Le Réseau des Médiathèques du Val de Nièvre et Environs présente
Le disparu de Saint-Gauthier
Juin 2011
Préface Double assassinat dans la rue Morgue, Les dix petits nègres, Le mystère de la chambre jaune... Le Réseau des Médiathèques s´est mis à l´heure du polar. En ce début d´année 2011, nous avons adopté une formule originale : 4 classes de cycle 3 ont accueilli chacune un auteur pour travailler à partir du même fait divers qui se déroule sur le territoire du Val de Nièvre. Nous avons ainsi récolté 4 récits inédits et très différents reflétant à la fois l´univers de chacun des auteurs et l´imagination surprenante des enfants. Nous espérons que vous prendrez plaisir à les découvrir. Bonne lecture ! Illustration de couverture : François Domergue
Le disparu de Saint-Gauthier p. 3
Dans l´oeil du Serpent,
Thierry Lefèvre avec la classe de Mme Duvauchelle
( Flixecourt ) p. 9
Panique à Berteaucourt,
Claudine Aubrun avec la classe de Mme Proyart
( Havernas ) p. 15
Pour un pigeon,
Christine Beigel avec la classe de Mme Fontenier
( Pernois ) p. 22
Pas de Rose sans épine, Pascale V. d´Auria avec la classe de M. Villiers
( Vignacourt )
Dans l’œil du Serpent avec Thierry Lefèvre
Ulysse collectionnait les insectes et il savait qu´il en trouverait beaucoup autour de la chapelle. Elle se situait près d´une rivière, c´était un endroit humide. En s´approchant, il découvrit que la porte était entrouverte. Curieux, il décida d´entrer car il avait entendu dire que la source était miraculeuse. En avançant, il distingua dans l´obscurité des restes de nourriture et un vieux drap roulé en boule dans un coin. Il approcha de l´escalier et se retrouva nez à nez avec un homme menaçant qui se jeta sur lui. Ulysse essaya d´appeler au secours mais l´homme lui plaqua une main sur la bouche. * Ce vendredi 13 juillet, il faisait beau et chaud, les oiseaux chantaient, c´était les vacances. Le commandant Philibert sonna à la porte de la maison Lamourier à Berteaucourt-les-Dames. Ce fut Madame Lamourier qui ouvrit. – Je suis désolé, fit le commandant, nos recherches n´ont rien donné. Sauf ceci… Il lui montra un téléphone portable. – C´est celui d´Ulysse !
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– Vous en êtes sûre ? – Oui, bien sûr, je le reconnais. À ce moment-là, une 2CV rouge se gara devant la maison. Un jeune homme, blond aux yeux bleus, en sortit. C´était Axel, le cousin d´Ulysse, qui venait passer quelques jours de vacances chez sa tante et son oncle. Il vit aussitôt que quelque chose ne tournait pas rond : sa tante avait les larmes aux yeux. Elle lui raconta rapidement ce qui se passait et lui apprit que les recherches traînaient. Cela faisait plus de 24 heures qu´Ulysse avait disparu. Axel en avait marre. Les parents Lamourier avaient prévenu les gendarmes dès le jeudi soir. Il pensait que la police n´avançait pas assez vite et ne leur donnait aucune information sur le développement de l´enquête. Il décida d´aller voir Justine sur son lieu de travail, il pensa que c´était elle la plus apte à l´aider, elle était l´ancienne baby-sitter d´Ulysse, elle était brillante et douée en mécanique. – J´ai besoin de toi pour mener l´enquête. Je n´arrive pas à croire qu´Ulysse ait fugué. J´aimerais bien savoir ce qui se cache là-dessous. – Penses-tu qu´il puisse avoir été enlevé ? – Je ne sais pas mais j´ai entendu aux informations qu´un sale type était en cavale dans les parages. C´est même un tueur en série qui vient d´être condamné à 20 ans de prison : Bob Nzieck dit le Serpent. J´ai un
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mauvais pressentiment. – Je vais t´aider, ne t´en fais pas. Ulysse est le premier bébé que j´ai gardé, dit-elle en rougissant (elle était sous le charme d´Axel). Ils décidèrent d´agir le samedi matin. Justine, Axel et son chien Rex se rendirent à la chapelle car c´est à cet endroit que la police avait trouvé le portable d´Ulysse. Ils fouillèrent tout autour, mais ils ne trouvèrent rien d´intéressant. – Où Ulysse a-t-il bien pu aller ? dit Justine. – Il est peut-être parti sur le chemin du Bois-desDames, répondit Axel. – Mais pour quoi faire ? – Je sais qu´il collectionne les insectes, il s´est peutêtre enfoncé dans la forêt en essayant d´attraper un papillon ou une libellule. – Bonne idée, allons-y ! Notre équipe d´enquêteurs hésita à l´entrée du chemin : il fallait décider de quel côté se diriger. – Séparons-nous, nous couvrirons plus de terrain, dit Axel. – Moi, je vais à droite et toi, pars à gauche avec Rex. Très vite, Justine poussa un grand cri, elle venait de trouver un bracelet vert dans les herbes. – Axel, c´est le bracelet que j´avais offert à Ulysse pour ses neuf ans. Partons dans cette direction, il est sûrement passé à cet endroit.
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– D´accord, je te suis. * Au bout de trente minutes, ils arrivèrent à Pernois. Rex tira sur la laisse en direction du pont, Axel essaya de le retenir mais il se mit à tirer de plus en plus fort forçant les deux amis à courir. Le chien s´arrêta brusquement et aboya devant un garage à l´abandon. – Viens, on va voir à l´intérieur, Ulysse y est peutêtre, dit Justine. – Mais tu es folle, ce garage tombe en ruine, les carreaux sont cassés, il y a des mauvaises herbes partout !!!! – Poule mouillée ! Justement c´est l´endroit idéal pour se cacher. – On va se faire embarquer par la police par ta faute !!! – Mais non, t´inquiète, ce garage est déserté depuis longtemps et on ne risque rien. Et si tu veux vraiment retrouver Ulysse, il faut tout tenter. Ils entrèrent dans le garage. Rex était excité, il se mit à courir et… glissa sur une flaque d´huile, entraînant Axel dans sa chute. En tombant, ils renversèrent deux gros barils d´huile. Tandis qu´Axel essayait maladroitement de se relever, Justine découvrit l´horreur ! Ulysse était allongé par terre, un bras tordu le long
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du corps, le visage baignant dans une tache d´huile. Malgré sa tristesse, Justine se pencha sur lui, les marques sur le cou ne laissaient aucun doute : il avait été étranglé. Axel qui venait de la rejoindre, la prit dans ses bras. Pendant ce temps, Rex fouilla dans un coin et rapporta un tee-shirt dans sa gueule. – Donne-moi ça !!! Justine, est-ce que ceci ne te rappelle rien ? – Ce n´est pas celui d´Ulysse ? – Oui, la dernière fois que je l´ai vu, il le portait. Regarde, il y a une empreinte de main dans le dos. C´est peut-être un indice, appelons la police. – Ne touchons plus à rien et allons attendre dehors. Axel et Justine sortirent du garage silencieusement, et tête baissée. Ils avaient les larmes aux yeux. Quelques minutes plus tard, on entendit des sirènes retentir. * Une fois les policiers arrivés, une équipe se précipita dans le garage pour relever des indices. Ils prirent d´abord des photos de la scène, puis ils emmenèrent le corps d´Ulysse et son tee-shirt au laboratoire afin d´y effectuer des analyses. Pendant ce temps-là, le commandant Philibert interrogea les jeunes enquêteurs sous le choc. Il les remercia en leur faisant bien comprendre qu´ils
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avaient pris des risques et que ce n´était pas à eux de mener une telle enquête. Il les emmena au commissariat le temps qu´ils se remettent de leurs émotions. Le commandant Philibert se rendit chez les Lamourier pour leur annoncer le décès de leur fils. Il leur expliqua que Justine et Axel leur avaient permis de trouver des indices qui les avaient mis sur la piste d´un coupable, mais qu´il ne pouvait pas en dire plus pour l´instant. Quelques jours plus tard, les analyses du médecin légiste permirent d´établir l´identité de l´assassin : Bob Nzieck dit le Serpent. La mort d´Ulysse était incompréhensible pour Justine et surtout pour Axel. Neuf ans, ce n´était pas un âge pour mourir. Axel était partagé entre deux sentiments : la tristesse bien sûr, et la colère. Justine prit Axel dans ses bras. – Je comprends ce que tu ressens. Nous n´oublierons pas Ulysse, il restera gravé dans nos cœurs. Essayons de nous souvenir des bons moments passés avec lui. Axel la regarda en esquissant un sourire.
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Panique à Berteaucourt avec Claudine Aubrun
Le commandant Philibert de Domart-en-Ponthieu enfile son manteau. Il éteint toutes les lumières et n´a qu´une envie : rentrer chez lui. Il ferme la porte à double tour lorsque le téléphone retentit. En un éclair, le gendarme pense à ce que ce coup de fil peut lui réserver : disparition, accident, vol, meurtre, suicide... Il lâche un énorme soupir. Quelle journée épuisante il a eue ! Ses collègues sont tous tombés malades en même temps. La poisse ! Il mériterait bien une soirée tranquille, pourtant il finit par se raviser. Dans l´obscurité, il approche à tâtons. Sur son bureau, dans un énorme fouillis, il finit par trouver le combiné téléphonique. – Oui, ici le commandant Philibert ! – Mon... mon... mon fils a, a, a… – Mais qui est à l´appareil ? demande le policier en grognant. – Jean Lamourier. Mon fils Ulysse a disparu. – Êtes-vous sûr qu´il a bien disparu ? marmonne le gendarme Philibert d´un ton bourru tout en tripotant sa moustache. Je vois beaucoup de parents qui croient avoir perdu leur enfant et qui... – Mais si je vous le dis ! Il a disparu, c´est sérieux ! – Bon ! Dîtes-moi ce qui s´est passé. Et où
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habitez-vous ? – Nous habitons Berteaucourt-les-Dames, pas loin de Domart-en-Ponthieu. – Je le sais ! Ce n´est pas vous qui allez me l´apprendre ! Venez-en aux faits s´il vous plaît ! – Mon fils Ulysse, devrait être rentré de l´école depuis une heure, et il n´est toujours pas à la maison. J´essaie de l´appeler mais je n´arrive pas à le joindre, ni chez nous, ni sur son portable. – Il a quel âge votre garçon ? – Neuf ans. – Et il a un portable à neuf ans ? – Sa mère et moi sommes souvent absents pour notre travail. Plusieurs fois de suite Ulysse est revenu à la maison en larmes, on le menaçait de racket, et c´est le seul moyen que nous avons trouvé pour qu´il reste en contact avec nous. – Mais laisser un enfant de neuf ans souvent seul à la maison n´est pas recommandé. Enfin voilà où nous en sommes ! Dîtes-moi, quel chemin prend votre enfant pour revenir de l´école ? – Il a l´habitude de passer par le Bois des Dames. – Le Bois des Dames ! Mais vous rigolez ! C´est un des endroits les plus dangereux ! Il s´en passe des choses là-bas ! On peut se retrouver à l´entrée, près de la chapelle ? – J´arrive. Je serai seul. Ma femme est à l´étranger
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pour son travail et ne revient qu´en fin de semaine. Je peux être là-bas dans dix ou quinze minutes. – Alors d´accord, à tout de suite. * Quand la voiture arrive sur les lieux, le soir est tombé. Avant de sortir de son véhicule de fonction, le commandant saisit une torche. Sous une pluie fine, il enfile son manteau. Le lieu est désert et la barrière fermée. Il tente de l´ouvrir. Elle est bloquée, il force. Elle cède. Tandis que le policier s´enfonce dans le Bois des Dames, il se dit que cette grille aurait besoin d´un « bon coup d´huile ». Puis, il se souvient qu´autrefois, cet endroit était charmant. Aujourd´hui, il est lugubre, bourré de marécages, une rivière pleine de vase le traverse et les arbres se balancent en faisant un bruit sinistre. Tout en tendant l´oreille au cas où le père d´Ulysse arriverait, il avance. Sous ses pas, les branches mortes craquent. Il frissonne. Le voilà devant la chapelle. Il essaie d´y entrer. La porte est fermée. Il colle son visage contre la fenêtre et éclaire l´intérieur. Rien ! Il fait le tour du bâtiment. Dans le faisceau de sa torche, il aperçoit quelque chose de brillant dans un tas de feuilles mortes. Il se penche et ramasse un portable. Un grincement attire son attention. Aussitôt, une grande silhouette mince lui fait face.
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– Je suis Monsieur Lamourier. Avez-vous du nouveau? – Pas encore ! Reconnaissez-vous ceci ? Tandis que le policier tend le portable vers le père d´Ulysse, le visage pâle, la main tremblante, celui-ci saisit l´appareil. – Ce portable vous dit quelque chose ? Le père reprenant ses esprits, fait un signe de tête positif. – Oui, je le reconnais, c´est celui de mon fils. – Voyons s´il marche ! suggère le commandant en essayant de le faire fonctionner. Mais le portable est éteint et Monsieur Lamourier ne connaît pas le code. – Racontez-moi ce que votre fils a l´habitude de faire à la sortie de l´école. – Ulysse reste chaque soir à l´étude jusque dixhuit heures, puis il rentre directement à la maison en passant par ici. Mais… depuis plusieurs jours, il ne veut plus aller à l´école. Des grands le menacent. Tout en parlant le commandant entraîne Monsieur Lamourier vers l´entrée. Voyant la luxueuse voiture du père d´Ulysse, l´homme de loi pense que cette histoire de racket n´est pas impossible. – Reprenons nos véhicules respectifs dit-il. Je vous suis jusque chez vous, j´aimerais voir la chambre d´Ulysse. *
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Cinq minutes plus tard, les deux voitures se garent dans l´entrée de la propriété. Très vite, quelque chose inquiète les deux hommes. Une fenêtre au premier étage est éclairée. Ils avancent. Leurs pas crissent sur le gravier. – Vous aviez laissé une lumière allumée ? Il y a quelqu´un, c´est peut-être votre fils ? demande le commandant. – Impossible ! C´est mon bureau, je suis certain d´avoir éteint et de plus, Ulysse n´y va jamais. Essayons de passer par derrière, suggère Monsieur Lamourier. Il y a une seconde entrée. Le plus discrètement possible, ils font le tour de la grande maison et pénètrent par la véranda. De l´étage, des bruits leurs parviennent. Le commandant passe devant Monsieur Lamourier. Sur la pointe des pieds, ils montent les marches du grand escalier. Tendu, le gendarme sort son arme. A l´étage, sur l´immense palier, toutes les pièces sont fermées. Un rai de lumière passe sous une porte. De l´intérieur, un bruit de fusillade retentit. Sans hésiter, le commandant ouvre la porte et hurle : – Gendarmerie nationale ! – Ulysse ! Mais que fais-tu là ? s´écrie Monsieur Lamourier. – Heu ! Je joue à ma console de jeux répond le garçon visiblement impressionné par l´arme du
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commandant. – Mais depuis quand ? demande son papa. – Je suis rentré un petit peu en retard. J´ai perdu mon portable sur le chemin du retour. Je l´ai cherché mais je ne l´ai pas retrouvé, il y a eu une rafale de vent puis il s´est mis à pleuvoir. Au lieu de rentrer pour dix-huit heures quinze, je suis rentré vers dix-huit heures trente. – Pourtant je t´ai appelé à ce moment là et je t´attends depuis plus d´une heure, répond Monsieur Lamourier en regardant sa montre. Ulysse et le policier en font autant. Il est vingt et une heures à leur montre. – Mais il est vingt deux-heures, s´écrie Monsieur Lamourier. – C´était le changement d´horaire papa ce week-end ! – Oh ! Je suis désolé ! Je suis tellement occupé en ce moment que je n´ai pas fait attention, s´écrie le père d´Ulysse, visiblement gêné en réalisant son erreur. Puis, face au commandant qui soupire, il ajoute : – Si cela vous dit, je vais vous préparer des pâtes Carbona… En trois secondes chrono, le policier réfléchit. Il pense à la maison vide qui l´attend et répond aussitôt : – Volontiers ! Nous pourrons parler de ce problème de racket et puis, un bon souper ne se refuse pas.
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Pour un pigeon avec Christine Beigel ULYSSE
Tout le monde parle d´un fantôme dans la chapelle. « T´es même pas cap d´y aller ! » Si ! Moi je suis cap. Je m´appelle Ulysse et je ne suis pas un trouillard. Je sais que les fantômes n´existent pas. Et s´ils existent, je n´ai pas peur d´eux. Surtout celui de l´ermite Gauthier. Les copains me croient pas. Je prendrai des photos avec mon portable, comme ça j´aurai des preuves. J´ai dit à ma mère que je dormais chez Thomas. J´ai préparé mon sac pour ce soir et je suis parti.
MONSIEUR PAUL
J’aime les pigeons. Je les nourris, je vis seul avec eux. Je n’aime pas les SDF. Ils occupent les terrains. C’est pas chez eux ! Qu’est-ce que je dis ? Je me fiche qu’il dorme dans la cabane. Mais qu’il me vole pas mes pigeons ! Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Je voulais juste lui faire peur. Gentiment. Mes petits pigeons… Je l’ai poussé, il est tombé. J’ai rien fait, je vous jure, il est mort tout seul. 15
Et si les gendarmes venaient, qu’est-ce que je leur dirais ? « Le petit garçon ? Quel petit garçon ? » Oui, ça c’est bien. Jouer celui qui ne sait rien. Je pourrais le relâcher, ce gamin… Mais il m’a vu. Quelle galère ! Tout ça parce qu’un pauvre SDF a mangé mon pigeon ! J’aurais pu le laisser, l’aider même. Et maintenant c’est fichu, la police va venir. Je l’ai tué. Non : il est tombé. C’EST UN ACCIDENT. Je devrais peut-être relâcher le gamin ? Ou… je vais peut-être mourir en prison ? Jamais ! Le gamin, je le garde à la cave. J’aurai ça sur la conscience le restant de mes jours, mais tant pis. COMMANDANT PHILIBERT
J’arrive à la chapelle hantée, selon les mots des amis du petit Ulysse disparu. Le cadenas a été forcé. À l’intérieur, rien. Je fais le tour et m’engage sur le terrain laissé à l’abandon, juste derrière. Dans l’herbe haute, une sonnerie retentit. Une petite lumière attire mon attention. Je ramasse un téléphone portable. Le dernier appel manqué indique « maman » ; je reconnais le numéro de la mère d’Ulysse. Quoi d’autre ? Le garçon a pris huit photos. Seules trois sont exploitables. Un corps allongé près de la cabane au bout du terrain. C’est flou, sauf les chaussures,
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pleines de boue et de plumes. La deuxième photo représente un visage d’homme. Le même que sur la première image ? Flou. Je distingue une barbe. Sur la troisième photo, un pigeon gît, plumé des pieds à la tête. Je frissonne. La vieille cabane au bout du terrain est ouverte au vent. Dedans, cela empeste. J’illumine les lieux à l’aide du portable trouvé. Quel bazar ! Le sol est recouvert de plumes, de boîtes de conserve récemment vidées, de petits os. Quelqu’un vit ici. J’avise une lampe torche et un sac à dos. Celui de l´enfant ? Je prends la torche et l’allume. J’inspecte le sac, cherche une étiquette. ULYSSE. Bingo ! Je l’ouvre. Le garçon, prévoyant, avait emporté des biscuits, de l’eau et… une tenaille ! Ce qui explique le cadenas forcé. Je balaye les lieux du regard une dernière fois, m’arrête sur une tache sombre sur un morceau de tôle. Du sang ! J’espère ne jamais devoir annoncer la mort d’Ulysse à ses parents. Je poursuis mon enquête auprès des habitants du quartier. Résultat : un vieux monsieur qui arrangeait son jardin a vu Ulysse vers 16 h 30. Il a remarqué qu’il portait un sac à dos. Celui que j’ai retrouvé dans la cabane, sans aucun doute. Un peu plus loin, une femme qui promenait son chien l’a aperçu vers 17 heures, montant vers la
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chapelle. Elle s’est demandé ce qu’il faisait là à cette heure-ci, ah ! les enfants, ils font toujours des bêtises ! Elle m’a aussi parlé d’un SDF qui traîne dans le coin depuis quelque temps. D’après sa description, je fais le lien avec le barbu de la photo floue. Je ne crois pas que ce soit lui qui ait enlevé Ulysse. Je penche plutôt pour un deuxième disparu. Je me rends jusqu’à la dernière maison, la plus éloignée sur la route. Après, c’est la campagne. Je sonne à la porte longuement. Un homme d’une cinquantaine d’années m’ouvre. Mal rasé, plutôt costaud. J’entre. Ici, c’est la maison des toiles d’araignées. Les fenêtres cassées tiennent grâce à des bouts de bois. Impression que tout va s’écrouler. Dans la pièce où je suis mené, il y a un fauteuil et à côté, une petite table. Dessus, une photo en noir et blanc avec un jeune homme qui tient une jeune femme par la main. Elle sourit. Tous deux sont entourés de pigeons. On dirait une famille qui pose, parents et enfants. Nous échangeons quelques mots : l’homme n’a rien vu, rien entendu. Et pourtant, il transpire à grosses gouttes, signe de nervosité.
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ULYSSE
J´ai peur. J´ai mal partout. J´ai faim. Au secours ! Je voudrais crier fort mais je suis bâillonné. Je fais bouger la chaise à laquelle je suis attaché quand soudain j´entends des pas au-dessus de moi, et des voix. Je m´immobilise, écoute. L´une des voix est nouvelle. Mon cœur se met à battre à toute vitesse. Si c´était la police ? Je sens quelque chose qui monte le long de ma jambe… Une araignée ! Je déteste les araignées ! Si je bouge je suis mort ! En même temps, si c´est la police en haut, si je ne bouge pas je suis mort aussi… Je me balance sur ma chaise et bascule, boum ! Par chance, ma chute est en partie amortie par quelque chose de mou. Je tourne la tête et comprends que je suis tombé sur le cadavre du SDF. Il me fixe de son regard vide.
COMMANDANT PHILIBERT
La porte se referme derrière moi. Je reste sur le trottoir avec un étrange sentiment. Je pense que ce Monsieur Paul ment. Tout le monde a entendu ou vu quelqu’un, et lui rien. « Le petit garçon ? Quel petit garçon ? Un SDF ? Quel SDF ! » Je n’en crois pas un mot. Et ce coup qui venait du dessous… Sa réaction à
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lui surtout, quand je lui ai demandé si je pouvais descendre voir… Il s’est emporté contre son chat qui fait tout tomber à la cave. Bizarre d’avoir un chat quand on aime les oiseaux comme lui… Il va falloir que je le surveille, ce Paul. Il doit cacher quelque chose. Il est 21 heures et je n’ai toujours pas retrouvé Ulysse. Je retourne à la chapelle, histoire de vérifier que je n’ai oublié aucun indice. À droite de l’église, un chemin longe le terrain abandonné, dépasse la cabane. Je l’emprunte et tombe sur un pigeonnier d’une propreté irréprochable. Sur le grillage, une pancarte indique d’une écriture grossière : NE PAS TOUCHER ! Je reconnais sans peine la volière de la photo de famille en noir et blanc. Tout devient clair. J’imagine la plus affreuse des vérités. Tout ça à cause d’un pigeon ?! J’espère qu’Ulysse est encore vivant. Cette fois, chat ou non, le Paul devra m’ouvrir la porte de sa cave…
MONSIEUR PAUL
Mon pauvre petit pigeon, tu me manques déjà. C’était toi mon préféré avec ton cou bleuté. Et il t’a plumé, ce satané SDF ! Ne crains plus rien, il est mort. Et je vais 20
te faire empailler. Ah ! le monstre ! Qu’il habite dans cette maudite cabane, ça ne me dérangeait pas. Mais qu’il touche à tes jolies plumes… ça non ! C’est fini. Tu entends tout ce boucan ? Le commandant doit les avoir trouvés dans la cave. Le cadavre et le petit garçon. Tant mieux. Je ne lui voulais aucun mal. Je vais mourir en prison. On se reverra au paradis des pigeons et on s’amusera comme des fous.
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Pas de Rose sans épine avec Pascale V. d'Auria
Clo était en train de lire dans le jardin quand une dame arrêta son vélo derrière la barrière : – Bonjour mademoiselle ! Je cherche monsieur Jac. – Papijac n´est p… Mais la fillette fut interrompue par la voix de son grand-père : – Nom d´un chien ! Il déboulait à l´angle de la rue en brandissant le journal, son fidèle bouledogue, Eliott, sur les talons. « Mon boisin Ulysse a disparu, du côté du Vois des Dames. Infroyable ! Papijac avait l´air tourneboulé. Albert, le petit frère de Clo, passa le nez par la fenêtre de la cuisine : – Hein ? Ulysse ? Le nouveau copain de Clo ? – Lui-même ! Et c´est le commandant Philibert qui est en charge de l´affaire. Là le grand-père prit une profonde inspiration avant de poursuivre : – L´heure est grave mes petits ! Ulysse est aussi mon copain. Je veux le retrouver et vous allez m´aider. Tous à nos vélos ! On file du côté de la chapelle. La dame derrière la barrière agita la main : – Et moi et moi ?
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Papijac sursauta : – Oh mademoiselle Rose ! Je ne vous avais pas vue. Désirez-vous nous accompagner ? – Volontiers ! Le commandant Philibert est mon neveu. Ça peut toujours être utile pour faire avancer votre enquête. La minute suivante, ils pédalaient tous les quatre en direction du Bois des Dames. * – Veux-tu revenir ici sale bête, s´écria Papijac. Eliott venait de leur fausser compagnie. – Comme si on avait le temps de courir après cet imbécile ! Ils posèrent leurs vélos contre un hêtre. Le bouledogue avait disparu derrière une haie de broussailles. Pour le retrouver, mieux valait continuer à pied. Toute souriante, mademoiselle Rose sortit le plan du bois de la poche de son pantalon : – En tout cas, on ne se perdra pas. C´est déjà ça ! – Bah, s´étonna Papijac, vous saviez donc qu´on viendrait ici ? – Moi, je ne sors pas sans plan. On n´est jamais assez prudent ! Le ciel était devenu très sombre. – Dépêchons-nous ! décida Papijac
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Mais il n´avait pas plus tôt terminé sa phrase que son pied roula sur une branche morte. Petit vol plané avant de retomber sur le derrière. – Aïe, hurla-t-il. Une cartouche de fusil venait de lui perforer le pantalon. Il avait maintenant un trou au niveau du derrière qui laissait apparaître son caleçon rose avec des cœurs. – Très joli, gloussa la dame en battant des paupières. Papijac examina la cartouche : – J´espère qu´on n´est pas sur la piste d´un tueur fou… – Et si on appelait l´inspecteur ? proposa Albert, la voix tremblante. – Il a peut-être du nouveau, suggéra Clo. Papijac sauta sur son portable. L´inspecteur décrocha tout de suite : non, Ulysse n´avait pas été retrouvé ; par contre, il était désormais en possession d´une information intéressante : le portable du garçon signalait un dernier appel envoyé au grand-père. Bien le bonjour à sa tante Rose ! – Mais c´est faux, s´étrangla Papijac en raccrochant. En fait, il avait oublié de consulter sa messagerie : « De la part d´Ulysse : pourriez-vous dire à Clo de me rappeler, s´il vous plaît, merci ? C´est très important ! » – Bizarre ce message, lâcha mademoiselle Rose. Tu ne trouves pas, Clo ?
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– C´est pas parce qu´elle met du rouge à lèvres pour lui, qu´elle sait pourquoi il a disparu ! s´énerva Albert. – Espèce de jaloux, riposta sa sœur. – Silence, commanda Papijac. Une casquette à moitié cachée par un buisson venait de retenir son attention. Il courut la ramasser. C´était celle d´Ulysse ! Des taches rouges apparaissaient par endroits. Curieux… Des traces de sang ? Le tonnerre éclata tout à coup. Il fallait absolument s´abriter quelque part ! * – On court jusqu´à la chapelle, décida mademoiselle Rose. Suivez-moi ! Or la porte était retenue par un solide cadenas. La dame sourit : – Pas de panique ! J´ai la clé. – Ah bon ? fit Papijac. – C´est moi qui m´occupe du ménage. En réalité, je n´habite pas loin. Un p´tit coup de balai par-ci, une p´tite promenade par là. D´où le plan du bois que je garde dans ma poche. Albert poussa la porte : – Pas besoin de clé, c´est ouvert ! – Ca alors, s´étonna Rose. Comme il pleuvait fort, ils se dépêchèrent d´entrer.
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L´intérieur était sombre, et le mobilier rare : une table garnie de piques-cierges dans un coin et un piano dans l´autre. Un escalier conduisait vers un soussol rempli d´eau. Sinistre, l´endroit ! La dame porta la casquette d´Ulysse à son nez. Brusquement elle éclata de rire : – Je sais ! Les traces rouges ne sont pas du sang ! Hier après-midi, j´ai offert des bonbons à la fraise à ce cher petit ! Il les aura mis là. Papijac sursauta : – Vous connaissez donc Ulysse ? – Evidemment ! C´était mon voisin avant de devenir le vôtre. Un garçon adorable. Il vient souvent me voir. – L´eau monte dans le sous-sol, hurla Clo près de l´escalier. Ils se précipitaient vers elle, quand trois notes graves s´échappèrent du piano. – Allons allons pas de panique, fit Papijac qui ne croyait pas aux fantômes. Ce doit être une souris qui… Il n´eut pas le temps de finir. – Mon Dieu… bégaya mademoiselle Rose. Une lettre était déposée aux pieds d´une statue de la Vierge. La minute d´avant, elle n´y était pas. Ils pouvaient tous le jurer ! Papijac l´ouvrit d´un geste nerveux : – « O…s…our… Jac. Sign… Ulys…. » Un appel à l´aide ? Mais comme le grand-père n´avait
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pas ses lunettes, Clo préféra relire le message : – « Rose est amoureuse de Jac. Signé : Ulysse » Avec le texte déchiffré dans son entier, ça changeait tout ! – Quoi ? Moi ? Jamais de la vie ! s´étrangla la dame. Albert s´étrangla à son tour : – Cette fois il y a vraiment du sang ! Regardez ! bredouilla-t-il en montrant le dos de la lettre. – La ferme, patate, lui glissa sa sœur à l´oreille. C´est pas du sang. C´est du rouge à lèvres ! Tu vois pas les traces de lèvres avec « smack » marqué à côté ? – Toi tu m´as l´air rudement renseignée… marmonna le garçon. Ce ne serait pas ton rouge à lèvres, par hasard ? Une incroyable idée venait de lui traverser l´esprit. Lorsqu´un grattement s´éleva derrière la porte... C´était le bouledogue accompagné d´une femelle chihuahua ! Les deux bêtes entrèrent en remuant la queue. – Eliott ! s´écria Papijac. – Nana ! s´exclama une voix familière derrière eux. Qui venait de parler ? Ils se retournèrent tous… – Ulysse ! s´écrièrent-ils dans un ensemble parfait. Souriant et l´air embarrassé, le disparu venait d´apparaître derrière le piano ! Par quel miracle ? – Ben… finit-il par avouer… C´est que… Je cherche ma chienne depuis hier soir… Bien content qu´elle soit de retour…
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– En tout cas, moi, j´ai tout compris, lâcha Albert. Mademoiselle Rose est amoureuse de Papi et Ulysse le sait. Alors, avec Clo, il a tout organisé : la balade vers la chapelle, la lettre… Il a même dérobé la clé de la chapelle. – Excellente analyse, jeune homme, fit quelqu´un près de l´entrée. Oups ! C´était l´inspecteur Philibert. Il s´approcha d´Ulysse : – Toi, je ne te félicite pas : on ne laisse pas toute une nuit ses parents sans nouvelle, sous prétexte qu´on cherche sa chienne ! Ulysse plongea le nez vers le bout de ses chaussures : – J´arrivais plus à retrouver mon chemin… – Allez cher neveu, lança mademoiselle Rose, oublions tout ça. Après tout, il n´y a pas mort d´homme ! La pluie avait cessé. Papijac glissa son bras sous le sien : – Et pas de Rose sans épine non plus. Peut-être pourriez-vous nous inviter à goûter vos bonbons à la fraise ? Albert poussa un cri de joie ; – Bonne idée ! Et vive les amoureux ! – Pffff, soupira Clo en levant les yeux au ciel. De son côté mademoiselle Rose devint aussi rouge... qu´un coquelicot.
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Félicitations
à nos écrivains en herbe ! Enfants de Vignacourt :
Enfants de Pernois :
Enfants de Flixecourt :
Enfants d'Havernas :
Eren, William, Lucas D., Lucas V., Flavie, Romane, Julia, Clarisse, Cécile, Léa M., Justin, Laura, Alban, Camille, Léa B., Aymeric, Kévin, Clémence, Lou, Florent, Alexis, Simon, Océane. Meggie, Erevan, Léo, Gaétan, Emma, Lucie, Guillaume, Maxime, Jade, Brice, Laurine, Anthony, Flora, Hugo, Morgane, Julie, Yohan, Enzo, Angélique, Théo, Ma x i me , Mat h i lde, Victor.
Benjamin, Valentin, Emeric, Lucas, Amélie, Maxime, Dylan, Sarah, Charlotte, Prescillia, Ilona, Hugo, Quentin, Davy, Chloé M., Chloé C., Lucy, Gwenaelle , Jennifer. Rémy, Louane, Lucie, Orlane, Eva, Jonathan, Nicola s F., Nicola s M., Logane, Oméline, Paul, Antoine, Lucas, Lorenza, Homély ne, Ophélie, Chloé, Claire, Manon, Célia, Thomas, Clémence, Maurine, Valentin, Gwenola.
DISPARITION : Vive inquiétude dans la Vallée de la Nièvre
Hier soir, le commandant Philibert de la brigade de gendarmerie de Domart-enPonthieu, nous a signalé la disparition du jeune Ulysse Lamourier, 9 ans. La dernière fois qu´il a été aperçu, il se dirigeait vers le Bois des Dames, près de la chapelle où son téléphone portable a été retrouvé... Si vous possédez des éléments susceptibles de faire avancer l´enquête, contactez le commandant Philibert au 0800 112 112.