LE DICTIONNAIRE DU DIABLE Ambrose Bierce
traduit par Pascal Haas
Dictionnaire n. Dispositif littéraire malveillant destiné à entraver l’évolution d’une langue et à la priver de souplesse. Le présent dictionnaire n’en est pas moins un ouvrage de la plus grande utilité.
Cynique n. Grossier personnage dont la vision dĂŠformĂŠe voit les choses comme elles sont, et non comme elles devraient ĂŞtre.
MĂŠdire v. Faire le portrait d'un homme comme il est, quand il n'est pas lĂ .
Sorciére n. (1) Vieille femme laide et repoussante qui a contracté une alliance peverse avec le diable. (2) Jeune femme belle et séduisante, donc la perversité dépasse celle du diable.
Homéopathe n. L’humoriste de la profession médicale.
Dentiste n.
Prestidigitateur qui, tout en mettant du mÊtal dans votre bouche, subtilise des pièces dans votre poche.
Aborigènes n.p. Personnes de moindre importance qui encombrent les paysages d’un pays nouvellement découvert. Ils cessent rapidement d’encombrer ; ils fertilisent le sol.
Abdication n Acte par lequel un souverain atteste qu’il est sensible à la montée de température de son trône.
Abdomen n. Temple du dieu estomac, dans la vénération duquel, et non sans sacrifices, s’engagent tous les hommes dignes de ce nom. Pour les femmes, cette religion ancienne n’exige qu’un assentiment relatif. Elles officient parfois à l’autel sans conviction ni grande efficacité, mais elles ne connaissent pas cette vénération véritable pour l’unique divinité que les hommes adorent avec tant de sincérité. Si la femme avait la haute main sur les affaires du monde, l’espèce deviendrait vite graminivore.
Aborigènes n.p. Personnes de moindre importance qui encombrent les paysages d’un pays nouvellement découvert. Ils cessent rapidement d’encombrer ; ils fertilisent le sol.
Abrupt adj. Soudain, sans cérémonie, comme l’arrivée d’un boulet de canon et le départ du soldat dont les intérêts s’en trouvent particulièrement affectés.
Absent adj. Particulièrement exposé à la dent du dénigrement ; diffamé ; entièrement dans son tort ; supplanté dans la considération et l’affection d’autrui.
Absent n. Personne possédant un revenu qui a eu la prévoyance de se retirer de la sphère de l’exaction.
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Abstinent n. Personne faible qui cède à la tentation de se refuser un plaisir. Un abstinent total est quelqu’un qui s’abstient de tout sauf l’abstinence.
Absolu adj. Indépendant, irresponsable. Une monarchie absolue est une monarchie dans laquelle le souverain fait ce qui lui plait aussi longtemps qu’il plait aux assasins. Il reste peu de monarchies absolues, la plupart ayant été remplacées par des monarchies constitutionelles, dans lesquelles le pouvoir du souverain de faire le mal (et le bien).
Absurdité n. Déclaration ou conviction manifestement incompatible avec notre propre opinion.
Academia n. École de l’Antiquité ou l’on enseigne la morale et la philosophie.
Académie n. École moderne ou l’on enseigne le football.
Accident n. Événement inévitable du à l’effet de lois naturelles immuables.
Accomplissement n. La mort de l’effort et la naissance du dégoût.
Accord n. Harmonie.
Accordéon n. Instument en harmonie avec les sentiments d’un assassin.
Accuser v. tr. Affirmer la culpabilité ou l’indignité d’autrui ; le plus souvent pour se justifier de lui avoir fait du tort. Adage n. Sagesse désossé pour dents branlantes.
Adhérent n. Membre qui n’a pas encore reçu tout ce qu’il espère obtenir.
Administration n. En politique, ingénieuse abstraction conçue pour recevoir les claques et les coups de pied destinés au premier ministre ou au président. Homme de paille à l’épreuve des oeufs pourris et des chats crevés.
Adorer v. tr. Vénérer dans l’espoir de quelque chose.
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Affliction n. Processus d’acclimatation qui prépare l’âme à un autre monde plus amer.
Ambition n. Désir irrépressible d’être diffamé par ses ennemis de son vivant et d’etre ridiculisé par ses amis une fois mort.
Agitateur n. Homme politique qui secoue les arbres fruitiers de ses voisins - pour en déloger les vers.
Air n. Substance nutritive généreusement fournie par la Providence afin d’engraisser les pauvres.
Allah n. L’Être Suprême des musulmans, à ne pas confondre avec celui des chrétiens, des juifs et ainsi de suite.
Alliance n. En politique internationale, union de deux voleurs qui ont la main si profondément enfoncée dans la poche l’un de l’autre qu’ils ne peuvent s’en prendre séparément à un troisième.
Ambidextre adj. Qui peut prendre autant d’habileté dans une poche droite que dans une poche gauche.
Âme n. Entité spirituelle à propos de laquelle ont eu lieu de fougueuses controverses. Platon prétendait que les âmes qui, dans un état précédent d’existence (antérieur a Athenes), avaient apercu le plus clairement la vie éternelle pénétraient dans les corps des personnes qui devenaient des philosophes. Platon était lui-même un phlilosophe. Les âmes qui avaient le moins contemplé la vérité divine animaient les corps des usurpateurs et des despotes. Dionysisus 1er, qui avait menacé de décapiter le philosophe au large front, était un usupateur et un despote. Platon n’était sans doute pas le premier a batir un système philisophique qui permettait de s’en prendre à ses ennemis ; en tout cas, il ne fut pas le dernier.
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Amiral n. Parti d’un navire de guerre qui se charge de discourir tandis que la figure de proue se charge de réfléchir.
Amitié n. Bateau assez grand pour transporter deux personnes par beau temps, mais une seule quand le temps se gâte.
Amnistie n. Magnanimité d’un Etat envers des délinquants qu’il serait trop onéreux de punir.
Amour n. Folie temporaire qui peut se guérir par le mariage ou en soustrayant le patient aux influences qui sont a l’origine de son affection. Cette maladie, comme les caries ou nombre d’autres infections, n’est répandue que parmi les races civilisées qui vivent dans des conditions artificielles ; les nations barbares qui respirent l’air pur et mangent une nourriture simple immunisées contre ses ravages. Elle peut s’avérer fatale, mais plus souvent chez le médecin que chez le malade.
Anecdote n. Récit généralement mensonger . Néanmoins, la véracité des anecdotes qui suivent n’a jamais été mise en doute de manière convaincante.
Année n. Période de trois cent soixante-cinq déceptions.
Anormal adj. Qui ne se conforme pas à la moyenne. Dans le domaine de la pensée et du comportement, être indépendant équivaut à être anormal, et être anormal à être detesté. Raison pour laquelle le lexicographe engage le lecteur à s’efforcer de ressembler à l’Homme Moyen mieux qu’il n’y est lui-même parvenu. Quiconque atteindra ce but connaitra la paix, la perspective de la mort et l’espoir d’aller en Enfer.
Antipathie n. Sentiment inspiré par l’ami d’un ami.
Aphorisme n. Sagesse prédigérée.
Bérénice n. Constellation (coma berenices) désignée ainsi en l’honneur de celle qui sacrifia sa chevelure pour sauver son mari.
Bacchus n. Divinité commode inventée par les anciens pour avoir un prétexte de s’enivrer.
Bataille n. Manière de défaire avec les dents un noeud politique qui ne veut pas céder avec la langue.
Bain n. Sorte de cérémonie mystique remplaçant un culte religieux et dont l’efficacité spirituelle reste à prouver.
Beauté n. Pouvoir qui permet à la femme de charmer un amoureux et terrifie un mari.
Baiser n. Mot inventé par les poètes pour rimer avec «pâmer». Au sens large, il est censé correspondre à une sorte de rite ou cérémonie témoignant d’une bonne entente ; mais la manière dont il se pratique demeure inconnue de lexicographe.
Barbe n. Poil que coupent souvent qui exècrent, à juste titre, l’absudre coutume chinoise consistant à se raser la tete.
Baromètre n. Instrument ingénieux qui nous indique le temps qu’il fait.
Bébé n. Créature difforme à l’âge, au sexe et à la condition indéfinis, particulièrement remarquable par la violence des sympathies et les antipathies qu’elle suscite chez les autres, bien que dénuée elle-même de sentiment ou d’émotion. Il y a eu des bébés célébres : par exemple, le petit Moïse, dont l’aventure dans les roseaux inspira sans doute, sept siècles auparavant, les scribes égyptiens, qui en tirèrent l’histoire oiseuse de l’enfant Osiris sauvé des eaux sur une feuille de lotus flottante.
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Belladonna n. En italien, une belle femme. En anglais, un poison mortel. Un exemple frappant de l’identité essentielle des deux langues.
Bérénice n. Constellation (coma berenices) désignée ainsi en l’honneur de celle qui sacrifia sa chevelure pour sauver son mari.
Bienfaiteur n. Individu qui fait de gros achats d’ingratitude, sans pour autant en affecter matériellement le prix, qui reste à la portée de chacun.
Bigamie n. Faute de goût pour laquelle la sagesse future infligera un chatiment appelé trigamie.
Bigot n. Personne attachée avec obstination et zèle a une opinion que vous ne partagez pas. Blanc adj. Noir.
Blé n. Céréale dont on arrive non sans peine à fabriquer un assez bon whisky, et qui sert également à faire le pain. On dit des Francais qu’ils mangent plus de pain per capita qu’aucun autre peuple, ce qui parait naturel, car eux seuls savent rendre la chose savoureuse.
Bobard n. Mensonge qui n’a pas encore fait ses dents. Ce qui se rapproche le plus de la vérité chez un menteur invétéré : le périgée de son orbite excentrique.
Bonheur n. Sensation agréable qu’éveille la contemplation des misères d’autrui.
Botannique n. Science des végétaux-aussi bien ceux qui ne sont pas comestible que ceux qui le sont. Traite largement des fleurs, qui sont en général mal dessinées, avec des couleurs de mauvais gout, et ne sentent rien.
Bouche n. Chez l’homme, la porte de l’âme. Chez la femme, l’issue du coeur.
Couard adj. Celui qui, dans une situation périlleuse pense avec ses jambes.
Calomnier v. Attribuer malicieusement à quelqu’un les actions vicieuses que l’on n’a pas eu la tentation ou l’opportunité de commettre soi-même.
Canon n. Instrument utilisé dans la rectification des frontières nationales. Cerveau n. Appareil avec lequel nous pensons que nous pensons.
Chemin de fer n. Le plus important des dispositifs mécaniques qui nous permettent de nous déplacer de là où nous sommes à là où nous ne serons pas mieux.
Ciel n.
Endroit où les méchants cessent de vous assommer avec le bavardage de leurs affaires personnelles, et où les gentils écoutent avec attention tandis que vous exposez les vôtres.
Cirque n. Endroit où les chevaux, les poneys et les éléphants sont autorisés à voir des hommes, des femmes et des enfants se conduire comme des idiots.
Citation n. Répétition érronée d’une déclaration d’autrui. Extrait repris avec des erreurs.
Clairvoyance n. Capacité pour une personne, généralement féminine, de voir ce qui est invisible pour son patron - à savoir que c’est un abruti.
Clarinette n. Instrument de torture utilisé par une personne qui a du coton dans les oreilles.
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Comestible adj. Susceptible d’être mangé et digéré, comme un ver pour un crapaud, un crapaud pour un serpent, un serpent pour un cochon, un cochon pour l’homme et l’homme pour le ver.
Commerce n. Sorte de transaction à travers laquelle A dépouille B des biens de C et en compensation de laquelle B soulage des poches de D de l’argent de E.
Conférencier n. Homme qui met sa main dans sa poche, sa langue dans votre oreille et sa foi dans votre patience.
Confident(e) n. Personne instruite par A des secrets de B, confiés personnellement par ce dernier à C.
Connaisseur n. Spécialiste qui sait tout à propos d’une chose et rien à propos de tout le reste.
Conservateur n. Politicien qui affectionne les maux existants, qu’il ne faut pas confondre avec le Libéral qui souhaite les remplacer par d’autres.
Consolation n. Lorsque l’on constate qu’un homme meilleur est plus infortuné que soi.
Consulter v. Rechercher l’approbation d’autrui pour un projet déjà bien arrêté.
Compromis n. Sorte d’ajustement d’intérêts divergents qui consiste à donner à chaque adversaire la satisfaction de penser qu’il a eu ce qu’il ne devait pas obtenir, et qu’il n’est privé de rien, sinon de ce qui lui était véritablement dû.
Conversation n. Foire où chacun propose ses petits articles mentaux, chaque exposant étant trop préoccupé par l’arrangement de ses propres marchandises pour s’intéresser à celles de ses voisins.
Diaphragme n. Cloison musculaire séparant les désordres de la poitrine de ceux des entrailles.
Danser n. Sautiller au son d’une musique ricanante, de péférence en passant les bras autour de la femme ou de la fille de son voisin. Il existe mantes sortes de danses, mais toutes celles qui requièrent la participation des deux sexes ont deux caractéristiques en commun : elles sont d’une remarquable innocence et fort appréciées des vicieux.
Débauché n. Celui qui a poursuivi le plaisir avec tant d’ardeur qu’il a eu le malheur de le dépasser.
Décalogue n. Série de dix commandements - un nombre suffisant pour permettre une selection intelligente de ceux que l’on veut observer, mais pas pour avoir l’embarras du choix.
Décider v. tr. Succomber à la prédominance d’un groupe d’influence sur un autre groupe.
Dédain n. Sentiment d’un homme prudent envers un ennemi trop redoutable pour qu’on s’oppose à lui impunement.
Dégradation n. L’une des étapes du progrès moral et social lorsqu’on passe d’une situation privée à une promotion politique.
Déjeuner n. Breakfast d’un américain qui est allé a Paris. Prononciation diverses.
Délégation n. En politique américaine, article de marchandise qui arrive en série.
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Délibération n. Acte consistant à examiner son pain afin de déterminer quel coté est beurré.
Délit n. Infraction à la loi qui a moins de dignité qu’un crime et qui n’est pas suffisante pour être reçu dans la haute société criminielle
Déluge n. Première expérience remarquable de baptême qui lava tous les pêchés (et les pêcheurs) du monde entier.
Démissioner v.intr. Renoncer à un honneur pour un avantage. Renoncer à un avantage pour un avantage plus grand.
Dentiste n. Prestidigitateur qui, tout en mettant du métal dans votre bouche, subtilise des pièces dans votre poche.
Désabuser v. tr. Présenter à son voisin une erreur bien meilleure que celle qu’il a jugé avantageux d’embrasser.
Désobéir v. tr. ind. Célébrer par un cérémonie appropriée la maturité d’un ordre.
Désobéissance n. Doublure d’argent du nuage de la servitude.
Destinée n. Autorité du tyran sur ses crimes et excuse de l’imbécile face à l’échec.
Détresse n. Maladie contractée par l’expostion à la prospérité d’un ami.
Dette n. Subsititut ingénieux de la chaine et du fouet du négrier.
Deux fois adv. Une fois de trop.
Devoir n. Ce qui nous pousse inexorablement dans la direction du profit, tout en suivant la ligne du désir.
Diagnostic n. Pronostic d’une maladie établi par un médecin en fonction de pouls et du porte-monnaie du patient.
Diaphragme n. Cloison musculaire séparant les désordres de la poitrine de ceux des entrailles.
Érudition n. Poussière tombée d’un livre dans un crane vide.
Économie n. Achat du tonneau de whisky dont vous n’avez pas besoin pour le prix de la vache dont vous n’avez pas les moyens.
Écouter aux portes v. intr. Entendre secrètement le catalogue des crimes et des vices d’un autre ou de soi--même.
Écrevisse n. Petit crustacé qui ressemble beaucoup au homard, mais moins indigeste.
Écrivailleur n. Écrivain professionel dont les vues sont opposées aux notres.
Éducation n. Ce qui révèle aux sages et dissimule aux sots leur manque de compréhension.
Égoiste n. Personne au goût médiocre, plus intéressé par elle-même que par moi.
Effet n. Le second de deux phénomènes qui se produisent toujours ensemble dans le même ordre. Le premier, qu’on appelle cause, est censé engendrer l’autre - ce qui n’est pas plus raisonnable que ne le serait quelqu’un qui, n’ayant jamais vu un chien autrement qu’à la poursuite d’un lapin, déclare que le lapin est la cause du chien.
Électeur n. Celui qui jouit du privilège sacré de voter pour l’homme qu’a choisi un autre homme.
Élégie n. Composition en vers dans laquelle sans recourir a aucune des méthodes de l’humour, l’auteur vise à produire dans l’esprit du lecteur le plus affligeant découragement.
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Éloquence n. Art de persuader les idiots par la parole que le blanc est bien la couleur qu’il parait être. Englobe aussi le talent de faire passer n’importe quelle couleur pour du blanc.
Émancipation n. Transformation par laquelle un esclave passe de la tyrannie d’autrui à son propre despostisme.
Émeute n. Divertissement populaire offert à l’armée par des spectateurs innocents.
Émotion n. Maladie terrassante provoquée par une emprise du coeur sur la tête; Elle s’accompagne parfois d’un copieux déversement de chlorure de sodium hydraté par les yeux.
Enfance n. Période de la vie humaine intermédiaire entre l’idiotie de la petite enfance et la folie de la jeunesse - à deux doigts du péché de l’âge mur et à trois du remord de la vieillesse.
Enveloppe n. Cerceuil d’un document ; fourreau d’une facture ; cosse d’un versement ; chemise de nuit d’une lettre d’amour.
Envi n. Émancipation adpatée à la capacité la plus médiocre.
Épaulette n. Insingne servant à distinguer un officier militaire de son ennemi - c’est-à-dire de l’officier de grade inférieur auquel sa mort apporterait une promotion.
Épicurien n. Adversaire d’Épicure, sobre philosophe qui, estimant que le plaisir devait être la but essentiel de l’homme, ne perdit pas son temps à satisfaire ses sens.
Épigramme n. Petite pièce mordante en prose ou en vers qui se caractérise souvent par son ton acide ou acerbe, et quelquefois par sa sagesse.
Épitaphe n. Inscription sur une tombe, démontrant que les vertus acquises grâce à la mort ont un effet rétroactif
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Érudition n. Poussière tombée d’un livre dans un crâne vide.
Espoir n. Désir et attente enroulés l’un dans l’autre.
Esprit n. Le sel avec lequel l’humoriste américain gâte sa cuisine intellectuelle en s’abstenant d’en mettre.
Estime de soi n. Évaluation érronée.
Ethnologie n. Science qui traite des diverses tribus d’Hommes, tels que bandits, voleurs, escrocs, cancres, fous, crétins et éthnologue.
Évangéliste n. Porteur de bonnes nouvelles, notamment (dans un sens religieux) de celles qui nous assurent de notre propre salut de la damnation de nos voisins.
Excentricité n. Manière de se faire remarquer d’une telle facilité que les imbéciles y ont recours pour faire ressortir leur incapacité.
Exception n. Ce qui prend la liberté de se distinguer du reste de sa catégorie, comme un honnête homme , une femme fidèle, ect. «L’exception confirme la règle» est une expression que l’on entend constamment dans la bouche des ignorants, qui se la répètent tels des perroquets sans jamais remmetre en cause son absurdité. En latin, «Eceptio probat regulan» signifie que l’exception met la règle a l’épreuve, non qu’elle la confirme. Le malfaiteur qui a détourné le sens de cet excellent dicton en lui faisant dire le contraire a exercé un pouvoir maléfique qui semble être immortel.
Excès n. En moral, un plaisir que renforce, par des sanctions appropriées, la loi de la modération.
Excuser (s’) v. Poser les fondations d’une future offense.
Sagesse qui nous permet de reconnaitre comme une facheuse vieille conaissance la folie que nous avons déja commise.
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Électricité N. «Monsieur Franklin, inventeur de l’électricité. Cet illustre savant, après avoir effectué plusieurs voyages autour du monde, est mort aux iles Sandwich ou il a été dévoré par les sauvages, de sorte qu’on n’a jamais retrouvé de lui aucun fragment.» L’électricité semble detinée à jouer très important dans l’art et de l’industrie. La question de son application économique a divers usages n’est pas encore réglée, mais l’expérience a déja démontré qu’elle propulse mieux un tramway qu’un bruleur a gaz et qu’elle donne davantage de lumière qu’un cheval.
Fantome n. Signe extérieur visible d’une crainte intérieur.
Fantome n. Signe extérieur visible d’une crainte intérieur.
Félicitation n. Politesse de la jalousie.
Félon n. Personne plus entreprenante que discrete qui, en s’engageant pour une cause, en a conçu un regretteble attachement. Femelle n. Du sexe opposé, ou déloyal.
Fiancée n. Femme qui a une belle perspective de bonheur derrière elle.
Fidélité n. Vertu particulière de ceux qui sont sur le point d’etre trompés.
Finance n. L’art ou la science de gérer des revenus et des ressources pour le plus grand profit du gérant.
Foi n. Croyance sans preuve en ce que raconte quelqu’un qui parle sans savoir de choses sans équivalent.
Fourchette n. Instrument utilisé essentielement pour porter des animaux morts à la bouche. Auparavant, le couteau était employé à cet usage, et nombre de personnes respectables continuent de lui reconnaitre de multiples avantages sur l’autre ustensile, qu’elle ne rejettent cependant pas, mais dont elles se servent pour s’aider à charger le couteau. L’immunité dont bénéficient ces personnes face à une mort atroce et immédiate est l’une des preuves les éclatantes de la pitié de Dieu pour ceux qui le haissent.
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Frontière n.
Folie n.
En géographie politique, ligne imaginaire entre deux nations qui sépare les droits imaginaires de l’une des droits imaginaires de l’autre. Ce «don et faculté divine», dont l’énergie créatrice et décisive inspire l’esprit de l’homme, guide ses actions et enjolive son existence.
Funérailles n. Cortège grâce auquel nous manifestons notre respect pour le mort en enrichissant l’entrepreneur de pompes funèbres et renforcons notre chagrin par une dépense qui accentue nos soupirs et redouble nos larmes.
Géographe n. Individu qui peut vous expliquer au pied levé la différence entre l’éxterieur et l’intérieur du globe.
Gargouille n. Gouttière en saillie sur l’avant-toit des édifices médiévaux, généralement sculptée en une caricature grotesque d’un ennemi personnel de l’architecte ou du propriétaire.
Généalogie n. Étude de la filiation de quelqu’un à partir d’un ancêtre qui ne s’est pas particulièrement soucié d’établir la sienne.
Généreux adj. A l’origine, ce mot signifiait noble de naissance et s’appliquait à justre titre à d’innombrables personnes. Aujourd’hui, il signifie de nature noble et prend un peu de repos.
Géographe n. Individu qui peut vous expliquer au pied levé la différence entre l’extérieur et l’intérieur du globe.
Gibet n. Scéne ou se jouent des pièces miraculeuses dans lesquelles l’acteur principal est transporté au ciel. Dans ce pays, le gibet est surtout remarquable par le nombre de personnes qui en réchappent.
Glouton n. Personne qui échappe aux maux de la modération en s’adonnant à la sudpepsie.
Gnou n. Animal d’afrique du sud qui, à l’état domestique, ressemble à un cheval, à un buffle et à un cerf. A l’état sauvage, il évoque une sorte d’éclair, de tremblement de terre et de cyclone.
Goutte n. Nom donné par le médecin au rhumatisme d’un riche patient.
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Grammaire n. Système de pièges soigneusement préparés pour faire trébucher l’autodidacte, le long du chemin sur lequel il avance vers la distinction
Gravitation n. Tendance de tous les corps à s’approcher les uns des autres avec une force proportionellement a la quantité de matiere qu’ils contiennent - la quantité de matière qu’ils contiennent étant déterminée par la force de leur tendance à s’approcher les uns des autres. Une charmante et édifiante illustration de la facon dont la science, ayant fait de A la preuve de B, fait de B la preuve de A.
Guillotine n. Machine qui fait hausser les épaules à une Francais pour une excellente raison.
Guimbarde n. Instrument non musical dont on joue en le tenant fermement entre les dents et en tentant de le repousser avec le doigt
Hypocondrie n. Dépression de ses propres esprits.
Habeas Corpus (latin) Assignation grâce à laquelle un homme peut être sorti de prison quand il est détenu pour un crime qui n’est pas le sien.
Habilité n. Ce qui tient de cervelle a un imbécile.
Habitude n. Entrave à la liberté.
Hachis n. Il n’existe pas de définiton pour ce mot - personne ne sait ce qu’est le hachis.
Haine n. Sentiment approprié face à la supériorité d’autrui.
Harangue n. Discours d’un opposant, que l’on qualifie de harangue-outang.
Hier n. Enfance de la jeunesse, jeunesse de la maturité, passé enfui de la vieillesse.
Histoire n. Compte rendu généralement faux d’événements généralement sans importance, rapportés par des dirigeants qui sont en général des coquins et des soldats qui sont en général des abrutis
Historien n. Commère de grande envergure.
Homéopathe n. L’humoriste de la profession médicale.
Homéopathie n. École de médecine à michemin entre l’allopathie et la science chrétienne. pour cette dernière, les deux autres sont nettement inférieures, car la science chrétienne guérit des maladies imaginaires, ce dont elles sont incapables.
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Homicide n. Élimination d’un être humain par un autre. Il existe quatre sortes d’homicides : félons, excusables, justifiables et louables, mais, pour la personne éliminée, cela n’a pas de grande différence qu’elle l’ait été d’une autre - la classification profite surtout aux juristes.
Hospitalité n. Vertu qui nous incite à nourrir et loger certaines personnes qui n’ont besoin ni de nourriture ni de logement.
Hostilité n. Sens particulièrement aguisé et spécialement appliqué a la surpopulation de la terre. L’hostilité peut être active ou passive ; comme (repectivement) le sentiment d’une femme pour ses propres amies et ce qu’elle éprouve pour toutes les autres personnes de son sexe.
Humanité n. L’espèce humaine dans son ensemble, à l’exception des poètes anthropoides.
Hyène n. Bête sauvage révérée par certaines nations orientales parcequ’elle a l’habitude de fréquenter de nuit les lieux ou sont enterrés les morts. Mais les étudiants en médecines en font autant.
Hypocondrie n. Dépression de ses propres esprits.
Hypocrite n. Celui qui, professant des vertus qu’il respecte pas, s’assure l’avantage d’avoir l’air d’être qu’il méprise.
Médaille n. Petit disque de métal remis en récompense de vertus, de talents ou de service plus ou moins authentique.
Machination n.
Male n. Membre du sexe négligé, ou négligeable. Le mâle humain n’est souvent considéré (par la femelle) que comme un homme. L’espèce se présente sous deux variétés : les bons pourvoyeurs et les mauvais pourvoyeurs.
Méthode employées par un adversaire afin de déjouer vos sincéres et honorables efforts à bien faire.
Magie n. Art de convertir la superstition en pièces de monnaie. D’autres art servent le même noble but, mais le lexicographes discret s’abstiendra de les nommer.
Mammifères n. Famille d’animaux vertébrés dont, à l’état naturel, les femelles allaitent les petits, mais qui, une fois civilisées et instruites, s’en remettent à une nourrice ou utilisent un biberon.
Magnifique adj. Qui possède une grandeur ou une splendeur supérieure à celle à laquelle le spectateur est habitué, par exemple : les oreilles de l’âne pour le lapin, ou l’éclat du ver luisant pour l’asticot.
Manger v.tr. Accomplir successivement (et avec succes) les fonctions de la mastications, de l’humectation et de déglutition.
Main n. Instrument singulier porté à l’extremité du bras humain et en général fourré dans la poche de quelqu’un.
Malfaiteur n. Facteur essentiel dans le progrés de la race humaine.
Mari n. Celui qui, après avoir diner, est chargé de s’occuper de l’assiette.
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Mariage n. État ou condition d’une communauté constistuée d’un maître, d’une maîtresse et de deux esclaves, ce qui fait en tout deux personnes.
Martyr n. Individu qui avance le long d’une ligne de moindre résistance vers une mort désirée.
Matériel adj. Qui a une existence réelle, a distinguer de celle qui n’est qu’imaginaire. Important.
Maudire v. tr. Rosser énergiquement d’une volée verbale. C’est une opération qui, en littérature, notamment dans le drame, s’avère en général fatale à la victime. Néanmoins, le poids d’une malédiction est un risque qui ne réduit que de façon infime le taux d’une assurance vie.
Mausolée n. L’ultime et la plus cocasse folie des riches.
Mayonnaise n. Une des sauces qui tiennent lieu aux Francais de religion d’État.
Médaille n. Petit disque de métal remis en récompense de vertus, de talents ou de service plus ou moins authentique.
Médecine n. Pierre lancée de Browery pour tuer un chien dans Broadway.
Mendiant n. Individu qui a compté sur l’aide de ses amis.
Mendier v. tr. Demander quelque chose avec une ardeur proportionnelle à la certitude de ne pas le recevoir.
Mensonger adj. Qui relève de la réthorique.
Métropole n. Forteresse du provincialisme. Mien pron. Qui m’appartient si j’arrive à le retenir ou à le saisir.
Mineur adj. Moins insupportable.
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Mode n. Despote que les sages tournent en ridicule et auquel ils obéissent.
Moi pron. Forme insupportable de Je. En anglais, le pronom personnel connait trois formes : la dominante, la désobligeante et l’oppressive. Chacune contenant les trois.
Monosyllabique adj. Composé de mots d’une syllabe, à l’usage des jeunots littéraires qui ne lassent pas de témoigner de leur plaisir pour l’insipide par une sentimentalité appropriée. Les mots sont en général saxons - c’est-àdire des mots d’un peuple barbare dépourvu d’idées et incapable d’autres sentiments et émotions que les plus élémentaires.
Monument n. Structure destinée à commémorer quelque chose qui soit n’a pas besoin de commémoration soit ne peut pas être commémoré.
Moral adj. Conforme à un critère local et variable du bien. Qui reflète l’opportunité général.
Mouche Tsé-Tsé n. Insecte africain (Glossina morsitans) dont la piqûre est souvent considérée comme le remède naturel le plus efficace contre l’insomnie., encore que certains patients aient une préférence pour le romancier américains (Mendax interminabilis)
Mulatre n. Enfant de deux races, qui a honte des deux.
Mustang n. Cheval indocile des plaines de l’Ouest. Dans la société britannique, épouse américaine d’un aristocrate anglais.
Mythologie n. Ensemble des croyances d’un peuple primitf concernant son origine, sa préhistoire, ses héros, ses dieux, ect, à ne pas confondre avec les récits véridiques qu’il invente par la suite.
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Manger v. tr.
« J’étais dans le salon, en train de savourer mon diner » dit BrillatSavarin en commençant une anecdote. « Comment? l’interrompit Rochebriant, vous mangiez votre diner dans le salon ? » « Je vous prie de bien vouloir observer, Monsieur, expliqua le grand gastronome, que je n’ai pas dit que je le mangerais, mais que je le savourais. J’avais diné une heure auparavant. »
Océan n. Étendue d’eau occupant à peu pres les deux tiers d’un monde fait pour l’homme - qui est dépourvu de branchies.
Observatoire n. Endroit dans lequel les astronomes font des conjectures en réfutant les hypothèses de leurs prédécesseurs.
Obstiné adj. Inaccessible à la vérité, comme cela est manifeste dans la splendeur et l’insistance de nos plaidoiries. L’archétype populaire et le symbole de l’obstination est la mûle, un animal d’une grande intelligence.
Occident n. Partie du monde qui s’étend à l’ouest (ou à l’est) de l’Orient. Elle est en grande partie peuplée de Chrétiens, puissante sous-tribu des Hypocrites, dont les principales activités sont les meurtres et la fourberies, qu’ils se plaisent a appeler «guerre» et «commerce». Ces deux dernières étant également les principales activités de l’Orient.
Océan n. Étendue d’eau occupant à peu pres les deux tiers d’un monde fait pour l’homme - qui est dépourvu de branchies.
Offensant adj. Qui engendre des émotions et des sensations désagréables, telle l’avance d’une armée contre son ennemi.
Olympien adj. Relatif à un mont de Thessalie, habité jadis par les dieux, qui est aujourd’hui un dépot de papiers jaunis, de bouteilles de bières et de boites de sardines éventrées, témoignant de la présence du touriste et de son appétit.
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Opéra n. Pièce de théatre représentant la vie dans un autre monde, dont les habitants n’ont pas d’autres discours que le chant, d’autres mouvements que des gestes, d’autres postures que des attitudes. Toute représentation est simulation, et le mot simulation vient de simia, le singe : mais, dans l’opéra, l’acteur prend pour modèle le simia audibilis (ou Pitheantrhopos stentor) - le singe hurleur.
Opiacé n. Porte non vérouillé dans la prison de l’indentité. Elle débouche sur la cour du pénitencier.
Opportunité n. Occasion favorable pour saisir une déception.
Opposer (s’) v. pron. Aider à coup d’obstrictions et d’objections.
Orthographe n. Science qui épelle avec l’oeil plutot qu’avec l’oreille. Défendu avec plus de chaleur de lumière par les échappés de l’asile. Ils ont du céder sur certains points depuis l’époque
de Chauder, mais n’en défendent pas moins avec ardeur ceux qu’il faudra concéder à l’avenir.
Oubli n. État ou condition dans lesquels les méchants cessent de lutter et les enneuyeux se reposent. Dépotoir éternel de la renommée. Chambre froide des grandes espérances. Lieu ou les auteurs ambitieux retrouvent leurs oeuvres sans aucun orgeuil, et ceux qui sont meilleurs qu’eux sans aucune envie. Dortoir sans réveille-matin.
Ouragan n. Manifestation atmosphérique autrefois très courante, mais abandonnée aujourd’hui pour la tornade et le cyclone. L’ouragan est encore d’un emploi répandu aux Antilles et à la préference de certains capitaines à l’ancienne mode.
Illustrations: N&B- OphĂŠlie Maurus Couleurs - Scott Renau AG3B
Politique, administration, moralité ou religion : en sept cents aphorisme drolatiques. Ambros Bierce, maitre de l’humour noir, revisite dans le dictionaire du Diable tout les lieux communs de l’Amérique du x1x eme siecle. La férocité de sa plume sert son combat contre toutes les formes d’hypocrisie de la société. Un véritable antidote aux idées reçues!