 470 x 205 mm. Walch 10, 3e état/3, ; Robert-Dumesnil 36 ; Thuillier 54 ; Griffiths & Hartley 38. Impression du 3e état (sur 3) avec l’adresse Le Blond excud ajoutée au-dessous des vers. Belle épreuve imprimée sur papier vergé filigrané (grappe, proche de Griffiths & Hartley 10). Épreuve rognée sur ou à 1 mm à l’extérieur du trait carré. Infimes épidermures dans la partie haute sans manque de gravure. Un infime trou d’épingle sur le poitrail du chien. Très bon état général. Très rare. On ne connaît qu’une seule épreuve du 1er état conservée à la Bibliothèque nationale de France. Au second état, la planche est achevée et signée, et les vers latins ont été ajoutés en pied. Le 3e état correspond à l’ajout, sous les vers latins, de l’adresse de Jean Le Blond (1590/94 - 1666), éditeur parisien qui eut en sa possession au moins dix-huit plaques de Bellange. Antony Griffiths et Craig Hartley ont examiné les filigranes de nombreuses épreuves de Bellange et ils ont observé « que presque toutes les épreuves portant l’adresse de Le Blond sont sur le même papier épais caractéristique, portant le filigrane grappe avec les lettres AB (wmk 2). » (Griffiths et Hartley, p. 126). Le filigrane de notre épreuve est une grappe similaire mais sans les lettres AB. Jacques Thuillier situe Diane et Orion assez tôt dans la carrière de Bellange : « Les chairs sont traitées en pointillé, les étoffes suggérées par de brèves hachures, procédé que Bellange systématise dans ses gravures.



La complication des formes, la minutie de la pointe semblent désigner une date encore modérément avancée. » (Thuillier, p. 237). « On a souvent souligné, dit-il, que Bellange dut connaître la belle composition peinte sur ce sujet par Luca Penni, au moins par la gravure exécutée en 1556 par Giorgio Ghisi. Mais il l’a entièrement transformée en supprimant le paysage – pourtant essentiel, et qu’à l’inverse développera Poussin – et en centrant l’intérêt sur le groupe de la déesse, du géant et du molosse. » Bellange a également gravé sous le sujet ces vers latins : Gaudet amans nympha si raptor Agenore nata Dum sua tergoribus per freta furla vehit Qua mihi nunc Impleut placidam solatia mentem Dum mea sic humeros pulchra diana gravat Ces vers ne sont pas attribués. Nous pouvons les traduire ainsi : Si l’amant de la nymphe, fille d’Agenor, se réjouit, Quand il l’emporte sur son dos parmi les flots rageurs, Quel réconfort emplit alors mon âme de douceur Quand j’ai de ma belle Diane ainsi les épaules alourdies Un dessin à la plume et au lavis brun du même sujet est conservé à la Morgan Library de New York. Selon Jacques Thuillier, il ne s’agit pas à proprement parler d’un dessin préparatoire à la gravure : « non seulement les deux compositions montrent des poses et des proportions très différentes mais l’estampe joue d’un dessin complexe, très fouillé, brisant systématiquement l’élan des courbes et la simplicité des volumes, tandis que le dessin préfère laisser glisser la lumière sur des surfaces lisses. » (Thuillier, p. 280, n°72).

Références : Nicole Walch, Die Radierungen des Jacques Bellange : Chronologie und kritischer Katalog, 1971 ; Antony Griffiths et Craig Hartley : Jacques Bellange, c. 15751616, Printmaker of Lorraine, 1997 ; Jacques Thuillier, Jacques de Bellange, catalogue de l'exposition Jacques de Bellange, Rennes, 2001, p. 237, n°54 ; IFF, 17e, tome 1, page 343, n°41.



13. Jacob MATHAM (1571 - 1631)

Cupidon conquérant Pan, couronné par Vénus et Junon - c. 1596 Burin, 408 x 275 mm. NH 179, 2e état/5. Impression du 2e état/5 avant l’ajout de l’adresse de F. de Wit dans les nuages sous Pan. Au 4e état cette adresse est effacée et les nuages regravés sont légèrement différents. Très belle épreuve imprimée sur papier vergé filigrané (Armoiries à la fleur de lys). Très bon état général. Epreuve rognée à la cuvette. Une rousseur sur le bras de la femme de gauche et deux petites taches claires. Pli de tirage vertical. Le sujet est gravé par Matham d’après la fresque de Giuseppe Cesari, peinte vers 1594-1595, sur la voûte de la Loggia di Corradino Orsini, au Palazzo del Pio Sodalizio dei Piceni à Rome.



14. Aegidius SADELER (c. 1570 - 1629)

Portrait de l'empereur Matthias - 1614 Burin, 662 à 668 mm x 418 à 422 mm (feuille). Hollstein 310, 2e ou 3e état/3. Impression du 2e ou 3e état (sur 3). Le privilège impérial gravé au-dessus des deux lignes apparaît au 2e état, l’adresse de Marco Sadeler au 3e état. La tablette rognée ici sous la date ne permet pas de savoir si elle comportait l’adresse. Les épreuves du 1er état sont très rares (une seule épreuve citée dans Hollstein). Belle épreuve imprimée sur papier vergé filigrané (fleur de lys dans un cercle surmonté d’une couronne) rognée sous la date en bas, comme souvent, et juste à l’extérieur de l’image sur les trois autres côtés. Bon état général. Une petite déchirure de 10 mm en tête, deux petites déchirures de 14 mm deux de 5 mm en pied et quelques petits plis verticaux ; un petit trou de 2 mm dans l’angle inférieur gauche, quelques infimes manques sur les bords de la feuille et quelques infimes épidermures dans le sujet. Aegidius Sadeler, né vers 1570 à Anvers, qu’il quitte très tôt avec sa famille, est devenu le graveur attitré de trois empereurs successifs de la maison de Habsbourg, Rodolphe II, Mathias et Ferdinand II. Dorothy Limouze remarque que si les portraits de cour de Sadeler sont assez classiques, en revanche ses portraits des empereurs Matthias et Ferdinand II sont « tout sauf des représentations typiques et schématiques. Le Portrait allégorique de l’Empereur Matthias est une grande composition, extravagante, truffée d’iconographie politique et d’illusionnisme espiègle. Le portrait naturaliste de Matthias est placé sur un buste sculpté fictif posé sur un piédestal, les épaules recouvertes d’un drapé. La composition est intégrée dans un ensemble de personnifications, à commencer par deux figures dans




les angles supérieurs représentant la Sagesse et la Force d’âme qui tiennent des drapeaux portant les emblèmes de l’empereur. En haut, au centre, des chérubins apportent du ciel la couronne impériale, tandis que les Trois Grâces déversent des fleurs et de l’argent sur l’empereur. Sur les côtés, les figures de Mercure et de Minerve, positionnées comme les célèbres statues des Dioscures à Rome, domptent Pégase (un symbole courant de la Vertu) et transpercent le dragon de l’hérésie. Audessous, les divers sujets de l’Empire et ses ennemis turcs s’agenouillent en hommage, tandis que les figures de la Jalousie et de l’Ignorance sont prostrées tout en bas, au centre. Les références de cette estampe à des compositions telles que le Triomphe de la Sagesse [gravé vers 1600 par Aegidius Sadeler d’après Bartholomeus Spranger] révèlent à quel point Sadeler et d’autres artistes de la cour transposaient dans leurs travaux pour Matthias et Ferdinand II les sujets artistiques humanistes essentiellement laïques du temps de Rodolphe II. Le climat militant politique et religieux de la cour exigeait en effet des programmes symboliques alliant la cause des Habsbourg à celle du Catholicisme. Ce portrait, de même que d’autres œuvres créées par Sadeler pour ces empereurs, eut un impact durable sur l’imagerie des Habsbourg aux 17e et 18e siècles. » (Limouze p. 15 et 16, notre traduction) Références : Dorothy Limouze : « Aegidius Sadeler, Imperial Printmaker » in Philadelphia Museum of Art Bulletin, vol. 85, n° 362 (Spring, 1989), p. 1-24.


15. Abraham BOSSE (1602/4 - 1676)

Les Cinq sens - c. 1638 Suite de 5 planches gravées à l’eau-forte, 255 à 263 mm x 324 à 334 mm. Préaud 163 à 167, Lothe 317 à 321 : L. 317 : 1er état/3, L. 318 à 320 : 1er état/2, L. 321 : état unique. Le titre de chaque planche est inscrit dans un cartouche en bas au centre : VISUS/LA VEVE ; ODORATVS/L’ODORAT, GVSTVS/LE GOVST, AVDITVS/ L’OVYE et TACTVS/LE TOVCHE. Rare série complète du tout premier état avec les noms d’Abraham Bosse et de Melchior Tavernier à l’adresse à la Sphère avant l’ajout du nom et de l’adresse de François Langlois dit Ciartres sur plusieurs planches et avant le remplacement du titre L’Ouïe par Les Plaisirs de la musique. Très belle impression. Les lignes de mise en place du texte sont parfois bien visibles, notamment sur la planche du Goût et de la Vue. Les épreuves sont rognées à 1 ou 2 mm à l’extérieur ou parfois sur le trait carré. Quelques rares petites ou infimes déchirures ou accrocs le long des bords, quelques rares traces de colle ou rousseurs. Deux petits frottements à une planche. Très bon état général. Provenance : collection Marcel Mirault et Madame Mirault: cachet M.M apposé au verso, à l'occasion de la vente de leur collection d'estampes en 1938 (Lugt 1892a).

« On peut probablement dater la réalisation de cette série vers 1638, quatre gravures sur les cinq indiquant l’adresse « à la Sphère », atelier de Tavernier à partir de 1638, et ces estampes étant mentionnées dans l’inventaire après décès de Sarah Pitten, épouse de Tavernier, établi le 16 mars 1638. » (Arch. nat., M.C., VI-223, 16 mars 1638 : « Cinq pl. de cuivre où sont gravés les Cinq sens de nature de Bosse »). » (Sophie JoinLambert, Abraham Bosse, savant graveur, p. 191).


Maxime Préaud précise que ces planches ainsi que d’autres cuivres et estampes mentionnés dans cet inventaire ont été vendues à François Langlois dit Ciartres, le 7 mai 1639 (id. p. 13). On peut supposer que François Langlois ne tarda pas à faire graver son adresse sur les plaques ; ce qui laisserait penser que les tirages ne comportant que l’adresse de Melchior Tavernier datent des années 1638-1639. La série des Cinq sens remporta un grand succès à sa création et fut copiée par des peintres dès le XVIIe siècle, devenant l’une des séries les plus connues d’Abraham Bosse dont elle illustre parfaitement la maîtrise de son art, le souci du réalisme et le goût du raffinement dans les attitudes, sans oublier la truculence qui anime les cartouches anthropomorphes.




16. REMBRANDT HARMENSZOON VAN RIJN (1606 - 1669)

Les Musiciens ambulants - c. 1635 Eau-forte, 138 × 115 mm. Bartsch 119, Biorklund-Barnard 35-8, New Hollstein 141 I/III. Impression du 1er état (sur 3) avant les travaux posthumes sur le vêtement du bébé, les chapeaux des musiciens et les ombres. Seul le premier état de cette estampe est intégralement de la main de Rembrandt. Très belle épreuve imprimée sur papier vergé ; avec les fines lignes horizontales à la base du col de la femme, visibles sur les plus anciennes épreuves du 1er état (Nowell-Usticke). Bon état ; un très-petit accroc sur le bord de la marge supérieure et une petite épidermure d’1 mm derrière la cheville gauche de l’homme. Marges de 2 à 3 mm. Rembrandt a traité de manière récurrente, tout au long de sa vie, le thème du musicien jouant à la porte des maisons dans l’espoir de recevoir une aumône, un thème traditionnel qu’on retrouvera aussi dans l’œuvre d’Adriaen van Ostade. Les Musiciens ambulants n’est pas daté mais le style s’apparente à celui d’autres œuvres gravées par Rembrandt en 1635. Il a déjà gravé auparavant Le Joueur de vielle (NH 75) vers 1631. En 1641, il gravera de nouveau Le Joueur de vielle accompagné par des enfants, jouant à la porte d’une maison (NH 191) et en 1648, Joueur de vielle aveugle et sa famille, recevant l’aumône à la porte d’une maison (NH 243).



17. REMBRANDT HARMENSZOON VAN RIJN (1606 - 1669)

Autoportrait au béret de velours et à la plume - 1638 Eau-forte, 134 x 103 mm. Bartsch 20, Biörklund et Barnard 38-B, New Hollstein 170, 2e état/4. Impression du 2e état/4, le trait délimitant la mâchoire sous l’oreille gauche ajouté mais avant les retouches posthumes. La signature est peu visible mais l’impression est bonne et homogène, alors que le visage de Rembrandt est assez souvent mal imprimé sur les épreuves plus tardives du 2e état. Ici, les traits du visage sont bien lisibles, le regard bien présent. Épreuve imprimée sur papier vergé filigrané (Arms of Bristol A.a. signalé dans New Hollstein pour des épreuves du 2e état). Très bon état général. Epreuve rognée sur ou juste à l’extérieur de la cuvette. Légère insolation de la feuille. Une petite épidermure au verso en tête. Une petite tache claire dans l’angle supérieur gauche. Une infime éraflure en bas au milieu.



18. REMBRANDT HARMENSZOON VAN RIJN (1606 - 1669)

La Décollation de Saint Jean-Baptiste - 1640 Eau-forte et pointe sèche, 128 x 105 mm. Bartsch 92, Biörklund et Barnard 40B, New Hollstein 183, 1er état/3. Impression du 1er état (sur 3), avant les retouches posthumes. G. W. NowellUsticke remarque que même les épreuves anciennes sont claires (« impression light, but reasonably sharp & clear »). Les épreuves les plus anciennes ont de la barbe de pointe sèche dans l’angle inférieur droit, ce qui n’est pas le cas de la nôtre. Elle est cependant encore bien imprimée et n’est pas aussi pâle que les épreuves plus tardives du premier état décrites par Nowell-Usticke comme « very pale and greyish » [très pâles et grisâtres]. Il signale d’autre part une épreuve appartenant à sa collection personnelle, où la zone blanche sous l’épée est retouchée, tandis que les reprises ultérieures ne sont pas encore visibles. Notre épreuve est antérieure à cette retouche. Bonne épreuve imprimée sur papier vergé filigrané (contremarque NB, identique à Hinterding Countermark NB-a_TMH-KG-3761 relevée sur une épreuve du 2d état/2 de L’Homme nu assis au sol, une jambe étendue (New Hollstein 234, gravure datant de 1646). Très bon état général. Un infime trou d’épingle sur la jambe droite du serviteur noir. Petites marges (feuille : 144 x 119 mm). « L’instant choisi est assez inhabituel car dans la tradition picturale on représente habituellement l’instant qui suit immédiatement la décapitation. Rembrandt déroge aussi à la coutume de représenter Salomé lors de l’exécution tenant le plateau sur lequel le bourreau dépose la tête de Saint Jean-Baptiste. » (Hinterding, our translation). Référence : Erik Hinterding : Rembrandt etchings from the Frits Lugt Collection, 2008.



19. Jacob van der DOES (1623 - 1673)

Groupe de cinq moutons - 1650 Eau-forte, 120 x 145 mm. Bartsch tome IV, p. 195 (seule estampe décrite), Hollstein 1, 2e état/2. Très belle épreuve du 2e état (sur 2) avec les retouches et le trait carré, imprimée sur papier vergé filigrané, rognée sur ou à 1 mm à l’extérieur de la cuvette. Très bon état général. Au verso : marques de collections, annotation au crayon : Coll.L, et à l’encre, de la main de Francis Seymour Haden : his only etching and extremely rare. Cette épreuve citée par Hollstein. Provenance : anciennes collections William Esdaile (1758-1837) (Lugt 2617), Saint John Dent († vers 1884) (Lugt 2373), Francis Seymour Haden (1818-1910) (Lugt 1227), Paul Davidsohn (1839-1924 ?) (Lugt 654), Thomas Graf (18781951) (Lugt 1092 a). Arsène Bonafous-Murat, catalogue (juin 1993) n°7. Cette épreuve figurait dans la vente de la collection Paul Davidsohn sous le numéro 1303 : « Gruppe von fünf Schafen. B. 1. Vorzüglicher früher Abdruck. Aus den Sammlungen Esdaile, Dent und Haden. Selten. » [Groupe de cinq moutons. B. 1. Superbe épreuve ancienne. Des collections Esdaile, Dent et Haden. Rare.] (C.G. Boerner, Sammlung Paul Davidsohn, Kupferstiche alter Meister, 1re partie, Leipzig, 3. - 8. Mai 1920). Adam Bartsch écrivait à propos de cette gravure : « Van der Does n’a gravé qu’une seule estampe qui offre un groupe de cinq moutons et qui peut être rangée à côté des plus belles productions que des peintres nous aient fournies en ce genre. Cette belle estampe est d’une rareté si extrême qu’elle manque dans la plupart des collections les plus riches et les mieux assorties. On la cherche inutilement dans les catalogues de vente des plus fameux cabinets, tels que ceux de Marcus, van der Dussen, Nyman, Maarseveen, Ploos van Amstel, etc. Aussi a-t-elle été ignorée par tous les auteurs qui nous ont donné des notices sur les graveurs et leurs ouvrages : il n’y a que le seul Basan qui en fasse mention, quoique d’une manière très erronée ; car en attribuant à notre Van der Does divers petits paysages ornés d’animaux, il montre clairement qu’il regarde comme faisant partie d’une suite de plusieurs pièces une estampe qui n’a jamais existé autrement qu’isolée ».



20. Reinier NOOMS, dit ZEEMAN (1623 - 1667)

Nouvelles inventions de Combats Navaeles (Nieuwe Scheeps Batalien) - c. 1652/1654 Eau-forte et pointe sèche. Titre : 178 x 260 mm ; planches : environ 180 x 263 mm. Hollstein 1 à 8. Très rare suite complète des 7 planches en 2e état/3 avant la réduction du cuivre en haut ; le titre en 3e état/7 à l’adresse de Clément de Jonghe. Très belles épreuves imprimées sur papier vergé filigrané (Folie à sept pointes et contremarque difficile à identifier). Bonnes marges (feuilles environ 292 x 347 mm chaque). Un petit manque restauré dans l’angle supérieur droit de la feuille à la pièce de titre. Bon état général. La peinture des batailles navales était le sujet de prédilection de Reinier Nooms, dit Zeeman. Hollstein situe la publication de cette série à l’époque de la première guerre anglo-néerlandaise (1652-1654). Des textes de propagande pro-guerre figurent en effet sur les dessins préparatoires à la pièce de titre qui sont conservés à Londres. La première planche représenterait la rencontre entre les flottes de l’amiral néerlandais Maarten Tromp et du général Robert Blake, dans la Manche, le 29 mai 1652.



21. Jean LEPAUTRE (1618 - 1682)

Saint Jérôme dans la solitude Eau-forte, 188 x 127 à 130 mm. Inventaire du Fonds Français 84. Très belle épreuve imprimée sur papier vergé filigrané : grande lettre B (peutêtre de la famille des papetiers Le Bé) surmontant un écu simplifié contenant les initiales CB. Très bon état de conservation. L’épreuve est rognée au trait carré ; une petite tache claire dans l’angle supérieur droit. Provenance : Reverend J. Burleigh James (milieu du XIXe siècle) : sa marque de collection au verso (Lugt 1425). Maxime Préaud précise que cette pièce est gravée par Jean Lepautre « à la manière de Guido Reni » (IFF p. 83). Jean Lepautre est « surtout connu pour ses compositions ornementales » mais il a gravé davantage de pièces « non décoratives » où se révèle « une manière de gravure simple et directe, sans remords ni remorsures, d’un style qui lui est propre, bien qu’il se montre en plusieurs occasions un artiste attrape-tout, pastichant Della Bella, Herman Van Swanevelt, Chauveau ou La Hyre ou même Callot. » (IFF p. 56). Rare.



22. Ludolf BAKHUIZEN (1630 - 1708)

Suite de dix paysages marins - 1701 Eau-forte, environ 177 x 237 mm chaque, sauf 195 x 257 mm pour la première. Bartsch 1 à 10, Hollstein 1 à 10, 3e état/3. Série complète de 10 eaux-fortes, accompagnées comme à l’ordinaire de la planche portant le titre D'Y Stroom en Zeegezichten geteekent en geetst door LUDOLF BAKHUIZEN, Anno 1701 In Amsterdam et du portrait de Bakhuizen gravé à la manière noire par J. Gole. Impressions de l’état définitif, les numéros effacés, sur feuilles de papier vergé filigrané (armes d’Amsterdam, nom d’un papetier et date 1751). Excellent état général. Quelques rares rousseurs pâles. Trous de brochures anciens dans la marge de gauche. Toutes marges non rognées (feuilles : 325 x 415 mm). Les marines sont l’un des thèmes de prédilection de Bakhuizen. Cette série de dix planches gravées en 1701 représente divers ports et fleuves, dont la baie de l’IJ à Amsterdam et le Maas à Rotterdam. La vue d’Amsterdam, figurée sous les traits d’une déesse tenant les armes et transportée dans le char triomphal de Neptune est une allégorie de la puissance commerciale et maritime de la ville au XVIIe siècle. Les planches suivantes, détaillant des scènes familières situées dans des ports, le long d’une rivière ou d’un bord de mer, donnent à voir une grande variété de vaisseaux, yachts, hourques, chaloupes, poussés à flot, voguant ou mis à la carène.



23. Jean-Étienne LIOTARD (1702 - 1789)

Petit autoportrait gravé - c. 1731 Eau-forte, 117 x 100 mm. Tilanus 1 ; Roethlisberger et Loche 18. Contre-épreuve a, imprimée sur papier vergé, d’un 1er état (sur 3) dont on ne connaît aucune épreuve ; avant de nouvelles tailles sur les cheveux, le visage et le fond. Feuille : 123 x 107 mm. Monté à claire-voie sur un feuillet de papier vergé (240 x 165 mm). Au verso, annotation ancienne au crayon : Liotard dessiné et gravé par lui-même ; au-dessous marque de collection à l’encre : Soliman Lieutaud 1839 (Lugt 1682). Provenance : Soliman Lieutaud ; Hippolyte Destailleur. Si Liotard a peint ou dessiné vingt autoportraits, à l’huile, au pastel, à la craie ou sur émail, il n’en a gravé que deux : le premier vers 1731, le second cinquante ans plus tard, vers 1780. Il a environ trente ans lorsqu’il grave cet autoportrait vu de trois-quarts en gros plan, fort inhabituel (Leeflang, 2011), dont les boucles de cheveux en désordre évoquent les autoportraits échevelés de Rembrandt au même âge. La datation de l’œuvre reste incertaine : 1730 (Leeflang, Rijksmuseum) ; 1731 (R.M. Hoisington) ; 1732 (date écrite à l’encre sur l’épreuve de l’Album Louis-Philippe - Château de Versailles et de Trianon) ; 1733 (British Museum, The Metropolitan Museum). L’épreuve du 3e état conservée par la Bibliothèque nationale de France porte une annotation, attribuée jadis par erreur à Liotard, qui date l’œuvre de 1733 (Tilanus, 1897). Liotard semble un peu plus âgé que sur l’autoportrait peint à l’huile en 1727 que Tilanus jugeait très ressemblant (Tilanus, 1897, p. 140). Roethlisberger et Loche estiment qu’il n’existe pas d’indice probant permettant de dater précisément cette gravure. a

Une contre-épreuve se réalise en pressant une épreuve fraîchement imprimée sur une feuille de papier afin de reproduire dans le même sens le dessin gravé sur la plaque.


L’autoportrait gravé présente un avantage pour le peintre : tandis qu’il doit toujours graver un sujet à l’envers sur la plaque pour qu’il s’imprime à l’endroit sur le papier, il peut graver par contre son visage tel qu’il le voit dans un miroir. C’est très probablement ce qu’a fait Liotard, qui a écrit en bas dans la planche : dapres nature, pour souligner qu’il avait gravé son portrait directement sur la plaque vernie, sans l’aide d’un dessin préparatoire (Hoisington, 2013, p. 95).


Il ne subsiste aucune épreuve connue du 1er état de cette gravure. On ne connaissait jusqu’à présent qu’une contre-épreuve conservée par la Fondation Custodia (collection Frits Lugt) décrite dans le catalogue de Roethlisberger et Loche sous le n°18 : « Contre-épreuve, tirée presque certainement par l’artiste d’un premier tirage inconnu, peut-être pour comparaison avec le dessin préliminaire présumé. » (Roethlisberger et Loche, p. 244 ; ill. p. 243, fig. 24). Si l’existence de deux contre-épreuves atteste qu’il a été tiré au moins une épreuve d’un premier état, il est très douteux par contre que Liotard ait copié un dessin préliminaire : il n’aurait pas écrit sinon dapres nature sur la plaque. On peut supposer plutôt qu’en l’absence de dessin préparatoire, il a imprimé ces contre-épreuves pour mieux voir le dessin gravé sur le cuivre et pouvoir placer exactement les nouvelles tailles sur la chevelure, le visage et le fond, qu’on peut voir dans les épreuves du 2e état. A moins qu’il ait voulu imprimer ces contre-épreuves pour représenter son « autoportrait dans le miroir »… Les épreuves de ce premier autoportrait gravé de Liotard sont rarissimes. Dans l’article consacré à l’acquisition d’une épreuve du 2e état par le Rijksmuseum (Bulletin 59 n°2, 2011) H. Leeflang en recense seulement six, en comptant la contre-épreuve du 1er état conservée par la Fondation Custodia a. Le British Museum, le Metropolitan Museum of Art b, le Château de Versailles et de Trianon (Album Louis-Philippe) et le Rijksmuseum c conservent chacun une épreuve du 2e état. La Bibliothèque nationale de France conserve une épreuve tirée en brun clair du 3e état (sans la tache sur le bord). Il faut ajouter aujourd’hui cette seconde contre-épreuve du 1er état, qui porte au verso la marque de collection de Soliman Lieutaud (1795-1879), peintre et marchand d'estampes à Paris, réputé « l'homme de France qui connaît le mieux les portraits qui ont été gravés » (Faucheux, l'Annuaire des artistes, 1860, p. 182, cité par Lugt). Soliman Lieutaud publia divers ouvrages de

a

« vendue par Christopher Mendez à la Collection Lugt en 1982 » (British Museum, notice n°1852,0214.357) ; Christopher Mendez, Londres (cat.50, 1982, n°19, repr.). Voir aussi : Fondation Custodia, Morceaux choisis.... 1994, n°75, p.162 b « Christie's, Londres, April, 8, 2009 (lot 22); vendor : Helmut H. Rumbler » (Metropolitan Museum of Art, n°2009.229). c Acquise en 2009. « Le Rijksmuseum est particulièrement reconnaissant envers Christopher Mendez pour son aide indispensable dans l’acquisition de l’autoportrait de Jean-Étienne Liotard » (Leeflang, 2011, p. 207).


référence dont plusieurs listes de portraits français gravés. Sa collection de portraits fut vendue à Drouot en février et mai 1881 ; chaque cession dura six jours. Le Catalogue des portraits français et étrangers de la collection de feu M. Soliman-Lieutaud iconophile (7 février 1881) comptait 1375 lots. Le numéro 805 mentionne : « Liotard dess. et gr. par lui-même. Anonyme. 2 eaux-fortes. Rares. ». Ce libellé correspond à l’annotation au verso de notre épreuve, qui pourrait être l’une des deux. Cet autoportrait de Liotard figurait dans un recueil factice in-4, relié au XVIIIe siècle, comportant une centaine de portraits gravés de peintres, sculpteurs, musiciens, médecins et savants du XVIe au début du XIXe siècle. Le contreplat supérieur du recueil portait l’ex-libris d’Hippolyte Destailleur (18221893), architecte, dont la collection d’estampes française du XVIIIe siècle fut vendue en 1890 (Lugt 740). En 2006, l’exposition Portraits d’artistes de la collection d’Hippolyte Destailleur au Musée Carnavalet a présenté un ensemble de dessins provenant de ses albums de portraits. La Bibliothèque nationale de France conserve un ensemble d’albums de dessins et de gravures acquis de son vivant (Fonds Destailleur). Références : Drouot, vente du 7 au 12 février 1881 : Catalogue des portraits français et étrangers de la collection de feu M. Soliman-Lieutaud iconophile ; Fonds du Château de Versailles et de Trianon, INV.GRAV.LP 67.94.1, Jean-Étienne Liotard ; British Museum, 1852,0214.357 : Self-portrait of Jean Étienne Liotard ; Ed. Humbert, Alphonse Revilliod, Jan Willem Reinier Tilanus, La vie et les œuvres de Jean Étienne Liotard (1702-1789) : étude biographique et iconographique, Amsterdam, 1897 ; Morceaux choisis parmi les acquisitions de la collection Frits Lugt réalisées sous le directorat de Carlos van Hasselt 1970-1994, Fondation Custodia, Paris, 1994 ; Hans Boeckh, Bodo Hofstetter, Renée Loche, Marcel Roethlisberger, Liotard : catalogue, sources et correspondance, Doornspijk, 2008 ; Christie’s, Old Master, Modern & Contemporary Prints, vente du 8 avril 2009, lot 22 : Liotard, Self-Portrait as a young Man ; The Metropolitan Museum of Art, 2009.229 : Liotard, Self Portrait as a Young Man ; Rijksmuseum, RP-P-2009-294 : Zelfportret van Jean Étienne Liotard ; Frits Lugt, Les Marques de Collections de Dessins & d’Estampes ; H. Leeflang, 'Acquisitions : The Print Room : A Self-Portrait by Jean-Étienne Liotard from the Artist's Family Holdings', The Rijksmuseum Bulletin 59 n°2 (2011), p. 204-207 ; Rena M. Hoisington, dans Perrin Stein, Charlotte Guichard, Rena M. Hoisington, Elizabeth M. Rudy, Artists and Amateurs: Etching in 18th-century France, Metropolitan Museum of Art, New York, 2013, p. 95 et sq.




24. Giovanni A. CANAL, known as CANALETTO (1697 - 1768)

Veduta immaginaria di Venezia : La casa con l’iscrizione, La casa con il peristilio - 1741 [Vue imaginaire de Venise : La Maison à l’inscription et La Maison au péristyle de six colonnes] Eau-forte, 299 x 217 mm environ chaque. Bromberg 13, état unique, B. 14, 2e état/2 (avec la signature A.C. en bas à droite sous le trait carré) ; Montecuccoli 12 et 13. Superbes épreuves imprimées sur papier vergé filigrané (filigrane aux trois lunes, avec contremarque AS : Montecuccoli 11b : édition du vivant de Canaletto, par Giambattista Pasquali, entre 1752 et 1759). Très bel état de conservation. Un très léger pli vertical de tirage. Pli central normal au milieu de la feuille. Grandes marges (415 x 515 mm). La date 1741 est gravée en chiffres romains sur la maison à gauche. La Vue imaginaire de Venise est la seule gravure datée par Canaletto, qui commença à graver des eaux-fortes au début des années 1740, avant son départ pour l’Angleterre. Le consul anglais Joseph Smith, collectionneur et mécène, fit publier à ses frais l’important recueil de 31 eaux-fortes Vedute Altre prese dai i Luoghi, altre ideate da Antonio Canal […], [Vues représentant des lieux réels et vues imaginaires]. Les vues imaginaires ne portent pas de titre. L’association d’éléments réels et imaginaires avait été exploitée avant Canaletto par d’autres graveurs vénitiens, notamment Marco Ricci, dont un recueil de vingt paysages à l’eau-forte avait été publié en 1730. La manière de graver de Canaletto, faite de tailles que la critique décrit souvent comme ruisselantes, confère à ses vues de Venise leur atmosphère singulière, à laquelle contribuent les personnages mystérieux qui les animent, tel l’homme assis, scrutant l’horizon hors-champ, à l’extrême bord droit de cette Vue imaginaire de Venise. Référence : Une Venise de papier. La cité des Doges à l’époque de Canaletto et Tiepolo, catalogue de l’exposition au musée Jenisch, Vevey, et au musée Cantonale d’Arte, Lugano, en 2005-2006.



25. Giovanni Battista PIRANESI (1720 - 1778)

Perspective d’arches au chaudron fumant - 1749 Eau-forte, burin, gravure au soufre ou crevé de morsure, brunissage. 540 x 400 mm Robison 32, 1er état/7, 1re édition/6 ; Focillon 29 ; Hind 6. Planche VI des Carceri d’Invenzione [Prisons imaginaires] ou Invenzioni capric. di carceri [Inventions fantastiques de prisons]. Épreuve du 1er état (sur 7 selon Robison), le premier plan vide à l’exception de quelques personnages, avant l’ajout d’ombres et de nombreux objets dont cinq bornes de pierre et avant la signature. Première édition (1749-1760). Très belle épreuve imprimée sur papier vergé filigrané : Fleur de Lys dans un cercle (difficilement visible, probablement Robison 5, c. 1748-1760). Bon état général. Légères salissures et quelques petites déchirures marginales restaurées. Deux petites rousseurs dans le sujet. Bonnes marges (feuille : 643 x 522 mm). Dans la préface de son catalogue raisonné, Andrew Robison explique que Piranèse était soucieux de retravailler périodiquement ses plaques. C’est le cas du Chaudron fumant dont il retravaillera la planche pour la seconde édition des Carceri en 1761. Or, cette estampe, dit Robison, était déjà elle-même la reprise d’une planche de la première série gravée par Piranèse : Prima Parte di Architetture, e Prospettive, publiée en 1743. La 3e gravure, intitulée Carcere oscura, est une composition proche du Chaudron fumant, dont certains détails sont repris presque sans changement, telles les deux grandes cordes pendant d’une poulie ou la lanterne accrochée sous l’arche voutée. Robison note cependant des différences significatives entre les deux planches : « A côté des modifications de nombreux détails, le changement le plus intéressant dans la composition du Chaudron fumant est l’ajout de nouvelles volées d’escaliers disparaissant dans l’espace lointain […]. Bien entendu, […] le style du dessin dans le Chaudron fumant est radicalement différent de celui de la Carcere Oscura, mais Piranèse a également créé une certaine ambiguïté spatiale en ajoutant cette fumée particulière qui masque un point d’assemblage dans l’architecture, technique qu’il a développée dans les Grotteschi. » (Early Architectural Fantasies, A catalogue Raisonné of the Etchings, 1986, p. 38).



26. Giovanni Battista PIRANESI (1720 - 1778)

Les Prisonniers sur un éperon - 1749/1761 Eau-forte et burin, 415 x 545 mm. Robison 36, 2e état/6, 1er tirage de la 2e édition ; Focillon 33 ; Hind 10. Planche X des Carceri d’Invenzione [Prisons imaginaires] ou Invenzioni capric. di carceri [Inventions fantastiques de prisons]. Épreuve du 2e état (sur 6 selon Robison) avec les nouveaux travaux notamment la passerelle dans l’angle supérieur droit et la poutre supportant de lourdes chaînes saillant depuis le bord droit, mais avant le chiffre romain. Le tirage a été effectué par Piranèse lui-même en 1761. Il s’agit du tout premier tirage de l’estampe retravaillée par Piranèse, incluse dans la seconde édition des Carceri. Superbe épreuve imprimée sur papier vergé filigrané (fleur de lys dans un double cercle). Excellent état général. Pli vertical médian normal. Toutes marges (feuille : 520 x 780 mm). « Les captifs sont nombreux, ce qui paraît normal dans des prisons. Cependant, ils ne sont pas derrière les barreaux comme on s’y attendrait mais, ainsi que les figures héraldiques ou décoratives des trophées d’armes, assis et liés ou enchaînés à la vue des errants, exposés aux intempéries que l’on devine dans des espaces qui ne sont apparemment délimités que par les bords de la plaque de cuivre. Max-Pol Fouchet écrit assez justement que ‘‘la cruauté de l’image est précisément d’accorder aux captifs un espace semblable à celui de la liberté, mais en réalité accordé pour perdre le condamné dans le vide’’. » (Maxime Préaud, « Les prisons libres et closes de Jean-Baptiste Piranèse », in Revue de la BnF, 2010/2 (n° 35), pages 11 à 17).







27. Giovanni Battista PIRANESI (1720 - 1778)

Vue des restes du derrière du pronaos du Temple de Neptune 1778 Eau-forte, 495 x 670 mm. Focillon 596 ; Hind p. 87. Planche XIV de la suite de 20 planches et un frontispice intitulée Différentes vues de quelques restes de trois grands édifices qui subsistent encore dans le milieu de l’ancienne ville de Pesto autrement Posidinia qui est située dans la Lucanie [Paestum]. Exceptionnelle épreuve d’un état non décrit avant les retouches dans le paysage, avant les lettres de renvoi dans la gravure et avant la lettre en pied. Superbe épreuve, aux noirs très profonds, imprimée sur papier vergé filigrané (fleur de lys dans un double cercle, proche de Robison 36). Annotation à la mine de plomb en bas à gauche dans la tablette vierge : Antiquités de Paestum. Épreuve rognée sur la cuvette en haut, marges étroites sur les côtés et en bas, comme sur les autres épreuves d’essai connues. Bon état général. Un pli vertical à 80 mm du bord droit avec deux petites déchirures de 30 mm restaurées en haut et en bas. Le catalogue de l’exposition consacrée à Piranèse en 1961 par le Smith College Museum of Art, Northampton, signalait la découverte récente de huit épreuves d’états de la série des Différentes vues dans la bibliothèque du Museum of Fine Arts de Boston (dont sept sont numérisées aujourd’hui sur le site du MFA) en notant que « les épreuves de Boston présentent un grand intérêt du point de vue technique car plusieurs n’ont pas encore les puissantes masses d’ombre et de lumière qui seront ajoutées à la fin, comme dans cette planche [planche X de la série], afin de fondre ensemble les formes dans une harmonie baroque. » (Piranesi, p. 40).


Le Museum of Fine Arts de Boston possède une épreuve de la Vue des restes du derrière du pronaos du Temple de Neptune dans un état qui est ainsi non seulement avant la lettre mais également avant l’ajout des grandes masses d’ombre sur les colonnes et au premier plan, et avant certains détails, tel le bâton tenu par le personnage courbé vu de dos sur la droite. Notre épreuve, qui présente ces travaux, est par conséquent intermédiaire entre celle de Boston et l’édition romaine de 1778. D’autres épreuves d’essai sont conservées dans une collection privée italienne. L’une d’entre elles (planche X) a été présentée à l’exposition L’Incisione europea dal XV al XX secolo, à la Galleria civica d’arte moderna de Turin, en 1968, et est reproduite au catalogue (n°206). Une épreuve avant la lettre de la planche V de la série a été vendue chez Sotheby’s le 29 juin 1987 (The British Rail Pension Funds : The Collection of Old Master Prints : vente à Londres, Sotheby's, 29 juin 1987, n°88) Références : Piranesi, catalogue d’exposition, Smith College Museum of Art, Northampton, 1961 ; L’Incisione europea dal XV al XX secolo, catalogue d’exposition, Galleria civica d’arte moderna, Turin, 1968.


28. Renée Élisabeth MARLIÉ-LÉPICIÉ (1714 - 1773)

Les Quatre éléments, représentés par de jeunes garçons Burin, environ 247 x 160 mm chaque. Portalis et Beraldi p. 662. Charmante et très rare suite complète de quatre planches gravées d’après Edme Jeaurat. Très bon état général. Légère trace brune d’ancien papier de montage au verso en tête et sur le bord droit, légèrement visible au recto sur deux planches. Bonnes marges (feuilles : environ 320 x 215 mm chaque). Provenance : anciennes collections du comte Octave de Behague (1827 ou 18281879) (Lugt 2004), puis de Louis Galichon (1829-1893) (Lugt 1060). Leurs cachets figurent au verso de chaque planche. La section de l’École française du Dix-huitième siècle : pièces en noir et en couleur constituait « le joyau de la collection » d’estampes du Comte Octave de Behague, dispersée en 1877. Louis Galichon avait acquis cette suite lors de cette vente. Elle fut ensuite vendue à Drouot, avec son importante collection, du 4 au 9 mars 1895. Le catalogue de la vente décrit cette série sous le numéro 616 : « Les Éléments, représentés par de jeunes garçons. Suite de quatre pièces gravées par Éth-Marlie Lepicié. Très belles épreuves avec marges. Rares. » Renée Élisabeth Marlié-Lépicié était la femme du graveur François Bernard Lépicié et la mère du peintre et graveur Nicolas-Bernard Lépicié.



29. Jean-Jacques de BOISSIEU (1736 - 1810)

Jean-Jacques de Boissieu. Portrait de l’auteur - 1796. Eau-forte, 290/291 x 230/233 mm (au trait carré). Boissieu-Perez 102, 1er état/8 Superbe et rarissime épreuve du 1er état (sur 8) à l’eau-forte pure avant les travaux à la pointe sèche sur l’épaule et sur le portrait tenu à la main par Boissieu et avant les travaux à la roulette. Epreuve imprimée sur papier vergé rognée à l’intérieur de la cuvette ; petites marges (env. 16 mm tout autour du sujet). Feuille : 322 x 266 mm. Quelques légères rousseurs. Légère trace d’oxydation dans les marges du cuivre à l’ouverture d’un ancien passe-partout. Très bon état. Au verso, trois marques de collection : É.-L. Galichon (Lugt 1058) F. Kalle (Lugt 1021) et D.B. (Lugt 4278). Provenance : - Collection Émile-Louis Galichon (1829 1875). La vente de sa collection à Drouot du 23 au 26 février 1864 comportait deux épreuves de l’autoportrait de Boissieu : une à l'eau forte pure, l'autre avant remplacement du portrait par un paysage. L’épreuve à l’eau-forte pure était décrite sous le numéro 57 : « Portrait de J-J. de Boissieu, tenant un dessin où est le portrait de sa femme (R.1). Superbe épreuve d’eauforte pure. Extrêmement rare. » Le nom de l’acheteur : Amsler, est écrit au crayon dans la marge du catalogue annoté conservé par la Bibliothèque nationale de France : il s’agit de la maison Amsler & Ruthardt, marchands et éditeurs d’estampes à Berlin.



- Collection F. Kalle (1804 - 1875). Sa collection fut vendue à Francfort en novembre 1875 (Lugt 1021). Le catalogue mentionne sous le numéro 172 un « Portrait du maître (Rigal 1). Epreuve extrêmement rare à l’eau-forte pure ». - Les initiales D.B. à l’encre violet pâle (L. 4278) n’ont pas été identifiées par Lugt. Elles figurent également au verso d’une gravure de Jean-Jacques de Boissieu, le Passage du Garigliano (Galerie Paul Prouté, Catalogue N° 100, Paris 1992, n° 291).

Si les épreuves du 4e état de ce Portrait de l’auteur sont rares, celles du 1er état sont quasiment introuvables. Nous ne connaissons que les deux autres épreuves mentionnées par Marie-Félicie Perez : la première appartient à la collection Edmond de Rothschild conservée au Louvre, la seconde à l’une des branches de la famille de Boissieu (reproduite au catalogue p. 227). Alphonse de Boissieu, petit-fils de Jean-Jacques et auteur anonyme du catalogue de l’œuvre gravé de l’artiste publié en 1878, soulignait dans sa préface la grande rareté et la qualité particulière des épreuves à l’eau-forte pure : « Souvent, après l’opération de l’eau-forte, et pour en juger l’effet, M. de Boissieu faisait tirer quelques épreuves connues sous le nom d’eauxfortes pures. Elles sont peu nombreuses et très-recherchées à cause de leur rareté et surtout parce que l’habileté du maître, l’exactitude et la pureté de son dessin, la sûreté de la pointe s’y montrent sans artifice, parce qu’enfin la planche, dans toute la vivacité des morsures de l’eau-forte, donne la profondeur aux noirs de ses empreintes, l’éclat à ses lumières et la chaleur à son coloris. » (Alphonse de Boissieu, Avant-propos du Catalogue raisonné des estampes de J.J. de Boissieu, 1878, dans M.-F. Perez, L’œuvre gravé de Jean-Jacques de Boissieu, Genève, 1994, p. 18)


Notre épreuve ne présente pas encore les travaux à la pointe sèche ou à la roulette qu’on peut voir dans les états suivants sur le fond, sur l’épaule du modèle et sur le dessin qu’il tient à la main (voir cicontre). Le catalogue signale que dans ce premier état « les morsures des étaux sont apparentes sur les marges de cuivre, à l’angle gauche du haut et à l’angle droit du bas ». (Boissieu-Perez, 1994, n°102, p. 227). Les marges de notre épreuve étant étroites, ces morsures ne sont donc pas visibles. Jusqu’au 4e état, J.-J. de Boissieu présente un portrait de son épouse. Au 5e état, le portrait est remplacé par un paysage avec des vaches. On a imaginé que son épouse était décédée. Or, elle n’est morte qu’en 1834, vingt-quatre ans après lui (Boissieu-Perez, 1994, p.227) Références : Marie-Félicie Perez : L’œuvre gravé de Jean-Jacques de Boissieu, 1736-1810, Genève, Cabinet des Estampes, 1994 (reprend et complète le Catalogue raisonné publié en 1878 par Alphonse de Boissieu).


30. Francisco GOYA Y LUCIENTES (1746 - 1828)

El sueño de la razon produce monstruos - 1797/99 [Le Sommeil de la Raison engendre des monstres] Planche 43 de la série de 80 eaux-fortes Los Caprichos [Les Caprices].

Eau-forte et aquatinte, 217 x 150 mm. Harris 78, état III (sur III), 1 re édition (sur 12). Impression de la première édition, la seule sur papier vergé avant les biseaux de la plaque. Imprimée à environ 300 exemplaires en 1799, c’est la seule édition imprimée du vivant de Goya. La seconde édition date de 1855. Superbe épreuve, les nuances d’aquatintes parfaitement imprimées et le titre de la gravure très lisible. L’épreuve est imprimée en noir légèrement sépia sur papier vergé. Très bon état de conservation général. Quelques très petits manques comblés sur le bord de la feuille, quelques petits trous d’épingle dans les angles et une infime épidermure de 1 mm à droite du titre. Bonnes marges ; feuille : 305 x 202 mm. Selon Harris, les feuilles de la première édition mesurent à l’origine 320 x 220 mm. Elles sont très souvent rognées. Le Sommeil de la Raison est la planche la plus célèbre des Caprices. Elle occupe une place à part dans cette suite : Goya avait d’abord pensé la mettre en frontispice.



Un dessin préparatoire conservé au musée du Prado à Madrid est en effet titré Sueño 1° [Songe n°1]. Goya a ajouté au crayon un titre : Ydioma univer / sal Dibujado/ y grabado p.r / Fran.co de Goya/ año 1797 [Langage univer /sel Dessiné / et gravé par / Francisco de Goya / l’an 1797] ainsi qu’une consigne de lecture des Caprices : El Autor Soñando. / Su yntento solo es desterrar bulgaridades perjudiciales, y perpetuar con esta obra de caprichos el testimonio solido de la verdad [L’auteur sommeillant. / Son unique intention est de chasser les nuisibles superstitions et de perpétuer par cet ouvrage de caprices le ferme témoignage de la vérité]. Dans un second dessin, également conservé au musée du Prado, deux autoportraits de Goya se mêlent aux visions entourant le dormeur, renforçant l’identification de l’« auteur sommeillant » à l’artiste. Une inscription attribuée à Goya, écrite en regard de la gravure sur le Manuscrit du Musée du Prado, explicite les rôles complémentaires de l’imagination et de la raison dans la création : « La fantasía abandonada de la razón produce monstruos imposibles: unida con ella es madre de las artes y origen de las maravillas.» [L'imagination sans la raison produit des monstres impossibles : unie avec elle, elle est mère des arts et à l'origine des merveilles]. Goya décida finalement de placer plutôt cette planche en tête de la seconde partie des Caprices. Tomás Harris distingue ainsi deux parties : la première, constituée des planches précédant le Sommeil de la Raison, forme une satire de la folie et de la cruauté de l’Homme dans la société contemporaine de Goya. La seconde partie, ouverte par la planche 43, dépeint plus spécifiquement les Songes, c’est-àdire les visions diaboliques et fantastiques dont l’intention serait de « chasser les nuisibles superstitions ».



31. Francisco GOYA Y LUCIENTES (1746 - 1828)

Unos à otros - 1799 Eau-forte, aquatinte, pointe sèche et burin, 215 x 151 mm. Harris 112, III-1 (sur 12). Planche 77 de la série Los Caprichos [Les Caprices], en tirage de la première édition, 1799. Très belle épreuve imprimée sur la plaque non encore biseautée, avec les contrastes apparents entre les parties claires (têtes des personnages de gauche, haut du corps du picador et dos du « taureau ») et les parties plus sombres. Impression à l’encre légèrement sépia sur papier vergé. Très bon état général. Grandes marges (feuille : 302 x 198 mm). Un manuscrit du musée du Prado, attribué à Goya, explique ainsi cette planche : « Así va el mundo, unos a otros se burlan y torean: el que hacía de toro, hoy hace de caballero en plaza. La fortuna dirige la fiesta y distribuye los papeles, según la inconstancia de sus caprichos. » [Ainsi va le monde : l’on se moque, l’on se joue les uns des autres ; celui qui hier était le taureau fait aujourd’hui le picador à cheval. La fortune préside à la fête et distribue les rôles au gré de l’inconstance de ses caprices (traduction citée par Jean-Pierre Dhainault, Les Caprices, 1999, p. 192)].



32. Charles MERYON (1821 - 1868)

Saint-Étienne-du-Mont - 1852 Eau-forte et pointe sèche, 247 x 130 mm. Delteil 30, Burty 44, Schneiderman 25, 6e état/8. Impression du 6e état (sur 8), l’ouvrier debout au premier étage de l’échafaudage redessiné, les bras écartés au-dessus de la tête, mais avant l’ajout d’une affiche supplémentaire sur le mur à gauche et des inscriptions au faîte du Panthéon. Très belle épreuve imprimée sur papier vergé filigrané Hallines. Très bel état de conservation. Une infime épidermure à droite de la rosace de Saint-Étienne-du-Mont. Toutes marges (feuille : 490 x 322 mm). Rare épreuve. Richard S. Schneiderman n’a rencontré que deux épreuves de cet état dans les 97 collections qu’il a examinées : l’une au Detroit Institute of Arts (Detroit, Michigan), l’autre à New York, dans la collection de Frank W Raysor II. Saint-Étienne-du-Mont est l’une des douze planches de la suite des EAUX-FORTES SUR PARIS gravées par Meryon entre 1850 et 1854. Cette production coïncide avec son déménagement : « En 1850, Meryon quitta son logis de la rue St André-des-Arts, pour aller occuper rue St Etienne-du-Mont - dans la maison marquée de son monogramme sur la planche du Collège Henri IV - « un appartement où les chambres sombres se succédaient comme les cabines dans l'entrepont d'un navire » [Burty La Nouvelle Revue]. C'est dans cet appartement « sombre » qu'il exécuta la partie de son œuvre qui restera comme l'une des plus imprévues et des plus étonnantes manifestations du génie de l'eau-forte : la série des EAUX-FORTES SUR PARIS. » (Loys Delteil, introduction, p. 4)



La maison où emménage Meryon est sise au 26, rue Neuve SaintÉtienne-du-Mont (actuelle rue Rollin, près de la place de la Contrescarpe) : c’est donc un quartier familier qu’il représente en 1852 dans la planche Saint-Étienne-du-Mont, dont le format, vertical et étroit, est identique à celui de Tourelle, rue de la Tixéranderie (Schneiderman 24), autre planche de la série des Eaux-fortes sur Paris. La composition par contre est différente. Tandis que dans Tourelle, rue de la Tixéranderie, la vue sur la rue est dégagée et laisse voir entièrement la tourelle au centre de la planche, dans SaintÉtienne-du-Mont, la façade de l’église au centre est en partie cachée, à gauche par un côté du Collège de Montaigu, à droite, par l’angle du Panthéon. L’image réunit ainsi trois édifices dont l’histoire récente est très différente. Si l’église Saint-Étienne-Du-Mont, qui a peu changé depuis le XVIIe siècle, illustre une certaine permanence du visage parisien, le vieux Collège de Montaigu, fondé en 1314, a été démoli en grande partie entre 1844 et le début des années 1850 pour permettre la construction de la bibliothèque Sainte-Geneviève et l’agrandissement de la place : le collège à gauche de la planche n’est donc plus qu’un vestige promis à une imminente démolition. La construction de l’église du Panthéon, dessinée par Soufflot un siècle auparavant, et dont Louis XV avait posé la première pierre en 1764, s’était achevée sous la Révolution, où elle était devenue un temple républicain avant d’être de nouveau consacrée au culte catholique, puis de nouveau à la mémoire des grands hommes sous la monarchie de Juillet, et d’être finalement reconsacrée au culte en 1851 par Napoléon III. Les travaux représentés dans la planche de Meryon par les échafaudages dressés à l’extrémité du bras nord du transept où s’activent des ouvriers, semblent évoquer l’histoire agitée de l’édifice.





33. Charles MERYON (1821 - 1868)

L’Abside de Notre-Dame de Paris - 1854 Eau-forte et pointe sèche, 150 x 289 mm (sujet), 165 x 298 mm (planche). Burty 52 ; Delteil 38 IV/VIII ; Schneiderman 45 IV/IX Impression du 4e état (sur 9) avant la suppression de la date et les reprises au burin des maisons à droite. Superbe et rare épreuve imprimée en brun foncé sur un épais papier vergé ivoire filigrané (écusson et date 1852). Feuille : 320 x 465 mm. Dans l’inventaire du fonds d’estampes de Meryon « constitué par le duc d’Aumale et légué par lui à l’Institut de France avec l’ensemble de ses collections pour former le Musée Condé de Chantilly », Antoine Cahen mentionne trois épreuves portant le filigrane 1852 : Tourelle, rue de la Tixeranderie (S. 24 iii/v), épreuve imprimée en brun sur vergé (400 x 270 mm, filigrane : 1852) (inv. Est. 327) ; La Pompe Notre-Dame (S. 26 vii/x), épreuve imprimée en brun sur vergé (320 x 375 mm, filigrane : 1852) (inv. Est. 328) ; Le Pont-auChange (S. 40 vi/xii), épreuve imprimée en brun sur vergé (320 x 488 mm, filigrane : 1852), annotée au verso « 1er état / et 1er état du ballon / N°48 », cachet «A.P.» (inv. Est. 324). (A. Cahen, Meryon at Chantilly, Print Quarterly, vol. 21, n°4, décembre 2004, p. 421-430). L’Abside de Notre-Dame de Paris est la planche n°12 des Eaux-fortes sur Paris publiées par Meryon en trois livraisons entre 1852 et 1854. Une feuille de petits croquis pour des détails de l’eau-forte appartenant à F. Seymour Haden et un dessin au crayon de L’Abside de Notre-Dame de Paris provenant de la collection de Jules Niel, prêté par le Rev. J. J. Heywood, figurent au catalogue Exhibition of a selection from the work of Charles Méryon, Burlington Fine Arts Club, 1879, n°69 et 70, p. 34.


Campbell Dodgson, conservateur des estampes et dessins au British Museum en 1921, écrivait que L’Abside de Notre-Dame de Paris est un « chef-d’œuvre célèbre à juste titre, payé plus cher aujourd’hui que n’importe quelle autre estampe excepté quelques gravures de Rembrandt. La composition de la planche, la lumière du ciel et de la façade latérale de la majestueuse cathédrale, la stature des tours et des toits pointus de Notre-Dame dominant les immeubles bordant la Seine, qui sont pourtant massifs mais paraissent insignifiants en comparaison, composent ensemble une image d’un charme et d’une dignité sans pareils. Combien est éloquent, de même, le contraste entre cette sublime architecture sur la berge opposée du fleuve et la scène misérable à l’avant-plan, où des tas de sable sont pelletés dans des charrettes et de modestes barques sont amarrées au quai. » (Campbell Dodgson, The Etchings of Charles Meryon, Geoffrey Holme, London, 1921, p. 18, traduit par nous.). Il oubliait les lavandières au bord de l’eau et le couple conversant sur le quai, dont la femme tient un bébé dans ses bras.


Loys Delteil partageait cette admiration pour L’Abside de NotreDame de Paris, qu’il disait être réputée comme le chef-d’œuvre de Meryon : « Des eaux-fortes de Meryon, l'Abside de Notre-Dame de Paris, l'Abside tout court pour les familiers de l'œuvre de Meryon, est la plus réputée dans le monde des amateurs de gravure, aussi bien en Amérique qu'en Angleterre ou en France. Cette pièce est prisée par rapport à son aimable aspect et pour l'harmonie de toutes ses parties, encore que le ciel soit, comme dans les autres eaux-fortes de Meryon, gravé avec une solidité qui ne messied d'ailleurs pas, en raison de la volonté qu'elle enserre, à l'ensemble de l'œuvre qui reste parfaitement homogène. » (L. Delteil, 1927, p. 21) Meryon devait certainement avoir une vision moins harmonieuse et apaisée de son œuvre, comme le suggèrent les vers qu’il avait gravés sur une seconde plaque et qui étaient destinés à accompagner L’Abside de Notre-Dame de Paris : 0 toi dégustateur de tout morceau gothique/ Vois ici de Paris la noble basilique./ Nos Rois, grands dévots, ont voulu la bâtir / Pour témoigner au Maître un profond repentir./ Quoique bien grande, hélas ! on la dit trop petite,/ De nos moindres pécheurs pour contenir l'élite. (Delteil 39 ; Schneiderman 46).

Références : Campbell Dodgson, The Etchings of Charles Meryon, Geoffrey Holme,London, 1921 ; Exhibition of a selection from the work of Charles Méryon, Burlington Fine Arts Club, 1879 ; L. Delteil, Le Peintre-Graveur illustré, tome second, Meryon, Paris, 1907 ; L. Delteil, Meryon, Rieder, 1927 ; R.S. Schneiderman, Charles Meryon, The Catalogue Raisonné of the Prints, Garton & Co., London, 1990.



34. Rodolphe BRESDIN (1822 - 1885)

Intérieur Moldave - Cuivre gravé à l'eau-forte - 1859/1865 Plaque de cuivre gravée à l'eau-forte, signée et datée à l’envers dans le sujet Rodolphe Bresdin 1865. Cuivre : 200 x 129 mm ; poids : 280 grammes. Sujet : 167 x 111 mm. Plaque en excellent état ; biseautée (angles arrondis), aciérée et vernie. Quelques très petites éraillures ou oxydations qui n'altèrent en aucune façon le sujet, bien lisible dans ses moindres détails. Le cuivre de l’Intérieur moldave n’était localisé à ce jour dans aucune collection ni mentionné dans aucun catalogue. Les plaques gravées par Bresdin qui subsistent sont en très petit nombre. La Bibliothèque nationale de France en conserve trois : Intérieur flamand (VG 86) (plaque biseautée et aciérée), Cour de ferme avec au verso Le Moulin à eau (VG 108 et 119) et Le Retour du chevalier (VG 132) (plaque biseautée, angles arrondis). Quatre autres font partie de collections publiques américaines : New York Public Library : Le Chevalier et la Mort (VG 120) avec au verso Le Ruisseau sous bois (VG 145) ; Brooklyn Museum : La Maison enchantée (VG 135) ; The Baltimore Museum of Art : Le Repos en Égypte à l'âne bâté (VG 138) ; The Art Institute of Chicago : La Grande bataille (VG 94). Van Gelder mentionnait seulement dix autres plaques dans des collections privées françaises ou américaines dont une biffée et cinq en mauvais état. Bresdin a lui-même endommagé certaines plaques en les gravant au verso, ou bien les a parfois recouvertes en gravant une nouvelle eauforte. C’est le cas, par exemple, du cuivre Les Baigneuses dans la montagne (VG 115) sur lequel il a gravé Le Ruisseau sous bois et au verso Le Chevalier et la mort. C’est aussi le cas du cuivre de l’Entrée de village (VG 103) au verso duquel il a gravé La Cité lointaine (VG 131) qu’il a ensuite transformé en gravant Le Cours d’eau (VG 144). Le cuivre verni été vendu à Drouot en 1997 par l’étude Audap-PicardSolanet & Associés.



Dirk van Gelder décrit deux états de l’eau-forte Intérieur moldave (VG 93). On ne connaît qu’une seule épreuve du premier état et quelques tirages de son report lithographique par P. Rivière à Toulouse (Van Gelder, p. 60-61). À gauche du tableau représentant la Vierge, le premier état porte la mention : Rodophe Bresdin 1859 et à droite : siempre el mismo ("toujours le même"). Dans le second état de l’eau-forte, qui est l’état définitif, Bresdin a recouvert la première inscription et a écrit en bas, au milieu, en lettres gravées en épargne, à l’endroit sur la plaque, à l’envers sur les tirages : Rodolphe Bresdin 1865 amen. Il a également ajouté ou redessiné un certain nombre d'ustensiles et de personnages. La principale modification concerne la partie supérieure : une rangée de victuailles qui pendaient au plafond a été remplacée par une étagère où s’alignent un coffre, une jarre et des paniers tressés parmi lesquels est venu se cacher un chat. On connaît également deux dessins de l’Intérieur moldave : une étude (Van Gelder, p. 60) et un calque (Vente Artcurial-BriestPoulain-Tajan, 13 nov. 2013, n° 25) ; La plaque est accompagnée d'une épreuve du second état (VG 93 II) imprimée sur un vélin crème épais qui a servi de pochette de protection. Sujet : 165 x 111 mm ; feuille : 315 x 222 mm, pliée en pochette ; une ou deux légères éraflures dans le sujet, salissures, frottements et petites déchirures aux plis de la feuille, traces de rouille au verso dans le creux des plis. Selon Van Gelder, les épreuves du second état seraient toutes posthumes ;

Références : Dirk Van Gelder, Rodolphe Bresdin, Catalogue raisonné de l’œuvre gravé, Martinus Nijhoff, La Haye, Pays-Bas, 1976 ; Maxime Préaud, Rodolphe Bresdin, 1822-1885, Robinson graveur, Bibliothèque nationale de France, 2000 ;



35. Félix BUHOT (1847 - 1898)

L’Enterrement du burin, frontispice pour L’Illustration Nouvelle 1877 Eau-forte, 345 x 278 mm. Bourcard/Goodfriend 124, 3e état/5. Impression du troisième état (sur 5 selon Goodfriend), la planche complétée à gauche et remordue, mais avant les nouveaux travaux dans le ciel à la pointe sèche, avant l’aquatinte et avant l’ajout de la signature en bas à gauche. Superbe épreuve imprimée sur papier vergé. Excellent état de conservation général. Une petite épidermure au verso avec un infime trou d’épingle associé dans le sujet. Toutes marges (feuille : 519 x 350 mm). Annotée au crayon, probablement par Buhot, en bas à gauche : 2e Etat. Provenance : Marcel Lecomte, sa marque ML estampée à sec dans la marge inférieure gauche (Lugt non décrit). L’absence des nombreux traits de pointe sèche que Buhot gravera dans le ciel au 4e état donne à cette épreuve une grande luminosité qui contraste avec les noirs profonds et renforce l’intensité dramatique de la scène mise en place au 2e état. Cette planche, conçue pour servir de frontispice au 9e volume de L’Illustration Nouvelle par une société de peintres-graveurs à l'eauforte, est également connue sous le titre L’Enterrement du burin. James Goodfriend la décrit ainsi : « Le sujet de cette curieuse allégorie est la « mort » de la gravure de reproduction (l’esprit de l’outil du buriniste est emporté dans les airs par des anges, tandis que son « corps » est enlevé par un vieux corbillard portant la date 1876, tiré par un cheval ailé) et l’arrivée triomphante de l’eau-forte originale, transportée par une locomotive moderne appelée L’Illustration Nouvelle et portant la date 1877 » (traduit par nous). (C. & J. Goodfriend, Catalogue number four, Félix Buhot, 1986, n°90).



Henri Beraldi se montre moins enthousiaste lorsqu’il commente la planche dix ans plus tard : « Cette pièce s'appelait aussi : L’Enterrement du burin. A la bonne heure ! voilà un titre qui dévoile naïvement les prétentions de l'aquafortisme à cette époque. Depuis il a mis de l'eau dans son vin » (Les Graveurs du XIXe siècle, guide de l’amateur d’estampes modernes, tome 4, 1886, p. 31, n°124). Beraldi appréciait cependant le travail du jeune graveur, à qui il avait précisément choisi de confier l’exécution du frontispice du tome 4 des Graveurs du XIXe siècle. Un dessin, intitulé par Jean-Luc Dufresne « Cy gist l’eau-forte, fantaisie pour le frontispice des Graveurs du XIXe siècle », montre que Buhot s’est souvenu de ce frontispice pour illustrer la mort d’un genre artistique, cette fois-ci l’eau-forte, tuée par la photographie (Jean-Luc Dufresne, Étude et catalogue raisonné des peintures, pastels, aquarelles et gouaches, thèse pour le Doctorat, 1981, n° 392). Projet qu’il abandonna, peut-être sur les conseils de Beraldi, pour le frontispice que l’on connaît (B/G 164).



36. Félix BUHOT (1847 - 1898)

La Traversée - c. 1879 Eau-forte, pointe sèche, aquatinte et roulette, 325 x 244 mm. Bourcard/Goodfriend 143, 3e état/4. Impression du 3e état (sur 4) avant biffure de la plaque. Superbe épreuve imprimée en deux tons, noir pour le sujet central et bistre foncé pour les marges symphoniques, sur papier vélin fin. Signée et annotée au crayon Épreuve d’artiste du 2e état / Félix Buhot. Timbre rouge à la chouette de Félix Buhot dans la partie basse de la composition. Bon état général. Feuille légèrement brunie, quelques petites déchirures sur les bords de la feuille. Toutes marges (feuille : 480 x 335 mm). Rare. Une épreuve, publiée dans le catalogue Félix Buhot de la galerie C. & J. Goodfriend (Catalogue Number Four, 1986, n°52), porte l’indication Essai abandonné, tiré à très-petit nombre. Deux dessins montrant des détails des marges symphoniques accompagnaient cette épreuve ; ils portaient les annotations en vue de Calais et à bord du Dover-Calais-Boat qui indiquent que la traversée effectuée était celle du retour de Félix Buhot en France après son séjour en Angleterre. L’inscription centrale A Holiday, Rain, Storm and Music, résume les différentes saynètes qui composent la gravure.



37. Félix BUHOT (1847 - 1898)

Le Peintre de marine, 1er état – c. 1879 Pointe sèche, 129 x 208 mm. Bourcard/Goodfriend 146, 1er état/4. Impression du premier état (sur 4) avant le bâton sous le bras du peintre, avant les oiseaux dans le ciel, le monogramme et d’autres travaux. Très belle épreuve imprimée sur papier fort grumeleux, signée à la mine de plomb par Buhot et dédicacée à mon ami Frederic Leroy [?]. Une petite inclusion du papier s’est détachée au-dessus du nuage noir laissant une petite épidermure de 3 mm qui a été légèrement retouchée à l’aquarelle. Petites marges (feuille : 143 x 219 mm). Le premier état est très rare. Gustave Bourcard indique un tirage compris entre 6 et 8 épreuves. Nous connaissons une autre épreuve du 1er état imprimée sur ce même papier. Le catalogue 2004 Félix Buhot d’Arsène BonafousMurat présentait une épreuve sur « vergé fort gris grumeleux ». Buhot semble avoir privilégié ce genre de papiers pour le premier état du Peintre de marine, peut-être parce que leur épaisseur et leur ton grisâtre ou jaunâtre renforçait l’atmosphère lourde de la tempête de bord de mer. L’inscription LE JOUR DU TERME !!! difficilement lisible dans l’angle supérieur droit souligne le ton caustique de la planche : le peintre de marines aura beau fuir le paiement de son loyer au jour du terme, ses démons le rattraperont sur ses lieux de prédilection, sous l’apparence de monstres inquiétants rampant sur la grève ou se dessinant dans les nuages lourds.



38. Armand SEGUIN (1869 - 1903)

L’Entrée de la rivière - 1893 Eau-forte, 179 x 300 mm. Field, Strauss & Wagstaff 30. Rare. Tirage à 15 épreuves. Provenance : Émile Jourdan (1860-1931), puis descendance directe. Très belle épreuve imprimée en noir bistré sur papier vergé, annotée à rebours dans la planche en bas à gauche Juillet 93. Petites marges (feuille : 215 x 350 mm). Quatre petites déchirures de 10 mm environ restaurées dans la marge supérieure et une tache claire en tête au milieu dans les nuages. Bon état général. Field, Strauss et Wagstaff supposent qu’il s’agit de l’estampe mentionnée dans le catalogue de l’exposition personnelle de Seguin à la galerie Le Barc de Boutteville en février-mars 1895 sous le titre L’entrée de la rivière (n°38) tirée à 15 épreuves. Il n’existe pas de retirage. Marqué par l’exposition dite Volpini, organisée en 1889 par Gauguin, réunissant des œuvres du « groupe impressionniste et synthétiste », Seguin commence à graver l’année suivante. Il fait ensuite plusieurs séjours à Pont-Aven, en 1891 et 1892, avant de s’installer durant l’été 1893 à Saint-Julien au Pouldu, où il grave en compagnie de Roderic O’Conor, comme le relate Jos Pennec : « Ils travaillent de concert sur une série d’eaux-fortes, paysages du Pouldu, arbres aux lignes mouvantes et tourmentées, gestes quotidiens de paysannes bretonnes. Le style change et s’affirme, les paysages se synthétisent pour devenir des études de plus en plus abstraites de formes et de plans ; chaque partie du paysage est différenciée à la manière cloisonniste par une succession nerveuse de traits verticaux et de bandes horizontales mettant ainsi en évidence les différentes masses de la composition. Maîtrisant parfaitement les possibilités techniques de l’eau-forte, Seguin atteint le sommet de son art. » (Jos Pennec, Armand Seguin, 1869-1903, Musée de Pont-Aven, 1989).


Field, Strauss et Wagstaff mentionnent trois épreuves de L’Entrée de la rivière dont l’une était dédicacée par Seguin à Monsieur Beltrand. La galerie C.G. Boerner a présenté dans son catalogue en 2005 une épreuve ayant appartenu à Roderic O’Conor. Notre épreuve appartenait à Émile Jourdan qui habitait Pont-Aven et fréquentait Gauguin, Seguin et O’Conor. On sait que Seguin a envoyé à Paris certaines de ses matrices avec des instructions pour l’imprimeur Delâtre (voir Boyle-Turner, p. 82). Il est probable qu’il a imprimé luimême, sur une petite presse au Pouldu, quelques épreuves qu’il a offertes à ses amis. Références : R. S. Field, C. L. Strauss et S. J. Wagstaff Jr. : The Prints of Armand Seguin 1869-1903, Davison Art Center, 1980 ; M. Grivel (commissaire) : Gauguin & l'Ecole de Pont-Aven, Bibliothèque nationale de France, 1989 ; C. Boyle-Turner : The Prints of the Pont-Aven School : Gauguin and his circle in Brittany, MOMA, 1986 ; C. Puget (dir.) : Armand Seguin, 1869-1903, Musée de Pont-Aven, 1989.


39.Camille PISSARRO (1830 - 1903)

Baigneuse près d'un bois - c. 1896 Lithographie sur zinc, 205 x 124 mm. Delteil/Cailac 158, 3e état/4. Épreuve sur Ingres jaune appliqué sur vergé filigrané Van Gelder Zonen, signée à la mine de plomb à droite sous le sujet C. Pissarro, annotée à gauche 3e ep d’etat n°1 et titrée en bas au milieu Baigneuse près un bois. Très belle impression, gravure en excellent état. Une légère oxydation avec délimitation claire à l’ouverture d’un ancien passe-partout ; marque d’une ancienne attache d’encadrement au verso, très peu visible au recto dans la marge supérieure. Belles marges (feuille : 309 x 225 mm). Pissarro a imprimé 12 épreuves de la Baigneuse près d’un bois : 2 épreuves du 1er état (1 numérotée et signée) ; 2 épreuves du 2e état (numérotées et signées) ; 4 épreuves du 3e état (3 numérotées et signées) ; et 4 épreuves du 4e et dernier état (3 numérotées et signées). L’édition posthume de 1923 compte 18 épreuves numérotées et timbrées C.P. Nous présentons ici l’épreuve n°1 du 3e état imprimée sur papier Ingres jaune, provenant de la collection Camille Pissarro vendue à Drouot en 1928 et 1929. Cette épreuve est décrite dans le Catalogue de l'œuvre gravé et lithographié de Camille Pissarro (vente du 8 décembre 1928, lot 202) : « Baigneuse près d'un bois (L.D., 158). Très belle épreuve du 3e état (sur 4), sur Ingres jaune fixé, signée, légendée et annotée par l'artiste : 3e épr. d'état n°1. FORT RARE (tirée à 4). » Elle est également reproduite hors-texte dans le catalogue. Références : Catalogue de l'œuvre gravé et lithographié de Camille Pissarro - Eaux-fortes, aquatintes, lithographies, monotypes [...] composant la collection CAMILLE PISSARRO, Deuxième vente, 7 et 8 décembre 1928 ; Catalogue de l'œuvre gravé et lithographié de Camille Pissarro Eaux-fortes, aquatintes, lithographies, monotypes [...] composant la collection CAMILLE PISSARRO,Troisième vente, 12 et 13 avril 1929.



40. Paul GAUGUIN (1848 - 1903)

Le Porteur de feï - 1898/1899 Gravure sur bois, 162 x 288 mm. Guérin 64, Kornfeld 46, 2d état/2. Très belle épreuve imprimée en noir sur japon pelure (213 x 307 mm) appliqué sur bristol (220 x 349 mm), monogrammée PG dans la planche et numérotée à l’encre 28 par Gauguin en bas à gauche. Cette épreuve citée par Kornfeld. La feuille de japon pelure a été anciennement et soigneusement contrecollée sur une feuille de bristol. Une infime déchirure de 3 mm dans l’angle supérieur droit. Excellent état général. Grandes marges. Le catalogue raisonné des gravures de Paul Gauguin (Kornfeld, 1988) recense une seule épreuve du 1er état (Art Institute of Chicago) et 21 épreuves du 2d état (la dernière numérotée 31) d'un tirage total inférieur à 40. Il faut ajouter l’épreuve numérotée 22 provenant de la collection Petiet (Vente Audap-Picard-Solanet & Associés, 25/09/1997, lot n° 67). 14 épreuves sont conservées actuellement dans des musées européens et américains. Les épreuves du Porteur de feï présentent des différences dues à l’encrage inégal d’un bois irrégulier et aux conditions rudimentaires de l’impression manuelle. Des taches d’encre parsèment le fond blanc dans certaines épreuves (PG3, n° 6, 12, 22, 23) ; les noirs peuvent pâlir ou présenter des zones non encrées (n° 12, n° 16) ; de menus détails modifient certains contours. Des traces noires apparaissent au-dessus de la vache dans quelques épreuves (n° 21, 22, 23 et 25). Dans les épreuves n° 27, 28 (la nôtre) et 29, le creux du tronc de l’arbre a « blanchi » du fait que les tailles, très marquées dans d’autres épreuves, n’ont pas été réencrées (l’épreuve numérotée 27 est reproduite dans le catalogue de la galerie R-G. Michel, mai 1970, lot n° 96 ; la 29 est reproduite dans le catalogue de l’œuvre gravé de Paul Gauguin par Marcel Guérin). Chaque épreuve présente ainsi des particularités qui la distinguent.


Le Porteur de feï appartient à une série de 14 bois gravés, appelée parfois Suite Vollard, que Gauguin réalisa en 1898-99 lors de son second séjour à Tahiti. En décembre 1899, il écrivit à son ami Daniel de Monfreid qu’il avait terminé quinze gravures (Lettres de Gauguin à Daniel de Monfreid, 1950, n° LIX, 151). En janvier 1900, il annonça à Ambroise Vollard, qui était son marchand, qu’il lui enverrait : « le mois prochain par quelqu’un qui va en France 475 épreuves environ de gravures sur bois. » Il précisait : « Chaque planche est tirée à 25 ou 30 numérotées, puis les planches détruites. » (Lettres de Gauguin à sa femme et à ses amis, 1946, Lettre n° CLXXIII, p. 301). Monfreid reçut le paquet de gravures et le transmit à Vollard qui les jugea sans valeur. La taille au canif, l’irrégularité du bois et les aléas de l’impression manuelle leur avaient donné un aspect fruste et malhabile qu’accentuaient encore les défauts d’encrage. Ces imperfections étaient cependant voulues par Gauguin.


En décembre 1899, il avait écrit à Monfreid : « Faites sur des planches quelconques et avec des yeux de plus en plus mauvais, ces gravures sortent forcément du sale métier ordinaire et sont très imparfaites, mais elles sont je crois intéressantes comme Art. » (Lettres de Gauguin à Daniel de Monfreid, 1950, n° LIX, 151). Dans une autre lettre, écrite en août 1901, il rapprochait ses bois gravés des images des « temps primitifs » : « C’est justement parce que cette gravure retourne aux temps primitifs de la gravure qu’elle est intéressante ». Et il ajoutait : « Je suis sûr que dans un temps donné mes gravures sur bois si différentes de tout ce qui se fait en gravure auront de la valeur. » (Lettres de Paul Gauguin à Georges-Daniel de Monfreid, LXXV). Dans la même lettre, Gauguin demandait à Monfreid de reprendre les gravures chez Vollard et lui suggérait de faire encadrer quelques spécimens « soit seuls soit deux par deux » pour les exposer chez lui et vendre des épreuves aux amateurs. En juin 1902, Monfreid lui écrivit qu’il avait bien repris les gravures chez Vollard et les avait exposées en mai au salon de Béziers où il en avait seulement vendu quatre (Georges-Daniel de Monfreid, Sur Paul Gauguin, suivi de Lettres à Paul Gauguin, 2003). Monfreid vendit encore quelques épreuves et, après la mort de Gauguin, en offrit quelques-unes à des amateurs. En 1910, l'astronome d'origine slovaque Milan Štefánik rapporta en France onze bois qu’il avait retrouvés à Tahiti « dans une clôture ». Trois d’entre eux appartenaient à la Suite Vollard : Soyez amoureuses, vous serez heureuses ; Femmes, animaux et feuillage ; Te arii vahine. En 1911, Štefánik fit imprimer les onze planches par le graveur tchèque František Šimon puis chercha à vendre les matrices à des galeries et des musées, sans succès. Des retirages ont été édités à Prague en 1930 et 1961. Les onze blocs sont conservés aujourd’hui par la Galerie Nationale à Prague. Deux autres planches de la Suite Vollard avaient été réimprimées avant 1918 par E. Druet : Le Calvaire breton ; L’Enlèvement d’Europe. Elles furent rachetées ensuite par le fils de Gauguin, Pola Gauguin, qui en fit des retirages. Le bois du Calvaire breton est conservé aujourd’hui


par la Bibliothèque nationale de France ; celui de l’Enlèvement d’Europe est au Fine Arts Museum à Boston. Le bois de Te Atua a été réimprimé en 1995 par le musée Gauguin de Tahiti à une centaine d’épreuves. Le bois du Porteur de feï n’ayant pas été retrouvé, il n’en existe aucun tirage posthume. Seule une reproduction médiocre de l'épreuve annotée PG3 a été éditée aux États-Unis en 1943. Références : GUÉRIN, Marcel, L'œuvre gravé de Gauguin, publié en 1927 et réédité en 1980 (cat. n° 64) ; ŠIMON, T. F., Štefánik in search for Gauguin's traces on Tahiti, Hollar XIII/1937 ; MONGAN, Elizabeth, KORNFELD, Eberhard, et JOACHIM, Harold, Paul Gauguin, Catalogue raisonné of his Prints, 1988 (cat. n° 46) ; Gauguin, catalogue de l’exposition organisée en 1988/1989 par la Réunion des musées nationaux, la National Gallery de Washington et l’Art Institute de Chicago, 1989 pour l’édition française (cat. n° 238) ; Gauguin, Metamorphoses, The Museum of modern Art, New York, 2014, catalogue de l’exposition consacrée à l'oeuvre gravé de Gauguin du 8 mars au 8 juin 2014 (site de l'exposition en ligne).




41. Paul GAUGUIN (1848 - 1903)

Titre pour Le Sourire - 1899 Gravure sur bois, 138 x 219 mm. Guérin 74, Kornfeld 61, C. Très belle épreuve imprimée en noir sur japon pelure (150 x 227 mm), monogrammée PG dans la planche et numérotée à l’encre n°18 par Gauguin en bas à gauche (le monogramme est peu visible ici, comme dans plusieurs autres épreuves). Épreuve en superbe état de conservation. Gauguin a réalisé ce bois gravé pour servir de titre au cinquième numéro du journal Le Sourire (décembre 1899) (tirage à 25 ou 30 exemplaires dont quatre répertoriés par Kornfeld). Il a imprimé également une trentaine d’épreuves en noir ou gris sur japon pelure. Guérin avait recensé huit épreuves (dont l’épreuve numérotée n°14 et l’épreuve numérotée n°24) et deux épreuves imprimées dans deux exemplaires du Sourire. Kornfeld en recense dix-huit, dont dix numérotées 2, 3, 7, 10, 13, 14, 19, 20, 21, 27 et huit sans numéro ou dont le numéro est inconnu (les épreuves numérotées n°11 et n°25 passées depuis en ventes publiques en font peut-être partie). Il cite également quatre épreuves conservées dans des exemplaires du Sourire. Gauguin a gravé au total dix-huit bois pour Le Sourire, à partir du quatrième numéro (novembre 1899), les numéros précédents ayant été illustrés de dessins autographiés. Les bois étaient imprimés sur la feuille de journal déjà miméographée et l’impression varie selon les exemplaires.


Contrairement à plusieurs autres titres pour Le Sourire, le bois de celui-ci n’a pas été retrouvé. Il n’existe donc pas de tirage posthume. Une reproduction médiocre de l’épreuve numérotée n°25 a été imprimée à 250 exemplaires sur japon en 1943 par The Grabhorn Press. Le Sourire, journal méchant était une publication satirique entièrement autographiée et imprimée par Gauguin. Il parut 9 numéros entre août 1899 et avril 1900. En décembre 1899, Gauguin écrivait à Daniel de Monfreid : « J’ai créé un journal Le Sourire autographié, système Edison, qui fait fureur. Malheureusement, on se le repasse, de main en main, et je n’en vends que très peu. » (cité dans L.-J. Bouge (éd.), Le Sourire, Papeete, 1899-1900, Paris, 1952, p. 10).


42. Théophile Alexandre STEINLEN (1859 - 1923)

Femme nue assise, s’essuyant les pieds - 1902 Eau-forte, vernis mou, aquatinte sur zinc, 298 x 297 mm. De Crauzat 66, 2e état/2. Très belle épreuve de l’état définitif, imprimée en couleurs au repérage à partir de deux planches sur papier vergé filigrané ARCHES, signée au crayon en bas à droite. Marques d’oxydation dans les marges de la feuille ; léger pli diagonal dans l’angle inférieur droit ; très légère trace en forme de croix audessus de la jeune femme ; coup de planche fracturé au milieu en haut (consolidé par une bande au verso). Petites marges (368 x 325 mm). Très rare eau-forte. De Crauzat distingue un 1er état avant divers ajouts (dont le tub dans l’angle inférieur gauche), imprimé à partir d’une seule des deux planches et tiré à quatre épreuves ; et un 2d état, imprimé à partir des deux planches achevées, tiré selon lui à six épreuves en couleurs, numérotées de A à F et signées au crayon dans la marge. Il mentionne également deux épreuves d’essai, l’une en noir et l’autre en gris. Notre épreuve, non numérotée, s’ajoute aux 6 épreuves en couleurs mentionnées par de Crauzat. En 1898, lorsqu’il réalise ses premières gravures en taille-douce, Steinlen est un artiste montmartrois réputé pour ses lithographies. En mars 1902, il grave Femme nue assise, s’essuyant les pieds, une eau-forte en couleurs dont le modèle apparaît presque à l’identique dans trois autres œuvres réalisées la même année : deux gravures au vernis mou et à l’aquatinte, portant le même titre, réalisées en mai et juin (Crauzat 79 et 91) et un pastel intitulé Le Bain, où la jeune femme nue, assise sur la chaise basse, est dessinée en contrepartie. Dans ce pastel, Steinlen représente la chambre et son mobilier de manière plus réaliste : un lit en fer forgé avec sa couverture de laine,



un papier peint à rayures décoré de fleurs, un tapis à motifs géométriques, une cuvette et son broc en faïence à décor fleuri. La jeune femme a la même position que dans l’eau-forte, le corps plié en deux, la tête penchée vers le sol. Si le dessin du corps est presque identique dans les deux œuvres, la technique et le style adopté par Steinlen dans l’eau-forte lui impriment cependant un mouvement très différent. Dans le pastel, la posture est statique : la jeune femme est occupée à se laver les pieds ; cette immobilité s’accorde avec la minutie apportée à la représentation du décor. Dans l’eau-forte, le corps est au contraire tendu et anguleux, comme cassé en deux, contraint par l’effort de la jeune femme pour s’essuyer les pieds ; et cet effort s’accorde avec la rusticité du décor et la rugosité du parquet. Le sujet de l’eau-forte n’est pas le même que celui du pastel : ce n’est pas seulement le thème de la femme à sa toilette, observée en vue plongeante, mais c’est le corps animé par l’effort, que Steinlen rend sensible en resserrant la composition et en abaissant la perspective à la hauteur du sujet. Steinlen a tiré parti des différentes techniques de gravure (aquatinte, eau-forte, vernis mou) et de l’impression au repérage pour créer des effets à la fois proches du pastel et de la gravure en couleurs : l’aspect vaporeux de la chevelure, qui rappelle le pastel, s’oppose au fond plat et lisse obtenu par un encrage uni ; les nuances du corps sont créées à l’aquatinte, l’aspect rugueux du parquet est réalisé au vernis mou. Nous savons que Steinlen a réalisé ses premières gravures en tailledouce en suivant les conseils de l’imprimeur Eugène Delâtre, spécialisé dans l’impression des eaux-fortes en couleurs. Femme nue assise, s’essuyant les pieds a très probablement été imprimée dans son atelier.



43. Jean-Émile LABOUREUR (1877 - 1943)

Le Bar en Pennsylvanie - 1904 Bois gravé, 195 x 195 mm. Un seul état. S.L. 618 bis. Monogramme jel dans la planche apparaissant ici pour la première fois. Epreuve d’essai imprimée sur papier chamois. Quatre petits trous de repérage, deux aux angles inférieurs du sujet et deux à un centimètre au-dessus du trait carré supérieur, à gauche et à droite. Feuille : 320 x 245 mm. Quelques légers plis de manipulation dans les marges. Très bon état. Seule épreuve connue imprimée en couleurs par l’artiste. Cette œuvre de Jean-Émile Laboureur était restée inconnue jusqu’à ce que le bois de trait soit retrouvé avec trois épreuves d’essai dans les archives familiales, en 1987. Sylvain Laboureur avait alors rédigé un article, publié dans Nouvelles de l’Estampe, où il présentait cette œuvre inédite : « Ce bois n’avait jamais été recensé jusqu’à présent et il était accompagné de trois épreuves d’essai, en partie coloriées à la main (..) : l’une d’entre elles a été exposée pour la première fois au Pavillon des Arts de Paris (juillet-septembre 1987). » (S. Laboureur, 1987, p. 22). Il mentionnait également un carnet dans lequel J.-É. Laboureur avait noté, disait-il, « les œuvres gravées au début de son séjour en Amérique, où il arriva dans les derniers jours de 1903 ». Et il ajoutait : « La première page porte la mention : « Le Bar, bois au canif, en couleurs, 1904 : août. Quelques épreuves d’essai. ». Dans la notice 618 bis du Catalogue complet de l'œuvre de Jean-Émile Laboureur, Sylvain Laboureur note que les trois essais imprimés en 1904 sont « les seules épreuves connues tirées par l’artiste », et il précise qu’elles sont « rehaussées d’aquarelle ». (S. Laboureur, 1991, p. 559). À la fin de la notice, il explique que Laboureur envisageait d’imprimer le bois en couleurs :



« Les trois essais tirés par l’artiste en 1904 sont coloriés à la main par lui : il avait en effet prévu une autre version en couleurs. Un an après la découverte du premier bois, nous avons trouvé un bois de mêmes dimensions, dont la gravure n’a pas été commencée, mais sur lequel est reporté fidèlement le dessin du premier bois et où cinq teintes ont été indiquées, correspondant très vraisemblablement aux travaux à faire sur cinq planches ou aux diverses impressions à effectuer avec une seule. » (ibid. p. 560) Notre épreuve confirme cette hypothèse : à la différence de l’épreuve photographiée dans l’article de 1987, ses couleurs n’ont pas été posées au pinceau ; elles ont donc très probablement été imprimées avec le second bois retrouvé un an plus tard. Nous pouvons d’ailleurs voir sur la feuille les quatre trous de repérage qui ont servi à repositionner la feuille : deux aux angles inférieurs du sujet et deux à un centimètre au-dessus du trait carré supérieur, à gauche et à droite. Sylvain Laboureur mentionnait cinq teintes. Nous en comptons six sur cette épreuve : un ocre brun pour le comptoir, un ocre clair pour les murs, un brun et un gris pour les vêtements des clients, du rose pour les visages, un bleu pâle enfin pour les blouses des serveurs et les reflets du jour dans le miroir et sur le sol. Un léger décalage des couleurs s’observe sur la veste et le pantalon de l’homme de dos, le visage de l’homme de profil regardant vers la gauche, le mur du fond, le comptoir et les vêtements des serveurs. Le décalage identique de plusieurs couleurs laisse penser que ces teintes ont été imprimées en une fois. Dans l’article des Nouvelles de l’Estampe, Sylvain Laboureur explique que son père ne disposait pas de moyens adaptés à Pittsburgh et devait « faire le voyage de NewYork pour tirer ses eaux-fortes ». (S. Laboureur, 1987, p. 23). Il est évident que cette épreuve en couleurs a été imprimée avec des moyens rudimentaires.


Le bois du Bar en Pennsylvanie retrouvé en 1987 (Les Nouvelles de l’Estampe, n°96, p. 22).

Épreuve d’essai coloriée à la main [photographie en noir et blanc] (S. Laboureur, 1991, p. 559).


Si Laboureur abandonne l’idée d’imprimer Le Bar en Pennsylvanie, ce n’est pas parce que l’œuvre ne lui semble pas réussie, mais probablement pour les mêmes raisons commerciales qu’il invoque en 1905 pour expliquer son abandon de la peinture : l’eau-forte, ditil, est « beaucoup plus vendable » (S. Laboureur, 1987, p. 23). S’il renonce par conséquent à éditer le bois gravé, l’image du Bar en Pennsylvanie ne le quitte pas. Le bois gravé est en effet la forme native d’une composition qui « jalonne l’œuvre de l’artiste pendant plus de vingt ans » (ibid.). On la retrouve dans plusieurs œuvres, de technique et de style différents. Le Musée des Beaux-Arts de Nantes conserve une peinture à l’huile sur bois carrée de 40 cm de côté qui reproduit le bois gravé et porte le même titre. Sylvain Laboureur souligne dans l’article de 1987 que cette peinture, qu’il date de 1904, « fut toujours en bonne place dans les domiciles successifs de Laboureur. » (ibid.). Dix ans plus tard, Laboureur grave une eau-forte : Bar en Pennsylvanie (S. L. 134) qui reprend la même composition dans le style « cubisant » qu’il venait d’adopter. Il reprendra encore une fois cette composition, sous une forme plus classique et édulcorée, pour illustrer l’ouvrage de N. Toye et A.-H. Adair : Petits et Grands verres, publié par Au Sans pareil en 1927. En 1988, 55 épreuves numérotées et trois hors-tirage ont été imprimés pour un portfolio édité à l’occasion de la parution du catalogue raisonné des œuvres de Jean-Émile Laboureur par Sylvain Laboureur. Ces impressions modernes portent le cachet au crabe. Références : Sylvain Laboureur, "Un bois inconnu de J.É. Laboureur", Nouvelles de l’Estampe, n°96, décembre 1987, p. 22-25 ; Sylvain Laboureur, Catalogue complet de l'œuvre de Jean-Émile Laboureur, Neuchâtel, Ides et calendes, 1989-1991, Tome I, Gravures et lithographies individuelles p. 559-560 ; Idem, Peintures, aquarelles et gouaches, cat. n°45, p. 50, reprod. coul. ; Musée des Beaux-Arts de Nantes, Inv. : 994.2.1.P, achat en 1994.



44. Alberto GIACOMETTI (1901 - 1966)

[Composition I] Planche pour le portfolio d’Anatole Jakovski - 1934/1935 Burin, 297 x 243 mm. Lust 80, Kornfeld 16. Tirage à 50 épreuves imprimées pour un portfolio réalisé par Anatole Jakovski, comprenant 23 gravures d’artistes européens, publié à Paris en 1935 par G. Orobitz. Selon Kornfeld, Composition I n’aurait pas été imprimé par Tanneur mais par « Stanley W. Hayter, probablement en collaboration avec Alberto Giacometti. » (Kornfeld, 16) Très belle impression sur papier Annam, filigrané Annam et BFK, signée et numérotée 32/50 au crayon dans la marge inférieure ; le numéro de cette épreuve a été corrigé par Giacometti comme le mentionne le catalogue Kornfeld à propos de l’épreuve numérotée 27/50 appartenant à la Fondation Giacometti (numéro d’inventaire : 2006-0783). Très bon état. La feuille est la plus grande dimension recensée : 327 x 248 à 250 mm (marge droite non ébarbée). Le catalogue Kornfeld indique comme dimension moyenne des feuilles : 32 x 24,7 cm.

« Le portfolio devait accompagner le tirage de luxe d’un recueil d’essais d’Anatole Jakovski sur Marcel Duchamp et les artistes auxquels Jakovski avait commandé les gravures, mais la publication échoua faute de moyens financiers. L’album publié, qu’on peut voir à la bibliothèque du Victoria and Albert Museum, fut tiré à 50 épreuves, dont 20 furent mis en vente et 30 furent réservées aux artistes et collaborateurs. On imprima également un certain nombre d’épreuves d’artiste. » (Frances Carey & Antony Griffiths, 'Avant-Garde British Printmaking 1914-1960', BMP, no.75. cité par le British Museum, traduit par nous).



Le burin gravé par Giacometti pour Jakovski en 1934 est l’une de ses dernières oeuvres avant le retour à la figuration. Bien que l’œuvre paraisse très abstraite, Kornfeld soutient qu’elle se rattache aux œuvres surréalistes de Giacometti: “le cône et la structure en forme de boîte dérivent par simplification des “cages” et de la Boule suspendue…” (…) Publiée par Anatole Jakovski en mai 1935, juste après que Giacometti ait quitté les surréalistes, Composition pourrait passer pour un basculement momentané dans l’abstraction géométrique. Mais l’œuvre ne résulte que d’un cryptage accentué destiné à rendre son travail encore plus ésotérique, sans toutefois rejoindre l’abstraction. ” (Kornfeld, p. 58). Cette remarque est pertinente, mais il faut observer qu’elle pourrait s’appliquer à la plupart des oeuvres qu’on range dans la catégorie de l’abstraction alors que leur esprit est très différent: dans les tableaux “abstraits” de Mondrian, Herbin ou Barnett Newmann, les lignes, les couleurs et les formes géométriques sont tout aussi ésotériques et n’ont pas du tout la même signification.

Références : Frances Carey & Antony Griffiths, 'Avant-Garde British Printmaking 1914-1960' ; Eberhard W. Kornfeld et Fondation Giacometti, Alberto Giacometti. Catalogue raisonné des estampes, Vol. I, N°1–231, 1917–1957/1958, Editions Galerie Kornfeld, Berne, 2016.



1. Albrecht DÜRER La Femme vêtue de soleil et le dragon - c. 1497 2. Albrecht DÜRER La Mise au tombeau- c. 1497/1500 3. Albrecht DÜRER L’Arrestation du Christ - 1510 4. Albrecht DÜRER Saint Christophe tourné vers la droite - 1521 5. Albrecht ALTDORFER Saint Jérôme marchant dans un cimetière - c. 1512/1515 6. Enea VICO Rhinocerus - 1542 7. Nicolas BEATRIZET Bataille des Amazones - 1559 8. Pieter van der BORCHT La Grande fête des noces - 1560 9. Étienne DELAUNE Écran avec Médée rajeunissant Aeson - 1561 10. Giulio BONASONE L’Amour surpris dans les Champs-Élysées - 1563 11. Marten van CLEVE Proverbes - 2e moitié du 16e siècle 12. Jacques BELLANGE Diane et Orion - 1595/1616 13. Jacob MATHAM Cupidon conquérant Pan, couronné par Venus et Junon - c. 1596 14. Aegidius SADELER Portrait de l’empereur Matthias - 1614 15. Abraham BOSSE Les Cinq sens - 1638 16. REMBRANDT Les Musiciens ambulants - 1635 17. REMBRANDT Autoportrait au béret de velours et à la plume - 1638 18. REMBRANDT La Décollation de St Jean-Baptiste - 1640 19. Jacob van der DOES Groupe de cinq moutons - 1650 20. Reiner NOOMS, dit ZEEMAN Nouvelles inventions de combats navaeles - 1652/1654 21. Jean LEPAUTRE Saint Jérôme dans la solitude 22. Ludolf BAKHUIZEN Suite de dix paysages marins - 1701 23. Jean-Étienne LIOTARD Petit autoportrait gravé - c. 1731 24. Giovanni A. CANAL, dit CANALETTO Veduta immaginaria di Venezia : La casa con l’iscrizione, La casa con il peristilio - 1741


25. Giovanni Battista PIRANESI Perspective d’arches au chaudron fumant - 1749 26. Giovanni Battista PIRANESI Les Prisonniers sur un éperon - 1749/1761 27. Giovanni Battista PIRANESI Vue des restes du Pronaos du derrière du temple de Neptune - 1778 28. Renée Elisabeth MARLIÉ-LÉPICIÉ Les Quatre éléments, représentés par des jeunes garçons 29. Jean-Jacques de BOISSIEU Jean-Jacques de Boissieu, Portrait de l’auteur 1796 30. Francisco GOYA Y LUCIENTES El sueño de la razon produce monstruos 1797/99 31. Francisco GOYA Y LUCIENTES Unos à otros - 1799 32. Charles MERYON Saint-Étienne-du-Mont - 1852 33. Charles MERYON L’Abside de Notre-Dame de Paris - 1854 34. Rodolphe BRESDIN Intérieur moldave - Cuivre - 1859/1865 35. Félix BUHOT L’Enterrement du burin, frontispice pour L’illustration nouvelle 1877 36. Félix BUHOT La Traversée - c. 1879 37. Félix BUHOT Le Peintre de marine, 1er état - c. 1879 38. Armand SEGUIN L’Entrée de la rivière - 1893 39. Camille PISSARRO Baigneuse près d’un bois - c. 1896 40. Paul GAUGUIN Le Porteur de feï - 1898/1899 41. Paul GAUGUIN Titre pour Le Sourire - 1899 42. Théophile Alexandre STEINLEN Femme nue assise, s’essuyant les pieds - 1902 43. Jean-Émile LABOUREUR Le Bar en Pennsylvanie - 1904 44. Alberto GIACOMETTI Jakovski - 1934/1935

[Composition I] Planche pour le portfolio d’Anatole


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