Notes sur les colonies de Surinam et de Demerary

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NOTES SUR LES COLONIES DE SURINAM ET DE DEMERARY.

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En 1 8 3 4 , d'après le vœu exprimé par le conseil colonial de la Guyane française, M. J u b e l i n , gouverneur de cette colonie, expédia pour Surinam et D e merary la goëlette de l'Etat la Philomèle, commandée par M. Guyet, lieutenant de vaisseau. Ce bâtiment portait MM. Soleau, ingénieur des ponts et chaussées, et Lagrange, habitant propriétaire à C a y e n n e , chargés de recueillir de concert des renseignements à l'effet de répondre à une série de questions relatives à l'état de l'industrie agricole dans ces deux colonies étrangères. L e conseil colonial de Cayenne a voté l'impression des notes remises à leur retour par MM. Soleau et Lagrange, et d'un mémoire analogue rédigé en 1 8 2 4 par M. Zéni, ingénieur de la marine, à la suite d'une semblable mission.


NOTES SUR LES COLONIES DE SURINAM ET DE DEMERARY.

e r

I .

§

N O T E S D E M. INGÉNIEUR

DE

( MARS

LA

ZÉNI, MARINE.

1824.)

NOTA. Les questions marquées d'un * sont celles pour lesquelles il y a lieu de se référer aux explications complémentaires consignées sous le § III (pag. 99 ) à la suite du mémoire de M M . Soleau et Lagrange.

1. Quelles sont les terres reconnues les plus propres à la culture des cannes à sucre à Surinam? L e s terres basses sont les seules en culture dans ce p a y s . L e s terres hautes sont éloignées et n e présentent pas d'ailleurs les m ê m e s avantages. Les terres plus particulièrement cultivées sont celles du bord de la rivière d e S u r i n a m , du bord de la m e r , celles qui avoisinent les criques. O n n'a pas formé d'établissements bien haut dans les c r i q u e s , parce q u e la marée n e s'y fait pas assez sentir. La marée offre d e grands avantages pour la culture et l'exploitation des p r o d u i t s : p o u r la c u l t u r e , elle sert à renouveler les terres affaiblies; p o u r l'exploitation, elle sert de force m o trice pour faire m a r c h e r les usines nécessaires à la fabrication de ces produits. Ces terres basses, soit qu'on vienne de les défricher ou d e 1.


( 4 ) les r e n o u v e l e r , ne sont pas propres à la culture de la c a n n e , qui y pourrirait : il faut les affaiblir en y plantant d e s v i v r e s . A Demerary? O n n e cultive q u e les terres basses; on use des mêmes précautions p o u r p r é p a r e r le terrain où l'on veut planter la canne. 2*. Quelles sont les terres reconnues les plus propres à la culture du c a f i e r à Surinam? L e s terres qui sont les plus p r o p r e s à ce genre de culture sont les terres fortes; on ne saurait en choisir de trop végétales. A Demerary? Il faut des terres neuves et fortes. O n a soin de r e t o u r n e r la terre p r o f o n d é m e n t , parce qu'à plusieurs pieds on t r o u v e u n e espèce de glaise noire appelée c l a y e ; cette glaise, mêlée avec la croûte s u p é r i e u r e , qui n'est formée q u e de limon et de débris d e végétaux, forme u n e terre excellente p o u r le café. L e s bords de la rivière sont choisis de préférence pour cette c u l t u r e , parce qu'à mesure qu'on r e m o n t e on trouve cette claye à u n e m o i n d r e profondeur. 3. Quelles sont les terres spécialement affectées à la culture du cotonnier à Surinam? L e s terres affectées à cette c u l t u r e sont u n peu légères, et ord i n a i r e m e n t sur le bord d e la m e r , parce q u e les cotonniers o n t besoin de l'influence de la brise p o u r prospérer. A Demerary? C'est aussi sur le bord de la m e r qu'on le cultive, où pourtant les terres sont loin d'être légères. 4. Cultive-t-on l'indigo à Surinam? Non pas maintenant. O n a a b a n d o n n é cette c u l t u r e , parce


(5) q u e , ne connaissant peut-être qu'imparfaitement la manière de le p r é p a r e r , on en obtenait p e u de résultats et q u e l'on perdait beaucoup de nègres a cette culture, qui paraît être dangereuse p o u r la santé des h o m m e s qui s'y l i v r e n t , si l'on n e sait y apporter les précautions convenables. A Demerary? O n en a aussi a b a n d o n n é la c u l t u r e . 5. . Quelles sont les terres les plus propres à la culture du cacaoyer à Surinam? Ce sont celles qui n e seraient pas assez fortes p o u r les vivres et le café. O n se sert quelquefois du cacaoyer p o u r épuiser la terre qui n'est pas encore p r o p r e à la culture de la c a n n e après les vivres et le café. A Demerary? O n n e cultive le cacaoyer q u e p o u r l'usage. 6. Cultive-t-on les épiceries, giroflier, poivrier, cannellier, muscadier; cultive-t-on le rocou à Surinam? N o n . Ces plantes sont c o n n u e s en p a r t i e , elles o n t bien réussi, mais on n'en fait pas un objet de c o m m e r c e . A Demerary? L e s épiceries n'y sont pas cultivées. P l u s i e u r s planteurs nous ont témoigné le désir d'avoir des plants des différentes espèces cultivées à C a y e n n e . A S u r i n a m , c'est le m a n q u e d e m o y e n s q u i est cause q u ' o n n e s'en occupe pas. 7. Ces diverses cultures sont-elles suivies avec succès? L e s cultures suivies sont celles d u sucre et du café qui offrent le plus d'avantage; ensuite le cacao et le coton.


( 6 ) 8. Quelles sont les différentes manières de cultiver la canne suivant les diverses espèces de terre ? D a n s un terrain convenable pour la c a n n e , c'est-à-dire suffisamment p r é p a r é par le café et les b a n a n e s , on d o n n e environ 0 9 0 de largeur aux sillons et 0 , 7 5 d'intervalle e n t r e d e u x ; c'est la place nécessaire p o u r n e pas gêner la végétation vigoureuse qui se développe dans les terres ainsi préparées. Si le terrain est affaibli de m a n i è r e à n e pas p r o m e t t r e u n e végétation bien active, on d o n n e moins de largeur aux sillons et à l'intervalle qui les s é p a r e : 0 , 6 0 d e sillon et 0 , 5 0 d'intervalle seulement D a n s l'un et l'autre cas, ou tient le terrain bien sarclé, surtout q u a n d la c a n n e est j e u n e , et l'on épaille deux fois au moins avant la c o u p e . L'on r e m a r q u e q u e , dans les terrains u n peu u s é s , épailler la c a n n e passé l'âge d e six mois lui ferait t o r t , parce q u e le produit est m o i n d r e , la qualité n e changeant pas. m

9*. Se sert-on d'engrais dans la culture des terres ? D a n s ces deux colonies on se sert du peu d'engrais qu'on p e u t se procurer; quand il m a n q u e , on est obligé de renouveler les terres en les m e t t a n t sous l'eau salée. 1 0 *. Quelle sorte et qualité d'engrais et quelle manière de les employer? Quand le terrain n'est pas b o r n é , c'est-à-dire quand on p e u t étendre ses défrichements, dès q u ' u n e portion du plantage est épuisée , on m e t en rapport u n e portion égale à celle qu'on q u i t t e , et celle-là est mise sous l'eau de m e r . O n fait des c o u p u r e s dans les digues d'entourage de la pièce qu'on veut m e t t r e sous l ' e a u , et cela seulement dans


( 7 ) les digues qui bordent les canaux de t r a n s p o r t , les seuls où remonte la mer, c o m m e nous le verrons en parlant d u m o y e n de mettre en rapport les terres basses. Deux ans suffisent p o u r q u e la terre soit régénérée par le limon qu'y apporte chaque marée. L e s ouvertures sont faites u n p e u au-dessus d u fond de la p i è c e , p o u r q u e les dépôts qu'y laisse la mer n e soient pas entraînés quand elle descend. La présence de l'eau d e m e r fait périr les plantes et arbustes qui sont sur les lieux. A u b o u t de deux ans, on égoutte le t e r r a i n , on ferme les digues et on laisse la terre se reposer p e n d a n t u n an ; c'est le temps nécessaire p o u r q u e l'eau de pluie la lave assez p o u r qu'elle puisse être mise en culture. Q u a n d m ê m e on p e u t étendre ses défrichements, on fait autant que possible d u fumier p o u r engrais, afin d e retarder autant qu'on p e u t le m o m e n t où l'on est obligé de renouveler u n e terre. L'engrais d o n t on se sert se fait d e la manière suivante : on rassemble le fumier des parcs à bestiaux, des herbes d e savanes, des pailles de cannes , des feuilles d e b a n a n i e r , et l'on arrose avec la lessive de la distillerie; tous les végétaux fermentent et forment u n terreau d o n t on se sert p o u r rechausser les pieds des cafiers. 11 *. Dans quelle terre se sert-on de la charrue? O n n'a pas essayé de s'en servir à S u r i n a m . O n a fait quelques essais à D e m e r a r y . O n a trouvé que la terre ainsi r e m u é e était t r o p b o u e u s e et q u e les sillons q u ' o n formait étaient trop étroits. O n n'a pas cherché à remédier à ces inconvénients, qui p e u v e n t être évités peut-être. 12. Quelles sont les différentes espèces de charrues en usage dans chaque colonie? J e n'ai pu voir celle dont on a fait l'essai à D e m e r a r y .


( 8 ) 13. Laboure-t-on les terres basses? O n n'a fait d'essais q u e dans les terres basses parce qu'on s'y débarrasse plus p r o m p t e m e n t des racines qui gênent dans l'emploi d e la c h a r r u e . Ces racines appartiennent à des bois blancs, q u e d e u x années suffisent ordinairement p o u r consommer. Il existe u n e seule espèce d e bois d o n t on se débarrasse plus difficilement, c'est ce qu'on appelle à Surinam baboen ou palétuvier b l a n c , d o n t o n se sert p o u r faire les grillages des écluses. Mais s'il reste quelques racines d o n t le terrein n e soit pas e n t i è r e m e n t débarrassé par le temps ou u n moyen q u e l c o n q u e , ce n'est pas u n e difficulté p o u r un laboureur e x p é r i m e n t é , qui sait à propos faire sauter la charrue quand il trouve u n e r é sistance. O n se sert ordinairement dans les d e u x colonies d e la houe et d e la pelle. 14. Dans quelle saison laboure-t-on? O n laboure à la h o u e dans les mois des p l u i e s , parce q u e c'est aussi l'époque du plantage des cannes. Cependant on choisit u n temps qui n e soit pas trop pluvieux. Quelquefois on est obligé de labourer a v a n t , parce q u e les c o u p e s des cannes n e sont pas réglées. O n m e t quinze à vingt h o m m e s p o u r r e t o u r n e r à la h o u e u n acre de terre. L'acre dans les colonies est différent d u nôtre ; il se compose de 1 0 chaînes d e l o n g u e u r sur u n e d e largeur. L a chaîne a 6 6 pieds anglais. L'acre est donc de 3 9 2 0 4 0 et le nôtre d e 1 0 , 0 0 0 . m

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1 5 *. A quelle profondeur laboure-t-on? La terre est ordinairement r e m u é e à dix-huit pouces de profondeur.


( 9 ) 16. Se sert-on d'autre instrument que la houe pour le travail des terres, tels, par exemple, que la houe à cheval dans ces mêmes terres? D e la h o u e s e u l e m e n t , quelquefois de la pelle, surtout dans les travaux d e desséchement. O n s'en sert aussi pour le rechaussement des cannes qui avoisinent les digues. Ce travail se fait avec le limon qui provient d u curage des canaux. Aussi sur ces points les cannes sont-elles plus belles. O n se sert en général de la pelle dans ces deux colonies quand la terre est trop glaiseuse et offre trop d e résistance. SUR LA CANNE À SUCRE.

17. Comment plante-t-on les cannes à sucre? O n plante les cannes à sucre en q u i n c o n c e , c'est-à-dire q u e deux têtes de cannes d e deux pieds et demi à trois pieds sont placées, n o n par b o u t à b o u t , mais à u n e distance telle qu'elle p e r m e t t e de m e t t r e derrière l'intervalle un autre m o r c e a u qui vienne croiser les d e u x autres : ainsi les yeux n e sont pas gênés; on a soin aussi de mettre ces yeux d'un bord et de l'autre d e façon qu'aucun n e se trouve dessous. L a canne est couchée à neuf pouces bien h o r i z o n t a l e m e n t , et le plus près possible de la p l a n c h e , afin de laisser le sillon p o u r l'extension des racines. L a b a n a n e se plante à deux pieds, et l'on a soin q u e le fond des canaux d'écoulement soit a u - d e s s o u s , autant que possible, de la profondeur à laquelle on plante; en général, le plus p r o fondément qu'on p e u t planter est le m e i l l e u r , sans cependant dépasser certaines limites. Voici c o m m e n t on fait les divisions des terres basses dans les plantages d e S u r i n a m . L'acre de S u r i n a m a 1 9 , 8 0 d e larg. sur 1 9 8 , 0 0 de long. m

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( 10 ) O n le divise dans le sens de la longueur par u n e tranche d'écoul e m e n t d e 0 , 6 0 de large et de 0 , 5 0 de profondeur, d e manière à former deux lits de 9 , 6 0 de large. E n t r e deux a c r e s , la m ê m e tranche est d e 0 . 6 0 s u r 0 , 5 0 . Chacun de ces lits est traversé dans son milieu par u n canal d'écoulement, dans leq u e l se jettent les canaux d o n t nous venons d e parler, et qui lui-même c o m m u n i q u e avec le canal d'écoulement d'entouragt. Ces premiers canaux d'écoulement, qui divisent les acres dans le sens de la longueur, sont fermés aux deux extrémités d e la l o n g u e u r des acres. A ces deux extrémités règnent deux canaux de transport qui, fermés sur le canal d'écoulement d'entourage , vont c o m m u n i q u e r avec le canal principal de transp o r t , qui partage le plantage par la moitié dans le sens d e la l o n g u e u r . Les canaux d'écoulement qui partagent les lits en deux sont fermés sur le canal principal. La planche 1 fait voir la disposition d'un plantage. Il faut a u t a n t q u e possible, q u a n d on est maître des localités, q u e le canal principal d e transport soit directement devant le m o u l i n , parce q u e les frottements q u e l'eau é p r o u v e dans les détours d i m i n u e n t sa vitesse. L e s canaux d'écoulement d'entourage sont fermés par des écluses ou des coffres; puis il y a deux écluses, l'une B p o u r faire entrer la m e r , l'autre A p o u r la faire sortir en mettant en m o u v e m e n t u n moulin. Les moulins n e travaillent guère q u e huit à neuf jours par m a r é e , parce qu'après ce temps la mer, rapportant p e u , n e d o n n e pas u n e c h u t e suffisante p o u r exécuter le travail qu'on doit faire. D è s q u e la m e r c o m m e n c e à p e r d r e , le courant s'établit dans le coursier où est la r o u e à a u b e s , et le travail commence. m

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18. Combien rapporte l'acre de terre planté en cannes? L'acre d e S u r i n a m , qui est au nôtre c o m m e 0 , 3 9 2 est à 1, rapporte de trois et demi à quatre barriques d e sucre. Ces bar-


( 11 ) riques pèsent d e 11 à 12 cents. E n voici les dimensions extérieures : Grand diamètre Petit diamètre Hauteur

m

0 ,90. 0 ,75. 0 ,15. m

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Les journaux d'une habitation encore e n rapport font voir qu'en 1 7 8 4 l'acre y donnait d e six à sept barriques. L e s produits varient suivant tant de circonstances, suivant le t e r r a i n , les localités, les nègres employés , la manière d o n t ils sont c o n d u i t s , qu'il est impossible d'assigner quelque chose d e fixe à cet égard. A D e m e r a r y , quoique b e a u c o u p d e plantages rapportent jusqu'à quatre barriques, d e 1 4 à 15 c e n t s , c e p e n d a n t , dans les produits généraux d e la colonie, on n e compte que deux barriques par acre. J e crois qu'il y aurait bien à réduire aussi les produits indiqués p o u r S u r i n a m : au reste les almanachs d e ces deux colonies d o n n e r o n t des renseignements plus précis sur cet article. Les dimensions des b a r r i q u e s d e D e m e r a r y sont : Petit diamètre Grand diamètre Hauteur

m

0 ,95. 0 ,05. 0 ,20. m

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19. Combien faut-il de nègres par acre de terre en rapport? O n c o m p t e à p e u près sur u n noir p o u r d e u x acres de Surinam. A D e m e r a r y , u n e habitation d e 2 5 0 nègres et qui aurait 1 5 0 acres en c u l t u r e (l'acre est le m ê m e qu'à Surinam) rapporterait 3 0 0 barriques, ou 2 barriques d e 14 à 15 cents par acre. E t comme on n e c o m p t e guère q u e sur la moitié d e l'atelier p o u r le travail effectif, u n nègre cultiverait deux acres comme à Surinam , et rapporterait quatre barriques d e sucre.


( 12 ) 20*. Combien durent les cannes, sans qu'on soit oblige de les renouveler? c'est-à-dire combien coupe-t-on de rejetons avant de les replanter? L e temps q u e d u r e n t les cannes varie b e a u c o u p ; mais à S u r i n a m , le moins qu'on c o u p e d e rejetons, c'est h u i t dans u n plantage. O n a vu la onzième coupe à vingt-deux mois rapporter quatre barriques trois quarts d e 1250 livres par acre. D a n s u n a u t r e , à la treizième c o u p e , l'acre a rapporte trois barriques et demie. 21. Quelle espèce de cannes cultive-t-on à Surinam? La canne des Moluques. Celle des Canaries a été abandonnée. A Demerary? Celle d e B o u r b o n . 22. Cultive-t-on dans ces colonies la canne noire hâtive, dite Kari Karimbou ? Non. 23. Y a-t-il une époque fixe pour la récolte des cannes? Il n'y a point d'époque fixe. O n récolte à p e u près toute l'année dans les grands plantages : les plantations o n t été faites de manière à pouvoir régler les coupes p o u r e n t r e t e n i r le travail du m o u l i n . D a n s les temps secs, la canne m û r e p r o d u i t davantage. O n a soin après c h a q u e c o u p e d e recouvrir les cannes q u i o n t besoin d'être remplacées.


( 13 ) 24*. Quelles sont les usines nécessaires à la fabrication du sucre qui paraissent réunir les avantages de la solidité et de l'économie ? A S u r i n a m , il n'y a rien d e particulier dans la construction et la disposition d e ces usines. L e s m o t e u r s employés sont principalement les m o u v e m e n t s des m a r é e s , les m u l e t s , et dans quelques plantages la vapeur. A D e m e r a r y , la disposition des b â t i m e n t s , qui est presque partout la m ê m e , m'a paru très-avantageuse. ( Planche 2. ) L à , les moteurs employés sont principalement la vapeur, puis le v e n t , les m u l e t s et les marées. Mais ce dernier m o t e u r sera b i e n t ô t a b a n d o n n é , parce q u e , forçant d'introduire d e l'eau salée dans le p l a n t a g e , il arrive q u e , par des filtrations qu'on ne p e u t pas toujours e m p ê c h e r , la qualité et la quantité des produits en souffrent b e a u c o u p . 25. Donnez des détails sur la meilleure construction des fourneaux de sucrerie. A S u r i n a m , la p l u p a r t des sucreries ont u n d o u b l e fourneau au milieu et u n e c h e m i n é e à chaque extrémité. II en existe quelques-unes qui n'ont q u ' u n e c h e m i n é e au milieu et u n fourneau à chaque b o u t : celles-là sont réputées les meilleures. L a direction d e la b o u c h e d u fourneau et d u c e n drier n'est pas perpendiculaire au m u r extérieur lorsque les fourneaux sont aux bouts ; le centre d e l'ouverture par o ù l'on introduit la bagasse est reculé vers le milieu d'une q u a n t i t é à p e u près égale à la distance d u centre d e la petite chaudière au m u r extérieur. Q u a n d les fourneaux sont au m i l i e u , la b o u c h e est reculée vers les extrémités; la b o u c h e d u cendrier est placée d e la m ê m e manière.


( 14 ) 26. Tâchez de vous procurer le plan, sur une échelle exacte, d'un équipage marchant bien. L e s usines q u e j'ai visitées à S u r i n a m étant toujours en a c t i o n , ou trop échauffées, il n e m'a pas été possible d'en relever les d i m e n s i o n s , et m o n séjour dans la colonie n e m'a pas permis d e voir les e n t r e p r e n e u r s d e ces f o u r n e a u x , qui sont presque continuellement sur les plantages. Ces équipages sont en général inférieurs à ceux de D e m e r a r y , où j'ai pu m e p r o c u r e r u n plan ( 3 ) . 27. Donnez-en d'une manière précise toutes les dimensions, tant intérieures qu'extérieures; celles de la cheminée, son élévation, la forme et la profondeur des glacis. La planche n° 3 indique les dimensions. 28*. Donnez la forme et la qualité des chaudières que l'expérience démontre être les plus favorables à une manipulation prompte et à une plus grande économie de combustible et de main-d'œuvre. L e s chaudières en cuivre ont été a b a n d o n n é e s parce qu'elles se détériorent t r o p promptement. O n se sert d e chaudières en fonte de 0 , 0 1 5 environ d'épaisseur. L a forme presque cylindrique a aussi été a b a n d o n n é e et remplacée par des calottes sphériques a p p a r t e n a n t à des sphères d e grand rayon. Le volume étant le m ê m e , et ces chaudières ayant plus de largeur à l'orifice et moins de p r o f o n d e u r , il en résulte q u e la surface e n contact avec le calorique é m a n é d u foyer est plus considérable, ce qui est u n avantage, car les quantités d e liquides évaporées sont proportionnelles à ces surfaces, chaque colonne d e liquide correspondant à cette surface étant moins haute est plus facilement échauffée, enfin la forme p e r m e t mieux à la flamme de c o n t o u r n e r la c h a u d i è r e : l'évaporation m


( 15 ) étant plus grande dans le m ê m e t e m p s , il y a moins de perte de chaleur. Ces chaudières reposent sur des rebords d e 0 , 0 0 8 , sur une maçonnerie dans laquelle elles sont placées. La grille d u fourneau est placée à 0 ,90 au-dessus d e la sole du cendrier. L e fond d e la petite chaudière est à 0 , 9 0 au-dessus d u cendrier. L e fond de la grande e s t à 0 m , 3 0 au-dessus d e la sole qui sert d e base a u courant d e flamme. Cette sole est un plan incliné dont u n point de l'inclinaison est d é t e r m i n é p a r sa position relativement à la grande c h a u d i è r e , et d o n t l'autre est à 0 , 4 5 d u fond d e la petite. S u r la section de ce plan par u n autre diamétral longitud i n a l , se t r o u v e n t les foyers des ellipsoïdes de r é v o l u t i o n s , qui servent d'enveloppe aux c h a u d i è r e s ; ces surfaces o n t p o u r petit axe les cordes des a r c s , qui ont e n g e n d r é les surfaces des chaudières. La maçonnerie qui remplirait l'intervalle entre les surfaces a 0 , 4 5 dans le h a u t ; elle est pénétrée par u n tronc d e cône droit ayant p o u r axe d e révolution la ligne des foyers, et dont la section transversale dans la séparation de la p r e m i è r e et deuxième chaudière est u n demi-cercle d e 0,60 d e rayon. m

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m

m

C'est là le courant de flamme ; il passe par le foyer des surfaces enveloppes des chaudières. Ainsi tout le calorique rayonnant, t e n d a n t à aller joindre l'autre foyer, échauffe également partout la c h a u d i è r e , o u d u moins tous ces rayons sont réfléchis sur la chaudière bien plus q u e par des m u r s verticaux. L a surface d u fourneau est formée d u côté de la deuxième chaudière p a r u n ellipsoïde et d u côté opposé par u n parabolaïde, ayant p o u r axe la ligne passant p a r le milieu d u c e n d r i e r , et son sommet sur la corde de l'arc g é n é r a t e u r de la petite c h a u d i è r e ; ces deux surfaces sont raccordées par u n e surface enveloppe. O n doit choisir p o u r l'intérieur des briques bien réfractaires,


( 16 ) et il serait bien de remplir le milieu de la maçonnerie d'un mélange de substances non conductrices, telles q u e du charbon, etc. Q u o i q u e ces surfaces n e soient exécutées qu'à peu p r è s , les fourneaux ainsi construits présentent d e b o n s résultats, puisqu'en moins d e douze heures u n e batterie d e cinq chaudières cuit six milliers d e sucre. L a c h e m i n é e a 1 8 , 0 0 de h a u t e u r , et son intérieur a 0 , 9 0 carré en bas et 0 , 6 0 carré en haut. E l l e est séparée en deux par u n m u r vertical, et chacune des deux batteries y corresp o n d par u n conduit de 0 , 4 5 d e large sur 0 , 9 0 de hauteur. ( P l a n c h e 3.) m

29. Dans les moulins à manége, combien emploie-t-on de mulets, de chevaux et de bœufs? O n a cinq relais de m u l e t s , u n de rechange. Q u a t r e relais marchant tout le jour d o n n e n t u n produit d e deux barriques d e 1 2 5 0 livres. 30. Quelle est la longueur des bras de levier pour faire tourner ces moulins? P l u s les bras d e levier sont longs et mieux cela e s t , on n'est borné q u e par la force des bois q u e l'on emploie et par l'étendue qu'on p e u t d o n n e r au manége. 31. Observez avec détail les machines à vapeur établies dans ces deux colonies. A S u r i n a m je n'ai p u voir q u ' u n e a n c i e n n e machine à simple effet; elle n'était plus en m o u v e m e n t . A D e m e r a r y il y a b e a u c o u p d e machines à v a p e u r ; les plus fortes sont de douze chevaux, et toutes à haute pression.


( 17 ) 32. Quels sont les perfectionnements dont elles sont susceptibles? Les machines à vapeur ont été p o r t é e s , jusqu'à ce j o u r , à u n degré de perfectionnement ; la science a marché pas à p a s , et c'est l'usage qui a successivement appris les changements nécessités par des accidents survenus ou des pertes de forces. Il faudrait suivre longtemps ces machines dans leur usage et en faire u n e é t u d e spéciale p o u r être à m ê m e d e juger si u n ouvrage déjà si parfait est susceptible de recevoir encore des améliorations. 33*. De quelle force sont les machines à vapeur appliquées aux sucreries et reconnues les meilleures? Celles de douze chevaux font plus d e travail, relativement à u n e machine de h u i t , q u e n e semblerait l'indiquer cette manière d e mesurer l e u r effet par n o m b r e de chevaux. U n e machine de douze chevaux a ordinairement u n e chaudière d'une machine de quatorze. L e but qu'on se propose est d'employer utilement le plus de calorique possible. La chaudière étant plus g r a n d e , on peut laisser plus d'espace v i d e , alors la vapeur trouvant plus d e p l a c e , enlève à l'eau plus d e c h a l e u r , et par conséquent au feu. L a tension de la vapeur a u g m e n t a n t , elle p r e n d , peu a p e u , ainsi q u e l'eau et la chaudière, la t e m p é r a t u r e de l'espace calorifiant : tant qu'il y a inégalité, il y a dépense utile d e calorique; q u a n d il y a équilibre, le feu n'a plus d'effet u t i l e ; or, cette inégalité se maintiendra d'autant plus longtemps q u e cet espace vide sera plus g r a n d , sans p o u r cela dépasser certaines limites. A chaque dépense d e vapeur cette inégalité se r e n o u v e l l e , et le feu a son effet u t i l e , pour former la vapeur d é p e n s é e , 2


( 18 ) réparer la perte de calorique q u e l'air environnant enlève à la c h a u d i è r e , et pour former m ê m e de nouvelles vapeurs, ou a u g m e n t e r la chaleur et la tension d e celles formées; et cet effet aura lieu d'autant p l u s , que l'espace vide sera plus grand pour le m ê m e feu et la m ê m e quantité d'eau, parce q u e la soupape de sûreté n e sera pas obligée de s'ouvrir sitôt. J e crois q u e c'est plutôt un excès de précaution qui a fait p r e n d r e cette mesure dans plusieurs usines q u e l'avantage q u ' o n p e u t en retirer, à moins q u e les chaudières des machines à vapeur faites à Liverpool n e soient réellement trop petites. Car, dans toute machine bien faite, la chaudière est calculée d e manière à prévenir tous accidents et à employer le plus utilem e n t possible le feu du foyer. C'est peut-être aussi u n e suite d e la différence d e pression atmosphérique. 34*. Les moulins adaptés à ces machines sont-ils sujets à s'engorger de bagasses et par suite à s'arrêter, quoique la machine à vapeur agisse toujours avec la même force, et à fermer le passage aux cannes par l'amas de ces bagasses entre les trois cylindres? Cet inconvénient ne tient-il pas entièrement à la forme et à la position de la pièce en fer que l'on nomme doubleuse, et qui est placée entre les trois rôles, à quelques pouces de distance du rôle supérieur et presque tangentiellement aux deux rôles inférieurs? J'ai vu u n m o u l i n , non pas être a r r ê t é , m a i s avoir son m o u v e m e n t considérablement retardé par l'engorgement que causait la bagasse en passant e n t r e le premier cylindre inférieur et la doubleuse. D'après la disposition de la machine, on p e u t remédier à cet i n c o n v é n i e n t , qui provenait de la négligence des agents. La doubleuse se place par ses extrémités clans un encastrement où elle est fixe, mais les tournillons des cylindres reposent dans des crapaudines à coulisse, dans lesquelles passe une vis dont la tête en forme d'ecrou est derrière u n point fixe. E n tourn a n t la tête de la vis, on fait mouvoir la crapaudine qui sou-


( 19 ) tient l'axe du cylindre qu'on veut faire mouvoir. O n est dans l'habitude d e m e t t r e la doubleuse presqu'à toucher les cylindres. Cette doubleuse est d e n t é e de manière à laisser couler en dessous le jus d e la C a n n e . (Planche IV, fig. 1 .) re

3 5 *. Dans nos moulins de Cayenne cette pièce dite doubleuse est plus éloignée du rôle inférieur correspondant au côté où donnent les cannes que de celui qui fait sortir la bagasse; n'est-ce pas l'inverse de ce qui devrait avoir lieu ? Nous avons dit qu'on plaçait la doubleuse à u n e distance égale d e c h a q u e c y l i n d r e , et de manière seulement q u e chaque cylindre en t o u r n a n t ne la frottât pas. (Planche IV, fig.

1re.)

3 6 *. Tâchez de vous procurer à Demerary une coupe verticale d'un des moulins à sucre le plus récemment venus d'Angleterre, en détaillant avec la plus grande précision sur cette coupe la position relative des trois rôles de moulin avec la pièce en fer nommée doubleuse.

Cette coupe devra être cotée, surtout pour la distance des arêtes de la doubleuse aux deux rôles inférieurs du moulin. L a planche I V indique la position de la doubleuse et le m o u v e m e n t des cylindres. (Fig. 2.) 3 7 *. La pression des rôles de nos moulins s'effectue au moyen de deux coins en bois agissant sur les crapaudines du rôle supérieur. Examinez si, dans les nouveaux moulins venus à Demerary, cette pression se transmet au moyen de vis en fer. Il serait à propos de rapporter un plan de ce mécanisme, que nous pourrions sans doute exécuter avec avantage à Cayenne. La pression réelle n'est q u e le poids d u cylindre supérieur, seulement l'installation d e ces vis p e r m e t à ce cylindre de s'élever d'une quantité d o n n é e ; q u a n d la c a n n e a plus d'épaisseur qu'on n'a laissé d'intervalle, les vis offrent u n e résistance qui 2.


( 20 ) c o m m e n c e à écraser la c a n n e , qui est ensuite r e n d u e aussi mince q u e possible par le c y l i n d r e , qui tend continuellement par son poids à joindre ses arêtes à celles des cylindres inférieurs. C'est en général la manière d'agir des cylindres horizontaux. Ces quatre vis d e ceux de D e m e r a r y r e n d e n t le travail plus parfait. (Planche IV, fig. 1re.) 38

*.

On a adapté à Demerary, à quelques moulins à vapeur, des machines appelées servantes, dont l'usage est de monter les cannes dans le moulin et de remporter la bagasse en dehors. Nous n'avons point de ces machines à Cayenne. Procurezvous des renseignements sur cet article important. J e n'ai vu nulle part ces servantes. O n m'a m ê m e assure qu'il n'en existait pas à D e m e r a r y . C'est un essai p e u coûteux qu'on p e u t faire et qui doit économiser beaucoup de main d'œuvre. 39. Combien une machine à vapeur, de la force de 8 chevaux, à double effet et à haute pression , consomme-t-elle de bois par vingt-quatre heures? J e n'ai pas p u voir d e machines d e 8 chevaux. O n se sert d e charbon de terre, qui est beaucoup meilleur marché q u e le bois qu'il faudrait aller p r e n d r e fort loin. 3 9 bis. Combien faut-il d'eau pour l'alimenter? J e n'ai p u recueillir de renseignements précis sur cette question. Ceux qui font usage de ces machines paraissent seulement assez au courant du mécanisme p o u r p r e n d r e les précautions nécessaires à la sûreté. H y a par quartier u n ingénieur m é c a n i c i e n , chargé de m o n t e r et de réparer toutes les machines en usage. Malgré le


( 21 ) désir que j'en avais, je n'ai pu m e trouver en rapport avec aucun d'eux; ils m'auraient d o n n é des d o c u m e n t s précis sur les machines e m p l o y é e s , sur leur degré d'utilité r e c o n n u e , leur p r i x , etc. 40. Combien fait-elle de gallons de vesou par heure? L a m a c h i n e à vapeur d e 12 chevaux fait d e quinze à seize cents gallons par h e u r e . Six gallons d e vesou d o n n e n t en général u n de s i r o p , ce qui représente d e 4 à 5 livres ; ce qui fait u n peu moins d e u n gallon et demi par livre d e sucre. Ces produits varient suivant les saisons où l'on récolte et suivant les terrains. L e vesou coule dans les bacs à travers u n e passoire. (Planche IX, fig. 1re.) 41. Combien de sucre par jour? U n moulin à vent d e la force d e 8 chevaux fait six milliers e n v i r o n , en douze h e u r e s ; u n e machine à vapeur de 12 chevaux en fait d e douze à treize milliers; u n moulin à marée d e la force d e 8 chevaux fait environ cinq milliers ; u n moulin à manège de 8 chevaux aussi, fait deux mille cinq cents. D a n s toutes ces machines d e 8 chevaux, la résistance du point de travail est bien vaincue par 8 chevaux; mais le travail produit p e n d a n t u n temps d o n n é étant aussi u n e fonction de la vitesse, il faut bien que les résultats soient différents si les vitesses avec lesquelles sont vaincues les résistances sont différentes. E n effet, ces machines sont mues avec des vitesses q u i sont dans le m ê m e ordre que les p r o d u i t s , ce qui fait penser, en prenant p o u r point de départ le moulin à manége, q u e les autres sont réellement de plus de 8 chevaux. Aussi voit-on dans les machines à v a p e u r , q u i sont mieux estimées, qu'elles font comparativement plus q u e toutes ces machines dites de 8 chevaux : c'est qu'on n'a pas porté trop bas l'estimation de l'effet que les moulins à vapeur peuvent p r o d u i r e , parce q u e ,


( 22 ) p o u r u n temps d o n n é et u n e force d o n n é e , on a fait entrer dans l'effet produit la vitesse avec laquelle la résistance est vaincue. 4 2 et 4 3 . Combien faut-il de nègres pour son service? L e service d e la m a c h i n e , p r o p r e m e n t d i t , consiste dans l'entretien d u feu, ce qui se fait avec trois n è g r e s , u n pour m e t t r e le charbon d e t e r r e , et deux pour l'apporter au fourneau. L e s m o u v e m e n t s des pompes à air, à eau froide et des soup a p e s , sont produits par ceux d u balancier, c o m m e dans toutes les machines à vapeur construites d'après le système de W a t t , qui est à p e u près celui d'après lequel sont construites toutes les machines actuellement en u s a g e , et qui n e varient guère q u e dans quelques disposions assez indifférentes. Quel est l'emploi de chaque nègre? P o u r servir le moulin m u par u n e machine d e 12 c h e v a u x , on emploie u n e vingtaine d'individus, h o m m e s , femmes et enfants. L e s femmes et enfants a p p o r t e n t la c a n n e , et deux h o m m e s la présentent au m o u l i n . L e n o m b r e d'individus employés varie b e a u c o u p ; cela d é pend de l'âge de ceux qu'on e m p l o i e , de la manière dont ils sont c o n d u i t s , en u n m o t , cela d é p e n d b e a u c o u p des directeurs. 44. Nos fourneaux de sucrerie de quatre chaudières, la batterie ayant 43 pouces et la grande 6 6 , ne cuisent dans les circonstances les plus favorables que 1 , 2 5 0 kil. de sucre en vingt-quatre heures. Ce résultat n'est pas comparable à celui que l'on obtient, diton, des équipages de même force dans les autres colonies. C'est donc un des objets les plus importants à se procurer que le plan d'un de ces bons équipages à sucre de Demerary. La planche n° 3 représente u n équipage faisant par batterie six milliers en douze heures.


( 23 ) 45. Les bons équipages ont-ils quatre, cinq ou six chaudières? A S u r i n a m ils n'ont généralement q u e quatre chaudières par batterie. U n A n g l a i s , établi dans la r i v i è r e , en a cinq et u n e seule c h e m i n é e au milieu. Ses produits sont fort beaux. A D e m e r a r y on a généralement cinq c h a u d i è r e s , nous dirons plus loin quel en est l'avantage. La sucrerie qui fait de douze à treize milliers par douze heures en a sept par batterie. Il existe, sur la côte ouest d e D e m e r a r y , u n moulin à vent dont la charpente est tout en fer coulé à L i v e r p o o l , et d'un travail fini. (Planche IV ,fig. 4.) L e vesou est m o n t é à la sucrerie au m o y e n d'une r o u e à augets intérieurs. (Planche IX, fig. 2.) C'est sur le plantage q u e se trouve la batterie (planche III ) : elle a cinq chaudières. E n voici l'avantage : on remplit les deux grandes chaudières de vesou froid, l'une et l'autre servent à alimenter la troisième; il résulte de là q u e , p r e n a n t moins dans chaque c h a u d i è r e , on a moins à remplacer p o u r les tenir p l e i n e s ; par c o n s é q u e n t on refroidit moins c h a q u e chaudière ; m ê m e ces remplacements ainsi conduits n'arrêtent pas l'ébullition. O r , c'est à cet état q u e le vesou se dépouille plus aisément d e toutes ses parties hétérogènes q u e quand il commence à devenir siropeux. Il y a donc économie de temps ; les produits sont plus beaux et en plus g r a n d e quantité, parce q u e les écumes sont moins chargées de s i r o p , la plus grande partie ayant été tirée des premières chaudières. 46. Quelles sont la forme et les dimensions de ces chaudières?

La planche n° 3 l'indique.


( 24 ) 47. Quelles sont les dimensions du cendrier du foyer et la forme du fourneau sous les différentes chaudières? La planche n° 3 l'indique. 48. Quel est le diamètre du canal de la cheminée et la hauteur de celleci? En un mot donnez un plan, très-détaillé et coté, du meilleur équipage de sucrerie de Demerary? Combien un pareil équipage peut-il cuire de sucre par jour? La planche n° 3 l'indique. 49. Pratique-t-on des ventouses sur les cendriers de ces équipages? Non. 50. * Quelles sont la forme et les dimensions des rafraîchissoirs où on met le sucre quand il sort de la chaudière? L a figure 3 , planche n° 7 , m o n t r e les rafraîchissoirs. Q u a n d le sirop est fait, on dispose sur deux de ces rafraîchissoirs u n troisième par-dessus ; il est placé de manière à ce q u e chacune d e ses moitiés corresponde à chacun des deux qui sont dessous ; c'est dans ce rafraîchissoir supérieur qu'on verse le sirop qui coule par u n trou fait d e chaque bord dans son correspondant inférieur; par cette manière de diviser u n e charge, les couches successives sont moins épaisses, la cristallisation se fait mieux et plus vite. 51. Ces rafraîchissoirs sont-ils en bois ou en fer? E n bois.


( 25 ) COFFRES DE DESSECHEMENT EN FEU.

5 2 *. Quelles sont la forme et la grandeur des coffres en fer pour l'écoulement des eaux des terres basses? Surinam n e possède q u e quelques coffres en bois ; l'usage général est d e se servir d'écluses en b r i q u e s . A Demerary on c o m m e n c e à faire usage des coffres en fer. Ces coffres ne sont a u t r e chose q u e d e grands tuyaux de c o n d u i t e , d o n t les plans d e jonction sont i n c l i n é s ; ils sont réunis par des boulons à écrous q u i traversent des rebords laissés à cet effet. Un coffre se compose généralement de trois d e ces cylindres ; ils sont enterrés dans u n e digue faite au b o u t d u canal d ' é c o u l e m e n t , et d o n t les côtés ainsi q u e ceux du canal près d e la d i g u e , sont soutenus par u n bâtis en charpente p o u r e m p ê c h e r les éboulements q u e pourrait occasionner le m o u v e m e n t des eaux en ces points. L'inclinaison des plans d e joint utilise le poids d e la d i g u e , d o n t u n e partie tend à les r é u n i r ; e n o u t r e ils sont mastiqués avec u n mélange d e souffre, d'ammoniac et de limaille d e fer, qui devient d'une d u r e t é considérable. L e n o m b r e de ces cylindres, q u i ont six à sept pieds de long, est s u b o r d o n n é à l'épaisseur qu'on est obligé de d o n n e r à la digue p o u r soutenir l'effort des eaux. L e cylindre extérieur est fermé par u n e p o r t e en d e m i - s p h è r e q u i , t o u r n a n t autour d'une c h a r n i è r e , vient s'appliquer dans u n e feuillure: comme elle est très-lourde, la fermeture se fait b i e n , et sa forme y contribue. (Planche V,fig. 5.) L e d e r n i e r cylindre intérieur a u n e o u v e r t u r e à p e u de distance du b o u t ; cette o u v e r t u r e d o n n e passage à u n e vanne qui glisse dans u n e coulisse intér i e u r e ; elle se m a n œ u v r e par u n levier dont le point d'appui est e n t r e la puissance et la résistance. Cette vanne sert à retenir les eaux quand on le juge convenable. (Planche Ire , fig,

2.)


( 26 ) 53. Quel est le prix d'un de ces coffres relativement à l'étendue de terrain qu'il a desséché? P o u r u n terrain d e 3 0 0 acres, il faut u n coffre de quatre pieds d e diamètre. C h a q u e cylindre r e v i e n t , prix m o y e n , à 8 0 0 fr. environ. 54. Tâchez de rapporter un de ces coffres s'ils présentent un avantage réel. Il sera donné ici, à titre d'avances remboursables, à quelque planteur industrieux. L'avantage d e ces coffres est, je c r o i s , incontestable, en ce q u e la d u r é e est t r è s - g r a n d e , qu'ils n'ont pas besoin de r é p a rations , et qu'ils offrent u n e plus grande sécurité. Les essais étant e n c o r e récents à D e m e r a r y , j'ai pensé qu'il était peutêtre b o n d'attendre quelque t e m p s , p o u r être plus assuré de l'avantage de ce g e n r e de f e r m e t u r e ; en o u t r e on les fait venir par c o m m a n d e de Liverpool ; ceux qu'on aurait p u me céder n'auraient peut-être pas convenu par leurs dimensions. O n sera à m ê m e , quand on le v o u d r a , d'en c o m m a n d e r de la dimension nécessaire à l'écoulement d e tel ou tel plantage. 55. A Demerary on possède aussi sur les habitations en terres basses des citernes en fer pour contenir les mélasses. On en a aussi pour retenir les eaux pluviales. Quel est le prix de ces citernes pour une certaine contenance? O n a quelques citernes à mélasse en fer à D e m e r a r y ; mais on y r e n o n c e , parce qu'outre qu'elles d o n n e n t du goût aux mélasses, elles se détériorent p r o m p t e m e n t et ne présentent ainsi aucune économie. L e s citernes à eau sont d'un usage plus g é n é r a l ; elles s o n t composées de plaques de fonte à r e b o r d s , unies ensemble par


( 27

)

des boulons à é c r o u s , et mastiquées dans les joints avec le mélange d o n t nous avons parlé. 56. Quelle est la manière de poser ces coffres et citernes. Les citernes sont placées sur u n e m a ç o n n e r i e en b r i q u e s , qui repose elle-même sur u n grillage. (Planche V,fig. 1re.) 57. Les pose-t-on sur grillage? Les coffres se placent sur grillages, principalement sur les bords d e la m e r ; mais dès qu'on r e m o n t e u n peu la rivière on est plus sûr de la solidité d u t e r r a i n , et l'on n e fait pas usage du grillage en dessous. 58. De quelle manière se font ces grillages? Ces grillages se font c o m m e ceux qui servent d'assise aux écluses; nous en d o n n o n s la description à l'article 1 3 8 . 59. A-t-on appliqué, soit à Surinam, soit à Demerary, les machines à vapeurs aux moulins à café, à coton et à scies? A S u r i n a m , il existe u n e scierie m u e par la vapeur ; elle vient d'être a b a n d o n n é e parce qu'il est difficile d'y faire arriver les bois. O n trouve plus d'avantage à scier e n forêt. O n exploite dans les hauts d e la rivière des bois d e construction p o u r rebâtir la portion d e la ville d e P a r a m a r i b o qui a été brûlée il y a trois ans. L e s Américains a p p o r t e n t beaucoup d e planches d e sap, q u i sont employées dans toutes les constructions. L e s moulins à café vont à bras ou au m o y e n d'un tambour q u e font marcher q u a t r e nègres.


( 28 ) A D e m e r a r y , il y a u n e machine à vapeur qui fait marc h e r u n e scierie qui n'est point en activité m a i n t e n a n t ; elle est placée sur le bord de la m e r et fait la double fonction d'amener les bois en m ê m e t e m p s qu'elle fait marcher les scies. Il y a aussi d e petites machines à vapeur d e quatre chevaux q u i , d'un c ô t é , font aller le moulin qui sert à piler le café e t , d e l'autre, celui qu'on emploie p o u r lui ôter sa cerise. FABRICATION DU SUCRE ET DU

RHUM.

60. Quels sont les ingrédients dont on se sert avec le plus de succès pour la clarification du vesou ou jus de cannes, et la cristallisation du sucre? O n emploie la chaux v i v e , mais les avis sont partagés sur la manière de l'employer soit à chaud soit à froid. O n prétend q u e si l'on agit sans le secours de la chaleur, le sucre est u n p e u plus b e a u , il est v r a i , mais q u e la fermentation acide est plus p r o m p t e à se développer dans les pièces à g r a p p e s , ce qui cause un d o m m a g e dans les produits d e la distillerie, dommage qui n'est point compensé par le petit degré de b e a u t é qu'on gagne sur le sucre. La fermentation acide est, dit-on, plus p r o m p t e à se développer, parce q u e sortant d u moulin le vesou est obligé de rester quelques temps dans les bacs où l'on fait l'opération, et on le laisse déposer avant de l'envoyer à la c h a u d i è r e : p e n d a n t ce temps il s'y développe u n principe de fermentation q u i , tendant à s'accoître par la c h a l e u r , est cause q u e les écumes qu'on m e t dans le mélange y p o r t e n t le m ê m e principe et empêchent les grappes de passer aussi doucem e n t à la fermentation vineuse, ce qui est nuisible aux p r o duits de la distillerie.


( 29 ) 61. Quels sont les moyens employés pour accélérer la coupe des cannes, leur transport au moulin, le charroi du chauffage pour faire cuire le vcsou? O n n'emploie aucuns moyens particuliers. Voici la répartition des h o m m e s : p o u r faire le sucre dans u n moulin de Surinam d o n t les cylindres sont verticaux, dont le m o t e u r est la m a r é e , et d o n t la batterie est d e quatre chaudières : 2 2 1 3

nègres p o u r m e t t r e la c a n n e ; id. p o u r t o u r n e r la bagasse ; id. p o u r ôter la bagasse d u moulin ; petits nègres p o u r e n t r e t e n i r la circulation vesou ; 6 nègres p o u r alimenter d e cannes le moulin ; 6 id. p o u r e m p o r t e r la bagasse aux cases ; 4 id. p o u r bouillir ; 3 id. p o u r m e t t r e le feu; 3 id. p o u r l'entretenir,

du

en tout 3 0 nègres; ils sont à la tâche et suffisent facilement à faire le travail. 62. Quelles sont les meilleures espèces de chauffage ? C'est la bagasse qui suffit g é n é r a l e m e n t , cependant si elle vient à m a n q u e r , ce qui est a r r i v é , mais r a r e m e n t , à S u r i n a m , on se sert d e bois qui est très-cher, car la tâche d'un nègre n'est que d'une brassée par jour, et encore faut-il le fendre. O n m'a dit qu'il est arrivé q u e , dans des temps canne était bien n o u r r i e , p o u r n e pas employer de on pressait moins la c a n n e q u i , contenant encore des cipes sucrés procurait u n e flamme vive et brillante;

où la bois, prinil est


( 30 ) cependant difficile de croire qu'on trouve u n e économie à agir de la sorte. 63. Quels sont les procédés mis en usage dans ces colonies avec un avantage reconnu pour obtenir plus de produits et des produits de première qualité? L e s différents procédés q u e n o u s avons décrits semblent avoir m e n é à ce b u t . D a n s u n plantage de D e m e r a r y on emploie u n procédé c h i m i q u e au m o y e n d u q u e l le sucre est b e a u c o u p plus blanc. Ce procédé q u e le propriétaire tient secret consiste p e u t - ê t r e à employer le charbon animal qui possède à u n si haut degré la propriété de décolorer les substances végétales. 64. Donnez des détails sur la construction des cases propres à contenir et sécher les bagasses. A S u r i n a m les cases à bagasses sont généralement petites et peu soignées ; les piliers reposent sur des patins en briques inclinés vers l'intérieur, pour retenir les piliers contre la poussée des bagasses. O n m e t sous le pied de ces piliers des plaques de p l o m b p o u r e m p ê c h e r les poux d e bois d e les ronger au cœur. A D e m e r a r y les cases à bagasses sont plus grandes et mieux soignées; elles sont à d o u b l e toit. ( Pl. II, fig. 2. ) O n laisse sécher la bagasse le plus possible, parce qu'une flamme vive produit proportionnellement dans moins d e temps plus de chaleur qu'une flamme lente : en effet le combustible h u m i d e subit u n e espèce de distillation q u i est en p u r e perte p o u r la chaleur à produire.


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)

65. Quel est le degré de dessiccation de la bagasse le plus favorable à la combustion, afin d'économiser le chauffage le plus possible? Economie très-importante, parce qu'elle épargne le transport des pailles qui consume un temps précieux, et que les pailles pourraient alors servir en totalité d'engrais. Puisqu'il y a moins de p e r t e de chaleur il y a économie d e combustibles, c'est peut-être ce qui fait q u e la bagasse suffit presque toujours à S u r i n a m et à D e m e r a r y . En outre le travail se fait mieux quand les chaudières bouillent avec force parce q u e le vesou se dépouille mieux, ensuite il se fait plus v i t e , ce qui p e r m e t de confectionner plus de produits avec la m ê m e batterie. 66. Quels sont les bâtiments nécessaires à la fabrication du rhum qui présentent l'avantage de la solidité et de l'économie, et sont reconnus pour la meilleure construction ? A S u r i n a m on fait d u r h u m qui ne ressemble en rien a u r h u m d e la J a m a ï q u e . L e s bâtiments où l'on fait cette distillation n'ont rien d e particulier, ils sont p e u t - ê t r e moins beaux et moins commodes q u e les nôtres. Les planches V I I et V I I I indiquent la diposition d'une sucrerie et de sa distillerie à D e m e r a r y . Cette disposition paraît fort c o m m o d e .

67. Quelle différence fait-on à Demerary entre le rhum et le tafia? A S u r i n a m on fait deux espèces d e r h u m , l'une p o u r donner aux n è g r e s , et l'autre p o u r l'usage particulier de la colonie, mais qui pourrait être marchand si l'on trouvait q u e l q u e avantage a en faire un objet de c o m m e r c e . A Demerary on ne fait qu'une espèce d e r h u m , qui,


( 32 ) Lien qu'il soit fort b o n , semble être encore beaucoup a u - d e s s o u s d e celui d e la J a m a ï q u e . O n prétend qu'à la J a m a ï q u e on le laisse plus longtemps en barriques avant d e le vendre et qu'on se sert p o u r le conserver de fûts de vins d e Madère. 68. Y a-t-il des procédés différents pour la fabrication ? Non. 69. Quelle est la fabrication du rhum? A Surinam on distille le mélange fermenté dans les pièces à grappe jusqu'à ce que le produit n'ait plus de force. O n distille ensuite le tout u n e deuxième fois; sur 3 5 0 gallons de mélange on en retire 1 2 0 d e r h u m . O n mêle les écumes avec de l'eau p o u r faire le petit r h u m . A D e m e r a r y on distille le mélange f e r m e n t é , et fait c o m m e il est dit à la composition des g r a p p e s , jusqu'à ce q u e le r h u m n'ayant plus de degré convenable c o m m e n c e à p r e n d r e u n goût d ' e m p i r e u m e ; on réserve ce reste ou vidange qui contient de l'alcool, et on l'emploie dans le mélange suivant : 3 0 gallons d e vidange, 3 0 id. d'écumes, 3 0 id. d'eau, 1 0 id. de mélasse. Si l'on n'a pas d'écumes on p e u t aussi mélanger 6 0 gallons d e r e s t e , 2 5 id. d ' e a u , 15 id. d e mélasse. 70. Quelle est la meilleure forme de chaudières à distiller? J e n'ai rien vu d e particulier sur ces chaudières.


( 33 ) O n installait dans plusieurs distilleries d e D e m e r a r y u n procédé nouveau au moyen d u q u e l tout ce qui existe ordinairement d'alcool dans le reste d e la première distillation passe sans mauvais g o û t , dès la première fois, ce qui p r o duit nécessairement u n e économie de combustibles. E n o u t r e le r h u m est, d i t - o n , m e i l l e u r ; de plus cet appareil très-simple et peu coûteux remplace le chapiteau d o n t on p e u t se passer. Voici en quoi cela consiste : on m e t à la place du chapiteau u n e barrique bien cerclée et bien I u t é e sur la chaud i è r e , u n tuyau d o n t l'orifice e n t r e dans la partie supérieure de la quantité nécessaire à sa t e n u e et y est bien exactem e n t l u t é . Ce tuyau va plonger dans u n e petite pièce faite en forme d e cône t r o n q u é ; il e n t r e par la partie supérieure et s'arrête à p e u près au milieu ; u n autre tuyau engagé dans la partie supérieure, c o m m e le premier l'est dans l'autre p i è c e , va correspondre avec le s e r p e n t i n , la vapeur alcoolique, passant ainsi dans cette espèce d e premier réfrigérant à air, se dépouille p e u t - ê t r e des parties empireumatiques qui sont entraînées q u a n d elle va directement au serpentin. A p r è s la distillation, ce qui reste dans la chaudière et le residu qu'on trouve dans la deuxième pièce sont jetés c o m m e n'étant plus propres à r i e n . (Pl. VI, fig.2.) 71. Quelle est la meilleure construction des pièces à grappes? U n cône t r o n q u é c o m m e à C a y e n n e . 72. Donnez-nous la composition des grappes? A Surinam on m e t sur u n e quantité d o n n é e d'eau u n dixième d e mélasse; on laisse ce mélange fermenter dans les pièces à grappes pendant dix à onze j o u r s . A D e m e r a r y si le vesou rend p o u r 6 gallons u n de sirop, la grappe se compose ainsi : 7 5 gallons d'écumes, 3


( 34

)

2 0 id. d ' e a u , 5 id. d e m é l a s s e . S i le vesou 70 25 5

rend plus, gallons d ' é c u m e s , id. d ' e a u , id. d e mélasse.

Q u i n z e livres d e c h a u x v i v e d a n s 100 gallons d'eau s o n t nécessaires à la d i s t i l l e r i e , il e n est d e m ê m e à S u r i n a m . L e m é l a n g e se fait d a n s u n e c i t e r n e i n d i q u é e ( p l . VII) et se m o n t e d a n s les pièces à g r a p p e a u m o y e n d ' u n e p e t i t e p o m p e aspirante et foulante. L a p r o p i e t é la p l u s r e c h e r c h é e d a n s les pièces à g r a p p e s , ainsi q u e d a n s t o u s les u s t e n s i l e s et c o n d u i t s , e n g é n é r a l d a n s t o u t ce q u i p e u t ê t r e e n c o n t a c t a v e c le m é l a n g e , est d e r i g u e u r . L e s p i è c e s , dès qu'elles s o n t v i d e s , sont lavées à g r a n d e e a u , s é c h é e s e t b l a n c h i e s e n d e d a n s à la c h a u x . O n r e g a r d e d a n s les distilleries c e t t e p r o p r e t é c o m m e fort i m p o r t a n t e , e n ce q u e , s'il e n était a u t r e m e n t , la f e r m e n t a t i o n a c i d e p o u r r a i t se d é c l a r e r et c a u s e r d e s p e r t e s ou d o n n e r d e mauvais p r o d u i t s . O n n'a pas d e t e m p s fixe p o u r laisser f e r m e n t e r le m é l a n g e ; o n est a v e r t i d u t e m p s c o n v e n a b l e p a r le b r u i t , c'est o r d i n a i r e m e n t dix o u onze j o u r s c o m m e à S u r i n a m C e s p r é c a u t i o n s e n t r a î n e n t , il est v r a i , à d e g r a n d s frais. M a i s il a r r i v e q u e ces r h u m s p o u v a n t souffrir n o n - s e u l e m e n t la c o n c u r r e n c e , mais l ' e m p o r t a n t en q u a l i t é s u r b e a u c o u p d'autres d a n s les m a r c h é s o ù ils s o n t p r é s e n t é s , t r o u v e n t u n d é b i t facile, et. le bénéfice se r e t r o u v e s u r la p l u s g r a n d e q u a n t i t é v e n d u e . 73. Quels sont les moyens d'accélérer la fermentation, et généralement tous les procédés employés pour atteindre le point de per. fection des rhums de la Jamaïque, qui sont les meilleurs connus? L e s pièces à g r a p p e s s o n t o r d i n a i r e m e n t placées d a n s u n e n d r o i t f e r m é : la t e m p é r a t u r e d e l ' a t m o s p h è r e sans c o u r a n t d'air p r o d u i t u n e c h a l e u r d o u c e favorable à la f e r m e n t a t i o n .


( 35 ) La chaux qu'on emploie est peut-être là p o u r s'emparer de l'acide carbonique qui p e u t se développer. 74. Comment conserve-t-on le rhum , et combien de temps est-il marchand après la fabrication ? A S u r i n a m et à D e m e r a r y on m'a dit qu'il n'était m a r chand qu'au b o u t d'un a n . O n le conserve dans des pièces de 4 . 75. Quel est à Demerary le traitement d'un bon distillateur ? Chaque directeur aidé de ses économes dirige les opéra tions de la distillerie ; tous ne procèdent pas de la m ê m e manière dans les mélanges qu'ils font. RÉGIME INTÉRIEUR DES HABITATIONS.

76. A Surinam? L e s habitations appelées plantages à S u r i n a m sont régies par u n directeur résidant sur les lieux et dirigeant lui-même tous les travaux de culture. C e directeur est sous les yeux immédiats d'un administrateur d e m e u r a n t en ville ; il lui rend compte des produits d o n t le m i n i m u m est fixé; u n e augmentation dans les produits n'est d'aucun avantage p o u r le directeur, seulement sa b o n n e gestion lui fait entrevoir l'espoir d'être choisi p o u r administrateur. U n administrateur p e u t avoir plusieurs plantages sous son administration ; il retire d'abord 1 0 p . % sur le produit b r u t , paye les frais des plantages et envoie le reste aux propriétaires qui sont presque tous absents. Les produits sont envoyés en H o l l a n d e ; on vend peu sur les l i e u x : ainsi u n e grande partie des produits de la colonie se trouve au profit d e la m é t r o p o l e , puisque là sont les propriétaires, et que là se trouve l'écoulem e n t des bénéfices de l'industrie de la colonie. Malgré cela il 3 .


( 36 ) paraît régner beaucoup d'aisance à S u r i n a m , le grand nombre des plantages appelant b e a u c o u p d e m o n d e , il s'est établi principalement u n commerce d'intérieur de détail qui est assez considérable. Les habitants sont tous marchands, employés particuliers ou d u g o u v e r n e m e n t , mais très-peu sont p r o priétaires, et le peu qu'il en existe sont administrateurs e n m ê m e temps. L e s directeurs ont sous leurs ordres u n certain n o m b r e d'officiers b l a n c s , selon la grandeur d u plantage. L e directeur reçoit par an 1 , 5 0 0 francs de t r a i t e m e n t , il emploie les nègres nécessaires à son service ; il a un jardin potager et la jouissance des troupeaux de l'habitation ; il lui est permis de t u e r u n certain n o m b r e de têtes chaque a n n é e . L e s officiers blancs sous ses ordres ont environ 1 0 0 fr. de traitement par an et sont nourris par lui. Ils font aussi l'apprentissage d u métier d e p l a n t e u r s , et obtiennent ordinairement u n e direction au b o u t de trois ou quatre ans de ce noviciat. Plusieurs officiers noirs ou c o m m a n d e u r s viennent e n s u i t e , et sont directement responsables de l'exécution des travaux ordonnés par le d i r e c t e u r , et surveillés par les officiers blancs. L e s punitions à infliger aux nègres sont soumises à l'approbation du d i r e c t e u r ; il p e u t suspendre le traitement des officiers b l a n c s , et m ê m e les renvoyer s'il en est mécontent. L e surnumérariat q u e font les officiers blancs excite chez les jeunes gens u n e émulation qui a les plus heureux résultats, en ce qu'elle offre u n e pépinière de directeurs fort e n t e n d u s . Des lois sont établies pour empêcher le directeur d'agir trop arbitrairement à l'égard des nègres; les bons traitements qu'ils reçoivent généralement sont cause qu'étant heureux ils sont dociles, qu'il y a p e u de peines à infliger. Aussi le fiscal, qui est chargé de faire exécuter les l o i s , n'a-t-il pas besoin de surveillance à cet égard. L a présence continuelle sur les travaux des délégués du directeur , qui y va lui-même deux fois par j o u r , e m p ê c h e que les


( 37 ) nègres m a n q u e n t de s'acquitter de leurs tâches ou qu'ils s'en acquittent mal. O n fait p e u d e travaux à la j o u r n é e ; quand cela a r r i v e , il importe q u e les travaux soient surveillés strictement. Ceux qui se font à la journée sont ceux qui ont p o u r objet d e recourir les cannes et les p l a n t e r , parce qu'il est important q u e ces travaux n e soient pas négligés. Le soir, des gardiens sont établis aux écluses, aux coffres et sur tous les points où le directeur juge nécessaire de faire veiller. U n c o m m a n d e u r s o n n e d e temps en t e m p s d'un cornet à b o u q u i n ; c h a q u e gardien est obligé d e r é p o n d r e , ou il est puni. Ce cornet sert à appeler d u travail : quand o n v e u t appeler en cas d'alerte, p o u r u n e digue r o m p u e , u n e r é v o l t e , e t c . , on en sonne d'une manière continue ; alors tout le m o n d e quitte le travail et se r e n d à la maison d u directeur. A Demerary? La colonie de D e m e r a r y ayant été formée par les Hollandais, il est resté u n grand n o m b r e d'usages et d e lois hollandaises, concernant la manière de régir les habitations. H y a, c o m m e à S u r i n a m , des d i r e c t e u r s , des administrateurs qui souvent sont d i r e c t e u r s , ce qui est mauvais, parce q u e ces derniers a y a n t , o u t r e leur salaire, 10 p o u r % sur les p r o d u i t s , p e u v e n t , s'ils n e sont pas honnêtes g e n s , forcer le travail des nègres et abîmer l'atelier qui l e u r est confié. L e s directeurs o n t sous leurs ordres des économes qui ont des appointements plus considérables q u e ceux d e Surinam ; ils ont de 1,500 à 2,000 francs. L e s directeurs sont aussi b e a u c o u p mieux payés. Ê t r e é c o n o m e , c'est u n état à D e m e r a r y , tandis qu'à S u r i n a m , officier blanc n'est qu'un apprentissage. Ces c o m m a n d e u r s surveillent continuellement les travaux. L'administrateur envoie les produits en E u r o p e ou les vend sur les lieux s'il y trouve d e l'avantage. Les nègres habitent par famille, dans des cases fort p r o p r e s ,


( 38 ) derrière lesquelles ils ont u n petit jardin et u n carbet pour faire la cuisine. Quelques habitants mettent m ê m e du luxe dans rétablissement d e leurs négreries; ils ont des hôpitaux vastes et bien a é r é s , u n médecin par quartier ou division, qui perçoit u n e s o m m e par tête de nègre ; de grands soins p o u r les malades. L e s femmes enceintes et les n o u r r i c e s , c o m m e les nègres, travaillent presque toujours à la tâche. L e s nègres e m ploient le temps qu'ils p e u v e n t gagner à la culture de leur jardin, à la p ê c h e , à la chasse ou à d o n n e r des soins à élever u n e petite basse-cour: n'étant pas gênés de travail, ils trouvent toujours quelques heures p o u r se livrer à ces o c c u p a t i o n s ; aussi sontifs fort heureux ; l'abondance règne chez e u x , et si l'on retire % peut-être u n m o i n d r e profit du travail de c h a c u n , on trouve cet avantage r é e l , la conservation et la reproduction de ces h o m m e s si utiles p o u r le planteur. RÉGIME INTÉRIEUR DES HABITATIONS A SURINAM ET À DEMERARY.

77*. De quoi se compose la ration journalière des nègres, en qualité et quantité? A S u r i n a m la ration journalière d é p e n d d e la volonté d u n è g r e , qui s'arrange avec ce qu'on lui d o n n e trois fois l'an. S u r u n e habitation d e 1 7 0 nègres, on distribuait en trois fois 6 barriques de m o r u e , 12 d e harengs salés, 1 , 6 0 0 livres d e tabac et 12 grosses de petites pipes. Ils p r e n n e n t journellement autant d e bananes qu'ils veulent. Dans les grandes sécheresses, on est obligé de les rationner d ' e a u , parce q u e les citernes c o m m e n ç a n t à s'épuiser, on n e p e u t pas c o m p t e r sur l'eau d e la rivière, qui n'est douce qu'à huit ou dix lieues. A D e m e r a r y on d o n n e p o u r chaque h o m m e , par s e m a i n e , 2 livres de m o r u e et 2 régimes d e b a n a n e s ; le plus ordinairement ils en p r e n n e n t à v o l o n t é , parce qu'elles sont en


( 39 ) abondance. Quelquefois la m o r u e est remplacée par d u lard , qu'ils font cuire avec les b a n a n e s , en pilant le t o u t , ce qui fait u n e fort b o n n e n o u r r i t u r e . 78. La distribution se fait-elle journellement ou par semaine? A S u r i n a m , par an trois fois. A D e m e r a r y , par semaine. 79*. De quoi se compose le rechange annuel donne pour l'habillement des nègres? A S u r i n a m il se compose d'une chemise d e t o i l e , u n e de laine, d e u x pièces de toile b l e u e , u n e de toile b l a n c h e , u n c h a p e a u , u n couteau , u n e paire d e ciseaux, u n rasoir, u n briq u e t , des pierres à feu, u n m i r o i r ; les femmes ont en o u t r e quelques mouchoirs de toile, à la place des ustensiles précédents d o n t elles ne font pas u s a g e ; la distribution se fait par famille; les enfants reçoivent c o m m e les nègres. A D e m e r a r y on d o n n e chaque a n n é e à u n nègre u n cha peau, u n e veste de drap bleu, un pantalon d e toile d'Osnabrugs, u n e chemise d e g i n g a , deux pièces de salempores, trois aunes anglaises ou 0m90 d e long sur l / 4 de large, u n rasoir, m i r o i r , briquet, pierres, etc. O n d o n n e aux femmes quatre aunes et demie de ginga et u n e paire d e ciseaux. 80*. Quels sont les moyens employés pour favoriser la population et pour la conservation des enfants? A S u r i n a m on pense q u e les b o n s traitements sont les meilleurs m o y e n s à e m p l o y e r : n e pas forcer leur travail, d o n n e r u n e n o u r r i t u r e saine et a b o n d a n t e , encourager le mariage des jeunes négresses, afin d'empêcher autant q u e possible le libertinage, toujours contraire à la reproduction.


( 40 ) L e s enfants sont élevés par leur m è r e , qui est toujours ménagée dans son travail pendant sa grossesse et après son accouc h e m e n t ; c e p e n d a n t , malgré tous ces soins, les décès excèdent encore beaucoup les naissances. A Demerary on prétend être arrivé au point de ne p e r d r e q u e u n p o u r c e n t , et d e gagner bientôt d e manière à pouvoir entretenir et m ê m e augmenter la population noire. D è s q u ' u n e négresse est enceinte on n e lui impose plus de t â c h e ; ce qu'elle fait est plutôt regardé comme une occupation salutaire à son état, que comme u n travail utile pour le plantage. Elle continue ainsi jusqu'à la veille de son accouchement, après lequel elle reçoit des présents du m a î t r e , et est exemptée d e tout travail p e n d a n t cinq ou six semaines. Après ce t e m p s , les nouvelles mères r e t o u r n e n t au travail; mais elles ont quatre ou cinq heures de repos de plus que les autres dans le courant du jour, p o u r se livrer aux soins qu'exige leur enfant; q u a n d la mère est aux c h a m p s , les enfants sont soignés par d e vieilles femmes qui ne font rien a u t r e chose. T o u t e femme enceinte est exemptée de la veillée et des corvées; il en est d e m ê m e des nourrices : enfin on prodigue aux mères et aux enfants les meilleurs traitements possibles, sans calculer la dépense q u e cela p e u t occasionner. Si le b u t qu'on se propose d'atteindre, et dont on a p p r o c h e de jour en j o u r , est r e m p l i , on sera a m p l e m e n t dédommagé des dépenses faites: malgré tous ces bons traitements on est d ' u n e grande sévérité p o u r ceux qui m a n q u e n t à leurs devoirs. 81. Ceux-ci sont-ils sujets au tétanos ou mal de mâchoire ? que pratique-t-on en pareil cas? Ils y sont sujets c o m m e chez n o u s . O n essaie d'introduire d e force des calmants dans la b o u c h e ; on emploie quelquefois la saignée : cette maladie enlève beaucoup d'enfants à S u r i n a m . A Demerary on pense q u e les bons traitements qu'on pro-


( 41 ) digue à la mère quand elle est enceinte et n o u r r i c e , les soins particuliers qu'on d o n n e aux nouveaux n é s , sont des causes qui préviennent jusqu'à u n certain point ce m a l , qui y fait moins de ravages qu'à S u r i n a m , et qu'on n'y sait pas mieux guérir. 82*. Quel est l'emploi du temps des nègres? A S u r i n a m les nègres se m e t t e n t a u travail à six heures ; ils quittent à d i x , se reposent jusqu'à o n z e , et d e là r e p r e n n e n t le travail jusqu'à cinq h e u r e s . Q u a n d ils sont à la t â c h e , ils q u i t t e n t dès qu'ils ont fini, v o n t à la chasse, à la p ê c h e , o u cultiver du manioc p o u r leur usage particulier. A D e m e r a r y , sur les côtes, les nègres travaillent depuis le point du jour jusqu'à onze h e u r e s ; puis ils r e p r e n n e n t le travail d e u n e à six heures d u soir. D a n s plusieurs plantages, on p o r t e à h u i t heures à déjeûner a ceux qui travaillent aux champs. S u r les bords d e la rivière, c'est depuis six jusqu'à o n z e , et de midi et demi à six heures. 83. Travaillent-ils à la tâche? O u i , sur toutes les habitations ; cependant, sur les sucreries, ils travaillent quelquefois à la j o u r n é e , parce q u e la nature des travaux, qui doivent être soignés, l'exige. 84. Quelle est la tâche de fossés? A S u r i n a m la tâche est d e 6 à 7 0 0 pieds d e surface à la profondeur de la pelle ; dans u n e terre m o l l e , u n bon nègre e n creuse jusqu'à 1 2 0 0 . A D e m e r a r y u n bon nègre tranche 6 0 0 pieds cubes d e fossés.


( 42 ) 85. Quelle est la tâche de sarclage? A S u r i n a m , p o u r sarcler u n a c r e , on met 6 h o m m e s , qui doivent faire ce travail dans le jour. L o r s q u e l'on doit rechausser en m ê m e t e m p s , il faut 9 hommes. D a n s les caféyères, la tâche est de 6 0 0 pieds d e long sur 8 de large ( p i e d s anglais bien e n t e n d u ) . O n rechausse et l'on épaille la canne deux fois avant de la couper. 86. Les nègres travaillent-ils à la veillée? A S u r i n a m , le m o t e u r employé dans b e a u c o u p de sucreries étant la m a r é e , on est bien souvent obligé de travailler la n u i t , ce qui doit être nuisible à la qualité et à la quantité des p r o duits. D a n s les caféyeries on veille jusqu'à onze heures p o u r piler le café. Cela arrive quand il est nécessaire de débarrasser la loge pour faire place à la suite de la récolte. A Demerary on veille sur peu d'habitations, et pas du tout sur celles qui emploient des m a c h i n e s , m ê m e par la vapeur. L e m o t e u r étant à la disposition du p l a n t e u r , il exécute le travail quand bon lui semble. 87. Quels sont les jours consacrés à leur repos? L e s dimanches seulement et quelques grandes fêtes de l'année, P â q u e s et Noël. 88*. Quel genre de punition leur inflige-t-on? A S u r i n a m , le fouet; mais on en use r a r e m e n t , parce q u e , n'étant pas trop pressés d e travail, ils o n t en général assez b o n n e volonté.


( 43 ) Plusieurs directeurs ont perdu l e u r p l a c e , et sont redevenus officiers b l a n c s , pour avoir été cause d e la désertion d e nègres qu'ils traitaient trop d u r e m e n t : cependant on est sévère, on les tient à distance. H y a des lois établies p o u r les p u n i t i o n s à infliger suivant les fautes, mais on n'y tient guère la m a i n ; chacun agit à p e u près comme il veut. A Demerary on se sert le moins possible du fouet ; l'emprisonnement solitaire est u n e punition e m p l o y é e , et à laquelle les nègres paraissent fort sensibles. O n dit q u e le p a r l e m e n t a o r d o n n é q u e le fouet serait remplacé par le martinet à neuf branches. 89. Leur donne-t-on des principes de religion? A Surinam on les laisse entièrement libres sur cet article; plusieurs m ê m e exercent la religion de leur pays. A D e m e r a r y , quoiqu'aussi libres, ils v o n t plus volontiers dans les églises. 90. Les nègres sont sujets au pian; quelle est la manière la plus prompte de traiter cette maladie et d'obtenir guérison radicale? O n n'a pas de remèdes efficaces. O n m'a dit qu'on avait l'hahitude de mettre la plaie a u vif, et de la saupoudrer d e paille de fer (l'oxyde qui se détache du fer q u a n d on le forge) : je ne sais jusqu'à quel point on p e u t ajouter foi à u n pareil r e m i d e . Dès qu'ils sont attaqués d e ce m a l , on les m e t à part. 91. Séquestre-t-on ceux attaqués de la lèpre, et connaît-on un moyen de traiter avec succès cette affreuse maladie? A Surinam les lépreux sont relégués sur u n endroit é l e v é , loin de la ville ; quand on en a u n chez soi, on est obligé d e faire sa déclaration sous peine d'une forte a m e n d e .


(44) A D e m e r a r y il n'existe pas d'établissements particuliers pour ceux qui sont attaqués d e la lèpre. O n paraît peu redouter ce mal. O n isole les lépreux des autres nègres, en les plaçant dans des cases construites dans les cotonniers, sur des points éloignés du plantage. NÈGRES MARRONS.

92. Les nègres marrons de Surinam ( non pas ceux avec lesquels le gouvernement hollandais a fait un traité, et dont il a reconnu l'indépendance, mais bien les nègres marrons) ne pourraient-ils pas inquiéter la nouvelle colonie de la Mana? Cela n'est pas probable. O n m'a assuré q u e , de n o t r e côté d u M a r o n i , il n'y en avait guère q u ' u n e cinquantaine : les esclaves m a r r o n s se tiennent dans les bois, en dedans des lignes sur la rive g a u c h e ; p e u d'entre eux t e n t e n t de sortir des lignes, parce qu'ils sont bientôt pris par les bos-nègres, leurs plus grands ennemis. L e g o u v e r n e m e n t hollandais d o n n e aux b o s - n è g r e s u n e somme par tête de nègres marrons pris par eux ; ils se sont obligés en o u t r e d'en p r e n d r e u n certain n o m b r e par an ; alors, p o u r remplir les conditions de leur t r a i t é , ils leur font continuellement la chasse. O n n e p e u t pas assigner au juste le n o m b r e actuel de ces bos-nègres, q u i , vivant l i b r e s , se sont, dit-on, considérablem e n t reproduits. C h a q u e a n n é e plusieurs d'entre eux vienn e n t recevoir les présents q u e le g o u v e r n e m e n t s'est engagé à l e u r faire ; ils apportent aussi en ville leurs p r o d u i t s , qui consistent en coton et ouvrages d e coton. Ils ne se laissent pas visiter chez eux. O n pense qu'il n'est pas impossible qu'ils se soient répandus dans les hauts d e la M a n a , mais o n n e sait rien d e certain à cet égard. Ils sont organisés, ont des chefs, et la manière d o n t ils ont


( 45 ) tenu à leurs traités avec les Hollandais prouverait leur bonne foi et leur tranquillité; car il paraît qu'ils pourraient considérablement inquiéter la colonie s'ils le voulaient. 93. On assure que ces esclaves sont en grand nombre; quel est ce nombre? D e six à sept cents. O n envoie assez souvent des détachements à leur poursuite. 94. Dans quelle partie, sur la rive droite du Maroni, pense-t-on qu'ils se soient réfugiés? Plusieurs ont fait des incursions jusqu'à Sinnamary où ils ont été arrêtés. O n pense qu'il y e n a p e u sur la rive d r o i t e , et qu'ils n e s étendent pas au delà d e la h a u t e u r du poste H e r m i n e . DU

CAFIER.

95. Détails sur cette culture. L e cafier laisse t o m b e r des graines qui d o n n e n t naissance à de jeunes plants qu'on porte q u a n d ils ont un pied de haut dans u n e p é p i n i è r e , d'où on les tire à l'âge d e d e u x ans p o u r remplacer ceux qui viennent à m a n q u e r . O n les plante à l'abri des bananiers qui leur fournissent assez d'ombrage sans les priver entièrement de la présence du soleil ; on les rechausse avec les débris d u sarclage mêlés avec des feuilles de bananiers, et fermentés assez longtemps p o u r faire u n bon terreau. O n a essayé à D e m e r a r y de planter des cafiers sous des immortelles, arbres touffus et d o n n a n t beaucoup d ' o m b r a g e ; ils y sont mal venus : il existe trop d'humidité sous ce feuillage épais.


( 46 ) A S u r i n a m , on met trois plants ensemble au m ê m e point. Les Anglais n'en m e t t e n t q u ' u n seul. 96. Est-on dans l'habitude d'étêter le cafier? Oui. 97*. A quelle hauteur ététe-t-on le cafier? A cinq pieds et demi ou six pieds. 98. Comment récolte-t-on le café? C o m m e il n'est jamais tout m û r en m ê m e t e m p s , on ne p e u t pas p r e n d r e tout d'un coup ce q u e porte u n e branche en la dépouillant; alors on est obligé d e le p r e n d r e grain à grain : ce sont des femmes et des enfants qui font ce travail. 99. Combien de temps reste-t-il dans sa cerise? D e u x jours au plus à S u r i n a m . A D e m e r a r y on le passe au moulin le m ê m e jour qu'on l'a cueilli. 100*. Combien de temps l'expose-t-on sur les glacis? C e temps n'est pas le m ê m e dans tous les plantages. D a n s l'un on le laisse, après le lavage, un jour au soleil, et on achève de le faire sécher par le vent dans le grenier de la loge où on le r e m u e deux fois le jour. Dans u n a u t r e , on le laisse quatre ou cinq jours au soleil. 101. Combien de temps le fait-on sécher dans les loges? D e ces différentes manières d'opérer résultent des temps


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différents p o u r rester à sécher dans la loge. Il n'y a pas d'ailleurs d e temps fixe, l'état d e l'atmosphère, la manière plus ou moins complète dont il a été dépouillé de sa cerise étant des causes d e variation. 102*. Quels procédés emploie-t-on pour le dépouiller de sa cerise? A S u r i n a m , on se sert de moulins (Pl. V, f i g . 4 ) , d o n t voici la description : Il y a deux plans inclinés ; le p r e m i e r , où l'on jette la c e r i s e , moins incliné à l'horizon; à l'intersection d e ces d e u x plans se trouve placé u n cylindre recouvert d'une feuille d e cuivre, percée de trous c o m m e u n e râpe ; la distance de l'arête inférieure d e ce cylindre au plan est moindre q u e la grosseur d u café dans sa cerise, et plus grande q u e le grain de café q u a n d il est dépouillé. Les cerises versées sur le premier plan incliné vont s'accumuler contre ce cylindre, et les poussant l é g è r e m e n t , elles passent de l'autre c ô t é , entraînées par les grages du c y l i n d r e , q u i les déchirent. P a r v e n u e s à cet é t a t , des femmes les r e m u e n t e t les pressent en les faisant couler sur ce plan où elles r e n c o n trent u n second cylindre en dessous d u q u e l on les force e n core à passer; là la cerise est presque entièrement enlevée du grain : les femmes continuent à r e m u e r et presser le café jusqu'au b o u t du plan, où il existe u n e o u v e r t u r e par laquelle on le pousse dans les bacs à laver. C e plan est u n e espèce d e crible à travers d u q u e l le jus et la peau t o m b e n t dans u n canal en b r i q u e s , par le m o u v e m e n t et la pression continuelle qu'exercent les femmes chargées d e ce travail. C e canal en briques a son écoulement au d e h o r s . A côté du premier bac où l'on a jeté le café en est u n a u t r e contigu, où on le lave à u n e seconde eau. Ces moulins vont à b r a s ; quelques-uns sont m u s par u n tambour mis en m o u v e m e n t par quatre nègres.


( 48 ) O n emploie aussi des moulins à Demerary ; ils sont basés à p e u près sur le m ê m e principe ; mais ils sont préférables, en ce q u e , seulement avec u n cylindre, la cerise s'échappe d'un côté et le café d'un autre : ils v o n t à b r a s , d'autres par la vapeur. (Pl. V, fig. 3 . ) 103. Comment lui ôte-t-on son parchemin ? A S u r i n a m , on n'a d'autre m o y e n q u e de le faire piler par des nègres ; les mortiers sont creusés dans u n e forte pièce de bois. L e m o u v e m e n t des marées étant u n m o t e u r qu'on a à sa disposition, on pourrait faire aller ces pilons au moyen d e roues ; mais on n'introduit l'eau salée dans u n plantage q u e quand c'est indispensable, et peut-être l'avantage qu'on retirerait de ce m o y e n n e compenserait pas la p e r t e q u e p e u v e n t occasionner les filtrations qui ont toujours l i e u , q u e l q u e soin qu'on p r e n n e p o u r les e m p ê c h e r . C o m m e on n e se livre généralement qu'à u n genre d e culture sur chaque plantage, les caféyères sont fermées partout à l'eau d e m e r ; les canaux de transport c o n t i e n n e n t l'eau douce extérieure. Après q u e le parchemin est e n l e v é , on le m e t encore sur les glacis où le soleil et l'air lui d o n n e n t u n e couleur b l e u e ; on le rapporte à la l o g e , où on le trie et où on le vanne. H va d e là dans u n e autre loge où des femmes séparent les grains cassés. L e s machines p o u r v a n n e r sont, c o m m e chez nous, des ailes placées sur u n a x e , à l'extrémité d u q u e l est u n pignon qui reçoit son m o u v e m e n t d'une grande r o u e dentée à manivelle ; il y a une trémie. Les femmes enceintes et les nourrices sont employées d e préférence à ces travaux intérieurs. A p r è s toutes ces opérations le café est m a r c h a n d . A D e m e r a r y , on fait différemment p o u r enlever le parche-


( 49 ) min ; on fait usage d'une machine m u e par des mulets ou par la vapeur. Elle se compose d'un espace annulaire horizontal, dans lequel on place le café, qui est pilé par deux roues placées aux extrémités d'un m ê m e d i a m è t r e , qui est fixé à u n arbre vertical t o u r n a n t , placé dans le milieu, aux extrémités d u diam è t r e perpendiculaire : à celui-là sont deux racloirs q u i r e m u e n t le café en m ê m e t e m p s . (Pl. Vl,fig. 1.) 104. Le récolte-t-on à la tâche ? D e s femmes le récoltent à la tâche à S u r i n a m ; elles doivent rapporter par jour 1 0 0 livres d e café avec sa c e r i s e , ce qui en fournit environ 15 de m a r c h a n d . A D e m e r a r y , c'est seulement dans le temps des b o n n e s récoltes qu'on fait le travail à la tâche; elle est environ le d o u b l e de celle ordinaire d e S u r i n a m . 105*. Quelle est la raison qui a fait abandonner beaucoup de caféyeries à Surinam? quels sont les inconvénients que l'on a éprouvés? A S u r i n a m , les terres d e plusieurs caféyeries ayant été é p u i sées par les vivres et le café, auraient dû être plantées en sucre ; mais les dépenses à faire p o u r les usines à élever, p o u r l'augmentation des n è g r e s , o n t arrêté les p r o p r i é t a i r e s . L e s terres s'étant trouvées toutes au m ê m e degré d'épuisem e n t , et les moyens des propriétaires n'ayant pas p e r m i s , comme nous venons de le d i r e , d e faire des frais d'établissem e n t p o u r e n t r e p r e n d r e autre c h o s e , on a v e n d u les n è g r e s , et la difficulté de s'en procurer d'autres a fait q u e ces habitations, qui sont p e u n o m b r e u s e s , n ' o n t pas été r e p r i s e s , quoiq u e les terres soient renouvelées m a i n t e n a n t , ayant été mises sous l'eau salée avec les précautions convenables, et en se conformant aux o r d o n n a n c e s faites à cet égard. A D e m e r a r y , on a quitté la culture du café dans quelques 4


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plantages ; c'était en 1 8 1 0 et 1 8 1 1 , époque à laquelle le prix du café était si bas qu'on ne retirait pas m ê m e de quoi payer les frais de l'habitation; on replanta ces terres en s u c r e , dont le produit est plus certain. Mais cependant cette baisse ayant d u r é peu d e temps, les propriétaires ont eu à se repentir d'avoir fait tant de dépenses p o u r changer de culture. E n général, cultiver plusieurs sortes de d e n r é e s , ou changer d e c u l t u r e , c'est, suivant les idées des habitants des deux colonies, le système le plus mauvais qu'on puisse employer. Ils sont bien pénétrés de ce principe q u e le r e v e n u d'un plantage n e doit pas être basé sur les produits a n n u e l s , mais sur beaucoup de récoltes; alors les n o n - v a l e u r s e n t r e n t dans la balance. DU

COTONNIER.

106. Détails sur la culture du cotonnier. O n cultive peu le coton à S u r i n a m . Cette culture est plus suivie à D e m e r a r y . 1 0 7 *. A quelle époque taille-t-on le cotonnier, et à quelle hauteur se fait cette taille? O n le taille depuis avril jusqu'en juillet, suivant que la récolte a été précoce ou tardive. O n le taille à 3 pieds ou 3 pieds et demi. 108 Les récoltes du cotonnier sont-elles aussi précaires qu'à Cayenne? O u i . C'est par cette raison qu'à S u r i n a m on n'en fait point un objet de c o m m e r c e . Les récoltes sont aussi très-précaires à D e m e r a r y . 109.


( 51 ) 110. Est-on contrarié sans cesse, soit par les chenilles, soit par les pluies précoces ? Oui. 111. A-t-on quelque moyen de se préserver des chenilles? Non. 112*. Quels moyens emploie-t-on pour séparer le coton de la graine? H y a des moulins à S u r i n a m ; je n'ai pas été à m ê m e de les voir. Ceux d e D e m e r a r y sont des moulins à pied d o n t les roues, fort grandes, servent d e volant. 113*. Combien un nègre passe-t-il de coton par jour à ces moulins? U n nègre passe 5 0 livres à S u r i n a m , c'est sa tâche. O n n'exige p o u r la tâche m o y e n n e , à D e m e r a r y , q u e 4 0 livres. 114. Quelle espèce de coton cultive-t-on à Demerary? Celui d e la Louisiane. 115. A-t-on essayé de planter le cotonnier herbacé de Castellamare? Non. 116. La culture de cette espèce de coton ne serait-elle pas plus avantageuse? Sans réponse. 4.


( 52 ) DU

CACAOYER.

117. Cultive-t-on le cacao à Surinam et à Demerary? O n le cultive à S u r i n a m . O n n e s'en occupe pas à D e m e r a r y . 118. Quelle serait la raison qui l'aurait fait abandonner à Surinam ? O n n e l'a pas a b a n d o n n é , mais on le cultive p e u , parce q u e la culture du sucre et d u café d o n n e plus d e bénéfices. 119. Quel est ou quel était le procédé employé pour la préparation ? A S u r i n a m on le laisse fermenter en tas sur des claies placées sur des bailles p e u profondes et larges; elles servent à recevoir l'eau d e cacao ; q u a n d la fermentation a mis l'amande à p e u près à n u , on étend et l'on répand dessus des cendres d e bois. J e n'ai pas été à m ê m e d e voir q u e l effet cela produit ; si c'est p o u r la dessiccation ou p o u r faire agir la potasse q u e renferment les cendres sur ce qui n'aurait pas été détruit par la fermentation. O n utilise cette eau de cacao : on la laisse passer à la fermentation a c i d e , et l'on obtient d u vinaigre p o u r l'usage. O n fait aussi, p o u r l'usage , d u vinaigre avec du vesou qu'on laisse fermenter dans des cruches non bouchées et placées dans u n endroit chaud. 120. Comment le fait-on sécher dans la saison des pluies? O n profite des m o m e n t s d e soleil, ou on le fait sécher dans des greniers.


( 53 ) 121. Opère-t-on la dessication par le moyen de la fumée ? Non. 122. Cette méthode n'est-elle pas vicieuse, et l'amande ne contracte-t-elle pas un mauvais goût, une mauvaise odeur? Oui. 123. Se sert-on d'étuves pour cette dessiccation ? Non. 124. Comment sont disposées les caves dans lesquelles on fait fermenter le cacao ? Sans

réponse. 125.

Quelle espèce de cacaoyer cultive-t-on, soit à Surinam, soit à Demerary ? Sans

réponse. 126.

Ne tire-t-on pas parti de la pulpe qui enveloppe le cacao, pour la distillation ? Cette p u l p e est livrée au c o m m e r c e avec l'amande; elle n'est retirée qu'en E u r o p e , par les fabricants ; elle est v e n d u e à bas prix. Bouillie avec d u lait, elle lui d o n n e u n goût agréable. 127. Par quel moyen préserve-t-on le cacao de fa piqûre des insectes ? Sans

réponse.


( 54 ) DU ROCOU.

128. Cultive-t-on à Surinam et à Demerary le rocouyer ? Non. 129. Quels sont les procédés de culture et de fabrication employés? Sans

réponse. 130. Cette culture réussit-elle dans ces deux colonies?

Sans

réponse. 131. Comment sont faites les caves à rocou ?

Sans

réponse.

132. Quelles sont les machines employées pour broyer les graines? O n pourrait e m p l o y e r u n e machine analogue à celle q u i sert en Allemagne à extraire l'huile de lin. (Pl. IX, fig. 3.) DES ÉCLUSES.

133. De quelle manière pose-t-on les fondements d'une écluse, et quelle est la nature des matériaux qu'on y emploie ? O n creuse p o u r enlever la croûte s u p é r i e u r e , composée d e limon et d e débris d e végétaux, jusqu'à ce qu'on trouve u n e argile noire e t c o m p a c t e , sur laquelle on établit le grillage, et l'on bâtit la maçonnerie sur ce grillage. O n ne se sert pas d e pilotis ; le fond, passé la couche d'argile ou claie, devenant


( 55 ) d e plus en plus m o u , ils n'auraient a u c u n e solidité; au lieu qu'un grillage répartit le poids d e la maçonnerie sur toute la surface employée. 134. Est-il préférable de les faire en charpente ou en maçonnerie? Q u o i q u e la dépense première soit plus considérable q u a n d on construit en b r i q u e s , c'est pourtant u n e é c o n o m i e , si l'on considère la grande d u r é e de ces constructions relativement à celles en bois, et la sécurité q u e cela p r o m e t au plantage. A S u r i n a m , il n'y a q u e p e u d e coffres en b o i s ; partout l'on a des écluses en briques. A D e m e r a r y , le terrain de la côte n'étant pas assez solide p o u r soutenir la m a ç o n n e r i e , on n e bâtit en briques q u e sur les bords d e la rivière. 135. Quelle est la quantité de briques et de chaux qui entre dans fa construction d'une écluse d'une dimension ordinaire? L e s dimensions des briques variant d'un pays à l ' a u t r e , l'épaisseur d e la maçonnerie étant s u b o r d o n n é e à la force des c o u r a n t s , à la masse d'eau à r e t e n i r , à la ténacité des t e r r e s ; les fondations variant suivant la n a t u r e du fond , il est difficile d'établir quelque chose d e fixe: cela est d'ailleurs peu import a n t , car ces matériaux seront toujours déterminés facilement p o u r u n e construction projetée. 136. Comment parvient-on à faire des fondations solides dans la vase ? E n creusant jusqu'à ce qu'on appelle la claie ou glaise comp a c t e , c o m m e nous l'avons d i t , et en les établissant sur grillages. 137. Établit-on de ces fondations sur grillages ?

Oui.


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138. De quelle manière sont faits ces grillages ? O n place des madriers à deux pieds de distance, on remplit l'intervalle d e morceaux d e b r i q u e s , qu'on dame fortement pour leur faire faire corps avec la claie. L e deuxième rang d e madriers est à angle droit avec le p r e m i e r . 139. Quelle espèce de bois emploie-t-on dans la composition de ces grillages? A S u r i n a m , c'est u n bois appelé baboeu; c'est u n e espèce de palétuvier b l a n c , q u i est incorruptible dans l'eau : c'est celui d o n t on a tant d e peine à se débarrasser dans les a b a t t i s , parce q u e les racines n e pourrissent pas c o m m e celles des autres arbres dans l'espace d'à p e u près deux a n s , et qu'il faut les extirper si l'on veut s'en débarrasser. A D e m e r a r y , c'est le g r e n h o r t , qui est, je crois, le rose mâle.

140. A quelle profondeur du sol sont placés ces grillages ? C e t t e profondeur varie suivant celle à laquelle on trouve la claie. DU MANIOC.

141. Cultive-t-on à Demerary le manioc pour la nourriture des nègres ? Oui. 142. Réduit-on cette racine en farine ou en galettes appelées ici cassaves ? C'est ainsi qu'on le p r é p a r e .


( 57 ) 143. Fait-on à Demerary usage du moulin pour râper cette racine ? Donnez-nous une description bien exacte de ces moulins. II y en a quelques-uns ; je n'ai p u e n voir, mais voici la description qu'on m'en a faite : c'est u n m o u l i n à b r a s , dans le genre d e celui à enlever la cerise ; on tient la racine d'une main et l'on t o u r n e d e l'autre. (PL V, fig. 2. ) 144. Si la banane est la nourriture ordinaire des nègres, comment s'en procure-t-on en toutes saisons ? A S u r i n a m c'est leur n o u r r i t u r e o r d i n a i r e , et m ê m e , sur les plantages, beaucoup d e blancs e n font usage au lieu d e pain. O n a soin d e planter d e manière à ce qu'un c h a m p soit m û r q u a n d le précédent est c o n s o m m é . Si la banane est r a r e , on d o n n e d u r i z , q u e l'on cultive seulement p o u r l'usage. A D e m e r a r y on a toujours u n tiers d e la plantation en jeunes b a n a n i e r s , c'est-à-dire qu'on replante c o n s t a m m e n t dans cette p r o p o r t i o n , en intercalant les jeunes e n t r e les anc i e n s , qu'on dessouche à m e s u r e q u e les jeunes sont e n rapp o r t , dans la m ê m e proportion qu'on a planté. Cette m é t h o d e offre d e fort bons résultats. 145. Quel moyen de conservation emploie-t-on pour se ménager des ressources dans le besoin ? A S u r i n a m on l'a remplacé quelquefois par d u riz. A D e m e r a r y les bananiers d'un grand n o m b r e d e plantages ayant été attaqués d'une maladie qui les empêcha d e p r o d u i r e , on donna d u pain aux n è g r e s , et l'on en perdit b e a u c o u p par la dyssenterie. D e s habitations où les bananes n'avaient pas m a n q u é ont tiré dans ce temps un profit d e 100,000 fr. d e


( 58 ) la vente des b a n a n e s , dont le prix était m o n t é jusqu'à 4 fr. le régime. SYSTÈME DE CANALISATION À SURINAM ET À DEMERARY.

146. Quel est le système de canalisation en usage à Surinam ? Une é t e n d u e de terrain étant d o n n é e , il faut se garantir d e l'eau d e la mer, de celle des b o i s , et écouler l'eau q u e les pluies versent sur ce terrain. H faut donc u n e digue tout a u t o u r , avec fossé intérieur et extérieur, puis u n e digue du côté de la m e r ; dans cette digue sont placés les deux coffres d'écoulement qui correspondent a u canal i n t é r i e u r qui e n t o u r e le terrain : ce canal est celui dans lequel v i e n n e n t aboutir tous les canaux d ' é c o u l e m e n t , qui servent à égoutter le plantage ; des canaux d e transport corr e s p o n d e n t avec le canal principal, qui partage en deux le plant a g e , suivant le sens d e sa l o n g u e u r ; ils sont fermés vers les canaux d'écoulement d ' e n t o u r a g e , de m ê m e q u e les canaux d'écoulement qui se jettent dans ceux-là sont fermés sur le canal principal de transport. Si l'on a besoin d u m o u v e m e n t des marées p o u r servir d e m o t e u r à l'usine, on laisse e n t i e r la m e r dans ces canaux d e t r a n s p o r t , et lorsqu'elle baisse, on o u v r e l'écluse du m o u l i n , qui reçoit son m o u v e m e n t du courant qui se produit dans le coursier. Si l'on n'a pas besoin des m a r é e s , on laisse e n t r e r dans ces canaux d e transports l'eau des savanes, par u n e écluse qui est au b o u t d u canal principal d e transport. Cette écluse est faite dans la digue d'entourage d u b o u t d e l ' h a b i t a t i o n , et le canal d'écoulement d'entourage intérieur est fermé sur ce canal d e t r a n s p o r t , p o u r n'avoir p o i n t de communication avec l'eau extérieure quand on ouvre l'écluse. L e fossé extérieur d'entourage et cette écluse servent a


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décharger la digue après d e grandes pluies ; à mer basse, on ouvre l'écluse et l'on décharge d'autant fa d i g u e , en d o n n a n t à ces eaux cours à la m e r . Ce système est général : canaux d'écoulement et canaux de t r a n s p o r t , indépendants des p r e m i e r s , et qui sont alimentés soit par l'eau des b o i s , soit par l'eau des marées. (Pl. I, fig. C'est d'après ce système q u e les terrains des plantages et d e la ville d e S u r i n a m et d e D e m e r a r y ont été desséchés. A Demerary? L e terrain de D e m e r a r y est à u n e grande distance d u bord d e la mer, et beaucoup au-dessous des hautes marées ; des digues solidement construites défendent les plantages de l'invasion d e la mer, et chaque propriétaire est t e n u d'entretenir la portion de digue qui correspond à son p l a n t a g e , ainsi q u e les c h e m i n s publics qui le t r a v e r s e n t , q u a n d cela arrive. 147. L'ouverture de ces canaux est-elle tout entière à la charge du gouvernement ? L ' o u v e r t u r e des canaux des plantages est à la charge des propriétaires; mais les canaux généraux de desséchement p o u r la ville, et p o u r servir à l'établissement d'habitations intér i e u r e s , sont faits aux frais du g o u v e r n e m e n t . 148. Ces canaux ouverts, quels sont les règlements établis pour la police et l'entretien et pour la sûreté des habitations riveraines? A S u r i n a m les différents quartiers d e la colonie forment des divisions commandées par des capitaines, lieutenants, etc. ; c h a q u e division est t e n u e d'envoyer, à des époques d é t e r m i n é e s , u n e certaine quantité de nègres p o u r l'entretien des r o u t e s , canaux p u b l i c s , et surtout p o u r l'entretien d e la ligne qui e n t o u r e la colonie. C'est u n impôt en n a t u r e prélevé sur les h a b i t a n t s , et au-


( 60 ) quel p e r s o n n e ne se refuse; car d e l'entretien ou m ê m e de l'établissement de nouvelles routes et canaux d é p e n d e n t , jusqu'à u n certain p o i n t , la prospérité d ' u n e colonie. Q u a n d la digue d'un plantage vient à se r o m p r e , les planteurs voisins sont t e n u s , sous peine d ' u n e forte a m e n d e , d'envoyer tous les nègres travaillant porter secours p o u r arrêter les progrès d e l'eau. Ces accidents sont p e u f r é q u e n t s , e t , chacun se trouvant intéressé, ces r u p t u r e s occasionnent généralement peu d e dommages. L e planteur à qui l'on a p o r t é secours doit r e n d r e les journées de nègres qu'on lui a prêtées. A D e m e r a r y , la digue d'une caféyerie fut r o m p u e il y a p e u d e temps ; les paillets, les claies, tout ce qu'on m e t ordinairem e n t , n e réussîrent pas à arrêter l'eau; on fut obligé de faire devant la r u p t u r e u n entourage à crémaillère avec des pieux q u e l'on planta en t e r r e , et l'on r e m p l i t l'intérieur d e t e r r e , d e b a n a n i e r s , d e tout ce qu'on trouva sous la main : on fut u n jour et deux nuits à faire ce travail; le plantage était entièrem e n t s u b m e r g é , h e u r e u s e m e n t q u e c'était par les eaux des savanes. A D e m e r a r y il y a aussi des commissaires élus par les p r o priétaires p o u r u n certain temps. La fonction d e commissaire de canal est de veiller à l'entretien des digues et des grands canaux de desséchement qui traversent la ville et s'étendent au loin dans l'intérieur des terres. Ces grands canaux servent à égoutter les terres qu'ils traversent ; ainsi, o u t r e les habitations qui o n t leur façade sur le bord d e la m e r et d e la r i v i è r e , on p e u t en construire d'autres derrière ; elles viennent s'égoutter dans ces grands canaux g é n é r a u x , dans lesquels la m e r m o n t e et descend. L e commissaire d e canal r e q u i e r t , à titre d e c o r v é e , les nègres que c h a q u e habitant doit fournir à son t o u r ; s'il refuse, ou s'ils n'arrivent pas à t e m p s , il en loue au compte de l'habitant.


( 61 ) 149. Est-il loisible à un propriétaire, une fois établi, d'abandonner sa propriété, d'en retirer les nègres et les usines, et de mettre le terrain sous l'eau ? Cela est p e r m i s , p o u r v u toutefois q u e le propriétaire y fasse e n t r e t e n i r du feu par u n nègre ; sans cette précaution, le plantage appartient au g o u v e r n e m e n t , q u i s'en empare alors. 150*. Quelles sont les dimensions de ces canaux intérieurs, largeur profondeur

et

?

A D e m e r a r y , les canaux d e transport ont d e 10 à 12 pieds d e large et environ 5 d e p r o f o n d e u r ; ceux d'écoulement o n t d e 6 à 8 pieds d e large et 3 pieds d e profondeur : la profond e u r varie suivant le genre d e culture et suivant l'élévation du terrain au-dessus des plus hautes basses m e r s . A S u r i n a m les canaux de transport ont 8 pieds d e large sur 3 environ d e profondeur ; ils n e sont pas assez profonds dans les plantages où l'on se sert d e la m a r é e ; car, q u a n d la m e r est basse, p o u r pouvoir continuer le transport des p r o d u i t s , il faudrait qu'il restât d e l'eau, et tous sont à sec. L e terrain défriché, la digue d'entourage faite c o m m e n o u s le d i r o n s , on trace les divers canaux d'écoulement et d e transport. O n p r e n d u n nivellement bien exact des extrémités de tous ces c a n a u x , afin de creuser la quantité seulement nécessaire p o u r d o n n e r aux eaux u n écoulement suffisant. U n e des données serait, p o u r le canal principal d e transp o r t , la profondeur qu'on voudrait d o n n e r du côté de la mer, au-dessous des basses marées ; l'autre, la p e n t e nécessaire au courant à établir dans le coursier p o u r faire marcher le moulin ; les profondeurs à creuser seraient données


( 62 ) par le nivellement des deux points extrêmes d'embranchement. L e s canaux d e transport seraient aussi déterminés par l e u r point d e r e n c o n t r e avec le canal principal d'une p a r t , et de l'autre par la p e n t e à d o n n e r , suivant leur longueur, p o u r l'écoulement des eaux ; les profondeurs à creuser déterminées aussi par le nivellement des extrémités. L'extrémité des deux canaux d'écoulement d'entourage du côté d e la m e r se d é t e r m i n e d o n c par la h a u t e u r des plus hautes basses m a r é e s ; c o m m e n o u s l'avons d i t , c'est le point le plus favorable p o u r q u e l'écoulement par les coffres ou écluses ait lieu en tout t e m p s . L'autre extrémité se d é t e r m i n e aussi par la pente à d o n n e r aux eaux p o u r l'écoulement, et les p r o fondeurs auxquelles on doit creuser en ces points. P a r le nivellement on d é t e r m i n e les canaux d'écoulement qui se jettent dans ceux-là, d e la m ê m e manière q u e les canaux d e transport qui v i e n n e n t se jeter dans le canal principal. D e s circonstances particulières, telles par exemple q u e l'acquisition d'un terrain voisin, obligent d e m e t t r e quelques canaux d e transport en communication avec ceux d e l'habitation voisine ; alors on fait u n p o n t sur le canal d'écoulement d ' e n t o u r a g e , et l'on fait passer par dessus le canal de transport, d o n t le niveau des eaux est toujours au-dessus de celui des canaux d'écoulement. 151. Quels sont les procédés suivis pour la fouille de ces canaux, depuis le premier coup de pelle jusqu'au dernier ? O n enlève u n e pelle d e profondeur sur toute la surface du canal à creuser ; on c o n t i n u e a i n s i , en jetant les terres de chaque b o r d , jusqu'à la profondeur nécessaire. L e s terres ont le talus nécessaire p o u r e m p ê c h e r l'éboulement du bord d u fosssé ou c a n a l ; au pied des terres d e déblai il y a u n e b e r n e , et la partie s u p é r i e u r e de ces terres est aplanie p o u r former chemin.


( 63 ) Voici c o m m e n t on procède p o u r faire les digues : de chaque côté de la ligne magistrale qui indique le milieu de la d i g u e , on creuse un fossé d e 18 pouces d e l a r g e , jusqu'à ce qu'on r e n c o n t r e la claie; les terres sont jetées de droite et d e g a u c h e ; l'espace où l'on travaille a été dessouché et les grosses racines e n l e v é e s ; alors on trace à la distance c o n v e n a b l e , d e c h a q u e côté d e la d i g u e , deux fossés ; les terres qu'on en r e tire sont jetées dans l'intervalle, mais de manière à n e pas b o u c h e r le fossé fait au m i l i e u ; q u a n d on arrive à la claie, cette espèce d'argile est portée dans la tranche du m i l i e u , qui a trois pieds d e l a r g e , 18 pouces d e chaque côté d e la magist r a l e ; q u a n d cette tranche est r e m p l i e , on élève sur cette espèce d e fondation u n m u r en claie ayant m ê m e épaisseur, et aussi h a u t q u e cette argile tirée des fossés, qui o n t u n e p r o fondeur d o n n é e , p e u t le p e r m e t t r e ; on recouvre ce m u r avec les terres qui ont été tirées d e dessus la claie et épluchées avec s o i n , de manière à n'y laisser a u c u n e petite racine, parce q u e ce sont autant d e tuyaux qui favorisent les filtrations et nuisent par c o n s é q u e n t à la solidité d e la digue. 152. Ces canaux de navigation ou d'écoulement sont-ils entretenus à la pelle ou avec des machines à curer, telles que dragues, herses ou rateaux 1 Ces canaux sont généralement e n t r e t e n u s à la p e l l e , et plusieurs m ê m e n e le sont pas bien ; aussi plusieurs plantages qui se servent du m o u v e m e n t des marées p o u r leurs usines p e r d e n t beaucoup d e cette force m o t r i c e , par la mauvaise direction d e leur canal p r i n c i p a l , q u i fait plusieurs détours et occasionne u n frottement sur les angles qui d i m i n u e la vitesse d e l'eau. Les canaux principaux d e transport vont o r d i n a i r e m e n t droit au moulin ; ce n'est q u e par des circonstances particulières que quelques-uns font des détours. A D e m e r a r y on ouvre à mer basse l'écluse d e la digue d u


( 64 ) fond du plantage ; l'eau d u dehors, se précipitant dans le canal, y forme u n courant rapide qui le débarrasse des vases. CONSTRUCTIONS NAVALES A DEMERARY.

153. On construit à Demerary de petites goëlettes de 2 5 à 50 tonneaux, très-propres à la navigation des côtes; quel est leur tirant d'eau? L e s goëlettes en usage sont de 2 7 à 3 0 t o n n e a u x ; elles t i r e n t 4 pieds devant et 5 d e r r i è r e . O n y construit quelques sloops. O n a aussi des espèces d e p o n t o n s , qui p o r t e n t à la voile les productions des habitations voisines de la ville. L e s goëlettes o n t beaucoup d e largeur par rapport à leur longueur, et p e u d e tirant d ' e a u , ou plutôt p e u de profondeur d e carène par r a p p o r t à cette l o n g u e u r , car elles o n t u n e quille et u n e fausse quille très-hautes. 154. Observez les chantiers de Demerary, et tâchez de prendre une parfaite connaissance de l'espèce de construction en usage. L a carène d e ces goëlettes n'est pas fine; au contraire, fort e m e n t soutenue d e l'avant et d e l'arrière, ayant p e u de façon, il semble qu'on n'ait e u en vue q u e d e leur faire p o r t e r beaucoup. C e p e n d a n t les goëlettes o n t de la grâce sur l'eau, s'élèvent parfaitement sur la l a m e , g o u v e r n e n t b i e n , virent bien de b o r d , et r e m o n t e n t facilement dans le vent sans trop dériver; en o u t r e , leur forme les rend p r o p r e s à l'échouage ; leur petit tirant d'eau leur p e r m e t d e naviguer près d e la côte où se trouve le moins de courants. Elles ont beaucoup d e vitesse. H semblerait q u e ce qui m a n q u e du côté des formes est racheté et plus q u e compensé par u n rapport bien choisi e n t r e les trois dimensions principales : en les comparant à des goëlettes ordinaires d u m ê m e p o r t , on voit qu'ayant plus d e long u e u r absolue, et relativement plus d e largeur par rapport à


( 65 ) leur longueur, le plan de flottaison est plus g r a n d , ce qui est en faveur d e la stabilité; pour compenser le plus d e longueur et avoir le m ê m e t o n n a g e , elles ont moins de tirant d'eau, ce qui est encore en leur faveur; et leur plus grande longueur relative, et la h a u t e u r d e la quille et fausse quille, ainsi qu'une grande largeur d'étrave et d'étambord, r e n d e n t le plan longitudinal suffisamment grand p o u r la dérive. Il résulte de cette augmentation relative d e stabilité qu'elles ont des mâts plus forts, et relativement plus de voilure, et surtout plus de basses voiles, ce qui est en faveur du plus p r o m p t sillage, quand toutefois cette augmentation relative de largeur et de diminution d e tirant d'eau ne dépassent pas certaines limites. Dans le peu de temps q u e j'ai passé dans cette colonie, je n'ai pu m e procurer u n plan exact d e ces goëlettes. O n m'a d o n n é communication du plan d'un sloop qui jouit d'une grande r é p u t a t i o n , et qui est fait d'après ces p r i n c i p e s , ainsi q u e d e ceux d'un bateau pilote (pl. 10) et d'un corsaire r e n o m m é , construit à la Virginie (pl. 11). 155. Nous nous servons à Cayenne, pour la navigation des rivières, de pirogues faites avec des coques ou tronc d'arbres, en général peu solides. Tâchez d'observer la manière dont sont construits les canots faits sur gabaris et très-appropriés à la navigation intérieure, en ce qu'ils ont des espèces de dunettes où l'on est à l'abri du soleil et de la pluie. L e s boots de Surinam et de D e m e r a r y sont de grands canots de 40 ou 45 pieds de l o n g , ayant u n roufle en menuiserie sur la c h a m b r e ; l'arrière, où se place le p a t r o n , est relevé en courbe avec des ornements et des dorures : ce sont des canots d e luxe et d'un goût a n t i q u e ; chaque plantage a le sien. Ces embarcations sont très-lourdes, et ce roufle à demeure 5


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)

rend leur usage dangereux quand il fait grand v e n t , ou du moins, si le vent est contraire, il en retarde considérablement la m a r c h e ; il faut dix ou douze hommes pour armer ces canots, qui ne vont d'ailleurs qu'avec le courant des marées J e pense que nos roufles mobiles sont préférables; on peut les faire aussi légers qu'on veut, et les enlever s'il fait trop grand vent contraire. Nos embarcations de luxe sont préférables, tant pour fa légèreté d e leur construction que pour le goût avec lequel elles sont décorées. 156*. Prenez quelques notions sur le système monétaire de Demerary. Sans

réponse. 1 5 7 et 1 5 8 * . Y a-t-il du papier-monnaie dans cette colonie? Quels en sont les avantages et les inconvénients?

La monnaie courante de D e m e r a r y est depuis l / 2 jusqu'à 3 florins; c'est u n alliage d o n t la valeur intrinsèque n e correspond pas à ce qu'il représente : 1 florin, qui vaut en E u r o p e 2 2 0 , vaut à Demerary 2 . O r , l'argent é t a n t , c o m m e toute autre d e n r é e , u n e marchandise d o n t on se sert d e préférence p o u r les échanges, parce qu'elle s'altère plus difficilement par la circulation, il faut u n e grande confiance dans le gouvernement pour qu'un autre métal ou alliage, émis p o u r remplacer l'argent, perde 0 20° s e u l e m e n t , qui sont pour les chances qu'aura à courir celui qui vous donnera des marchandises ou des lettres de change p o u r cette monnaie. L e g o u v e r n e m e n t y trouve cet avantage de faire un emp r u n t égal à la différence intrinsèque des deux m é t a u x , et d'être assuré q u e t o u t e la monnaie nécessaire aux échanges intérieurs restera dans la colonie; en o u t r e , elle favorise l'exportation des p r o d u i t s , car beaucoup d e navires, dans l'inf

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e

f


(67) certitude d e faire des bénéfices sur les produits qu'ils emporteraient, soit par les avaries probables ou toute autre cause, aimeraient mieux emporter de l'argent, qui est u n e denrée plus facile à transporter et moins sujette à s'altérer; de cette m a n i è r e , toute la monnaie ayant cours en E u r o p e , et qui serait versée dans la c o l o n i e , en aurait bientôt disparu. Cep e n d a n t , pour faciliter le commerce et p o u r qu'un bâtiment n e soit pas forcé d'emporter des p r o d u i t s , ce qui restreindrait nécessairement le n o m b r e d e ceux q u i , important, ont les mêmes produits chez e u x , ou les t r o u v e n t à meilleur marché a u t r e p a r t , il y a en circulation des billets de la b a n q u e d ' A n g l e t e r r e , papier qui repose sur u n e base dans laquelle on a toute confiance. A Surinam, la m o n n a i e est toute en papier. O u t r e le désavantage qu'offre sa p r o m p t e destruction par la circulation, elle n'inspire a u c u n e confiance, étant émise par le gouvernem e n t d'une manière arbitraire; aussi le cours du change est-il dans ce m o m e n t à 1 9 6 p . % et sera bientôt à 2 0 0 p . %. O n change chaque année les papiers-monnaie qu'on représ e n t e , et qui sont presque méconnaissables; on en émet d e nouveaux, mais la quantité émise n'est pas dans un rapport qui puisse garantir la propriété de ceux qui en possèdent b e a u c o u p . Si ce qui est en circulation n'était qu'égal au produit a n n u e l des impôts de la c o l o n i e , sa valeur serait moins imaginaire; ce n e serait qu'un e m p r u n t sur la colonie, e m p r u n t d o n t on pourrait se liquider q u a n d on voudrait, parce que chacun pourrait en acheter la quantité qui lui est nécessaire et la verser au trésor. Q u o i q u e ce genre de monnaie ait l'avantage de rester dans le pays p o u r les é c h a n g e s , le commerce en est un peu g ê n é , parce que ne pouvant pas toujours payer avec ces produits les marchandises importées, il n'a à d o n n e r q u e des lettres de change sur la m é t r o p o l e , et que la négociation de ces effets fait toujours perdre sur leur valeur. 5.


( 68 )

§

II.

N O T E S D E MM. S O L E A U E T

LAGRANGE,

EN R É P O N S E

AUX QUESTIONS DU CONSEIL COLONIAL,

FÉVRIER ET MARS 1 8 3 4 .

1. Plante-t-on les cannes en les laissant bourgeonner? La m é t h o d e usitée généralement p o u r les plantations d e cannes à D e m e r a r y et à Surinam est celle d'employer les tètes p o u r plant. O r d i n a i r e m e n t ces têtes suffisent, et quand cela n'a pas l i e u , on a recours aux pièces de cannes de l'âge de six à sept m o i s , qu'on c o u p e u n i q u e m e n t pour planter. D a n s ce c a s , on emploie les pièces de cannes les moins belles. P o u r ces colonies, qui ne connaissent pas le m a n q u e de récoltes, et qui n'éprouvent pas les accidents d'inondat i o n , d e r o u l e u x , etc., on a peu de pièces à replanter, et on n'est jamais embarrassé p o u r le faire. 2. Les cheminées basses à larges ouvertures sont-elles plus larges en haut qu'en bas? L e s cheminées basses n e sont connues dans a u c u n e de ces c o l o n i e s , et on n'a jamais tenté d e les employer, les cheminées hautes étant considérées c o m m e celles qui font le


( 69 ) plus d e travail. Il paraît que les cheminées basses sont seulem e n t connues clans les colonies où les coups de vent sont u n obstacle qui empêche de les élever. O n n'a pas eu à s'occuper de la forme intérieure des cheminées basses, forme qui est indiquée clans l'ouvrage de M. P é c l e t , et dont nous n'avons pu vérifier les avantages. La h a u t e u r des cheminées est, en g é n é r a l , de 9 0 à 1 0 0 p i e d s . 3. La vapeur d'eau est-elle introduite dans le cendrier? Les cendriers sont tellement placés à D e m e r a r y et à Sur i n a m , q u e souvent ils renferment de l'eau par suite des filtrations du terrain avoisinant. Dans ce cas-là, on n e se débarrase pas d e cette eau, qui est considérée c o m m e n e nuisant pas à l'activité d u feu. Cette e a u , au reste, est bien vite séc h é e , et on n e la remplace p a s ; c'est d o n c par hasard et accidentellement q u e la vapeur d'eau est introduite dans les cendriers, sans qu'on ait rien fait p o u r y parvenir. 4. Les machines à haute pression sont-elles employées préférablement à celles à basse pression? A S u r i n a m le n o m b r e des machines à vapeur est encore assez faible, et la plupart viennent de la maison Cokerel, à L i é g e , qui n e confectionne q u e des machines à basse pression. L'emploi des machines à vapeur à basse pression est général; nous n'avons vu, dans toutes les habitations q u e nous avons visitées, q u ' u n e seule machine à haute et basse pression en m ê m e t e m p s , système de W o l f . D u r e s t e , on n'a pas l'expérience des machines à haute pression ; c'est donc le hasard ou u n motif de g o û t , basé sur la crainte du danger, qui a fait préférer les machines à basse pression. A Demerary, où le n o m b r e des machines à vapeur est


( 70 ) considérable, l'emploi de celles à basse pression est aussi généralement usité. O n construit peu de machines à vapeur à haute pression en A n g l e t e r r e , les Etats-Unis seuls en font b e a u c o u p ; et c o m m e toutes les relations commerciales d e Demerary ont lieu avec l'Angleterre, il en résulte q u e la colonie de D e m e r a r y a adopté les errements de la métropole. M a i s , nous le r é p é t o n s , tous les propriétaires, questionnés sur les motifs de p r é f é r e n c e , nous o n t dit n'en avoir aucun. Nous avons vu à D e m e r a r y , dans les habitations q u e nous avons visitées, seulement deux machines à haute pression, semblables à celle de la L e v é e 1 , dont on était satisfait. Celles à basse pression sont donc généralement employées, mais sans motif de préférence. Nous avons r e m a r q u é q u e , sur toutes les habitations, les chaudières sont calculées pour u n e force d e deux chevaux de plus q u e la machine. Cela tient sans d o u t e à la crainte q u e l'on a q u e le n è g r e , chauffeur beaucoup plus négligent q u e le chauffeur e u r o p é e n , n'entretienne pas la machine d'une suffisante q u a n t i t é d e vapeur. 5. Donner une opinion sur les moulins à vent et à manège. Le v e n t , dans les colonies q u e nous avons visitées, n'est pas plus régulier q u e dans la G u y a n e française; il en résulte q u e c'est u n m o t e u r sur lequel on ne p e u t pas c o m p t e r , et qui a l'inconvénient de porter le désordre et la perturbation dans tous les travaux qu'on exécute Si le vent cesse, tout l'atelier d e la sucrerie est i n o c c u p é , le sucre languit, les cannes a t t e n d e n t , les travaux de l'abattis s'en r e s s e n t e n t ; alors il n'y a plus d'heures fixes p o u r le travail. O n travaille la n u i t , le nègre est écrasé et on fait d e mauvaise besogne. T o u s les moulins à vent s'abandonnent et sont abandonnés. N o u s 1 Habitation près de Cayenne.


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71

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en avons vu un où on tirait parti de la maçonnerie de la tour, en la transformant en citerne à e a u . N o u s e n avons vu d'autres dont on ne se sert plus du t o u t , et auxquels on a substitué des machines à vapeur. Les moulins à manége sont également a b a n d o n n é s ; aussi nous n'en n'avons vu aucun ni à S u r i n a m , ni à D e m e r a r y . A S u r i n a m , il y en a encore c e p e n d a n t q u e l q u e s - u n s , mais ils sont fort rares. Les reproches faits à ces moulins sont leur peu de force, la grande dépense occasionnée par l'achat et le remplacement des m u l e t s , et la difficulté de n o u r r i r tous ces animaux. U n moulin t o u r n a n t avec 8 m u l e t s , ce qui ne représente guère q u ' u n e m a c h i n e à vapeur de 4 à 5 c h e v a u x , exige un n o m b r e de 3 0 à 4 0 m u l e t s , avec lesquels on n e fait que 3 , 0 0 0 livres d e sucre environ par jour. C'est u n capital au moins égal à celui d'une machine à vapeur d e m ê m e force, sujet à se détruire très-rapidement, et très-coûteux p o u r la n o u r r i t u r e et l'entretien des animaux. O n y a d o n c renoncé partout. 6. Les cylindres à broyer la canne sont-ils d'une égale grosseur? Les trois cylindres du moulin sont tous les trois égaux; niais ces cylindres sont proportionnés à la force de la machine. La visite des cylindres nous a paru dans toutes les machines être semblable; la grosseur et la l o n g u e u r des cylindres varie donc proportionnellement à la force des machines, de manière à faire passer un plus grand n o m b r e de cannes dans les machines plus fortes. E n général, des trois cylindres e m p l o y é s , un seul est c a n n e l é ; c'est le cylindre supérieur. 7. Quelle est la durée des chaudières en fer à vapeur?

A Surinam les machines à vapeur sont encore trop nou-


( 72 ) velles p o u r qu'on ait quelques expériences très-concluantes ; nous avons vu u n e seule sucrerie où u n changement d e chaudière venait d'être fait; cette chaudière avait fait 3 , 0 0 0 barriques d u sucre environ d e 1 , 2 0 0 fr. n e t . A D e m e r a r y , o ù o n a plus d'usage des machines à vapeur, on évalue q u ' u n e chaudière alimentée d'eau douce p e u t d u r e r d e douze à quinze a n s ; q u a n t à celles q u i sont alimentées p a r l'eau salée, et c'est le plus grand n o m b r e , elles exigent tous les ans des réparations, quoiqu'on ait l'habitude de les nettoyer u n e fois p a r semaine. 8.

Comment se fait le charroi du bois sur les habitations? A S u r i n a m , s u r les plantages où l'on p r e n d d e nouvelles terres, on a m è n e le bois s u r l'établissement par les canaux d e navigation i n t é r i e u r e ; on le prend donc dans la p i n o t i è r e , située derrière les plantages. Q u a n d on n'a pas cette ressource, comme le bois se trouve fort l o i n , tout le terrain longeant la rivière étant cultivé, on traite avec des e n t r e p r e n n e u r s q u i vous fournissent la corde de bois, r e n d u e chez v o u s , à raison d e 10 à 1 2 fr. A D e m e r a r y on n e brûle p a r d e bois d u t o u t , car les machines à vapeur marchent toutes par le charbon d e t e r r e ; les alambics par les pailles, et les équipages p a r la bagasse seule. L e charbon de terre est apporté d ' E u r o p e sur lest par les bâtiments q u i viennent chercher du s u c r e ; on l'apporte sans qu'il paye d e fret. L a barrique de charbon coûte à Demerary 2 o fr. avec la barrique, q u i se revend 10 fr.; il n e reste pour dépense d u charbon q u e 10 fr. avec lequel on fait 3 , 0 0 0 livres du s u c r e , dépense très-minime et q u i serait bien plus considérable avec l'emploi d u bois, qu'on serait obligé d'aller chercher fort loin. L e s propriétaires poussent si loin l'habitude d e l'emploi d u c h a r b o n , qu'au moment où nous sommes allés à D e m e r a r y ,


( 73 ) les arrivages étaient en retard d'un mois et d e m i ; cinquante bâtiments étaient attendus d'un jour à l'autre, plusieurs usines manquaient d e charbon ; on avait sur ces établissements cessé de tourner des cannes p o u r ce motif, avec la possibilité cependant d'employer d u bois. D a n s ce moment-ci cependant u n e révolution se prépare p o u r l'emploi du combustible d e charbon ; c'est la suppression du chauffage de la chaudière d e la machine à vapeur par le c h a r b o n , qu'on économisera presqu'entier, en plaçant u n e chaudière à la suite d e l'équipage. Plusieurs sucreries ont déjà adopté cette modification et n e brûlent plus q u e très-peu de charbon. Nous sommes allés visiter u n e sucrerie ainsi installée; voici les dimensions de l'appareil: l'équipage, composé de six chaud i è r e s , occupe u n espace d e cinquante pieds; à la suite est placée la chaudière destinée à fournir de la vapeur à u n e machine de douze chevaux ; cette chaudière correspond par sa grandeur à u n e machine de la force d e vingt-six chevaux, et a vingt-six pieds de long. La flamme, après avoir parcouru l'équipage, arrive à la chaudière, qu'elle suit d'un bout à l'autre, revient à l'autre e x t r é m i t é , et suit encore u n canal de quinze pieds de longueur, conduisant dans u n e c h e m i n é e distante de quinze pieds de l'équipage; ainsi la flamme parcourt en tout u n espace de cent dix-sept pieds avant d'arriver à la cheminée. O n devrait croire q u e , par suite de ces différents d é t o u r s , le tirage est diminué ; il paraît que n o n , q u e la consommation de bagasse n'est pas plus forte avec ou sans chaudière à vapeur, et qu'on économise ainsi le combustible de la machine. C e p e n d a n t cette chaudière n'empêche pas la machine d'avoir e l l e - m ê m e sa c h a u d i è r e , pour fournir, au c o m m e n c e m e n t du travail, d e la vapeur à la m a c h i n e ; ce n'est que lorsque l'équipage est en train q u e cette chaudière alimente la machine. P o u r q u o i au lieu d'avoir avec la machine u n e chaudière, n e l'économise-t-on pas en ayant un foyer spécial pour la grande c h a u d i è r e , foyer qui pourrait aller i n d é p e n d a m m e n t de l'équi-


( 74 ) page? O n ne peut nous d o n n e r d'explication satisfaisante sur ce luxe d e chaudières. L a cheminée n'avait avec cet appareil que quatre-vingt-dix pieds de hauteur, et l'équipage et la machine marchaient bien. Cet appareil était installé depuis six mois environ. 9. Par qui le sucre est-il charroyé sur les habitations? A Surinam le sucre est transporté à la ville par les nègres qui viennent le chercher sur des acons couverts en paille, qui n e vont qu'à l'aviron. A D e m e r a r y ce sont des goélettes semblables à celles de Cayenne, dont les équipages sont des nègres du plantage. Les sucreries d e la rivière m ê m e ont des embarcations à la voile pour ces transports. S u r presque toutes les sucreries il existe u n chemin à ornières en fer ou en bois, c o m m u n i q u a n t de la sucrerie au canal d e l'écluse d ' é c o u l e m e n t ; u n e barrique est placée sur un petit chariot à roues e n fer, qui marche sur ces ornières e t arrive à la grue, généralement en fonte, placée près de l'écluse; c'est elle qui saisit la barrique sur le c h a r i o t : u n e romaine est fixée à l'extrémité de la chaîne en fer d e la grue de manière qu'en soulevant la b a r r i q u e , le peseur en lit le p o i d s , et aussitôt qu'il en a pris n o t e , la grue t o u r n e sur son a x e , la barrique est amenée au-dessus de la b a r q u e ; au m o y e n d ' u n frein on la laisse échapper, et elle est de suite a r r i m é e ; toutes ces opérations se font en moins d'une m i n u t e .

10. Par qui sont faites les bâtisses? A S u r i n a m on p r e n d c o m m e à C a y e n n e des entrepreneurs, auxquels on fournit, p o u r d i m i n u e r la somme à payer, des nègres ouvriers qu'on possède; on fait soi-même aussi quelquefois


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ses matériaux, mais il n'y a pas d e règle fixe p o u r cela : e n génér a l , si o n pouvait disposer de capitaux, o n croit q u ' o n ferait mieux de n e pas ainsi détourner ses nègres des travaux d e l'habitation. A D e m e r a r y , où les capitaux sont m o i n s r a r e s , l'habitant ne fait rien et a des e n t r e p r e n e u r s p o u r t o u t . 11. Quels sont les travaux faits par des bras étrangers à l'habitation, afin de mettre à même de comparer le produit du nègre à Cayenne avec celui du nègre de ces colonies? Divers comptes d e revenus des habitations de S u r i n a m nous avaient été p r o m i s , nous n'avons p u en obtenir aucun avant notre d é p a r t ; mais ce q u e ces comptes ont d'extrêmement rem a r q u a b l e , c'est la similitude complète qui existe e n t r e les revenus d'une année et ceux de la suivante. T o u t e s les habitations n e r a p p o r t e n t pas é g a l e m e n t ; il paraît qu'il y a quelques différences dans le revenu, provenant de la n a t u r e d u sol. Voici les n o m b r e s qui, p o u r Surinam, nous ont été dits approcher le plus de la m o y e n n e . E n déduisant d u n o m b r e d'individus au travail les ouvriers d'arts qui n e font pas partie de ce qu'on appelle nègres de t e r r a i n , tels q u e c h a r p e n t i e r s , maç o n s , e t c . , on c o m p t e de sept à neuf mille livres d e sucre par nègre qu'on peut mettre par jour au t e r r a i n , p o u r le produit d'une a n n é e . 12. L'alcoolisation du sucre est-elle pratiquée? Elle n'a jamais été essayée à S u r i n a m : les sucres purgent bien et en peu de temps ; jamais les sucres n e mettent plus d e quinze jours p o u r être bien purgés. Ce résultat est e x t r ê m e m e n t différent d e ceux o b t e n u s à C a y e n n e , mais nos voisins ont des principes qui n e sont pas admis ici. A S u r i n a m , nous a-t-on d i t , jamais on ne t o u r n e des cannes ayant moins de quatorze


( 76 ) mois, et généralement elles ont de seize à dix-huit. O n n e plante jamais les cannes dans des terrains trop végétatifs : on commence par les user par des plantations de café et de b a n a n e s ; ce n'est que lorsque le terrain est apauvri qu'on y place la canne. Ces principes sont également partagés par les habitants de D e m e r a r y , avec cette différence qu'ils n e pensent pas qu'on doive, c o m m e à S u r i n a m , attendre si longtemps p o u r couper la canne, qu'ils plantent aussi dans des terrains pauvres; il en résulte que leur sucre est plus beau et plus facile à faire. Ils ont pour principe de tourner en tout temps dans les deux colonies. Telles sont les différences qui influent sur la beauté des sucres. D e p u i s peu de temps on a employé à Demerary u n e nouvelle m é t h o d e propre à augmenter encore la qualité du sucre ; on avait essayé, il y a quelques années, dans cette colonie, l'alcoolisation des s u c r e s ; mais sur les observations du commerce d e la m é t r o p o l e , on fut forcé d'y renoncer. O n reprochait au sucre alcoolisé deux défauts : de perdre dans cette opération de son grain, et d e conserver u n e odeur sensible d'alcool. Maintenant, voici ce q u e l'on fait sur presque toutes les habitations, cependant sans en convenir, parce que cette opération nuit un peu à la qualité de la mélasse, et q u ' u n e habitation, pour mieux vendre sa mélsase, nie toujours employer ce m o y e n . L o r s q u e le sucre de la batterie est tiré et mis dans u n rafraîchissoir, au lieu de l'enlever et de le mettre en barriques lorsqu'il est encore u n peu c h a u d , on le laisse passer vingt-quatre heures dans le rafraîchissoir d'eau de chaux saturée d'après les procédés ordinaires; ensuite en l'enfutaillant sur trois hauteurs différentes dans la b a r r i q u e , on arrose encore légèrement le sucre de la m ê m e e a u , d e manière à employer en totalité quatre gallons environ par millier: cette eau de chaux rend la mélasse très-fluide et dépouille le sucre de la mélasse sans attaquer le grain. Cette opération est employée avec beaucoup d e succès et a présenté des résultats très-avantageux.


( 77 ) Mais il n'y a pas q u e cette seule opération qui rende les sucres anglais bien supérieurs aux nôtres ; il y a dans la manipulation une foule de petites précautions qui influent probablement aussi sur la qualité du sucre : ainsi ils m e t t e n t beaucoup de soin dans la défécation de leur vesou; leurs bacs ont des robinets tellement disposés, q u e le premier dépôt résultant de cette opération est envoyé dans la citerne aux écumes et n'entre jamais dans la grande ; leur batterie est enlevée d'un seul coup par u n e chaudière e n t r a n t exactement dans la batterie et p r e n a n t tout le sucre cuit; u n e vanne d e communication entre dans la batterie, et le flambeau p e r m e t de remplir instantanément la batterie; le sucre ne coule dans le rafraîchissoir qu'en passant à travers u n filtre u n peu clair. C h a q u e fois qu'on verse une batterie sur du sucre é t e n d u dans le rafraîchissoir, on a soin d'enlever la glace qui s'est formée sur le sucre et le peu d e mélasse qui est à la surface ; on a u n assortiment de cannes creuses en cuivre percées d e petits trous qu'on place dans la barrique et qui facilitent le dégagement de la mélasse; enfin on a soin d e percer la barrique d e trous de vrilles dans plusieurs endroits. 12. Quels sont les différents genres d'alambics? A Surinam on n'emploie q u e des alambics fort simples, comme ceux d e C a y e n n e ; la seule modification qui nous ait paru fort ingénieuse est dans le réfrigerant : le serpentin est exposé à l'air n u dans u n lieu où un courant d'air s'établit facilem e n t ; u n e baille d'eau, p e r c é e d e trous dans la partie située à l'aplomb d u serpentin, laisse tomber l'eau sur ce serpentin, q u i d e cette manière est parfaitement refroidi. A D e m e r a r y , le système des alambics est plus c o m p l i q u é , et consiste généralement sur toutes les habitations en trois cornues c o m m u n i q u a n t l'une avec l'autre ; deux seulement sont chauffées au feu n u , et la troisième n e sert qu'à obtenir u n e


( 78 ) première condensation. L e r h u m q u e l'on recueille dans cette opération se classe en deux qualités: le moins bon est celui du c o m m e n c e m e n t et de la fin d e l'opération, le meilleur est celui qu'on obtient au milieu d e l'opération, et c'est le seul marchand. 14. Distille-t-on à la distillation rapide? O n ne distille pas d'une manière continue, c'est-à-dire que, q u a n d u n e distillation est é p u i s é e , on vide les alambics pour les recharger de n o u v e a u , et les vidanges qu'on en retire servent à la composition d e nouvelles pièces à grappes ; cette opération, du r e s t e , se fait très-rapidement par des r o b i n e t s . 15. Parler de l'alambic de Derosnes. Nous en avons parlé à D e m e r a r y et à S u r i n a m , où il n'est pas c o n n u ; les alambics usités remplissent très-bien leur but : on fait avec eux beaucoup de r h u m et avec rapidité; les méthodes employées n e d o n n e n t lieu à a u c u n e perte. O n ne croit pas dans cette colonie à de grandes améliorations possibles dans la manière d e distiller. 16. Quelle est la quantité relative, en poids ou en volume, de la canne, du vesou, de la bagasse, etc. Il nous serait impossible de r é p o n d r e à ces différentes questions. Nous les avons faites à toutes les personnes instruites q u e nous avons v u e s , et connaissant bien leur é t a t ; aucune n e s'est jamais rendu compte d e ces différents résultats; nous étions dans l'impossibilité nous-mêmes de faire ces expériences, qui eussent exigé des moyens q u e nous n'avions pas : il eût fallu pouvoir disposer entièrement d'une usine pendant un jour.


( 79 ) Nous ne pouvons donner aucune r e p o n s e ; nous ajouterons cependant q u e les c a n n e s , en g é n é r a l , nous ont semblé être comme des rejetons d'une troisième ou quatrième année d'une plantation d'Approuague ou du canal T o r c y . et q u e nous pensons qu'une expérience faite à Demerary eût d o n n é les m ê m e s résultats q u e ceux qu'on pourrait obtenir dans ces q u a r t i e r s , avec de pareils rejetons. 17. Quel est le rapport de la mélasse au sucre fait? Ces résultats sont extrêmement variables dans les deux colonies, et nous n'avons pu recueillir des nombres précis. Il parait q u e cette quantité dépend beaucoup, soit de l'état des pièces qu'on t o u r n e , soit du n o m b r e de cannes q u e l'on a recourues. O n c o m p t e m o y e n n e m e n t q u e cette quantité varie de cinquante à cent gallons par millier de sucre.

18. Emploie-t-on un ferment pour les pièces à grappe? O u n'emploie pas de ferment p o u r les pièces à grappe. U n e des conditions essentielles de la réussite d'une distillerie est une extrême propreté. T o u t e s les fois qu'on vide u n e pièce à g r a p p e , on a soin de la laver à l'eau c h a u d e , et ensuite avec de l'eau de c h a u x , de manière à annuler fa plus petite trace d'acidité qui pourraît s'être développée dans les barriques. Voici de quelle manière se compose ordinairement u n e pièce à grappe: O n emploie 3 0 30 30 10

gallons d'écumes, d'eau, de vidange, de mélasse.

O n calcule q u e six parties d'écumes correspondent en douceur à une partie d e m é l a s s e ; d e manière que si l'on modifie les quantité d'écumes et de mélasse, on le fait toujours d e façon


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à avoir en tout dans le mélange quinze parties de douceur. Mais il est fort rare qu'on emploie plus de mélasse qu'il n'en e s t indique dans le mélange p r é c é d e n t , parce q u e , la mélasse se vendant à un prix fort é l e v é , on préfère ne pas en distiller et l'expédier à l'état de mélasse; c'est ce qui a eu lieu depuis plusieurs années, où l'on n'a fait d e r h u m q u e la quantité nécessaire pour n e pas laisser perdre les écumes, qui sont assez considérables, parce qu'on n e jette rien, les équipages ayant tous des rigoles qui conduisent les écumes à u n e citerne. 19. Quel est le rapport du tafia obtenu à la mélasse employée? En supposant les pièces à grappe composées de la manière que nous venons d'indiquer, qui est la plus habituelle, ou de toute autre approchant, en observant la contenance d e 1 5 p . % de douceur, on calcule que le r e n d e m e n t est. de 20 à 25 p . % d e r h u m , depuis 1 8 ° jusqu'à 27°. Nous n'avons pas la certitude (que les degrés de leurs aréomètres soient exactement semblables aux nôtres , cependant, ayant gouté du r h u m et ayant remarqué le degré correspond a n t , il nous a semblé qu'il n'y avait d'autre différence avec nos aréomètres qu'en ce q u e les degrés sont gradués en ordre inverse : les 27° de l'aréomètre employé à Cayenne correspondant aux 18° de l'aréomètre employé à Demerary et à Surinam, et réciproquement. 20. Quel est le degré du tafia obtenu? Dans le c o m m e n c e m e n t d e l'opération, on obtient du r h u m à 2 7° de l'aréomètre employé à C a y e n n e , et vers la fin de l'opération il n'a plus que 1 8 ° . L e degré moyen est de 22°,5.


( 81 ) 21. Les canaux sont-ils des culs-de-sacs, comme le canal Torcy? A Surinam il n'existe q u ' u n canal c o m m e le canal T o r c y ; jamais on n e s'y est plaint de n e pas y écouler, mais il existe e n t r e ces deux canaux u n e assez grande différence ; c'est q u e celui de Surinam est bien plus haut en rivière et moins sujet à des envasements. A Demerary il existe trois canaux c o m m e le canal T o r c y , p o u r lesquels la m ê m e observation subsiste; néanmoins on était toujours forcé de les curer au c o m m e n c e m e n t des pluies. J e dis on était, car ces canaux sont maintenant a b a n d o n n é s , toutes les habitations qui étaient sur leurs bords s'étant fondues pour venir alimenter les sucreries qui manquaient de bras. Les naissances, à D e m e r a r y , sont encore loin d'égaler les mortalités : tous les ans u n certain n o m b r e d'habitations sont abandonnées ; cet abandon s'est principalement fait sentir dans les caféyeries ; et comme les rives de ces canaux étaient garnies de caféyeries, et q u e l'entretien de ces canaux, q u o i q u e moins considérable que celui d u canal T o r c y , rendait ces cultures plus coûteuses q u e celles des caféyeries situées en rivière, o n a abandonné ces habitations les premières ; il n'y a plus q u e des ménageries dans toutes celles situées le long de ces canaux ; les chemins n'y sont presque plus entretenus : les r o u t e s , qui partout à D e m e r a r y sont magnifiques, n e présentent plus dans cette partie d e fa colonie q u e l'image d'un désert ; les r è glements de voierie n'y sont plus exécutés. 22. Quels sont les moyens de curage pour les canaux? O n n'employait pas d'autre moyen de curage q u e la p e l l e ; m a i n t e n a n t , comme nous l'avons déjà d i t , on n e les cure p l u s , les habitations qui les bordaient étant abandonnées. 6


( 82 ) 2.3. Les canaux de navigation sont-ils distincts des canaux de desséchement? O u i ; à Surinam il n'y a q u e trois ou quatre exceptions dans l'intérieur des habitations, entre a u t r e sur u n e habitation située près d e P a r a m a r i b o , q u e nous sommes allés visiter. Elle est placée sur u n e terre plate, mais n o n pas n o y é e ; en sorte qu'on écoule facilement le terrain, en tenant de l'eau dans les c a n a u x , de manière à permettre la navigation. Ce m ê m e système existe encore à S u r i n a m , sur deux autres habitations situées complétement en terre basse; mais on y a partout renoncé à cause des n o m b r e u x inconvénients de ce s y s t è m e , surtout dans ces pays où, tournant toute l'année, il est nécessaire de vider les canaux au m o m e n t où on a besoin de s'en servir pour le transport des cannes : ce système a d e plus l'inconvénient d'exiger u n e forte dépense p o u r l'entretien des canaux, qui ont besoin d'être profonds afin de dessécher le terrain et de p e r m e t t r e la navigation en m ê m e temps. A Demerary ce système défectueux n'est pas c o n n u ; les canaux de navigation sont essentiellement distincts des canaux d'écoulement, dans l'intérieur des habitations. L e s canaux de navigation ne nous o n t paru présenter rien d e remarquable à Surinam : les plantages y sont distribués c o m m e à C a y e n n e ; la seule chose qui nous ait paru beaucoup plus soignée qu'ici, c'est l'écoulement : leur fossé de ceinture d'écoulement est en général fort vaste, d e 15 à 2 0 p i e d s , et chaque plantage est garni d e deux ou trois écluses en m a ç o n n e r i e ; les seules habitations situées sur le bord de la mer ont des écluses en bois. E n général, voici l'emploi d e leurs écluses : u n e est destinée à alimenter les canaux d e navigation i n t é r i e u r e , et les deux autres, placées de chaque côté de la p r e m i è r e , sont des-


( 83 ) tinées à l'écoulement. Ils ont p o u r principe q u ' u n terrain n'est jamais trop desséché, et qu'on d o i t , quelle q u e soit l'abondance d e la p l u i e , vider complétement les fossés d'une habitation d'une marée à l'autre. A D e m e r a r y , les principes sont les mêmes p o u r l'écoulem e n t ; p o u r la navigation i n t é r i e u r e , ils ont en général de doubles canaux au c e n t r e ; le b u t de ce double canal est de pouvoir parcourir l'habitation d'un bout à l'autre; sans avoir à franchir a u c u n p o n t , voici l'avantage qu'ils en retirent : C o m m e leurs plantages sont très-profonds, le halage des acons de cannes coûterait fort cher ; on attache deux barques chargées de cannes l'une à la suite d e l'autre, on attelle un m u l e t pour le halage d e ces b a r q u e s ; u n nègre pour diriger le m u l e t et u n autre nègre p o u r gouverner suffisent p o u r a m e n e r u n e grande quantité de cannes au m o u l i n . 24. Comment à Demerary établit-on les fondations en terre basse? A D e m e r a r y c o m m e à S u r i n a m , on établit les fondations sur grillage en terre basse ; on n'emploie de pilotis q u e dans le lit des rivières mêmes. 25. A quelle profondeur? Est-ce sur du sable, sur grillage ou sur pilotis? La profondeur des fondations varie suivant la nature des ouvrages qu'on exécute. P o u r les maisons d'habitation, on place ordinairement les grillages à u n e ou deux pelles d e profondeur, ainsi q u e p o u r toutes les bâtisses qui sont entièrement hors d u sol. Q u a n t aux écluses, on a l'habitude d e les fonder à u n e grande profondeur : p o u r c e l a , on descend la fouille ordinairement à deux pieds au-dessous du niveau des plus basses marées. Les grillages se composent de pièces de G.


( 84 ) bois assemblées à angle droit par de légères entailles ; on garnit les vides d'un mélange d e morceaux d e briques et d e mortier; sur l'arrasement qu'on obtient ainsi, on élève la maçonnerie de l'écluse. O n m e t ordinairement entre le niveau des grillages et le fond du radier d e l'écluse u n e brique à plat et une brique d e c h a m p . Ces écluses ont ordinairement 2 0 à 2 4 pieds de l o n g u e u r ; u n e coulisse est ménagée à cinq pieds environ d u parement extérieur, et dans cette coulisse glisse u n e porte manœuvrée par u n treuil armé de leviers ; en arrière d e cette p o r t e est un p o n t , soit en voûte d e m a ç o n n e r i e , soit en bois, reposant sur les deux bajoyers. Ces écluses ont quelquefois, à l'avant et à l'arrière, des m u r s en aile en maçonnerie ou en c h a r p e n t e , mais pas toujours, et par conséquent n'ont quelquefois pas d'avant-radier. Cette partie d e l'écluse, si indispensable dans ce pays-ci, ne l'est pas dans ces deux colonies, à cause d e la grande profondeur à laquelle ils établissent le radier de leurs écluses; ils n e sont pas exposés aux affouillements en avant; cette grande profondeur ne leur fait pas craindre la difficulté des réparations; ces écluses d u r e n t très-longtemps, et comme il ne leur arrive jamais d'accidents et qu'il n'y a qu'à remédier à l'usure des b r i q u e s , on y pourvoit facilement en été. L'habitude d e poser leurs radiers e x t r ê m e m e n t bas les met à l'abri du danger d e voir des crabes et des anguilles s'introduire sous leurs écluses et en c o m p r o m e t t r e la solidité ; ils n'ont jamais d e filtrations que derrière les bajoyers, et alors u n e simple fouille y remédie. Voilà les principales précautions employées dans leurs constructions les plus importantes ; toutes les autres n e méritent pas la peine d'être détaillées; on fait ici aussi bien à cet égard que dans ces deux colonies. 26. Quel bois emploie-t-on? A S u r i n a m on emploie p o u r les parties exposées aux in-


( 85 ) tempéries des saisons les mêmes bois qu'à C a y e n n e ; seulement nous avons trouvé q u e les essences, assez rares ici, étaient c o m m u n e s là-bas ; a i n s i , en bois d e première q u a l i t é , le rose mâle est assez c o m m u n : nous n'avons pas trouvé d e wapa ; tous les bardeaux sont en wacapou et balata; le cœur d e bois noir est assez c o m m u n . P o u r grillage, on emploie quelques bois d e la p i n o t i è r e , et des cœurs de palétuvier blanc. A Demerary la m ê m e chose existe également. 27. Comment les bois de construction sont-ils amenés des chantiers? est-ce en radeaux, et, dans ce cas, comment sont-ils faits ? A S u r i n a m , q u a n d u n habitant fait faire des bois par ses nègres, il les a m è n e dans des a c o n s ; les nègres-bos les amènent dans des barques chargées en dehors. A Demerary a u c u n habitant n e fait les bois dont il a besoin; il existe des e n t r e p r e n e u r s qui font métier du commerce de bois, et qui ont des établissements de 2 et 3 0 0 nègres au chantier. Nous avons regretté de n'avoir pas le temps de pouvoir les visiter; la terre haute est si éloignée de D e m e r a r y , q u e c'est u n voyage fort long. L e s bois sont amenés dans des barques chargées en dehors ; il existe sur le bord de la rivière, à D e m e r a r y m ê m e , plusieurs scieries à vapeur c o m m e celle de la C o m t é de M. P o w e r ; ces scieries reçoivent les bois à leur pied. L e s machines employées à débiter les bois du pays en planches, madriers et bordages, sont de la force de huit c h e v a u x ; la machine hale les pièces de bois du bord de la rivière sur le chariot, où il est de suite débité par un n o m b r e d e scies proportionnées à son équarrissage et qui sont mises en m o u v e m e n t par la machine. Ces établissements sont formés d u n e manière fort légère, à cause de la mauvaise qualité du sol et pour éviter le grillage


( 86 ) assez coûteux, et qui eût pu n e pas réussir. La cheminée est e n tôle et la machine est placée sur un échafaudage en pilotis. Nous n'ajouterons plus qu'un m o t à ces questions sur les constructions, c'est q u e , dans aucune des deux colonies, on n e fait d e b r i q u e s , mais celles q u e l'on reçoit sont d'une qualité supérieure ; aussi a-t-on la plus grande confiance dans les constructions en briques : il faudrait bien p r e n d r e garde si l'on faisait ici u n e barrière en m a ç o n n e r i e , de ne pas se servir des briques du pays. A Surinam on fait des tuiles qui sont employées dans les nouvelles constructions. A Demerary on couvre en tôle ou en ardoises les parties qui craignent le feu. 28. Rapporter des échantillons de sucre. D e u x échantillons ont été r a p p o r t é s ; lorsqu'il sera question plus tard d e l'appareil à cuire dans le vide on entrera dans quelques détails sur ces échantillons. 29. Quel parti tire-t-on de la graine de coton ? Avant d'entrer en matière sur les articles relatifs au c o t o n , nous ferons u n e observation ; c'est q u e les cotonniers ont été abandonnés généralement à D e m e r a r y , o ù , nous a-t-on d i t , il n'existe plus q u e deux ou trois plantages en coton. A S u r i n a m il en existe encore q u e l q u e s - u n s , mais tellement loin qu'il nous a fallu faire près d e dix lieues p o u r arriver dans u n quartier où il y en eût. Cette culture est en décroissance p a r t o u t , et ce n'est qu'à S u r i n a m que nous avons pu recueillir quelques renseignements; ainsi le peu que nous en dirons ne se rapportera qu'à S u r i n a m . O n n e tire aucun parti d e la graine de c o t o n , pas m ê m e


( 87 ) pour engrais; on la jette. L e seul usage qu'on en lasse quelquefois par hasard, c'est de la répandre sur quelques chemins en terre basse pour les ferrer. 30. Quels sont les rapports annuels d'un carré de cotonniers, les quatre premières années de leurs produits ? La m é t h o d e de travailler le coton n'est pas la m ê m e à Surinam et à C a y e n n e . Il est nécessaire, p o u r répondre à cette question, d'indiquer rapidement les différences. A Cayenne où l'on fait souvent de nouveaux entourages, et où l'on plante tous les ans des cotons dans des terres n e u v e s , et où l'on renouvelle complétement les plantations de c o t o n , on peut calculer les récoltes des quatre premières années. A Surinam ce sont toujours les m ê m e s terres qui tra vaillent et q u e le coton n'épuise p a s ; on se contente tous les a n s , dans la saison c o n v e n a b l e , de planter e n t r e les cotonniers le quart ou le tiers du n o m b r e des pieds contenus dans la pièce; les cotonniers ne sont d o n c pas espacés également et sont extrêmement serrés; ils restent petits pour ce motif, car nous n'en avons vu aucun ayant plus de six pieds de hauteur : on calcule de cette manière que les cotonniers sont renouvelés tous les quatre a n s ; il en résulte q u ' u n e récolte quelconque représente le produit de un quart de cotonniers d'un an, un quart de cotonniers d e deux a n s , et q u e la totalité du produit représente la m o y e n n e de celui des quatre premières années des cotonniers Cette récolte est ordinairement de 4 à 5 0 0 livres par c a r r é , dans les années ordinaires ; mais il existe des années où la récolte est presque n u l l e , c'est ce qui a fait abandonner cette culture. Les pluies arrivent quelquefois avant qu'on ait eu le temps de faire la r é c o l t e , et tout est perdu ; c'est la seule


( 88 ) c a u s e , avec les chenilles, qui d o n n e tant d'incertitude à la récolte. L e revenu q u e nous venons d'indiquer plus haut est celui d u cotonnier dit roc, qui est g é n é r a l e m e n t cultivé à Surinam , et d o n t n o u s avons rapporté des échantillons. U n a u t r e coton d'une espèce différente, qu'on n o m m e sea island, a été aussi cultivé, mais a été a b a n d o n n é à cause d e la grande quantité d e sarclages q u e ces plantations exigent. Ce dernier coton se maintient à u n e p e t i t e hauteur, et les herbes n'étant pas étouffées poussent avec u n e facilité extrême. Quoiqu'il d o n n â t u n revenu considérable et d'une qualité supérieure on l'a a b a n d o n n é à cause des sarclages qu'il nécessite. Nous en avons rapporté u n échantillon, parce que nous croyons q u e sa culture pourrait être tentée ici avec s u c c è s , à cause des différences dans les localités. O n travaille ici beaucoup de terres vierges, où il n'y a pas de sarclages p e n d a n t deux ou trois ans : ce serait alors le m o m e n t d e planter cette espèce d e coton qui d o n n e de si beaux p r o d u i t s ; ensuite on pourrait remplacer les cotonniers qui manqueraient par des cotonniers ordinaires. L e coton B o u r b o n , d o n t nous avons rapp o r t é aussi un échantillon, est p e u c u l t i v é ; il n e présente pas d'avantage. 31. Combien d'individus emploie-t-on pour entretenir et récolter un carré de cotonniers? Avec la m é t h o d e de culture régulière suivie à S u r i n a m , où l'on n e fait jamais de nouveaux e n t o u r a g e s , on compte qu'un nègre p e u t entretenir trois carrés e n v i r o n , et faire la récolte. O n compte h u i t acres, ce qui fait exactement trois carrés u n cinquième ; q u a n t au coton sea island, on évalue qu'il faut plus de n è g r e s , à cause des sarclages plus n o m b r e u x qu'il nécessite.


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32. Quelle quantité en poids et en mesure la journée d'un individu produit-t-elle de coton pendant la récolte ? Nous avons vu le baril destiné a u mesurage des tâches ; il nous a semblé être le m ê m e q u e celui généralement en usage à C a y e n n e : comme ici, la tâche n'est pas toujours la m ê m e ; à toutes les époques d e la récolte elle se modifie, suivant l'abondance d u coton à ramasser ; c e p e n d a n t , p o u r fixer quelque chose de p r é c i s , on p e u t admettre qu'elle est de 1 5 à 2 0 livres net par jour au p l u s . D a n s leurs cabanes, lorsque le coton a été m e s u r é , il y a encore u n m o y e n de vérification en grand, qui nous a paru excellent, n o n - s e u l e m e n t c o m m e m o y e n d e vérification, mais encore c o m m e p r o p r e à accélérer le séchage, empêcher le coton de s'échauffer et d'être volé. T o u t e la cabane est divisée en allées par des poteaux pouvant recevoir des traverses à v o l o n t é , d e manière à obtenir dans la cabane autant de compartiments qu'on le désire, remplis de coton et tous environnés d'allées de circulation. O n place le coton dans ces différents compartiments, qu'on agrandit à volonté. G é n é r a l e m e n t , quand la récolte n'est pas t r o p a b o n d a n t e et n e gêne p a s , on ne réunit pas deux compartiments v o i s i n s ; alors on a entre les c o m p a r t i m e n t s , qui ont cinq à six pieds de largeur, des allées de deux pieds environ , d e manière à pouvoir visiter ainsi tout l'intérieur de la cabane. 33. A quelle époque de l'année pratique-t-on les diverses opérations usitées dans la culture du cotonnier? Les sarclages ont lieu ordinairement dans le temps des pluies; on en fait trois par an. L a récolte se fait aux m ê m e s époques q u ' i c i , et la taille en m ê m e temps qu'ici également ; on a l'habitude en taillant de laisser toujours trois t i g e s , mais on plante les cotons extrêmement s e r r é s ; c'est u n e différence


( 90 ) très-remarquable. Les cotonniers sont presque nains et se louchent, tandis qu'ici on leur laisse atteindre des dimensions gigantesques, qu'ils ne doivent probablement qu'à leur écartement et p e u t - ê t r e aussi à leur espèce. 34. Combien y fait-on de récoltes par an ? U n e , et quelquefois deux ; cela dépend de la saison. 35. Existe-t-il des pucerons, et de quel procédé se sert-on pour les détruire? O n ne les connaît p a s , ou du moins c'est sur u n si petit n o m b r e de pieds qu'ils ont toujours passé inaperçus. Nous devons ajouter q u e la manière d o n t notre colonie a été dévorée par ces insectes a beaucoup é t o n n é : p e u t ê t r e , nous disait-on, faut-il attribuer ce fléau à la vieillesse qu'on laisse acquérir aux souches. C o m m e n o u s l'avons déjà d i t , ils ne laissent pas durer leurs souches plus d e quatre ans. 36. Quel moyen emploie-t-on à Demerary et à Surinam pour séparer le coton de sa graine? O n n'emploie à S u r i n a m que le moulin à pied c o n n u à C a y e n n e ; il n e nous a présenté a u c u n e différence avec celui d e n o t r e colonie. 37. Ces moulins ont-ils des manivelles en fer pour accélérer le mou vement des roues? Non. 38 Quelle est la tâche du moulin à pied? Trente l i v r e s , c o m m e à C a y e n n e .


( 91 ) 39. Trie-t-on le coton lorsqu'il est tourné, et quelle est la tâche? O u i , on le t r i e , et on fait soixante l i v r e s , comme à C a y e n n e . 40. Quelle différence existe-t-il entre le climat de Cayenne et ceux de Surinam et de Demerary ? Nous sommes portés à croire qu'il n'en existe a u c u n e ; toutes les années qui ont renferme des étés et des pluies extraordinaires , q u e nous avons pu signaler, se sont présentées éga'ernent dans les deux colonies. 41. Les pluies ont-elles lieu aux mêmes époques et sont-elles aussi abondantes? A Cayenne, il tombe cent trente à cent quarante pouces d'eau. Les saisons paraissent être réparties d'une manière uniforme sur tout le littoral des G u y a n e s . Autrefois on faisait des observations métérologiques qui étaient insérées dans les journaux; on y a r e n o n c é . Nous n'avons p u nous p r o c u r e r des tableaux de la distribution des pluies dans l'année; le total de la q u a n t i t é «le pluie tombée est le m ê m e qu'à C a y e n n e : e t , autant qu'on peut en juger par ce qui nous a été d i t , on peut presque affirmer q u e notre climat ne présente pas d e différences essentielles avec celui d e ces deux colonies. 42. Brûle-t-on sur le sol des pailles de cannes? G é n é r a l e m e n t on le fait ainsi. Q u e l q u e s habitants le désapprouvent parce q u e , disent-ils, on nuit au sol; mais l'opinion est en faveur d e la m é t h o d e d e combustion : o n pense qu'on détruit ainsi tous les insectes qui pourraient faire tort à la c a n n e , et on s'en trouve fort bien. La plus grande propreté


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est maintenue dans les pièces de cannes, où l'on craindrait la t o u r b e , le t e r r e a u , e t c . , ce q u e l'on recherche dans notre colonie p o u r la c a n n e . A D e m e r a r y et à S u r i n a m , au contraire, on n e plante d e cannes q u e dans les terres qui sont dépouillées de principes végétaux trop abondants. 43. Est-on dévasté par les rats, les rouleux, et quels sont les moyens de destruction employés contre eux? L e s rouleux n e sont pas c o n n u s et les dégâts commis par les rats sont insignifiants. Cette absence complète d'insectes doit tenir à la mise en culture de la totalité du sol, à sa propreté, et peut-être aussi au parfait écoulement des habitations. Jamais, m ê m e dans le fort des plus grandes p l u i e s , le sol des habitations n'est couvert d'eau ; le travail marchant d'une manière régulière, puisqu'on t o u r n e toute l ' a n n é e , u n e pièce coupée aujourd'hui est nettoyée d e m a i n ; il n'y a d'interruption dans aucun travail. L e s établissements d e nos voisins sont de vastes usines où tous les rouages sont disposés de manière à ce q u e les travaux du jour sont semblables à ceux du lendemain. Nous n'avons donc pu recueillir aucuns renseignements sur ces insectes dévastateurs ; n o u s n'avons p u q u e signaler les différences e n t r e n o t r e manière d e travailler et la leur. 44. Se sert-on , pour planter , des têtes et des corps de cannes indifféremment? O n se sert de préférence des têtes de cannes , qui végètent mieux q u e la canne e l l e - m ê m e , et qui d'ailleurs ont l'avantage de ne pas n u i r e à la r é c o l t e ; m a i s , quand les têtes de cannes n e suffisent p a s , on a recours à des cannes de l'âge de six à sept mois. Depuis dix-huit mois à deux ans on a essayé u n e nouvelle


( 93 ) méthode de planter les cannes qui parait avoir réussi. L e s plantations d e cannes sont ordinairement tellement faites, que l'on a successivement u n sillon de c a n n e s , u n d o s , u n s i l l o n , e t c . ; voici ce qu'on fait m a i n t e n a n t , au lieu d'avoir ainsi u n e pareille série. On dispose le terrain de manière à avoir ce que le croquis

ci-dessus représente : les lettres c , c ' , c " , c'" représentent les lignes de cannes ; les lettres d , d ' , d " , les lignes d e dépôt de v a s e ; r r ' , les rigoles. Voici les principaux avantages d e cette m é t h o d e : les rigoles, placées près de c h a q u e lit de cannes, produisent u n meilleur desséchement ; on place près de la rigole le résultat des sarclages ; ces résidus ne sont pas ainsi exposés, comme dans les plantations ordinaires, à retomber sur la c a n n e ; ils fournissent ensuite à la longue u n e terre fort meuble qui s e r t , soit pour rechausser la c a n n e , soit p o u r former, lorsqu'on replante la p i è c e , u n excellent lit p o u r les cannes. Nous allons maintenant r é p o n d r e à toutes les questions qui ont été posées sur l'appareil à cuire dans le vide. 45. Pour mille litres de vesou produisant par la méthode ordinaire d'évaporation à feu nu tant de kilogrammes de sucre de telle qualité et tant de litres de mélasse. Pour mille litres de vesou par la nouvelle méthode d'évaporation, combien obtient-on de sucre; de quelle qualité est-il comparativement au premier, et combien en obtient-on de mélasse? Ces cléments, base essentielle de tout changement, une fois établis, on saura, en connaissant le prix de l'appareil, sur quelle échelle il est avantageux de s'en servir, et s'il existe des habitations assez considérables pour pouvoir défrayer de ces dépenses assez fortes. L'appareil dans le vide consiste en chaudières à double fond


(94) dans lesquelles on met le sirop réduit et é c u m é , et qui sont échauffées à la vapeur. Les vapeurs provenant de l'ébullition d u sirop sont condensées dans u n réfrigérant, dont u n e p o m p e extrait l'air et l'eau d e condensation. L e sucre est cuit ainsi jusqu'à u n certain p o i n t , au de là duquel on le retire de ces chaudières pour le placer aussitôt dans d'autres c h a u d i è r e s , q u e l'on fait bouillir par la vapeur à l'air libre, afin de porter la t e m p é r a t u r e du sucre à u n point plus élevé que dans le v i d e , ce qui est nécessaire p o u r le faire bien cristalliser. O n obtient u n sucre d'un très-gros g r a i n , mais fort noir ; nous n'avons pu nous en p r o c u r e r , le seul propriétaire qui se servait de ces appareils n'expédiant plus de sucre à cet é t a t ; il paraît que ce sucre, qu'on laisse purger sur les l i m a n d e s , purge très-mal, et qu'arrivé en E u r o p e il d o n n e u n déchet considérable. O n évalue q u e ce sucre cuit dans le vide d o n n e u n poids de u n septième de plus q u e le sucre cuit par le procédé ordin a i r e , mais aussi qu'il d o n n e moitié moins de mélasse dans la p u r g e r i e : ajoutez à cela q u e le sucre cuit dans le vide d o n n e un déchet sur les envois en E u r o p e assez considérable; que ce s u c r e , quoique d'un plus beau grain est plus noir q u e le sucre o r d i n a i r e , et l'on comprendra ce qui y a fait renoncer. Lorsqu'on a voulu purger ce sucre par des lavages, on a o b t e n u , mais avec 4 0 p . 0/0 de perte sur les p r o d u i t s , u n e partie de sucre fort b e l l e , u n e seconde qualité m é d i o c r e , et u n e troisième fort mauvaise. Les résultats ont été si désavantageux, q u e , sur u n établissement q u e nous avons visité et sur lequel on avait employé cet appareil pendant u n a n , on nous a déclaré q u e les produits par le procédé ordinaire, qui étaient m o y e n n e m e n t de 1 , 0 0 0 , 0 0 0 de livres, avaient été réduits à 6 0 0 , 0 0 0 livres, sans accroissement de prix moyen p o u r le s u c r e , en y c o m p r e n a n t les trois qualités. Nous n'avons encore parlé q u e d e la qualité et de la quantité des p r o d u i t s , entrons encore dans quelques détails sur le coût de cet appareil.


( 95 ) Voici les bases de la dépense : Achat de l'appareil en A n g l e t e r r e , consistant en chaudières, etc

30,000'

Force d e trois chevaux p o u r faire marcher les pompes nécessaires

12,000

Dix nègres de plus q u e par la m é t h o d e ordinaire, exigés par cet appareil

20,000

Montage de l'appareil et dépenses d e constructions nécessaires p o u r le placer 20,000 Total

82,000

Voilà ce qui forme et compose la cuisson dite dans le vide. Maintenant on y a a d a p t é , sur la seule sucrerie qui emploie l'appareil dans le v i d e , u n e addition p o u r purger le sucre. Elle consiste à faire le vide sous u n e couche de s u c r e , de manière à forcer ainsi la mélasse à couler par la pression de l'air qu'on fait traverser. C'est u n échantillon d u sucre cuit clans le vide ainsi p u r g é , et qui est encore un peu b r u n , que nous avons rapporté. N o u s ignorons de combien ce sucre a perdu sur son poids primitif ; il paraît q u e la p e r t e d é p e n d de l'intensité d u vide produit sous le sucre : d'après ce q u e nous pouvons s u p p o s e r , la perte n'est certainement pas m o i n d r e de 2 0 à 3 0 p . %, et peut-être de 4 0 p . %. L e sucre blanc q u e nous avons rapporté est du sucre q u i , après avoir été cuit dans le vide, purgé par le vide, est ensuite lavé. D'après les aveux du fils du propriétaire de l'établissement qui seul emploie encore ces p r o c é d é s , nous savons q u e la p e r t e , pour obtenir ce sucre b l a n c , n'est pas m o i n d r e de 5 0 p . % du poids primitif, et est peut-être plus forte. Nous n'avons pu vérifier directement tous ces résultats, par suite de la réserve que nous avons t r o u v é e , et dans le gouv e r n e m e n t , et dans les particuliers q u e ces fabrications concernent ; nous en avons eu moins de regret, sachant q u e tous les établissements qui avaient fait les frais d e ces nouvelles


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usines y avaient renoncé : nous avons pensé que ce n'était pas le cas d'engager les habitants de Cayenne à marcher dans cette voie. 46. A quel degré de concentration le vesou doit-il être amené dans la chaudière à cuire par le vide ? L e vesou doit être a m e n é à la moitié de son volume primitif; p o u r cela, on le prend dans la troisième, où il est parfaitement écume, et alors on le transporte dans les appareils du vide. 47. Ne doit-il pas être déféqué, en filtre, avant d'être porté dans cette chaudière. Nous avons r é p o n d u à cette question par la solution de la précédente. 48. Ces équipages à cuire dans le vide sont sans doute ceux d'Howard , et le vide y est formé au moyen de pompes? Quelle force est nécessaire pour produire le mouvement de ces pompes? Faut-il une machine à vapeur séparée, ou peut-on employer une partie de la force de celle qui broye les cannes ? A D e m e r a r y , les machines à vapeur de douze à quatorze chevaux sont généralement employées p o u r les sucreries ; on calcule q u e cet appareil dans le vide consomme environ trois chevaux de la m a c h i n e ; l'excédant de la force est employé à faire marcher le moulin qui broye les cannes : on voit donc que la question de la machine séparée, dépendra de la force de la machine dont on p e u t disposer, et qu'à Cayenne il serait généralement nécessaire, soit d'avoir u n e machine spéciale, soit d'augmenter la force des machines dont on dispose.


( 97 ) 49. Quel est le prix d'un de ces appareils en Angleterre, pour un produit déterminé, c'est-à-dire pour cuire 5 , 6 , 8 ou 10 milliers par jour? N o u s avons indiqué le prix d'un d e ces appareils; n o u s ajouterons q u e ces appareils avaient le grave inconvénient d e n e cuire q u e 6 , 0 0 0 livres en douze h e u r e s , ce qui n'était pas en r a p p o r t avec le travail des sucreries o r d i n a i r e s , mais ce qui serait suffisant à C a y e n n e . 50. Quelle dépense faut-il faire pour le monter dans la colonie? Nous avons déjà dit 2 0 , 0 0 0 francs : c'est le chiffre qui n o u s a été d o n n é ; mais à C a y e n n e , où la main-d'œuvre est beaucoup moins c h è r e , peut-être n e dépenserait-on q u e 1 5 , 0 0 0 fr. 51. Quel espace occupe-t-il? A-t-il exigé de nouvelles constructions pour être établi dans les nouvelles sucreries? E n v i r o n 2 0 pieds carrés, p o u r les chaudières à vide, et u n étage. Il convient d e placer le petit bâtiment qu'on élève e n t r e la chaudière d'où l'on tire le sucre et la purgerie où l'on le porte. 52. Quelle est la différence du prix du sucre obtenu par ce nouveau procédé et celui établi par l'ancien? Nous avons rapporté des échantillons d e sucre purgé dans le vide et ensuite lavé, d o n t on pourra établir les prix mieux q u e n o u s ; nous eussions désiré rapporter du sucre b r u t sortant de l'appareil du v i d e , mais nous n'avons pu nous en procurer. 7


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53. Quelle est la quantité en plus obtenue par ce procédé, qui, dit-on a l'avantage de donner très-peu de mélasse? N o u s avons déjà r é p o n d u à cette question par les détails donnés sur l'appareil d u v i d e ; n o u s ferons u n e simple observation c'est q u e l'opinion u n a n i m e de tous ceux qui ont suivi d e près cette fabrication est q u e son seul avantage est la beauté du grain ; p o u r la couleur, le sucre est fort laid et r e tient, à ce qu'il paraît, b e a u c o u p d e mélasse, qui a d e la p e i n e à s'échapper, et qui en définitive finit par d o n n e r b e a u c o u p de perte lorsqu'on c h e r c h e à le purger d e sa mélasse. 54. L'appareil de Roth est-il connu à Demerary? N o n , et on n'a p a s , à ce qu'il paraît, envie d e l'essayer; on est dégoûté de la m é t h o d e de cuisson clans le vide.


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§

III.

SUPPLÉMENT AU MÉMOIRE DE M. ZÉNI 1.

Il nous reste encore à d o n n e r quelques renseignements sur les questions qui avaient été posées à M . Z é n i , i n g é n i e u r , lors de son voyage dans ces deux colonies. N o u s les p r e n d r o n s par ordre et n u m é r o s . 2. O n choisit ordinairement p o u r planter les cafiers les nouveaux terrains pris dans le fond, qu'on entremêle d e ban a n i e r s , afin d'épuiser ces terres avant d'y mettre la canne. 9 . A D e m e r a r y on ne met jamais les terres sous l ' e a u ; on les fait toujours travailler en les labourant q u a n d elles sont fatiguées. 1 0 . O n n'emploie pas d'engrais. 1 1 . L a charrue n'est employée dans a u c u n e d e ces colonies. 1 5 . O n ne l a b o u r e la terre ordinairement qu'à 8 ou 9 pouces d e profondeur. 2 0 . Il n'y a rien d e fixe sur cette q u e s t i o n , certains p r o priétaires recourant continuellement. 2 4 . A S u r i n a m on emploie les moulins à marée et à va peur. A D e m e r a r y , les moulins à vapeur seulement. L e s u s i n e s , à S u r i n a m , n e nous o n t présenté rien d e particulier. Voici les dispositions presque généralement adoptées sur toutes les sucreries à Demerary : 1 Voir la n o t e qui e s t e n tête du Mémoire de M. Zéni. Il ne faut pas perdre de vue que les deux Mémoires ont été rédigés à di\ ans d'intervalle.

7.


( 100 )

A, purgerie; B, distillerie; F, citerne aux écumes; C, deux équipages D, clarification; E, case des machines et moulin; G, G', G", cases à bagasse H, rampe des chariots à bagasse.

2 8 . Les chaudières en cuivre, à S u r i n a m , sont généralem e n t en usage. A D e m e r a r y , on s'en sert m o i n s , mais on a presque toujours p o u r les deux plus petites des chaudières en cuivre. C a y e n n e a maintenant le meilleur plan d'équipages q u e l'on connaisse. 3 3 . L e s chaudières ont deux chevaux d e plus q u e les mac h i n e s , p o u r avoir la garantie q u e les machines ne m a n q u e n t jamais de vapeur. 3 4 , 3 5 , 3 6 , 3 7 . N o u s n'avons trouvé d e différence q u e dans la force, entre les nouveaux moulins employés à C a y e n n e et ceux de D e m e r a r y . 3 8 . Cette amélioration est u n e des plus importantes q u e l'industrie anglaise se félicite d'avoir faites depuis quelques a n n é e s . S u r toutes les sucreries nous en avons vu d'installées ou en construction. L a d é p e n s e , nous a-t-on d i t , est de 1 5 à 2 0 , 0 0 0 florins, et a p o u r résultat d'économiser douze nègres sur seize environ qu'on occupait à emporter la bagasse ; voici en q u o i consiste cette installation : U n t a m b o u r en bois est placé au-dessus du moulin à cannes et reçoit son m o u v e m e n t d'un engrenage c o m m u n i q u a n t avec ceux d u m o u l i n ; on p e u t à volonté m e t t r e en communication l'engrenage du tambour avec celui du moulin, par le procédé usité du manchon ; u n nègre placé près du


( 101 ) m o u l i n , au m o y e n d'un l e v i e r , produit cet effet à v o l o n t é ; au pied d u moulin est u n chemin de fer sur lequel p e u t rouler u n chariot ; ce chemin en fer, à la sortie d e la s u c r e r i e , est brisé sur u n é t e n d u e égale à peu près à la longeur du chariot, qui p e u t , lorsqu'elle porte u n chariot, faire u n quart d e r é v o l u t i o n ; alors elle met le chariot q u e l l e supporte en communication avec u n b o u t de chemin en fer à angle d r o i t , où l'on remise facilement u n et deux chariots. R e v e n o n s à la sortie du moulin : à la suite d e ce b o u t d e chemin en fer, d o n t nous avons p a r l é , on r e n c o n t r e un plan incliné sur lequel m o n t e n t les chariots chargés d e bagasse, jusqu'à la h a u t e u r des tirants des diverses cases à bagasse; alors la machine a b a n d o n n e le chariot, par u n mécanisme q u e nous expliquerons plus t a r d ; l à , deux nègres p r e n n e n t le chariot, qui a été m o n t é par la machine à vapeur, et le conduisent, au m o y e n de chemins en fer placés sur les tirants des diverses cases à bagasse, dans le lieu où l'on doit le vider. Voici maintenant la description détaillée des diverses manœuvres : Supposons u n chariot au pied du moulin et qu'on est sur le point d e finir de r e m p l i r ; deux nègres, placés près d u m o u l i n , ont soin d e pousser la bagasse de manière à bien garnir tous les v i d e s ; u n e d e m i - m i n u t e environ avant qu'il soit p l e i n , u n des deux nègres quitte sa place et va p r e n d r e u n e corde q u i , s'enroulant sur le t a m b o u r en bois au moyen de p o u l i e s , va jusqu'à l'extrémité du plan incliné, et de l à , r e t o u r n a n t , revient jusqu'au moulin saisir le chariot; il a p p r o c h e le b o u t de cette corde, qui était restée à l'entrée, a m e nant le chariot vide ; il l'attache au chariot plein et il r e m o n t e au moulin à la place qu'il occupait. A l'instant où le chariot est plein, l'autre nègre, avec son levier, met en communication le t a m b o u r avec le moulin à c a n n e s , pendant q u e le nègre qui attache la corde au chariot relève u n e planche à c h a r n i è r e , destinée à former u n e petite caisse en avant du m o u l i n , dans le petit e m b r a n c h e m e n t de chemin en fer situé à angle d r o i t ,


( 102 ) d o n t nous avons parle : ils a m è n e n t donc le chariot vide contre le m o u l i n ; ils font tomber la planche a charnière et de suite la bagasse produite pendant cette m a n œ u v r e , et qui s'est e m m a gasinée entre la planche et le r ô l e , t o m b e dans le chariot; pendant ce temps-là le chariot p l e i n , que nous avons laissé cheminant et m o n t a n t sur le plan incliné, est arrivé en h a u t . Nous avons dit q u e la machine devait l'abandonner lorsqu'il était arrivé en ce point ; p o u r cela il y a deux moyens en usage ; le plus simple à n o t r e avis est celui-ci : Supposez que, p o u r mettre le t a m b o u r en communication avec le m o u l i n , on soit obligé de faire déplacer au m a n c h o n u n c o n t r e - p o i d s ; tant q u e le chariot m o n t e r a , comme il produit u n e traction assez forte sur le tambour, il opérera, e n t r e le manchon et la partie avec laquelle ce manchon s'assemble, u n frottement qui maintient l'assemblage des deux pièces q u e le contre-poids tend à s é p a r e r ; mais du m o m e n t qu'il est arrivé à la plate-forme du plan incliné le chariot, en vertu de la force d o n t il est a n i m é , dépassant la vitesse d u tambour, la corde devient l â c h e ; d e suite le m a n c h o n se s é p a r e , le tamb o u r s'arrête et par suite le chariot. L e second moyen consiste, lorsque le chariot est arrivé en h a u t , à lui faire rencontrer un levier coudé qu'il met en mouv e m e n t ; ce levier c o m m u n i q u e jusqu'au m a n c h o n par des tringles de fer, qui produisent le désengrenage : ce m o y e n est p l u s compliqué et plus coûteux. L e chariot plein étant arrivé en haut d u plan i n c l i n é , deux nègres, qui viennent de r a m e n e r u n chariot vide et de le placer dans un e m b r a n c h e m e n t que ne doit pas parcourir le chariot p l e i n , détachent ce dernier, qui est de suite mis en m o u v e m e n t p o u r sa destination ; u n des deux nègres laisse l'autre partir avec le chariot plein ; p e n d a n t ce temps, il approche le chariot vide du plan i n c l i n é , attache la corde et le pousse sur la p e n t e ; le chariot tombe, entraînant la corde qu'il ramène et qui ralentit son m o u v e m e n t . U n des deux nègres q u e nous avons laissés au moulin remplissant un


( 103 ) chariot, en voyant arriver un vide pèse sur un frein, ralentit le m o u v e m e n t du treuil, et, au m o m e n t où il parvient au bas de la c h u t e , le chariot est a r r ê t é ; s'il oubliait cette m a n œ u v r e , quelques obstacles placés dans le chemin amortiraient cette chute. A p r è s avoir pesé sur ce frein, il quitte le moulin et va remiser ce chariot vide dans l'embranchement d u chemin en fer, et revient à son travail ; p e n d a n t ce temps-là, les deux nègres, situés en haut du plan incliné, ont été conduire leur chariot plein et le vider, p o u r le ramener et être au haut du plan incliné quand le chariot qui s'emplit m a i n t e n a n t au pied du moulin y sera arrivé. T o u t e cette m a n œ u v r e se fait avec u n e régularité admirable ; ce m o u v e m e n t des chariots dans les a i r s , qui semble se produire par u n e puissance invisible, est un spectacle des plus attrayants. C h a q u e dix m i n u t e s environ u n chariot est mis en m o u v e m e n t : on satisfait à cette m a n œ u v r e avec trois chariots; il est b o n d'en avoir toujours un quatrième d e r e c h a n g e , en cas d'avaries. Dans le c o m m e n c e m e n t quelques accidents o n t eu l i e u ; maintenant il n'en arrive plus. O n avait confié aux soins du nègre, placé au m o u l i n , le désengrenage du t a m b o u r lorsque le chariot était arrivé en h a u t ; plusieurs l'oubliaient; c'est alors qu'on a eu l'idée d e n e pas en charger le nègre : on y arrive par les deux moyens q u e nous avons indiqués. A v a n t qu'on n'eût mis d'obstacles au bas de la chute du chariot v i d e , il était arrivé quelquefois q u e le nègre, oubliant l'usage du frein, le chariot vide était venu se briser contre le chariot qui se remplissait. O n n e cite plus d'accident; cet appareil est m a i n t e n a n t généralement e m p l o y é . La forme d u chariot est fort simple ; le croquis ci-après en d o n n e r a u n e idée exacte : c'est u n chariot à quatre roues en fer, d o n t les axes s u p p o r t e n t u n e caisse assez longue et p r i s m a t i q u e , ayant pour base u n trapèze A C D B .


( 104 )

L a contenance d u chariot se compose des deux prismes A C E et B D E , où la bagasse est c o n t e n u e : le prisme C E D est en dehors du caisson ; c'est u n vide. L e b u t de cette forme particulière est de faciliter la c h u t e de la bagasse. P o u r cela, lorsque le chariot plein est arrivé au point de la case à bagasse où l'on veut le vider, le panneau A C étant mobile suivant la ligne A par des charnières, et son extrémité C étant fixée au châssis d u chariot p a r u n e trav e r s e , le poids de la bagasse b force le panneau A C à s'ouvrir, et elle t o m b e en place. II existe aussi u n grand avantage à charger les cases à bagasse par le h a u t ; la bagasse est moins abîmée. A S u r i n a m , ces appareils n e sont pas c o n n u s , mais on a pour habitude d'avoir u n escalier à l'entrée de la case à bagasse ; le nègre m o n t e avec sa charge et va verser dans le haut. N o u s avons vu sur cet établissement u n autre appareil dans lequel les chariots n e montaient pas le long d'un plan incliné, et recevaient la bagasse seulement à la hauteur des tirants des cases à bagasse. Voici en quoi cet appareil consiste : U n e chaîne sans fin, garnie d e petites planchettes de 4 à 5 pouces d e large, qui passent toutes successivement en bas d u rôle en s'appuyant contre u n plan i n c l i n é , m o n t e la bagasse à 3 0 pieds environ et la laisse tomber dans u n chariot destiné à la recevoir. Ce chariot est toujours manœuvré et conduit en place c o m m e ceux des autres sucreries ;


( 105

)

il n'y a de différence qu'en ce q u e les chariots n e m o n t e n t et ne descendent jamais. Cet appareil est t r è s - s i m p l e ; nous regrettons d e n e pas l'avoir vu en m o u v e m e n t . L e s quatre nègres employés à l'enlèvement des bagasses se trouvent alors tous les quatre en haut. L e propriétaire de cette usine nous a dit qu'il allait installer d e l'autre côté également sans fin, p o u r a m e n e r les cannes au moulin depuis le c a n a l ; de cette m a n i è r e , nous dit-il, je n'aurai plus q u e q u a t r e nègres également pour approcher les cannes et d o n n e r à manger au m o u l i n . 5 0 . Ces rafraîchissoirs sont c o m m e ceux de C a y e n n e ; s e u l e m e n t , en mettant le sucre dans les rafraîchissoirs, on a partout l'habitude de faire passer le sirop dans u n e claire-voie. 5 2 . A D e m e r a r y également n o u s avons vu p a r t o u t des écluses en briques. 6 3 . L e m o y e n généralement e m p l o y é p o u r o b t e n i r du sucre d e qualité supérieure consiste à l'arroser d'eau d e chaux p o u r le faire purger, dans les proportions d e 4 gallons par millier. O n obtient ainsi u n e qualité supérieure p o u r la couleur, sans q u e le grain soit altéré par cet a r r o s e m e n t ; mais la mélasse en souffre u n p e u . 7 0 . Nous n'avons pas vu l'appareil cité par M . Z é n i ; tous les alambics à D e m e r a r y se ressemblent : ce sont trois alamb i c s , l'un près d e l'autre, d o n t deux recevant la liqueur p r é p a r é e , sont chauffés à feu n u ; le troisième produit u n e p r e m i è r e condensation avant de laisser passer le r h u m dans le serpentin qui le laisse couler. 7 2 . Nous avons d o n n é celle g é n é r a l e m e n t en usage, en indiquant les modifications dont elle était susceptible suivant les circonstances. U n fait q u e nous avons cherché à bien constater, et qui est en contradiction avec les notes d e M. Z é n i , c'est qu'on ne met pas d e chaux dans les pièces à g r a p p e ; on s'en sert à la distillerie, mais u n i q u e m e n t p o u r maintenir la plus grande propreté dans les p i è c e s , c o m m e nous l'avons déjà indiqué.


( 106 ) 7 7 . O n fait maintenant à S u r i n a m ce qu'on faisait à D e m e rary pour la ration des n o i r s , à l'époque où M. Z e n i y est allé. 7 9 . A Surinam c o m m e à C a y e n n e . A Demerary c'est réglé par des ordonnances q u e nous avons rapportées. 8 0 . A S u r i n a m , c o m m e à D e m e r a r y , les ateliers sont en d é croissance. 8 2 . A Demerary le temps réglé de travail est de 5 4 heures par s e m a i n e ; au 1 août prochain , il sera réduit à 4 5 heures. 8 8 . A Surinam le régime des punitions nous a paru ê t r e b e a u c o u p plus sévère qu'à C a y e n n e . A D e m e r a r y les p u n i t i o n s se ressentent d u régime dans lequel on va entrer. 9 7 . O n n'étête le café qu'à 5 pieds environ ; on a toujours soin de couper tous les rejetons a s c e n d a n t s , d e manière à n e conserver q u e ceux formant parasol. 1 0 0 . Ce temps est variable, mais généralement il n e reste pas plus d e trois ou quatre jours. U n e r e m a r q u e sur les glacis nous a beaucoup frappés; c'est q u e tous ces glacis sont carrelés en carreaux noirs et b l e u s , qui doivent singulièrement augm e n t e r la rapidité du séchage. O n nous a dit qu'on avait rem a r q u é qu'en laissant sécher le café lentement il pâlissait; c o m m e c'est le défaut du café de C a y e n n e , n e pourrait-on pas y remédier par le m ê m e procédé ? 1 0 2 . A S u r i n a m nous avons remarqué q u e les pilons étaient garnis de cavités, afin d e d i m i n u e r , nous a-t-on d i t , le n o m b r e de grains brisés par les pilons. P o u r nettoyer le café à Demerary on se sert d e r o u e s , c o m m e l'indique M. Z é n i , mues par des machines à v a p e u r ; d e petites machines de deux à trois chevaux sont suffisantes. 1 0 5 . Maintenant on cultive beaucoup de café à D e m e r a r y . 107. Jamais la taille ne dépasse le mois de mai. 1 1 2 . Il n'y a presque plus d e cotonniers à D e m e r a r y . I 1 3. Cette indication de la tâche du nègre est trop forte. 1 5 0 . Les dimensions données par M . Z e n i sont faibles; les canaux d'écoulement et les canaux de navigation sont beaue r


( 107 ) coup plus larges qu'il n e l'indique : les canaux d'écoulement de ceinture ont d e 15 à 2 0 p i e d s , et ceux d e navigation 15 p i e d s , d e manière à p e r m e t t r e la r e n c o n t r e d e deux b a r q u e s . Les canaux d e navigation ont jusqu'à 5 pieds de profondeur au-dessous d u sol. E n général, les canaux d'écoulement n o u s ont paru être de dimensions plus grandes q u e ceux en usage à Cayenne. 1 5 6 , 1 5 7 , 1 5 8 . L a m o n n a i e d'argent de D e m e r a r y est audessous de sa valeur n o m i n a l e , et reste dans la colonie p r o bablement à cause d e la richesse d e cette colonie u n i q u e m e n t . L e p a p i e r - m o n n a i e à D e m e r a r y est u n papier dans lequel on a la plus g r a n d e confiance; des capitaux en E u r o p e , consacrés à sa valeur représentative, sont garantis par le gouvern e m e n t d e la métropole. A S u r i n a m l'argent est assez r a r e ; on n e se sert q u e de papier-monnaie émis par le g o u v e r n e m e n t d'une manière arbitraire. U n e compagnie q u i a fait d e r n i è r e m e n t des avances aux colons, remboursables en vingt-six a n s , et d o n t le roi G u i l laume est s o u p ç o n n é faire partie, est accusée d'avoir, d e concert avec le g o u v e r n e m e n t , fait é m e t t r e d u papier p o u r composer u n e partie d e ses avances ; de manière q u ' u n e portion d e ces avances est illusoire et t o u r n e au profit de la compagnie. Ce p a p i e r , qui n'a cours q u e dans la colonie, a plus de valeur q u e nous n e l'eussions cru avec u n e pareille m é t h o d e d'émission, puisqu'on trouve chez u n négociant du papier sur l'Europe avec 12 à 15 p . % d e p e r t e sur le papier-monnaie colonial. La seule garantie du papier émis par le gouvernem e n t est sur les i m p ô t s , q u i leur sont h y p o t h é q u é s , dit-on : aux yeux d e toute personne sage cette garantie est illusoire. Nous terminerons ces observations en remettant le compte de deux habitations de D e m e r a r y . Il est bon de faire remarq u e r que le premier nous a été fourni officieusement, et q u e le second a été relevé sur des livres.


(

108

)

COMPTE QUI NOUS A ÉTÉ REMIS OFFICIEUSEMENT. Plantage de M

Produits :

3 5 0 nègres.

6 8 7 , 9 8 8 liv. de sucre 24,601 gallons de rhum 5 9 , 0 0 0 d° de mélasse 6 6 , 3 7 8 liv. de café Bananes vendues

La faisance-valoir s'élevait à Reste à

103,198" 18,450 41,300 39,326 18,522

40 15 00 16 00

220,796

71

80,000

00

140,796

71

COMPTE RELEVÉ SUR LES REGISTRES. (Pièces officielles.) Plantage de M

Produits:

5 0 0 nègres.

8 0 4 , 0 0 0 liv. de sucre 9 0 , 0 0 0 d° de café 4 7 , 0 0 0 gallons de rhum 4 7 , 8 0 0 d° de mélasse Bananes vendues

La faisance-valoir s'élevait à

Reste à

120,595 54,000 35,000 31,900 50,900

f l

00 00 00 00 00

281,495 90,000

00 00

191,495

00

L a première habitation donnait d o n c en revenu, par tête d e nègre, ' ° ° " 4 0 0 florins n e t , et b r u t 6 3 0 florins par tête. L a seconde h a b i t a t i o n , -'''y" 3 8 0 florins n e t , e t b r u t 5 6 0 florins par tête. L a p r e m i è r e est dirigée par le propriétaire; la seconde par des gérants. 0 0

5

0

C a y e n n e , le 2 0 mars 1 8 3 4 . Signé

LAGRANGE, et SOLEAU, ingénieur ordinaire.

IMPRIMERIE

R O Y A L E . — S e p t e m b r e 1835.


Disposition

des

Plantages.

Planche N°

1.

N° 1 Disposition du Terrain art. 17. N° 2 Coffres de Déssechement art. 52.

Planche N° 2. N°

N° 2 Case à Bagosse art. 64. N° 3 Grue en fer. N° 4 Treuil en fer.

PlancheN°3. N° 1 PLAN LES FOURNEAUX À SUCRE ART 44. N° 2 Coupe sur la ligne AB. N° 3 Coupe sur

la ligne C. D.

N° 4 Coupe sur la ligne EF. N°

5

Coupe

sur

la

ligne.

1

Maisons

particulieres

art.

24.


PlancheN°4. N° 1. Plan de la doubleuse. N° 2. Coupe de la doubleuse. art. 35. N° 3. Vis de pression de la crapaudine du cylindre supérieur article. 36.

N° 4. Vis de rappel des cylindres inférieurs art. 37.


PlancheN°5 . N°

1

N° 2.

Citerne Moulin

à à

Moulin

art.

55.

Manioc art. 145.

N° 3. Moulin à

N° 4

Eau

Café

à

Café

art.

102.

d.°

102.


P l a n c h e N° 6. N°

1.

Moulin

à

N° 2 Distillerie N° 3. N°

Machine 4

Machine

Café

à

Demerary

art.

pour le Rhum art.

à

battre à

le

égrener

COTON

103. 70.

art.

le Coton

112.

d°. d°.


PlancheN°7. N° 1. Caisse pour recevoir le Roucou du Moulin art. 45.

N°2.Chaudière, art. 44. N° 3. Rafraichissoir art. 50. N° 4. Cheminée art. 28.


l a n c h e N째 8.


Planche N° 9. N° 1 Passoire art. 40. N° 2

Roue

à

monter

le

Veson

art.

45.

N° 3 Machine à faire l'huile de Lin proposée

pour

Roucou

art.

135.


P i l o t e Boot de

Distribution d e s Distance

entre

Du 5ème ЛЧ

à

Du 4ème N à la

Couples

perp.re

perpre.

.//VV

d'étambol d'étrave

6.

4.

8

0

0.

0.

Corsaire

Dimensions 3 Longueur Couples

deNà Tête

Longueur de duLargeur

la

Creux

Tête Quille

en dehors4.ème des membres

duLargeur en 5ème au

Déplacement Déplacement

dedans.à mètre

158.

Distribution les Couples

principales.

en

158

81.

4.

0.

(HI. 7. о. au 6. Ti. 1.

10 la

24.

о. A__a.

79. du

/18. 6.

76.

8. tí. O

'2..II).

ème

3

au

4ème

4.

5ème

o tí.perp.re 6.65.

41 141.

P l a n c h e N° 10

Couples.

les la

Démérary

i.

N. Couples

4

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10

A\ à

44.

О. 0 . . . 1 . 22. 0.

0. 9.

.1.

il.

i. 47

о. a

Tfmfl

008.

du 4ème au

4.e

o.

6ème

2. S. 0.

42.

du 6ème à perp.re .Vv 6. 2. o

i. M,

du

5ème.

au

0—t.

22.

Construit

à la

Virginie

Planche

N°11.


ft






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