Ne peut-on pas faire dire à l’Histoire et à l’Art ce que l’on veut ? Pour ce faire, j’ai gravé des entrelacs dans du béton poreux, en m’inspirant de diverses cultures, puis j’ai créé une mise en scène afin d’aborder la notion de simulacre. J’ai donc créé un site de fouilles comme Fontcuberta en avait imaginés, puis j’ai exposé les deux éléments du projet au Musée de la Préhistoire de Sartène, dans la salle des menhirs. Le fait de proposer une présentation in situ (sous forme d’un site de fouille) a ce double intérêt d’avoir à la fois d’une valeur esthétique et une valeur historique reconnues. Ce qui est trouvé lors d’un site de fouille est un trésor aux yeux de l’Homme moderne, une trace de son vécu ancestral. L’exposition ensuite dans un musée lui confère une grande crédibilité aux yeux du spectateur. Ce projet est aussi basé sur la notion de filiation. En effet, il touche à l’histoire, à l’archéologie, au mégalithique, mais c’est un simulacre, et en ce sens, il est en rupture avec ces domaines. Trois cultures se retrouvent ici mélangées. La culture Corse, dont l’origine est difficile à déterminer (Vandales...), la culture germano-nordique avec les entrelacs, et la culture celte avec les fameuses spirales (triskel...). Mais rien ne prouve que ces trois cultures aient été en contact ou se soient rencontrées en même temps. De ce fait, mélanger ces trois cultures induit le fait que l’on peut créer de l’interculturel, (r)assembler des motifs comme bon nous semble et faire mentir l’Histoire et l’Histoire de l’art.
La problématique de ce projet tourne autour de la parure et le symbole du pouvoir qui lui est attribué. Pour réaliser ce projet, je me suis servie d’un drap blanc, de crânes et d’ocre rouge. J’ai assemblé le tout de sorte à créer une mise en scène qui entraine le spectateur dans un univers marqué par la magie. Le lien entre l’empreinte, faite à partir des crânes, et la couleur sang est très important, car il mêle le corps, le corps vivant, charnel, biologique, mais aussi le corps absent, mort, délaissé de son âme. Le rapport au corps est donc interrogé dans ce travail, d’autant plus que le terme «parure» est présent dans la problématique, et la parure orne le corps. La filiation se fait automatiquement avec le monde chamanique, la croyance et la tradition. Pour le choix des matériaux, je me suis intéressée au groupe Support/Surface, ce qui explique le fait que j’ai choisi de travailler sur un drap, et que, par exemple, je n’ai pas utilisé d’outil pour déposer la peinture sur le tissu, je n’ai pas pris de pinceau; au lieu de cela, j’ai imprégné des crânes d’ocre et les ai frotté contre le drap. Pour finir, ce travail a un rapport au monde important, d’où la notion de l’oeuvre et le monde, puisque le chamanisme est une pratique ancestrale, depuis la préhistoire. Il est encore pratiqué (plus rarement) de nos jours.
Afin de réaliser ce projet, je me suis interrogée sur la définition des objets et leur rôle. Ne sont-ils que ce pour quoi ils ont été créés, ou bien peut-on supposer un assemblage d’objets hétéroclites capables de faire sens? Pour répondre à cette problématique, j’ai travaillé avec un crâne, sur lequel j’ai peint à la gouache des inscriptions fictives, afin de donner un sens plus spirituel, plus magique. Je l’ai attaché à un pied en bois, j’ai ensuite placé cet assemblage dans un cadre doré, puis j’ai mis une loupe devant. L’installation est travaillée dans le style des cabinets des curiosités, suggéré par la présence d’un cadre doré et d’une loupe. Ainsi, je suis en filiation avec tout ce qui est de l’ordre du cabinet des curiosités, de l’assemblage d’objets et de l’hétéroclisme. Je peux parler des meubles d’artistes, qui ont pour rôle de supporter l’oeuvre, de contribuer à la présentation, c’est ce qui me permet d’introduire mon projet dans la notion de l’espace du sensible.
ines.caulier@gmail.com 07.81.62.72.23 Quartier Archinard 20100 SARTENE