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DOSSIER
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Décidément les préjugés et les clichés ont la vie dure quand il s’agit des différences entre les êtres humains. L’éducation contre le racisme est plus que jamais utile pour rappeler les données scientifiques et contrer tous les partis pris. Avec son projet «Nous autres», Lilian Thuram nous en offre une belle opportunité.
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Éduquer contre le racisme
Comment vous est venue l’idée de ce projet d’éducation contre le racisme ? Lilian Thuram : Tout d’abord, c’est l’histoire d’une vie, parce que je suis né en Guadeloupe et que je suis arrivé en région parisienne à l’âge de 9 ans. Là, j’ai pu constater que malheureusement, la couleur de ma peau pouvait avoir des connotations négatives, ça m’a fait me poser des questions pour lesquelles je suis allé chercher des réponses, que ce soit en rencontrant des personnes ou en découvrant des livres. J’ai compris que le racisme était avant tout une construction intellectuelle, c’est-à-dire que de génération en génération, on a essayé de faire croire (d’ailleurs cela a marché !) qu’il y avait une certaine hiérarchie liée à la couleur de la peau. Lutter contre le racisme passe donc par «éduquer» contre le racisme : comprendre le mécanisme pour pouvoir le déconstruire.
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DR Benoît Coquille
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Retrouvez la vidéo de l’interview de Lilian Thuram sur www.se-unsa.org r rubrique «Société». ww o . . s e- u ns a
••• Quel est l’objectif principal de ce DVD et comment se sont passées les rencontres avec les enfants ? L. T. : L’objectif principal du DVD c’est de pouvoir parler du racisme à l’école, parce que souvent, on croit que parler du racisme est très compliqué, passionnel et que ça déclenche des réactions négatives. C’est pourquoi il me semble important de recueillir la parole des enfants pour pouvoir détecter leurs préjugés, qui commencent tout simplement par la croyance qu’il y aurait plusieurs races déterminées par la couleur de la peau. Quand vous allez dans les écoles, c’est assez drôle, les enfants disent simplement qu’il y a quatre races : la blanche, la noire, la jaune et la rouge. Et, selon la couleur de la peau, les personnes auraient des caractéristiques bien précises ; les noirs bien évidemment courent vite, chantent bien, dansent bien ; les jaunes seraient plutôt bons en mathé-
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Syndicat des
matiques ou au ping-pong... Avec ce DVD, les enfants essaient de réfléchir, de chercher dans leur imaginaire et évidemment on trouve des personnes qui, quelle que soit la couleur de leur peau, courent vite, chantent bien, dansent bien, sont bons en mathématiques… c’est pour cela que travailler autour du racisme, c’est aussi enrichir l’imaginaire des enfants et c’est avant tout déconstruire cette notion de race.
Il n’y a qu’une seule race, la race humaine Il est quand même assez aberrant que les enfants classifient les gens par leur couleur de peau comme pouvaient le faire les scientifiques au XIXe siècle ou des théoriciens comme Monsieur Bobineau qui a écrit «L’essai sur l’inégalité des races». Notre inconscient collectif n’a pas beaucoup évolué et cela même dans notre façon de
enseignants - Unsa • www.se-unsa.org
«Nous Autres» La Fondation Lilian Thuram a lancé le programme «Nous Autres», destiné à promouvoir l’éducation contre le racisme à l’école primaire. Composé de deux DVD -l’un destiné aux élèves de CM1 et CM2 et l’autre à leurs enseignants- cet outil pédagogique interactif est le fruit d’une collaboration entre la Fondation Lilian Thuram, la Casden et la MGEN. Pour conduire son projet, l’ancien champion du monde s’est entouré d’un groupe d’éminents experts. Il a tenu à rappeler que l’objectif de cette initiative était de «déconstruire le conditionnement et les préjugés qui font le lit du racisme». Édité à 50 000 exemplaires, le coffret DVD «Nous Autres» est envoyé gratuitement aux enseignants qui en font la demande sur les sites de la Casden(1) et de la MGEN(2). (1) www.casden.fr (2) www.mgen.fr
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parler. Exemple : on va me désigner comme «minorité visible» mais pourquoi ? Parce que je suis de couleur noire, cela veut donc dire qu’il existe une «majorité invisible» qui n’a pas la même couleur de peau que moi. Nous ne sommes malheureusement pas sortis de cette problématique de la couleur de peau et je crois qu’il faut en discuter pour dépasser cela et expliquer simplement : la couleur de peau d’une personne ne détermine en rien ses qualités ou ses défauts.
en Espagne où résidait Lilian Thuram. Depuis, un bureau a été ouvert à Paris en février 2009. Exclusivement dédiée à l’éducation contre le racisme, elle a pour objectif de «comprendre le racisme sous tous ses aspects, être conscients de la construction sociale des races, désapprendre les préjugés hérités des générations antérieures et rompre avec
la hiérarchie raciale de l’esclavagisme» pour ensuite transmettre cet enseignement avec des supports pédagogiques, organiser des activités et des événements et inculquer ces valeurs par l’intermédiaire des parents, de l’école et du sport. Les projets réalisés ou en cours sont financés au cas par cas grâce à des partenariats publics et privés et par les droits d’auteur du livre de Lilian Thuram.
«Nous possédons une origine unique : nous sommes tous des africains d’origine, nés il y a 3 millions d’années, et cela devrait nous inciter à la fraternité»
Yves Coppens
SYNDICAT Laurent Escure, secrétaire national L’AVIS DU
Avez-vous d’autres projets ou d’autres initiatives avec votre fondation ? L. T. : Un livre déjà, «Mes étoiles noires : de Lucy à B. Obama», où j’essaie de faire prendre conscience que nous avons dans notre inconscient collectif une image des populations noires qui commence avec l’histoire de l’esclavage. C’est assez réducteur et cela forme des préjugés qu’il est ensuite difficile de dépasser. Prenons en exemple Victor Hugo qui a dit que «L’homme blanc a fait du Noir un homme». Ainsi, l’histoire commencerait-elle là ? Et avant, ce n’était pas des hommes ? Au mois de novembre 2011, nous organisons une exposition au Quai Branly intitulée «Exhibition, l’invention du sauvage». Nous trouvons important de revenir sur l’existence des «zoos humains» au cours des expositions universelles (la dernière en 1931 !), où les gens allaient voir certaines populations installées derrière des enclos comme des animaux et que l’on appelait «sauvages». Il y a eu énormément de visiteurs, et là encore, cela a contribué à former notre inconscient collectif. En conclusion, je dirais que nous devons avoir une réflexion sur ce qui a créé notre imaginaire, notre culture, et essayer de les dépasser, sans culpabiliser et sans tomber dans une certaine victimisation. Il suffirait d’analyser les choses tranquillement, sereinement, d’essayer de voir comment les préjugés sont arrivés dans notre société, quel regard nous portons sur l’autre par rapport à sa couleur de peau, à son sexe, et essayer de dépasser tout cela. On ne naît pas raciste, on le devient. On ne naît pas avec des préjugés, on s’approprie des préjugés. Et si on s’approprie des préjugés, alors, on peut les déconstruire.
La Fondation Lilian Thuram a été créée en 2008
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VEC BEAUCOUP DE LUCIDITÉ ET EN QUELQUES FORMULES simples et fortes, Lilian Thuram nous montre comment les préjugés et les stéréotypes ont forgé le racisme dans de trop nombreuses consciences. Le passé colonial et esclavagiste de la France n’y est pas pour rien. Lilian Thuram, celui qui a porté haut les couleurs de notre pays, nous rappelle utilement que l’éducation contre le racisme est d’abord affaire de déconstruction. Il ne suffit pas de dire que nous sommes tous égaux pour qu’il en soit ainsi. C’est bel et bien d’un travail de fond dont nous avons besoin pour assurer cette éducation à l’égalité et celui-ci commence dès le plus jeune âge. Lilian Thuram, qui est venu à notre rencontre à l’occasion de notre conseil national, fait mieux, avec cet engagement, qu’œuvre utile. C’est pour cela que le SE-Unsa soutient le remarquable DVD de sa fondation, produit en partenariat avec nos amis de la Casden et de la MGEN.
Propos recueillis par Émilie-Chloé Trigo
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ÉDUCATION
Construire l’égalité
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«UNE RACE, LA RACE HUMAINE » : cette formule ministérielles se soucient peu de cet objectif. traduit une réalité qui est encore malheu- Il faut dire que la volonté politique fait défaut, reusement peu acceptée. Le passé colonial mais est-ce étonnant quand le gouvernement et esclavagiste de la France a été une redou- ne cesse de stigmatiser les étrangers pour table fabrique à préjugés et à stéréotypes. faire exister une prétendue «identité Beaucoup de nos concitoyens «croient» dur nationale» et promouvoir les «bons comme fer à Français» ? l’existence de Nous, enseignants de Éducateurs et militants, différentes races l’Unsa, ne nous résignons nous avons une et, pire, que chapas. L’égalité réelle exige responsabilité à assumer que nous nous mobilisions cune d’elles aurait des prédis-posidans nos classes, nos écoles tions particulières. et nos établissements pour faire reculer le La science est pourtant là pour montrer que racisme et ce qui le nourrit. Cette mobililes êtres humains, où qu’ils se trouvent sur sation prend d’ailleurs tout son sens, au la planète, ont un patrimoine génétique moment où, en Europe, l’extrême droite commun supérieur à 99,8%. reprend du poil de la bête immonde. Les chiffres sont têtus mais les ressentis et Il est urgent que le XXIe siècle, désormais bien les fantasmes le sont encore plus. entamé, voie l’Homo Sapiens, l’Homme Voilà pourquoi, l’éducation contre le racisme «sage», prendre conscience de son unité. reste une nécessité. Pourtant, les directives Laurent Escure
DVD «Nous autres»
Le racisme existe. Pour le combattre, il faut faire reculer les préjugés. L’École a un rôle central même si les directives sont floues et que la volonté politique fait défaut.
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REPÈRES
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SEMAINE D’ÉDUCATION CONTRE LE RACISME
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À suivre • L’exposition «Exhibitions, l’invention du sauvage» met en lumière l’histoire de femmes, d’hommes et d’enfants, venus d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et d’Amérique, exhibés en Occident dans des foires, zoos, jardins d’acclimatation ou encore dans le cadre d’expositions universelles. Elle sera présentée du 29 novembre 2011 au 3 juin 2012 au musée du quai Branly, à Paris. infos sur www.quaibranly.fr
ETTE ANNÉE, LA JOURNÉE MONDIALE de lutte contre le racisme a lieu le 21 mars. La semaine d’éducation contre le racisme se déroulera du 14 au 26 mars. Encadrés par le collectif des «semaines d’éducation contre le racisme» (dont l’Unsa-Éducation est membre), de nombreux événements locaux auront lieu, au service de la lutte contre le racisme et toutes les discriminations.
Plus d’infos sur semaines.cidem.org
DES NOIRS DA NS
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+ et le film ns les Bleus», la Fondation Lilia «Des Noirs s’engage avec n Thuram ce des 70 joueur tte exposition. Elle retrace l’h s afro-antillais istoire de nous fait voya ger dans l’histo l’équipe de France et ire pendant la pé des immigra riode colonial e et depuis les tions, dances. Cette indépenexposition en 12 pa proposée en Af rique, en Outre nneaux est métropolitaine -Mer et en Fran . ce Pour plus d’infos ou po ur
• L’exposition virtuelle «Tous parents, tous différents» sera un outil à l’éducation contre le racisme. Disponible sur Internet, elle permettra de sensibiliser le public le plus large possible, les jeunes en particulier. Une version itinérante d’affiches sera réalisée pour prendre place dans les collèges, lycées, médiathèques... Pour suivre ou participer à l’aboutissement de ce projet : www. thuram.org rubrique «Projets».
LES BLEUS
N PARTENARI AT AVEC CAN AL da
commander l’exp ositio ou sur www.thur n contact@lesbdi.com am.org rubrique «Projet».
MES ÉTOILES NOIRES
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E LIVRE DRESSE LE PORTRAIT d’hommes et de
femmes noir(e)s, scientifiques, explorateurs, philosophes, afin de rompre avec la «traditionnelle histoire des Noirs» trop souvent résumée à l’histoire de l’esclavage. Il a obtenu le prix littéraire Seligmann 2010, qui récompense une création apportant une pierre solide à la lutte contre le racisme. «Mes étoiles noires, de Lucy à Barack Obama», Lilian Thuram, éditions Philippe Rey, 400p. - 18 €.
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