PAROLES DE VÉTO
Trombinoscope
Comment vous êtes-vous retrouvés tous les deux au fin fond du Laos à soigner des éléphants ? Jérôme Lassausaie : Nous avions contacté l’association ElefantAsia pendant nos études et pris connaissance de la possibilité de venir faire des missions de longue durée. Nous avons donc repris contact avec eux en 2011 au moment où on allait être diplômés et nous avons décidé de partir pour six mois. Le vétérinaire précédent, le docteur Bertrand Bouchard qui était là depuis trois ans rentrait en France au mois de septembre 2011, du coup l’association cherchait quelqu’un pour prendre sa suite. Nous sommes arrivés en octobre, juste à temps pour prendre le relais… Adeline Bret : Nous sommes partis six mois parce qu’on voulait vraiment avoir le temps de connaître le terrain, de se familiariser avec le pays et surtout d’entreprendre un projet pour le développer au maximum avant de laisser la main à d’autres. Dans l’idéal, ElefantAsia est toujours preneur de personnes qui restent plus longtemps mais comme c’est du bénévolat, il faut pouvoir se financer…
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un début de carrière éléfantastique
Jérôme et Adeline : |
VETLIFE N°44 - JUILLET-AOÛT 2012
CV
Sayaboury, province du nordouest du Laos. Dans un écrin de nature exceptionnelle, le Centre de conservation des éléphants a ouvert ses portes en 2011. Entre le lac et la jungle, quelques bungalows, un hôpital, une nursery et un vaste site qui permet d’accueillir en toute bienveillance les pachydermes du pays, les blessés comme les mères pleines. C’est dans cet endroit spécial et hors du temps que Jérôme et Adeline, jeunes vétérinaires récemment diplômés ont décidé de tenter l’aventure du volontariat international.
|
Justement, comment vous êtesvous financés ?
A. B. : Nous avons eu quelques aides pour partir, notamment celle d’un laboratoire et celle de l’association des anciens élèves de notre école (NDLR : VetAgro Sup) et du conseil général de Savoie… En gros, cela nous a permis de financer nos billets d’avion… Sinon, comme nous avons été diplômés en juin, on a profité des deux mois d’été pour travailler et mettre de l’argent de côté. En fait, les six mois que l’on passe au Laos ne
sont pas très dépensiers… Sur le site de l’ECC, nous sommes nourris, logés et indemnisés lorsqu’on part en mission. Pendant notre séjour à Vientiane, nous avons dû financer nous-mêmes le logement et notre nourriture…
Noms et prénoms : Jérôme Lassausaie et Adeline Bret Âge : 24 ans et 25 ans Études : VetAgro Sup Promotion 2011 Profession : Vétérinaire volontaire pour l’ONG ElefantAsia : conservation, soins aux éléphants domestiques et sensibilisation du public à la cause de l’éléphant.
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Étiez-vous les seuls à postuler ?
J. L. : L’association recrute des vétérinaires déjà diplômés parce qu’il leur faut des gens autonomes sur place. Nous n’étions pas les seuls candidats, il y avait un autre Français qui désirait partir. Lorsque nous sommes arrivés au Laos, un Italien travaillait avec l’association sur place au Centre de conservation de l’éléphant (Elephant Conservation Center). Il s’occupait du démarrage de l’hôpital. Nous avons commencé notre mission à Vientiane, la capitale avant de rejoindre le site de Sayaboury au mois de février 2012.
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Votre mission a donc été organisée en deux étapes bien différentes ?
J. L. : Pendant la première partie de notre mission, nous gérions toutes les activités vétérinaires au départ de Vientiane, toutes les missions de routine réalisées par le programme laotien de management des éléphants domestiques qu’ElefantAsia subordonne.
Le cornac n’est pas le propriétaire mais le maître d’un éléphant pour toute son existence, c’est lui qui le dresse, le monte, le fait travailler, le lave et le nourrit. ElefantAsia communique auprès d’eux pour les inciter à amener leur éléphant à l’hôpital pour leurs soins et suivi. VETLIFE N°44 - JUILLET-AOÛT 2012
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Trombinoscope
Comment vous êtes-vous retrouvés tous les deux au fin fond du Laos à soigner des éléphants ? Jérôme Lassausaie : Nous avions contacté l’association ElefantAsia pendant nos études et pris connaissance de la possibilité de venir faire des missions de longue durée. Nous avons donc repris contact avec eux en 2011 au moment où on allait être diplômés et nous avons décidé de partir pour six mois. Le vétérinaire précédent, le docteur Bertrand Bouchard qui était là depuis trois ans rentrait en France au mois de septembre 2011, du coup l’association cherchait quelqu’un pour prendre sa suite. Nous sommes arrivés en octobre, juste à temps pour prendre le relais… Adeline Bret : Nous sommes partis six mois parce qu’on voulait vraiment avoir le temps de connaître le terrain, de se familiariser avec le pays et surtout d’entreprendre un projet pour le développer au maximum avant de laisser la main à d’autres. Dans l’idéal, ElefantAsia est toujours preneur de personnes qui restent plus longtemps mais comme c’est du bénévolat, il faut pouvoir se financer…
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Jérôme et Adeline : |
VETLIFE N°44 - JUILLET-AOÛT 2012
CV
Sayaboury, province du nordouest du Laos. Dans un écrin de nature exceptionnelle, le Centre de conservation des éléphants a ouvert ses portes en 2011. Entre le lac et la jungle, quelques bungalows, un hôpital, une nursery et un vaste site qui permet d’accueillir en toute bienveillance les pachydermes du pays, les blessés comme les mères pleines. C’est dans cet endroit spécial et hors du temps que Jérôme et Adeline, jeunes vétérinaires récemment diplômés ont décidé de tenter l’aventure du volontariat international.
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Justement, comment vous êtesvous financés ?
A. B. : Nous avons eu quelques aides pour partir, notamment celle d’un laboratoire et celle de l’association des anciens élèves de notre école (NDLR : VetAgro Sup) et du conseil général de Savoie… En gros, cela nous a permis de financer nos billets d’avion… Sinon, comme nous avons été diplômés en juin, on a profité des deux mois d’été pour travailler et mettre de l’argent de côté. En fait, les six mois que l’on passe au Laos ne
sont pas très dépensiers… Sur le site de l’ECC, nous sommes nourris, logés et indemnisés lorsqu’on part en mission. Pendant notre séjour à Vientiane, nous avons dû financer nous-mêmes le logement et notre nourriture…
Noms et prénoms : Jérôme Lassausaie et Adeline Bret Âge : 24 ans et 25 ans Études : VetAgro Sup Promotion 2011 Profession : Vétérinaire volontaire pour l’ONG ElefantAsia : conservation, soins aux éléphants domestiques et sensibilisation du public à la cause de l’éléphant.
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Étiez-vous les seuls à postuler ?
J. L. : L’association recrute des vétérinaires déjà diplômés parce qu’il leur faut des gens autonomes sur place. Nous n’étions pas les seuls candidats, il y avait un autre Français qui désirait partir. Lorsque nous sommes arrivés au Laos, un Italien travaillait avec l’association sur place au Centre de conservation de l’éléphant (Elephant Conservation Center). Il s’occupait du démarrage de l’hôpital. Nous avons commencé notre mission à Vientiane, la capitale avant de rejoindre le site de Sayaboury au mois de février 2012.
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Votre mission a donc été organisée en deux étapes bien différentes ?
J. L. : Pendant la première partie de notre mission, nous gérions toutes les activités vétérinaires au départ de Vientiane, toutes les missions de routine réalisées par le programme laotien de management des éléphants domestiques qu’ElefantAsia subordonne.
Le cornac n’est pas le propriétaire mais le maître d’un éléphant pour toute son existence, c’est lui qui le dresse, le monte, le fait travailler, le lave et le nourrit. ElefantAsia communique auprès d’eux pour les inciter à amener leur éléphant à l’hôpital pour leurs soins et suivi. VETLIFE N°44 - JUILLET-AOÛT 2012
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Trombinoscope
Dans le cadre de ces missions de routine, nous avons essayé de visiter tous les districts du pays qui abritent des éléphants et de faire un check-up de chaque animal : nous leur mettions une micro-puce pour les enregistrer, puis nous renseignions notre base avec les données médicales de l’éléphant, les coordonnées du propriétaire, etc. À côté de cela, nous les vermifugions et leur donnions des soins de base. Le reste du temps nous faisions aussi de l’organisation, du management, de la recherche de fonds pour ElefantAsia, etc. A. B. : La deuxième partie de notre mission s’est faite au Centre de conservation de l’éléphant. Nous avons continué à mettre en place l’hôpital et reçu notre premier patient. Nous avons chaque jour entraîner les éléphants en « séjour » chez nous à s’acclimater à la présence humaine et à certains exercices qui font partie des ordres donnés par les cornacs.
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Quelles compétences vétérinaires particulières un éléphant demande-t-il ?
A. B. : Un éléphant est un animal comme un autre… L’organisation interne pour les soins est la
même… La vraie différence est qu’un éléphant pèse entre deux et quatre tonnes donc l’approche de l’animal n’est pas la même qu’avec un chat ! Il faut avoir dans l’idée que n’importe quel geste peut être dangereux. Il faut toujours garder cela en tête… Dès que l’on veut faire un traitement, la posologie et donc les quantités sont énormes. Au Laos, il y a en plus le problème de l’approvisionnement en médicaments : en gros, on bricole entre ce que certains volontaires peuvent ramener de France quand ils viennent et ce qu’on arrive à acheter en Thaïlande, des produits en général destinés aux humains. Par exemple, quand nous voulons mettre un éléphant sous anti-inflammatoire, c’est 15 comprimés par tonne donc pour un éléphant de 4 tonnes, c’est 60 comprimés par jour a lui faire avaler. J. L.: Les compétences demandées pour un séjour à ElefantAsia ne sont pas vraiment liées à l’animal soigné mais plutôt au terrain et au lieu sur lesquels on travaille. Au niveau du diagnostic, nous sommes tout de même relativement limités, ne disposant pas d’instrument de test. Les possibilités de traitement
MAYLIS DETRIE
ElefantAsia a été fondée en 2001 à Paris et est présidée par le Dr Norin Chai, responsable vétérinaire à la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris. « Les compétences demandées pour un séjour à ElefantAsia ne sont pas vraiment liées à l’animal que l’on soigne mais plutôt au terrain et au lieu sur lesquels on travaille », explique Jérôme Lassausaie.
Tout savoir sur ELEFANTASIA
« La grosse spécificité de l’éléphant, c’est sa trompe, c’est le plus dangereux pour un vétérinaire puisqu’elle est mobile en permanence, c’est en général, elle, qui cause le plus d’accident… En un dixième de seconde, un éléphant peut te tuer avec… », rappelle Adeline Bret.
« C’est une expérience unique qui nous a notamment permis de voir presque 200 éléphants en six mois donc la moitié de la population domestique du Laos en très peu de temps et ça, c’est une vraie chance… », raconte Jérôme Lassausaie.
sont également limitées étant donné qu’on ne peut pas sortir l’éléphant de sa forêt pour le soigner. C’est sans doute le plus frustrant, de ne pas pouvoir aller aussi loin que ce qu’on voudrait. A. B. : Évidemment, la grosse spécificité de l’éléphant, c’est sa trompe. C’est l’élément le plus dangereux pour un vétérinaire puisqu’elle est mobile en permanence, et c’est en général elle qui cause les accidents : en un dixième de seconde, un éléphant peut te tuer avec…
Les actions d’ElefantAsia ont un vrai impact au Laos, l’association a l’air d’avoir une bonne visibilité… Que lui manque-t-il aujourd’hui ?
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J. L. : L’association manque de fonds pour acheter du matériel pour l’hôpital. Tout n’est pas encore agencé, nous allons bientôt recevoir deux microscopes et plus 46
VETLIFE N°44 - JUILLET-AOÛT 2012
ElefantAsia, association française à but non lucratif fondée à Paris en 2001, œuvre en faveur de la sauvegarde de l’éléphant d’Asie. Au Laos, on ne compte plus aujourd’hui que 1 500 éléphants dont 500 domestiques. Si la tendance se confirme, les pressions économiques et les changements de modes de vie feront disparaître l’éléphant sauvage d’Asie et son habitat d’ici une vingtaine d’années. Après avoir organisé La Caravane des Elephants à travers le Laos en 2002, l’association a lancé un programme de conservation des éléphants. UN TRAVAIL EN PARTENARIAT AVEC LES POPULATIONS LOCALES Le Docteur Norin Chai, responsable vétérinaire à la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris et président de l’association Elefantasia, explique : « L’objectif de l’association est de travailler en lien très étroit avec les populations locales. En effet, sans prise en compte des réalités économiques et sociales de terrain, nos actions n’auraient qu’une influence réduite sur conservation des animaux. Le travail des éléphants fait partie intégrante de la culture laotienne, chercher à changer cet état de fait serait utopique. C’est la raison pour laquelle notre action est orientée sur le conseil et la formation aux soins des éléphants « captifs », c’est à dire mis au travail par les cornacs. En limitant la surexploitation de ces animaux, et en les maintenant en bonne santé, nous préservons indirectement les éléphants restant à l’état sauvage. » UNE VOLONTÉ DE PRENDRE UNE DIMENSION INTERNATIONALE L’ouverture en 2011 du Centre de Conservation des Eléphants en partenariat avec les instances publiques et privées laotiennes est donc une victoire de plus pour Elefantasia. Présente au Laos depuis de nombreuses années, l’association cherche aujourd’hui à passer le relais aux autorités locales. « Elefantasia prend son envol vers une dimension plus internationale. Notre objectif est de développer et financer des projets de ce type partout où les éléphants sont en danger. » explique notre confrère. « Pour en savoir plus, n’hésitez pas à vous rendre sur notre site internet, et pourquoi pas, à nous soutenir ! » Plus d’informations sur: http://elefantasia.org/ et http://www.elephantconservationcenter.com/
tard un échographe et un appareil radio, un frigo, un congélateur. Sachant que sur le site de l’ECC, l’énergie disponible est limitée. On ne fonctionne qu’au solaire donc il nous faut un matériel spécifique. Il faudrait installer un groupe électrogène. Une salle de soins coûtant 15 000 dollars va également être construite, dans laquelle se trouveront un travail de contention et un palan pour lever un éléphant. A. B. : Si un cornac, informé que l’hôpital existe, décide d’y amener son éléphant, c’est déjà un énorme progrès parce que lorsqu’un éléphant reste trois semaines avec
nous, nous ne faisons pas du tout le même travail que lorsqu’on le voit une petite heure dans une journée pendant une mission. Au dernier Festival de l’éléphant (NDLR : 17-19 février 2012), un fascicule a été distribué aux propriétaires pour les informer de l’existence de l’hôpital… après, au Laos, l’info circule vite dans le monde des cornacs et des propriétaires.
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Finalement, quel bilan faites-vous de votre expérience ?
J. L.: C’est une expérience unique qui nous a notamment permis de voir presque 200 éléphants en six mois donc la moitié de la po-
pulation domestique du Laos en très peu de temps. C’est une vraie chance ! Et puis, c’est très gratifiant d’avoir donné beaucoup de notre temps et de notre énergie et de voir que ça porte ses fruits. A. B. : C’est une expérience qui te pousse à te débrouiller par toimême et à avoir un véritable esprit d’initiative… Tu te retrouves seul vétérinaire au Laos avec des éléphants devant toi et il faut que tu fasses avancer le projet. Tu peux oublier tout ce que tu as appris à l’école, car ici la théorie ne marche plus : le système D est roi ! Par exemple, pour soigner Thongkham, un éléphant qui a la queue coupée en deux par la chute d’un rondin de bois, nous avions décidé de faire des pansements à l’argile. Nous sommes donc allés un matin à la rivière pour en récupérer, puis nous l’avons fait cuire et sécher pour faire notre soin. Le passage par la récolte à la rivière était obligatoire, car nous n’avons jamais réussi à en acheter !
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Votre projet futur ?
A. B. : On ne sait pas trop pour l’instant, mais nous sommes vraiment attirés par un projet à la campagne. On a envie de soigner tous les animaux ! C’est donc l’activité mixte qui nous attire. On aimerait réussir à travailler proches l’un de l’autre pour continuer à vivre ensemble… donc nous ne sommes pas vraiment exigeants sur le lieu ! Rentrer travailler en France est en revanche incontournable pour nous. En restant trop longtemps à l’étranger, on s’éloignerait de notre milieu d’origine. Vétérinaire dans les campagnes françaises a toujours été mon ambition de départ. Si j’attends trop et que je ne pratique pas sur d’autres animaux, c’est bête, mais j’ai peur d’oublier ! Propos recueillis par Maylis Detrie VETLIFE N°44 - JUILLET-AOÛT 2012
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Trombinoscope
Dans le cadre de ces missions de routine, nous avons essayé de visiter tous les districts du pays qui abritent des éléphants et de faire un check-up de chaque animal : nous leur mettions une micro-puce pour les enregistrer, puis nous renseignions notre base avec les données médicales de l’éléphant, les coordonnées du propriétaire, etc. À côté de cela, nous les vermifugions et leur donnions des soins de base. Le reste du temps nous faisions aussi de l’organisation, du management, de la recherche de fonds pour ElefantAsia, etc. A. B. : La deuxième partie de notre mission s’est faite au Centre de conservation de l’éléphant. Nous avons continué à mettre en place l’hôpital et reçu notre premier patient. Nous avons chaque jour entraîner les éléphants en « séjour » chez nous à s’acclimater à la présence humaine et à certains exercices qui font partie des ordres donnés par les cornacs.
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Quelles compétences vétérinaires particulières un éléphant demande-t-il ?
A. B. : Un éléphant est un animal comme un autre… L’organisation interne pour les soins est la
même… La vraie différence est qu’un éléphant pèse entre deux et quatre tonnes donc l’approche de l’animal n’est pas la même qu’avec un chat ! Il faut avoir dans l’idée que n’importe quel geste peut être dangereux. Il faut toujours garder cela en tête… Dès que l’on veut faire un traitement, la posologie et donc les quantités sont énormes. Au Laos, il y a en plus le problème de l’approvisionnement en médicaments : en gros, on bricole entre ce que certains volontaires peuvent ramener de France quand ils viennent et ce qu’on arrive à acheter en Thaïlande, des produits en général destinés aux humains. Par exemple, quand nous voulons mettre un éléphant sous anti-inflammatoire, c’est 15 comprimés par tonne donc pour un éléphant de 4 tonnes, c’est 60 comprimés par jour a lui faire avaler. J. L.: Les compétences demandées pour un séjour à ElefantAsia ne sont pas vraiment liées à l’animal soigné mais plutôt au terrain et au lieu sur lesquels on travaille. Au niveau du diagnostic, nous sommes tout de même relativement limités, ne disposant pas d’instrument de test. Les possibilités de traitement
MAYLIS DETRIE
ElefantAsia a été fondée en 2001 à Paris et est présidée par le Dr Norin Chai, responsable vétérinaire à la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris. « Les compétences demandées pour un séjour à ElefantAsia ne sont pas vraiment liées à l’animal que l’on soigne mais plutôt au terrain et au lieu sur lesquels on travaille », explique Jérôme Lassausaie.
Tout savoir sur ELEFANTASIA
« La grosse spécificité de l’éléphant, c’est sa trompe, c’est le plus dangereux pour un vétérinaire puisqu’elle est mobile en permanence, c’est en général, elle, qui cause le plus d’accident… En un dixième de seconde, un éléphant peut te tuer avec… », rappelle Adeline Bret.
« C’est une expérience unique qui nous a notamment permis de voir presque 200 éléphants en six mois donc la moitié de la population domestique du Laos en très peu de temps et ça, c’est une vraie chance… », raconte Jérôme Lassausaie.
sont également limitées étant donné qu’on ne peut pas sortir l’éléphant de sa forêt pour le soigner. C’est sans doute le plus frustrant, de ne pas pouvoir aller aussi loin que ce qu’on voudrait. A. B. : Évidemment, la grosse spécificité de l’éléphant, c’est sa trompe. C’est l’élément le plus dangereux pour un vétérinaire puisqu’elle est mobile en permanence, et c’est en général elle qui cause les accidents : en un dixième de seconde, un éléphant peut te tuer avec…
Les actions d’ElefantAsia ont un vrai impact au Laos, l’association a l’air d’avoir une bonne visibilité… Que lui manque-t-il aujourd’hui ?
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ElefantAsia, association française à but non lucratif fondée à Paris en 2001, œuvre en faveur de la sauvegarde de l’éléphant d’Asie. Au Laos, on ne compte plus aujourd’hui que 1 500 éléphants dont 500 domestiques. Si la tendance se confirme, les pressions économiques et les changements de modes de vie feront disparaître l’éléphant sauvage d’Asie et son habitat d’ici une vingtaine d’années. Après avoir organisé La Caravane des Elephants à travers le Laos en 2002, l’association a lancé un programme de conservation des éléphants. UN TRAVAIL EN PARTENARIAT AVEC LES POPULATIONS LOCALES Le Docteur Norin Chai, responsable vétérinaire à la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris et président de l’association Elefantasia, explique : « L’objectif de l’association est de travailler en lien très étroit avec les populations locales. En effet, sans prise en compte des réalités économiques et sociales de terrain, nos actions n’auraient qu’une influence réduite sur conservation des animaux. Le travail des éléphants fait partie intégrante de la culture laotienne, chercher à changer cet état de fait serait utopique. C’est la raison pour laquelle notre action est orientée sur le conseil et la formation aux soins des éléphants « captifs », c’est à dire mis au travail par les cornacs. En limitant la surexploitation de ces animaux, et en les maintenant en bonne santé, nous préservons indirectement les éléphants restant à l’état sauvage. » UNE VOLONTÉ DE PRENDRE UNE DIMENSION INTERNATIONALE L’ouverture en 2011 du Centre de Conservation des Eléphants en partenariat avec les instances publiques et privées laotiennes est donc une victoire de plus pour Elefantasia. Présente au Laos depuis de nombreuses années, l’association cherche aujourd’hui à passer le relais aux autorités locales. « Elefantasia prend son envol vers une dimension plus internationale. Notre objectif est de développer et financer des projets de ce type partout où les éléphants sont en danger. » explique notre confrère. « Pour en savoir plus, n’hésitez pas à vous rendre sur notre site internet, et pourquoi pas, à nous soutenir ! » Plus d’informations sur: http://elefantasia.org/ et http://www.elephantconservationcenter.com/
tard un échographe et un appareil radio, un frigo, un congélateur. Sachant que sur le site de l’ECC, l’énergie disponible est limitée. On ne fonctionne qu’au solaire donc il nous faut un matériel spécifique. Il faudrait installer un groupe électrogène. Une salle de soins coûtant 15 000 dollars va également être construite, dans laquelle se trouveront un travail de contention et un palan pour lever un éléphant. A. B. : Si un cornac, informé que l’hôpital existe, décide d’y amener son éléphant, c’est déjà un énorme progrès parce que lorsqu’un éléphant reste trois semaines avec
nous, nous ne faisons pas du tout le même travail que lorsqu’on le voit une petite heure dans une journée pendant une mission. Au dernier Festival de l’éléphant (NDLR : 17-19 février 2012), un fascicule a été distribué aux propriétaires pour les informer de l’existence de l’hôpital… après, au Laos, l’info circule vite dans le monde des cornacs et des propriétaires.
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Finalement, quel bilan faites-vous de votre expérience ?
J. L.: C’est une expérience unique qui nous a notamment permis de voir presque 200 éléphants en six mois donc la moitié de la po-
pulation domestique du Laos en très peu de temps. C’est une vraie chance ! Et puis, c’est très gratifiant d’avoir donné beaucoup de notre temps et de notre énergie et de voir que ça porte ses fruits. A. B. : C’est une expérience qui te pousse à te débrouiller par toimême et à avoir un véritable esprit d’initiative… Tu te retrouves seul vétérinaire au Laos avec des éléphants devant toi et il faut que tu fasses avancer le projet. Tu peux oublier tout ce que tu as appris à l’école, car ici la théorie ne marche plus : le système D est roi ! Par exemple, pour soigner Thongkham, un éléphant qui a la queue coupée en deux par la chute d’un rondin de bois, nous avions décidé de faire des pansements à l’argile. Nous sommes donc allés un matin à la rivière pour en récupérer, puis nous l’avons fait cuire et sécher pour faire notre soin. Le passage par la récolte à la rivière était obligatoire, car nous n’avons jamais réussi à en acheter !
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Votre projet futur ?
A. B. : On ne sait pas trop pour l’instant, mais nous sommes vraiment attirés par un projet à la campagne. On a envie de soigner tous les animaux ! C’est donc l’activité mixte qui nous attire. On aimerait réussir à travailler proches l’un de l’autre pour continuer à vivre ensemble… donc nous ne sommes pas vraiment exigeants sur le lieu ! Rentrer travailler en France est en revanche incontournable pour nous. En restant trop longtemps à l’étranger, on s’éloignerait de notre milieu d’origine. Vétérinaire dans les campagnes françaises a toujours été mon ambition de départ. Si j’attends trop et que je ne pratique pas sur d’autres animaux, c’est bête, mais j’ai peur d’oublier ! Propos recueillis par Maylis Detrie VETLIFE N°44 - JUILLET-AOÛT 2012
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