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N° 36 • Printemps 2012

Anniversaire TRICENTENAIRE DE LA NAISSANCE DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU

Rencontre ANTHONY KAVANAH ROI DU COCKTAIL

Retraite LA RETRAITE DES FRANÇAIS À L’ÉTRANGER

La Rolls des pianos STEINWAYS & SONS PRÉSIDENTE DES AMIS DE UNE RÉPUTATION MUSICALE L'ORCHESTRE DE LA SUISSE ROMANDE UNIQUE AU MONDE

Escapades HAMBOURG > PORTE OUVERTE SUR LE MONDE ET L’AVENIR… LUCERNE > UNE PERLE D’EAU DANS UN ÉCRIN DE MONTAGNES


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Éditorial n France, notait Nancy Mitford, fine observatrice britannique de la vie politique parisienne, on ne vote pas pour quelqu’un, mais contre quelqu’un d’autre. À entendre les commentaires des électrices et électeurs potentiels de la volée 2012, il est permis de penser que la remarque - datant des années soixante - a pris au fil des ans encore plus d’acuité. Récemment, des élus genevois, vaudois et français ont débattu de l’avenir de la région devant un parterre de professionnels du bâtiment et de chefs d’entreprises réunis par les associations locales de Cobaty International. Il était frappant de constater la convergence de vues entre ces “régionaux de l’étape”, qui déploraient que les capitales - qu’elles fussent sur les rives de la Seine ou de l’Aar - se désintéressassent fortement des territoires transfrontaliers. Tandis que des forces délétères se manifestent (mouvement antifrontalier en Suisse, démagogie antisuisse chez certains élus français), les gens de terrain, eux, saisissent la nécessité de travailler ensemble, parce

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Sommaire

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Desvoix quicomptent

que “le territoire a toujours raison”. Antoine Bailly, professeur émérite et titulaire du prix Vincent Lud, considéré comme le Nobel de géographie, signalait, lors de la même réunion Cobaty, le besoin de former, sinon de simplement informer, les nouvelles générations. Le grand scientifique a dressé des “cartes mentales” montrant qu’un jeune Genevois et un jeune frontalier n’avaient absolument pas le même univers géographique. Pour le premier, Genève est au centre, avec Zurich à l’horizon, ainsi que Paris, Megève, Annecy et Lyon, mais aussi Milan. Pour le second, la Suisse se limite à Genève, voire à son aéroport, et l’horizon n’est pas Paris, mais Annecy, Lyon et Grenoble. Il y a donc encore beaucoup à faire, et l’exemple doit venir d’en-haut. À l’heure où le candidat socialiste à l’élection présidentielle annonce qu’il n’a rien à dire aux Français de Suisse, on aime à croire que l’Élysée entend la voix de ces milliers de citoyennes et de citoyens pour qui la coopération transfrontalière et l’amitié franco-suisse ne sont pas de vains mots. Et que si elle l’entend, elle ira peut-être même jusqu’à l’écouter… THIERRY OPPIKOFER

Expatria Cum Patria • Association nationale des Français établis hors de France - Loi 1901 Président-Fondateur : Serge Cyril Vinet Vice-Président : Jean-Jacques Poutrieux Secrétaire Général : Marie-Thérèse Clausen

Syrie Quand le règne de la terreur va-t-il prendre fin ? . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 04 Les héritiers français face au secret bancaire suisse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 08 La Voix des Français de l’Étranger. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 10 Hommage à Jack Penissard. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 14 Un merci pour un trajet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 18 Quand Amour rime avec Le Meitour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 20 Remise des trophées CFSCI avec Pascal Couchepin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 22 Sécurité sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 24 Combattre le cholestérol avec des comprimés naturels . . . . . . . . . . . . . . . . P. 26 La prise en charge de l’éducation en questions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 28 Quid des Bourses scolaires ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 30 Maternelle bilingue Les Coquelicots . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 37 Tout feu tout FLAM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 39 Sous le Münsterbrücke coule la Limmat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 42 Donner du sens aux changements en collège et lycée. . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 44 Emprunts russes Comptes rendus ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 50 La retraite des Français à l’étranger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 52 Prelle Les héritiers lyonnais de la soie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 58 Anthony Kavanah Roi du cocktail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 64 Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau . . . . . . . . . . . . . . . P. 70 Les maisons sauvées de Colette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 80 L’épopée Steinways & Sons Réputation unique au monde . . . . . . . . . . . . . . P. 92 Hambourg Porte ouverte sur le monde et l’avenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 98 Lucerne Une perle d’eau dans un écrin de montagnes . . . . . . . . . . . . . . . . P. 104 “L’Élysée Fantôme” de François d’Orcival . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 114 Pierre Bonnard Un prophète de la modernité à la Fondation Beyeler . . . P. 116 L’art de s’envoyer en l’air en montgolfière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 120 Neuchâtel jette un trouble sur le vin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 122 Thé, Café ou Chocolat ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 124 Nestor, l’autre Che… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 128 3

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Éditeur, Directeur de la Publication, Directeur de la Communication Victor Nahum Rédacteur en chef Véronique Bidinger Rédacteur en chef Adjoint Didier Assandri Éditorialiste Thierry Oppikofer Directeur du Comité de Rédaction Bernard Daudier Édito : Thierry Oppikofer Politique internationale : Robert Del Picchia Droit bancaire suisse : Patrick Blaser Hommage : Fabrice Penissard, Christian Polin La Voix des Français de l’Étranger, J’aimerais vous dire, Engagement : Serge Cyril Vinet Échos de l’économie, de Château d’Œx, de Neuchâtel : Alain Barrière Sécurité sociale : Jean-Pierre Cantegrit Santé & Bien-être : Marc Thiémard Éducation : Louis Duvernois, Didier Assandri Bourses scolaires, Retraite : Christiane Kammermann Radioscopie : Joanna David-Mangin Enseignement : Bruno Magliulo Le billet de Dany : Dany Vinet Rencontre : Anne-Marie Cattelain-Le Du Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau : Rémy Hildebrand Maisons des Illustres, La Rolls des pianos, Escapade : Françoyse Krier Carnets de voyage : Kathereen Abhervé Chronique littéraire : Dominique Ortiz Peinture : Véronique Bidinger Gastronomie : Jean-Jacques Poutrieux Boulisme : Marc Pheulpin Régie publicitaire Daedalus Publi FM Imprimerie PCL Presses Centrales SA Conception graphique Raphis Tirage : 82.000 exemplaires vérifié par attestation notariale


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Politique internationale

Syrie Quandlerègnedelaterreur va-t-ilprendrefin? Ce doux pays, l’une des plus anciennes civilisations et l’un des plus anciens peuples du Monde antique est au bord d’une vraie guerre civile. La crise s'est muée en véritable conflit armé entre une “guérilla” forte de milliers de déserteurs et un régime déterminé à mater la révolte. Pendant ce temps, à New-York, le Conseil de sécurité tente avec difficultés de trouver un chemin de paix pour Damas…

l’histoire du christianisme. Paul de Tarse, le futur Saint Paul, a été converti au christianisme sur la route de Damas et a établi une Église d’abord à Antioche en Syrie antique (aujourd’hui en Turquie). C’est de ce port qu’il est parti pour plusieurs de ses voyages de mission. Après de nombreuses variantes politiques et coups d’États, le dernier en date étant celui du ministre de la Défense Hafez el-Assad le 13 novembre 1970. Déposant Salah Jedid, il devient grâce à sa “révolution corrective”, le nouveau premier ministre, et l’homme fort de la Syrie qui est, depuis cette date, toujours une dictature héréditaire. Son fils lui succède en 2000. Depuis huit mois, la Syrie a vécu une très grave crise et, depuis un mois, un vrai conflit armé. Le bilan humain de la répression des manifestations est dramatique. Plus de 5 400 morts depuis mars 2011 selon l’ONU, une centaine en deux jours et ce bilan est sans doute sous-estimé. Des dizaines de milliers de personnes emprisonnées, souvent torturées, parfois disparues, des dizaines de milliers ont fui le pays. Derrière cette situation, les besoins humanitaires sont croissants : d'abord, dans les poches assiégées par les forces de sécurité, certains quartiers de villes comme Homs et qui sont des lieux de combats, ensuite l'accès aux soins pour les victimes de la répression, comme l'a noté la commission d'enquête du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, et pour lesquelles les hôpitaux ne sont plus des lieux de soins mais des lieux d'insécurité, enfin pour les familles des victimes de la répression, des centaines de milliers, qui n'ont plus accès aux besoins élémen-

amas a été fondée plus de 10 000 ans av. J.-C. C’est une des villes les plus anciennes du monde et elle a été habitée sans interruption comme Jéricho. Après l’arrivée des conquérants musulmans, Damas est devenue la capitale de l’Empire omeyyade, et a atteint un prestige et une puissance encore inégalés dans l’histoire syrienne. Cet empire s’étendait de l’Espagne à l’Asie centrale au 8e siècle. Le grand empire sémite de la Mer Rouge à la Turquie, dont la ville d’Ebla était la capitale, remonte à 2 500 avant J.C. La Syrie, pays convoité, fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans, et passa enfin sous mandat français. Les Ottomans ont régné sur le pays pendant plus de 400 ans jusqu'en 1918, mais la Syrie est un pays significatif dans

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Le système sécuritaire syrien Il est complexe. Il s'appuie sur un nombre très important d'unités combattantes spéciales qui lui sont très loyales, qu'il s'agisse de la garde républicaine ou des brigades commandées par Maher Al-Assad, ou des unités armées des services de renseignements, ou encore des milices d'auto-défense qui recrutent dans les communautés alaouites, chrétiennes et kurdes. L'armée, qui est une armée de conscription, est à l'image de la population et comprend une majorité de Sunnites, mais elle est sous surveillance : les officiers sunnites sont très souvent assistés par un second alaouite. Cette communauté, dont est issu Bachar Al-Assad, a complètement investi et maillé l'appareil militaire. C'est ce qui explique qu'il n'y ait pas eu de défections d'unités importantes. Les désertions sont le fait d'individus ou de petits groupes d'appelés qui, pour une part, ne souhaitent pas

Forte du veto de la Russie et de la Chine la condamnant, la Syrie poursuit le massacre de son peuple en toute impunité.

taires. La dégradation va se poursuivre, les besoins vont croître. Quand on aborde la Syrie, il faut tenir compte de la polarisation communautaire. Soit par tradition, soit par l'action du régime qui utilise ces divisions, de façon schématique, les minorités alaouites (plus de 2 millions d'habitants), chrétiennes (1,8 million), druzes et kurdes (très attentistes) continuent de soutenir le régime. La majorité (2/3) de la population est arabe sunnite et s'éloigne du régime, ceux d'entre eux qui étaient proches du régime sont désormais sur une voie médiane. Cette polarisation rend possible un glissement vers une guerre civile à base confessionnelle comme on en a connues dans les Balkans et en Irak. Ce risque existe. On en perçoit des signes tangibles à travers le développement de violences entre communautés, comme récemment à Homs. Cette dynamique est inquiétante.5

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participer à la répression, certains se cachent ou s'exilent, tandis que d'autres ont pris les armes. L'Armée libre de Syrie annonce 20 000 hommes, mais en compte moins, probablement la moitié. Les actions armées ne sont pas toutes de son fait, même lorsqu'elle les revendique. Le rapport de force est encore très clairement en faveur du pouvoir. L'isolement de la Syrie est croissant sur la scène internationale, (Europe, États-Unis, Pays arabes, Turquie). On a pu le mesurer par le résultat exceptionnellement élevé des États (122) qui ont voté la résolution présentée le 22 novembre à l'assemblée générale des Nations unies pour condamner les violences du régime. Mais il n'est pas total, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) évoluent très lentement sur le sujet. L'Inde et la Russie restent très fermes sur leurs positions, même si cette dernière s'est abstenue le 22 novembre à l'ONU. La Chine est attentive aux initiatives des pays arabes. Dans le voisinage, l'Iran, mais aussi l'Irak et le Liban, qui ne mettront pas en œuvre les sanctions décidées par les pays membres de la Ligue arabe, restent des soutiens. En toile de fond, on retrouve les clivages traditionnels entre Chiites et Sunnites et la crainte de l'Iran dans le monde arabo-musulman. L’ouverture du régime syrien pendant deux ans, avec des progrès dans les relations avec l'Arabie Saoudite, le

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Qatar, la Turquie, la France et les États-Unis, a trompé tout le monde. Mais le plus probable est que le durcissement résulte d'une incapacité totale à gérer le développement de la crise alors qu'elle aurait pu être gérée au départ. À chaque fois, les réponses sont insuffisantes ou tardives et le régime s'enfonce dans la répression. Il y avait peut-être d'autres options, mais, désormais, le régime est allé trop loin.

La Turquie Elle joue un rôle spécifique, en fonction de ses intérêts et de ses préoccupations. Elle a plus de 800 km de frontières avec la Syrie, la stabilité du pays est un enjeu vital pour la Turquie. La question kurde les préoccupe beaucoup. La Turquie compte 20 millions d'Alévis qui constituent une minorité issue de la branche chiite comme les Alaouites. Enfin, une grande partie du commerce turc vers le Moyen-Orient transite par la Syrie. Avec la France, l'Arabie Saoudite, le Qatar et les États-Unis, la Turquie fait partie des pays qui se sont révélés les plus attentifs et les plus actifs lorsque le régime syrien a montré en 2008-2009 des signes d'ouverture. Aujourd'hui, ils se retrouvent pour condamner la répression. La Turquie agit d'abord en fonction de ses intérêts vitaux. Elle a notablement durci le ton à l'égard du régime. Elle entretient par ailleurs des contacts avec l'armée libre syrienne.

Bachar El Assad : jusqu’où ?

La communauté chrétienne Elle est compliquée. Elle compte treize Églises, certaines catholiques, d'autres orthodoxes. Elle penche plutôt pour le régime par crainte panique de l'arrivée au pouvoir des Sunnites. Même si cette peur est largement instrumentalisée par le régime, elle constitue une réalité forte, mais leur avenir et leur intérêt est de prendre de la distance avec un régime aussi violent et répressif dans ce conflit, car si elles manifestent leur soutien à ce régime, elles risquent d'en subir les conséquences en cas de changement.

Le meilleur ennemi d’Israël… Israël maintient une certaine forme d'ambivalence. La Syrie est “son meilleur ennemi”, 40 ans de conflit sur le Golan sans un coup de feu, mais Israël ne peut qu'être préoccupé par l'influence croissante de l'Iran et le fait que la Syrie soit le point de passage de l'armement du Hezbollah au Liban. Israël reste attentiste mais préfèrerait probablement le changement de régime à Damas à l'installation du chaos à sa frontière.

main forte à la répression. La jeunesse palestinienne en Syrie a les mêmes réactions et les mêmes revendications que la jeunesse des pays où se sont déroulés les printemps arabes.

Le Liban L'impact de la crise au Liban est important, il renforce les clivages. Cela étant dit, le régime syrien n'a pas encore utilisé ces moyens de déstabilisation du Liban, car il a besoin d'un gouvernement libanais relativement proche de lui pour l'aider aux Nations unies et au sein de la Ligue arabe, et pour faire pièce à ses opposants. Le régime ne se sent pas encore acculé, il y a néanmoins un risque et une vulnérabilité, comme il peut y avoir des risques d'instabilité en Irak avec une relance de la ten-

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Les Palestiniens Ils sont quelque 500 000 en Syrie. Tous les groupes sont représentés. Le Hamas, très lié aux Frères musulmans sunnites, a pris ses distances avec le régime. Au contraire, certains groupes radicaux restent très proches du régime et très loyaux, allant même jusqu'à prêter FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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crise libyenne, l'engagement de la Russie en faveur du régime semble solide. Sera-t-il durable ?

sion entre Chiites et Sunnites ou à la frontière turque. Le Hezbollah a besoin de la Syrie pour son approvisionnement en armes. Par solidarité chiite, le Hezbollah, à l'inverse du Hamas palestinien, qui a pris ses distances, demeure un soutien fort du régime syrien, comme l'Iran qui apporte une aide en matière de contrôle des communications et de conseil pour la stratégie de répression.

Les autres scénarios de sortie de crise 1 - le scénario “à l'iranienne”, l'efficacité de la répression permet au régime de passer le cap des manifestations. Il est sans doute allé trop loin dans la répression pour qu'un retour au calme soit envisageable ; 2 - le scénario “irako-balkanique” de l'installation dans la violence de la transformation de la crise en guerre civile à base communautaire. Le risque est élevé ; 3 - les scénarios politiques, soit par un accord, sous l'égide de la Ligue arabe avec le soutien de la Turquie. Mais avec accord et conditions posées par Moscou. Ce qui était possible, il y a quelques mois, devient difficile aujourd'hui. Et encore moins depuis l’échec de la mission de la Ligue arabe. Le second scénario de sortie de crise politique résulterait d'une fracture interne au régime. Mais un coup d'État peut se traduire tout aussi bien par un changement de stratégie des élites alaouites que par un durcissement, certains critiquent en effet Bachar al-Assad pour sa “mollesse”.

La communauté française Elle compte environ 3 000 personnes, pour l'essentiel des binationaux qui se sont installés en Syrie et n'envisagent pas de la quitter sauf situation de chaos. Moins de 2 % ont quitté le territoire, essentiellement des expatriés. La communauté internationale réagit mais connaît ses limites à cause de ses divergences. La Ligue arabe a imploré les Nations unies de sortir de son inaction face à "la machine à tuer" du régime syrien. « Nous ne demandons pas une intervention militaire, nous ne sommes pas en faveur d'un changement de régime mais nous prônons des pressions économiques », a plaidé le Premier ministre du Qatar, cheikh Hamad ben Jassem Al Thani, qui préside le Comité de la Ligue arabe sur la Syrie. Mais l'ambassadeur de Syrie à l'ONU, Bachar Jaafari, a rejeté ce projet, assurant que Damas ferait "fermement face à ses ennemis". Il a accusé les puissances occidentales et les pays membres de la Ligue arabe de "fomenter la crise". Son allié russe a estimé que l'ONU n'avait pas à se mêler des affaires de la Syrie, malgré les appels lancés par les chefs de la diplomatie des États-Unis, de France et du Royaume-Uni. « Aujourd’hui, nous nous réunissons pour que cesse le silence scandaleux de ce Conseil », a lancé le Français Alain Juppé. Damas et son allié russe ne semblent pas prêts à céder à la pression mise par les pays occidentaux au Conseil de sécurité. Pourtant, la nouvelle mouture du projet de résolution est souple. Le projet de résolution au Conseil de sécurité. Il affirme le soutien du Conseil au plan de règlement de la Ligue arabe annoncé le 22 janvier et en reprend les grandes lignes. Il préconise une "transition politique" qui verrait le président Assad déléguer « toute son autorité à son viceprésident, en vue de coopérer pleinement avec un gouvernement d'union nationale ». Des élections "libres et transparentes" sont prévues sous supervision "arabe et internationale". La résolution continue aussi d’encourager tous les pays à adopter des mesures similaires aux sanctions économiques inédites imposées par la Ligue à la Syrie en novembre dernier. Ces deux points sont toujours jugés inacceptables par la Russie. Il semblerait toutefois que 10 pays sur 15 semblaient prêts à l’adopter et des propositions de modifications du texte pourraient être acceptées par Moscou… Pour des raisons diverses : volonté de retrouver une influence au ProcheOrient, équipement militaire de l'armée syrienne, présence de chrétiens orthodoxes, craintes de la menace islamiste, port stratégique de Tartous, agacement vis-àvis des positions occidentales, notamment depuis la

L’après-Assad

r.delpicchia@senat.fr

Prévisions très aléatoires… Les interrogations sont les mêmes que dans les autres pays du printemps arabe. Au sein de l'opposition, on peut distinguer deux pôles : un pôle laïc et multiconfessionnel et un pôle plus proche des Frères musulmans. Le rapport de force n'est pas établi. Les Frères musulmans ont été très fortement réprimés depuis 40 ans, il est difficile de mesurer leur influence véritable. Le fait que les manifestants se soient regroupés dans ou autour des mosquées qui étaient les seuls lieux de rassemblement et de mobilisation utilisables, peut avoir renforcé cette influence. Il faut aussi tenir compte du caractère particulier et multiconfessionnel de la Syrie si l'on veut envisager l'avenir dans de bonnes conditions. Il paraît important que l'ensemble des communautés puissent être représentées au sein de l'opposition. L'influence intellectuelle des Frères musulmans est claire et s'appuie sur un réseau. Il y a aussi dans la communauté sunnite une forte influence intellectuelle de l'AKP turc. Mais en Syrie, il y a aussi une forte tradition laïque qui a marqué le parti Baas à ses débuts.

ROBERT DEL PICCHIA SÉNATEUR VICE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DES ARMÉES

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En attendant … « Le régime s'enfonce dans une répression de plus en plus sanglante », constate Alain Juppé, qui note le vrai risque de guerre civile en Syrie. Hillary Clinton affirme elle plus d’optimisme. Elle a estimé que « malgré sa tactique impitoyable, le règne de terreur du président Bachar Al-Assad va prendre fin et le peuple syrien va pouvoir choisir son destin. » Oui, tout le monde l’espère, mais reste une petite question qui n’est pas subsidiaire : quand ?


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Droit bancaire suisse Quelles démarches les héritiers français doivent-ils entreprendre auprès des banques suisses pour identifier et récupérer les avoirs bancaires de leur défunt parent ? Quelles sont les conditions que doivent réunir les héritiers pour que ces démarches aboutissent ? Dans ce contexte, à quels renseignements bancaires les héritiers ont-ils droit ? C’est à ces questions que répond le présent article.

héritiersfrançais

Les faceausecretbancairesuisse L’héritier devient le cocontractant de la banque

tiers interviennent rapidement auprès de la banque suisse pour obtenir le blocage du compte bancaire du défunt. En effet, la banque peut fort bien ignorer le décès du titulaire du compte et, par conséquent, continuer à exécuter des instructions bancaires données par un fondé de procuration désigné par le titulaire du compte qui pourrait être une tierce personne non héritière. Dans ce cas de figure, le risque de voir le fondé de procuration vider le compte bancaire de tous ses avoirs est bien réel. Par ailleurs, il faut savoir que chaque héritier peut intervenir individuellement auprès de la banque suisse sans avoir à obtenir le consentement des autres héritiers, ni même informer ces derniers de sa démarche. Agissant seul, cet héritier ne pourra toutefois obtenir que des renseignements sur les avoirs du compte du défunt mais en aucun cas il ne pourra donner des instructions de transferts portant sur ces avoirs, sauf bien entendu s’il établit qu’il est le seul héritier du défunt. Pour le cas où le défunt a nommé un exécuteur testamentaire, ce dernier aura droit aux mêmes renseignements bancaires que les héritiers.

Selon le droit suisse, les héritiers, quelque soit leur nationalité, succèdent à leur défunt parent dans la relation contractuelle contractée par ce dernier avec une banque suisse. Cela signifie que les avoirs bancaires du défunt entrent dans la masse successorale et devra profiter à l’ensemble de ses héritiers. En amont de ce principe, les héritiers bénéficient d’un droit aux renseignements sur les avoirs bancaires du défunt. Le secret bancaire dû, de son vivant, au titulaire du compte s’efface au moment de son décès et passe à ses héritiers auxquels il n’est plus opposable. La banque n’a toutefois pas l’obligation légale d’informer spontanément les héritiers du défunt, ce d’autant moins qu’elle ne les connaît en général pas.

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Les démarches à entreprendre Il appartient par conséquent aux héritiers de se manifester auprès de la banque pour connaître l’étendue des avoirs bancaires du défunt au jour de son décès. Pour ce faire, les héritiers doivent en faire la demande écrite à la banque et remettre à cette dernière tous les documents permettant d’établir leur qualité d’héritiers, à savoir : > un acte de décès, > un certificat d’hérédité. Si l’établissement bancaire suisse dans lequel le défunt pourrait avoir été détenteur d’avoirs n’est pas connu des héritiers, ceux-ci peuvent s’adresser à l’Association Suisse des Banquiers, laquelle a créé une centrale de recherches permettant d’effectuer les investigations nécessaires à l’identification des comptes bancaires ouverts au nom du défunt. Sitôt le décès connu, il est parfois urgent que les héri-

Étendue du droit des héritiers aux renseignements bancaires Selon que l’héritier est réservataire ou institué, l’étendue de son droit aux renseignements n’est pas le même. En tout état, que l’héritier soit réservataire ou institué, il a droit à connaître l’ensemble des avoirs bancaires du défunt au jour de son décès. Par contre, seul l’héritier réservataire, au contraire de l’héritier institué, peut, à certaines conditions, exiger de la banque que cette dernière lui remette les relevés bancaires portant sur la période antérieure au décès pendant une période de dix ans précédant la date de la demande. Les banques suisses, à l’instar des sociétés commerFRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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économique, ni même sur son existence. Dans ce cas, les héritiers n’auront pas d’autres possibilités que de devoir intenter une action judiciaire en reddition de comptes à l’encontre de la banque. Celle-ci sera couronnée de succès dans la mesure où l’héritier établit : > que le défunt était ayant droit économique d’un compte bancaire ouvert auprès de la banque concernée, > qu’il est lui-même héritier réservataire au sens de son droit successoral national, > que sa réserve est lésée au regard du droit applicable à la succession, > que la banque a connaissance de la structure mise en place par le défunt. Si ces conditions sont réalisées, l’héritier peut demander à obtenir non seulement des renseignements sur les avoirs du compte au jour du décès, mais également sur les dix années précédant la demande. Il est même envisageable que l’héritier puisse obtenir, pendant cette période, les noms des destinataires lorsque des transferts d’avoirs ont été effectués. En tout état, la tendance de la jurisprudence tend de plus en plus à élargir le droit des héritiers à obtenir des renseignements bancaires complets sur les comptes de leur défunt parent. Corollairement, la portée du secret bancaire tend à se réduire en matière de droit successoral.

ciales, sont en effet légalement tenues de conserver les relevés bancaires pendant une durée maximum de dix ans. Au-delà de cette période, la banque peut détruire les relevés bancaires. Selon les cas, il est par conséquent urgent que les héritiers ne tardent pas à demander des renseignements bancaires concernant les comptes de leur défunt parent. Ces renseignements bancaires pourront permettre à l’héritier réservataire de déterminer si sa réserve successorale est lésée et s’il est légitimé à intenter des actions judiciaires en réduction ou en rapport aux fins de reconstituer, cas échéant, la réserve légale dont il bénéficie. Le droit des héritiers aux renseignements est également applicable au cas d’un défunt qui n’est pas seul titulaire d’un compte bancaire mais co-titulaire d’un tel compte avec, par exemple, son conjoint survivant.

Défunt ayant droit économique d’un compte bancaire dont il n’est pas titulaire Le droit des héritiers à obtenir des renseignements bancaires est, par contre, plus délicat lorsque le défunt n’était pas titulaire, ou co-titulaire, d’un compte bancaire mais l’ayant droit économique de ce compte ouvert au nom d’une tierce personne morale ou physique. Ce cas de figure se présente notamment lorsque le défunt avait en vue de constituer avec son patrimoine une entité tierce à vocation successorale (trust, société offshore, fondation du Liechtenstein, etc.). Dans ce contexte, le problème juridique est plus épineux puisque l’ayant droit économique n’est pas partie, au sens juridique du terme, au contrat conclu avec la banque. C’est la tierce entité titulaire du compte qui est la seule et unique partie au contrat, à l’exclusion de son ayant droit économique. D’ailleurs, l’ayant droit économique d’un compte bancaire ne pouvait, même de son vivant, obtenir directement des renseignements sur ce compte. Il devait passer par l’intermédiaire du titulaire du compte. A fortiori, les héritiers ne devraient pas avoir plus de droit que leur défunt parent. Cela étant, la jurisprudence a évolué. En effet, il a été jugé que l’héritier réservataire qui démontre avec une vraisemblance suffisante que sa réserve successorale est lésée, notamment par la création par le défunt d’une entité à but successoral dans lequel il a placé ses avoirs, est légitimé à obtenir de la banque des renseignements sur les avoirs bancaires dont le défunt était l’ayant droit économique sans en être le titulaire. En cas de demande de renseignements bancaires formulée dans ce contexte, la banque transmettra la demande des héritiers de l’ayant droit économique au titulaire du compte, auquel elle est liée par le secret bancaire. Il appartiendra dès lors à ce titulaire de décider de donner, ou non, des informations aux héritiers. En cas de refus, la banque ne pourra donner aucun renseignement aux héritiers sur le compte de l’ayant droit

PATRICK BLASER AVOCAT ASSOCIÉ, ÉTUDE BOREL & BARBEY, GENÈVE

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patrick.blaser@borel-barbey.ch

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Droit bancaire suisse déjà parus

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• Le fisc français ne peut pas utiliser des données obtenues frauduleusement, France Magazine n° 33 • Obligations du banquier gérant de fortune, France Magazine n° 32 • Crédits immobiliers : la prudence des banques suisses, France Magazine n° 26 • Le secret bancaire suisse n’est pas négociable, France Magazine n° 21 • La banque suisse à l’épreuve du MiFid, France Magazine n° 20 • Le droit des héritiers aux renseignements bancaires, France Magazine n° 19 • Le devoir d’information de la banque en matière de conseil en placements, France Magazine n° 17 • Blanchiment d’argent : une répression en évolution, RFE Magazine n° 13 • Secret bancaire suisse : du mythe à la réalité, RFE Magazine n° 5 • Banques suisses, les nouvelles exigences de diligence contre le blanchiment de capitaux, RFE Magazine n° 4

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La voix des Français de l’étranger

Biendes

erreurs sontnéesd’une vérité

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dontonabuse

FRANÇOIS MARIE AROUET (VOLTAIRE) Et on en a abusé… Depuis le dernier budget 1975 voté en équilibre, nous n’avons cessé de cumuler les déficits de toutes sortes. Devant l’ampleur de l’endettement, il fallait bien que cela arrive un jour ! Ce vendredi 13 janvier 2012 est à marquer d’une pierre noire. Nous avons perdu le triple A.

sont exsangues. Il va falloir nous retrousser les manches et s’attendre à devenir très impopulaires. Qu’importe ! Nous avons été élus pour redresser le pays, c’est ce que nous allons faire. Mais je vous préviens, vous pouvez dès à présent chercher du travail. Car après que nous ayons remis à flot les finances publiques et la mise en place d’une discipline budgétaire de fer, nous ne serons pas réélus. » Moralité ? Ils n’ont effectivement pas été reconduits au pouvoir. Mais le Canada a retrouvé son triple A en 2002. Autre exemple, aux antipodes, l’Australie, déclassée en 1986, n’a pu faire valoir son triple A qu’en novembre 2011. 25 ans après… seulement ! Ceci grâce à ce diagnostic des agences de notation qui résume en une phrase, le programme que la France doit mettre en œuvre pour recouvrer sa place dans le peloton de tête. Au besoin, pour bien s’en imprégner, lisez-la deux fois : « économie à forte valeur ajoutée, un faible endettement, de solides institutions et un cadre politique flexible. » Est-ce que vous vous rendez bien compte de l’immense tâche qui nous attend ? La situation n’est pas irréversible, loin s’en faut, mais la traversée du désert va être plus ou moins longue selon les remèdes prescrits au malade. Une évidence : nous devons sortir la France du doute et du déclin. Désendettement, régulation des marchés, limitation des dépenses et récupération de liquidités là où c’est encore possible sans augmenter les impôts. Abordons déjà ces trois pistes, ce ne sont pas les seules… Souvenez-vous du texte du Traité de Maastritcht, en 1992, il était question de prévoir les budgets nationaux en équilibre et, éventuellement, si le besoin s’en faisait sentir, de s’octroyer un déficit pouvant aller, exceptionnellement, jusqu’à 3%. Au lieu d’appliquer la première

es conséquences directes et immédiates vont être, dès les jours prochains, un renchérissement du crédit pour les consommateurs que nous sommes ainsi que pour les entreprises. Un coût supplémentaire pour les finances publiques de l’ordre de 15 milliards d’euros. La dégradation de notre note va entraîner une hausse des taux d’intérêts sur les emprunts publics d’au moins 1%. N’oublions pas qu’il nous faut lever cette année pour le bon fonctionnement de l’état 170 milliards d’euros. Un point de plus nous coûte 3 milliards supplémentaires. Bien que, de-çi de-là, on se refuse un nouveau plan d’austérité, il nous faut prendre des décisions draconiennes, si on veut redresser la barre. Il n’y a vraiment pas de quoi se réjouir, où que l’on soit. Ce qui est grave, c’est qu’on a mis 35 ans pour en arriver là et que l’on ne va pas retrouver ce fameux sésame avant bien longtemps. Mon ami Bernard Daudier*, membre du cabinet du Premier ministre du Canada en 1982, Monsieur Pierre Elliot Trudeau, me raconta brièvement la séance, lorsque le Canada perdit la note suprême : « Mes Chers Amis, nous venons de subir une grave crise économique, bancaire et monétaire. Nos fondamentaux

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particulièrement dangereux de faire peser sur les activités de dépôt les risques pris par la banque d’investissement. Récupération de nouvelles liquidités. Vaste sujet… La Mondialisation a généré bon nombre d’effets positifs. Elle a aussi engendré des effets pervers. Les étatsUnis s’en rendent compte, et c’est pourquoi ils pensent très sérieusement imposer, par le biais d’une taxe sur l’activité des multinationales, une “Corporate Activity Tax”. Celles-ci s’acquitteraient d’une taxe de 5% sur le chiffre d’affaires réalisé dans le pays concerné quels que soient leurs résultats. En appliquant simplement cette réforme au CAC 40, l’état Français récupérerait plus de 12 milliards d’euros d’impôts. Ne voyez aucune démagogie dans cette réforme souhaitée, parce que les grands groupes hésiteraient avant d’abandonner le marché du travail Français et, ensuite, parce que appliquer cette solution permettrait de soustraire l’impôt sur les bénéfices de ces sociétés de cette taxe sur l’activité. L’état se porterait mieux, le marché du travail aussi et l’employeur serait beaucoup plus à l’aise avec les syndicats lors de négociations. Toutes ces approches (ce ne sont pas les seules) me paraissent plus viables que celles préconisées pour céder une partie de nos dettes aux Chinois, en contre-partie de quelques pans de notre patrimoine national. ça me rappelle une réflexion de Joma Kényatta, ancien président du Kénya (1894-1978) : « Lorsque les Blancs sont venus en Afrique, nous avions les terres, ils avaient la Bible. Ils nous ont appris à prier les yeux fermés. Lorsque nous les avons ouverts, les Blancs avaient les terres et nous la Bible. »

partie de la phrase, nous n’avons retenu que la seconde. Imaginez une seule seconde qu’un couple gagnant 50 000 e par année, s’autorise 3% de dépenses supplémentaires. Au bout de 10 ans, sa dette s’élèvera à 17 195 e, vingt ans plus tard : 40 305 e et 35 années après : 90 693 e. Vous multipliez ce déficit par 65 millions de compatriotes, jugez vous-même l’ampleur des dégâts. C’est que nous avons fait depuis 35 ans en laissant une dette irresponsable au “profit” de notre progéniture. Par ailleurs, l’urgence de réguler les transactions financières dans le monde, est palpable. Séparation en premier lieu des banques d’affaires et les banques de dépôt. Depuis la chute du mur de Berlin, le capitalisme a cessé d’être sérieux. Les états-Unis ont interdit, par la loi DoddFrank, les activités de spéculation aux banques de dépôt. La Grande-Bretagne préconise d’isoler le secteur à risques en confinant les activités du marché. En France, la fonction première de la banque est le financement de l’économie réelle, la gestion de dépôts et l’apport de crédits aux ménages et aux entreprises. La démarche d’une banque d’investissement est tout autre. Ces dernières années font état de résultats très volatils aux risques redoutables encourus. Dans des marchés fébriles comme ils le sont actuellement, il est

*Directeur de la rédaction de France Magazine N.B.: curieusement, personne n'en parle… Soulignons tout de même qu'en Asie, Singapour, et la Suisse en Europe, sont Triple A. 11

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Lesformulesquisemblent avoirperdutoutleursens àforced’avoirété répétéestropsouvent, sontcellesquicontiennent leplusdevérité...

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NADINE GORDIMER

PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE 1991

Le 9 mai 1950, Robert SCHUMAN, alors ministre des affaires étrangères, lance l’idée du CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier). Il applique le plan imaginé par Jean MONNET avec le soutien de Konrad ADENAUER et de Alcide GASPERI. Il jette les bases de la future Union Européenne par le rapprochement franco-allemand.

publique, le 28 décembre 1958, seulement 10 années après, le Général de GAULLE décida de doter la France d’un nouveau franc arrimé sur l’or. C’était l’objet de la parution mensuelle du N° 21 en octobre 2011 de “La Voix des Français de l’Étranger”. Dix ans après l’avènement de l’€uro, la réforme du système monétaire devient un sujet majeur pour ceux qui nous dirigent ou pour ceux qui aspirent... C’était même la question primordiale évoquée au sommet du G 20 en 2011 sous la présidence française. L’affaiblissement du $ us, la crise de la zone €uro, l’autoritarisme chinois sur le Yuan déstabilisent le système auguré en 1971, là où le 15 août 1971, aux Açores, Richard NIXON et Georges POMPIDOU décidèrent l’abandon de l’étalon-or, instaurant le libre flottement des monnaies entre elles et consacrant le $ us comme monnaie d’échange et de réserve internationale.

e CECA voit le jour le 18 mai 1951 et entrera en vigueur le 23 juillet 1952, malgré l’opposition de la Grande-Bretagne. Robert SCHUMAN, après avoir présidé le Parlement européen de 1958 à 1960, décèdera en 1963. Son souvenir perpétue le 9 mai de chaque année “Le jour de l’Europe” et le surnom attaché à sa personne comme le “Père de l’Europe”. Mais avant cela, Robert SCHUMAN était devenu ministre des finances le 13 octobre 1946. Au lendemain de la guerre, il eut tout loisir de juger l’état désastreux des finances de la France. Devenu président du conseil de 1947 à 1948, il constate l’érosion constante de la monnaie française. Le 25 janvier 1948, presque 64 ans jour pour jour, il dévalue le franc de 80 %. Le 24 janvier, 1 dollar US s’achetait 119 francs ; le 25 janvier, 214 francs... Constatant les déliquescences successives de la IVe Ré-

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Refonder le système international ? Oui mais avec quoi ? De l’Or ? Pas si simple que cela... Il y a une année, le président de la Banque Mondiale, Robert ZOELLICK, préconisait un nouveau système international comprenant : le dollar us, l’€uro, le Yen, la Livre Sterling et le Yuan. Et de baser sa proposition sur le métal jaune en tant que point de référence international. La baisse du $ us, les soubresauts de l’€uro, les inquiétudes des pays partenaires de la zone €uro, mais aussi FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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le transfert du centre mondial du marché de l’or au Shangaï Gold Exchange, fort de ses 108 membres depuis 2002, tous ces effets convergents révèlent la fébrilité de la vox populi en général, tout investisseur confondu, bien avant la crise des subprimes de 2008, puisqu’aujourd’hui, malgré une stagnation relative des cours de l’or, ceux-ci se sont multipliés par 8 en dix ans. À ce titre, il est incontestable que le métal précieux garde non seulement la confiance des épargnants, mais aussi le statut de valeur refuge. VASTE DEBAT, mais qui a son importance. Là comme ailleurs, plusieurs chapelles s’affrontent. L’idée que l’or puisse devenir une monnaie internationale fait ressortir les vieux clichés qu’on nous a servis naguère, lorsque l’on était étudiant : l’or est anti-civique, il ne fait travailler en rien l’industrie. C’est un raisonnement de passéistes, mis au banc du fétichisme. Les enfants de Keynes concluraient par leur formuletitre : « L’or ? Relique barbare ! » Autre son, mais toujours dans le même camp. Si l’étalon-or réapparaissait, cela donnerait un rôle dominant aux grands pays producteurs, au premier rang desquels, la Chine. Vous imaginez sans peine les conséquences géopolitiques. D’autres, toujours dans la même catégorie négationniste, sont dubitatifs quant à la production annuelle aurifère qui ne cesse de baisser depuis plus de 20 ans et, d’après eux, cette tendance devrait perdurer. C’est précisément parce que cette mesure menacerait le $ us qu’elle serait très difficile à faire accepter, notamment aux States. Les défenseurs de l’étalon-or avancent tout autre argument. Selon eux, cela équivaudrait à un refus de toute intervention de l’État, impossibilité d’imprimer de la

SERGE C. VINET CONSEILLER ÉLU À L'AFE SUISSE & LIECHTENSTEIN MEMBRE DE LA COMMISSION DES FINANCES

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monnaie sans limite, car ceci devrait correspondre à la quantité d’or en réserve. Plus de risque de distorsion entre sphère monétaire et économie réelle. Cela aurait au moins le privilège et l’avantage d’éviter le recours à la planche à billet qui, nourrissant le crédit et la spéculation, est responsable de la crise actuelle. Il y a quelques années, certain de nos ministres du budget, étant peu inspiré ou peu renseigné sur les tribulations aurifères, avait, un peu hasardeusement, liquidé quelques tonnes de nos réserves d’or à un prix approximatif de 4 fois moins cher que les cours d’aujourd’hui. Depuis l’ascension permanente des cours, vous n’entendez plus aucune nation vous dire qu’elle est prête à se séparer de ses réserves d’or... Les effets pervers du système actuel profite abusivement aux États-Unis avec le double statut du $ : Monnaie nationale américaine et monnaie d’échange et de réserve internationale. La forte demande de $ au niveau mondial permet de maintenir le cours de la monnaie à de hauts niveaux et, aux States, de s’endetter à moindre prix. Autre précision qui a son importance, les économies réalisées par les entreprises américaines sont dispensées de convertir leur monnaie pour le commerce international. Alors, si un retour immédiat vers l’étalon-or me semble peu envisageable, l’idée fait son chemin et le débat reste ouvert. Mais à l’unanimité, il faut trouver une solution ! En gardant toutefois à l’esprit ce que nous enjoignait Saint Augustin : « LE BONHEUR, C’EST DE CONTINUER À DÉSIRER CE QU’ON POSSÈDE ! » serge.c.vinet@bluewin.ch

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Hommage

Hommageà

JackPenissard Dimanche 23 octobre 2011 à 17 h 30 à la Cité Bleue, Genève, a été prononcé un discours à l’occasion de la Remise d’un Certificat de Mérite décerné à titre posthume à Monsieur Jack Penissard par SE l’Ambassadeur Keichi Suganuma.

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DE LA CABRO D’OR AU SOLEIL LEVANT

Monsieur l’Ambassadeur, Madame le Consul Général Adjoint, Monsieur le Président, et tous nos amis de Genève, Lausanne et Zürich. Monsieur le Président du Conseil d’État Mon père avait un rêve. Ma mère avait un rêve. Il s’avéra que ce rêve était le même : aller vivre au Japon. Vous l’avez compris, c’était à chacun leur rêve d’enfant. C’est au pied d’un oratoire (petit monument religieux ancien, fréquent le long des chemins de Provence) qu’ils ont échangé ce rêve. Cet oratoire est celui de la “Cabro d’or”, la chêvre d’or en provençal, personnage mythique à l’instar de “Momotaro” au Japon. C’est la chèvre d’or qui les a conduits par les chemins du monde. Et Dieu sait s’ils ont voyagé. Mais, et c’est Rudyard Kipling qui l’a dit : « Si tu peux rêver… sans t’asservir aux rêves, tu seras un homme, mon fils ». Ce fut le cas de mon père. Car si, dès leur arrivée sur le sol nippon en 1963, sa soif de curiosité, le goût commun de mes parents pour l’inhabituel, voire l’insolite les a comblés, c’est la réalité du travail au Japon et avec des Japonais qui l’a passionné. Certes, on ne saurait comprendre l’énergie qu’il a déployée quelque 40 années plus tard comme Président de l’Association Suisse-Japon, ici, pour lui imprimer cet élan neuf que, Mr l’Ambassadeur, vous voulez bien reconnaître, si on ignore son passé de 8,5 années vécues à Tokyo. J’aimerais en rappeler quelques traits. Tout d’abord comme Assistant du Conseiller Commercial auprès de l’Ambassade de France, de 1963 à 1965, puis comme Directeur du Centre Français d’Exposition* (Fransu Boeki Center) situé à un nœud névralgique du Centre de Tokyo. « Tameike no Kosaten » : Qui ne connaît pas ? Inauguré le 3 juin 1965, par le Ministre du Com-

merce, Mr Miki Takeo, en présence de Mr Ishizaka du Keidanren (patronat japonais) et de Mr Sanson, Président du Comité des Foires Français. Mr Louis de Guiringaud étant Ambassadeur de France, mon père eut la tâche d’amener des exposants… à quelque 10 000 km, avec la mission sous-jacente mais essentielle à ce type d’activité, de développer des échanges. C’était un travail de défricheur. Le “Centre Américain” (Trade Center) était à 400 mètres. Le Japon décollait économiquement et était avide de connaissances nouvelles, mais pour qu’elles aient un rayonnement, il fallait attirer la presse, stimuler l’intérêt, gagner des soutiens. Sur la sélection de photos présentée dans le tableau à gauche, nos amis Nippons reconnaîtront la Princesse Suga, Mrs “Shimazu”, sœur de Sa Majesté l’Empereur… Et outre Mr le Ministre Miki, un jeune visage de l’équipe du “Fransu Boeki Center” qui devait devenir Mme Naïto, épouse de l’Ambassadeur Shohei Naïto, bien connu par les trois postes qu’il occupa ici à Genève, dont celui de Consul Général. Il est à noter que pour mon père, il était inconcevable de ne pas associer d’autres pays à son travail : la Suisse bien sûr pour les expositions de fromage certes, mais aussi avec, par exemple, la firme Siber Hegner (Groupe DKSH), et en étroite collaboration avec le fameux magasin Kinokuniya à Aoyama. Les Grands Magazins de Tokyo, tels Seibu et Takashimaya, l’associaient dans les promotions au Centre d’exposition de produits français et étrangers, aussi bien que dans leurs grandes expositions culturelles comme celle de Napoléon ou celle de Modigliani. Mentionnons aussi la Belgique pour telle exposition de papiers peints. Enfin, lorsque le calendrier le permettait, lui-même offrait des locaux à la culture. Expo de lithographies du peintre Mathieu inaugurée par le Prince et la Princesse Takamatsu, de tapisseries Zadkine, ou encore de partitions musicales. Celle-ci mérite une mention particulière : une dame, Yoshiko Furusawa, lui téléphone à cette

*À la fin des années 70, « les effets réels et coordonnées des exportateurs français et de l’administration de notre pays ont permis d’approcher de très près l’équilibre des échanges français et japonais… » a fait remarquer Jack Pénissard dans une allocution aux anciens élèves du Lycée Jean Giraudoux. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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coup de voyages avec un objectif de créer un département des affaires économiques. Ses amis de quelque 20 années, sont ici représentés et je salue leur amité fidèle. Par ailleurs, c’est peu après son arrivée en 1975 que l’Association Suisse-Japon, section Suisse Romande vit le jour sous l’égide de l’Ambassadeur Kitahara. Mr Rokuro Kurachi sera nommé Secrétaire Général et l’ancien Ambassadeur de Suisse au Japon, un fin connaisseur d’art, Mr Jean de Rham, sera le premier Président, Maître André Tombet, avocat toujours fidèle au poste, et nous évoquerons les ombres chères de Mr Claude Barbey, Nicolas Bouvier et Jean-Daniel Pichon. Sur le tableau de droite, vous verrez les Présidents qui ont tous apporté leur énergie à la cause de l’association. Vous verrez une des réalisations voulues par le Comité du 30e anniversaire en 1995. Le 1er voyage au Japon de cette association, à prix accessible, ainsi que la réedition par la Maison Slatkine du livre du 1er Plénipotentiaire Suisse au Japon Aimé Humbert, éditée pour la première fois en 1870 chez Hachette. Une exposition de son matériel iconographique exhumé à cette occasion est en préparation pour 2014 à Neuchâtel. Enfin, parmi les activités de ce dévouement qu’on appelle bénévolat, qui exige beaucoup d’un être humain, il convient de citer six années où mon père fut Président de la Chambre de Commerce France-Suisse, Section Suisse Romande, de 1987 à 1991. Charge pour laquelle “l’Ordre National du Mérite français” a bien voulu l’accueillir parmi ses chevaliers, et par la suite les “Conseillers du Commerce extérieur de la France” dans son cercle d’activité Je ne saurai omettre le “Cercle littéraire de la Rive Gauche” fondé dès 1976 par ma mère, dont tous les membres en particulier les médecins et leurs époux professeurs nous ont soutenus pendant la brève mais terrible épreuve de sa maladie. Aujourd’hui, Monsieur l’Ambassadeur, vous lui conférez le Certificat de Mérite du Japon. Nous vous en sommes très reconnaissants. Sachez que dans les ultimes paroles de mon père, au sujet de votre pays si meurtri cette année 2011, il formulait sa croyance inébranlable dans la capacité de rebond du peuple japonais. Dans ce beau pays d’accueil, la Suisse si aimée des Japonais et de tous ceux ici présents de tant de nationalités diverses, venus à votre invitation, puissent d’autres énergies jaillir pour que l’Association Suisse-Japon poursuive sa tâche humble mais essentielle, sous l’égide du Président Inomata et de son Comité. Lors de son travail à l'Ambassade de France à Washington (1959-1963), il a participé aux négociations du “Kennedy Round”. À la fin de son mandat de Directeur du Centre Français d'Expositions à Tokyo, il a lui-même écrit que « Grâce aux efforts conjugués avec tous les services en charge des échanges franco-japonais, ce fut une des rares fois où l'équilibre FABRICE PENISSARD commercial entre la France et le Japon a été réalisé. »

occasion : elle offre de prêter sa collection d’autographes de “De Bussy, Fauré, Ravel”. Cette très grande cantatrice, créatrice du rôle de Mélisande dans l’œuvre de De Bussy dans les années trente, nous l’avons retrouvée ici, en 1971, épouse du cher Mr Kurachi. Ils dorment maintenant au cimetière de la Roche sur Foron. De cette époque, il convient de retenir des graines semées par mon père, sans autre but que la pensée : « ce serait bien si on essayait ». Ainsi le lancement d’un cours de français commercial dans ses locaux vides, le soir pour encourager les participants à aller commercer dans les pays d’Afrique francophone. Le succès fut tel que le Président de la Chambre de Commerce française accepta de décerner le Prix de fin d’année. À noter que c’était un Zurichois. Une autre graine semée par pur jeu d’amitié : “la fête de la Vigne et du Vin” au Gueymard Budoen à Sagamihara. Elle reçut une adhésion populaire telle… qu’il y a peu, la ligne de train Odakyu Line y convoyait quelque 7 000 personnes, chaque automne.

« Si tu peux rêver... sans t’asservir aux rêves, tu seras un homme, mon fils. »

Encore une autre, à ne pas passer sous silence : lors de voyages au Japon, vous avez pu voir la baguette de pain français. La maison DONQ (voir le site internet www.donq.co.jp) aux multiples succursales de boulangerie, pâtisserie… fut la première concrétisation de son initiative de faire venir le premier professeur de boulangerie. On lui a même érigé une statue. Voyager au Japon fut toujours pour lui un grand bonheur et c’est à Sendai qu’il fit l’acquisition d’une lanterne de pierre rustique peu avant de quitter Tokyo en 1971. Quelle ne fut pas sa désolation et sa stupeur lorsqu’en mars dernier, il vit les images terribles du Tsunami dans un lieu qu’il avait aimé. En septembre 1971, il arrive à Genève. Il s’est alors consacré à d’autres causes. Evoquons-les. D’abord, ses fonctions professionnelles au sein de l’IRU International Road transport Union. Cette activité exigeait beau15

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Hommage

ChristianPolin rendhommageà JackPenissard HOMMAGE PRONONCÉ LE JEUDI 23 JUIN 2011 EN L’ÉGLISE SAINT-PAUL-DE-COLOGNY

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Très chère Madame Penissard, cher Fabrice, Vous m’avez demandé d’évoquer la personne et la vie de notre cher Jack. Je le fais au nom de la Section suisse de l’Ordre national du Mérite et au nom de la Section suisse des Conseillers du commerce extérieur de la France. Ce qui frappait de prime abord chez notre Compagnon et Collègue Jack Penissard, c’étaient sa très grande sensibilité, une perception pénétrante des êtres et des choses, une vie intérieure très riche qui affleurait à travers l’écoute attentive qu’il savait dispenser. D’où, chez lui, une intuition immédiate qui complétait son intelligence toujours en éveil. Ajoutez à cela une culture qui éblouissait par sa polyvalence et son ampleur, et vous aurez une image de cette âme hors du commun. Jack Penissard fut aussi un homme de devoir et de droiture, pour qui le service à la communauté et à son pays allait de soi, ce qui est le propre des esprits nobles. Il sut, en toutes circonstances, s’épurer des scories de l’existence et rester stoïque face aux vicissitudes de la vie... Jusqu’à cette évolution fatale qui, depuis le diagnostic à Pâques, voici un peu moins de trois mois, d’une tumeur à la langue, s’acheva abruptement, à la suite d’une opération réalisée la semaine passée, par son décès post-opératoire. Nous l’avions revu en avril, lors de l’Assemblée générale des Conseillers du commerce extérieur de la France, où, assis à côté de lui pendant le repas, j’avais été, comme de coutume, impressionné par ses analyses de l’économie mondiale, qu’il suivait avec passion.

Jack Penissard est né à Châteauroux, dans ce Berry profond si bien évoqué par George Sand. Il fit ses études secondaires au Lycée Jean-Giraudoux, où d’excellents professeurs surent l’éveiller au goût du grand large. Ceci le conduisit, de par une tradition familiale dont son prénom est le reflet, à une maîtrise très précoce de l’anglais, à l’ouverture au monde, puis au sésame de l’école des HEC dont il obtint le diplôme en 1956. Le premier tournant de sa vie le conduit, durant ses vingt-sept mois de service militaire dans l’aviation, à la base de Salon-de-Provence où le général Louis Delfino, ancien de l’escadre Normandie-Niemen, le choisit comme interprète d’anglais pour assurer ses contacts avec la base américaine de Colorado Springs. C’est en Provence qu’il fait votre connaissance, chère Madame Penissard. Et ce sont les contacts noués outre-Atlantique qui lui permettront, au terme de son service militaire, de postuler avec succès au Ministère de l’économie et des finances. Le voilà donc nommé dans le Service d’expansion économique de l’Ambassade de France à Washington OC. Votre jeune couple y restera trois ans, de 1960 à 1963. Puis, mutation fondamentale dans votre vie commune, votre mari est nommé assistant du Conseiller commercial près l’Ambassade de France à Tokyo. C’est pour vous deux une découverte, que dis-je, une illumination, à l’origine de la fascination que les paysages, la population, la culture et la langue du Japon exerceront sur vous. Si la France fut votre pays d’origine et de nais-

Christian Polin

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sance, le Japon fut votre pays d’élection, comme, plus tard, la Suisse devint votre pays d’adoption. Sur la volonté exprimée par le Président Giscard* d’Estaing, un centre d’exposition français est créé à Tokyo. Il est conçu comme la vitrine de la France et c’est à Jack Penissard, âgé de moins de trente ans, que l’on en confie la responsabilité. Et voici que débutent un travail exaltant et un long séjour à Tokyo où vous tissez des liens très étroits avec d’importantes personnalités japonaises, dont certaines proches de la famille impériale. C’est une épopée... Ne me disiez-vous pas hier, chère Madame Penissard, que Jack continuait à consacrer une heure et demie par jour à la pratique du japonais. Non content de maîtriser les hiragana et les katakana, ce qui est, dans le fond, l’enfance

mer bénévolement de nombreuses responsabilités ou à recevoir des distinctions : De 1987 à 1991, il est président de la Chambre de commerce franco-suisse pour le commerce et l’industrie pour la Suisse romande. Cette fonction le conduit tout naturellement à être nommé par décret Conseiller du commerce extérieur, activité qu’il a exercée jusqu’à son décès. Il est décoré en 1989 des insignes de Chevalier dans l’Ordre national du Mérite et devient membre de la Section suisse des décorés de cet ordre. Enfin, de 2002 à 2008, il est président de l’Association Suisse-Japon, section romande, succédant à M. KURACHI Rokuro, l’un des fondateurs. Il met à son actif plusieurs réalisations dont, notamment, l’impression en fac-similé de l’ouvrage très

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Jack Penissard fut un homme de devoir et de droiture, pour qui le service à la communauté et à son pays allait de soi, ce qui est le propre des esprits nobles. Il sut, en toutes circonstances, s’épurer des scories de l’existence et rester stoïque face aux vicissitudes de la vie...

de l’art, il répétait consciencieusement les cinq cent kanji qu’il avait appris, ce qui, disait-il, constituait sa gymnastique cérébrale quotidienne. Vous-même, vous complétez harmonieusement à Tokyo son œuvre admirable de défense et d’illustration de la culture et des produits français. Ainsi, vous êtes pendant huit ans professeur de français auprès de la chaîne de radio-télévision japonaise NHK. Et vous continuerez, du reste, en étant correspondante externe du Journal de Genève pour le Japon. Mais ceci nous ramène, oserai-je dire, hélas, sous nos climats... Car tout bonheur subit des transitions et des métamorphoses. Vous rentrez en 1971 en Europe, où l’on a proposé à Jack un poste important auprès des Services économiques de l’Union internationale des transports routiers à Genève. C’est au sein de cette association que se poursuivra et s’accomplira sa carrière professionnelle, couronnée par de nombreuses réussites. Mais le besoin d’activité de Jack et son sens du service à la communauté le conduisent à assu-

recherché d’Aimé Humbert, ministre de Suisse au Japon, qui l’écrivit durant son séjour dans l’archipel au cours duquel il signa, en 1864, le premier traité de commerce entre les deux pays. Jack était demeuré du reste membre d’honneur du Comité sous la présidence de M. INOMATA Tadanori. Cette vie hors du commun s’est achevée. Les personnes présentes dans cette église n’ont connu qu’une partie de cette existence. Mais j’aime à imaginer que, de par l’évocation que je viens d’en faire, tous ceux qui l’ont connu et aimé, qu’ils soient disparus ou absents, entourent aussi en esprit le défunt. Ainsi, notre hommage sera complet. Nous exprimons à Madame Monique Penissard et à Fabrice Penissard nos condoléances profondes et affectueuses. Pour reprendre vos termes, chère Madame, notre Compagnon et Collègue Jack Penissard restera pour nous tous l’image de cette pureté de vie dont le Mahatma Gandhi disait qu’elle est l’art le plus authentique et le plus élevé qui soit. CHRISTIAN POLIN

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Humanitaire SERVICE DES TRANSPORTS

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merci pourun trajet Quelque 7 000 conducteurs bénévoles sillonnent le pays pour le compte du service des transports de la Croix-Rouge suisse (CRS).Ursula Sägesser en fait partie. Les remerciements et les conversations avec ses passagers sont sa récompense pour les milliers de kilomètres parcourus.

e sourire d’Ursula Sägesser est cordial, accueillant. En toute humilité, elle parle de son engagement bénévole. Elle inspire une confiance rassurante, qualité essentielle des conducteurs de la Croix-Rouge. Depuis deux ans, au volant de sa propre voiture, elle roule pour le compte du service des transports de la CRS dans la région de Winterthour, permettant ainsi à des personnes malades ou infirmes de se déplacer. L’emblème de la Croix-Rouge bien visible sur le pare-brise, elle est sur les routes trois à cinq fois par semaine. Mais son action bénévole ne se passe pas seulement derrière le volant. Ursula Sägesser simplifie à maints égards la vie des clients qui recourent à cette prestation : elle accompagne les personnes handicapées jusqu’au véhicule, les aide à prendre place et à s’attacher, porte parfois un bagage, ouvre une lourde porte et attend souvent que son passager puisse rentrer chez lui après un rendez-vous. À la question de savoir si elle aime conduire, elle répond en souriant : « Oui, j’aime conduire. Après mon départ à la

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Trudi Waser, 91 ans, fait appel au service des transports de la CRS depuis 15 ans déjà.


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retraite, je voulais me rendre utile. Cette activité m’a attirée, et comme je remplissais toutes les conditions pour devenir conductrice Croix-Rouge, je me suis proposée. » À l’instar de tous les conducteurs bénévoles, Ursula Sägesser a suivi une formation de base d’un jour. La CRS organise en outre des cours de perfectionnement ainsi que des rencontres pour les conducteurs. Les stages de conduite en font bien sûr partie. « Chacun s’estime bon conducteur », rappelle Ursula Sägesser en clignant de l’œil. Sa récompense, c’est certes la gratitude des passagers, mais aussi les agréables conversations qu’elle a avec eux. « Certains me racontent leur destin tragique, malgré lequel ils conservent un état d’esprit positif. Ça me fait réfléchir, et ça m’aide à rester optimiste. » C’est le cas par exemple de sa nouvelle cliente, Trudi Waser, l’ancienne patronne du restaurant Rössli Seen à Winterthour. La vieille dame de 91 ans est pleine de joie de vivre, comme une jeune fille amoureuse au printemps. Dans la cafétéria de l’EMS, elle se déplace aussi rapidement que si elle devait servir les repas entre la cuisine et la salle. C’est son rythme normal. « Comme quoi, quand on est patronne d’un restaurant, c’est pour la vie ! Personne de mon âge ne veut se promener avec moi, je marche trop vite ! » Trudi Waser est très satisfaite de sa conductrice. « Oui, vraiment très satisfaite ! Et même, on devrait donner des médailles à tous les conducteurs de la Croix-Rouge. Je suis cliente du service des transports depuis 1996 et tout a toujours marché comme sur des roulettes. TOUJOURS ! », souligne-t-elle. Ursula Sägesser trouve que sa cliente, comme d’habitude, est vêtue avec goût. Elle la complimente. « II faut bien porter les vêtements qu’on a. À mon âge, on ne sait jamais quand ils vont atterrir à la brocante », argumente la vielle dame avec humour. « Et vous savez, j’ai toujours été de nature joyeuse. Même le matin, je ne faisais jamais la tête. Et quand quelque chose me chagrinait, je ne le montrais à personne. La semaine prochaine, je dois aller à l’hôpital à cause de mon pied. On verra bien ce qu’ils veulent faire », dit-elle impassible. Je comprends ce qui motive Ursula Sägesser, et nous échangeons un sourire complice. Tant de courage, c’est contagieux.

«On devrait donner des médailles à tous les conducteurs de la CroixRouge.»

Ursula Sägesser conduit sa cliente en thérapie une fois par semaine.

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À propos... LE SERVICE DES TRANSPORTS DE LA CRS es personnes très âgées, handicapées et malades doivent souvent faire appel à un conducteur, par exemple pour se rendre chez le médecin ou parce qu’elles doivent suivre une longue thérapie. Le service des transports de la Croix-Rouge est là pour elles. Grâce à des dons et au soutien d’Allianz Suisse Assurances, les passagers ne paient qu’une indemnité kilométrique. Ainsi, recourir à cette prestation est à la portée de toutes les bourses. Pour beaucoup de personnes qui doivent régulièrement se rendre chez le médecin ou en thérapie, le service des transports est souvent la seule solution supportable financièrement pour soulager leurs proches, quand ils en ont. La CRS organise les trajets, forme et suit les conducteurs bénévoles. Pour parvenir à couvrir ces frais, elle fait appel à la générosité des donateurs.

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Le véhicule privé servant aux trajets.

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redcross.ch/servicedestransports

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Engagement n père journaliste, décoré de la légion d'honneur et de la croix de guerre avec palmes, avait combattu dans les tranchées à Verdun. Officier de réserve, il reprit du service en 1939. Quand il partit au front, il étreignit dans ses bras une ultime fois sa petite Annette en lui faisant promettre de bien prendre soin de sa maman. Elle ne le revit jamais. Après des études de Lettres, Psychologie et Sociologie, elle suit l'exemple de son père et s'engage à 20 ans dans les Forces Françaises Libres. Comme dans sa prime enfance, elle avait suivi ses parents en Floride, elle maîtrisait parfaitement la langue anglaise. Elle fut désignée comme officier de liaison auprès des forces armées américaines. Apprenant que celles-ci organisent des Noëls pour les enfants allemands, elle se précipite chez le commandant pour lui demander d'en faire autant pour les enfants français. Ce dernier, penaud, lui dit : « ok pour le Noël à Paris, mais

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Quand

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Amour rimeavec LeMeitour De ses grands yeux verts toujours émerveillés, elle vous répond, auréolée de son casque immaculé : « Oui, depuis ma naissance, j’ai été baignée d’Amour ! Pensez-donc, mon père, qui avait perdu ses deux premières épouses de la tuberculose, et ma mère qui avait vécu l’évacuation de Reims en 1916 dans un train pendant plus de 24 heures avec la fièvre puerpérale, cela n’offrait guère d’espoir à ces deux êtres d’avoir, un jour, la joie de devenir parents. Vous imaginez le bonheur de ma mère et de mon père quand, par une belle journée de printemps 1924, une petite Annette poussa son premier cri sous les cieux parisiens. Maman avait 42 ans ! Rendez-vous compte, à cette époque-là, c’était inespéré ! Maman n’y pensait plus, Papa n’y croyait plus ! Alors, j’ai été baignée d’Amour. On a beau dire, mais c’est important l’Amour. On ne donne jamais assez d’Amour à un enfant. Et puis, dans ma vie de femme, j’ai vécu le grand Amour. Quand j’ai rencontré Sioma* à Genève, nous étions faits l’un pour l’autre. Je venais de Paris, lui de Kiev, en Ukraine. Après 20 ans de mariage, il me tenait toujours la porte et me regardait passer. Lui qui était imprimeur-éditeur, lisait très souvent. Je profitais de ces instants de quiétude pour compulser mes dossiers auprès de lui, tout près de lui. Nous étions à la fois proches, complices et calmes. J’ai eu la chance qu’il s’endormît dans mes bras, comme maman l’avait fait. » FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

Annette Kaplun

vous l'organisez vous-même ! » Paris libéré, elle réunit 6 000 enfants au Gaumont pour le Paris American Christmas Fund, qu'elle venait de créer, distribue des jouets dans 80 orphelinats et organise, trois années consécutivement, un vrai Noël pour les orphelins français. 1947 la voit rejoindre Genève où, attirée depuis son enfance par l'œuvre d'Henry Dunant, elle est engagée par la Ligue des sociétés de la Croix-Rouge, comme directrice du service de l'information et des publications. Elle s'y consacrera 10 années. Après avoir obtenu en 1956 un diplôme d'éducation pour la santé à l'Université de Londres, elle est nommée, en 1958, secrétaire général de l'Union Internationale d'Éducation pour la Santé et consultante auprès de 20


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Avec Annette, l'argent s'entrepose, la discrétion s'impose dans un seul but : le Confort des ses résidents (le mot pensionnaire est proscrit de son vocabulaire). En plus de 40 ans d'existence, c'est plus de 200 vies transformées par 150 employés spécialistes d'un encadrement et respectueux de leur mission. Annette, lumineuse, aussi à l'aise au beau milieu de smokings sombres que dans la cour des fauteuils roulants, se souvient et tient à rappeler que jamais, au grand jamais, l'aventure de Foyer - Handicap n'aurait pu prendre son envol sans Suzanne Salmanowitz, puis Karin Cramer, première et deuxième présidente du comité d'action. Mais aussi, pas de gala ni de tombola sans Olivier Dunant et Madame Stéphane Barbier-Muller, Madame Thierry Lombard, Madame Elias Zilka. Elle se souvient aussi du gala pour fêter leur 25e anniversaire sous l'égide du mythique Herbert A. Schott, directeur général de l'Intercontinental qui sponsorisa le dîner offert aux 400 invités réunis au Grand Théâtre. Un jour, sur les conseils de quelques amis, elle s'octroya quelques moments de répit en Thalassothérapie à La Baule. Convaincue des bienfaits de celle-ci, elle s'empressa d'installer une salle de thérapie avec bains bouillonnants au centre de Cressy. C'est en 2000 que fut inauguré le tout nouveau centre de Cressy qui comprend la résidence Yamani, un atelier

l'OMS. Elle y fonde une revue qu'elle va diriger 20 années durant et publier nombre d'ouvrages qui font encore aujourd'hui référence : • Health Promotion in the working world. • Health Promotion and chronic illness: Discovering a New quality of Health : Discovering a New Quality of (WHO Regional publications, european séries N° 44). • Mémento d'éducation pour la santé : Union Internationale d'Éducation pour la santé, revue internationale d'éducation pour la santé 1973. Puis vint l'Aventure de Foyer-Handicap. Sa vocation humanitaire la fait transformer avec des amis, en 1967, un appartement pour une personne handicapée. Deux années s'en suivent, puis elle crée FOYER-HANDICAP. Elle va en assumer la présidence pendant trente années où sa vie va se confondre avec celle de son association. Entendons-nous bien, Annette ne crée pas de ghettos. Non ! Elle veut ce qu'il y a de meilleur pour les foyers de grands handicapés physiques. Elle veut que ceux-ci soient des résidences les plus modernes d'Europe. Alliant le confort aux technologies les plus avancées, on vient d'ailleurs de partout pour visiter ses foyers et de s'en inspirer... Ses foyers sont dotés d'Ateliers professionnels où les personnes handicapées peuvent s'épanouir de 18 ans jusqu'à la retraite.

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Pour OSER Y CROIRE : La personne handicapée physique est une personne capable autrement ! Tout ceci ne tombe pas du ciel comme par enchantement. Avec son comité d'action, elle recherche sans relâche et trouve des fonds privés qui permettent de construire d'autres foyers et de les faire vivre en complément des fonds publics. Elle organise des soirées de gala, au cours desquelles elle récolte, avec l'appui de centaines de bénévoles, des fonds très importants. Annette sait déplacer des montagnes, mais c'est aussi une fabuleuse public-relation, munie d'un carnet d'adresses hors du commun. Elle possède ce savoir-faire d'animer des rencontres autour de “Son Sujet” et dans le seul but qu'il se réalise. Elle fidélise aussi bien les petits porteurs que les grands donateurs. Elle bénéficie du concours de grands professionnels tels que Simon de Pury et François Curiel. Elle s'assure la complicité d'Ernesto Bertarelli, Marina Picasso, des familles genevoises comme Barbier-Muller, Lombard, Firmenich, Denise Strawski et la présidente de son comité d'action, Betty Dunant. C'est aussi sans compter le don de 5 millions de francs suisses de son Excellence M. Ahmed Zaki Yamani, mais aussi le concours précieux de la Loterie Romande, Unigestion, l'hôtel Intercontinental, la fondation Lord Michelham - of - Hellingly...

d'occupation permettant d'accueillir 20 personnes cérébro-lésées où l'atelier offre 35 postes de travail. S'ajoute à ce centre, Cressy Bien-être où 60 emplois sont d'actualité. Le financement fut monté avec le concours du comité d'action qui recueillit 7 millions de dons, de legs et un emprunt hypothécaire. Le canton de Genève contribua, pour 6 autres millions, ainsi que la fondation Yamani pour 5 autres millions. Les subventions de l'OFAS totalisèrent 4,5 millions, et la Loterie Romande 500 000 chf. Le Centre de Cressy, ses bains et son complexe sportif sont ouverts aux personnes handicapées extérieures et aux autres habitants de la région.

Annette Kaplun, l’Insatiable ! « Aime et fais ce que tu veux. Si tu te tais, tais-toi par amour. Si tu parles, parle par amour. Si tu corriges, corrige par amour. Si tu pardonnes, pardonne par amour. Aie au fond du cœur la racine de l'Amour : de cette racine, il ne peut rien sortir que de bon. » Saint Augustin. Se souvenant qu'elle est née française, Annette passe la frontière pour y jeter son dévolu sur la commune de Ville La Grand. Avec quelques amis, dont Michel Mulliez, elle approcha, en 2006, Monsieur le Maire, j'ai nommé Raymond Bardet. > 21

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Engagement

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Origine du projet : Après étude, l'Association OSER Y CROIRE est constituée afin de prendre le relais d'Espace-Handicap, qui, à l'origine du projet, se consacre à une autre mission. Construction de 27 studios de 35 m2 avec balcon, entièrement domotisés et complètés par trois appartements T1 bis - T2 & T3 pour des familles dont un membre est handicapé. Située en plein centre de Ville-LaGrand, sur un terrain de 2 738 m2, la résidence de 3 étages est proche des commerces, offrant la sécurité de soins adaptés et un service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH). Avoisinant les locaux d'Espace-Handicap, seront ouverts au public un restaurant et une cafétaria, sans oublier un panel d'activités valorisantes et des ateliers. La Résidence Villa Magna se veut un véritable lieu de rencontre et de socialisation. Ce lieu s'inspire de la Charte d' O.Y.C. : INTEGRER - VALORISER RESPECTER. Basé sur une écoute attentive de la personne, le dispositif mis en place offre : • Prestations hôtelières : repas, ménage, lingerie, etc. • Soins médicaux-sociaux gradués en fonction de chaque résident. • Occupations valorisantes : informatique, jardinage, activités artistiques. • Activités de soutien pour la réalisation avec le résident de son projet de vie. • Possibilités de travail professionnel en ESAT. • Large éventail d'activités ludiques : loisirs, sorties, vacances. Annette Kaplun fut le moteur, la cheville ouvrière de cette création. Elle en est aussi l'accélérateur, permettant, grâce à ses dons fabuleux de communicatrice et de sa conviction tenace auprès des architectes, hommes politiques, administrations concernées, bénévoles, etc., d'obtenir la réalisation rapide. Très fière de la Résidence Villa Magna, sa marraine, Nicoletta, souhaite que ce lieu fasse exemple et soit initié dans d'autres villes de France. La première pierre y fut posée le 26 juin 2010, ce fut l'occasion pour le président d'OSER Y CROIRE, Me Manuel

Riera, de fixer la date d'ouverture d'ici à 18 ou 20 mois et remercier tous les acteurs de cette véritable épopée. Je pense, disait-il au Conseil Général, à la DDASS, la direction territoriale départementale de l'ARS, à l'AGGLO, à Ville-LaGrand et son Maire, Raymond Bardet, dont l'encouragement fut sans faille, aux donateurs en tête de liste HMR, la fondation Lord Michelham of Hellingly, le groupe APICIL, la fondation Yamani, les fonds Deniber et Retanod, la fondation Claire-Henriette Bérenger, les Clubs service Rotary Annemasse - Doyen & Genevois - Lions Club Annemasse - Club Inner Weel Annemasse - La Fondation de France et, pardonnez-moi, tous les bénévoles qui apportent leurs compétences professionnelles et leur enthousiasme et à toutes celles et à tous ceux qui ont “voulu” ce projet. Ce fut aussi la récompense inattendue, décernée le lundi 20 septembre 2010 par la Fondation de France, nous remettant le prix national “S'Unir pour Agir”. L'ouverture de la Résidence Villa Magna est prévue à l'Automne 2012. Pourquoi pas le 20 septembre ! Le coût total de cette réalisation s'élève à 10 072 498 €, se décomposant comme suit : Achat du Terrain : 167 956 € (achat du terrain sur fonds propres YOC) Construction : 9 204 542 € (847 498 €, subvention du Conseil Général 6 625 000 € emprunt PLS 900.000 € emprunt complémentaire 832.044 € fonds propres YOC Équipement : 700.000 € (200 000 fonds propres YOC, 500 000 € emprunt marché public) TOTAL : 10 072 498 € Pour OSER Y CROIRE « La personne handicapée physique est une personne capable autrement ! » SERGE CYRIL VINET

*Sioma Kaplun, apatride, devint suisse. Annette le devint par mariage avec Sioma. Lorsque, quelques années plus tard, elle se rendit au Consulat Général de France à Genève pour renouveler son passeport français, on lui apprit qu'elle était devenue suisse et qu'à ce titre, elle avait renoncé ipso-facto à sa nationalité française. Autres temps, autres mœurs. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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Écho de l’économie

Remisedes

TrophéesCFSCI avecPascalCouchepin Les Gagnants et sponsors des Prix FFSCI Pascal Couchepin En haut : Jean-Baptiste Maugars. Ci-dessus : Dominique Ducret.

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Contacts

a.barriere@romandie.com

ept prix pour cette 23e édition des Trophées CFSCI du Commerce Franco-Suisse ont été attribués ce 20 janvier à Montreux avec l’invité d’honneur, Pascal Couchepin. Après les discours de Maurice Monbaron, Président de la CFSCI et Philippe Boissy, Chargé d’affaires à l’Ambassade de France à Berne qui remplace l’Ambassadeur S.E.M. Alain Catta, des prix ont été remis. Celui du Développement français en Suisse a été remis par Renault à la Société Adatis, représentée par Alain Palisse de Martigny ; celui du Développement Suisse en France a été remis par Dassault Aviation à la Société Nexthink représentée par Vincent Bièri ; le Prix de la Tradition et du Savoir-Faire a été remis par Lyria à la Société Favarger représentée par Jean-Baptiste Maugars de Versoix ; le Prix Industrie et Technologie a été remis par Véolia à la Société Isover Saint Gobain représentée par Renaud Roquigny ; le Prix de l’Innovation a été remis par l’OSEC à

la Société Avidor représentée par Dominique Ducret ; le Prix VIE Volontariat International en Entreprise a été remis par le CCE de la France à Fanny Cabanès ; le Prix Spécial du Jury a été remis par Jean-Noël Rey au Groupe H représentée par Hervé Dessimoz qui a construit le Refuge du Goûter à 3835 m sur la Voie du Mont Blanc. Pascal Couchepin, après avoir fait l’apologie du Valais, a parlé des livres et de la concurrence outre frontière Suisse car maintenant, avec les sites par correspondance, il est dur de contrôler la concurrence et, je cite « et en temps que libéral classique, il est triste de voir quelques gabelouts ouvrir quelques paquets supplémentaires et avec une tabelle de voir si le dernier Goncourt est vendu en ligne le même prix que dans la librairie du coin ». Il a cité Montesquieu : « Toute loi qui n’est pas nécessaire est inutile » et a parlé maintenant du livre électronique qui ne fait pas partie des livres papiers. Il rend hommage avec un terme qui rappelle un personhttp://www.cfsci.ch nage de la politique française, je cite « À Genève : 022 849 05 70 aux travailleurs et travailleuses... suisses » À Zürich : 044 262 10 70 pour leur sens de leurs responsabilités, surtout à propos de Novartis. La grosse partie de son discours, en temps qu’invité par la CFSCI, a été des réflexions sur les différents accords avec l’Union Européenne, et la relation entre la Suisse et la France est solide avec ses rencontres dans le temps avec le Premier ministre de la France, je cite « François Fillon connaît tous les sommets de la Suisse et c’est toujours un moment d’émotion et je ne suis pas sûr que le Président ALAIN BARRIÈRE de la République ait fait tous les 4000 ! ».

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Sécurité sociale Pour Jean-Pierre Cantegrit, Sénateur représentant les Français à l'étranger, Président de la Caisse de Sécurité Sociale des Français de l’Étranger - CFE :

«Beaucoupde chosesontchangé danslemondeen 30ans.C’estlecas pournos compatriotes expatriésau-delà denos frontières.»

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Étapes et Perspectives

droite et de gauche. Il s'agissait de venir en aide aux communautés françaises en difficulté, aux personnes âgées ainsi qu'à l'enfance en détresse, et de participer aux rapatriements d'urgence. Dans ce contexte, c'est au début de l'année 1978 qu'ont été mis en place les décrets d'application de la loi du 31 décembre 1976 qui, pour la première fois, ouvraient notre Sécurité sociale aux salariés français de l'Étranger. C'était une très importante innovation et c'est grâce aux travaux de la commission Bettencourt dont est issue cette loi, que la CFE

Origine de la Sécurité Sociale pour les Français de l’Étranger : les prémices datent de 1965, relativement aux caisses Arrco-Agirc. Mais la vraie rupture intervient en 1977 avec la création d'un fonds d'action sociale alloué au Ministère des Affaires Etrangères. Ce pôle social a été créé alors que Raymond Barre était premier ministre de la France. Il a été abondé durant de nombreuses années par les gouvernements successifs de FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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a été créée. Les collaborateurs de Simone Veil, puis de Jacques Barrot étaient chargés de sa mise en place. La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine-et-Marne a été choisie pour des raisons de proximité et d'efficacité. Les premières adhésions ont dès lors débuté. Depuis lors, la protection sociale des expatriés a constamment été améliorée. À cet égard, il s'agit d'un système original, puisque nous sommes le seul pays, avec la Belgique, à avoir mis en place une telle couverture sociale. Ailleurs, la norme c'est l'adhésion des expatriés aux seuls régimes locaux, souvent très insuffisants ou, bien entendu, à un assureur privé. Les enjeux de la protection sociale aujourd'hui : la Caisse des Français de l'Étranger compte aujourd'hui plus de 100 000 adhérents et ses effectifs ont augmenté d'environ 35 % sur les cinq dernières années. Cette progression s'inscrit dans un contexte favorable, c'est-à-dire l'augmentation du nombre de Français qui partent s'installer à l'étranger. Cela dit, l'expatriation aujourd'hui prend des formes nouvelles : les Français s'expatrient plus tôt dans leur carrière, voire partent dans le cadre de programmes spécifiques pour les jeunes (Programme Vacances Travail, volontariat civil…), ils travaillent souvent dans des entreprises locales... Leur protection sociale doit s'adapter à ces nouvelles tendances et c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles le conseil d'administration de la CFE s'est engagé notamment dans une politique de baisse des cotisations pour les jeunes (étudiants, VVT…) et dans le développement des partenariats avec des assureurs complémentaires pour fournir des produits “tout en un” aux expatriés.

CFE - Chiffres et Repères 2011

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UNE PROTECTION CONTRE TROIS RISQUES • Nombre de personnes couvertes pour la maladie maternité : 172 286 (adhérents + ayants droit) • Vieillesse (retraite de base de la Sécurité sociale) : près de 47 950 adhérents à cette assurance. • Accidents du travail et maladies professionnelles : 39 150 adhérents à ce risque. NOS ADHÉRENTS À LA LOUPE 101 475 adhérents (+56 % depuis 2000) et près de 200 000 personnes couvertes Plus de 4400 entreprises mandataires (+ 93 % depuis 2000) 171 250 risques souscrits (+ 68% depuis 2000). Où vivent-ils ? LES 5 PAYS QUI COMPTENT LE PLUS D’ADHÉRENTS À LA CFE Les 5 pays avec les plus fortes progressions entre 2009 et 2010 : Afrique = 39 975, Asie = 25 738, Europe = 16 608, Amérique = 16 463 dont USA = 6391, Océanie = 1 822, Autres = 869, Maroc = 10 250, USA = 6391, Chine = 4735, Royaume-Uni = 3612, Sénégal = 3260, Canada + 421 adhérents, Maroc + 335 adhérents, Haïti + 295 adhérents, Australie + 235 adhérents, USA + 218 adhérents.

Les améliorations à apporter • La 3e catégorie aidée. La CFE est confrontée au désengagement de l'État pour le financement de la 3e catégorie aidée de cotisants (un peu moins de 4000). Ce sont donc environ au moins 9000 Français de l'étranger avec leurs ayant droits qui sont concernés par cette décision prise par la Loi de Modernisation Sociale de 2002. Vouloir imposer à la CFE de financer une obligation prise par l'État par un texte législatif au détriment de ses réserves qui sont nécessaires pour faire face aux accidents du travail, maladies professionnelles, est plus que préoccupant. Face à cette situation, les membres du conseil d'administration de la CFE restent unis dans un

Les évolutions

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TAUX DE PROGRESSION Entre 2005 et 2010 = + 32, 6 % d’adhérents Entre 2000 et 2010 = + 56 % d’adhérents Quelques progressions importantes : Pour les adhérents salariés entre 2005 et 2010 : +40,9 % Pour les étudiants adhérents entre 2005 et 2010 : +121,1 %

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même objectif: rester vigilants face à ces évolutions et remises en cause pour continuer de proposer une protection sociale au plus grand nombre de Français installés à l'étranger. • L'assurance vieillesse. Jusqu'en 2010, l'adhésion à l'assurance volontaire vieillesse était soumise à une condition de nationalité française (les ressortissants de l'Union Européenne pouvaient également adhérer s'ils avaient été affiliés à un moment quelconque à un régime obligatoire français d'assurance vieillesse). À la suite d'un arrêt unique de la Cour de Cassation, cette règle a été supprimée et remplacée par une condition d'affiliation à un régime obligatoire français d'assurance maladie pendant 5 ans, cela afin de ne pas créer de discrimination à l'égard des ressortissants étrangers. Une disposition qui pose deux problèmes majeurs : elle écarte les Français expatriés qui n'auront pas, ou pas suffisamment, résidé en France ; de plus, elle pose des problèmes d'application. La condition d'affiliation à un régime d'assurance maladie pendant 5 ans ne peut pratiquement jamais être prouvée de façon directe. Cela étant, notre objectif demeure clair : que le plus grand nombre de nos compatriotes résidant à l'étranger adhèrent à la CFE avec des cotisations de plus en plus adaptées à leurs situations, conjuguées à une rigueur de gestion accrue. JEAN-PIERRE CANTEGRIT SÉNATEUR REPRÉSENTANT LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE PRÉSIDENT DE LA CAISSE DE SÉCURITÉ SOCIALE DES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER (CFE) JANVIER 2012


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Santé & Bien-être

Combattezle

cholestérol avecdes comprimésnaturels À quoi sert le cholestérol ?

Une solution naturelle pour le cholestérol : la levure rouge de riz

Le cholestérol est un composant des membranes cellulaires qui contribue à leur stabilité et au maintien de leurs structures. Il a un rôle de "tampon thermique": à 37°, il limite le mouvement des phospholipides, donc la fluidité membranaire diminue ; à des températures plus basses, il empêche l'entassement des phospholipides. Le cholestérol est également utilisé par l’organisme pour fabriquer des substances vitales : la vitamine D3 qui intervient dans la calcification des os ; les hormones cortisol, progestérone, œstrogènes et testostérone ; les sels biliaires.

La levure rouge de riz résulte de la fermentation d’une levure élevée sur du riz. Cette levure produit un pigment rouge caractéristique qui la colore et lui a donné son nom. Très populaire en Chine comme agent colorant ou rehausseur de goût pour des recettes tels le tofu rouge, les légumes marinés, le canard pékinois ou le travers de porc, la levure rouge de riz est aussi appelée hung-chu ou hong-qu. Bien avant notre ère, les Chinois connaissaient la levure rouge de riz pour ses vertus culinaires, mais lui attribuaient également des propriétés favorisant une bonne circulation sanguine et un rôle dans le soutien de la santé cardio-vasculaire1. Ainsi ses propriétés bénéfiques pour la santé furent connues dès l’an 800 av. J.C. Un ouvrage de pharmacopée chinoise écrit de 1368 à 1644 sous la dynastie Ming, le Ben Cao Gang Mu-Dan Shi Bu Yi, donne une description détaillée du processus de fermentation du riz pour l’obtenir. De très nombreux essais cliniques récents indiquent que la levure rouge de riz peut améliorer le profil lipidique de personnes ayant des niveaux de cholestérol trop élevés.

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Que se passe-t-il en cas d’excès ? Les artères sont modifiées, des plaques de dépôts graisseux se forment et leur dilatabilité diminue : c’est l’artériosclérose qui est cause d’accidents cardio-vasculaires comme l’infarctus ou l’accident cérébral. Un taux élevé de cholestérol étant un facteur de risque, il faut donc agir le plus tôt possible. Les traitements classiques incluent des modifications de l’alimentation et des habitudes de vie, des médicaments et des suppléments nutritionnels. Réduire sa consommation de graisses saturées peut avoir une influence, mais la plus grande partie du cholestérol ne provient pas de sources alimentaires : elle est synthétisée par le foie. C’est lui qui régule le taux de cholestérol. Malheureusement, le mode vie moderne contribue à perturber l’équilibre augmentant ainsi les risques de maladies cardiovasculaires.

0. Red yeast rice for dyslipidemia in statin-intolerant patients: a randomized trial. Becker DJ, Gordon RY, et al. Ann Intern Med. 2009 Jun 16 ; 150 (12) : 830-9, W147-9. 1. Heber D., Natural Remedies for Healthy Heart, Garden City Park, NY, Avery, 1978. 2. Heber D. et al., Cholesterol-lowering effects of a proprietary Chinese redyeast-rice dietary supplement, Am. J. Clin. Nutr., 1999, 69:231-236.

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Mode d’action de la levure rouge de riz

contact@swissnp.ch

La levure rouge de riz a un effet inhibiteur sur la biosynthèse du cholestérol dans les cellules du foie. Des chercheurs chinois ont découvert que plusieurs composants de la levure rouge de riz agissaient comme des inhibiteurs de la HMG-CoA réductase. Cette activité provient d’une famille de neuf substances contenues naturellement, appelées monacolines. La monacoline K est particulièrement efficace. Ainsi, la levure rouge de riz doit être normalisée à 4% de monacoline K. Elle contient également des stérols, des isoflavones et des acides gras monoinsaturés2. Ces derniers semblent promouvoir la baisse des niveaux de triglycérides tout en augmentant ceux du bon cholestérol. La levure rouge de riz est bien tolérée. Un essai a été mené auprès de 59 sujets ayant cessé de prendre leurs

statines en raison de douleurs musculaires. Les sujets ayant pris de la levure rouge de riz durant 24 semaines n’ont pas ressenti plus de douleurs musculaires que ceux prenant un placebo0. Le diagnostic, le suivi et le traitement de l’hypercholestérolémie doivent être faits sous contrôle médical. Thiémard Monascus est prescrit par les médecins.

DR. MARC THIÉMARD SPÉCIALISTE EN THÉRAPIES NATURELLES

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Conseil Taux de plus de 8mmol/l de cholestérol: 3 comprimés au repas de midi et 3 comprimés au repas du soir Taux de 6 à 8 mmol/l : 2 comprimés au repas de midi et 2 comprimés au repas du soir Taux de 5 à 6 mmol/l : (1 comprimé au repas de midi et) 2 comprimés au repas du soir Maintien du taux en-dessous de 5 mmol/l : 1 à 2 comprimés au repas du soir.

Thiémard Monascus es comprimés Thiémard Monascus ne contiennent ni colorant ni agent conservateur. Ils sont naturellement rouges avec 300mg de levure rouge de riz contenant 4% donc 12mg de monacoline K par comprimé. Disponible en pharmacie : Pharmacode 4816454. Comprimés faciles à avaler : forme d’œuf. Boîte de 200 comprimés.

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Éducation

LaPriseencharge

mesure de compensation partielle est à l’étude, dans la limite de 170 000 euros financés par l’AEFE.

enquestions...

> Est-il nécessaire, selon vous, de prendre de nouvelles mesures en vue de mieux maîtriser le coût de la PEC, en sus du moratoire et de la cristallisation ? En revanche, l’exercice budgétaire 2013 risque de se heurter à un problème majeur. En effet, les prévisions de dépense réalisées à ce jour laissent apparaître, à périmètre constant, un besoin de financement de 139,5 M € pour une dotation fixée aujourd’hui à 116 M € Si la dotation programmée à ce jour devait être maintenue, elle impliquerait la mise en œuvre de nouvelles mesures de régulations particulièrement importantes.

Le Sénateur Louis Duvernois, en sa qualité de Rapporteur de la Mission “Diplomatie Culturelle et d’Influence”, vient d’auditionner Madame AnneMarie Descotes, directrice de l’AEFE, dans le cade du projet de Loi de Finances 2012 et soumet à vos réflexions... La Prise en charge en questions...

> La politique de bourses de l’AEFE est-elle soutenable ? Pour inscrire dans la durée en fonction de leurs revenus l’aide à la scolarité accordée aux familles, les pouvoirs

> La dotation prévue dans le PLF 2012 pour le financement des bourses scolaires et de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l’étranger (PEC) est-elle encore cette année en deçà de l’estimation de dépense réalisée par l’AEFE (NB : en 2011, 119 millions d’euros de subvention contre une dépense estimée à 126 millions) ? Les prévisions 2011-2013 avec maintien du plafonnement de la prise en charge à son niveau actuel s’établissent comme suit :

2011 Bourses scolaires 84 M € PEC après extension du plafonnement 33,7 M € Total après extension du plafonnement 117,7 M € Dotations 117,8 M €* Besoin de financement 0M€

2012 93,6 M € 31,9 M € 125,5 M € 125,5 M € 0M€

2013 106 M € 33,5 M € 139,5 M € 116 M € 23,5 M €

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* Après taxations et dégel de la mise en réserve de précaution La mise en œuvre du décret du 9 mai 2011 portant détermination des plafonds de prise en charge des frais de scolarité a conduit à réviser à la baisse les prévisions initiales de dépense sur la période 2011-2013. Dans ce nouveau cadre, la nouvelle estimation de dépense au titre de l’exercice 2011 (84 M € pour les bourses scolaires, 33,7 M € pour la prise en charge devrait normalement s’inscrire dans la limite de la dotation allouée après dégel (117,8 M €). Il devrait en être de même pour l’exercice 2012 à périmètre constant (prévision de dépense de 93,6 M € pour les bourses scolaires et de 31,9 M € pour la prise en charge pour une dotation programmée de 125,5 M € NB : avec le plafonnement sur l’année 2007/2008, 28 établissements offrent désormais un taux de prise en charge inférieur à 65% du montant des frais de scolarité actuels. Pour les établissements les plus touchés, une

publics sont parvenus pendant 21 ans à aligner les moyens dévolus au dispositif des bourses scolaires aux paramètres exogènes auxquels il est assujetti (évolution des effectifs d’élèves scolarisés, augmentation des frais de scolarité, fluctuation des parités entre monnaies) et qui, conjugués, impliquent structurellement un accroissement régulier des besoins. Si les dotations allouées au dispositif devaient être gelées ou diminuées dans les années à venir, cette situation conduirait nécessairement à une modification des règles fixant aujourd’hui l’attribution des bourses scolaires, avec d’importantes conséquences pour les familles. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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> En l’état actuel de ses ressources, quel scénario l’AEFE devrait-elle mettre en oeuvre dans le domaine immobilier (consolidation des capacités, extension du réseau d’enseignement ou scénario intermédiaire) ? La recherche de nouveaux financements pour les projets immobiliers a été rendue nécessaire après l’interdiction d’emprunter auprès d’organismes de crédits privés à compter du 1er janvier 2011. L’AEFE prévoit quelques grandes opérations de construction et des rénovations. Pour l’année 2011, l’Agence a pu bénéficier d’une dotation complémentaire de l’État d’un montant de 9,5 M € afin d’assurer le financement des trois opérations immobilières qui avaient été votées par son Conseil d’Administration de novembre 2010 et qui prévoyaient un recours à l’emprunt, à savoir : Amman : 3,5 M € (sur les 6,5 M € d’emprunt prévu à l’origine) Berlin : 2,6 M € (montant total du projet)

> Où en sommes-nous dans l’application du contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’AEFE ? Le contrat d’objectifs a été adopté lors du CA de l’AEFE du 25 novembre 2010. Dans le cadre du dialogue de gestion entre l’AEFE et sa tutelle, les indicateurs ont été adoptés lors du CA de l’AEFE du 11 mai 2011.

Anne-Marie Descotes, Directrice de l’AEFE.

Bruxelles : 3,4 M € (sur les 7 M € d’emprunt prévu à l’origine). Pour l’année 2012, l’Agence a reçu un accord de principe de sa tutelle pour recourir à des avances de l’Agence France Trésor à concurrence de 12,6 M € pour une durée de 8 ans, ce qui va lui permettre de financer la fin des deux opérations ciavant ainsi que plusieurs autres opérations déjà votées à sa programmation immobilière pluriannuelle. Une dotation exceptionnelle d’un montant de 4 M € devrait être également affectée à l’Agence en 2012 pour financer des opérations de mise en sécurité d’un certain nombre d’établissements dans les pays les plus exposés.

> Quel est le montant du fonds de roulement de l’AEFE en 2011 (quelle a été son évolution sur la période récente) et l’équivalent en jours de fonctionnement ? Rappel de méthodologie : en application des dispositions du décret n° 2003-1288 du 23 décembre 2003 relatif à l’organisation administrative, budgétaire et comptable de l’AEFE, le fonds de roulement global de l’agence est constitué, depuis 2004, de l’agrégation du fonds de roulement des services centraux et des fonds de roulement des 34 groupements de gestion comptable des établissements en gestion directe. Toutefois, les fonds de roulement des établissements doivent être distingués de celui des services centraux car ils sont constitués localement par les écolages versés par les familles. Il importe de bien mesurer que le fonds de roulement de chaque établissement est considéré par la communauté scolaire comme représentant les économies de l’établissement. Il n’y a donc pas de caractère d’unicité du fonds de roulement. Le fonds de roulement de l’AEFE est abondé par les excédents cumulés des services centraux et des EGD. Le fonds de roulement permet de disposer d’une trésorerie suffisante pour faire face aux engagements financiers de l’Agence. Cette trésorerie est nécessaire notamment pour lisser l’irrégularité de l’encaissement des ressources propres. Le montant du fonds de roulement de l’AEFE en 2011 ne peut être à cette date que prévisionnel puisque les comptes ne seront arrêtés qu’au 31 décembre. Pour la présentation au Conseil d’Administration du 30.11.2011, le fonds de roulement estimé est : Service centraux : 71.376.086 € soit 36 jours de réLOUIS DUVERNOIS serve SÉNATEUR DES FRANÇAIS RÉSIDANT EGD : 116.492.199 € soit 122 jours de réserve HORS DE FRANCE AEFE : 187.868.285 € soit 64 jours de réserve. l.duvernois@senat.fr

> Partagez-vous les conclusions du rapport du Gouvernement sur la prise en charge par l’AEFE des pensions civiles ? Cette dépense est-elle convenablement budgétée ? Quel sera le montant des ensions civiles à la charge de l’AEFE en 2012 et en 2013 ? La dépense est croissante (+ 15,4 M € sur la période 2011-2013) et l’AEFE peut la financer mais au détriment d’autres domaines essentiels pour le développement du réseau (comme l’immobilier). Le montant des pensions civiles à la charge de l’AEFE devrait s’élever à 151,1 M € en 2012 et 158,2 M € en 2013 (pour mémoire, il est de 142,7 M € en 2011).

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Bourses scolaires

Quiddes

Boursesscolaires? Cette session a eu pour objet de recueillir les avis sur les propositions de bourses scolaires des secondes commissions locales des pays du rythme nord (année scolaire 2011/2012) et des premières commissions locales des pays du rythme sud (2012). lle a également été l'occasion de faire le point sur le dispositif de prise en charge pour sa cinquième année d'application dans le nouveau cadre réglementaire fixé par le décret du 9 mai 2011. Vous trouverez les chiffres définitifs des dernières campagnes d'aide à la scolarité achevées ou pratiquement achevées. Ils distinguent les bourses scolaires toutes classes confondues, d'une part, et les prises en charge, d'autre part.

pratiquement achevées, le nombre de boursiers s'élève à 23 534 € et le montant des attributions à 78,23 M €, soit un coût moyen par boursier de 3 324 €.

E

Prise en charge : bilan quasi-définitif de la campagne 2010/2011 (pays du rythme nord) • nombre de demandes instruites : 8 270, • nombre de prises en charge rejetées : 793, • nombre de prises en charge initialement accordées, mais non consommées (élèves bénéficiaires après 1ère CNB non scolarisés à la rentrée de septembre : 495), • nombre de prises en charge accordées : 6 982, • montant des prises en charge accordées : 31,34 M €, • coût moyen par prise en charge : 4 489 €.

Bourses scolaires : bilan définitif de la campagne 2010/2011 (pays du rythme nord) Le bilan définitif de la campagne 2010/2011 des pays du rythme nord achevée en juin dernier s'établit comme suit : • nombre de boursiers : 21 807, contre 21 355 l'année précédente (+ 2,1 %), • montant des bourses accordées : 70 M €, contre 65,49 M € en 2009/2010 (+ 6,9 %), soit un montant moyen par boursier de 3 210 €, contre 3 067 € l'année précédente (+ 4,70 %). Le montant moyen des frais de scolarité pour les pays du rythme nord s'établit (effet change inclus) à 3 743 €, contre 3426 € l'année précédente (+ 9,25 %).

Prise en charge : bilan quasi-définitif de la campagne 2011 (pays du rythme sud) • nombre de demandes instruites : 406, • nombre de prises en charge accordées à ce jour : 366, • montant des prises en charge accordées : 1,86 M €, • coût moyen par prise en charge : 5 094 €. À ces montants, s'ajoute celui des compléments de prise en charge accordés aux élèves boursiers scolarisés dans une classe ouvrant droit à prise en charge et bénéficiant d'une quotité partielle de bourse : 716 pour 1,14 M €. Le nombre de prises en charge accordée pour ces deux campagnes s'élève à 7 348 pour un montant de 33,2 M €, soit un coût moyen par prise en charge de 4518 €. Au total, l'Agence a accordé, au titre des années scolaires 2010/2011 (rythme nord) et 2011 (rythme sud) une aide à la scolarité à 30 882 élèves pour un montant de 112,57 M €, soit un coût moyen par élève de 3 645 €. Les deux années précédentes, l'Agence avait accordé une aide à 29 120 élèves pour un montant de 99,63 M €, soit un coût moyen par élève de 3 421 €. Le nombre d'élèves bénéficiant d'une aide progresse ainsi de 6 % et le montant des aides qui leur sont accordées de 13 %.

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Bourses scolaires : bilan quasi-définitif de la campagne 2011 (pays du rythme sud) La situation de la campagne 2011 des pays du rythme sud s'établit avant prise en compte des bilans de fin d'année scolaire de la manière suivante : • nombre de boursiers : 1 727 (nombre quasi-identique à celui de l'année scolaire précédente : 1 725), • montant des bourses accordées : 8,23 M €, contre 6,51 M € l'année précédente (+ 26,4 %), • montant moyen par boursier : 4 766 €, contre 3 771 € en 2010 (+ 26,4 %), évolution qui tient compte de l'évolution des frais de scolarité, mais surtout de l'effet change euro/dollar), • le montant moyen des frais de scolarité pour les pays du rythme sud s'établit à 4 695 €, contre 3 686 € l'année précédente (+ 27,4 %). Au total, pour ces deux années scolaires achevées ou

Point sur l'exécution des campagnes bourses scoFRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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effective des élèves concernés, ceux-ci ont été placés hors scolarité. Leurs droits seront rétablis dès réception du document exigé. L'attention des postes et des établissements sera à nouveau appelée sur la nécessité de disposer, avant la tenue des secondes commissions locales, d'un certificat de scolarité collectif listant l'ensemble des élèves bénéficiant d'une aide au titre de l'année scolaire en cours.

laires en cours auxquelles les travaux de la présente session seront essentiellement consacrés : 2011/2012 pour les pays du rythme nord, 2012 pour les pays du rythme sud. Instruction des dossiers par les postes : Le service de l'aide à la scolarité de l'Agence a assisté les postes, autant qu'il était nécessaire, tout au long de leurs travaux pré et post CLB, dans un contexte d'important renouvellement des équipes consulaires en charge du dossier et de l'absence de maîtrise du domaine par bon nombre des agents nouvellement nommés. Sur un plan informatique, il convient de relever que le travail des postes a été fortement perturbé par la mise en place d'une nouvelle version de l'application SCOLA modifiant les modalités de connexion au logiciel.

Politique d'instruction des dossiers par l'Agence En raison de la publication tardive des instructions, tous les renouvellements de bourses présentés tardivement pour les pays du rythme nord ont été instruits favorablement par l'Agence. Il en a été de même pour les renouvellements de prise en charge. Barème L'Agence a supprimé les points de charge non justifiés introduits à tort dans le dossier de certaines familles. À noter que plusieurs CLB des pays du rythme sud (Sao Paulo , Buenos Aires...) ont voulu “corriger” les effets négatifs résultant de la modification du barème en pondérant à la hausse la quotité théorique de nombreuses familles. Afin de traiter réglementairement et de manière équitable les dossiers, l'Agence a aligné, sauf justification particulière, la quotité accordée sur la quotité théorique des familles concernées.

Instruction par l'Agence des propositions des commissions locales : L'Agence a instruit les propositions de 172 commissions locales. Les secondes CLB 2011/2012 de Lagos, Saint-Pétersbourg, Riga, Lusaka, Wuhan, Ljubljana, Katmandou, Khartoum ne se sont pas réunies en l'absence de dossiers à examiner. Il en a été de même dans les pays du rythme sud pour le poste de Wellington au titre de la première CLB 2012. Les commissions locales d'Abidjan et Ouagadougou se sont réunies cet automne pour la première fois au titre de la campagne 2011/2012 en raison des événements auxquels la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso avaient été confrontés en début d'année. Au travers de l'instruction de leur dossier, l'Agence a, une nouvelle fois, pu mesurer l'importance du travail accompli par la très grande majorité des postes consulaires pour assurer, dans les meilleures conditions possibles la gestion locale de l'aide à la scolarité dans un contexte de plus en plus difficile. Elle a ainsi relevé : • la très grande qualité du dossier de commission locale présenté par les postes de Tunis, Barcelone, PortLouis, Amman, Pondichéry... et les imperfections réglementaires ou techniques de quelques autres, malheureusement plus nombreux que les années précédentes (Vientiane, Djakarta, Moroni, Nairobi, Vienne, Djibouti, Santiago, Ouagadougou...) ; • le nombre de plus en plus élevé de postes appuyant leurs propositions (premières demandes en particulier) sur la base des conclusions des enquêtes sociales diligentées (Buenos Aires, Beyrouth, Tananarive, Casablanca, Bamako, Mexico...), certaines de ces enquêtes continuant d'être prises en charge financièrement par l'AEFE (Quito par exemple). À noter que l'Agence a rencontré de réelles difficultés pour obtenir de certains établissements les certificats de scolarité des élèves bénéficiant d'une aide, pièce justificative essentielle de la dépense à ce stade de la campagne. En l'absence d'attestation formelle de la scolarisation

NOTER QUE L’AGENCE A RENCONTRÉ DE RÉELLES DIFFICULTÉS POUR OBTENIR DE CERTAINS ÉTABLISSEMENTS LES CERTIFICATS DE SCOLARITÉ DES ÉLÈVES BÉNÉFICIANT D'UNE AIDE, PIÈCE JUSTIFICATIVE ESSENTIELLE DE LA DÉPENSE À CE STADE DE LA CAMPAGNE.

À

Tarifs scolaires Un nombre significatif d'établissements conventionnés ou homologués ont transmis, après la première commission nationale, voire après la rentrée scolaire, leurs tarifs 2011/2012 (Canton, Zurich, Johannesburg,...). Ils ont été pris en compte, tout en soulignant que cette fixation tardive des tarifs induit une charge de travail supplémentaire non négligeable, tant pour les postes que pour l'Agence. À ce jour, la moyenne annuelle des frais de scolarité des pays du rythme nord 2011/2012 s'établit à 3 936 € contre 3 743 € l'an dernier (+ 5,20 %), montants calculés sur la base des taux de chancellerie au 1er avril de chaque année. C'est l'UNIS, l'école internationale des Nations-Unies à New York qui pratique les frais de scolarité les plus élevés qui atteignent 19 369 € en moyenne, tous cycles confondus. C'est l'école de l'alliance de Morondava (Madagascar) qui appelle les tarifs les moins élevés avec une moyenne de 147 €. S'agissant des frais de scolarité à la rentrée 2012 dans les établissements des pays du rythme sud, l'Agence 31

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constate à ce jour une moyenne de 4 925 € contre 4 695 € l'année précédente, soit une augmentation en euros de 4,9 %.

au titre de chaque campagne. Cette année, 2 007 enfants potentiellement boursiers n'ont, en définitive, pas été scolarisés. Il s'agit là du nombre le plus important jamais enregistré dans l'histoire du dispositif. Selon les informations reçues des postes, leur répartition par motif de nonscolarisation s'établit ainsi : • 680 sont rentrés en France ou ont quitté la circonscription consulaire (33, 88 %) • 179 ont rejoint le système local (8,92 %) • 80 n'ont pas été scolarisés par choix des familles (3,99 %) • 43 ont été réorientés vers un autre système (2,14 %) • 8 ont échoué aux tests d'entrée ou de niveau (0,4 %) • 19 n'ont pas été accueillis par manque de place (0,95 %) • 3 ont été exclus pour indiscipline (0,15 %) • 2 ont été exclus pour mauvais résultats (0,10 %) • 182 n'ont pas été inscrits ou réinscrits (10,60 %) • 28 ne se sont pas présentés à la rentrée (1,4 %) • 44 n'ont pas été scolarisés, les familles jugeant la quotité de bourses attribuée insuffisante (2,19 %) • 58 (2,89 %) n'ont pas été scolarisés pour des motifs divers (maladie, éloignement...) • Pour 681 enfants (33,93 %), le motif de non scolarisation est demeuré inconnu. Ce phénomène touche principalement les postes de Tananarive, Abidjan, Casablanca, Madrid et Dakar. Il est possible qu'un nombre non négligeable de certificats de scolarité n'aient pas encore été transmis par les établissements.

Propositions de l’agence à la commission nationale (campagne 2011-2012 des pays du rythme nord) Après vérification des dossiers transmis par les postes par le service de l'aide à la scolarité et transformation de 413 demandes de bourses rejetées en demandes de prise en charge, l'Agence a soumis à l'avis de la commission nationale pour les pays du rythme nord au titre de l'ensemble de l'année scolaire 2011/2012 l'attribution de bourses à 2 2331 élèves pour un montant de 78,4 M €. Le montant moyen accordé par boursier s'élève ainsi à 3 511 €. L'Agence a validé le rejet de 3 276 demandes (11,9 %). Le nombre de boursiers apparaît ainsi en hausse de 5,1 % et le montant des bourses accordées en hausse de 14 % par rapport à la même période de la campagne précédente. Le coût moyen par boursier augmente de 7,3 %. Le nombre d'élèves boursiers évolue de manière très contrastée d'une zone géographique à l'autre : • Europe : + 10,8 % • Amérique centrale et sud : + 9,5 % • Amérique du nord : + 0,3 % • Maghreb : - 0,58 % • Afrique : + 3,6 % • Asie : + 8,4 % • Moyen-orient : + 5,6 %.

ETTE ANNÉE, 2 007 ENFANTS POTENTIELLEMENT BOURSIERS N'ONT, EN DÉFINITIVE, PAS ÉTÉ SCOLARISÉS. IL S'AGIT LÀ DU NOMBRE LE PLUS IMPORTANT JAMAIS ENREGISTRÉ DANS L'HISTOIRE DU DISPOSITIF.

C

Propositions chiffrées des commissions locales 2012 des pays du rythme nord Les premières CLB 2012 des pays du rythme sud ont instruit 2 033 demandes (279 premières demandes et 1 754 renouvellements). Elles en ont proposé favorablement 1 865, 34 à l'ajournement et 134 au rejet. Sur cette base, le taux de rejet des demandes par les CLB s'élève à 6,6 %, taux nettement inférieur à celui enregistré pour les postes des pays du rythme nord.

41,5 % des élèves boursiers sont scolarisés dans des établissements en gestion directe, 31,5 % dans les établissements conventionnés et 27 % dans les autres établissements. Par cycle, les boursiers se répartissent de la manière suivante : • 18,2 % pour le préélémentaire • 39 % pour l'élémentaire • 29,1% pour le collège • 13,7 % pour le lycée • 0,1% pour les classes post-bac.

Propositions de l’agence à la commission locale (campagne 2012 des pays du rythme sud) Pour les pays du rythme sud, l'Agence a proposé à l'avis de la commission nationale l'attribution de bourses à 1 808 élèves pour un montant de 8,96 M €. Hausse du nombre de boursiers de 7,7 % et augmentation du montant des bourses accordées de 13,4 %. Le coût moyen par boursier s'établit à 4 957 €, contre 4 708 € l'année précédente (+ 5,3 %). Enfin, le nombre de boursiers CNED (enfants isolés) s'élève aujourd'hui à 19 pour un montant estimé à 3 800 €.

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Point sur la non-scolaristation des élèves boursiers après la 1ère CNB à la rentrée scolaire 2011 L'Agence suit chaque année avec la plus grande attention le phénomène de non-scolarisation à la rentrée de septembre des élèves boursiers après la 1ère CNB dans la mesure où il influe de manière significative sur le nombre et le montant des bourses définitivement allouées

Quelques statistiques complémentaires Dérogations pour classes non homologuées : FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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• Nombre de demandes rejetées : 454 contre 866 l'an dernier • Nombre de PEC accordées à des élèves non scolarisés à la rentrée : 454 contre 518 l'an dernier • Nombre de prises en charge accordées : 7 329 (6 783 l'an dernier) pour un montant de 27,29 M € (30,96 M € l'an dernier) auquel s'ajoute le montant des compléments de prise en charge (1 000) accordés à des élèves boursiers à quotité partielle. Sur cette base, le nombre de demandes de prise en charge progresse de 8 % et le nombre de prises en charge accordées s'inscrit en 11,9 % en raison du plafonnement mis en place. Le

Le nombre de classes pour lesquelles une dérogation a été présentée s'établit aujourd'hui à 349. Elles accueillent aujourd'hui 725 élèves boursiers bénéficiant d'une aide de 2,52 M €. Dérogations pour dépassement de limite d'âge : Le nombre d'élèves en dépassement de limite d'âge s'établit à 316, soit 1,3 % du nombre total de boursiers. Boursiers âgés de trois ans : Le nombre d'enfants de trois ans pour lesquels une bourse est proposée favorablement s'élève aujourd'hui à 1 027, soit 4,25 % des élèves boursiers pour un montant de 3,68 M €. Bourses parascolaires : Le montant des bourses parascolaires attribuées à ce jour au titre des années scolaires 2011/2012 et 2012 s'élève à 16,77 M € contre 14,81 M € l'année précédente (+ 13,2 %). La part des bourses parascolaires représente ainsi 19,20 % du montant total des bourses attribuées. Les bourses de demi-pension représentent 38,2 % des bourses parascolaires, celles d'entretien 20,1 % et celles de transport 26,6 %. Au total, le nombre de boursiers au titre de l'année 2011/2012 (pays du rythme nord) et 2012 (pays du rythme sud) s'établit à ce jour à 24 139 contre 22 917 à la même époque l'an dernier (+ 1 222 élèves de plus, soit + 5,3 %) pour un montant de 87,36 M €, contre 77,38 M € l'année précédente (+ 12,9 %), soit un cout moyen mondial par boursier de 3619 €. Conséquences de l'application des mesures de régulation pour les familles : la quotité moyenne de bourse accordée reste quasiment inchangée par rapport à l'année précédente pour les pays du rythme nord (86,38 % contre 86,31 % l'année précédente). Dans le détail, sur 16 422 familles ayant présenté une demande de bourses, 8 121 (49,45 %) obtiennent une quotité de 100 %, 5 148 (31,35 %) une quotité partielle, et 3 153 (19,20 %) sont exclues du dispositif. La quotité moyenne de bourse s'élève aujourd'hui à 82,05 % contre 83,22 % l'année précédente pour les pays du rythme sud. Les campagnes en cours s'inscrivent dans le nouveau cadre réglementaire fixé par le décret du 9 mai 2011 portant détermination de plafonds de prise en charge par référence aux tarifs de l'année scolaire 2007/2008 pour les pays du rythme nord et de l'année scolaire 2008 pour les pays du rythme sud.

A QUOTITÉ MOYENNE DE BOURSE S'ÉLÈVE AUJOURD'HUI À 82,05 % CONTRE 83,22 % L'ANNÉE PRÉCÉDENTE POUR LES PAYS DU RYTHME SUD. LES CAMPAGNES EN COURS S'INSCRIVENT DANS LE NOUVEAU CADRE RÉGLEMENTAIRE FIXÉ PAR LE DÉCRET DU 9 MAI 2011 PORTANT DÉTERMINATION DE PLAFONDS DE PRISE EN CHARGE PAR RÉFÉRENCE AUX TARIFS DE L'ANNÉE SCOLAIRE 2007/2008 POUR LES PAYS DU RYTHME NORD ET DE L'ANNÉE SCOLAIRE 2008 POUR LES PAYS DU RYTHME SUD.

L

coût moyen par PEC s'établit à 3906 € contre 4 564 € (-14,4 %). > Prises en charge 2012 (rythme sud) : • Nombre de demandes présentées : 323 (384 l'an dernier) • Nombre de demandes rejetées: 13 (24 l'an dernier) • Nombre de prise en charge stricto sensu accordées : 307 pour un montant de 1,18 M € auquel s'ajoute le montant des compléments de prise en charge (128) accordés à des élèves boursiers à quotité partielle. En définitive, le nombre de prises en charge s'inscrit aujourd'hui en baisse de 15,9 % par rapport à l'année dernière à la même époque, et le montant des prises en charge accordées baisse de 37 %. Le plafonnement de la prise en charge instauré par le décret du 9 mai 2011 a soulevé : • la problématique des établissements où les frais de scolarité ont augmenté le plus fortement depuis 2007/2008, situation qui induit un reliquat particulièrement important à la charge des familles (Alger, Pondichéry...). L'Agence et sa tutelle continuent d'analyser cette question. • La question des modalités d'articulation du plafonnement de la PEC avec les abattements tarifaires, exonérations ou aides accordées par les employeurs. On notera le désengagement ponctuel de nouvelles entreprises (AIR MADAGASCAR, ARCELOR MITTAL, DALKIA (filiale EDF en Hongrie), AREVA (entreprise qui couvre uniquement désormais le reliquat restant à la

Prise en charge : point sur les campagnes 2011/2012 (pays du rythme nord et pays du rythme sud) Comme en matière de bourses scolaires, pour les pays du rythme nord, toutes les demandes tardives et tous les renouvellements tardifs ont été instruits favorablement par l'Agence. Pour cette cinquième année d'application, la situation en matière de prise en charge se présente à ce jour comme suit : > Prises en charge 2011/2012 rythme nord : • Nombre de demandes présentées : 8 415 contre 8 167 l'an dernier (+ 3 %) 33

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Bourses scolaires

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charge de la famille), PERNOD RICARD Allemagne, TOTAL Birmanie...). À noter que le plafonnement de la prise en charge sur les frais de scolarité 2007/2008 pour le rythme nord et 2008 pour le rythme sud pour les établissements a généré à ce jour une économie de 9,99 M € Quelques chiffres complémentaires concernant la PEC : 233 établissements concernés par la prise en charge • Gestion Directe : 34 • Nombre de bénéficiaires : 3 090 • Montant : 8,67 M € • Coût moyen : 2 806 € • Conventionnés : 116 • Nombre de bénéficiaires : 3 092 • Montant : 12,35 M € • Coût moyen : 3 994 € • Autres : 83 • Nombre de bénéficiaires : 1 454 • Montant : 8,79 M € • Coût moyen : 6 044 € Le lycée français de New York recevra la plus importante subvention de prise en charge (135 élèves pour un montant de 1,93 M €) suivi du lycée Charles de Gaulle à Londres (294 élèves pour 1,09 M €) et l'école Française de Lausanne Valmont (81 élèves pour 1,08 M €). > Synthèse budgétaire concernant l'aide à la scolarité (bourses scolaires et prises en charge) pour les deux années scolaires en cours : À ce jour, au titre de l'année 2011/2012 (pays du rythme nord) et 2012 (pays du rythme sud), le nombre de bénéficiaires d'une aide à la scolarité s'élève à 31 778 pour un montant de 117,78 M € (hors effet change). À la même époque, l'an dernier, le nombre total de bénéficiaires s'établissait à 30 060 pour un montant de 111,38 M €. Le nombre total d'élèves bénéficiant d'une aide progresse de 5,7 %, et le montant des bourses accordées de 5,74 % (hors effet change). Réflexions sur l'état actuel des dispositifs et sur leurs perspectives à court et moyen terme Il resulte de ces deux journées passées à la Commission nationale des Bourses que la gestion de l'aide à la scolarité ne s'est jamais révélée aussi complexe pour les postes consulaires et pour l'Agence, tant sur un plan réglementaire, qu'organisationnel et technique. On observe une progression constante du nombre de demandes à instruire, le passage de familles d'un système à l'autre, l'articulation délicate entre l'application RACINE et l'application SCOLA. Pour le service de l'aide à la scolarité de l'AEFE, la charge est d'autant plus lourde qu'il est contraint d'assurer l'ensemble des traitements liés au plafonnement de la prise en charge (l'application SCOLA ne gérant pas cette fonctionnalité) et qu'il a été conduit à pallier les insuffisances de moyens ou de maîtrise du domaine d'un nombre important de postes en raison de l'affectation d'un nouvel agent consulaire en charge du dossier. Sur un plan budgétaire, les dotations allouées aux deux

dispositifs (117,71 M € en 2011 et 125,5 M € en 2012) devraient, à périmètres inchangés, permettre de répondre aux besoins. L'effet change négatif enregistré au titre de l'exercice 2011 lors du paiement des subventions devrait, en effet, s'inscrire à un niveau nettement moins élevé que l'an dernier (1 M € contre 3). Par contre, la problématique du financement 2013 des deux dispositifs reste entière à ce jour, les crédits programmés à ce jour devant s'inscrire en baisse à 116 M € pour des besoins estimés à 139,5 M €.

L RESULTE DE CES DEUX JOURNÉES PASSÉES À LA COMMISSION NATIONALE DES BOURSES QUE LA GESTION DE L'AIDE À LA SCOLARITÉ NE S'EST JAMAIS RÉVÉLÉE AUSSI COMPLEXE POUR LES POSTES CONSULAIRES ET POUR L'AGENCE, TANT SUR UN PLAN RÉGLEMENTAIRE, QU'ORGANISATIONNEL ET TECHNIQUE. ON OBSERVE UNE PROGRESSION CONSTANTE DU NOMBRE DE DEMANDES À INSTRUIRE, LE PASSAGE DE FAMILLES D'UN SYSTÈME À L'AUTRE, L'ARTICULATION DÉLICATE ENTRE L'APPLICATION RACINE ET L'APPLICATION SCOLA.

I

S' agissant de la campagne 2012/2013 qui va prochainement s'ouvrir pour les pays du rythme nord, afin d'éviter tout nouveau dysfonctionnement dans l'information des familles, l'Agence a demandé aux postes par télégramme du 15 septembre dernier de rappeler aux chefs d'établissements participants qu'il convenait dès à présent d'appeler l'attention des familles sur les modalités d'accès à la prise en charge au titre de cette nouvelle campagne. Cette information, les procès-verbaux des instances locales en témoignent, a été pleinement relayée.

Conclusion

CHRISTIANE KAMMERMANN SÉNATEUR REPRÉSENTANT LES

FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE, MEMBRE DE L’ASSOCIATION NATIONALE DES ÉCOLES FRANÇAISES DE L’ÉTRANGER

FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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c.kammermann@senat.fr

>

Voici une présentation que j'ai souhaitée transparente et précise sur l'état actuel et les perspectives à court et moyen terme des dispositifs d'aide à la scolarité au bénéfice des enfants français résidant avec leur famille à l'étranger.


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CommissionnationaledesBoursesscolaires SPÉCIAL SUISSE

ANNÉE 2011/2012-2 RYTHME NORD Poste : GVA Genève Pays : 840 Suisse Composition de la C.L.B 1ère 2ème Poste : Service culturel : Conseillers AFE : Parents d'èlèves : Établissements : Enseignants : Associations de français : Autres :

3 1 5 2 2 0 3 0

3 1 5 0 3 0 1 0

TOTAL :

16

13

Type de revenu : BRUT

Inflation en % : 0,70

Taux : 2011/2012 CHF Taux : 2010/2011 CHF

0,77400000 0,69600000

Évo. en % :

11,21

Barème

2010/2011 2011/2012

%

Revenu min (B1) en DEV Revenu min (81) en EUR Part Enfant en EUR Coefficient K

25 414,00 17 688,14 3 507,15 0.25

25 414,00 19 670,44 39 00,18 0.25

0,00 11,21 11,21

ÉVALUATION DES REVENUS Évaluation des ressources des familles sur la base des documents suivants : certificat annuel de salaire de l'année précédente, déclaration d'impots, notification des éléments imposables, notification de la caisse d'allocations familiale suisse. Pour l'évaluation du patrimoine immobilier : acte de propriété, relevé des taux d'intérêts hypothécaires. Tout autre document utile selon la situation de la famille. Établissement(s)

Type Dérogation(s) pour classe(s) non homologuée(s) Nb Moy. EUR.

École du château du Bois de Belfaux

H

96

École française de Lausanne-Valmont H École primaire française de Genève

H

Institut Florimont de Genève

H

Suivi budgétaire

10 170,36 11,21 0,00 2 476,80 11,21 0,00

MONTANT DES AIDES À LA SCOLARITÉ EN EUR

ÉLÈVES

Accordé

2010/2011

715 191

65

Demandé CLB

2011/2012

1 164 635

93

Proposé CNB

2011/2012

1 194 806

96

dont 100%

% € %ML

1 075 798

81

Évolution

70%

OBSERVATIONS 1. Bourses scolaires 1.1. Propositions de la CLB : La commission locale a examiné 6 demandes de révisions qu'elle a toutes proposées favorablement. - Barème : revenus minima entérinés par l’Agence après avis de la 1ère CNB. - Tarifs : validés par l’Agence après avis de la 1ère CNB. - Remarques particulières formulées par la commission locale : un conseiller à l'AFE demande si l'augmentation du nombre d'élèves de seconde est directement liée à la prise en charge. Certains élèves rejoignent le système scolaire f rançais à partir de la seconde ce qui paraît être une option supplémentaire lorsqu'ils ne peuvent terminer leur cursus pour obtenir leur maturité dans le système local suisse en raison des critères de sélection sévères. Toutefois, cette décision est certainement facilitée par l'existence de la prise en charge. S'agissant du point de charge "loyer" sur la base de 3 dossiers, la commission propose de mettre en place des outils afin de faciliter les décisions de pondération à la hausse ou à la baisse des quotités en fonction des situations. Elle note également qu'il n'est 35

50%

pas souhaitable de s'enfermer dans un système trop rigide en raison des particularités des situations. S'agissant de la suppression de la mesure concernant les fratries, la CLB considèr e qu'un nombre restreint de familles ne constitue pas un argument pour sa suppression . L'économie limitée de 200 000 euros n'est pas négligeable dans un contexte de contrainte budgétaire. L'argument de la charge de gestion n'est pas justifié. Les lignes budgétaires relatives aux prises en charge et aux bourses sont d'ores et déjà distinctes. NB : 13 boursiers après la CNB1 n'ont pas été scolarisés (motif inconu). 1.2. Décisions de l'Agence après avis de la commission nationale : L'Agence, après avis de la commission nationale, a entériné les propositions de la CLB. En définitive, le nombre de boursiers s'établit aujourd'hui à 15. Le montant des bourses qui leur sont accordées s'élève à 119 007 €. II. Prises en charge À ce jour, l'Agence a accordé 81 prises en charge pour un montant de 1 075 798 €. >

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Bourses scolaires >

CommissionnationaledesBoursesscolaires ANNÉE 2011/2012-2 RYTHME NORD Poste : ZRH Zurich Pays : 840 Suisse Composition de la C.L.B 1ère 2ème Poste : Service culturel : Conseillers AFE : Parents d'èlèves : Établissements : Enseignants : Associations de français : Autres :

2 1 3 3 3 0 1 1

3 1 5 3 2 0 2 0

TOTAL :

14

16

Type de revenu : BRUT

Inflation en % : 0,70

Taux : 2011/2012 CHF Taux : 2010/2011 CHF

0,77400000 0,69600000

Évo. en % :

11,21

Barème

2010/2011 2011/2012

%

Revenu min (B1) en DEV Revenu min (81) en EUR Part Enfant en EUR Coefficient K

25 414,00 17 688,14 3 507,15 0.25

25 414,00 19 670,44 39 00,18 0.25

0,00 11,21 11,21

ÉVALUATION DES REVENUS Type Dérogation(s) pour classe(s) non homologuée(s) Nb Moy. EUR.

École française de Berne

C

7

6 132,66 14,38 2,86

Lycée français de Zurich

C

85

10 218,14 12,74 1,38

École française de Bâle

X

3

4 644,00 0,00 0,00 4 032,54 11,21 0,00

Suivi budgétaire

MONTANT DES AIDES À LA SCOLARITÉ EN EUR

ÉLÈVES

Accordé

2010/2011

671 005

92

Demandé CLB

2011/2012

835 143

96

Proposé CNB

2011/2012

822 318

95

1 075 798

649 342

dont 100% Évolution

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% € %ML

Établissement(s)

20%

OBSERVATIONS 1. Bourses scolaires La commiss ion locale a examiné 70 demandes (8 demandes tardives, 3 renouvellements tardifs et 59 révisions). Elle a formulé 51 propositions d'attribution et 19 propositions de rejet. - Barème : revenus minima entérinés par l'Agence après avis de la 1ère CNB. - Tarifs : nouveaux tarifs transmis depuis la 1ère CNB pour - École française de Bâle : augmentation de 33 % des droits de 1ère inscription pour les classes de primaire uniquement (309 euros) . - École française de Berne : augmentation des frais de scolarité de 6% pour les classes de maternelle (5 673 euros), 2 % pour les classes de primaire (5 456 euros) et 4 % pour les classes de 6e et 5e (6 710 euros). Augmentation de 10% des frais de demi-pension de la moyenne section de maternelle à la 3e (1 470 euros). - Lycée français de Zurich : augmentation moyenne des frais de scolarité de 1,5 %. Baisse de 5 % de la demipension pour les classes de maternelle mais augmentation moyenne de

2%

1,4 % de la demi-pension de la primaire au lycée. - Remarques particulières formulées par la commission locale : L'exonération de 25 % pour les personnes ayant un revenu inférieur à 200 000 CHF n'est pas appliquée pour les élèves de lycée. NB : 10 boursiers après la CNB1 n'ont pas été scolarisés à la rentrée pour les motifs suivants : - 5 ont quitté la circonscription consulaire - 2 ont rejoint le système local - 2 n'ont pas été scolarisés par choix des familles - 1 n'a pas été inscrit 1.2. Décisions de l'Agence après avis de la commission nationale : L'Agence, après avis de la commission nationale, a entériné les propositions de la CLB. En définitive, le nombre de boursiers s'établit aujourd'hui à 48. Le montant des bourses qui leur sont accordées s'élève à 253 534 €. Il. Prises en charge À ce jour, l'Agence a accordé 47 prises en charge pour un montant de 568 783 €.

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Éducation

MaternelleBilingue

LesCoquelicots

Sixansd’existence etuneréférencedanslebilinguismeàBâle l y a de cela 6 ans, France-Magazine avait eu l’occasion de publier un article sur cette école qui venait de s’établir à Bâle et qui se donnait pour vocation un enseignement bilingue français-allemand pour les classes maternelles. À l’heure où l’Instruction Publique du canton de Bâle-Ville est en train de tirer les premiers enseignements de son nouveau programme scolaire qui voit le français faire son apparition dès la troisième année de classe primaire, j’ai voulu savoir de quelle façon l’école maternelle bilingue était affectée et surtout s’il l’intérêt pour le bilinguisme à la maternelle était toujours d’actualité. Rencontre avec Fabien Duquesnes, directeur de l’école.

I

> France-Magazine : Monsieur le Directeur, merci de m’accueillir aujourd’hui afin de bien vouloir renseigner nos lecteurs sur votre école. Vous êtes le directeur de cette maternelle bilingue créée maintenant il y a un peu plus de six ans par des parents d’élèves. Que s’est-il passé durant ces années ? Fabien Duquesnes : En effet, Il y a un peu plus de six ans, un groupe de parents d’élèves trouvant que Bâle

n’offrait pas de classe maternelle bilingue français-allemand décida de créer sa propre école associative afin de promouvoir le bilinguisme, ces familles étant elles-mêmes issues de cultures différentes et bilingues. Bâle avait des maternelles de langue allemande ou française, mais aucune n’avait un programme mixte. Deux buts étaient poursuivis : promouvoir la langue française et allemande au même niveau permettant à leurs enfants de pouvoir s’exprimer dans ces deux langues avec la même aisance et connaître les us et coutumes de Bâle ainsi que de sa région. Le succès fût au rendez-vous puisque cela fait six ans que nous existons et l’école de désemplie pas. > FM : … et ce malgré le fait que le français est maintenant partie intégrante du programme de l’école publique dès la 3ème classe de primaire. Les parents n’ont-ils pas intérêt à attendre jusque-là ? FD : Non, au contraire. Je pense même que cela nous aide énormément. N’oublions pas que les enfants vraiment bilingues dès la petite enfance sont rares. Lorsqu’ils arrivent chez nous, il y a toujours une langue qui prédomine. Aussi la première année est-elle une année d’observation et d’imitation de “l’autre langue”, où l’enfant ne va pas beaucoup s’exprimer mais va surtout copier l’adulte où ses camarades de classe. Durant la deuxième année l’enfant va s’approprier des mots de l’autre langue tout en utilisant la structure de sa langue maternelle et ce n’est finalement qu’en troisième année qu’il va s’exprimer dans « l’autre langue » sans forcément passer par une traduction dans sa tête. Nos classes sont suffisamment équilibrées au 37

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Éducation >

niveau des langues pour que chacun s’y retrouve. Les enfants s’entraident aussi beaucoup entre eux. Plus cet apprentissage se fait tôt, meilleure sera l’assimilation de l’autre langue et donc une plus grande facilité pour l’école primaire. D’ailleurs, il y a 6 ans, l’école Les Coquelicots innovait en créant cette structure bilingue français-allemand, mais aujourd’hui, il y a 3 autres écoles qui proposent ce genre d’enseignement, preuve s’il en était que c’est un enseignement recherché.

> FM : Que se passe-t-il donc après l’école maternelle bilingue ? FD : Lorsque l’enfant arrive en Grande section, les parents ont généralement déjà une idée de ce qu’ils souhaiteraient pour leur enfant. C’est là qu’intervient le plus le rôle de l’enseignant et du directeur, puisque notre but est de guider les parents de manière à conseiller au mieux à ce momentlà. Il y a donc deux possibilités : la rentrée à l’école primaire suisse, souvent avec une dérogation car certains enfants sont un peu trop jeunes pour le système bâlois ou bien la rentrée à l’école primaire de langue française qui se trouve tout près de chez nous. Ces choix sont faits en fonction de la maturité de l’enfant et de la maîtrise des langues, pour leur bien-être et leur évolution. Nous ne faisons que conseiller. Les parents décident en dernier lieu, mais chaque année c’est à peu près la moitié dans chaque filière. > FM : Les familles qui inscrivent leur enfant, sontelles plutôt francophones ou germanophones ? FD : C’est très varié mais je dirais une très légère majorité de francophones, qu’ils soient Français, Suisses,

> FM : Que voyez-vous pour le futur ? FD : Encore une plus grande intégration des programmes et puis nous voulons obtenir le label bilingue de la ville de Biel/Bienne. Cela demande une parfaite communication dans les deux langues, c’est-à-dire que tout doit être parfaitement bilingue.

DIDIER ASSANDRI FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

> FM : Après 6 années d’existence, j’imagine qu’il y a eu certains changements ou adaptations qui ont été faits ? FD : Oui nous l’avons adapté en fonction des changements dans les programmes respectifs. Par exemple, pour le programme français, la lecture a une part plus importante dans la Grande section que par le passé. Pour le programme suisse, nous avons aussi une plus grande interaction avec le département de l’Instruction Publique de Bâle-Ville et profitons des structures locales, bibliothèques, musées. Nous avons aussi élargi le cadre de nos échanges avec des contacts d’autres maternelles à Hésingue (France) et d'autres en projet comme Lörrach (Allemagne) ou nous avons des échanges entre enseignants afin de profiter du savoir et du savoir-faire du voisin. Ces deux écoles sont elles-mêmes bilingues français-allemand. Nous avons aussi des contacts avec les crèches bilingues de Bâle afin d’assurer aux familles qui le désirent une continuité dans le bilinguisme. Nous voulons, dans un futur proche, créer un réseau bilingue français-allemand autour des Coquelicots ! N’oublions pas non plus que nous sommes en Suisse et que le français est une langue officielle de ce pays ; lorsque ces enfants seront grands, ils auront une plus grande facilité de communication entre les différentes régions linguistiques.

dassandri@bluewin.ch

www.expatria-cum-patria.ch

> FM : Avez-vous le même programme que les autres écoles bilingues ? FD : Je ne connais pas tous les autres programmes, mais nous enseignons un programme qui regroupe les programmes français et suisse (bâlois) pour l’enseignement de la petite enfance focalisé sur l’enseignement bilingue, c'est-à-dire qu’aucune des deux langues n’a plus de poids que l’autre ; la deuxième langue fait partie intégrante du programme et n’est pas une matière supplémentaire. Nous avons effectué une fusion du programme du Kindergarten bâlois avec celui de la maternelle française. Il a fallu faire quelques adaptations en évoluant quelque peu le programme bâlois et en clarifiant le programme français de façon à obtenir un programme commun dont les évaluations se font aussi bien en français qu’en allemand. Il y a une dominante en français pour tout ce qui est écriture et lecture et une dominante en allemand plus axée sur la logique et les mathématiques, de manière à pouvoir préparer les enfants aux deux systèmes d’école primaire : le français et le suisse.

Belges ou Canadiens. En fait cette année nous avons quinze nationalités différentes à l’école et 7 langues maternelles différentes parlées à la maison, certains enfants étant en contact avec 2 ou 3 langues.

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> FM : Alors, dernière question. Pour les familles intéressées, comment accède-ton à votre école ? FD : Tout d’abord, il y a notre site internet www.maternelle.ch, que l’on peut consulter pour plus de renseignements, ou alors tout simplement m’appeler au 061-535 1061. Comme condition d’inscription, outre l’âge requis, nous demandons à ce que l’enfant connaisse déjà (si possible) une des deux langues. Nous sommes limités à 45 places et les inscriptions se font sur dossier. Et puis il faut bien sûr que les parents aient un penchant pour le bilinguisme ! > FM : Merci beaucoup, Monsieur le Directeur. Rendez-vous est donc pris pour le dixième anniversaire !


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Plurilinguisme

Toutfeu Tout

FLAM

Des nouvelles de FLAM… et toujours la même devise « pour que nos enfants nous répondent en français »

Le plurilinguisme, un réel atout pour l’avenir Plus de 10 000 enfants dans le canton de Zurich suivent les cours de Langue et de Culture d’Origine1 (LCO) - en allemand « Kurse in Heimatlicher Sprache und Kultur » (HSK). L’évolution et les perspectives des cours LCO : rencontre avec Cornelia Möhlen, responsable des cours LCO du Département de l’école publique et Sylvie Boutard Conoscenti, Coordinatrice des cours LCO de français et Présidente de l’association Cours FLAM « Français LAngue Maternelle ».

> France Magazine : Pourquoi suivre les cours LCO est si important ? Cornelia Möhlen : Grâce aux cours LCO, les élèves bilingues augmentent leurs compétences dans leur langue première, appelée langue maternelle, et favorisent leurs compétences interculturelles. Dans ces cours, les élèves bilingues approfondissent leurs connaissances de leur langue d’origine. Ils apprennent en outre à mieux connaître leur culture d’origine dans des domaines variés tels que l’histoire, la géographie, la littérature et les traditions. Dans de nombreux ouvrages, dont un des plus actuels est celui d’Edina Caprez-Krompäk2, on souligne l’importance de la langue première pour le développement des enfants bilingues ou plurilingues. Les élèves des cours LCO, selon cette étude actuelle, atteignent de meilleures prestations dans leur langue première, ils sont avantagés aussi bien pour l’apprentissage des langues en général que pour l’utilisation des langues étrangères. Surtout en ce qui concerne la langue française ici à Zurich, le français étant une des langues officielles de la Suisse, il est important que les élèves puissent améliorer leurs connaissances du français ce qui constitue un avantage indéniable pour leurs études et leurs avenirs professionnels. Le bilinguisme est un potentiel dont le développement profite non seulement à l’individu mais aussi à toute la société.

Sylvie Boutard Conoscenti : De pouvoir bénéficier dès la naissance du bilinguisme précoce simultané, soit apprendre à parler et à penser en deux langues, est un magnifique cadeau que les parents puissent offrir à leur enfant. Il est reconnu que, lorsqu’un l’enfant peut exprimer ses émotions dans sa langue première, cela favorise la structuration de sa personnalité et favorise indéniablement une aisance dans l’apprentissage en règle générale. Il arrive souvent que des parents nous disent : « Je n’ai pas été conséquent avec mon enfant, je ne lui ai pas parlé le français, j’ai tout raté ! ». Pour ceuxci, en fonction de l’âge de l’enfant, la route du bilinguisme demande plus d’efforts, de discipline et surtout un soutien par rapport à leur situation familiale. Chez FLAM nous nous efforçons de trouver une solution à ce genre de situation. La Direction de l’Éducation a d’ailleurs élaboré un excellent support à ce sujet : une feuille d’informations3 destinée aux parents bilingues pour les aider dans leur cadre familial à gérer leur bilinguisme ou leur plurilinguisme. > La Direction de l’Education du canton de Zurich a publié en avril 2011 la deuxième édition du Plan d’études général des cours LCO, de quoi s’agit-il et quelles sont les principales nouveautés par rapport à la première version ? Cornelia Möhlen : Le plan d’études général LCO est un instrument qui permet aux gestionnaires LCO, de perfectionner leurs propres plans d’études, ceux des états d’origine ou des gestionnaires privés, et de les coordonner avec celui de l’école publique zurichoise. Tous les gestionnaires disposent d’une marge de manœuvre qui leur permet de moduler l’importance des objectifs et des thèmes énoncés dans le plan d’études général en fonction de leurs propres besoins et fondements. Les premiers cours LCO furent créés dans le canton de Zurich vers les années trente du siècle dernier, à l’initiative de réfugiés politiques originaires d’Italie. À l’origine, les cours devaient surtout servir à une éventuelle (ré)intégration scolaire dans le pays d’origine. Au fil du temps, le contexte a évolué et l’objectif des cours s’est lui aussi transformé puisque concrètement les enfants issus de ces familles restent ici. C’est la raison pour laquelle il est fondamental aujourd’hui de promouvoir de façon optimale l’apprentissage de l’allemand et de la langue première. Le nouveau plan d’études général, qui remplace la ver-

1 Par culture d’origine d’un enfant, on entendra la culture du pays (ou du groupe ethnique) d’où provient sa famille - même si l’enfant a grandi en Suisse. Il en est de même pour le terme pays d’origine. Extrait du plan d’études général LCO - Édition 2011. 2 Caprez-Kompäk – E (2010) Entwicklung der Erst- und Zweitsprache im interkulturellen Kontext. Développement des langues première et seconde dans un contexte interculturel – Une étude empirique de l’influence de l’enseignement de la langue et de la culture d’origine (LCO) sur le développement linguistique. Münster. 3 Feuille d’informations pour les parents sur les cours LCO de français téléchargeable sur le site : www.vsa.zh.ch/hsk - nom du fichier pdf “französisch – Elterninfo HSK” 39

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mande de reconnaissance auprès de notre département. Sylvie Boutard Conoscenti : En ce qui concerne les cours LCO de français à Zurich, nous envisageons au niveau du primaire FLAM de créer nos cahiers d’activités en fonction de nos critères pédagogiques et de ceux du plan d’études général LCO. Nous souhaitons également à l’avenir proposer sous forme de cours à option, à partir de la troisième année de primaire FLAM, une préparation à l’examen DELF Prim. Diplôme de français langue étrangère du ministère français de l'Éducation nationale validant les compétences acquises à l’école primaire par les élèves de 7-8 ans à 12 ans.

sion de 2002, inclut désormais le jardin d’enfants, auparavant étaient concernés uniquement les élèves dès la 2ème classe de primaire. Il prend aussi en compte les principes de la didactique du plurilinguisme et surtout il prend en considération le fait que les élèves apprennent à mieux connaître leur culture d’origine et les différents milieux ambiants dans lesquels ils évoluent : à l’école, dans la structure familiale, avec les amis, dans le pays d’origine, etc. Ils prennent conscience de leur situation entre deux univers et se donnent ainsi la faculté de s’intégrer dans la société, que ce soit en Suisse ou, le cas échéant, dans leur pays d’origine s’ils y retournent un jour. > Grâce aux cours LCO, les élèves bilingues bénéficient d’un soutien dans l’intégralité de leur développement linguistique, culturel, social et émotionnel. Quels sont les développements envisagés pour les cours LCO ? Cornelia Möhlen : L’idéal serait que les cours LCO soient intégrés dans l’emploi du temps scolaire des élèves zurichois, comme les cours de musique par exemple, car actuellement ils ont lieu souvent en fin de journée, le mercredi après-midi ou le samedi. Ceci permettrait aussi d’améliorer les contacts entre les enseignants des cours LCO et ceux de l’école publique grâce à un échange plus intense puisqu’ils auraient l’occasion de se rencontrer pendant les horaires scolaires. Ce qui serait également important, c’est que lors de la publication de manuels pédagogiques, dans les salles de classes ou les bibliothèques des écoles on pense aussi aux langues premières. En automne dernier, une brochure « Plurilingue et interculturel » - en allemand « Mehrsprachig und interkulturell » - a également été éditée par le Département de l’école publique. En se basant sur des exemples concrets, elle explique comment la collaboration entre les enseignants de l’école publique et les enseignants LCO pourrait être envisagée. En 2010/2011, 22 gestionnaires étaient officiellement reconnus par la Direction de l’éducation du canton de Zurich et de nouvelles demandes sont déposées chaque année. L’expérience exemplaire des Cours FLAM, en tant que gestionnaire indépendant, nous permet de conseiller les nouveaux gestionnaires qui déposent une de-

> Quelles sont les origines de l’abréviation « FLAM » ? Sylvie Boutard Conoscenti : L’abréviation « FLAM - Français LAngue Maternelle » a vu le jour en Suisse suite à l’initiative d’un groupe de mères francophones. Grâce à une subvention de la réserve parlementaire du Sénat, déterminante pour lancer le projet FLAM en Suisse, les cours ont pu débuter dès la rentrée scolaire 1999. Sur la base de cette expérience en Suisse, dès 20012002 le “programme FLAM” de consolidation du français langue maternelle a été créé par le ministère français des Affaires étrangères à l'initiative de membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE, aujourd'hui Assemblée des Français de l'étranger) et de sénateurs représentants les Français établis hors de France et s'adresse aux communautés françaises expatriées. Le programme FLAM était géré jusqu'en 2009 par la direction de la coopération culturelle et du français du ministère des Affaires étrangères et européennes. Il est désormais confié à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Environ 50 associations dans le monde sont subventionnées par le programme FLAM, nous pouvons donc aujourd’hui parler de réel succès et être fiers que les Français établis en Suisse soient les protagonistes de ce magnifique projet.

De haut en bas : Cornelia Möhlen et Sylvie Boutard Conoscenti.

> Pourquoi FLAM a choisi la structure LCO ? Sylvie Boutard Conoscenti : Depuis plusieurs années, un besoin réel avait été identifié pour les enfants francophones scolarisés en milieu germanophone : « Comment faire pour que les enfants puissent enrichir leur vocabulaire et leur connaissance du français en dehors du cocon familial ? » et surtout « Quelle structure utilisée dans FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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• Soutien pour la création d’un “espace culturel francophone” à Zurich, un véritable lieu central d’échanges culturels et de communication ouvert à tous les francophones et francophiles, toutes nationalités confondues. Toutes les associations ou groupements francophones présents sur la place de Zurich et ses environs auraient la possibilité de louer des salles pour organiser selon leurs propres besoins des réunions ou ateliers/activités en français destinés au public de ce centre. Ces attentes peuvent paraître ambitieuses mais il est en effet important pour les français établis hors de France, qui défendent les valeurs de leur pays à l’étranger sur le terrain et au quotidien, en fonction de leurs différentes activités comme par exemple en s’engageant pour la promotion de la langue et de la culture française dans leur pays d’accueil, de se sentir soutenus et entendus

un canton où le français est obligatoire à partir de la 5ème classe de primaire du système scolaire zurichois ? ». Après plusieurs enquêtes successives, il n’était pas question d’ouvrir une école privée mais il fallait trouver une organisation symbolisant l’intégration locale et l’esprit associatif. La structure déjà existante des cours LCO était donc celle la plus appropriée par rapport au projet FLAM initial. Depuis plusieurs années elle offrait aux communautés étrangères du canton de Zurich la possibilité d’enseigner leur propre langue au sein du système scolaire zurichois. Nous sommes conscients que la pérennité de nos cours relève, non seulement de l’engagement de l’association FLAM, équipe de coordination et équipe pédagogique, du soutien des parents mais surtout du dispositif LCO cantonal. En effet de nombreux articles ont été publiés en Suisse par rapport au fait que les cours LCO de français ne disposent d’aucune aide financière de la confédération helvétique ou d’autres cantons, mais il est important de rappeler que la structure LCO zurichoise nous autorise à utiliser des salles de classes gratuitement, nous permettant ainsi d’épargner au moins 50% de nos frais administratifs. Aussi, en d’autres termes, nous considérons de par cette manière être « subventionnés » par le canton zurichois.

> En juin 2012, les Français établis hors de France voteront pour la première fois leurs députés au Parlement. 11 cirSylvie Boutard-Conoscenti (à gauche), Fondatrice en 1999 et présidente conscriptions législatives dans le exécutive des Cours FLAM, et Cornelia Möhlen (À droite), Institutrice diplômée et maîtremonde, dont une pour la Suisse formateur, Cornelia Möhlen travaille depuis 5 ans pour le service de Pédagogie Interculturelle de la Direction de l’Education du canton de Zurich. Elle y est responsable et le Liechtenstein. Quelles sont des cours LCO et collabore au programme QUIMS (Qualité et écoles multiculturelles). les attentes de l’association FLAM par rapport au nouveau par les autorités qui les représentent à l’étranger. C’est député représentant la Suisse ? une reconnaissance indispensable de leurs engageSylvie Boutard Conoscenti : En ce qui me concerne perments personnels et un encouragement à continuer sur sonnellement, en qualité de Présidente de l’association cette voie. FLAM, mes attentes sont assez conséquentes. Recevoir une subvention de son pays d’origine pour la • Obtenir un « label de qualité » ou une reconnaissance création d’un projet à l’étranger est un point primordial nationale pour le guide pédagogique utilisé depuis 2006 pour son lancement mais il est également aussi fondadans les cours FLAM au niveau maternelle comme c’est mental que l’état qui a financé ce projet soit sollicité, au le cas par exemple pour la littérature du FLE (Français cas échéant, pour son développement et sa pérennité. Langue Etrangère). C’est un magnifique exemple d’intégration durable sur• Organiser une rencontre internationale sous forme tout pour les générations à venir. d’ateliers avec tous les organisateurs des cours FLAM La Suisse est un exemple de cohabitation multicultuexistant dans le monde afin de pouvoir échanger des exrelle, ce qui en fait sa force, et la langue française y a périences, connaître les différentes structures et méparfaitement sa place, non seulement comme langue ofthodes pédagogiques utilisées, évaluer les besoins de ficielle, mais surtout dans le décor alémanique zurichois formation, etc. où une forte population francophone toujours grandis• Soutien pour la recherche et le financement à Zurich sante a choisi d’y vivre. Le maintien du français à Zurich d’une salle de professeurs où pourrait également être est un réel besoin et mérite un engagement à le cultientreposé le matériel pédagogique de l’association ver. www.flam.ch FLAM (bibliothèque/archives). 41

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Radioscopie

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Au 31 décembre 2011, 158 128 Français étaient enregistrés en Suisse dont 135 829 à Genève et 22 389 à Zurich*. Une présence importante qui a fait fleurir de nombreuses associations. *Sources ambassade de France à Berne (http://www.ambafrance-ch.org) Tous les Français ne sont pas inscrits (le nombre total avoisine les 250 000.) À l’inverse des chiffres donnés par les statistiques suisses, les doubles nationaux Français et Suisses sont comptabilisés ici comme Français.

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Quelques autres associations incontournables

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Association du Lycée français Marie Curie de Zurich Site internet : HYPERLINK "http://www.lfz.ch" \t "_blank" www.lfz.ch Amicale du Lycée français de Zurich Site internet : HYPERLINK "http://www.amicalelfz.ch" \t "_blank" www.amicalelfz.ch Association "Les Amis des Petits Lutins" Site internet : HYPERLINK "http://www.lespetitslutins.ch" \t "_blank" - www.lespetitslutins.ch Français Langue Maternelle (FLAM) Site internet : HYPERLINK "http://www.coursflam.ch" \t "_blank" www.coursflam.ch HYPERLINK "http://www.afz.ch" \t "_blank" Alliance Française de Zürich Site internet HYPERLINK "http://www.afz.ch/" http://www.afz.ch/ FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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Le Club nautique français

présence française à Zurich, précieusement recueillie depuis le 1er jour dans ses “livres de bord” dont les extraits sont publiés sous forme de dates clefs sur le site internet HYPERLINK http://www.cnf.ch/ L'activité principale du CNF reste l'aviron - même si on peut également pratiquer la voile. Avec une dizaine de bateaux à la disposition de ses membres, une trentaine de rameurs réguliers, un total de 3 080 kilomètres annuels parcourus en 2008 et 4 758 km en 2009, le Club nautique en français est un acteur bien connu du lac de Zürich.

Le Club nautique français (CNF) est ouvert à toute personne parlant le français et sachant nager, ayant la volonté de s'intégrer dans une communauté sportive fonctionnant sur l'entraide et le bénévolat. La finalité est la pratique de l'aviron et de la voile dans une ambiance de franche et bonne camaraderie. Le Club propose des événements au cours de l'année, tout particulièrement la participation à des régates d'aviron en Suisse ou en Europe. Le CNF, créé en 1911 par une dizaine de français travaillant à Zurich, est sans aucun doute l'une des plus vieilles associations françaises de Zurich. Installé dans de simples baraquements avant la construction dans les années 1930 d'un imposant bâtiment dédié aux clubs d'aviron zurichois, le club a vu passer des générations de jeunes Français. Il est un témoin de l'évolution de la

Les jeudis francophones L'association organisatrice des Jeudis Francophones est une association qui a pour but de fédérer et rassembler tous les francophones et francophiles de Zürich et ses environs. Chaque premier jeudi du mois, se rassemblent en moyenne, près de 500 francophones dans les lieux les plus prestigieux et emblématiques de Zurich : le Vertigo, le Taos ou encore le St Germain. L’association est parmi les acteurs qui bougent et qui comptent à Zürich. La plateforme www.jeudis.ch constitue un véritable lieu d'échange : des annonces immobilières et d'emploi en passant par les “bons plans” du forum, on y trouve de tout ! En complément des activités initiées par l'équipe des Jeudis, les membres eux-mêmes alimentent les rubriques Sorties, Culture, Sports, Famille, créant ainsi un réseau réel et humain d'information, de connexions et de rencontres. Aujourd'hui, les activités de l'association se diversifient pour toujours mieux répondre aux attentes de ses inscrits avec un programme d'activités aussi varié qu'original comme l'illustrent “l'Été des Jeudis”, le lancement des tandems franco-allemand et à terme l'ouverture de nouveaux pôles d'activités.

Zurich accueil

joanna.david.mangin@gmail.com

Zürich Accueil (HYPERLINK http://www.zurichaccueil.ch http://www.zurichaccueil.ch) a été créée en octobre 1998 par Mme Dominique Hunsbedt. Comme tous les “Accueils” à travers le monde, l’association est apolitique, non confessionnelle, sans distinction sociale et organise l'accueil des français et des francophones de Zürich et sa région. Zürich Accueil publie le “Zürich Malin”, guide multi-rubriques, écrit et remis à jour tous les deux ans et diffuse une “Gazette” destinée à ses membres membres. La “Gazette” annonce tous les deux mois les manifestations, événements et activités organisées par l'association: une mine d'idées et d'informations ! JOANNA DAVID-MANGIN 43

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changements en collège et lycée CONFÉRENCE FAITE DANS LE CADRE DU CONGRÈS DU SNCEEL - AACES, LE MERCREDI 28 SEPTEMBRE Il est coutumier de dire que le système administratif français en général, le système éducatif en particulier, correspondent à des sortes de “sociétés fortement bloquées”, rétives à toute idée de réforme, peuplées de gens hostiles à tout changement qui viendrait remettre en cause les équilibres (pour ne pas dire les “avantages”) pré-établis. r, si on veut bien regarder ce qui s’est passé ces dernières années, force est de constater que nombre de réformes importantes sont venues redéfinir les contours et les objectifs de l’école en France, et ce à tous les niveaux : diverses réformes de l’enseignement primaire, réformes du collège, du lycée professionnel, du lycée général et technologique, de l’enseignement supérieur, de la formation initiale des maîtres, etc. D’autres sont en préparation. Dès lors, il est quelque peu absurde de se demander si notre système éducatif est réformable : il l’est, et même, aux yeux de certains, un peu trop fréquemment. Par contre, il est parfaitement légitime de s’interroger sur le sens et la portée de ces réformes en cascade. La question est donc moins celle de la capacité à décider de réformer, que celle de savoir si, en bout de chaîne

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administrative, les réformes que l’on décide si fréquemment ont des chances de réussir. Il ne suffit évidemment pas que, de façon pyramidale et descendante, des textes de réformes soient édictés par nos hauts responsables, après avoir été concoctés dans les bureaux feutrés de la rue de Grenelle, trop fréquemment rédigés par des gens qui n’ont jamais ou trop peu mis les pieds dans une classe ou eu l’occasion d’exercer une responsabilité administrative et/ou pédagogique sur le terrain, signés par d’augustes hauts directeurs de l’administration centrale, publiés au Journal Officiel puis au BOEN, avec demande d’application descendante par ceux qui, face aux usagers, dans les établissements, sont supposés trouver toutes les vertus à ces textes, et les appliquer avec zèle et célérité, sous le contrôle et la force de conviction de deux corps intermédiaires : les inspecteurs et les personnels de direction. Une telle façon de porter les changements, classique dans notre système bureaucratique, a peu de chance d’être opératoire. Ce n’est évidemment pas parce qu’un texte réglementaire crée une obligation d’action, que l’action aura effectivement lieu sur le terrain. Il peut y avoir loin de la déclaration d’intention, fût-elle codifiée par la loi, à l’action, fût-elle indiscutablement utile ou nécessaire. Il y a bien longtemps que les sociologues des organisations (qu’elles soient administratives ou entrepreneuriales) nous disent que toute entité sociale dispose


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d’une très compréhensible capacité de résistance au changement, et que l’ignorer fait courir le risque d’un rejet tel que toute tentative de changement serait a priori vouée à l’échec, même lorsque le dit changement est nécessaire, voire vital pour l’organisation concernée. Comme le disait le sociologue Michel CROZIER, dans un livre intitulé “Le phénomène bureaucratique”, « Une entité sociale rejette spontanément ce qui lui vient de l’extérieur, tout comme un corps étranger greffé sur un corps humain » (fin de citation). Et le chercheur de développer la thèse selon laquelle, si on veut que le changement soit accepté par le système, et tout particulièrement par ceux de ses membres qui sont concernés par ce que l’on prétend changer, alors, il faut commencer par donner du sens à ce que l’on entreprend, et tout particulièrement l’inculquer à ceux qui seront chargés de le mettre en œuvre. Négliger cette étape préalable, c’est courir le risque de rejet du changement. Concernant les réformes les plus récentes du système français d’enseignement secondaire - les réformes du collège, du lycée professionnel, et du lycée d’enseignement général et technologique - force est de constater que les représentants de l’institution, porteurs de la réforme auprès des équipes dans les établissements, mais aussi des familles, ont nettement plus mis en avant le « comment ? » des diverses réformes (qu’a-t-on décidé de faire, et comment se propose-t-on de le faire ?) que le « pourquoi ? » (sur quel diagnostic du système ces réformes reposent-elles ? Quels sont les faiblesses et les dysfonctionnements que l’on se propose de corriger ?) Or, à l’évidence, nous semble-t-il, si on veut donner du sens aux changements que portent ces réformes, et donc obtenir l’adhésion de ceux qui sont chargés de la mettre en œuvre, ainsi que de ceux qui sont supposés en recueillir les fruits en terme de meilleure réussite scolaire, il faut commencer par cela. 1. DE QUELQUES DYSFONCTIONNEMENTS DU SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE FRANÇAIS, QUE L’ON SE PROPOSE DE CORRIGER : • Une trop forte proportion des élèves sortant du primaire sont porteurs d’un important déficit d’acquisition des compétences de base en français et mathématique. Chaque année, il est procédé à une campagne nationale d’évaluation des acquis des élèves sortant de l’école primaire. Les tests de la campagne d’évaluation de rentrée 2010, témoignent qu’en fin de CM2, 12,4% des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base en français, et 10,7% sont dans la même situation en mathématiques. Or, comme chacun peut le comprendre, entrer en sixième sur de telles bases, c’est réduire très fortement la capacité de l’élève à bénéficier normalement de la scolarité proposée sur le parcours 6e/3e. Face à ce défi, il convient de rendre l’école primaire plus efficace, afin que ces taux soient ramenés à une beau-

Concernant les réformes les plus récentes du système français d’enseignement secondaire, force est de constater que les représentants de l’institution, porteurs de la réforme auprès des équipes dans les établissements, mais aussi des familles, ont nettement plus mis en avant le “comment ?” des diverses réformes que le “pourquoi ?”

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coup plus faible proportion. Mais on ne réduira jamais ces taux à zéro, et il y a donc nécessité que le collège soit en mesure de mieux accompagner ceux de ses élèves qui sont le plus en difficulté, et qui se recrutent principalement parmi ceux qui ne parviennent pas à faire un parcours réussi à l’école primaire. On doit d’autant plus viser cet objectif que, rappelons le, en France, la scolarité est obligatoire jusqu’à seize ans, et que nous avons fait le choix d’un “collège unique”. • Loin d’être compensés, ces chiffres s’accroissent tout au long de la scolarité au collège. Des évaluations semblables, effectuées en fin de scolarité au collège, témoignent que la part de ceux des élèves qui sont porteurs de graves déficits d’acquisition dans ces deux matières de base, loin de s’être atténuée au cours des quatre années du collège, s’est accrue : 22,9% des élèves sortant de troisième ne maîtrisent pas les compétences en français qu’ils auraient dû acquérir au collège, et 12,3% d’entre eux sont dans la même situation en mathématiques (chiffres observés en 2010). Bien plus, 85% de ces élèves présentent ces mêmes lacunes dans les deux disciplines scolaires. La plupart de ces élèves ne parviendront pas à se doter d’un diplôme (brevet, CAP, baccalauréat…), ni même d’une qualification professionnelle reconnue sur le marché de l’emploi. Ils constituent la majeure partie de ceux que l’on appelle les « sortants précoces ». • L’insupportable phénomène des “sortant précoces”. Les “sortant précoces” sont les élèves âgés de 12 à 24 ans inclus, qui quittent du système éducatif sans le moindre diplôme de l’enseignement secondaire, et sans avoir pu bénéficier d’une formation professionnelle qualifiante. Chaque année, selon les indicateurs utilisés, entre 120 000 et 150 000 élèves sont dans ce cas, représentant 12% de la population scolarisable dans l’enseignement secondaire. Réduire significativement ce chiffre est un objectif que se sont fixés tous les ministres de l’Education nationale depuis 20 ans, sans qu’aucun d’entre eux n’y parvienne significativement. Bien plus, après plusieurs années de baisse significative (entre 1985 et 2000), on est entré dans une zone de stagnation de ce chiffre. • Un des taux d’accès au niveau baccalauréat les plus faibles d’Europe. En 2011, 65% des élèves ou étudiants de France, âgés de 18 à 24 ans (le désormais célèbre “taux d’une tranche d’âge”), sont parvenus à se doter d’un baccalauréat, contre près de 75% en moyenne européenne. Bien plus, depuis 1995, on observe une sorte de stabilisation de ce taux aux alentours de 63/65%, et ce, malgré l’augmentation régulière de la part des candidats qui, chaque année, réussissent à se doter de ce diplôme : environ 85% en 2011. On est donc encore loin de l’objectif de 80% affiché dès le milieu des années 1980 comme devant être atteint aux environs de l’an 2000, et plus loin encore de l’objectif européen auquel la France a apposé sa signature, visant à élever ce chiffre jusqu’à 90% (objectif stricte-

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ment nécessaire si nous voulons respecter notre engagement à conduire, avec nos partenaires de l’Union européenne, 50% d’une tranche d’âge au niveau “licence ou équivalent”). • L’insupportable médiocrité du “rendement” des premiers cycles universitaires. On appelle “rendement” d’une filière d’études, la capacité des divers établissements qui la composent à conduire une proportion plus ou moins grande de leurs “usagers” à se doter du diplôme de fin de cycle. Concernant les premiers cycles universitaires, ce rendement se mesure par la proportion de ceux des étudiants entrés en première année, qui parviennent à se doter du titre de licence (ou équivalent) en trois ans ou plus. En France, près d’un étudiant sur deux (46% en moyenne) n’atteint pas cet objectif. Or, ce secteur de l’enseignement supérieur accueille chaque année un peu plus de la moitié du flux de bacheliers (ou équivalents) qui se présentent à la porte de l’enseignement supérieur (en 2010 : 54%). Chose explicable, mais fort surprenante, les autres filières d’enseignement supérieur (écoles à recrutement niveau bac, classes préparatoires, sections de technicien supérieur, instituts universitaires de technologie…) affichent un rendement de près de 95 %, le double de celui observé pour les premiers cycles universitaires ! Cela donne le spectacle d’un enseignement supérieur à double visage, dual, avec d’un côté des filières qui fonctionnent bien pour la plupart de ceux qui y entrent, et accueillent près de la moitié des flux d’élèves sortant des lycées, et de l’autre côté, un secteur d’études peu performant, accueillant l’autre moitié des flux de lycéens. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il en va de même pour le lycée, ainsi qu’on va le voir dans les lignes suivantes. • Des taux de redoublement dans l’enseignement secondaire, parmi les plus élevés d’Europe. La comparaison des taux de redoublement aux classes charnières (sorties de 6e, 4e, 3e et seconde) donne de la France le spectacle d’un pays qui a choisi en grande partie de traiter le problème de l’insuffisance scolaire de certains élèves par un important recours au redoublement. Ainsi, par exemple, nous affichons des taux de 13% et 10% en fin de 3e et seconde, contre environ 6% en moyenne européenne, soit environ le double. Or, nombre de chercheurs en sciences de l’éducation, et de plus en plus de praticiens de terrain, et d’analystes du ministère de l’Education nationale, mettent en doute le bien fondé d’une telle politique qui, non seulement est jugée comme étant de trop peu d’efficacité, mais aussi, est d’un coût très élevé. • Des tests de comparaison internationale qui donnent une image peu glorieuse de l’efficacité du système français d’enseignement secondaire. Depuis le début des années 2000, on ne se contente plus de mesurer l’efficacité des systèmes éducatifs par des évaluations purement nationales. On est entré dans une ère de comparaison internationale des systèmes éducatifs.

Ces études comparatives internationales révèlent que les écarts de performance entre les élèves les plus forts et les plus faibles, sont non seulement parmi les plus importants, mais se creusent.

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Concernant l’enseignement secondaire, c’est à l’OCDE qu’a été confié le soin de faire cela, par une étude évaluative désormais célèbre : PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves). À cet égard, depuis 2000, tous les trois ans, il est procédé à l’évaluation dans plusieurs dizaines de pays (65 en 2009) des acquis de près de 500 000 élèves âgés de 15 ans, donc en fin de scolarité de type collège. Les élèves sont évalués sur leurs capacités de compréhension de l’écrit, leurs acquis en mathématiques, et en sciences. À chaque fois, depuis la première étude de ce genre, la France s’est trouvée placée dans un rang moyen ou médiocre, mais surtout, cette enquête révèle l’existence en France d’une école duale, d’un système éducatif qui fonctionne bien, très bien même, pour une partie de ses élèves, et mal, voire très mal, pour d’autres. Bien pis : d’étude en étude, l’écart s’est creusé en France. Autrement dit, ces études comparatives internationales révèlent que les écarts de performance entre les élèves les plus forts, et les plus faibles, sont non seulement parmi les plus importants, mais se creusent. Autre phénomène remarquable révélé par l’enquête : les pays qui, depuis l’étude de 2000, sont en tête des résultats, sont des pays caractérisés par deux choses qui tranchent d’avec ce qu’affiche le collège français : • La faiblesse des taux de redoublement (on y prône plutôt le passage en classe supérieure avec suivi (accompagnement) personnalisé des élèves en difficulté). • L’existence d’un collège unique comprenant une part d’enseignement technique obligatoire, rendant plus positive qu’en France l’idée d’orientation vers les voies professionnelles d’après le collège. 2. DE LA FAÇON DONT NOTRE SYSTÈME D’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE S’EST EFFORCÉ DE RÉPONDRE AU DÉFI DE LA MASSIFICATION DU PUBLIC SCOLAIRE : Nul doute que s’il avait existé vers les années 1960/70 une étude comparative internationale du type “PISA”, la France serait apparue parmi les “bons élèves” de la classe européenne. Logique : en 1960, 55% seulement d’une tranche d’âge parvenait au niveau “brevet des collèges”, et moins de 15% à celui du baccalauréat. Bien plus, les enfants qui parvenaient à ces niveaux de formation étaient principalement issus des catégories situées en haut de la hiérarchie socio professionnelle, si bien que les professeurs avaient le plus souvent devant eux des élèves regroupés dans des classes nettement plus homogènes qu’aujourd’hui. En passant progressivement à près de 100% d’une tranche d’âge au niveau brevet, et 65% au niveau bac (en attendant de faire bien mieux), la France, comme bien d’autres pays, a accepté de relever le défi de la massification, et de l’hétérogénéité croissante des élèves qui en résulte. Pour ce faire, on a d’abord créé le “collège unique”, sup-


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primant les trois filières relativement étanches entre elles qui existaient jusqu’à la “réforme Haby” (du nom du ministre de l’Education nationale de l’époque) du milieu des années 1970. À cet égard, il a été fait un double choix lourd de conséquences : • le collège unique est quasi strictement composé d’enseignements généraux, ne préparant guère les élèves à une vision positive de l’orientation vers la voie professionnelle à l’issue de la classe de troisième. • On a érigé en principe l’interdit de gérer l’hétérogénéité par des classes de niveaux : la règle des “trois tiers” dans une même classe s’est imposée réglementairement, même si nous savons tous qu’une simple observation des réalités du terrain témoigne de la capacité de certains à contourner ce grand principe républicain. On a repoussé à l’après collège le moment de la répartition des élèves en voies diversifiées, et l’orientation a été (et continue d’être) un instrument extrêmement puissant au service de la gestion de l’hétérogénéité des élèves, en organisant la répartition des élèves en trois tiers : les “bons” dans la voie générale, les “moyens” dans la voie technologique, les “moins bons” dans la voie professionnelle (avec la très significative “invention” du baccalauréat professionnel, au milieu des années 1980). Bien sur, cette ventilation des élèves n’est pas systématique, mais on a indéniablement fait de l’orientation un système de régulation des flux d’élèves dans une logique de gestion de l’hétérogénéité constatée à l’issue de la classe de troisième, donnant pour longtemps de l’orientation l’image détestable d’un instrument de sanction scolaire, au lieu d’être ce qu’elle devrait : un instrument au service des familles. Autre caractéristique du système français d’enseignement secondaire : comme nous l’avons vu précédemment, on a eu (et continue d’avoir) un recours important au redoublement, comme deuxième moyen fondamental de régulation de l’hétérogénéité scolaire. Or, de nombreuses études démontrent le peu d’efficacité du redoublement, qui ne parvient à être “utile” que pour environ un tiers des élèves redoublants… ce qui est hélas tout à fait compréhensible puisqu’en France, lorsqu’un élève redouble, il a longtemps été plongé dans le même cadre pédagogique que dans la classe dans laquelle il a échoué. Il n’est donc pas étonnant que deux redoublants sur trois ne tirent pas de bénéfice significatif d’une telle décision. Ce système d’enseignement secondaire a produit des effets positifs jusqu’au milieu des années 1990. Depuis, comme on l’a vu dans la première partie de ce texte, il semble avoir atteint ses limites.

L’AUTONOMIE DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES SECONDAIRES, LES INÉVITABLES CHANGEMENTS DES MÉTIERS D’ENSEIGNANT ET DE PERSONNEL DE DIRECTION…

Toutes ces questions sont fondées bien sûr, mais ne constituent à nos yeux que la partie émergée de l’iceberg ! Je ne suis pas loin de penser que nos responsables ministériels ne sont pas fâchés de laisser se développer de tels questionnements.

3. CE QUI DONNE DU SENS AUX RÉFORMES, C’EST AUSSI LA BONNE COMPRÉHENSION ET LA PRISE EN COMPTE D’UN CERTAIN NOMBRE DE LAMES DE FOND : LA MONTÉE DE 47

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Les débats actuels sur les réformes portent essentiellement sur les difficultés d’organisation, le manque de moyens pour bien le faire, les économies budgétaires que cela permet, les rééquilibrages des horaires disciplinaires qui émeuvent fortement les personnels enseignant, la difficulté à mettre en œuvre l’accompagnement personnalisé des élèves… Toutes ces questions sont fondées bien sûr, mais ne constituent à nos yeux que la partie émergée de l’iceberg ! Je ne suis pas loin de penser que nos responsables ministériels ne sont pas fâchés de laisser se développer de tels questionnements : cela permet de maintenir plus longuement cachée la réalité profonde d’une série de réformes qui sont potentiellement porteuses d’une des mutations les plus profondes qu’a eu à connaître notre système d’enseignement secondaire depuis trois quarts de siècles. Plus qu’à de simples changements dans le système, c’est à une véritable mutation du système lui-même que nous assistons. 31. Vers des établissements plus autonomes… et la fin peut être d’un système éducatif secondaire national La réforme du lycée (en attendant celle qui suivra du collège), est porteuse d’une élargissement des marges d’autonomie des équipes de terrain. Quelques exemples le démontrent aisément : • Émergence d’enseignements et formations sans programmes nationaux, à charge pour les équipes d’établissement d’en définir les contenus et méthodes pédagogiques, en fondant sur un très vague cadrage national : les deux heures hebdomadaires d’accompagnement personnalisé sont le plus bel exemple de cette décision. Si on veut bien ajouter d’autres enseignements du lycée d’avant l’actuelle réforme, qui étaient marqués par la même logique (l’ECJS, les travaux personnels encadrés, les heures de vie de classe, les ateliers de pratique artistique…), force est de constater que la réforme renforce cette tendance. • Apparition d’horaires « globalisés » (notamment en langues étrangères) qui conduisent les équipes d’établissements à négocier localement, et fixer elles-mêmes la répartition des moyens • Idem en ce qui concerne la répartition des heures octroyées à l’établissement pour les dédoublements. À cet égard, on peut penser qu’à plus ou moins long terme, d’autres moyens seront placés dans la même logique d’autonomie de gestion : combien de temps encore le règlement de l’ISOE (indemnité de suivi de l’orientation des élèves) au forfait identique pour tous ?

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Enseignement

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Cette façon de faire nous semble depuis fort longtemps être marquée du saut de l’“égalité”, mais être très “inéquitable”, compte tenu du différentiel d’investissement des enseignants dans le domaine de l’orientation. Il en résulte que d’un établissement à l’autre, les différences devraient s’accroître, rompant d’avec la tradition d’une éducation “nationale”, alors que ce qui est désormais prôné, c’est une éducation pour chacun, adaptée au public que l’on a. N’est-ce pas là une réponse possible au défi que nous évoquions précédemment, qui est de bâtir un système d’enseignement secondaire qui permette la réussite de tous les élèves, mais sans pour autant brader les exigences et niveler vers le bas les performances scolaires attendues et les objectifs de réussite à atteindre ? Conséquence prévisible, qui viendra sans doute renforcer l’autonomie des établissements : la réforme à venir du baccalauréat. Compte tenu du fait que certains enseignements seront “à géométrie variable”, il ne sera plus possible, pour ces enseignements, que les élèves soient évalués par une épreuve commune externe. Ainsi, pour les langues étrangères par exemple, le programme étant national, mais les horaires pouvant varier d’un établissement à un autre, il devient impossible que les sujets soumis aux candidats soient les mêmes pour tous. Concrètement, cela veut dire qu’on n’échappera pas à une plus grande part de contrôle en cours de formation, ce qui a été confirmé par les directives concernant l’organisation du “nouveau baccalauréat”, en 2013, telles que publiées au BOEN spécial N° 7 du 5 octobre 2011. Une telle évolution n’ira pas sans soulever de fortes résistances dans notre milieu, ne seraitce que parce que certains craindront pour le statut “national” du diplôme du baccalauréat, qui pourrait alors évoluer vers un simple « certificat de fin de scolarité secondaire » (comme le diplôme national du brevet est devenu un simple certificat de fin d’études du premier cycle de l’enseignement secondaire), et donc cesser d’avoir le statut de “premier grade universitaire”. Gageons que si on fait cela, un autre débat ultra sensible émergera : celui portant sur la généralisation des procédures de “régulation des flux” (terme plus soft que celui, politiquement très incorrect, de sélection) à l’entrée de toutes les filières d’enseignement supérieur, y compris les premiers cycles universitaires. Nous savons que nombre d’universitaires libéraux en rêvent, et même, que certains l’ont d’ores et déjà fait grâce au statut particulier d’“université de technologie”, qui permet de déroger à la règle encore très majoritaire de la non sélection à l’entrée de la première année de licence. Une telle évolution risque fort de changer fortement la donne en ce domaine !

Conséquence prévisible, qui viendra sans doute renforcer l’autonomie des établissements : la réforme à venir du baccalauréat. Compte tenu du fait que certains enseignements seront “à géométrie variable”, il ne sera plus possible, pour ces enseignements, que les élèves soient évalués par une épreuve commune externe.

32. Vers l’acceptation, par les personnels enseignants et les personnels de direction, d’une très importante redéfinition de leurs métiers respectifs Une deuxième lame de fond est portée par les réformes FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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que nous venons de présenter : elles ne pourront être efficacement appliquées que si ceux qui, dans les établissements, sont chargés de les mettre en œuvre (les personnels enseignants et d’éducation, les personnels de direction), acceptent de travailler autrement. Pour les personnels enseignant et d’éducation d’abord, il est frappant de constater que dans les pays qui ont mis en œuvre une réforme semblable à la notre depuis plus ou moins longtemps, et dont nous nous inspirons manifestement beaucoup, compte tenu de leur excellent ou bon positionnement dans les études comparatives internationales de type PISA, on constate que le “référentiel métier d’enseignant” ne ressemble que de loin à celui des enseignants français. Ces derniers continuent d’être fortement axés sur “la translation didactique mono ou bi disciplinaire”. Il leur est certes demandé d’intervenir dans des champs plus transversaux : orientation, accompagnement personnalisé, participation aux travaux de divers conseils (de classe, de discipline…), accueil et échanges avec les élèves en dehors de la classe, idem avec les parents… Mais le cœur du métier demeure largement fait de la première composante, et force est de constater que les enseignants français y tiennent beaucoup. De plus, leur temps de présence au sein de l’établissement n’a pas grand-chose à voir : en Finlande par exemple, les professeurs doivent être présents dans l’établissement une bonne trentaine d’heures par semaine, et ce, environ 45 semaines par an. Il en résulte que les écarts de salaires constatés (et que vient de dénoncer la nouvelle édition (2011) du rapport annuel de l’OCDE (“Regards sur l’éducation”) qui donne l’image d’une France qui figure parmi ceux qui rétribuent le plus mal le métier d’enseignant, oublient de préciser qu’à “l’heure faite” (en tenant compte de la réalité du temps global de travail , dans et hors de l’établissement, pendant les périodes de présence d’élèves ou durant les vacances scolaires de ces derniers), les enseignants français sont parmi les mieux payés d’Europe. Ce qui explique sans doute le fait que ces derniers sont parmi ceux qui, dans et hors de l’établissement, font le plus d’heures supplémentaires, élément qui n’est pas pris en compte dans les études comparatives de l’OCDE portant sur les salaires. Nul doute que si revalorisation salariale il doit y avoir, elle ne se fera pas sans une redéfinition du référentiel métier : les réformes en cours sont manifestement chronophages pour les enseignants (ainsi que pour les personnels de direction… mais eux ont nettement plus l’habitude). Il est peut être temps de s’interroger sur notre mode de définition de la tâche dévolue aux enseignants : les réformes en cours invitent fortement ces derniers à plus de travail en équipe, à ajouter à leur rôle de translateurs didactiques (qui continuera bien sur d’être fondamental, d’être leur “cœur de métier”), des rôles accrus, en matière d’accompagnement personnalisé, d’ouverture aux usagers, d’aide à l’élaboration des projets d’orientation, d’évaluation… Pour les équipes de direction, il est clair que l’accroissement des marges d’autonomie - pédagogique,


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administrative, budgétaire…- oblige, et obligera de plus en plus, à “manager” les équipes, à procéder à des arbitrages par rapport à des demandes contradictoires et/ou soumises à des contraintes de financement, à véritablement faire œuvre de pilotage pédagogique d’équipes qui, jusqu’ici, avaient tendance à regarder leurs dirigeants locaux comme des sortes de gestionnaires éloignés de la chose pédagogique. Jusque-là, le chef d’établissement et son ou ses adjoints, n’avaient guère à se demander sur quels critères et à qui attribuer tel ou tel moyen : la chose était décidée à l’échelon central, et inscrite dans des grilles horaires et des instructions officielles qui imposaient un même modèle partout. Comme l’écrit fort judicieusement Michel Crozier dans “Le phénomène bureaucratique”, évoquant les organisations administratives de la seconde moitié du XXe siècle, « le monstre froid se tapit à Paris, loin des établissements du terrain ». Entre les équipes de direction, et les équipes pédagogiques, le “face-à-face” était réduit à peu de choses, la part de responsabilité des personnels de direction étant modeste, y compris en terme de gestion des ressources humaines et de définition des contenus des formations. Désormais, il en va autrement : en déléguant aux équipes de direction le soin de décider de la répartition d’une partie des moyens, et du contenu pédagogique de certains enseignements, on ouvre une sorte de “boîte de Pandore”, qui donne enfin de la consistance à ce qui n’était à mes yeux qu’un leurre jusque-là : le chef d’établissement manager, premier pédagogue de l’établissement. Une importante partie du changement du métier de “personnel de direction”, découle en outre de celle du “métier d’enseignant”. Au plus, ces derniers devront occuper le terrain de l’établissement, au-delà de leurs obligations didactiques disciplinaires ; au plus, les personnels de direction devront s’efforcer de piloter la vie pédagogique dans leur établissement et, sans doute, repérer parmi leurs enseignants, celles et ceux qui seront appelés à jouer un rôle d’interface entre ces deux catégories de personnels. Mais du coup, ce renversement de la relation professionnelle entre les personnels de direction et les autres acteurs exerçant dans l’établissement, cette évolution des rôles dévolus aux équipes de direction, cet accroissement de la sphère de responsabilité locale qui place les personnels de direction en obligation d’animer le travail de leurs équipes et de se fonder sur des négociations internes avant de prendre certaines positions arbitrales… en attendant plus bien sûr (à quand, comme en Finlande, le recrutement des personnels enseignants par les responsables de chaque établissement scolaire ?), fait d’ores et déjà, et fera de plus en plus des directeurs et directeurs adjoints (ou, dans les établissements publics, des proviseurs, principaux et adjoints), de véritables “managers”, au plein sens du terme. Gageons d’ailleurs que ce sera plus vite et plus fréquemment le cas dans les établissements scolaires privés, dont le caractère spécifique est d’ores et déjà plus ou moins grandement porteur de

ces façons de concevoir les rôles des uns et des autre, que dans ceux du public ou, sauf cas particuliers (et il en existe de remarquables), on est encore fort loin de cette conception des choses. Faisons un pari : certains ne se feront que très difficilement, voire pas du tout, à de telles évolutions du métier de “personnel de direction”, et auront besoin que l’institution les accompagne vers d’autres façons d’exercer. Il a déjà commencé à en aller de même pour certains enseignants.

Conclusion

À quand, comme en Finlande, le recrutement des personnels enseignants par les responsables de chaque établissement scolaire ?

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Ainsi, ce qui donne du sens aux réformes entreprises dans l’enseignement secondaire français, c’est de bien comprendre que la volonté de nos dirigeants est de conduire TOUS les élèves à une forme de réussite, au sens ou le mot “réussite” est entendu par nos autorités ministérielles, c’est-à-dire, aptitude à accéder à un diplôme (quel qu’il soit) ou une qualification professionnelle reconnue sur le marché de l’emploi. En outre, pour répondre à l’objectif d’amener 50% d’une tranche d’âge au niveau licence d’ici à 2020/25, outre la nécessite d’accroître la part d’une tranche d’âge qui accède au baccalauréat, il est nécessaire de réduire la dualité de l’enseignement supérieur en réformant profondément le système universitaire (cette réforme est largement entamée) afin de diminuer l’échec en premier cycle universitaire, mais aussi en faisant évoluer les contenus et objectifs du lycée et du collège, afin que la moitié des élèves du secondaire qui est destinée aux études universitaires y soit mieux préparée. De plus, on sait désormais qu’on n’y parviendra qu’en obtenant des acteurs de terrain (les équipes pédagogiques comme les personnels de direction) qu’ils travaillent “autrement”, en occupant plus, et plus largement, le terrain de l’établissement pour les uns, en entrant dans une logique “managériale” pour les autres. Enfin, on sait aujourd’hui que ces objectifs fondamentaux ne seront atteints que si on parvient à réduire la fracture qui sépare aujourd’hui le système d’enseignement scolaire secondaire en deux parties : l’une remplissant pleinement son office en sachant pleinement former les élites dont la nation a besoin, l’autre qui est en situation de gros échec et ne parvient pas à accompagner vers une forme de réussite - aussi modeste soit-elle - une trop importante proportion des élèves qui nous sont confiés. De ce point de vue, l’un des enjeux de nos actuelles réformes du système d’enseignement secondaire est de parvenir à améliorer significativement le “rendement” de l’école, notamment au service des enfants issus des catégories socio professionnelles les plus défavorisées, sans pour autant casser la capacité du dit système à produire les “élites” dont nous avons besoin. Les réformes dont nous parlons ne seront réussies que si nous parvenons à dépasser ces contradictions. BRUNO MAGLIULO BRUNOMAGLIULO@GMAIL.COM INSPECTEUR D’ACADÉMIE HONORAIRE ANIMATEUR DU “BLOG DE L’ORIENTATION” : HTTP://CONSEILSDECLASSE.LETUDIANT.FR


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J’aimerais vous dire...

Empruntsrusses Comptesrendus?... «Dans la vie, pas d’affolement, rien ne se passe comme prévu, c’est la seule chose que nous apprend le futur en devenant du passé. »

A vrai dire, comment, arrière grands-parents et grandsparents ont-ils pu imaginer en 1898 ou en 1900 (ils étaient environ deux millions) en souscrivant ce fameux emprunt au taux de 3 ou 4 %, qu’un ténébreux exilé de Sibérie, au triste nom de Vladimir Ilitch Oulianov, allait devenir le président du Conseil des commissaires du peuple et s’appeler dorénavant : LENINE. Le 8 janvier 1918, toutes les dettes contractées à l’étranger par le régime tsariste, étaient répudiées. Ainsi débutait la plus grande spoliation financière de l’histoire de la France. Les accords du 26 novembre 1996 et du 27 mai 1997 prévoyaient 8 versements semestriels de 50 millions de US $ chacun, le dernier de ceux-ci effectué en août 2000. Remboursement (si l’on peut dire...) : 2,5 milliards de francs ; dette : 235 milliards de francs. En 1914, les fonds d’État russes détenus par les Français atteignaient plus de 10 milliards de francs, soit à peu près la moitié de la rente française. Traduite juste avant l’avènement de l’€uro, ceci équivaut à 235 milliards de francs sans que les intérêts ne soient pris en compte. À ce tarif-là, peut-on vraiment employer le terme d’indemnisation ? Un peu d’histoire s’il vous plaît. Qu’est-ce qui a poussé nos aïeux à souscrire en Sainte

haque siècle nous distille son escroquerie : Law au XVIIe siècle en 1720, Panama au XVIIIe vers 1880, les emprunts russes au début du XXe siè-

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C

cle... Que sont-ils devenus ? De merveilleux sous-verres, de toutes les dimensions et de toutes les couleurs ; du violet au beige en passant par le rouge et le noir et l’inénarrable vert. Tous portent des noms et incitations aux voyages lointains : la Compagnie du Chemin de Fer de l’Oural, dont la ligne prévoyait de faire une halte à Ekaterinbourg. Haut lieu dramatique où Nicolas II et toute sa famille seront massacrés le 17 juillet 1918. La Compagnie du chemin de fer de Semiretchensk, émise en 1913 ou la société minière des Aïmatts de touchetoukan et de Tsetsenkhan en Mongolie. Faut-il le rappeler, ces emprunts bénéficiaient de « La Garantie absolue du gouvernement impérial de Russie, intérêts et amortissements compris. » Pour les derniers, leur échéance fut fixée en... 1998. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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emprunts russes. Cent tonnes d’or arrivèrent à Berlin en novembre 1918. Il en restait 97 lorsqu’elles furent saisies par les Alliés comme prise de guerre. Faisant suite aux délibérations du Traité de Versailles, c’est 2 987 lingots sur 6 620 que la France perçut. Nous aurions pu espérer que l’occasion était propice à indemniser les épargnants français. Il n’en fut rien ! L’Aigle impérial russe fut effacé, l’estampille française fut apposée et les lingots prirent le chemin de New York pour être revendu au profit du Trésor français... Au cours du siècle dernier, bien des occasions se présentèrent, sans succès. En 1924 avec Raymond Poincaré, puis en 1945, la question évoquée brièvement, ne retint pas l’attention, loin s’en faut, de nos ministres des Finances. En 1984, l’Union Soviétique proposa à la France de se servir du dépôt en Or des pays baltes, qui se trouvait dans les caves de la Banque de France depuis leur annexion en 1940. Tout à son honneur, le gouvernement français refusa que l’Or de la Lettonie, l’Estonie et la Lituanie réglât les dettes de l’URSS. C’est en 1991 que ces trois Républiques baltes retrouvèrent leur indépendance et l’Or qui leur revenait. Hormis ces faits historiques qui ont jalonné notre histoire, rangés au rayon des péripéties, cela nous est facile puisque pas vécus en véritables contemporains. Souvenons-nous, malgré tout, que ce sont des réalités dramatiques vécues dans bien des familles. Aujourd’hui, dans un monde complètement déboussolé, bien des questions subsistent : - Quelle sera la substance du prochain Traité européen ? - Qu’est-ce que la Gouvernance budgétaire nous impose ? - Quel va être le rôle réel de la B.C.E. ? - Quelles seront les contreparties des volontés allemandes ? - La Démocratie pourra-t-elle subsister quand le pouvoir communautaire s’imposera face aux parlements nationaux ? - Est-ce que ces réformes vont déboucher sur un “Statut Fédéral” ? - S’agira-t-il d’une “Europe allemande” ? - À quoi ressemblerait une “Europe française” ? - Combien de temps nous reste- t-il pour apporter des réponses à ces 9 questions fondamentales ? Pendant ce temps, l’Or culmine à 1 750 US $ l’once et l’argent métal a plus que doublé dans l’année. Signes traduisant de nombreuses et croissantes inquiétudes qui nous renvoient au titre de cet artiSERGE-CYRIL VINET cle.

Russie ? En premier lieu, rappelons-nous qu’en ces temps-là, les retraites et la Sécurité Sociale n’existaient pas. La France n’invitait guère ses concitoyens à investir dans ses entreprises nationales et, avec une inflation quasiment nulle, les investisseurs étaient tentés par des taux sans impôts de 4 à 5% l’an. En deuxième lieu, ils assuraient leurs vieux jours et ceux de leurs enfants puisque l’amortissement de la plupart des emprunts s’étalait sur une période de 68 ans. Encouragés par ce que l’on appellerait aujourd’hui le lobbying, les Français suivaient les conseils de la presse copieusement “arrosée” par les ambassadeurs russes : ISVOLSKI et des intermédiaires peu scrupuleux en la personne d’un dénommé RAFFALOVITCH, mais aussi, il est important de le souligner, par des ministres français, soucieux d’arracher la Russie à l’attraction de l’Allemagne. Défaite militairement par le Japon en 1904-1905, confrontée dans les Balkans avec l’Empire Austro-Hongrois, soucieuse de moderniser son industrie, ses réseaux ferroviaires, la Russie avait grand besoin de l’Or des Français. Bien évidemment, même s’ils étaient les plus nombreux, les Français ne furent pas les seuls spoliés par LENINE. Les gouvernements suèdois en 1941, Canadien en 1944, Norvégien en 1959, Danois et Hollandais mirent fin au contentieux qui les opposait à l’URSS de manière plus ou moins heureuse pour les créanciers. Le gouvernement britannique estimant, quant à lui, à juste titre, qu’il se trouvait engagé dans le placement des emprunts russes, il avait, dès 1918, proposé aux souscripteurs, l’échange des valeurs mobilières, et notamment, des bons du trésor impérial placés en 1915 et en 1916, contre des bons émis par le Trésor Anglais, amortissable en 12 ans à un taux de 3 % l’an. Les gouvernements français qui se succédèrent n’eurent que peu d’intérêt pour l’argent “capitaliste”, celui des petits et moyens épargnants, et ne prêtèrent que très peu d’attention aux emprunts russes. En signant la paix avec l’Allemagne à Brest-Litovsk, le 3 mars 1918, (Traité signé par Lev Davidovitch Bronstein, dit Léon Trotski, puis par Tchitchérine, et qualifié par Lénine de “Traité Honteux”, pour être enfin annulé par le gouvernement soviétique le 13 novembre 1918). Le tout jeune pouvoir soviétique trahissait la France en transférant à l’ouest les divisions allemandes. Ce jour-là, Lénine reconnut, face aux Allemands, les dettes du régime tsariste en envoyant 300 tonnes d’or à Berlin pour honorer les souscripteurs allemands aux 51

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Retraite

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retraite desFrançaisdel’étranger Voici à votre intention un résumé sur la retraite des Français de l’étranger. e me suis rendue à la CNAV, où j’ai été très bien reçue par Mesdames Annie Rosès, Directrice des relations internationales et de la coordination, Danielle Badeig, chargée de mission et Virginie Barret assistante, afin de recueillir quelques renseignements utiles dont nous ne disposons pas toujours. Vous êtes Français, résidant à l’étranger, vous êtes ou avez été affilié au régime général de la Sécurité sociale française et à un (ou plusieurs) régime(s) étranger(s). Il est important de connaître vos droits en matière de retraite selon votre statut à l’étranger, les modes de calcul de votre retraite en appliquant les règlements communautaires et/ou les accords de sécurité sociale signés avec la France. Pour votre retraite du régime général de la Sécurité sociale, vous avez comme interlocuteurs deux caisses : la Caisse des Français de l’étranger et la Caisse nationale d’assurance vieillesse. La Caisse des Français de l’étranger (CFE) a pour mission de gérer • l’assurance volontaire de tous les risques (maladie, maternité, invalidité, accidents du travail, vieillesse) ; • d’examiner les demandes d’adhésion y compris celles à l’assurance volontaire vieillesse ; • de procéder au recouvrement de ces cotisations.

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La Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) La Cnav est la plus importante des caisses de retraite française. Elle gère l’assurance vieillesse et l’assurance veuvage pour le régime général de la Sécurité sociale avec le concours des caisses de retraite régionales et générales. Vous êtes futurs retraités de la CNAV si : • vous avez cotisé en France pour une activité salariée même exercée il y a plusieurs années ; • vous avez cotisé à l’assurance volontaire vieillesse pour la retraite de la Sécurité sociale ; • vous avez effectué un rachat de cotisations ; • vous êtes détaché à l’étranger : votre activité est prise en compte au même titre qu’une activité salariée en France et votre employeur paie vos cotisations. Si vous êtes expatrié et que votre entreprise ne verse

La Cnav est la plus importante des caisses de retraite française. Elle gère l’assurance vieillesse et l’assurance veuvage pour le régime général de la Sécurité sociale.

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pas de cotisations à la Sécurité sociale, il vous est possible d’adhérer à l’assurance volontaire vieillesse de la CNAV en vous adressant à la Caisse des Français de l’étranger (CFE) et ce, même si vous cotisez au régime local. Si vous avez été affilié à un autre régime de retraite français, vous devez vous adresser directement à ce régime pour connaître vos droits. Régimes agricoles, régime social des indépendants (artisans, commerçants), régime des professions libérales, régimes spéciaux (fonctionnaires, SNCF, etc.)

La carrière de salarié Vous exercez une activité salariée à l’étranger, vous pouvez être détaché ou expatrié. Selon votre situation, vos droits à retraite au régime général de la Sécurité sociale sont différents. Au moment de votre premier emploi en France ou de votre adhésion à l’assurance volontaire pour la retraite, un compte individuel a été ouvert à votre nom. Toutes ces informations sont disponibles sous la forme d’un “relevé de carrière” qui retrace l’historique de votre parcours professionnel.

Détaché ou expatrié ? Le détachement Vous êtes détaché à l’étranger pour une durée limitée par votre entreprise. Votre employeur continue de cotiser au régime général de la Sécurité sociale française : votre relevé de carrière est alimenté chaque année et vos trimestres sont validés selon les cotisations versées. La durée maximale du détachement varie selon les pays et les accords de sécurité sociale appliqués. L’expatriation Lorsque vous êtes salarié expatrié, vous n’êtes plus affilié au régime général de la Sécurité sociale française. Vous relevez du régime local de sécurité sociale. Vous pouvez adhérer, sous certaines conditions, à l’assurance volontaire par l’intermédiaire de la CFE.


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Le relevé de carrière Il est l’élément essentiel pour calculer votre retraite du régime général de la Sécurité sociale française puisqu’il comporte entre autres : • vos salaires annuels soumis à cotisations à la Sécurité sociale française éventuellement plafonnés ; • les salaires déterminés à partir de vos cotisations rachetées, si vous avez demandé un rachat de cotisations avant le 1er janvier 2011 ou de vos cotisations versées à titre volontaire à l’assurance vieillesse ; • les trimestres qui résultent de ces salaires. Le nombre de trimestres validés ne correspond pas à la durée d’activité. Il est déterminé en fonction du montant du salaire annuel brut soumis à cotisations et ce, dans la limite de quatre trimestres par an. Par exemple, pour 2011 : 1 800 euros valident un trimestre, 3 600 euros valident deux trimestres, etc. ; • les trimestres issus du versement pour la retraite ; • vos périodes validées par d’autres régimes de retraite de base français (régime agricole, fonctionnaires, artisans, industriels et commerçants, professions libérales, SNCF, EDF, etc.). À ces trimestres peuvent s’ajouter certaines périodes d’interruption d’activité en France (service militaire, chômage, maladie, invalidité, etc.) donnant lieu à la validation de trimestres assimilés.

Nouveauté réforme Actuellement, les périodes de chômage non indemnisé peuvent donner lieu à la validation de périodes assimilées sous certaines conditions et dans certaines limites pour la première période de chômage non indemnisé. Un décret devrait permettre aux jeunes sans emploi qui rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle de bénéficier, sous certaines conditions, de la validation de six trimestres maximum au titre de la première période de chômage non indemnisé. Les rachats de cotisations effectués pour “affiliation tardive”, activités hors de France, ne sont plus pris en compte dans le calcul du salaire annuel moyen. Cette mesure concerne les demandes de rachats déposées depuis le 1er janvier 2011. Sous conditions, vous pouvez obtenir des trimestres supplémentaires (par exemple majorations de durée d’assurance pour enfants ou, si vous avez dépassé l’âge d’obtention du taux plein au point de départ de votre retraite), ces derniers sont alors acquis au moment de la liquidation de votre retraite ; ils n’apparaissent donc pas sur le relevé de carrière.

www.lassuranceretraite.fr. Lorsque vous recevrez votre relevé de carrière, si certaines années n’y figurent pas, vous nous ferez parvenir les pièces justificatives qui nous permettront, le cas échéant, de les valider. À partir de 54 ans, vous pouvez obtenir une estimation de votre retraite du régime général en écrivant à la CNAV. Il vous est également possible d’évaluer en ligne le montant de votre retraite.

Complétez votre carrière

Sous conditions, vous pouvez obtenir des trimestres supplémentaires, ces derniers sont alors acquis au moment de la liquidation de votre retraite ; ils n’apparaissent donc pas sur le relevé de carrière.

Il existe trois dispositifs permettant de compléter sa carrière : les rachats, le versement pour la retraite et la régularisation des cotisations arriérées.

Les différents dispositifs de rachat Le versement pour la retraite permet de racheter des trimestres pour compléter des années incomplètes, c’està-dire validées par moins de quatre trimestres pour vos années d’études supérieures.

La régularisation de cotisations arriérées Votre employeur n’a pas versé les cotisations en temps voulu, il peut en effectuer la régularisation pour les activités salariées remontant à plus de trois ans pour les périodes d’apprentissage (issues de contrats conclus avant le 1er juillet 1972). Les rachats permettent de racheter des cotisations pour certaines périodes, par exemple : pour les activités salariées à l’étranger pour des activités très précises (catégorie professionnelle tardivement affiliée au régime général, travail pénal, activité bénévole de tierce personne auprès d’un proche infirme ou invalide, etc.). Vous pouvez effectuer des versements de cotisations pour certaines périodes. Il s’agit principalement : • des périodes de salariat à l’étranger ; • dans certains cas, des périodes d’activité en France. Pour les demandes déposées depuis le 1er janvier 2011, le mode de calcul de certains rachats (affiliation tardive, activités hors de France) est aligné sur celui des versements pour la retraite.

Le versement pour la retraite Vous avez entre 20 et 66 ans et vous n’êtes pas encore retraité du régime général, vous pouvez faire une demande de versement pour la retraite au titre de : • vos années incomplètes, c’est-à-dire validées par moins de quatre trimestres ; • vos années d’études supérieures validées par un diplôme, par votre admission dans une grande école ou une classe préparatoire du second degré. Pendant ces années d’études, vous ne devez pas avoir été affilié à un régime de retraite obligatoire français ou étranger.

Pourquoi demander votre relevé de carrière ? Important Une demande de relevé de carrière ne vaut pas demande de retraite. Il faut vérifier que l’ensemble de votre carrière a bien été pris en compte. Vous pouvez visualiser et imprimer votre relevé de carrière à tout âge depuis le site Internet : 53

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Les périodes d’études ayant permis l’obtention d’un diplôme équivalent délivré par un État membre de l’Union européenne, la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège ou par un pays lié à la France par une convention internationale de sécurité sociale, peuvent ouvrir droit à un versement pour la retraite. Le montant du versement est calculé en fonction de trois éléments : • votre âge ; • vos revenus d’activité des trois années civiles précédant la période du 1er juillet au 30 juin comprenant la date de votre première manifestation auprès de votre caisse régionale de retraite ; Le montant des sommes acquittées au titre du versement pour la retraite est déductible de votre revenu imposable. Le versement pour la retraite ne peut excéder douze trimestres. Le versement doit être soldé avant votre départ à la retraite.

La régularisation de cotisations arriérées La régularisation de cotisations arriérées est possible pour des périodes d’activité salariée en France durant lesquelles les cotisations n’ont pas été versées par votre employeur alors qu’elles étaient dues et pour certaines périodes d’apprentissage. Vous pouvez les régulariser et compléter ainsi votre durée d’assurance afin d’améliorer le montant de votre retraite. La régularisation concerne les périodes d’activité remontant à plus de trois ans ou les périodes d’apprentissage dont les contrats ont été conclus avant le 1er juillet 1972. La demande de régularisation doit être formulée par votre employeur en votre nom.

Votre retraite en France

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L’âge légal de la retraite, c’est-à-dire l’âge à partir duquel il est possible de bénéficier de sa retraite au régime général de la Sécurité sociale française, passe progressivement de 60 à 62 ans. À partir du 1er juillet 2011, chaque année, l’âge de départ des assurés sera augmenté de quatre mois en fonction de leur génération. Si vous êtes né avant le 1er juillet 1951, vous n’êtes pas concerné par cette augmentation.

Les salaires annuels retenus par année civile, sont ceux sur lesquels vous avez cotisé à l’assurance retraite et ceux déterminés d’après vos cotisations rachetées ou payées à la CFE. Des départs avant cet âge sont toutefois possibles sous certaines conditions. Les rachats de cotisations effectués pour “affiliation tardive”, activités hors de France, ne sont plus pris en compte dans le calcul du salaire annuel moyen. Cette mesure concerne les demandes de rachats déposées depuis le 1er janvier 2011.

À partir du 1er juillet 2011, chaque année, l’âge de départ des assurés sera augmenté de quatre mois en fonction de leur génération.

Le calcul de votre retraite Le salaire annuel moyen, le taux et la durée d’assurance sont les trois éléments du calcul du montant annuel de la retraite. 1 Le salaire annuel moyen (Sam) C’est la moyenne des meilleurs salaires annuels de votre carrière soumis à cotisations Le nombre d’années civiles retenues pour le calcul du Sam varie entre 10 et 25 ans selon votre année de naissance.

2 Le taux Le taux est le pourcentage appliqué au Sam pour le calcul de votre retraite. Le taux plein (ou taux maximum) est de 50 %. Vous pouvez obtenir ce taux : • si vous justifiez de la durée d’assurance fixée selon votre année de naissance, entre 160 et 166 trimestres tous régimes de retraite de base français confondus ; • Si vous êtes reconnu inapte au travail ou titulaire d’une pension d’invalidité ou, sous certaines conditions, si vous êtes ancien combattant ou ouvrière mère de trois enfants ; • si vous remplissez les conditions d’attribution d’une retraite anticipée (longue carrière, assurés handicapés) ou d’une retraite pour pénibilité ; • à partir de l’âge minimum d’obtention du taux plein qui passe progressivement de 65 à 67 ans. Certaines périodes peuvent être reconnues équivalentes à des périodes d’assurance et prises en compte dans la durée d’assurance pour fixer le taux. Ainsi vos périodes de salariat exercées à l’étranger avant le 1er avril 1983 qui peuvent ou auraient pu donner lieu à rachat de cotisations seront reconnues équivalentes. Le taux plein à 65 ans : c’est toujours possible ? Oui, certaines personnes peuvent toujours obtenir le taux plein à 65 ans et ce, même si elles ne remplissent pas la condition de durée d’assurance. Il s’agit : • des personnes, nées entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955, qui ont eu ou élevé au moins trois enfants, ont réduit ou cessé leur activité pour élever un de ces enfants et ont validé un nombre de trimestres minimum avant cette interruption ; • des assurés qui ont interrompu leur activité professionnelle en raison de leur qualité d’aidant familial ; • des assurés qui ont validé au moins un trimestre au titre de la majoration pour enfant handicapé ; • des assurés qui ont apporté une aide effective, en tant que salarié ou aidant familial pendant au moins 30 mois, à l’enfant bénéficiaire de la prestation de compensation du handicap ; • des assurés handicapés. 3 La durée d’assurance La durée d’assurance correspond à l’ensemble des trimestres que vous réunissez. Pour le calcul de votre retraite, un nombre maximum de

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trimestres par année civile) et sous conditions les périodes reconnues équivalentes.

trimestres est fixé selon votre année de naissance, (entre 150 et 166 trimestres). Si vous réunissez la durée d’assurance maximum, votre retraite est entière, sinon elle est proportionnelle au nombre de trimestres. L’âge légal de départ à la retraite est l’âge minimum à partir duquel un assuré peut obtenir sa retraite. La réforme des retraites modifie de façon progressive cet âge, il passe ainsi de 60 à 62 ans selon l’année de naissance Retraite et accords de sécurité sociale Vous êtes ou avez été affilié au régime général de la Sécurité sociale française et à un (ou plusieurs) régime(s) étranger(s) : le calcul de votre retraite tient compte de ces différentes affiliations, en fonction des accords passés entre la France et les pays concernés. Le mode de calcul de votre retraite diffère selon le (ou les) accord(s) de sécurité sociale appliqué(s).

Les règlements communautaires Lorsque vous demandez votre retraite au régime général de la Sécurité sociale française, sont comparées : • la retraite calculée en fonction de la seule législation française, c’est-à-dire une “retraite nationale” ; • à la part, à la charge de la CNAV, de la “retraite communautaire” qui prend en compte toutes les périodes accomplies dans les États de la zone d’application des règlements communautaires. Le montant le plus avantageux est payé. En cas d’égalité, c’est le montant de la “retraite communautaire” qui est servi. Les nouveaux règlements communautaires (883/2004 et 987/2009)2 sont entrés en vigueur depuis le 1er mai 2010. Calcul de la « retraite communautaire » Comme pour le calcul de la “retraite nationale”, les trois éléments suivants sont pris en compte : 1 Le salaire annuel moyen (Sam) Le salaire annuel moyen est déterminé à partir des salaires cotisés au régime général. Le nombre d’années retenues pour le calcul du salaire annuel moyen est réduit au prorata de la durée d’assurance du régime général par rapport à la durée totale des régimes français et des autres États, sous réserve que ces derniers prennent en compte pour le calcul de la retraite : des salaires, des revenus ou des cotisations sur une durée d’assurance d’au moins 15 ans.

Chaque pays verse la part de retraite qui lui incombe, c’est-àdire qui rémunère les périodes accomplies sous sa seule législation.

2 Le taux La durée d’assurance pour fixer le taux est déterminée en totalisant les trimestres validés en France, les périodes communiquées par les autres États de la zone d’application des règlements communautaires, les périodes d’assurance volontaires et de rachat de cotisations (sans superposition et dans la limite de quatre 55

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3 La durée d’assurance C’est la durée d’assurance totale validée en France mais également l’ensemble des périodes d’assurance et de résidence accomplies dans les autres États de la zone d’application des règlements communautaires, sans superposition et dans la limite de la durée maximum fixée selon votre année de naissance dans notre régime. Le calcul se décompose en deux étapes : • 1ère étape : les périodes d’assurance, d’emploi, d’activité non salariée et de résidence dans tous les États de la zone d’application des règlements communautaires sont totalisées pour déterminer une “retraite théorique” à laquelle vous auriez pu prétendre si toute votre carrière s’était réalisée au régime général ; • 2e étape : le montant de cette “retraite théorique” est réduit en proportion de vos périodes d’assurance au régime général, rapportée à la durée d’assurance totale (dans la limite de la durée d’assurance maximum applicable dans notre régime). C’est la part CNAV de la “retraite communautaire”. Cette part est comparée au montant de la “retraite nationale” et le montant le plus avantageux vous est attribué. En cas d’égalité, c’est le montant de la “retraite communautaire” qui vous est servi. Une majoration correspondant aux périodes d’assurance volontaire qui se superposent à des périodes d’assurance obligatoire dans un autre État est calculée et ajoutée au montant de la “retraite communautaire”.

Les accords de sécurité sociale Si vous avez été affilié au régime général de la Sécurité sociale française et à un (ou plusieurs) régime(s) étranger(s), le calcul de votre retraite tient compte de ces différentes affiliations, en fonction des accords passés entre la France et les pays concernés. Les accords de sécurité sociale prévoient une coordination des régimes de sécurité sociale entre la France et les pays signataires et un calcul différent selon l’accord. Chaque pays verse la part de retraite qui lui incombe, c’est-à-dire qui rémunère les périodes accomplies sous sa seule législation. Il existe 33 pays et trois types d’accords Accord 1 : droit d’option Il vous permet de choisir entre : • le calcul par totalisation/proratisation : les organismes de retraite de chacun des pays totalisent (selon les dispositions de l’accord) les périodes accomplies en France et dans l’autre État et calculent la retraite comme si l’ensemble de votre carrière avait été effectué dans leur seul pays ;puis le montant de la la retraite de chaque État est réduit en proportion des durées respectives effectuées dans chaque pays, rapportées à la durée totale et • le calcul séparé des retraites : chaque pays calcul la re-

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traite à laquelle vous avez droit en fonction de votre carrière dans ce seul pays. Pour la détermination du taux de votre retraite au régime général, il peut être fait appel (en fonction de l’accord) aux périodes accomplies dans l’autre pays lorsqu’elles ne se superposent pas à des périodes d’assurance effectuées dans les régimes de base français, dont le régime général. Accord 2 : calcul séparé des retraites Il prévoit le calcul séparé des retraites expliqué ci-dessus. Accord 3 : comparaison entre le calcul par totalisation/proratisation et le calcul séparé des retraites (voir Accord 1) C’est la retraite la plus avantageuse qui vous est directement attribuée. Les règlements communautaires et les accords de sécurité sociale Vous avez été affilié au régime général de la Sécurité sociale française, à un régime d’un autre État de la zone d’application des règlements communautaires et à un régime d’un pays signataire d’un accord de sécurité sociale avec la France, le calcul de votre retraite se fait dans le cadre : • des règlements communautaires et • de l’accord de sécurité sociale. Après comparaison, le montant le plus avantageux vous est attribué. Les pays non signataires d’accords de sécurité sociale avec la France. Vous avez été affilié au régime général de la Sécurité sociale française et à un régime d’un pays non signataire d’un accord de sécurité sociale avec la France, votre retraite est calculée en fonction de la seule législation française. Il n’y a pas de coordination entre notre régime et le régime étranger auquel vous avez éventuellement appartenu : votre demande de retraite française n’entraîne pas l’examen de vos droits à une retraite dans l’autre pays. Il vous ai conseillé de vous informer sur vos droits à la retraite dans ce pays.

Il n’y a pas de coordination entre notre régime et le régime étranger auquel vous avez éventuellement appartenu.

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Les démarches La demande de retraite Aucune retraite n’est accordée automatiquement. • Vous résidez dans un pays de la zone d’application des nouveaux règlements communautaires, votre demande devra être déposée : - soit auprès de la caisse de retraite de votre pays de résidence, - soit auprès de la caisse de retraite où vous avez cotisé en dernier lieu. L’institution chargée d’instruire votre demande en application des nouveaux règlements communautaires est appelée “institution de contact”. • Vous résidez dans un pays de la zone d’application des anciens règlements communautaires, votre demande devra être déposée auprès de la caisse de retraite de FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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votre pays de résidence. • Vous résidez dans un pays signataire d’un accord de sécurité sociale avec la France, votre demande devra être déposée auprès de la caisse de retraite de votre pays de résidence. • Vous résidez dans un pays qui n’a pas signé d’accord de sécurité sociale avec la France. Il faut compléter le formulaire “Demande de retraite personnelle” que vous devrez renvoyer à la caisse française où vous avez cotisé en dernier lieu. • Vous rentrez définitivement en France, compléter le formulaire “Demande de retraite personnelle” que vous devrez renvoyer à la caisse de retraite de votre lieu de résidence. Il est vivement conseillé d’envoyer votre demande à la caisse quatre mois avant la date que vous choisissez comme point de départ de votre retraite. Les modalités de paiement à l’étranger dépendent du pays de résidence. Selon le pays dans lequel vous résidez, il vous sera demandé annuellement, semestriellement ou trimestriellement, un justificatif d’existence qui doit être complété par les autorités locales (mairie, bureau de police) afin de poursuivre le paiement de votre retraite. Si la CNAV ne reçoit pas de justificatif d’existence, il sera suspendu.

Le veuvage À la perte de votre conjoint vous pouvez obtenir une retraite de réversion. Elle est attribuée sous certaines conditions, aux veuves et aux veufs dont le conjoint (ou ex-conjoint) décédé était retraité du régime général ou susceptible de l’être. Les conditions Vous pouvez obtenir une retraite de réversion si vous remplissez les conditions : • d’âge. Vous devez avoir au moins 55 ans au moment du point de départ de la retraite de réversion sauf si votre conjoint est décédé avant le 1er janvier 2009 (ou a disparu avant le 1er janvier 2008), l’âge minimum pour demander une retraite de réversion est alors de 51 ans. Si vous n’avez pas encore l’âge requis pour demander une retraite de réversion, vous pouvez peutêtre prétendre à l’allocation de veuvage, sous certaines conditions ; • de ressources. Vos ressources personnelles ou celles du votre nouveau ménage (si vous êtes remarié, pacsé ou vivez en concubinage) ne doivent pas dépasser les plafonds de l’année en cours ; • de mariage. Le pacte civil de solidarité (Pacs) ou la vie maritale ne permettent pas d’obtenir une retraite de réversion. Sachez que même si vous êtes remarié ou vivez maritalement avec un nouveau conjoint (pacsé ou en concubinage), vous pouvez déposer une demande de retraite de réversion. Il est à signaler que l’allocation de veuvage est une prestation temporaire, d’un montant unique, attribuée


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avant 55 ans, sous certaines conditions, aux veuves et aux veufs disposant de faibles ressources. La retraite de réversion est égale à 54 % du montant de la retraite que percevait ou aurait perçu votre conjoint ou ex-conjoint. La retraite de réversion se cumule, dans une certaine limite, avec vos ressources. Si la limite est dépassée, une retraite de réversion différentielle vous est servie. Le montant peut être révisé en cas de changement de situation familiale ou de modification de vos ressources. Il peut être également augmenté d’une majoration de 10% si vous avez eu ou élevé au moins trois enfants ou de la majoration forfaitaire pour enfant. Des contrôles de ressources peuvent avoir lieu à tout moment. Si votre conjoint ou ex-conjoint a été marié plusieurs fois, la retraite de réversion est partagée entre le conjoint et les ex-conjoints. Ce partage est proportionnel à la durée de chaque mariage.

Comment faire sa demande ? La retraite de réversion n’est pas attribuée automatiquement. • Vous résidez dans un pays de la zone d’application des nouveaux règlements communautaires, votre demande devra être déposée : - soit auprès de la caisse de retraite de votre pays de résidence ; - soit auprès de la caisse de retraite où votre conjoint a cotisé en dernier lieu. L’institution chargée d’instruire votre demande en application des nouveaux règlements communautaires est appelée “institution de contact”. • Vous résidez dans un pays de la zone d’application des anciens règlements communautaires, votre demande devra être déposée auprès de la caisse de retraite de votre pays de résidence. • Vous résidez dans un pays signataire d’un accord de sécurité sociale avec la France, déposez votre demande auprès de la caisse de retraite de votre pays de résidence. • Vous résidez dans un pays qui n’a pas signé d’accord de sécurité sociale avec la France, déposez votre demande auprès de la caisse de retraite française où votre conjoint a cotisé en dernier lieu. Vous êtes retraité, la caisse de retraite française compétente est celle qui paie votre retraite. Sinon, vous devez vous adresser à la caisse du dernier lieu de travail en France de votre conjoint décédé Vous devez également contacter votre (vos) caisse(s) de retraite complémentaire pour demander votre (vos) retraite(s) de réversion complémentaire(s).

nancier. Les modalités de paiement à l’étranger dépendent du pays de résidence. Si vous habitez à l’étranger, il vous sera demandé une fois par an, par semestre ou par trimestre, selon le pays, un justificatif d’existence pour pouvoir vous payer votre retraite de réversion.

Retraite et fiscalité

Si votre revenu fiscal de référence est supérieur à un certain seuil, vous êtes assujetti à la CSG.

Le paiement La retraite de réversion est payée à terme échu. Elle est versée le 9 de chaque mois à votre établissement fi57

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La contribution sociale généralisée (CSG), la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ou la cotisation d’assurance maladie peuvent être prélevées sur votre retraite du régime général selon votre lieu de résidence, votre situation fiscale et votre régime d’assurance maladie. Si vous êtes domicilié fiscalement en France, il est prélevé sur la retraite une cotisation au titre de : • la contribution sociale généralisée (CSG) : elle est prélevée si vous relevez d’un régime obligatoire français d’assurance maladie. Si votre revenu fiscal de référence est supérieur à un certain seuil, vous êtes assujetti à la CSG. Selon votre niveau d’imposition, le taux appliqué est de 6,6 % ou de 3,8 %. Vous êtes exonéré de la CSG : si votre revenu fiscal de référence est inférieur à un certain seuil ou si vous êtes titulaire de l’allocation de veuvage ou d’une prestation non contributive (allocation de solidarité aux personnes âgées, allocation supplémentaire d’invalidité) ou si vos frais médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers ne sont pas pris en charge par un organisme français de sécurité sociale ; • la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) : elle est égale à 0,5 % et n’est pas prélevée si vous êtes exonéré de la CSG. Vous êtes domicilié fiscalement hors de France 3,2 % de prélèvement sur la retraite au titre de la cotisation assurance maladie si vous êtes pris en charge par l’assurance maladie française. La cotisation d’assurance maladie n’est pas prélevée : • si vous êtes titulaire de l’allocation de veuvage ; • si vous travaillez dans l’un des États de la zone d’application des règlements communautaires et bénéficiez des prestations d’assurance maladie dans votre pays de résidence ou d’activité ; • si vous résidez à Monaco. À la Cnav, un service d’information est à votre disposition pour répondre aux questions que vous vous posez sur votre retraite. Vous pouvez vous adresser à : Cnav - Information des Français de l’étranger 75951 Paris Cedex 19 Je reste à votre entière disposition pour apporter des réponses au cas les plus difficiles. CHRISTIANE KAMMERMANN Bien fidèlement vôtre. SÉNATEUR


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Le Billet de Dany

Ilsn’avaientrienàeux... Ilsonteuunveràsoie... Etdefilenaiguille, delacollinedela Croix-Rousseauxrives duLacdeCôme... FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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Prelle Leshéritiers

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Une entreprise familiale

lyonnaisdela

soie

Sur la colline de la Croix-Rousse, la dernière manufacture de soieries d’ameublement tisse à l’ancienne des velours ciselés, des brochés à plumes de paon et autres brocarts d’or et d’argent. Pour Versailles, le Louvre, l’Opéra Garnier et les plus grandes fortunes mondiales. Reportage. uand j’ai repris la direction de Prelle, il y a vingt ans, j’ai choisi de spécialiser la manufacture dans le creneau du très grand luxe. On m’a critiqué, mais je savais que je ne prenais pas de risque. Aujourd’hui, les grandes fortunes constituent plus de 90% de notre clientèle. » À la tête du dernier atelier lyonnais de soieries d’ameublement, Guillaume Verzier, assisté de sa femme Hélène, perpétue une tradition séculaire. Dans le mythique quartier de la Croix-Rousse, seuls neuf métiers à bras, tous alignés chez Prelle, continuent de faire entendre leur cliquetis. Depuis cinq générations, la manufacture fonctionne comme une entreprise familiale. Parmi ses clients, Guillaume Verzier compte des milliardaires américains, allemands, russes ou indiens, qui, pour l’approcher, mandatent les plus grands décorateurs du monde. Ainsi, Thierry Despond, célèbre architecte français (il a décoré le Dorchester à Londres, le Ritz à Paris ou encore le Paul Getty Museum de Los Angeles) a choisi Prelle pour la demeure londonienne d’un géant mondial de l’acier. Pour habiller de soie les fenêtres d’un prestigieux domaine canadien, Juan Pablo Molyneux, architecte décorateur chilien, a fait appel au savoir-faire de la manufacture lyonnaise, délestant son client de plus d’un million de dollars. C’est une somme identique qu’un magnat russe n’a pas hésité à consacrer à la décoration de sa datcha. Il est vrai qu’une paire de rideaux tissés à l’ancienne chez Prelle peut atteindre les 300 000 euros ! Une clientèle exigeante à laquelle l’entreprise lyonnaise ne passe toutefois pas tous les caprices : « J’ai refusé la

«Q

’est un certain Pierre-Toussaint Déchazelle, dessinateur, élève de l’École de peinture de Lyon, qui créa, au milieu du XVIIIe siècle, la Manufacture de soieries qui porte aujourd’hui le nom de Prelle. Héritages, alliances, rachats, la société a changé plusieurs fois de noms : Corderier, Corderier et Lemire, Lemire et Danguin, Lamy et Gautier,… En 1927, Aimé Prelle, fils d’un célèbre dessinateur en soieries, prend la direction de la manufacture à laquelle il donne son nom. Elle ne devait plus en changer. La dernière manufacture lyonnaise de soieries d’ameublement est aujourd’hui dirigée par Guillaume Verzier, arrière-arrière-petit-fils d’Aimé Prelle, assisté d’Hélène, sa femme. Diplômé d’une école de commerce, titulaire d’une expertise comptable, Guillaume Verzier est avant tout un gestionnaire. Outre la direction générale de l’entreprise, il assure les contacts avec les musées et les grands décorateurs. Fervent défenseur de la soierie lyonnaise, il fut le fondateur du Comité Bellecour (promotion des métiers de la décoration de luxe à Lyon) et est aujourd’hui membre du Comité directeur du Centre international d’étude des textiles anciens. Hélène Verzier préside elle aussi aux destinées de Prelle. Au bénéfice d’une solide formation commerciale, elle assure le suivi des fabrications spéciales pour la clientèle, américaine et moyen-orientale plus particulièrement.

C

En haut : Guillaume et Hélène Verzier, un couple habité par la passion de la soie. Ci-dessus : Rien ne remplace l’expérience des canuts. commande d’un client russe dont les prétentions n’étaient pas acceptables », se souvient Guillaume Verzier, avec un petit sourire satisfait. Une quarantaine de personnes travaillent aujourd’hui chez Prelle, de la fabrication au commercial, en passant par la conception de nouveaux dessins. Il faut près de trois mois pour préparer un métier, une journée pour confectionner 2,5 cm d’un broché à 116 couleurs, plus 59

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d’un an pour réaliser une pièce d’étoffe sur l’un des métiers à bras, en bois de sapin, de hêtre ou de peuplier. Dans les ateliers de la rue Barodet, l’atmosphère n’a pas changé depuis plus d’un siècle. Le vieux plancher craque sous les pas. Un vieux métier Jacquard dévide lentement son “accordéon” de cartes perforées. Poulies, cordages, contrepoids, bobineaux multicolores, navettes, font aussi partie du décor. Hélène Verzier ouvre le “Livre des Patrons”, vieux de près de 150 ans, dans lequel sont répertoriées toutes les fabrications réalisées par la manufacture depuis 1866. Ces archives constituent le “trésor” de la maison, avec tous les échantillons et indications nécessaires pour un retissage à l’identique. Prelle a ainsi pu recréer les rideaux de la chambre de Marie-Antoinette à Versailles, ceux du trône de la reine Beatrix de Hollande, les étoffes du foyer de l’Opéra de Paris, les tentures de la Wallace Collection de Londres ou encore les tissus d’ameublement de vieilles demeures de Newport dans Rhode Island, dont le somptueux velours ciselé de la salle de bal de Marble House. Lors de la visite de Trajectoire, Sébastien Roche, un collaborateur de Prelle, travaillait au retissage des tissus ayant servi, en 1860, à la confection des rideaux de la Turkish Smoking Room de Victoria Mansion, une propriété privée située dans le Maine, au nord des ÉtatsUnis. Et on lançait le retissage d’un velours ciselé polychrome pour Biltmore Estate, la plus grande de-

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Cinq siècles d’histoire de la soierie lyonnaise u XVe siècle déjà, des marchands venus d'Italie vendaient leurs plus belles soieries sur les marchés de Lyon. Pour éviter cette “fuite de devises”, le roi Louis XI eut l'idée de créer une manufacture. Mais ce n’est qu'un siècle plus tard que des Piémontais fixés à Lyon obtiennent de François 1er la permission d'installer dans la ville les premiers “ateliers de production d’étoffes d'or, d’argent et de soie”. Plus tard, Henri IV encourage l’élevage du ver à soie en Ardèche et dans les Cévennes, deux régions proches de Lyon. Sous le règne de Louis XIV, la conjoncture économique étant favorable, la soie lyonnaise peut s'affranchir de l’influence italienne. De somptueuses étoffes sont réalisées pour les demeures royales et celles des princes de la cour. Mais c'est au XVIIIe siècle que Lyon devient véritablement la capitale mondiale de la soie, alors que la réputation des soyeux lyonnais passe les frontières et que des souverains tels que Charles d'Espagne et Catherine de Russie font appel aux soyeux français pour décorer leurs palais. À la Révolution, tout s'écroule. Les soyeux lyonnais perdent une grande partie de leur clientèle. De 14 000, le nombre des métiers à tisser passe à 3 500. Retournement de situation au début du XIXe siècle, avec l'avènement de Napoléon 1er. L'empereur passe d'importantes commandes pour les palais impériaux et la grande bourgeoisie veut à son tour se vêtir de soie. On compte au milieu du XIXe siècle plus de 100 000 métiers à tisser à Lyon et l'industrie de la soie représente plus des trois quarts de l'activité économique de la ville. L'embellie est de courte durée. Dès 1831, Lyon vit des heures difficiles : industrialisation, concurrence étrangère et, pire encore, apparition de la soie synthétique. Une nouvelle fois, les soyeux lyonnais réagissent et, misant sur leur savoir-faire, trouvent de nouveaux débouchés dans la haute couture. Nouvel âge d'or, vite brisé par la crise des années 1930. Aujourd'hui, la soie lyonnaise est toujours prépondérante dans la haute couture, l'ameublement et la décoration. Même si sa part est infime dans la production textile française (0,5%), elle continue à véhiculer cette image d'excellence acquise au cours des siècles. Une réputation qui profite à l'ensemble de l'industrie textile, basée à 85% en Rhône-Alpes.

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meure privée des États-Unis, en Caroline du Nord. Aujourd’hui, plusieurs générations de métiers à tisser cohabitent dans les ateliers lyonnais. Deux métiers modernes, mis au point par un groupe franco-suisse, assistés par ordinateurs et commandes électroniques, côtoient les anciens métiers à bras. Ces équipements ultra-performants sont capables de travailler 18 000 fils ensemble et permettent de réaliser en dix semaines des tissages qui nécessitent un à deux ans de travail sur des métiers traditionnels. « Notre travail consiste non seulement à maintenir un savoir-faire ancien, à retrouver des gestes et des façons de faire oubliés, mais aussi à adopter des techniques nouvelles pour répondre aux demandes du marché et aux tendances de la décoration », explique Guillaume Verzier. Pour l’heure, la manufacture, qui entend rester indépendante, se porte bien…

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Les navettes qu’il faut faire passer une à une dans la trame.

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Douceursensorielleà

Côme

listes de la soie reconnu pour ses créations, sa production et sa distribution d'accessoires en soie. Avec plus de 100 ans d'expérience dans l'industrie de la soie, l'entreprise familiale, reflet fidèle d'un savoir-faire ancestral où les traditions mélangent créativité et innovation, collabore aujourd'hui avec les plus célèbres créateurs de mode : Emilio PUCCI, Calvin KLEIN, TRUSSARDI, pour ne citer qu'eux,… tous font appel au savoir-faire légendaire de la maison MANTERO pour éditer des mètres de tissus et confectionner des foulards, cravates, chapeaux et autres accessoires… divinement soyeux ! Pour mesurer le passé légendaire de la maison, notre “route de la soie” commence par une visite de l'ancienne résidence familiale, aujourd'hui aménagée en bureaux officiels. Témoin d'un passé prestigieux, les yeux émerveillés, de salle en salle, on découvre de multiples tré-

u pied des Alpes, aux frontières de la Suisse et de l'Italie, le climat est doux, le décor exceptionnel, l'atmosphère apaisante… Entre les petits villages accrochés à flanc de montagne et les rives romantiques du Lac, on aperçoit Côme. Une façon toute particulière de s'abandonner au plaisir de la flânerie dans la vieille ville, de dénicher les petites places italiennes et de découvrir l'histoire d'une ville reconnue pour être la Capitale de la Soie et celle d'une entreprise familiale dont le nom résonne en échos… MANTERO. Fondée en 1902 par Riccardo Mantero, la petite fabrique de soie de Côme a immédiatement remporté un vif succès. Avec les années, l'optimisation de la production, les nouvelles technologies, son savoir-faire, son exigence certaine pour les matières précieuses…, MANTERO est, depuis trois générations, l'un des plus grands spécia-

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Le Billet de Dany >

sors, dont la captivante salle des archives ! Spectre fascinant d'images, de couleurs et de matières, cette salle renferme environ 10 000 volumes de l'histoire de la soie. Tous les textiles sont présents : le jacquard, la soie, le coton, la passementerie, les velours, les satins… Pour chaque année et pour chaque collection réalisée, tout a été rigoureusement noté. C’est ici que les designers viennent puiser leur inspiration pour créer des modèles intemporels.

imprimeurs très expérimentés. C'est l'alliance des infrastructures ultramodernes et d'un personnel spécialisé, la technologie au service d'un savoir-faire artisanal. Impression : il s'agit d'une opération extrêmement délicate, notamment lorsque le tissu possède en moyenne 30 couleurs différentes. Un cadre d'impression est créé pour chaque couleur ; avec décomposition en transparences pour obtenir chaque composante de couleur. Le cadre est réalisé en un tissu spécial dont certaines parties laissent passer les couleurs, et d'autres non. Couleur et coloration : Chaque jour, Mantero crée plus de 5 000 couleurs destinées à l'impression. Le mélange de couleurs doit parfaitement respecter le cahier des charges et répondre à des exigences précises. Un laboratoire réalise sur place un contrôle permanent afin d'évaluer de quelle manière les tissus réagissent aux différents colorants utilisés. Impression à la main : Le cadre est placé sur le tissu et l'imprimeur dépose une certaine quantité de couleur selon le type de motif à réaliser. La pâte colorée pénètre le tissu à travers les parties perméables du cadre, qui est ensuite repositionné sur le tissu afin de répéter l'opération sur toute la longueur de l'ouvrage . Finitions du tissu : un tissu de qualité ne doit subir aucune modification dans le temps, tant au niveau de ses dimensions que de l'éclat des couleurs. Pour ce faire, trois opérations sont réalisées : le vaporisage, qui fixe les couleurs du tissu, le rinçage, qui élimine l'excès de colorant, et l'apprêtage, qui fixe les dimensions du tissu et renforce la souplesse du matériau. Mantero a su tirer parti de son riche patrimoine créatif, tout en le combinant avec un usage innovant de la technologie. Chaque jour, ses clients découvrent de nouvelles créations d'une modernité qui défie le temps. Outre sa vaste expérience et son savoir-faire de fabricant, la maison Mantero investit constamment dans la technologie de pointe et s'appuie sur une remarquable capacité de production. Cette alliance unique de la tradition et du modernisme est le secret de la réussite qui, depuis un siècle, permet à Mantero de se démarquer sur la scène internationale.

Création des tissus

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Mantero fabrique ses produits sur place, ce qui lui permet de réagir rapidement aux commandes de tissus spéciaux et d'étudier immédiatement les variables de conception et les niveaux de performance. Grâce à cette structure interne, Mantero est en mesure d'expérimenter sans cesse des tissus innovants et d'assurer un contrôle permanent de la qualité, élément majeur présent à chaque stade de la fabrication. Une soie de qualité : Mantero achète des matières premières de grande qualité, dont la plus grande part vient de Chine, où une filiale a été ouverte afin d'optimiser le processus de sélection des lots de soie et de l'adapter aux besoins spécifiques de l'entreprise. Fil brut : Ce matériau naturel précieux et ancien est acheté sous forme d'écheveaux bruts qui sont traités en interne afin de transformer la fibre en un fil répondant aux exigences du secteur de la haute couture et des tenues vestimentaires modernes. Préparation du fil : Lors de cette opération, un certain nombre de filaments sont réunis et le fil est soumis à divers degrés de torsion. La création textile commence alors à prendre forme en fonction d'un cahier des charges précis, bien que le matériau puisse rapidement faire l'objet de modifications si nécessaire. Tissage : La rencontre magique de deux séries de filaments - la chaîne et la trame - selon une ancienne technique qui se décline chaque jour à travers différents tissages, densités, degrés d’élacticité et épaisseurs de fil. Le tissage détermine la souplesse, le brillant, la consistance et la transparence du tissu. La maison Montero crée tous types de tissus de soie, depuis les classiques sergés, taffetas et satins, jusqu’aux tissages plus originaux et motifs jacquard. À sa sortie du métier à tisser, le tissu est prêt à recevoir sa palette de couleurs.

Création d’accessoires La vaste palette de solutions disponibles - franges, appliques, passepoils, etc. - permettant de décliner des accessoires aux formes multiples et en évolution constante, confère à cette discipline une importance majeure sur le plan stylistique. La passementerie à la main s'utilise pour les articles plus raffinés. Elle est la signature de tous les foulards en soie Mantero. Chaque zone de la fabrique est soumise régulièrement à des inspections et tests de qualité, réalisés par des laboratoires internes en collaboration avec des organismes internationaux. Pour Mantero, la qualité ne relève pas seulement de données visibles, c'est aussi l'excellence en matière de recherche créative, de synergies et de communication, de technologies de pointe et de méthodes de travail.

Coloration et impression Il faut un soin tout particulier et des gestes d'une grande précision pour appliquer de la couleur sur des tissus haut de gamme. Cette opération nécessite non seulement des outils de pointe, mais aussi des techniciens et FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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la tessitura

UNE EXPÉRIENCE ÉMOUVANTE AUTOUR DE CÔME ET DE SON LAC

La première boutique conceptuelle dédiée à la soie où shopping, détente et design ne font qu’un.

our les amoureux de la soie fascinés par l'un des plus beaux lieux de l'Italie : la société Mantero une manufacture de soie de grande tradition qui produit des accessoires en soie pour Christian Lacroix, Trussardi, Ferrè, Kenzo et de nombreuses autres

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DANY VINET

marques de luxe - sur le lac de Côme a créé un espace innovant à partir d'une vieille usine de tissage. “la tessitura” - c'est le nom de la boutique - se trouve à 2 minutes à peine des murs médiévaux du centre historique. Dans une ambiance douce et lumineuse, une équipe internationale accueille les visiteurs dans une incomparable expérience des sens. Une présentation multimédia illustre le procédé créatif qui conduit à de nouveaux articles de mode. Vous pouvez également assister à des démonstrations vivantes sur la fabrication de cravate ou les anciennes méthodes de tissage. Cet environnement charmant dispose égalemen t d'un espace de rencontre où l'on peut se détendre au Loom Café : détails soignés et grande qualité créent une lieu où la convivialité et la création culinaire s'accordent à merveille. “la tessitura” est un laboratoire d'idées et de produits toujours à l’avant-garde du design. C'est l'expr ession concrète du savoir-faire de la région de Côme au service d'une clientèle internationale. Accessoires, tissus et ameublement sont toujours en accord avec les tendances contemporaines, pour la femme, l'homme et la maison. Des pièces uniques créées spécialement pour “la tessitura” sont disponibles à la vente ainsi que des articles exclusifs signés Mantero pour les plus grandes marques internationales.

LA TESSITURA VIALE ROOSEVELT 2/A 22100 COMO TÉL.: +39 031 321 666 - FAX : +39 031 321 548

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POSE PHOTO À L’HÔTEL ÉDOUARD 7 OPÉRA


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Kavanah

Anthony ROI DU COCKTAIL Entre deux représentations de son spectacle “Anthony Kavannah fait son coming out”, l’acteur s’est initié à l’art de la mixologie au E7, le bar trendy de l’hôtel Édouard VII. Avec bonheur et bonne humeur. rand sourire, léger accent québécois, envie permanente de blaguer, contact spontané avec celles et ceux qui, le reconnaissant, lui tendent la main, Anthony Kavanagh, l’humoriste, acteur, écrivain, malgré son succès grandissant, ne se pousse pas du col. Pour lui, rien n’est jamais acquis, rien n’est jamais gagné. Chaque scène, chaque spectacle, chaque tournée est une remise en question. Mais depuis quelques mois, un petit bonhomme motive son papa. Qui se raconte avec sincérité tout en jouant, un joli jour de printemps, les apprentis barmen. Joli rôle de composition.

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PAR ANNE-MARIE CATTELAIN-LE DÛ. PHOTOS : ALAIN SMILO. ANTHONY KAVANAH EST MAQUILLÉ PAR MAC. PRODUITS : BASE MATIFIANTE ABSORBANTE, DEEP DARK MINERALIZE SKIN FINISH, FOND DE TEINT POUDRE NC 55. MAC STUDIO TECH, MASCARA SPLASHPROOF LASH NOIR. 65

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Rencontre

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> Drôle de cocktail, votre show “Coming out” qui a triomphé aux Sérénissimes de “L’Humour à Monaco”, puis à Toulouse, en région parisienne et dans de nombreux pays francophones. Quels en sont les ingrédients ? Le racisme, la religion, la politique, le sexe, la sincérité, l’envie de dire ce que je pense, de ne plus me retenir. Je suis né au Québec mais suis installé depuis plus de dix ans en France. Je vis ici, à Rueil-Malmaison, je viens d’avoir un fils, Mathis, je m’octroie donc le droit, à 40 ans, de penser français, de juger français, comme n’importe quel humoriste. Et cette nouvelle approche plaît au public. Il me suit, il adhère à 100 %.

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Anthony avec son cocktail préféré, le Long Island Tea.

> Adaptez-vous votre recette“spectacle” en fonction du lieu où vous vous produisez ? Le rire est-il universel ? Oui, j’adapte mes textes, car l’humour n’est pas universel. Ce ne sont ni les mêmes ressorts, ni les mêmes références qui amusent, interpellent. C’est important de travailler dans ce sens, les spectateurs apprécient qu’on se donne du mal, qu’on s’interroge sur leur région. Je ne pense jamais que tout est gagné . Et je veille à ce qu’il n’y ait jamais de temps morts. Je suis un obsédé du rythme. Beaucoup de musique ponctue mes shows. > Quand la salle ne se déride pas, comment pimentez-vous la“sauce” ? On ne peut pas faire plaisir à tout le monde. Quand un gag ne fonctionne pas, l’essentiel est de ne pas paraître déstabilisé, de prendre à partie le public en jouant

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L’Édouard VII, un bel hommage au roi séducteur Avec, dans sa ligne de mire, les ors et les statues de l’Opéra Garnier, l’hôtel Edouard VII, Hôtel Couture à Paris, racheté récemment par le groupe Bessé, et dirigé avec grâce par Kim Loan Le, joue la carte de l’élégance, de la sensualité, de la gourmandise. Il a été entièrement redécoré par Marina Bessé qui s’est largement inspirée de la garderobe et des nombreuses aventures amoureuses du monarque qui régna sur l’empire britannique de 1901 à 1910. Le Prince-de-Galles aimait Paris, ses jolies filles, ses vins, sa cuisine. S’il revenait, nul doute qu’il s’amuserait des références tirées de sa biographie, apprécierait les photos un rien coquines accrochées dans le lobby, le bar et le restaurant, demanderait à Victor, le chef barman, de lui concocter des cocktails sur mesure, sa spécialité ou de lui servir, selon l’heure, son whisky préféré. Puis, chapeauté il filerait à l’Opéra et au retour, retiendrait une table, en compagnie de sa maîtresse du moment, à La Cuisine E7, restaurant raffiné de l’hôtel où officient Christophe Hay, Chef Exécutif et Rémy Fourmeaux. Le couple savourerait les plats légers, esthétiques ou se contenterait peutêtre de la formule spéciale “après Opéra”… Avant, en catimini, de gagner la suite “couture” au large balcon ouvrant sur Paris et à la moquette Prince-de-Galles. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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> Tout est positif en France, si je comprends bien ? Eh non, sinon je n’aurais pas matière à spectacle ! Il faut se battre en permanence contre l’administration, la bureaucratie. Apprendre à déjouer les râleurs, à comprendre qu’alors qu’au Québec, dans les boutiques, les restaurants, les cafés, le client est roi, à Paris, il est le roi des cons. N’empêche, la France m’a adopté avec générosité et je l’ai adoptée avec amour.

sur l’autodérision par exemple, d’enchaîner deux, trois plaisanteries dans la même veine. > Un plaisir de tourner en France ? Un vrai plaisir, savouré chaque jour. Celui de découvrir des régions et leurs spécialités, leurs vins, moi qui suis un vrai épicurien. Je fais en quelque sorte mon marché. Je teste des petits restaurants et quelquefois des étoilés, à condition qu’ils ne soient pas chichiteux. J’estime que c’est une chance inimaginable. > Vous caressiez le rêve de quitter l’Amérique du Nord et de mener une carrière européenne, française notamment ? Pas du tout, du tout, au contraire. Je ne voulais tourner qu’au Canada, aux États-Unis où je cartonnais, en assurant par exemple la première partie du show de Céline Dion pendant deux ans. Et puis, j’ai été invité en 1995 au Festival du Rire de Montreux et ai été nommé “Révélation du Festival”. L’année suivante, réinvitation pour me produire à la fois seul et en duo avec Pascal Légitimus. C’était parti. À la suite de notre triomphe, en 1998, Gérard Louvin propose de nous coproduire. Et en moins d’un an, nous nous sommes retrouvés à l’Olympia. Plus beau jour de ma vie avant la naissance de Mathis, qui supplante tout. > Et alors ? Alors, j’ai découvert que les Français m’adoraient, que la France était un sacré pays, avec, à 50 kilomètres de distance, des paysages totalement différents, une architecture différente, une palette gastronomique, vinicole impressionnante. Et un art de vivre fabuleux. Ici, on s’assied pour déjeuner. On prend le temps de savourer les mets, de profiter des convives, d’échanger, de philosopher, de refaire le monde, de s’exprimer avec des mots insensés. Moi qui fais partie des 6 millions de personnes en Amérique du Nord dont le français est la langue maternelle et qui se battent pour qu’elle ne disparaisse pas, supplantée définitivement par l’anglais, c’est essentiel.

Ce n’est pas parce qu’on est énarque que l’on est un bon président, et ce n’est pas parce que l’on est chanteur que l’on n’est pas capable de changer le pays.

> Haïti, l’île meurtrie, dont votre famille est originaire, vient d’élire, comme Président, un chanteur, Michel Martely, dit Sweet Micky, croyez-vous qu’il ait quelque chance d’améliorer la situation dramatique de ce pays ? Haïti, c’est le chaos, la grande, grande misère. Je ne voudrais pas juger celui qui vient d’être élu à l’emporte-pièce, c’est trop grave, mais le job qui l’attend est titanesque, tout est à repenser, à reconstruire. Il faut inciter la population à prendre son destin en main alors qu’elle est désespérée par la situation sanitaire, deux ans après le séisme, par le choléra, les exactions de toutes sortes. > Vous y êtes retourné depuis ces événements ? Non, j’irai quand je serai utile, quand je pourrais apporter une aide concrète, pas pour me montrer. Je suis attaché à mes racines, je parle le créole haïtien. J’ai de la compassion pour la terre de mes ancêtres. > Vous revendiquez et assumez votre côté épicurien, amoureux des bonnes tables et des bons vins… Oui, c’est aussi cela qui m’attache tant à la France, les plats en sauce, les petites adresses, sans prétention comme “l’Aubergine”, rue des Dames à Paris, ou encore “le Paparazzi”, excellente table italienne, à deux pas de l’Olympia. > Et côté vins ? Comme je vous le disais, je profite de mes tournées pour alimenter ma cave. J’avoue mon faible pour les Bordeaux et essaie toujours d’acheter des vins dits de garde, mais je n’arrive pas à les conserver. Pour moi, le vin est fait pour être bu, partagé, pas pour temporiser. Je ne suis en aucun cas snob et aime aussi les vins du Languedoc-Roussillon qui ont réellement gagné en qualité, les bons Bourgogne, j’ai ainsi quelques Gevrey-Chambertin 1969, ou encore les vins du Valais. Les Suisses produisent d’excellentes bouteilles. Qui plus est, mon épouse est Suissesse et son père fait du Pinot noir. Vous le voyez, mes goûts sont éclectiques. > Vous adorez aussi préparer des cocktails pour vos amis et vous-même ? Sans aucune modestie, je suis le roi du cocktail... Je mérite une couronne et suis heureux de pouvoir, grâce aux professionnels du bar E7, enrichir mon carnet perso. Mon préféré, de loin, le Long Island Tea... Le king, je vous dis, on se déplace de très loin pour me voir derrière mon bar et trinquer avec moi. Tchin tchin !

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Rencontre

Anthonyetlestoursdemaindes

mixologues

Victor, le chef barman de l’E7 et Thibault, l’un de ses adjoints, ont révélé à Anthony leurs trucs et astuces pour concocter les cocktails de l’été. Il partage ses petits secrets avec vous. À vos shakers !

MARGARITA AMBIANCE : Anthony, suit attentif, les préparatifs en chantant “La Croisière s’amuse”, et en déclamant, je suis Isaac Washington. USTENSILES : shaker, verre à mélange, pilon, couteau bien aiguisé, passoire, verre à cocktail, paille noire. INGRÉDIENTS : 5 cl de Tequila, 2 cl de Triple Sec, 2 cl de jus de citron vert, 10 petits morceaux de concombre, glaçons. SECRETS DE FABRICATION • Le concombre apporte de la fraîcheur, un légume mode au bar. • Remplir de glaçons les ver res à coc ktai l pour les rafraîchir. • Piler le concombre avec le citron vert. • Placer ce mélange en premier dans le shaker. • Verser un à un doucement les autres ingrédients. • Emboîter bien le couvercle et secouer 20 secondes, pas plus. • Vider les glaçons des verres à cocktail. • Verser le mélange en le tamisant à travers la passoire. • Décorer avec une rondelle de concombre et un physalis pour apporter une note orange. COMMENTAIRE D’ANTHONY : un classique, très rafraîchissant l’été. Pour moi, le sel n’est pas utile, il nuit aux arômes. J’aime la Margarita, un grand classique, le soir ; en rentrant de la plage, par exemple.

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LONG ISLAND TEA AMBIANCE : très, très gaie. « Je suis le roi du Long Island Tea. C’est mon cocktail favori. J’aime le préparer pour mes copains, mes musiciens. Aïe, aïe, aïe, carambar ! ». USTENSILES : mesurette, verre à mélange, cuillère à long manche, passoire, verre forme chope, paille noire ou fluo. INGRÉDIENTS : 2 cl x 5 de 5 alcools blancs forts : rhum, Tequila, Gin, Vodka, Triple Sec, 2 cl de jus de citron vert, Coca Cola, glaçons. SECRETS DE FABRICATION • Verser un à un les 5 alcools dans le ver re à mélange. • Ajouter le jus de citron. • Remuer délicatement. • Filtrer à travers une passoire dans chaque verre contenant quelques glaçons. • Compléter avec du Coca Cola versé très doucement, juste pour colorer le mélangé, lui donner de beaux reflets. COMMENTAIRE D’ANTHONY : Le long Island est vraiment ma récompense. J’y ajoute une larme de sirop de canne qui le rend plus festif encore. Attention, c ‘est un cocktail traître très frais, très désaltérant, qui semble très léger mais ne l’est pas du tout… un vrai “piège à filles”.

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ICE BLUE MOJITO AMBIANCE : Conviviale, complice entre les barmen et l’acteur. « Félicitations, Victor, je vois que tu viens de remporter le Prix du meilleur Mojito Bacardi, proclame Anthony. Alors, au boulot, moi aussi je veux devenir champion pour me recycler un jour ! » USTENSILES : shaker, verre à mélange, pilon, couteau bien aiguisé, passoire, verre à cocktail, paille noire. INGRÉDIENTS : 5 cl de rhum blanc, 2 cl de citron vert, 1 cl de liqueur de menthe blanche, 1 larme de Curaçao bleu, 1 larme de sirop de canne, quelques feuilles de menthe, Schweppes Gingembre, pomme, glaçons, glace pilée. SECRETS DE FABRICATION • La réussite réside dans la façon de bien shaker, de bien mesure la glace pilée et de compléter le verre. • Remplir de glaçons les verres à cocktail pour les rafraîchir. • Piler dans le verre à mélange, menthe, citron vert et glace. • Placer dans le shaker ce mélange puis le rhum, la liqueur de menthe, le sirop de canne. Secouer énergiquement 20 secondes. • Retirer les glaçons des verres, mettre une cuillère de glace pilée. • Verser le mélange à travers une passoire. • Compléter avec du Schweppes gingembre. • Verser le Curaçao doucement, juste pour colorer. • Ajouter trois feuilles de menthe. • Décorer avec des lamelles de pomme. COMMENTAIRE D’ANTHONY : Me voilà littéralement transporté à Hawaï après quelques parties endiablées de surf. Miracle ! Je suis Jésus changeant l’eau du lagon en élixir… d’amour : aussi beau que bon après avoir bu la tasse dans l’océan.

EL DRACMOJITO AMBIANCE : Très After-Work sur fond jazzy. Les clients, trentenaires pour la plupart, se mêlent à la leçon, Anthony est hilare, content, décontracté mais attentif. Ce cocktail est une création de Victor, le chef barman de l’E7. USTENSILES : shaker, verre à mélange, pilon, couteau bien aiguisé, passoire, verre à cocktail, paille noire ou fluo rouge. INGRÉDIENTS : 5 cl de rhum blanc, 1 cl de liqueur de goyave, 1 cl de liqueur de fleur de cactus, quelques gouttes de liqueur de mandarine, gingembre frais, sirop de fraise, Schweppes gingembre, pomme, glaçons, glace pilée SECRETS DE FABRICATION • Remplir de glaçons les verres à cocktail pour les rafraîchir. • Couper le gingembre en fines lamelles. • Piler le gingembre avec le rhum blanc. Rajouter les trois liqueurs. • Placer tous ces ingrédients dans le shaker. Secouer énergiquement 20 secondes. • Retirer les glaçons des verres, mettre une petite cuillère de glace pilée. • Verser le mélange à travers une passoire. • Compléter avec du Schweppes gingembre. • Verser un peu de sirop de fraise doucement juste pour colorer. • Décorer de lamelles de pomme verte et rouge et de fraise. COMMENTAIRE D’ANTHONY : Un mélange original, tonique grâce au gingembre. Bien pour débuter la soirée. Je vois sur la carte des cocktails « demandez votre mojito personnalisé au barman, choisissez vos ingrédients, le parfum du moment. Hop, c ‘est parti.» Je vais revenir : Hip hip hip hourra à l’équipe de l’E7.

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Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau

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DES ESCLAVES CHRÉTIENS À LIBÉRER L’histoire d’un ruisseau, même de celui qui naît et se perd dans la mousse, est l’histoire de l’infini. Ces gouttelettes qui scintillent ont traversé le granit, le calcaire et l’argile ; elles ont été neige sur la froide montagne, molécules de vapeur dans la nuée, blanche écume sur la crête des flots ; le soleil, dans sa course journalière, les a fait resplendir des reflets les plus éclatants ; la pâle lumière de la lune les a vaguement irisées; la foudre en a fait de l’hydrogène et de l’oxygène, puis d’un nouveau choc a fait ruisseler en eau ces éléments primitifs. Tous les agents de l’atmosphère et de l’espace, toutes les forces cosmiques ont travaillé de concert à modifier incessamment l’aspect et la position de la gouttelette imperceptible; elle

“Le pont à trois arches de Boudry” peint par Oscar Huguenin (1842-1903)

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est aussi un monde comme les astres énormes qui roulent dans les cieux, et son orbite se développe de cycle en cycle par un mouvement sans repos.(1) En avril 1731, au café du Lion d’Or à Boudry (près de Neuchâtel), Jean-Jacques Rousseau rencontre le père Paulus Athanasius, archimandrite.(*) L’ecclésiastique se disait archimandrite de l’Ordre des Saints Pierre et Paul de Jérusalem et prétendait recueillir des fonds, tantôt pour le rachat d’esclaves chrétiens, tantôt pour les pauvres de Palestine ou encore pour le Saint-Sépulcre.(2) Jean-Jacques Rousseau le suivra à Neuchâtel, à Fribourg, à Berne et à Soleure. Il raconte : Un jour, étant à Boudry j’entrai pour dîner dans un cabaret: j’y vis un homme à grande barbe avec un habit violet à la 70


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“L’Areuse en automne”, 1984. Huile sur pavatex du peintre neuchâtelois Gérald Comtesse.

grecque, un bonnet fourré, l’équipage et l’air assez noble, et qui souvent avait peine à se faire entendre, ne parlant qu’un jargon presque indéchiffrable, mais plus ressemblant à l’italien qu’à nulle autre langue.(3) Cet homme fascine immédiatement Jean-Jacques Rousseau. Pour quelques semaines, le premier exhorte, le second traduit. Le couple de hasard, duo pseudo-religieux, demande audience aux autorités fribourgeoises qui, après délibération, lui accordent une patente officielle. Le Conseil de Fribourg, réuni le lundi 16 avril 1731, accueillit la requête de l’archimandrite et décida qu’il sera honorablement entretenu et nourri dans l’hospice, avec son compagnon, à la table des religieux, pendant un mois. Son cheval sera logé ailleurs. Il aura une patente pour faire collecte pendant un mois, tant à la ville de Fribourg que dans la campagne, et la chancellerie lui paiera huit mirlitons; mais quatre jours plus tard, la patente pour faire collecte lui était retirée, le présent réduit à deux mirlitons et l’ordre de quitter le pays était notifié, sans autre explication.(4) À Berne, Jean-Jacques Rousseau et le moine orthodoxe logent à l’Auberge du Faucon, située probablement au numéro 1, Amthaus Gasse. Les Missionnaires doivent montrer leurs titres sacerdotaux. Jean-Jacques Rousseau se laisse enrôler dans sa nouvelle fonction avec une certaine insouciance. Il est secrétaire, passe des moments agréables, se délecte d’une cuisine revigorante. La fonction de secrétaire lui convient parfaitement. Un jour, il sera secrétaire à l’Ambassade de France de Venise. Écoutons Régis Debray : Un dédale dont le plan cadastral n’a pas changé depuis cinq ou six siècles, où Jean-Jacques Rousseau pourrait demain retrouver tout seul son chemin, met sens dessus dessous la scie baudelairienne: le cœur d’un mortel change plus vite hélas que la forme de Venise.(5) Interprète convaincant, Jean-Jacques Rousseau trouve un rôle, remplit la fonction de médiateur, assume une mission, plaide en faveur des bonnes œuvres, parle, des bénédictions du ciel à ceux qui voudraient y prendre part (…) dans le registre (Rathsmanual n° 131) à la date du 25 avril 1731 ; le caissier paiera dix écus au Père Athanasius Paulus, un religieux grec qui fait une collection pour le rachat d’esclaves chrétiens.(6) L’épisode fait penser au repas que le curé Benoît de Pontverre offre à Jean-Jacques Rousseau fuyant Genève. Il se souvient - trois ans plus tôt - avoir apprécié son accueil et son hospitalité dans la cure de Confignon. JeanJacques Rousseau raconte qu’à l’issue d’un repas bienvenu, goûtant le vin de Frangy, il se montre spécia-

lement attentif au soutien que peut lui prodiguer l’ecclésiastique. Son hospitalité est-elle sans objet? Benoît de Pontverre parle à Jean-Jacques Rousseau d’une personne convertie à la religion catholique, qu’il devra rencontrer à Annecy au bout de son vagabondage. Le curé insiste : … vous y trouverez une bonne Dame bien charitable, que les bienfaits du Roi mettent en état de retirer d’autres âmes de l’erreur dont elle est sortie elle-même.(7)

L’AVENIR DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU Confiant, Jean-Jacques Rousseau retient le conseil. Il pressent que son existence suit un nouveau cours. Il tente sa chance… sa carrière est-elle dans ce voyage, dans cette marche qu’il pratique inlassablement vers l’inconnu ? La rencontre est porteuse d’espoir. JeanJacques Rousseau aspire à mener une existence indépendante. Il cherche à oublier la période sombre de sa vie passée auprès du graveur Abel Ducommun. À force de querelles, de coups, de lectures dérobées et mal choisies, mon humeur devint taciturne, sauvage, ma tête commençait à s’altérer, et je vivais en vrai loup-garou.(8) >

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Bien avant la décision de quitter son maître d’apprentissage, Jean-Jacques Rousseau entend changer d’état, il s’emploie à sortir de cet enfermement. Dégoûté de tout ce qui était à ma portée, et sentant trop loin de moi ce qui m’aurait tenté je ne voyais rien de possible qui put flatter mon cœur.(9) Dans sa nouvelle aventure, Jean-Jacques Rousseau ne s’était pas montré bien lucide en suivant l’archimandrite. La première chose que nous fîmes arrivant à Soleure fut d’aller saluer l’Ambassadeur de France. Malheureusement pour mon évêque cet ambassadeur était le Marquis de Bonac (1672-1738) qui avait été ambassadeur à la Porte et qui devait être au fait de tout ce qui regardait le Saint-Sépulcre.(10) À Soleure, l’ambassadeur de France lui pose quelques questions et prend le temps de lui expliquer l’importance des années à venir et la nécessité de bien les utiliser. L’ambassadeur - son ouverture d’esprit l’y pousse - entend les explications de Jean-Jacques Rousseau. Quelques années auparavant, face au curé Benoît de Pontverre, Jean-Jacques Rousseau subissait le même feu de questions : Partis de Berne, nous allâmes à Soleure; car le dessein de l’Archimandrite était de reprendre la route d’Allemagne, et de s’en retourner par la Hongrie ou par la Pologne, ce qui faisait une immense route; mais comme chemin faisant sa bourse s’emplissait plus qu’elle ne se vidait, il craignait peu les détours. Pour moi qui me plaisait autant à cheval qu’à pied, je n’aurais pas mieux demandé que de voyager ainsi toute ma vie: mais il était écrit que je n’irais pas si loin.(11)

“Vue de Genève”, 1800. Gravure en couleurs de Jean-François Albanis Beaumont (1755-1812). Source : VIATICALPES Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne.

connaisseur du monde ottoman, de son père et des récits qu’il lui faisait jusqu’au petit matin. L’Ambassadeur mesure rapidement l’intelligence du jeune homme et la fonction à laquelle il pourrait prétendre s’il rédigeait les recommandations nécessaires à l’aboutissement de ses démarches. Pourtant, parler d’un instant de grâce, d’une disponibilité réciproque entre ces deux êtres serait exagéré. L’Ambassadeur a 59 ans, Jean-Jacques Rousseau 40 années de moins. Aucune rivalité institutionnelle ne porte ombrage à leur position. À cet instant peut-être deux personnages sortent de l’ombre… Bien souvent Jean-Jacques Rousseau a pensé au rôle qu’ils ont joué durant son enfance. Il se souvient de son grand-père, David Rousseau, âgé de 90 ans. Lors de son départ de Genève, il se rappelle du pasteur Jean-Jacques Lambercier, (46 ans). Sa propre destinée serait-elle guidée par ces personnages tutélaires? Il revoit son père, de retour de la chasse. Ces images le rassurent, l’inspirent, le charment... l’enchevêtrement donne une impression de confusion. Tout au contraire, il mobiliserait en Jean-Jacques Rousseau le désir de fréquenter un cercle de personnalités influentes. Son intelligence le pousserait-il à s’investir dans les thèmes les plus variés. Jean-Jacques Rousseau n’aurait-il pas comme une fringale du savoir ? L’Ambassadeur parvient à dissuader le prélat grec de poursuivre sa pérégrination, la générosité des donateurs servant trop souvent au besoin du prélat. L’Ambassadeur démasque aisément la douteuse authenticité des documents. De son côté, Jean-Jacques Rousseau offre une composition musicale à l’épouse de l’ambassadeur, émue par le récit de ses aventures; un secrétaire-interprète, Laurent Corentin de La Martinière, est chargé de veiller sur les faits et gestes de Jean-Jacques Rousseau lequel occupe la chambre (**) qui avait été attribuée quelques années auparavant au poète Jean-Baptiste Rousseau (1670-1741). Ce dernier - banni à perpétuité par le Parlement - trouva refuge à Soleure, grâce à l’Ambassadeur de l’époque. Jean-Jacques Rousseau est encouragé à écrire le récit de sa rencontre avec l’archimandrite. Il s’empresse de le rédiger. L’Ambassadeur est informé de l’existence d’un poste auprès d’un des neveux de Jean-François Gau-

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UN AMBASSADEUR PERSPICACE À l’ambassade de France, le marquis de Bonac, Jean-Louis d’Usson (1672-1738) ambassadeur auprès du Corps helvétique, sera en poste du 4 novembre 1727 au 3 octobre 1736; sa femme Madeleine-Françoise de Goutant-Biron est plus jeune que l’Ambassadeur. Elle mourut, en 1739, âgée de 46 ans.(12) L’ambassadeur et Jean-Jacques Rousseau ont vraisemblablement évoqué Constantinople. Après avoir été diplomate en Suède et en Espagne, le marquis n’a-t-il pas occupé la fonction d’ambassadeur dans l’Empire ottoman durant presque dix années, de 1717 à 1725. À l’issue de son mandat à Soleure, atteint dans sa santé, il retournera en France et y décédera deux années plus tard. Jean-Jacques Rousseau aura sans doute parlé à ce fin

David Rousseau (1641-1738) Peinture de Robert Gardelle (1682-1766). © photo : Maurice Aeschimann FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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“Vue de la ville de Soleure”, 1780-1788. Dessin de Nicolas Pérignon (1726-1782) et gravure de Louis-Joseph Masquelier (1741-1811). Source : VIATICALPES Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne.

dard… Il remet à Jean-Jacques Rousseau les recommandations habituelles, assorties d’une petite somme d’argent. Le voilà en route pour Paris. “Futur militaire” Jean-Jacques Rousseau s’imagine porter un jour la dignité de Maréchal en référence à son oncle, ingénieur militaire de carrière, spécialiste en fortifications.(13)

L’ÉCHO D’UNE RIVIÈRE… Le pont incarne un personnage où se rencontre la ville d’en bas et la ville d’en haut. Sa force impressionne, sa puissance rassure, sa voûte porte la beauté d’un idéal. L’eau de la rivière dit la force d’une source perdue dans le ciel, dans le sol, dans les méandres de son histoire. Après les outils du graveur, quel rôle pourrait jouer les instruments du militaire de carrière menant ses troupes ? Au burin succède la gâchette, la gouge remplace le viseur. Les journées de marche dans la campagne transformeront vite cette vision héroïque. Avant d’entrer dans la capitale, Jean-Jacques Rousseau est émerveillé par le spectacle de la nature ; il admire les bocages et n’hésite pas à s’inviter dans les fermes. Il aimer s’occuper des bêtes, qui pourraient lui manquer dans une grande ville ! Sur le chemin qui conduit Jean-Jacques Rousseau à Paris, traversera-t-il Boudry ? Restons un instant dans le village, sur le pont qui surplombe l’Areuse et nous rapproche de ses surprenantes personnalités, à savoir : • le notaire et arpenteur-géomètre Charles-Émile Baillot (1) qui servit avec dévouement sa commune et son canton ; • le greffier Jean-Jacques Martenet (2), auteur d’une chronique de la vie quotidienne de la commune ; • le dessinateur Oscar Huguenin (3), horloger, auteur et illustrateur de grand talent. Signalons, parmi ses nombreuses œuvres : L’Armurier de Boudry, Le solitaire des Sagnes, Récits de Cosandier, Constant, Maître Reymond de Læuvre, Les aventures de Jacques Gribolet, Madame l’Ancienne, L’Héritage de Blaise, Le régent de Lignières, Récits de chez nous, La Désirée... • l’historien, le naturaliste, le critique d’art, le directeur du gymnase cantonal Louis Favre (4)... notamment auteur de: Le chasseur de fouines de Pouillerel, Le chat sauvage du Gor de Braye, Huit jours dans la neige, Le Robinson de la Tène, Jean des Paniers… • le promoteur génial Philippe Suchard (5), né le 9 oc-

tobre 1797 qui - apprenti confiseur à Berne - part aux États-Unis et crée une industrie chocolatière. Puis, de retour en Suisse, fort de son expérience américaine édifie une usine à Serrières en 1826. Plantant trois mille mûriers, il introduit l’élevage du ver à soie. Il lance la Presta, usine d’asphalte. Sur le champ de bataille de Solferino en 1859, il soigne les blessés. En 1872, il accomplit un long périple, publie Le tour du monde en grande vitesse. Mais son nom reste surtout lié à l’aventure chocolatière. • l’enseignant et médecin Jean-Paul Marat (6), ami du peuple, quitte la Sardaigne et s’installe à Boudry en avril 1743. En 1765, Boudry le fait bourgeois.

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Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau Jean-Jacques Rousseau, gravure de Thévenin.

lord Maréchal, de saluer Abram de Pury, de se confier à Alexandre Du Peyrou, de discuter avec Samuel de Meuron, d’herboriser avec Abraham Gagnebin. Le pont du philosophe devient à jamais le lien entre le monde à venir et l’Areuse, qui coule non loin de sa maison de Môtiers. Ainsi, une nouvelle fois, la nature guide son existence. Belle invitation d’aller sur les pas de Jean-Jacques Rousseau, de le lire, de le relire. L’Areuse, ses ombres, ses remous, ses turbulences… L’on découvre aussi les espaces fleuris et les mousses qui font rêver le Promeneur solitaire. L’on se souvient d’Elisée Reclus évoquant les eaux, les roches qui descendent des hauteurs pour aller porter sur les terres des alluvions bienfaisantes, sont eux aussi des êtres animés, des dieux et des déesses secondaires qui mettent les humbles mortels des plaines en rapport indirect avec les divinités suprêmes siégeant au-dessus des nuages dans l’espace lumineux.(15) Souverains de Boudry, donnez de la sorte un vêtement nouveau à la nature environnante. Par ses champs et ses routes, ses demeures et ses constructions de toute espèce, par le groupement imposé aux arbres et l’ordonnance générale des paysages, la population donnera la mesure de son propre idéal. Si elle a vraiment le sentiment du beau, elle rendra la nature plus belle.(16)

© Versailles. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

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LE PONT JEAN-JACQUES ROUSSEAU

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À l’occasion du tricentenaire de la naissance de JeanJacques Rousseau, les autorités de la Ville et Commune de Boudry ont décidé d’attribuer à ce pont le nom de Jean-Jacques Rousseau. Jean-Jacques Rousseau est ici quelques heures, probablement une nuit ; il parle de ce cabaret, de ce lieu Boudry. Le pont entre dans la légende des étapes de sa carrière. L’Areuse guide son écriture. Ses écrits sont une recherche de vérité. La multiplicité des talents le pousse à exercer toutes sortes de professions. Il jouit enfin de la liberté, la liberté de se déplacer, de publier, de penser. Jean-Jacques Rousseau est cette rivière. Il est ce pont. Ses lectures l’entraînent plus loin. L’inauguration est une nouvelle façon d’honorer la littéraire des marcheurs : La Fontaine feignant le sommeil, c’est un peu Rousseau herborisant dans les vallons, Proust dans sa chambre, Kafka dans sa cave, Rimbaud en Abyssinie.(14) Le pont sur l’Areuse renvoie aux progrès des Lumières, à la conquête du monde. Ses connaissances du monde ne doivent-elles pas aussi beaucoup au regard qu’il aime porter sur la sphère armillaire de son père ? Pour Jean-Jacques Rousseau, franchir le pont permet d’arriver plus vite auprès de ses amis, de rencontrer Mi-

Jean-Baptiste Rousseau œuvre de Jacques André Joseph Aved (1702-1766).

UN «COMMUNIER» EXCEPTIONNEL Grâce à Daniel Roguin, Jean-Jacques Rousseau s’installe à Môtiers - village de la Principauté de Neuchâtel - le 10 juillet 1762. Thérèse arrivera le 20 juillet. Ainsi JeanJacques Rousseau dispose-t-il d’une maison relativement isolée. Les promenades lui permettent d’admirer la variété des paysages du Pays de Neuchâtel. À sa demande, Jean-Jacques Rousseau obtient du Roi de Prusse, Frédéric II, le droit de s’installer en terres neuchâteloises. L’année suivante, il recevra Les lettres de naturalité neuchâteloise. Aussi, le 12 mai 1763, renonce-t-il à son titre de “citoyen de Genève”. Après avoir attendu vainement plus d’un an que quelqu’un réclamât contre une procédure illégale, je pris enfin mon parti, et me voyant abandonné à mes concitoyens je me déterminai à renoncer à mon ingrate patrie où je n’avais jamais vécu, dont je n’avais

“L’Areuse, à la limite de communes de Boudry et de Cortaillod” peint par Oscar Huguenin (1842-1903).

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reçu ni bien ni service, et dont pour prix de l’honneur que j’avais tâché de lui rendre, je me voyais si indignement traité d’un consentement unanime, puisque ceux qui devaient parler n’avaient rien dit.(17) Dans Les Confessions, son livre de mémoires, JeanJacques Rousseau raconte la vie quotidienne à Môtiers, ses rencontres, ses excursions, son travail d’écrivain, ses entretiens avec le représentant de l’Église protestante. Il parle même de sa tenue vestimentaire : Je pris donc la veste, le cafetan, le bonnet fourré, la ceinture, et après avoir assisté dans cet équipage au service divin, je ne vis point d’inconvénient à le porter chez Mylord Maréchal. S. E. me voyant ainsi vêtu me dit pour tout compliment Salamaleki, après quoi tout fut fini, et je ne portai plus d’autre habit.(18) Quelques personnes érudites entourent JeanJacques Rousseau. Elles herborisent, partent en excursion... Jean-Jacques Rousseau ne cesse d’acquérir de nouvelles connaissances en botanique. Au Maréchal de Luxembourg (laissé à Montmorency) Jean-Jacques Rousseau promet une description du Val de Travers. Mylord Maréchal, représentant du Roi de Prusse, va prendre une place marquante dans le cœur de Jean-Jacques Rousseau. Lorsque le Gouverneur Mylord Maréchal achèvera son mandat pour le compte du Roi de Prusse, Jean-Jacques Rousseau hésitera à le rejoindre en Écosse. C’est un sage, mais c’est un homme.(19) Sait-on qu’à Edimbourg, Mylord Maréchal désire attribuer une rente à Thérèse Levasseur, compagne de Jean-Jacques Rousseau ? Aux années parisiennes si studieuses succède une période où privilégiant une pédagogie active l’éducateur (souvenons-nous d’Émile) s’accorde enfin un répit. Au gré des saisons, Jean-Jacques Rousseau observe les plantes, les étudie, s’en imprègne. Jean-Jacques Rousseau laisse grandir en lui l’intérêt que Maman, aux Charmettes, a d’abord suscité comme un amusement. Le Val de Travers sert admirablement cette passion désormais si puissante en lui. J’étais seul, je m’enfonçai dans les anfractuosités de la montagne et de bois en bois, de roche en roche je parvins à un réduit si caché que je n’ai vu de ma vie un aspect plus sauvage.(20)

“Le pont à trois arches de Boudry” peint par Oscar Huguenin (1842-1903).

Isaac Rousseau (1672-1747) gravure d’un artiste inconnu (non daté)

UN VILLAGE PAS VRAIMENT TRANQUILLE… Jean-Jacques Rousseau ne se contente pas d’herboriser, il rédige pour les débutants tout ce qu’il faut connaître, 75

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la manière de recenser, de collectionner les fleurs, de confectionner un herbier. Il cultive l’art de faire aimer la botanique.(21) Ses excursions l’entraînent jusqu’au bord du Doubs. Dans sa maison, il aime, s’accompagnant à l’épinette, fredonner les chansons de son enfance. Madame de Luze fait parvenir à Thérèse un métier à tisser. Parfois, Jean-Jacques Rousseau rejoint des femmes devisant devant leur demeure, tout en confectionnant des lacets. Fendre le bois apaise des douleurs dont il ignore l’origine. En raison de l’hostilité des autorités genevoises à l’égard de ses ouvrages, notamment Émile ou de l’éducation, Jean-Jacques Rousseau entend renoncer à la bourgeoisie de Genève. Certains amis l’en dissuadent, d’autres l’approuvent. En juin 1764, Jean-Jacques Rousseau accepte de figurer comme membre au sein de la Société de l’Arquebuse de Môtiers. En geste de reconnaissance, il lui offre deux plats en étain qu’il est coutume d’offrir aux meilleurs tireurs. En consultant sa correspondance, l’on relève des agacements, tracasseries, conflits… Jean-Jacques Rousseau éprouve une grande lassitude à laquelle la maladie n’est sans doute pas étrangère. La fatigue a vraisemblablement une autre cause encore. Des écrits l’accusent de publier des ouvrages contre la religion, contre la politique, contre l’éducation. Il s’épuise à dire ce que sa conscience lui dicte. Jean-Jacques Rousseau aspire à trouver une nouvelle demeure. Il reste quelques jours à Champ du Moulin. Ses amis lui proposent de s’installer à Cressier, à SaintAubin, à Gléresse, à Vaumarcus… voire en France. François-Joseph de Conzié lui propose un asile sur ses terres. Et pourquoi pas en Italie, à Venise ? La visite de Cressier a bien lieu : En 1764 étant à Cressier avec mon ami M. DuPeyrou, nous montions une petite montagne au sommet de laquelle il a un joli salon qu’il appelle avec raison Belle-vue. Je commençais alors d’herboriser un peu. En montant et regardant parmi les buissons je pousse un cri de joie : ah voilà de la pervenche; et c’en était en effet.(22) DuPeyrou, qui a le projet de construire un palais avec jardin à l’extérieur de la Ville Neuchâtel, lui propose de mettre à sa disposition un appartement. Les rencontres successives entre Jean-Jacques Rousseau et ses amis, notamment éditeurs, portent largement sur la préparation des manuscrits, le choix des illustrations et jusqu’à

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Tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau Cependant Jean-Jacques Rousseau est déjà arrivé à Londres, David Hume l’a accompagné. James Boswell se réjouit d’accompagner Thérèse jusqu’à Londres où l’attend Jean-Jacques Rousseau.

COUVET, VILLAGE ACCUEILLANT Le village de Couvet est situé à quelques kilomètres, à l’est de Môtiers. François Matthey parle d’une agglomération d’environ mille habitants. Deux fois l’an s’y tient une foire. Le 1er janvier 1765, la Communauté octroie à Rousseau, avec son accord, la Bourgeoisie du village, Rousseau ira remercier la Communauté et souscrira pour 42 livres à la construction de la tour du temple.(24) L’attribution du titre se déroule lors d’une petite cérémonie. Le 15 septembre, Jean-Jacques Rousseau écrit aux représentants de la communauté de Couvet : Messieurs, Si je disposais de moi selon mes désirs c’est au milieu de vous que je voudrais vivre, et si la sûreté parmi d’honnêtes gens pouvait me suffire, je ne la chercherais pas ailleurs. Mais Messieurs, j’ai besoin aussi de la paix, et vous avez des voisins qui malgré vous ne m’en laisseraient pas jouir. La conduite la plus irréprochable, le désir d’être utile à tous, la protection des lois, du prince, du gouvernement, du magistrat, qui n’ont pu me garantir chez eux de leurs mains, ne me garantiraient pas chez vous de leurs langues. Il faut vivre loin d’eux comme de ces serpents venimeux qui portent le poison de leur souffle où ne peut atteindre celui de leurs dents. Agréez donc, Messieurs, avec mes très humbles remerciements de vos offres, mes regrets de n’en pouvoir profiter. Je ne m’éloigne pas de vous entier, puisque l’honneur d’être par votre choix membre de votre communauté m’impose des devoirs d’attachement et de reconnaissance qui me seront toujours chers et qui me rapprocheront de vous sans cesse.(25) Enthousiaste, Alexandre DuPeyrou manifeste sa joie lorsqu’il apprend que Jean-Jacques Rousseau est reçu bourgeois de Couvet. Aussi l’avise-t-il qu’il prépare un contrat d’édition de ses œuvres complètes, assortie d’une rente viagère annuelle de 1 600 livres. La publication de La Lettre de la Montagne accentue les antagonismes des classes sociales, religieuses et politiques neuchâteloises. Jean-Jacques Rousseau a préparé un argumentaire serré, analysant minutieusement les décisions prises à son encontre après la parution de L’Émile et du Contrat social.

Jean-Jacques Rousseau et Abraham Gagnebin, gravure de A. Bachelin.

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l’édition de ses œuvres. À la fin de l’année 1764, JeanJacques Rousseau ne désire qu’une seule chose : aller vivre sur l’Ile de Saint-Pierre, s’y établir. Il fait l’acquisition d’un microscope. Un jour, Mylord Maréchal recommande un visiteur, James Boswell, 24 ans, Écossais appartenant à la noblesse, qui sollicite auprès de Jean-Jacques Rousseau, avis et conseils. Informé que Jean-Jacques Rousseau prépare un projet de Constitution pour la Corse, James Boswell propose de s’y rendre et en cinq semaines publie un ouvrage sur ses habitants.(23) Maison de Jean-Jacques Rousseau sur l’Ile de SaintPierre, Birmann & Fils Lorsque Jean-Jacques Rousseau décide de partir pour l’Angleterre, il offre ses services.

“Maison de Jean-Jacques Rousseau à Môtier”. Peint par Chatelet et gravé par Godefroy. Source : VIATICALPES Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne.

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© Collection du Château de Coppet

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© Photographie: David Mizrahi

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1. Jean-Jacques Rousseau, peinture de Allan Ramsay (1713-1784). 2. Geroge Keith, dit Mylord Maréchal, peint par Placido Costanzi, vers 1733. 3. Jean-Jacques Rousseau et Thérèse Levasseur, peinture d’un artiste inconnu.

LA LAPIDATION

“Vue du village de Môtier». Dessiné par Jean Jacques François le Barbier (1738-1826) et gravé par Fessard. Source : VIATICALPES Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne.

À la fin de l’été, un événement (qui dans d’autres circonstances pourrait être jugé comme une mauvaise plaisanterie) bouleverse l’existence de Jean-Jacques Rousseau. Les 1er et 6 septembre, sur sa maison, de nuit, s’abat une volée de cailloux. Une grêle de cailloux lancés contre la fenêtre et la porte qui donnaient sur cette galerie y tombèrent avec tant de fracas, que mon chien qui couchait dans la galerie et qui avait commencé par aboyer se tut de frayeur et se sauva dans un coin rongeant et grattant les planches pour tâcher de fuir.(26) Trouverait-on des indices permettant de comprendre ce troublant épisode ? Au mois de mars, le pasteur de

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Montmollin demande (à Jean-Jacques Rousseau) de ne pas communier à Pâques sous peine d’excommunication.(27) Jean-Jacques Rousseau s’engage par écrit, le 10 mars, à ne jamais publier aucun nouvel ouvrage sur aucune matière de religion, même de n’en jamais traiter incidemment dans aucun nouvel ouvrage que je pourrais publier sur tout autre sujet; et de plus, je continuerai à témoigner, par mes sentiments et par ma conduite, tout le prix que je mets au bonheur d’être uni à l’église.(28) Des rumeurs circulent, Jean-Jacques Rousseau entend s’installer en Angleterre. Il va jusqu’à envisager de se rendre devant le Consistoire pour entendre prononcer son excommunication… bien que cette sentence est

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Maison de Jean-Jacques Rousseau sur l’Ile de Saint-Pierre, Birmann & Fils.

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ignorée en pays réformé ! Il songe à un refuge en Corse. Il y trouverait la paix et pourrait poursuivre le projet qu’il a promis de rédiger. Marc-Michel Rey, son éditeur lui conseille de s’installer à Amsterdam. De Postdam, l’infatigable Milord Maréchal lui recommande de s’établir en Savoie ou à Guernesey. Le Roi de Prusse l’invite chez lui. Jean-Jacques Rousseau poursuit ses études en botanique. Il se procure des ouvrages spécialisés pour approfondir ses connaissances. Les promenades lui apportent soulagement et bonheur. Les oppositions religieuses le toucheraient-elles moins ? Jean-Jacques Rousseau fait confiance à DuPeyrou, il accepte de se rendre là il compte trouver un lieu accueillant. La maison du Suchiez à Neuchâtel, une autre à Cornaux lui conviendraitelle ? Il songe aussi à la maison de Cressier ou encore à celle de Roches-de-Condrieu au bord du Gorges de Biaufond, au Creux-du-Van et au Saut du Doubs enchantent Jean-Jacques Rousseau et ses amis botanistes. Jean-Frédéric de Chaillet rassure JeanJacques Rousseau, il peut s’installer à l’Ile de SaintPierre. Une semaine plus tard, Jean-Jacques Rousseau habite dans la maison du Receveur. Il n’oublie pas de remercier la commune de Couvet d’avoir proposé de l’accueillir. Thérèse s’apprête à le rejoindre. Malgré une abondante correspondance, Jean-Jacques Rousseau décide d’établir un relevé botanique de l’Ile. Il

James Boswell (1740-1795), peinture de Sir Joshua Reynolds (1723–1792).

“Vue de Couvet”. Dessiné par Jean Jacques François le Barbier (1738-1826) et gravé par FrançoisDénis Née (vers 17321818). Source : VIATICALPES Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne.

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compte y passer l’hiver. Cependant, le Conseil de Berne décide que le séjour de Jean-Jacques Rousseau ne peut être toléré. L’expulsion est décidée. L’Ile lui est interdite. Ses amis entreprennent les démarches en vue d’un séjour en Angleterre. Madame de Verdelin, Madame de Boufflers et David Hume les appuyent de leur côté. Homme de confiance d’Alexandre DuPeyrou, M. Fischer voyagera avec Jean-Jacques Rousseau jusqu’à Strasbourg. L’Ile de Saint-Pierre demeure à jamais pour Jean-Jacques Rousseau un souvenir empreint de nostalgie : De toutes les habitations où j’ai demeuré (et j’en ai eu de charmantes) aucune ne m’a rendu si véritablement heureux et ne m’a laissé

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“Ile de SaintPierre (Lac de Bienne)”, gravure en couleur.

scandale comme les spéculations dogmatiques : tel semble être l’idéal spirituel de Rousseau au moment où il mène à Môtiers son dernier combat contre ses frères protestants, choqués par sa liberté de ton et de conviction.(31) Jean-Jacques Rousseau fait partie de ces pionniers qui inventent à leurs risques l’avenir de la société, société gardienne de structures en place, éprouvées, immuables. Jean-Jacques Rousseau distingue le potentiel qu’elles renferment de la manière dont l’individu participe à son évolution. Tout au cours au cours des XVIIIe et XIXe siècles, grâce à d’autres esprits éclairés, le combat se poursuivra. rhildebrand@cejjr.ch

de si tendres regrets que l’Ile de Saint-Pierre au milieu du lac de Bienne.(29) Souvenons-nous : il y a quelques mois de graves décisions ont été prises à Paris, à la parution de L’Émile. Résolu à échapper à la police, Jean-Jacques Rousseau gagne Yverdon à bord du cabriolet que le Maréchal de Luxembourg a mis à sa disposition. Paris, Môtiers, Berne deviennent pour lui des lieux gouvernés par l’intolérance. La religion catholique comme la religion réformée interdit la parole donc le séjour à une personne fidèle aux préceptes de sa conscience. Le combat de ses ennemis, qu’il réfute l’effraie plus qu’il ne le scandalise. Il dit avoir une aversion pour l’injustice.(30) Paris n’accepte pas que La profession de foi du vicaire savoyard devienne une lecture publique. Môtiers attend du Citoyen de Genève la soumission à l’institution pastorale neuchâteloise, en un mot le reniement dans la profession de foi évoquée plus haut. Berne n’accepte pas sur son sol l’écrivain dont elle brûle les écrits. Monique Cottret résume la conviction religieuse de Jean-Jacques Rousseau : une religion, centrée sur l’Évangile et sur une morale essentiellement pratique, fuyant le

RÉMY HILDEBRAND

Notes (1) Jean-Didier Vincent, Elisée Reclus, Robert Laffont, 2010, p. 21 (2) Raymond Trousson, Frédéric S. Eigeldinger, Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, Paris, Editions Champion, 1996, p. 59 (3) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 154 (4) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 1302 (5) Régis Debray, Contre Venise, Paris, Gallimard, 1995, p. 88-89 (6) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 1303 (7) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 47 (8) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 40 (9) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 40 (10) Raymond Trousson, Frédéric S. Eigeldinger, Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, Paris, Editions Champion, 1996, p. 84 (11) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 156 (12) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 1303 (13) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 158 (14) Armand Farrachi, Rousseau ou l’état sauvage, PUF, 1997, p. 28 (15) Elisée Reclus, Histoire d’une montagne, Paris, Babel, 1998, p. 189 (16) Elisée Reclus, Ibid., p. 224 (17) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 609 (18) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 601 (19) JeanJacques Rousseau, Ibid., p. 598 79

(20) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 1070 (21) Jean-Jacques Rousseau, Lettres élémentaires sur la botanique, OC IV, p. 1149-1195 (22) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 226 (23) James Boswell, En défense des valeureux Corses, Anatolia, 2002 (24) Raymond Trousson, Frédéric S. Eigeldinger, Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, Paris, Editions Champion, 1996, p. 248 (25) Jean-Jacques Rousseau, Les plus lettres de Jean-Jacques Rousseau et de ses correspondants, choix: Jules Baillods, éditeur, James Guinchard, Neuchâtel, 1938, p. 89-90 (26) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 634-635 (27) Raymond Trousson, F- S- Eigeldinger, Jean-Jacques Rousseau au jour le jour, H. Champion, Paris, 1998, p. 259 (28) Jean-Jacques Rousseau, Les plus belles lettres de Jean-Jacques Rousseau et de ses correspondants, choix: Jules Baillods, éditeur, James Guinchard, Neuchâtel, 1938, p. (29) Jean-Jacques Rousseau, OC I, p. 1040 (30) Jean-Jacques Rousseau, Ibid., p. 1157 (31) Monique et Bernard Cottret, Jean-Jacques Rousseau en son temps, Perrin, 2005, p. 403 (*) Ce titre honorifique est porté par les Supérieurs de l’Eglise orthodoxe (**) le mercredi 15 août 1764, Jean-Jacques Rousseau passe la nuit à l’auberge L’Ours. [R. Trousson, F. S. Egeldinger, Jean-Jacques Rousseau au jour le jour, Ed. Champion, Paris, 1998, p. 232]

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Maisons des Illustres

« Il n’y a, dans la Retraite sentimentale, que deux portraits fidèles : celui de ma maison natale à Saint-Sauveur-en-Puisaye, et celui du romantique petit domaine bisontin qui fut mien. (…) j’ouvre une à une les chambres qui me virent heureuse et jeune, je les habite encore... ». Le monde de la culture s’est mobilisé pour que la maison natale de Colette, patrimoine littéraire français, devienne un centre d'études et de diffusion de la vie et de l'œuvre de Colette. La destinée du domaine tant aimé des Monts-Boucons, près de Besançon, tournera autour de la création littéraire et architecturale. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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Un label pour des demeures remarquables

Collection Centre d’études Colette

En septembre 2011, Frédéric Mitterrand remettait le nouveau label “Maisons des illustres” à 111 maisons ayant abrité des hommes et des femmes qui se sont illustrés dans l'histoire politique, sociale et culturelle de la France - sur 900 recensées. Ce label distingue en effet des lieux dont la vocation est de conserver la mémoire des personnalités qui les ont habité : maisons-musées, résidences d’écrivains, de peintres, de comédiens. Ceux qui tentent de faire revivre ces lieux authentiques, souvent méconnus, sont insuffisamment aidés. Le ministre a également annoncé que la maison natale de l'écrivain Colette, à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne), a pu être rachetée grâce à la mobilisation de la Société des amis de Colette, aidée des collectivités territoriales et de l'État « conscient qu’il y avait là un lieu de mémoire littéraire, un jardin de souvenirs vibrants ».

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Lesmaisons de

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L’ENFANCE À SAINT-SAUVEUR-EN-PUISAYE

La maison natale de Colette, louée dans les années trente et quarante, était aux mains de la même famille depuis 1946 (en location avant achat en 1950) avant d’être mise en vente en 2007. Après quatre ans de mobilisation, un accord fut trouvé avec les propriétaires en juin 2011 et le 29 septembre, Frédéric Maget, président de l’association La Maison de Colette, signait l’acte définitif de vente. La Société des Amis de Colette et le fonds de dotation La Maison de Colette s’étaient mobilisés pour réunir les 300 000 euros nécessaires au rachat de la maison, l'État ayant apporté une aide exceptionnelle de 100 000 euros sous forme d'une subvention à la Société des amis de Colette, suivi par la région Bourgogne et le conseil général de l'Yonne. La maison de Colette et ses jardins ont été inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. « Cette maison, où Colette est née et a grandi, a joué un rôle essentiel dans l'œuvre de l'écrivain qui en a fait un véritable personnage littéraire dans “Claudine à l'école”, “La Maison de Claudine” ou “Sido” », souligne la Société des amis de Colette. Aujourd’hui propriétaire de la maison, l’association La Maison de Colette souhaite en faire un établissement culturel. Non seulement la maison d’enfance et les jardins seront reconstitués, mais certaines grandes pièces ainsi que les communs verront l’installation du centre d’études Colette et serviront de résidence à des artistes ou chercheurs, à l’organisation de lectures et de conférences, ce, tout au long de l’année.

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La maison natale de l’écrivain qui se veut être une invitation à la lecture à la portée de tous, avec des activités et un espace de découverte, accueillera les “Rencontres Colette” et, dès 2012, le Festival international des écrits de femmes dont la première édition sera consacrée au thème “Femmes et journalisme”. Suivront les Journées du goût, le Festival de mélodie française et le festival “Corps en scène”.

J’appartiens à un pays que j ai quitté… Sidonie-Gabrielle Colette est née à SaintSauveur-en-Puisaye le 28 janvier 1873. Son œuvre baigne dans le souvenir de sa Puisaye natale et du village de son enfance, rebaptisé Montigny-en-Fresnois, dans les célèbres Claudine. La Société des Amis de Colette organise tous les ans une randonnée culturelle, d’après le livre « Sur les pas de Colette » de Marguerite Boivin. Cette ancienne institutrice a rencontré des contemporains de Colette et des familles représentées dans les ouvrages de l’écrivain. Mais dans ce bourg si brillamment décrit par Colette, certains

habitants apprécièrent peu les portraits que l’écrivain fit d’eux, aidée en cela par Willy, son premier mari. Michel Mourot, médecin à Thury, aujourd’hui en demiretraite, connaît bien la région Puisaye-Forterre et organise ces randonnées en prenant appui sur le livre de Marguerite. Balade particulièrement agréable car le sentier balisé d’environ 6 km est agrémenté d'arrêts où le guide captive son auditoire par la lecture de textes de Colette se rapportant aux lieux visités, tel le lavoir du Petit St Jean où Colette aimait puiser l’eau et comme les autres enfants, brisait parfois des cruches.

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Paysages chéris de l’enfance…

Toast "À Colette" par Samia Bordji, Frédéric Maget (à droite) et leurs amis, avec vue sur la maison aux volets gris-bleus de Juliette, la demi-sœur de l'écrivain.

tant j'adore. » (Claudine à l’école). Le village a peu changé. La tour a perdu sa guirlande de lierre. L’église St-Jean n’a toujours pas de clocher. Monté sur un piton en roche, ce dernier a été foudroyé à plusieurs reprises. Le toit gris en ardoise, c’est la maison de Colette. Un peu plus haut, on aperçoit la maison aux volets bleugris, celle de Juliette, la demi-sœur « agréable laide aux yeux thibétains ». Michel Mourot s’arrête, touche la terre, les pierres chargées de minerai de fer, le sable qui, mélangé avec la terre, donne cet ocre apprécié par les peintres. « Colette a bien connu la poterie de La Bâtisse et les potiers qui y travaillaient. Fondée au XIIIe siècle, la Bâtisse a vu succéder des générations de potiers. Elle est aujourd'hui la propriété de la famille Cagnat-Solano, héritière d'un savoir-faire vieux de 500 ans, et fonctionne toujours. Les Cagnat sont potiers depuis le XVIe siècle. Ils ont repris la Bâtisse au début du XXe siècle. En suivant la ligne de chemin de fer, Colette accédait au four couché, datant du XVIIIe siècle, classé monument historique, et pouvant contenir jusqu’à 3000 pièces. Il fut inventé à l’époque pour cuire les énormes poteries culinaires et

Ainsi, Saint-Sauveur « s'étage en escalier au dessous d'un gros château, rebâti sous Louis XV et déjà plus délabré que la tour sarrasine, épaisse, basse, toute gainée de lierre, qui s'effrite par en haut, un petit peu chaque jour. C'est un village et pas une ville ; les rues, grâce au ciel, ne sont pas pavées ; les averses y roulent en petits torrents, secs au bout de deux heures ; c'est un village, pas très joli même, et que pourFRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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de conservation. Colette voyait le soir flamboyer La Bâtisse. Une cuisson durait 3 semaines : une semaine pour monter le four à température, une semaine de cuisson, une semaine de refroidissement… » Une exposition permanente permet de découvrir les Bleus de Puisaye, présents à la table des hauts et puissants seigneurs du XVIe siècle.

L'univers de Colette au musée de StSauveur. Ci-dessous : Michel Mourot dans la salle de classe de Claudine.

Une si profonde nostalgie Colette amènera en pèlerinage à Saint-Sauveur les amours naissantes de sa vie : ses maris, le jeune Bertrand de Jouvenel… Les acquéreurs de sa maison natale © Françoyse Krier

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lui ayant offert l'usufruit de ce bien, elle put la visiter en 1927 : « Trente-trois ans, songez donc, trente-trois ans que je n'avais revu ni l'intérieur de la maison, ni le jardin ! Une émotion si grande, une telle impression de temps aboli ! » (Lettre à Germaine Patat). L’ancienne rue de l’Hospice est toujours en pente et la maison possède encore son perron boiteux. Sur la façade, un médaillon de marbre rouge porte les mots : Ici Colette est née. « J'appréciai en son temps la discrétion d'un texte qui évite toute précision de date… » écrivaitelle avec humour dans Ces Dames anciennes. Dès avril 1967, la rue a porté officiellement le nom de Rue Colette. Particularité unique en France : la plaque apposée reproduit la signature de l'écrivain… Le 22 octobre 2011, dans la lumière dorée d’une journée automnale, Frédéric Maget et Samia Bordji, responsable du Centre d’études Colette d’Auxerre, ont ouvert les volets de la maison de Colette. L’émotion était grande parmi les invités : Gérard Bonal, écrivain, journaliste, ancien président de la Société des amis de Colette ; Jean-François Brégy, secrétaire général du théâtre du Châtelet; Bruno Fabiano, trésorier de l'association La Mai-

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Maisons des Illustres son de Colette ; Élisabeth Ledroit, adjointe au maire de Saint-Sauveur, responsable du Musée Colette, Michel Mourot et autres fervents admirateurs de l’écrivain qui ont levé leurs verres de champagne « À Colette » ! Saveurs de l’instant… Le jardin du haut avait pris de magnifiques couleurs chaudes et d’exquises roses d’automne fleurissaient encore parmi les fougères et les ronces. La chambre de Colette a gardé son froid carreau rouge, le toit a perdu quelques ar-

guerite Boivin par la nièce de Pauline Tissandier, la fameuse gouvernante de l’écrivain.

Tout feu, tout femme Touche-à-tout, musicienne, comédienne, journaliste, conférencière, Colette était aussi une grande voyageuse : on la verra en Bretagne, à Monaco, en Italie, au Maroc, en Amérique invitée au voyage inaugural du paquebot Normandie… Elle aimait se rendre en Suisse : Lausanne, Les Avants au-dessus de Montreux, Gstaad où elle s’adonne aux joies des sports d’hiver, passant commande d’un « costume à culotte de laine pour la neige ». Il existe de nombreux portraits de cet écrivain “le plus photographié du siècle”, photos prises à toutes les étapes de sa vie par Cartier-Bresson, Gisèle Freund, Cecil Beaton, Irving Penn, tableaux, esquisses tel ce portrait au pastel realisé par Emilio Della Sudda qui fut accroché aux Monts-Boucons. Son dernier mari et “son meilleur ami” Goudeket, la décrira ainsi : « voix de bronze roulant les “r” bourguignons, ouverture si particulier de l’œil qu’ombrait une mèche de cheveux blonds cendrés, nez qui s’allongeait en fin de course, arc mince de la bouche, menton aigu… »

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doises et un morceau d’une tapisserie originale a été découvert dans une chambre, sous une couche de papiers peints.

Colette ne fut pas aussi délurée que son héroïne Claudine, mais se sentait différente, fantasque, libre, vagabonde… Elle fréquenta l’école publique laïque de Saint-Sauveur pendant toute la période de reconstruction du bâtiment. Elle décrit, dans Claudine à l’école, l’ancienne école que l’on détruisait tronçon par tronçon, ainsi que l’inauguration par le maire si caressant envers les jeunes filles ! Forte de sa propre collection, Marguerite Boivin a reconstitué, dans une pièce de ce bâtiment, la salle de classe de Claudine. Un véritable sanctuaire pédagogique que Samia Bordji et les autorités locales souhaitent garder tel quel. On musarde devant les grandes étapes de l’écrivain : lettres, nombreuses photos, poêle Godin, bancs et tables de classe qui furent peut-être ceux de la jeune Gabrielle et sur un mannequin, des vêtements ayant appartenu à Colette et qui ont été donnés à Mar-

Installé dans le Château de Saint-Sauveur-en-Puisaye, propriété de la commune, le musée Colette fut inauguré en octobre 1996. Véritable promenade littéraire autour de l’illustre présidente de l’Académie Goncourt, il présente outre une collection impressionnante de 250 photos d’elle et de sa fille, de nombreuses cartes postales, des collections d'objets personnels de l'auteur ainsi que la reconstitution du salon et de la chambre de son appartement du Palais-Royal. Dès l’entrée, le visiteur est saisi par l’atmosphère harmonieuse, nimbée de bleu, couleur fétiche de Colette, avec, en fond sonore, les musiques de ses amis Fauré, Ravel, Debussy, Dukas, Satie. Au sol sont gravés les noms et adresses des différents lieux qui l’ont accueillie : Rozven, La Treille Muscate, l’Hôtel Claridge, le Palais-Royal… Chaque marche de l’escalier porte le nom d’une de ses œuvres. Les sulfures en verre - « que l’on ne FRANÇOYSE KRIER peut déplacer d’un pouce » précise Frédéric Maget francoyse.krier@bluewin.ch

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L’école de Claudine

Le Musée Colette

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Colette était sensible au charme de la maison des MontsBoucons, dans laquelle était accroché son portrait par Emilio Della Sudda (en médaillon).

- trônent sur des étagères. Émotion devant les cahiers du capitaine Colette, pages blanches découvertes à la mort de ce père tant aimé qui aurait tellement voulu rédiger la biographie du Maréchal Mac-Mahon, son ami. Cœur du musée, la bibliothèque où règne le silence et qui fleure bon les livres aux couvertures acidulées : chacun d’eux contient des extraits d’œuvres de Colette. Tout ici raconte l’histoire de cet écrivain qui aimait la vie et écrivait : « Il faut avec les mots de tout le monde écrire comme personne... »

LES DOUCES HEURES FRANC-COMTOISES Willy et Colette feront plusieurs séjours près de LonsLe-Saunier, au chalet Les Sapins propriété de la famille Gauthier-Villars. L’écrivain apprécie tellement cette région qu’en 1900, Willy lui offre le domaine des MontsBoucons, non loin de Besançon et qui sera agrandi en août 1902 par l’achat d’une ferme voisine et d’un pré. La maison au fronton Directoire est entourée d’un grand parc planté de sapins, cèdres du Liban, frênes, marronniers, tilleuls... Colette y est heureuse et affectionne particulièrement la fraicheur d’un sous-bois où un petit pont de pierre surplombe un ravin en forme de grotte. Elle monte à cheval « comme un homme », fait placer des appareils de gymnase dans un bosquet d’arbres afin d’entretenir sa forme physique. « Vieux arbres fruitiers, cerisiers et mirabelles, murs épais, impétueux feux de bois, sèches alcôves craquantes, il s’en fallut de peu que de bourguignonne je ne tournasse bisontine, tout au moins franc-comtoise… » Entre 1901 et 1905, Colette vient donc passer les étés et automnes dans son paradis bisontin. Elle y écrit entre autres La Retraite sentimentale, roman dans lequel la demeure devient “Casamène” maison si aimable, évoquée également dans “Claudine s’en va”. « Willy m’a donné une

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autre maison pour essayer de me guérir. » écrit-elle à José Maria Sert.

© Collection particulière

Un temps et un pays à jamais perdus Mais en 1906, le couple se sépare et en 1908, Willy vend la maison des Monts-Boucons. Colette se rendra à Besançon en décembre 1907 pour la préparation de l’acte de vente, signé le 7 janvier suivant : «…et ça me fait au cœur une sale petite plaie qui ne se referme pas. » Elle n’y reviendra pas. La maison des Monts-Boucons a été rachetée en 2001 par la ville de Besançon. Vidée de ses meubles, fermée au public, elle a néanmoins conservé tout son charme d’antan. Dans le parc de trois hectares clos et arboré, des orchidées côtoient en été, les herbes folles. Des travaux réguliers d'entretien y sont conduits par le service Espaces verts de la Ville et la maison du gardien a été entièrement restaurée. Un jour, les volets blancs rouvriront et la romantique petite demeure bisontine, telle une belle endormie, reprendra vie pour accueillir artistes, écrivains, architectes. Comme à Saint-Sauveur…

Contacts Office de Tourisme Intercommunal des COLLINES de PUISAYE FORTERRE : www.ot-puisaye-forterre.com Centre d’études Colette : centre-colette@cg89.fr Association “La Maison de Colette” www.maisondecolette.fr Frédéric Maget (président) La Société des amis de Colette : www.amisdecolette.fr

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LaPuisaye-Forterre

régionpleinedecharmeetdemystère a Puisaye-Forterre regorge de curiosités : châteaux magnifiques, nombreuses rivières et étangs à découvrir entre des forêts de feuillus : frênes, chênes, châtaigniers, charmes, pommiers et poiriers sauvages dont les fruits servent à la distillation… Si la Puisaye se présente comme un pays bocager, avec haies, bois, sources, étangs, la Forterre, constituée par les calcaires du Jurassique supérieur, continue les plateaux calcaires de basse Bourgogne. On disait de Colette qu’elle n’avait jamais perdu son accent “poyaudin”. Ce parler d'oïl, patois du pays de Puisaye ne survit de nos jours qu'à travers une population âgée. À Saint-Sauveur, le Restaurant “Au Poyaudin”, seul établissement en Bourgogne, en France, dans le monde… où il est autorisé - voire recommandé - de lire en mangeant ! Sur la table, des livres de poésie - et de Colette - ont trouvé naturellement leur place entre assiettes et couverts. À la sortie de Saint-Sauveur, Le Domaine des Sapins est une maison d’hôtes dont le style séduit dès l'entrée : blanche demeure de charme datant du 19e siècle, dans laquelle chaque meuble et chaque objet racontent une histoire : barbotines, services de table anciens, argente-

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rie, tableaux, canapé Thonet… Fabrice Brangeon-Bonnard et sa mère reçoivent ceux-ci dans un salon de famille intime et élégant. Atmosphère chaleureuse des chambres, spacieuses, qui possèdent chacune un style et un décor différent : poutres, meubles de toilette anciens, vastes armoires en bois massif… Le copieux petit-déjeuner - confitures maison, pain frais, excellent café - est servi dans la grande salle à manger sur une table imposante où l’on découvre l’art de mélanger les siècles et les objets.

Classé parmi les “Plus beaux villages de France”, Mézilles est un bourg surprenant : vieilles maisons, passages à gué, jardin du XIXe siècle irrigué par un système de canaux, série de lavoirs privés et beau lavoir communal. L’auberge “La Mare aux Fées” s’avère une étape gourmande, à côté d’un très joli petit pont en grès ferrugineux. Entre Mézilles et Villiers-St-Benoît, une voûte d'arbres recouvre la route telle une tonnelle végétale. Echappée belle, moment de grâce au cœur de la forêt profonde…

Moutier

Deux sites historiques de la PuisayeForterre : les châteaux de SaintFargeau et de Ratilly.

Entre 1875 et 1880, Pierre Achille Pietresson de St-Aubin créa l’Arboretum des Sapins. Si les tempêtes des années 1999 et 2005 ont nettoyé ce magnifique parc, il subsiste des rhododendrons et des séquoias. Nouveau : un très joli gîte accueille des hôtes à la semaine, au mois. Et en été, les hôtes peuvent profiter en toute quiétude d’une grande piscine, dans un écrin de verdure. Maître des lieux, Fabrice Brangeon-Bonnard connaît bien l’histoire de cette contrée et vous guide à la découverte d’un patrimoine régional d’une richesse et d’une diversité constituant un bel atout pour cette région attachante. De plus, pour les mois et les années à venir, de nombreux projets sont en cours de création, tant au niveau du Domaine des Sapins que de la région Puisaye-Forterre en général. Le Domaine des Sapins Fabrice Brangeon-Bonnard 89520 Saint Sauveur Tél. : +33 (0) 386 455 032 http://www.domaine-des-sapins.com 87

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L’église Saint-Pierre, édifiée aux environs de l’an Mil et classée aux Monuments Historiques, comprend 200 m2 de splendides peintures murales, découvertes en 1982. Les plus anciennes datent du XIIe siècle. Ces peintures murales constituent l’un des plus grands ensembles de Bourgogne. www.peinturesmurales.com

Le Château de Ratilly, Centre d’art vivant Le Château de Ratilly fut édifié au XIIIe siècle. Entourant une cour centrale, flanquée de quatre tours d’angle et de douves, cette belle forteresse rehaussée par la couleur caractéristique du grès de la Puisaye, bénéficie d’une position dominante sur la vallée de Treigny. En 1951, Jeanne et Norbert Pierlot - potière et comédien s’y installent et créent un atelier de poterie, un lieu d’animation culturelle qui deviendra l’un des premiers Centre d’Art Contemporain Privé. Leurs enfants soutenus par l’Association des Amis de Ratilly poursuivent cette œuvre. Depuis, chaque année, concerts, spectacles originaux, stages et expositions d’arts plastiques sont présentés dans ce cadre unique, par des artistes contemporains. www.chateauderatilly.fr

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Guédelon, chantier historique, pédagogique, touristique et humain. Enfant, Michel Guyot adorait les chevaux, le rituel des chevaliers. À 28 ans, avec son frère Jacques, il achète son premier château et 4 ans plus tard, reprend le domaine de Saint-Fargeau sans un sou en poche et… deux hectares de toiture à rénover ! Ils vont convaincre les banquiers, lancer un spectacle pour financer les travaux. En 1995, ce formidable bâtisseur de rêves relève un défi hors norme : construire aujourd'hui un château fort selon les techniques et avec les matériaux utilisés au Moyen Âge. Ainsi, jour après jour, carriers, tailleurs de pierre, maçons, bûcherons, charpentiers, forgerons, tuiliers, charretiers, vanniers, cordiers bâtissent un véritable château fort, sous les yeux de milliers de visiteurs. Ce chantier, débuté en 1997, devrait durer environ 25 ans. www.guedelon.fr

Saint-Fargeau était un rendez-vous de chasse fortifié. En 1652, Anne Marie Louise d'Orléans, cousine de Louis XIV, surnommée la Grande Mademoiselle, y fut exilée en raison de ses prises de position pendant la Fronde. Ses appartements ont été entièrement restaurés. Jean D’Ormesson passa son enfance au château de Saint-Fargeau dont il s’inspira pour écrire son roman Au plaisir de Dieu. Chaque été, ce magnifique château est le théâtre d’un spectacle historique éblouissant. www.chateau-de-st-fargeau.com

La basilique Ste-MarieMadeleine à Vézelay, restaurée par Viollet-leDuc.

Non loin du château, un détour à la pâtisserie Fléchais s’impose : macarons, croquets de Puisaye ainsi que les bien nommés “Coups de soleil”, délicieusement fourrés aux myrtilles et à une onctueuse crème caramélisée.

Vézelay, chemin de lumière Situé dans le département de l’Yonne, aux confins de la Puisaye, Vézelay est placé sous le patronage de Ste Marie-Madeleine depuis 1050. Etape importante sur la route de Compostelle, sa célèbre basilique, chef-d'œuvre de l'art roman bourguignon, veille sur les maisons vigneronnes et les demeures Renaissance. Ses 118 chapiteaux constituent une véritable bible de pierre. La basilique et la colline de Vézelay - la “Colline Éternelle” s’aperçoit de très loin - sont inscrites au Patrimoine mondial de l’Unesco. Lieu de mystère et de foi, Vézelay a attiré les foules, ainsi que de nombreux personnages historiques, gens d'esprit, artistes et célébrités : Théodore de Bèze, Romain Rolland, Paul Claudel, Georges Bataille, Le Corbusier, Max-Pol Fouchet, Maurice Druon. Maurice Clavel, Jules Roy… La vue sur la la vallée de la Cure et les monts du Morvan depuis la terrasse de l’ancien château est à couper le souffle.

À la table de Marc Meneau

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Au pied de la colline, Saint-Père-sous-Vézelay est le berceau d’un autre lieu mythique, fleuron de la cuisine française : L'Espérance, Hôtel**** Restaurant gastronomique Relais & Châteaux. Fief du grand chef Marc Meneau, l’endroit baigne dans le calme : verdure, verger bio, ruisseau… De larges baies invitent la lumière. On comprend que Serge Gainsbourg ait apprécié cet endroit empreint de sérénité lors des six mois qui ont précédé sa disparition. Marc Meneau prend place dans le joli salon rouge. L’homme en impose. Mais on ressent chez lui beaucoup de sensibilité. « Colette ? Je l’adore ! Elle était restée très proche de la nature. Créer un centre de vie dans sa maison de Saint-Sauveur est une excellente chose.

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Saint-Fargeau, terre d’exil de la Grande Mademoiselle

Le chantier médiéval de Guédelon.

La petite ville de Saint-Fargeau est la capitale historique de la Puisaye. Vieux de plus de 1000 ans, classé Monument Historique ainsi que son magnifique parc, le château de Saint-Fargeau est le site historique le plus important de la Puisaye-Forterre. Construit en 980, FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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Douceur de vivre à L'Espérance, domaine**** de Marc Meneau.

J’aime beaucoup le musée qui a élu domicile dans le château, idéal pour les amateurs de lecture… »

Un parcours dont il est fier Je suis né au village depuis… 5 siècles donc j’ai une légitimité. C’est la 1ère génération qui fait de la restauration et de l’hôtellerie. Ma famille compte des épiciers, des bourreliers, des paysans. Je connais tout le monde et tout le monde me connaît. Mon enfance s’est passée à servir les gens du village aussi bien à l’épicerie que dans 89

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le bar. Nous étions le mulitiservice à multifonctions : vente de cartes et d’articles de pêche, de bottes, de tabliers, de boîtes de sardines, de beurre… Ce que l’on appelle aujourd’hui le commerce de proximité et que les grandes surfaces ont tué. J’ai vécu cette période-là où les premières grandes surfaces arrivaient sur le marché. Lors de mon mariage avec Françoise, notre première option a été d’ouvrir une épicerie… que nous avons fermé au bout de 8 mois. On a fait des crêpes, des gaufres dans une petite salle de restaurant. J‘ai ouvert des livres, appris à cuisiner et continue d’apprendre encore !

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Maisons des Illustres >

À chacun son choix de vie...

nanciers. Mon petit havre de paix se trouve à sept kilomètres d’ici : personne à l’horizon, un banc de pierre, une chapelle, un sapin, un petit cimetière… Là, je domine la vallée de Vézelay-Avallon. Le paysage n’a pas changé depuis 5 000 ans et mon rôle est de le garder encore 5 000 ans. Enfin, je vais essayer !

Pour moi, c’est le travail, c’est la passion… Je termine toujours la soirée avec les derniers clients. On regarde la télé, on parle de la pluie et du beau temps… Les livres font partie de mes passions. Je possède une belle collection de livres anciens. J’en achète une trentaine par mois. Le jour où je ne pourrai plus marcher, il me restera tous ces ouvrages à lire. J’ai moi-même écrit cinq livres et je continue de prendre des notes en prévision des trois qui sont en projet. L’écriture, la cuisine me passionneront jusqu’à la fin de ma vie.

Échanges enrichissants Une réunion Les Grandes Tables du Monde se tient chaque année à Reims. Nous sommes une association, ou plutôt un cercle de gens qui ne parlent pas d’argent mais discutent seulement de cuisine, de produits, d’éthique de cuisine, des médias… Les émissions people* ? C’est intéressant et je suis pour car elle ne sont pas truquées

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et permettent de faire connaître les mots : cuisine, travail, odeurs... Cela démontre à ceux qui regardent ces émissions que la cuisine peut être un beau métier, valorisant et dans lequel il faut s’investir. Nous mettons en vitrine notre vision de la cuisine au service des gens. Je trouve que rendre des gens heureux à table c’est avoir fait le chemin que tous les dieux du monde demandent aux hommes. Certains font de la cuisine simple. Nous, nous faisons de la cuisine pour la tête, ensuite pour le ventre. Et qu’est-ce que cela peut apporter comme émotions ! Remplir seulement des estomacs ne m’intéresse pas…

La relève Recruter de jeunes cuisiniers est difficile. Notre profession nous fait vivre à l’envers ! L’expression « travail avec ses mains » va-elle retrouver un sens important ? Mme Bettencourt a créé le Prix pour l’Intelligence de la Main… On peut en rire, il y a un monde qui en rit et un monde qui va s’en trouver… marri ! Tant que je serai en forme physiquement et intellectuellement, je tiendrai bon ! La relève est assurée. Mon fils de 25 ans - actuellement chez Michel Guérard, Les Prés d’Eugénie, dans les Landes demandait à l’autre jour à sa mère : Mais jusqu’à quand allez-vous travailler ? Encore dix ans si notre santé le permet… Dix ans encore ! se plaint-il…

Vivre pleinement, en conjuguant passion et travail, telle est la devise de Marc Meneau...

© Philippe Schaff

© Françoyse Krier

Marc Meneau et la Suisse J’ai failli m’installer à Genève et même prendre un restaurant à Rougemont. Et puis cela ne s’est pas fait… J’apprécie les séjours passés avec ma femme - notamment lorsque notre fils Pierre étudiait à Glion**, la Fondation Gianadda à Martigny, la quiétude, la façon dont les Suisses regardent la vitesse arriver avec une certaine circonspection… J’aime les paysages de ce pays, être au bord de l’eau, laisser vagabonder mon imagination…

L’imagination, justement, le chef étoilé n’en manque pas : étonnante sauce au cacao vénézuélien accompagnant la viande, gratin de cardons à la moelle et parmesan, saint-pierre servi sur pierre chaude, bal des desserts avec, en prime, une tuile sur… une vraie tuile provenant de la toiture de sa maison proche de la basilique de Vézelay, fraises Marie-Antoinette créées alors qu’il était consultant culinaire pour le film de Sofia Coppola… Artiste es-haute gastronomie, Marc Meneau promène sa respectable stature entre les tables, un mot aimable pour chacun. Un hymne au raffinement et à la nature depuis son lumineux restaurant, aux tables avec vue sur jardin. FRANÇOYSE KRIER

Ses projets Vivre ! Et c’est un vaste projet en ce moment. Résister à toutes les bêtises du monde, garder son âme fraîche pour faire de la cuisine… De nos jours, il est préférable d’avoir des projets intellectuels plutôt que des projets fi-

*Le chef bourguignon a participé en octobre 2011 à l’émission Masterchef **École Internationale de Gestion Hôtelière. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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L’épopée

Steinway&Sons Réputationmusicale uniqueaumonde

Depuis1853, les inimitables pianos Steinway & Sons jouissent d’un grand renom auprès des musiciens professionnels et d’un public averti. Visite dans les ateliers de Hambourg où le coup de main et le talent de chacun ont toujours la priorité pour réaliser ces chefs-d’œuvre de musicalité.

uand Heinrich Engelhardt Steinweg, né en 1797 à Wolfshagen en Allemagne, fabriqua son premier piano, en secret, dans sa cuisine, se doutait-il qu’au XXIe siècle, malgré le progrès des techniques, un peu plus d'un demi-million de pianos seraient sortis des ateliers Steinway & Sons de Hambourg ? Le premier instrument construit par Heinrich Steinweg fut une cithare. En 1818, ce mélomane commence à travailler dans un atelier de facteur d'orgues à Seesen, apprend à jouer de l'orgue et devient organiste. En 1836, il construit son premier piano dans sa cuisine, fruit d’une passion et d’un savoir-faire artisanal qui deviendront la marque de fabrique de la société. La fabrication d’une seule pièce de chevalet de la table d’harmonie - perfectionnement technique inventé par le constructeur - est toujours utilisée aujourd’hui. Il existe actuellement 3 copies de ce “Piano de cuisine”

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« Fabriquer le meilleur piano possible » Henry E. Steinway fonda Steinway & Sons le 5 mars 1858, à New York.

de 212 m de long, dimensions dignes d’un piano de concert de l’époque. Le piano original est la propriété de la filiale Steinway de New York.

La saga Steinway Heinrich Steinweg voulait fabriquer le meilleur piano possible. Il en construit plusieurs avant d’émigrer, avec ses trois fils, aux États-Unis où il fonde, en mars 1853, sa propre entreprise. Celle-ci portera son nom américanisé : Steinway & Sons. Après son décès, William, un de ses fils, organise deux grandes tournées, en 1872 et FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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1891, avec des pianistes renommés. Suite au succès remporté, l’entreprise ouvre, en 1875, sa première salle d’exposition européenne à Londres. Steinway & Sons se fait rapidement un nom en Europe. En 1880, l’usine européenne de pianos s’établit à Hambourg où elle continue à répondre aux commandes du monde entier, hormis à celles du continent américain fourni par l’usine new-yorkaise, Les deux fabriques Steinway produisent alors plus de 2'800 pianos par an. Un piano Steinway & Sons est toujours à 80 % un produit fait main. Dès 1860, les pianos Steinway & Sons subissent de grandes innovations : cadre en fonte d'une seule pièce,

ce qui assure une plus grande solidité et un accord qui tient plus longtemps ; croisement des cordes pour une meilleure répartition des tensions et la possibilité d'utiliser des marteaux plus épais. Un pianiste qui, à l’instar de Franz Liszt cassait parfois trois à quatre pianos par mois, pouvait dès lors jouer avec plus de vigueur.

Au diapason dans la quête de la perfection A l’entrée de la fabrique Steinway & Sons dans la banlieue de Hambourg, des reproductions de peintures rappellent que Wagner, Rachmaninov, Gershwin, Ignacy Jan 93

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> Paderewski et bien d’autres artistes ont choisi de jouer sur un piano Steinway & Sons. Cette marque de prestige fabrique 7 modèles de pianos à queue et 2 modèles de pianos droits. Chaque piano est conçu pour résister aux assauts du temps et durant toutes les étapes de fabrication, chaque piano continue à être réalisé à la main. Pratiquement tous les éléments sont réalisés sur place. Il faut trois ans pour fabriquer un piano de concert. 7 000 pièces sont nécessaires à l’élaboration du mécanisme d’un piano Steinway & Sons, 12 000 pour un piano de concert. Un contrôle d’humidité - 50 % - est effectué dans toutes les salles. La plupart des artisans, musiciens ou en tout cas mélomanes, travaillent chez Steinway & Sons depuis plusieurs générations !

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Souci minutieux du détail

Naissance d'un instrument de légende : ceinture, table d'harmonie, chevalets et cadre en fonte sur lequel l'artisan fait ressortir le sigle Steinway & Sons. Pose des cordes, marteaux et clavier. Laquage et polissage...

La ceinture (photo 1) Faite d’une seule pièce, la ceinture est composée de couches de bois d’érable d’Amérique du Nord – jusqu’à 20 couches ! Fondement de la stabilité et de la qualité de chaque piano à queue, c’est une des plus grandes innovations techniques qu’ait connu le piano. Les ceintures extérieure et intérieure sont pressées l’une contre l’autre au cours d’une seule opération. Cette invention fut brevetée en 1878 par Steinway & Sons. Des ouvriers musclés transportent la pièce vers le moule qui lui donnera sa forme et que la ceinture quittera pour sécher pendant six mois dans une pièce chaude afin de stabiliser le bois. Toutes les chevilles sont en bois afin que le son ne soit pas coupé par l’intrusion d’un élément métallique. La table d’harmonie (photo 2) Steinway & Sons est la seule maison européenne qui élabore ses propres tables d’harmonie dont la conception tient compte de tous les éléments essentiels de l’acoustique. Elles sont sculptées par un artisan, de manière plus fine d’un côté que de l’autre. Cette variation d’épaisseur permet une meilleure diffusion du son. La table d’harmonie est l’âme du piano à queue ou droit et la sélection de l’essence de bois est primordiale : l’épicéa de Sitka, aux veines régulières, qui supportera le poids des cordes et leur permettra une longueur de note maximale. Le son qui en jaillit est d’une incomparable richesse.

Dans la cour de la fabrique, des bois massifs de tout premier choix rigoureusement sélectionnés, sèchent et vieillissent pendant deux ans. Certains à l’abri, certains à l’air : peuplier, hêtre, acajou, érable, pin… Plus les essences de bois sont de qualité, plus la sonorité est belle… Steinway sélectionne les matériaux les plus précieux et les utilise tout en respectant scrupuleusement l’environnement, Ainsi 20% du bois destiné aux tables d’harmonie est utilisé pour les pianos et 60% des chutes pour le chauffage de la fabrique. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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Savoir-faire et perfection du son appréciés par de nombreux pianistes tels qu'Ignace Paderewski qui séjourna longtemps à Morges, en Suisse.

Les chevalets (photo 3) Ils sont fabriqués à partir de bois dur lamellé à fibres horizontales et recouverts d’érable massif. Les encoches sont réalisées à la main, ce qui garantit le positionnement précis et individuel des cordes. Cette conception assure une excellente transmission des vibrations sonores des cordes jusqu’à la table d’harmonie. Le cadre en fonte (photo 4) Les cordes créant une grande tension pouvant avoisiner les 20 tonnes, la fonction du cadre est de contenir cette force et de procurer au piano solidité et stabilité. Composant indissociable de la construction d’un pianos, il doit réduire les vibrations, sublimer au maximum le son de l’instrument. 95

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Cordes, marteaux et clavier (photo 5) Les cordes sont fabriquées à la main afin de leur donner l’épaisseur souhaitée. Un artisan tire un à un les fils de cuivre et les met en place. Puis les marteaux et le clavier sont posés. La fabrique de Hambourg possède une chambre capitonnée dans laquelle les pianos sont mis à l’épreuve dans une machine de rodage. Chaque touche est jouée 10 000 fois ! Le laquage (photo 6) Pour finir en beauté, le corps du piano est alors enduit de laque qui va sécher pendant trois semaines avant d’être poli. Deux couches sont nécessaires. Là encore, respect de l’environnement : le trop-plein de peinture

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Rolls Royce des pianos

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Alma-Tadema et construit entre 1884 et 1887 dans l’usine de New York. L’original fut adjugé pour 1,2 million de dollars lors d’une vente aux enchères chez Christie’s en 1997.

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noire séchée est recueilli par l’usine qui la fournit. Dernière touche artistique : un artisan fait ressortir au pinceau les lettres dorées du sigle.

Modèles spéciaux et uniques

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Chaque piano faisant partie des Crown Jewels de Steinway est une œuvre d’art conçue artisanalement selon les désirs de son propriétaire avec le bois précieux de son choix : ébène de macassar, pommier indien, bouleau blanc, palissandre, loupe de noyer, acajou pommelé… Collection Art Cases : le Satin rose, inspiré du style Louis XV, avec motifs floraux, panneaux de marqueterie ou tout autre décor, selon demande. Collection Limited Edition : le William E. Steinway, fils de Henry, reproduction du piano à queue datant de l’époque victorienne, présenté pour la première fois en 1876. D’autres modèles de cette gamme ont été commandés par des personnalités du monde de la musique, de la mode, de l’architecture et de l’automobile. Un exemple de Collection Legendary : L’Alma-Tadema, dessiné par le peintre d’origine hollandaise Sir Lawrence

Steinway & Sons, accord majeur... Dans les couloirs des bureaux sont exposées les nombreuses photos dédicacées par les pianistes de renom venus du monde entier assister à la fabrication de leurs pianos préférés. Et peut-être les choisir : Alexis Weissenberg, Arthur Rubinstein, Vladimir Horowitz, Alfred Brendel, Martha Argerich, Christian Zacharias, Alfred Brendel, Lang Lang… Un piano Steinway & Sons passe souvent de génération en génération et devient un membre à part entière de la famille. Il prend de la valeur avec les années. Steinway & Sons s’est vu remettre de nombreux prix et distinctions et a fait breveter plus de 125 inventions. En 1903, le 100 000e piano Steinway est offert comme cadeau à la Maison Blanche. Il a été remplacé, en 1938, par le 300 000e. Des pièces uniques atteignent les sommets dans les enchères du monde entier et plus de 1 600 grands concertistes actuels ont choisi cette marque prestigieuse. Ultime consécration : une "Steinway Street" existe désormais à New York, dans le Queens. www.Steinway.de FRANÇOYSE KRIER

De passage à la fabrique de Hambourg, des noms célèbres ont laissé leur empreinte : Vladimir Horowitz, Martha Argerich, Arthur Rubinstein, Christian Zacharias, Alexis Weissenberg, Diana Krall, Billy Joel…

Plusieurs concerts sont organisés au Steinway Hall Suisse Romande à Lausanne (sur invitation), dans le but de promouvoir de jeunes pianistes talentueux. Inauguré en octobre 1999, le Steinway Hall Suisse Romande est géré par le très actif directeur Eric Steiner et fait partie des 10 Steinway Hall du monde. www.steinerhall.ch

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Escapade

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Hambourg Porteouvertesurlemondeetl’avenir...

a ville s'étend sur 755 km2, compte 1,8 million d'habitants et fait partie des 16 “länder” composant l’Allemagne. Hambourg était membre fondateur de la ligue hanséatique, association des villes marchandes de l'Europe du Nord autour de la Mer du Nord et de la mer Baltique. Les villes libres de Hambourg et Brême, deux lands fédérés de la République fédérale d’Allemagne, font encore état de leur ancienne qualité de ville hanséatique, d’où le HH, code inscrit sur

Deuxième plus grande ville d’Allemagne, Hambourg est le premier port du pays, 3e port d’Europe après Rotterdam, Anvers et avant Marseille, ville avec laquelle elle est jumelée depuis 1958. Située au Nord du pays, Hambourg la Nordique, jeune, moderne, surprenante, pétrie de contrastes, a tout pour plaire… FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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bardements de la seconde guerre mondiale firent qu'il ne reste aujourd'hui que de rares bâtiments historiques, quelques maisons d’habitation avec une façade donnant sur le canal et l’autre donnant sur la rue. Le vieux quartier est sillonné de canaux enjambés par de nombreux ponts. Les transports en commun sont assurés par un large réseau de S-Bahn, analogue au RER, pratique pour circuler en ville et dans les environs. Hambourg compte onze universités, un lycée français ainsi que l'International School Hamburg qui permet aux élèves de passer le baccalauréat international, sans oublier la prestigieuse Bucerlus Law School, première Ecole de droit privé en Allemagne. Quinze des vingt magazines allemands à plus fort tirage sont édités à Hambourg. Le Jungfernstieg est le boulevard consacré au shopping et à la flânerie : grands et petits commerces, centres commerciaux, restaurants et “bistrots” accueillants, passage du “Hamburger Hof” avec sa sélection de boutiques fidèles à une longue tradition de luxe et de qualité. L’Hôtel de Ville aux décorations opulentes, compte 647 pièces. En hiver, le marché de Noël est le lieu de rendezvous des habitants de Hambourg qui ont l’habitude de s’y rendre pour manger et boire du vin chaud. La Chilehaus, bâtiment de bureaux de dix étages, est un des premiers exemples d'architecture expressionniste en brique des années 1920. Son avancée en pointe rappelle la proue d'un navire. En 1529, Hambourg passe au protestantisme et les chrétiens sont devenus minoritaires. La silhouette de la ville est marquée par les tours des 5 églises protestantes historiques : Ste. Catherine, St. Pierre, St. Jacob et son orgue remarquable construit par Arp Schnitger en 1693, St. Nicolas et surtout St. Michel. Cette remarquable église baroque, possède quatre orgues, une tour haute de 132 m et une plateforme panoramique. Johannes Brahms, né à Hambourg, y fut baptisé. Georg Philipp Telemann et Carl Philipp Emanuel Bach furent directeurs de musique des cinq principales églises. Le deuxième fils du grand Jean-Sébastien est enterré dans la crypte de St. Michel.

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Ville verte, cosmopolite et pétillante L'intense activité du port et la Philharmonie de l'Elbe, future salle de concert.

les plaques d’immatriculation hambourgeoises, signifiant Hansestadt Hamburg, ville hanséatique et libre.

Beauté altière du Nord Le centre historique de Hambourg est formé de l'Altstadt (ville ancienne) et de la Neustadt (ville nouvelle) et, entre les deux, l'Alster et ses écluses. En 1842, un incendie détruisit une grande partie de la ville et les bom99

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Hambourg est une ville très verte, 14 % de la surface urbaine étant occupés par des espaces verts : jardin botanique et son jardin japonais, le plus grand d’Europe ; parc avec orgue d’eau et jeux aquatiques ; jardins publics où l’on se retrouve pour pique-niquer, assister à des concerts, faire du pédalo et du canot à rames sur le lac ou observer les étoiles dans un des premiers planétariums du monde. En 2013, aura lieu l’IBA Hambourg, > l’Exposition internationale des jardins.


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Escapade La vie culturelle est extrêmement variée : la ville hanséatique possède pas moins de 313 salles de concert, des théâtres comme le vénérable et réputé théâtre Thalia, des cafés-théâtres, l’Opéra national, ainsi qu'une cinquantaine de musées. L’histoire du Hamburgische Staatsoper remonte à plus de 300 ans. De grands noms comme Gustav Mahler et Hans von Bülow se sont succédé à la direction de l’orchestre. Le bâtiment baroque du Beylingstift abrite le musée Johannes Brahms. À la Kunsthalle, les romantiques tableaux d’Arnold Böcklin, de Caspar David Friedrich - Le Voyageur contemplant une mer de nuages, entre autres - de beaux Courbet, dont un arrangement de branches et de fleurs, côtoient les Renoir, Monet, Gauguin, Picasso, Klee, Chagall... Parmi les clubs de musique, le fameux “Star Club” où se produisirent Gene Vincent, Little Richard, Jerry Lee Lewis, Ray Charles, Jimi Hendrix et même les Beatles, entre 1960 et 1962. Après New York et Londres, Hambourg est à la à la troisième place mondiale des plus grandes villes de spectacles et de comédies musicales. En 2011, il s’est vendu 10 000 billets pour le “Le Roi Lion”.

Le port, 70 kilomètres de quais…

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Pas moins de 13 000 bateaux, géants des mers, porte-conteneurs en provenance du monde entier viennent, chaque année, faire escale dans le port de Hambourg, lequel est relié par voies fluviales à une grande partie de l’Europe centrale et du nord. Situé sur l’Elbe, le port qui a fêté ses 800 ans en 1989, s’avère une grande plaque

de toutes sortes : café, thé, cacao, épices, tabac, ordinateurs, tapis d’Orient... Ainsi, telles d’immenses araignées s’élançant vers le ciel, les grues chargent et déchargent les cargaisons, empilent des containers métalliques sur les porte-conteneurs… Plus loin, le Queen Mary 2 est en cale sèche pour une petite révision… Toute cette agitation si proche de la ville…

Escapades incontournables Le marché aux poissons du dimanche - dès 5 h (7 h en hiver) - est la plus ancienne tradition de Hambourg. Son existence remonte à 1703. Dans cette farandole de lumières, visages fouettés par le vent, les passants déambulent à travers les stands où l’on trouve de tout, des grands paniers de fruits exotiques aux casquettes de capitaine. Les marchands de poissons haranguent la foule. À l’intérieur de la majestueuse halle de vente aux enchères de poisson, un orchestre ressuscite Bob Marley, James Brown. Les gens chantent, dansent ou, assis de-

Caspar David Friedrich est le chef de file de la peinture romantique allemande.

© Hamburger Kunsthalle/bpk Photo: Elke Walford

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tournante pour le transit de matières premières et produits manufacturés. Les installations portuaires sont placées sur les rives, îlots et polders parcourus par des canaux. Situé à 120 km de la mer, ce vaste port d’une surface de 87 km2 génère plus de 40 000 emplois. Dans le port franc, s’étend le plus grand ensemble d’entrepôts du monde où sont stockées des marchandises FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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vant de longues tables, se ravigotent, sandwichs au poisson, café brûlant ou bière à la main. I Feel Good… Blankanese, ancien village de pêcheurs au bord de l’Elbe est un lieu d’excursion apprécié. Ce quartier devenu mondain, construit en pente, n’est accessible qu’à pied, ce qui fait tout son charme : escaliers tortueux, ruelles pittoresques et maisonnettes serrées les unes contre les autres donnent l’impression d’être à la campagne. Très prisée en été, la plage de sable de Hambourg se trouve sur une berge non aménagée de l'Elbe. Superbe vue sur le port garantie...

Ville de contrastes, traversée par de multiples canaux : l'orgue baroque de l'église StMichel, le pittoresque marché aux poissons, le Binnen-Alster, plan d'eau entouré d'immeubles de prestige, les marchés de Noël très animés...

Regain de dynamisme pour un nouveau cœur

www.mediaserver.hamburg.de, C. Spahrbier

© Françoyse Krier

La Speicherstadt, le plus grand complexe d'entrepôts du monde, date des années 1883-1910. Certaines façades arborent le style flamand. Les 25 hectares sont entrecoupés par des canaux qui suivent le rythme des marées. En effet, la ville est sujette à des inondations lors de hautes marées et chacun vaque à ses occupations, petit

livre des horaires des marées en poche..“HafenCity”, l’un des plus importants projets d'urbanisme en Europe, est la réhabilitation de 155 hectares d’une ancienne partie du port en quartier nouveau avec université, lofts, bureaux, magasins, centres culturels. Le contraste entre anciens entrepôts et bâtiments contemporains est une réussite. Concept grandiose : la construction audacieuse de la Philharmonie de l'Elbe avec deux salles contenant 2 150 et 550 places. Le toit du bâtiment, qui évoque une immense vague de glace, est posé sur un ancien entrepôt en briques, le tout réalisé par l’agence d’architecture suisse Herzog & de Meuron. Ce futur haut de lieu de la culture abritera aussi écoles de musique et salles de concert de jazz. Prévu également, un hôtel 5 étoiles de 220 lits. Hambourg a su dompter l’espace et d’ici à 2020, présentera un nouveau visage : HafenCity devrait compter 12 000 habitants et générer 40 000 emplois. La tour Marco Polo - où un appartement se vend 3,7 millions d’euros - et le siège d’Unilever constituent les > principaux joyaux de ce nouveau quartier chic.

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Escapade

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Hôtels aux couleurs luxe et design Plusieurs grands établissements se disputent la place du meilleur hôtel de Hambourg. Eugen Block, roi des grill-rooms, a immortalisé son nom en créant le Grand Elysée, 494 chambres, 17 suites, et la plus grande salle de bal de Hambourg. Le Fairmont Hotel Vier Jahreszeiten, acheté lors d’une vente aux enchères par Friedrich Haerlin, le jour de ses 40 ans, a sa place dans la liste des meilleurs hôtels du monde. L’hôtel Steinenberger plaît pour sa situation à proximité du plus grand centre commercial d'Europe. Situé dans un quartier sympathique et très animé, proche de la gare principale, l’Hôtel Wedina est pour le moins original, car il se compose de 4 maisons de part et d’autre de la même rue. La maison Rouge en est le point d’accueil : bibliothèque, agréable petit jardin où l’on peut lire au calme, chambres style années 80. Yoko Tawada, Joseph Conrad, Max Frisch… Chez quel auteur passerez-vous la nuit, dans la maison Bleue ? Vous trouvez l’inspiration dans chacune des 14 chambres aux lignes contemporaines avec grandes baies, mezzanine et petite terrasse. On reconnaît la maison Verte aux boxes qui semblent jaillir de la façade. Les chambres au design minimaliste comportent des niveaux différents. La maison Jaune est remplie d’éléments de style méditerranéen reflétant toute l’énergie du soleil. Tout le monde se retrouve le matin dans la maison Rouge, pour y prendre un copieux petit-déjeu-

© Gunter Glücklich

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© Wedina

L'Hôtel Wedina : original et bien situé !

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ner bio. L’hôtel met des vélos à disposition de ses hôtes. Hambourg, cité généreuse, ville dynamique aux mille reflets entre ciel et mer, entre un passé prestigieux et une porte ouverte sur un avenir rayonnant... FRANÇOYSE KRIER www.germany.travel - http://www.hotelwedina.de 102


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Les escapades culturelles de Kathereen Abhervé

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© Crédit Office de Tourisme de Lucerne

Lucerne Uneperled'eaudansunécrindemontagnes

Bénéficiant d'une situation privilégiée au cœur de la Suisse, Lucerne, qui fut la première ville de la Confédération, s'est paisiblement développée durant huit siècles au creux de ses collines, entre rivière et lac. Mais cette charmante cité de Suisse centrale aurait pu rester ignorée du monde, sans son emblématique pont de bois couvert orné de géraniums et sa tour de pierre octogonale symbolisant la divine et lointaine Helvétie. Image mythique ou réalité ? F M °36 RANCE

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Calme et tranquillité Si vous arrivez par le train, vous serez surpris par l'étrange calme et l'absence de stress qui règnent dans l'élégante gare de Lucerne conçue par l'architecte espagnol Santiago Calatrava dans les années 90. La salle des pas perdus aux parois de verre s'ouvre sur une vaste place (Bahnhofplatz) qui mène vers le lac. Ici beaucoup de monde mais pas de courses effrénées, de valises dans les jambes, de pieds écrasés. Vous serez encore plus étonné devant la rigueur des automobilistes qui sa-


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Vue aérienne sur Lucerne, le lac des Quatre-Cantons et le Rigi.

se mirent depuis si longtemps et les fiers sommets alentours qui se métamorphosent au fil des saisons, ne sont certainement pas étrangers à la sérénité de ses habitants.

vent ce que feu rouge veut dire, et la discipline des piétons. Sur les quais longeant le lac et les ponts enjambant la rivière Reuss, dans les rues piétonnes, les magasins et sur les marchés, l'atmosphère est tout aussi détendue. Pourtant Lucerne, avec ses 60 000 habitants intra-muros qu'il faut multiplier par trois pour toute son agglomération, est la huitième ville de Suisse. La raison de cette tranquillité vient sans doute de la beauté exceptionnelle de son site dont les collines environnantes lui sont un écrin protecteur. Les eaux scintillantes du Lac des Quatre-Cantons dans lequel elles

Un environnement exceptionnel Au XIXe siècle de nombreux voyageurs, dont quelques célébrités, attirés par les paysages romantiques alors à la mode, s'enthousiasmèrent pour la beauté et le charme de ceux de Lucerne. Ici le panorama semble avoir été ins105

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piré par le plus délicat des pinceaux. À votre tour, laissez-vous séduire par ce vaste miroir émeraude enchâssé dans les montagnes. Bien que familiers des Lucernois depuis le Moyen Âge, le Rigi, le Bürgenstock et le Pilate (Pilatus) leur ont inspiré de nombreux contes et légendes peuplés de monstres et de dragons, et sont devenus au fil des siècles le but de nombreuses excursions. Depuis Lucerne, vous atteindrez très facilement en bus ou en bateau le pied du Pilate, du nom de l'âme en peine de Ponce Pilate bannie dans un lac voisin. Prenez ensuite depuis Alpnachstad, l'ancien train à crémaillère, le plus raide du monde (48%) ou le téléphérique depuis Kriens qui vous amènera à son sommet culminant à 2132 mètres et duquel vous aurez une vue imprenable sur la ville, le lac et les Alpes. Si vous souhaitez gravir le Rigi (la reine des montagnes) à pied, en train à crémaillère ou en téléphérique, prenez tout d'abord un bateau pour Weggis ou Vitznau. Recherchée depuis le XVIe siècle pour ses eaux curatives, cette montagne offre de nombreuses auberges, voire plusieurs palaces qui vous permettront de passer la plus belle des nuits. Vous ne regretterez pas non plus l'ascension du Bürgenstock que vous atteindrez après une trentaine de minutes de bateau et une montée en téléphérique depuis KehrsitenBürgenstock. Un ascenseur vous propulsera en cinquante secondes à son sommet.

La fondation de la ville de Lucerne À l'origine de Lucerne, il y avait au lieu-dit « Im Hof » situé au nord de la ville actuelle (Hofbezirk), un monas-

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Les bateaux à vapeur sur le lac des QuatreCantons.

tère bénédictin qui, au milieu du IXe siècle, dépendait d'une puissante abbaye alsacienne. Puis la construction d'un pont sur la Reuss (Reussbrücke) et d'une église (St Peterskapelle) plus au sud, déplaça l'activité de la cité sur les bords de la rivière. Un pont couvert (Hofbrücke) de près de 400 mètres de long fut alors construit pour relier les deux parties de la cité. Puis, avec l'ouverture du col du Gothard en 1220 lui facilitant l'accès vers l'Italie, Lucerne prend un véritable essor et devient un important marché entre les vallées alpines et le Plateau. Elle s'entoure de remparts flanqués de tours qui, avec le Pont de la Chapelle (Kapellbrücke) et la Tour de l'eau (Wasserturm) constituent une protection efficace. Mais en 1291, Lucerne passe aux mains des puissants Habsbourg, alors ses habitants refusant l'emprise autrichienne, signent le 7 novembre 1332 un pacte éternel avec ceux de trois autres cantons (Waldstätten) bordant le lac. Cette alliance reconnaissant l'égalité des droits entre les villes et les ligues paysannes de Lucerne, Uri, Schwytz et Unterwald constitue la base de la Confédération helvétique à laquelle quelques décennies plus tard se joignirent d'autres cités.

Trop conservatrice pour devenir la capitale Première ville de la Confédération, Lucerne devenue ville-République au XVe siècle se développe et s'entoure d'une nouvelle enceinte (Museggmauer) considérée comme la plus longue (800 mètres) et la mieux conservée de Suisse. Ses tours (Schirmerturm, Zytturm et Männliturm) toujours debout dessinent la silhouette ac-


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et, malgré sa situation géographique exceptionnelle au centre de la Suisse, n'en deviendra hélas jamais la capitale. C'est Berne qui sera choisie. Alors, abandonnant toutes prérogatives politiques et profitant de son environnement privilégié, Lucerne se tourne vers le tourisme qui se développe considérablement dès le début du XIXe siècle.

Lucerne fut sauvée par le tourisme Mais à cette époque Lucerne qui n'est encore qu'une petite cité médiévale enfermée dans ses murailles, décide de sortir de sa chrysalide pour pouvoir accueillir cette nouvelle manne économique. De gros travaux de remblayage sont alors entrepris. Une partie des remparts, une vingtaine de portes et de tours tombent. L'ancien pont couvert Hofbrücke passe lui aussi à la trappe. Cette folie urbanistique qui au début du XIXe siècle s'empare de toute l'Europe, ne s'embarrasse pas de scrupules et détruit à tout-va des trésors architecturaux inestimables. Toutefois, l'enceinte du Musegg, le Pont de la Chapelle et la Tour de l'eau, dont on reconnaît la valeur touristique, sont quant à eux épargnés. La rive droite est remblayée afin de permettre l'aménagement de promenades panoramiques et la construction de beaux hôtels de luxe comme le Schweizerhof, qui depuis plus d'un siècle offrent aux riches voyageurs une vue exceptionnelle sur la rade. D'autres sont édifiés sur la colline.

Un bond en avant Dès le milieu du XIXe siècle, le chemin de fer dessert Lucerne, ce qui augmente considérablement le nombre de voyageurs et nécessite la construction d'une nouvelle

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tuelle de la ville. À la belle saison, vous pouvez les gravir afin de profiter d'un point de vue magnifique sur la cité et ses alentours. Vous remarquerez peut-être au passage que l'horloge de la « Zytturm », la plus vieille de la ville, sonne une minute avant toutes les autres. Mais par respect du passé, les Lucernois ne la remettront jamais à l'heure. Les siècles passent et Lucerne reste une petite ville de quelques milliers d'habitants dirigés d'une main de fer par une poignée de grandes familles conservatrices. Aussi en 1848, refusant l'idée d'une Confédération plus élargie, Lucerne reste en dehors du nouvel État fédéral

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1. Pont de la chapelle et la Tour de l’Eau. 2. Le Barrage à aiguilles. 3. Vue sur le quartier du Hofbezirk depuis l'embarcadère. 4. Les ponts sur la Reuss ennéigés.

gare qui sera monumentale. Édifiée en 1896, elle devient la fierté des Lucernois, qui à leur grand désespoir la voient partir en fumée en 1971. Seul, son portail principal sera épargné et trône aujourd'hui comme un arc de triomphe au milieu de la Bahnhofplatz. Lucerne devient alors une destination à la mode et reçoit la visite de l'empereur Guillaume II puis de la Reine Victoria. Richard Wagner y séjourne plusieurs fois avec sa famille. Les montagnes des alentours sont alors équipées de trains à crémaillère et le lac des Quatre-Cantons est traversé en tous sens par des bateaux à vapeur pour d'inoubliables excursions. Celle qui conduit aux « prai-

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ries du Rütli » devient l'une des courses les plus recherchées, par ailleurs toujours très appréciée. Mais ce boom touristique qui culmine au début du XXe siècle avec 180 0000 visiteurs par an, est stoppé net par la Première Guerre mondiale. Les « Semaines musicales internationales » créées en 1938, auraient sans doute redonné une vigueur nouvelle au tourisme sans le second confit mondial. Lucerne a dû patienter jusqu'aux années 70 pour voir repartir l'engouement des étrangers venant du monde entier et même de la Suisse, attirés par son site unique et fidélisés par un accueil de qualité et la bonhomie de ses habitants.

La ville des ponts Vous êtes peut-être de ceux qui ne connaissent de Lucerne que son célèbre Pont de la Chapelle flanqué de sa tour octogonale construits vers 1300, les emblèmes de la ville. C'est pourquoi l'incendie qui détruisit une par-

tie du pont en août 1993, fut pour Lucerne une véritable catastrophe nationale. Huit mois plus tard, le vieux pont de bois, tel Phénix, renaissait de ses cendres, mais seule une quarantaine de panneaux triangulaires de bois peint qui le décoraient a pu être sauvée. Au Moyen Âge, trois des quatre ponts de bois de Lucerne offraient une telle décoration que l'on peut encore admirer sur le Pont de l'Ivraie (Spreuerbrüke). Le soir est le meilleur moment pour apprécier la série de scènes de la Danse macabre réalisée au XVIIe siècle. Près de ce pont, vous remarquerez un système ancien qui jadis produisait l'énergie hydraulique permettant d'actionner des moulins. En remontant le cours de la Reuss vers l'Église des Jésuites, ne manquez pas de vous arrêter devant le Barrage à aiguilles (Nadelwehr) servant encore de nos jours à réguler “manuellement” le débit du lac des Quatre-Cantons, à l'aide de longues planchettes verticales. A quelques pas de cet étonnant barrage de bois, vous emprunterez un pont métallique, le Reussbrüke, qui vers 1850 avait rem-

5. La montée au Pilate par le train à crémaillère le plus raide du monde. 6. Bateau à vapeur sur le lac des Quatre-Cantons. 7. Un groupe de Treichler.

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placé le très ancien pont non couvert servant au passage de véhicules transportant des marchandises.

Un patrimoine architectural exceptionnel

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8. Vue sur la Vieille Ville. 9. Pont de l'Ivraie (Spreuerbrüke. 10. Le Carnaval de Lucerne et ses masques. 11. Monument au Lion.

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Les Lucernois ont fini par prendre conscience de la valeur inestimable du patrimoine architectural de leur ville et sauvèrent in extremis d'anciens bâtiments voués à la destruction. À l'occasion de son huitième centenaire, Lucerne a entrepris d'importantes restaurations d'édifices civils et religieux que vous découvrirez au fil de votre promenade. Dans le quartier du Hofbezirk, les deux clochers gothiques de la collégiale St-Léger (Hofkirche) bâtie sur une petite colline derrière les beaux hôtels et les magasins de souvenirs de la rive droite, semblent rappeler aux visiteurs que ce quartier fut le berceau de la ville. Puis vous vous perdrez avec délice dans le lacis des ruelles de la vieille ville (Grossstadt) et longerez le bord de la Reuss que vous traverserez en empruntant l'un des quatre ponts pour rejoindre la Keinstadt (petite ville) située sur la rive gauche.

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12. Blasons des QuatreCantons : Uri, Schwytz, Obwald et Lucerne. 13. Quartier du Hofbezirk et la collégiale StLéger. 14. La Reuss et le Pont Reussbrüke.

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La Keinstadt

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La magnifique façade baroque de l'Église des Jésuites (Jesuitenkirche) avec ses deux clochers à bulbe de cuivre attire tous les regards. Construite au XVIe siècle sur les bords de la rivière, elle est considérée comme un joyau de l'art religieux baroque. Les stucs de style rococo, les fresques et la lumière qui inonde la nef vous transporteront au paradis. A quelques pas de là, ne manquez pas le Palais Ritter (Rittersche Palast) dans le style de la Renaissance florentine, aujourd'hui siège du gouvernement cantonal, ni la discrète Église des Franciscains (Franziskanerkirche) remarquable par sa simplicité gothique.

La Vieille Ville Un saut sur l'autre rive vous permettra de cheminer dans les ruelles bordées de maisons patriciennes richement décorées et bâties en pierre au XVIe siècle. La plupart de ces familles ont fait fortune en fournissant des mercenaires qui s'illustrèrent dans les armées étrangères royales et papales. (À ce propos, le célèbre Monument au Lion sculpté dans la falaise de gré dans le quartier du Hofbezirk, commémore la mort des gardes suisses 109

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> tombés à Paris en 1792, en voulant protéger le roi Louis

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XVI et défendre la monarchie française.) Notez bien que la plupart des façades que vous admirerez, ne sont hélas pas toutes authentiques et résultent de transformations de style néo-gothique très en vogue vers 1900 pour donner un « cachet moyenâgeux » à Lucerne. Mais ce quartier, bien qu'étant un sympathique mélange d'ancien et de nouveau, vous séduira par ses charmantes petites places entourées de demeures bourgeoises ou de corporations, et embellies de fontaines. Outre la Weinmarktbrunnen, copie d'une fontaine gothique, vous serez sans doute séduit par celle polychrome de style néo-Renaissance qui se dresse sur la Kapellplatz.

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Une ville de tradition © K.Abhervé

Il s'agit de la fontaine Fritschibrunnen érigée en 1918 à la gloire de Bruder Fritschi, une figure légendaire du Carnaval de Lucerne. Cette fête, capitale pour les Lucernois, qui marque la fin de l'hiver, se déroule durant plusieurs jours et s'achève dans la nuit de Mardi gras. Dans une invraisemblable cacophonie, toute la population masquée, costumée et armée de tambours et de trompettes

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15. Soleil couchant sur le lac 16. Église des Jésuites. 17. Panorama depuis le restaurant panoramique à 360° du Mt Pilate.

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Ville d art et de culture

Si les Lucernois aiment célébrer leurs coutumes anciennes et faire la fête, ils n'oublient pas que leur bonne ville possède des trésors de l'art contemporain comme la remarquable série de dessins de Picasso ayant appartenu à Siegfried Rosengart (Musée Picasso) dont une partie 23 de sa collection est présentée à la Collection Rosengart. Les Lucernois sont fiers de posséder un Musée des beaux-arts aménagé au Centre de la culture et des congrès (KKL), considéré comme l'un des plus beaux d'Europe, et possédant une remarquable collection de peintures et de sculptures de la Renaissance à l'art contemporain et quelques beaux exemples de peinture suisse. Cette plongée dans l'art helvétique se poursuit à l'Alpineum. Près d'une quinzaine de musées offrent aux visiteurs une palette très étendue allant de la célèbre peinture circulaire du Panorama Bourbaki aux étonnantes marmites glaciaires du Jardin des Glaciers. Ne manquez pas le célèbre Musée des Transports et de la Communication, le plus complet du genre en Europe, dont une partie est dédiée à l'artiste suisse Hans Erni. Vous finirez en beauté et en émotion par le Musée Richard Wagner aménagé dans le manoir de la famille patricienne Am Rhyn à Tribschen, où le compositeur exilé, demeura durant six ans avec sa famille. Le charme du lieu lui inspira de nombreuses pages sublimes.

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18, 19, 20, 21. Maisons de la Vieille Ville aux façades peintes. 22. Enseigne de la Maison corporative des Boulangers. 23. La Fontaine Fritschibrunnen.

descend dans la rue pour aider Frère Fristschi et ses acolytes à chasser les mauvais esprits de l'hiver. Cette fête bon enfant, anarchique, échevelée et joyeuse considérée comme la plus grande fête de Suisse centrale, attire chaque année des milliers de spectateurs. La tradition veut que frère Fritschi porte les couleurs de la corporation du Safran qui durant le carnaval désaltère gratis comme jadis. À Lucerne, les corporations, également appelées guildes, qui datent pour la plupart du Moyen Âge, sont encore bien actives et ont la charge d'entretenir certains bâtiments anciens dont les tours de guet de la ville. Par ailleurs certaines de leurs maisons sont décorées de fresques néo-gothiques illustrant leur métier.

Mais Lucerne la catholique est aussi très attachée à ses traditions religieuses, et chaque fête est prétexte à des chants, des processions, des cortèges et des envolées de cloches. Il faut avoir vu pendant la fête de l'Avent, le grand Saint Nicolas arpenter les rues avec ses compères, notamment le Schmutzli noir qui fesse les passants de ses verges, les « claqueurs » de fouet (Geisslechlöpfer), les Niffeleträger avec leurs grosses lanternes sur la tête et les Treichler qui défilent solennellement en secouant leurs pesantes cloches dans un rythme entêtant, pour comprendre ce qu'à Lucerne, tradition veut dire.

Renseignements

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Luzern Tourismus AG : +41 (0)41 227 17 17 www.luzern.com

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LeFestivaldeLucerne, unfestivaltricéphale Claudio Abbado dirigeant l'un de ses orchestres.

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La salle blanche du KK Lucerne.

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Le Festival de Lucerne aujourd hui Le Festival d'été (Lucerne Festival im Sommer) qui se déroule chaque année du début août à la mi septembre, rassemble les meilleures phalanges internationales et les solistes les plus réputés pour une centaine de concerts de musique concertante et symphonique, de récitals et de musique de chambre. Depuis 2004 la musique contemporaine a pris ses marques à Lucerne grâce aux jeunes musiciens talentueux de la Lucerne Festival Academy créée par Pierre Boulez.

Histoire du festival Durant l'été 1938, l'Allemagne et l'Autriche sont aux mains des nazis. Le grand chef d'orchestre italien Arturo Toscanini refusant de participer aux festivals de Bayreuth et de Salzbourg, se tourne vers la Suisse, seul pays neutre en Europe et plus particulièrement vers Lucerne. L'année précédente Ernest Ansermet et son Orchestre de la Suisse Romande y avaient établi leur quartier d'été pour y donner des concerts. C'est donc à Tribschen, dans le magnifique parc de la demeure où séjourna Wagner, que le chef italien est invité à diriger le 25 août 1938, un concert de gala devant 1200 personnes. Pour l'occasion, Toscanini avait formé un orchestre d'excellence réunissant musiciens virtuoses et solistes renommés. D'autres grands chefs comme Fritz Busch, Bruno Walter et Willem Mengelberg prêtèrent leur baguette à cette manifestation qui offrait une dizaine de concerts. Ainsi naquirent les Semaines Internationales de Musique de Lucerne, ancêtres de l'actuel « Lucerne Festival ». De-

puis 75 ans le festival n'a cessé de se développer et, sous une forme tricéphale, accueille aujourd'hui quelque 120 000 festivaliers.

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Le Centre de la culture et des congrès (KKL Luzern)

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fin d'accueillir dans les meilleures conditions les milliers de festivaliers et d'offrir aux musiciens une salle à la hauteur de leur talent, Lucerne s'est doté en 1998, de la plus belle salle de concert qui soit, dite la salle blanche. Son acoustique due à Russel Johnson est tout simplement exceptionnelle. Commandé à l'architecte français Jean Nouvel, le KKL (Centre de la culture et des congrès) a été bâti face au lac, sur la vaste place de l'Europe (Europlatz). Étrange cube de verre couvert d'un toit métallique démesuré pratiquement horizontal, ce bâtiment semblant venu de l'espace, reste tapi le jour comme une masse noire somnolant au bord de l'eau mais brille comme un diamant les soirs de concert. Outre sa magnifique salle de concert de 1800 places dévolue aux concerts de l'Orchestre symphonique de Lucerne et à ceux du Festival de Lucerne, ce chef-d'œuvre architectural abrite le Musée des beaux-arts (Kunstmuseum) et un espace multifonctionnel, la « Luzerner Saal », permettant d'accueillir concerts en tout genre et expositions, et enfin une petite salle dévolue aux congrès. Le tout pour une bagatelle de 226,5 millions de francs suisses.

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L'été prochain, du 8 août au 15 septembre 2012, les musiciens invités du Festival, tenteront de répondre à la question « La musique, une question de foi ? » Durant plus de cinq semaines vont se croiser les Orchestres Philharmoniques de Berlin et de Vienne, l'Orchestre royal du Concertgebow, l'Orchestre de Cleveland et le Lucerne Festival Orchestra qui clôturera le festival sous la baguette de Claudio Abbado. Depuis la création de cette phalange en août 2003, composée de musiciens issus de Mahler Chamber Orchestra et d'orchestres réputés comme la Philharmonie de Berlin et de grands solistes internationaux, le chef italien a entrepris avec succès un cycle Mahler échelonné sur plusieurs années qui doit s'achever cet été avec la 8ème Symphonie. Dès 1988, le festival, à l'exemple de celui de Salzbourg, s'est enrichi d'une seconde manifestation, le Festival de Pâques (Lucerne Festival zu Ostern), programmée autour de la Semaine Sainte. Depuis 1998, soit soixante ans après le coup d'envoi des premières Semaines internationales de Musique, un troisième évènement consacré au piano (Lucerne Festival am Piano) s'installe chaque automne à Lucerne, fin novem-

Le Festival de Pâques Le prochain festival Pascal qui se déroulera du 24 mars au 1er avril 2012, s'annonce déjà comme un événement incontournable avec onze concerts où alterneront musiques sacrée et symphonique. Qui pourrait mieux que Claudio Abbado ouvrir le « Lucerne Festival zu Ostern » ? À la tête de son Orchestra Mozart de Bologne, une phalange qu'il a créée en 2004 avec de jeunes talents jouant sur instruments anciens, il proposera un programme Schumann et Mozart (24.03). On retrouvera le compositeur autrichien sous la baguette de Robert King qui dirigera son King's Consort lors d'un concert assez rare qui rassemblera les Requiem de Mozart et de Michael Haydn (27.03). Restant dans le registre de la musique sacrée, Nilolaus Harnoncourt au pupitre du Concertus Musicus Wien et de l'Arnold Schoenberg Chor, dirigera trois pièces de G.-F. Händel et le flamboyant Magnificat de J.-S. Bach (25.03). L'hommage au maître de Leipzig se poursuivra avec la monumentale Messe en Si interprétée par la Cappela Andrea Barca et le Balthasar-Neumann-Chor placés sous la baguette d'András Schiff (29.03). Puis l'Orchestre symphonique de la Radio bavaroise sous la direction de Mariss Jansons présentera un programme consacré à Beethoven, Brahms et Bartók (30.03). Même formation et même chef pour la 1ère Symphonie de Beethoven et la Messe glagolitique de Leoš Janáček (31.03). Puis, à la tête de cet orchestre, Bernard Haitink, qui revient donner des « Master Class », clôturera le festival avec la 4ème de Bruckner et un concerto pour piano de Mozart donné par la pianiste portugaise Maria-João Pires (01.04). Entre temps, le cadre contemplatif de l'Église des Franciscains aura accueilli le Hilliard Ensemble dans des polyphonies de Tomas Luis de Victoria et de Palestrina (26.03), puis le Concerto Melante et la soprano française Sandrine Piau dans de la musique baroque allemande (28.03). Enfin un concert exceptionnel sera donné par les musiciens du « Human Rights Orchestra » sous la direction d'Allessio Allegrini, corniste du Lucerne Festival Orchestra, afin de sensibiliser un large public aux questions des Droits de l'homme et soutenir des projets concrets (25.03).

k.abherve@geneveopera.ch

Le KKK illuminé.

bre. Le temps d'une petite semaine, les meilleures interprètes du clavier transforment les bords du lac des Quatre-Cantons en une véritable Mecque du piano.

KATHEREEN ABHERVÉ

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Renseignements

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Lucerne Festival : +41 (0)41 226 44 80 ticketbox@lucernefestival.ch www.lucernefestival.ch Au guichet du KKL Lucerne dès le 24 mars 2012


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Littérature

L’Élyséefantôme François D’Orcival ROBERT LAFFONT

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Au printemps 2012, la France va vivre une nouvelle élection présidentielle au suffrage universel. La neuvième de son histoire. À cette occasion, les journalistes du monde entier ne manqueront pas de parler de « la conquête de l'Elysée ». Ce palais de la République, qui incarne aux yeux de la Nation, le siège du pouvoir exécutif suprême depuis 1848, date à laquelle la IIe République décida d'en faire le lieu de résidence du président de la République.

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e nombreux livres avaient déjà retracé l'histoire de ce palais situé en pleine cour du VIIIe arrondissement de Paris, initialement résidence de la marquise de Pompadour avant d'être racheté sous l'Empire par le prince Murat, beau-frère de Napoléon, puis de servir d'annexe aux Tuileries dont la monarchie restaurée avait fait le lieu de son pouvoir. Mais il est une période qui avait échappé ou peu intéressé les historiens jusqu'au livre de François d'Orcival publié chez Robert Laffont : celle de ce septennat improbable qui s'étend de 1940, où la France vit l'une des défaites les plus terribles de son Histoire face à l'Allemagne hitlérienne, à 1947 lorsque Vincent Auriol devient président de la toute nouvelle IVe République. Pourtant, l'histoire de cet « Élysée fantôme » pendant les années noires que traversa la France de cette époque, méritait, de toute évidence, d'être racontée sous la plume alerte et érudite de François d'Orcival. Ces années de plomb, si propices aux calculs poli-

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tiques de toutes les forces en présence, révèlent au plus haut point l'importance que revêt la charge symbolique que peuvent avoir ces lieux de pouvoir qui, comme l'Élysée, s'inscrivent dans l'inconscient collectif des nations. De toute évidence, dès la débâcle de juin 1940, l'Élysée déserté par le président Lebrun et par tout l'appareil d'État qui lui est relié devient un lieu dont la future affectation va se révéler l'enjeu de luttes féroces. Les Allemands qui s'emparent de la capitale à cette époque commencent par investir les ministères, les bâtiments publics et les grands hôtels comme le Crillon à la Concorde ou le Meurice, Rue de Rivoli, en y installant leurs dispositifs militaires et administratifs. Mais l'Élysée, quant à lui, reste un lieu que l'on se garde bien d'occuper précipitamment dans l'attente des développements à venir entre les autorités françaises, ou ce qui en tient lieu, et l'envahisseur face auquel on a laissé Paris sans défense et qui prend possession de cette “ville ouverte”. Sur cette période du Paris occupé, les chapitres qui défilent montrent au lecteur que ce lieu de pouvoir a été constamment présent à l'esprit, tant du gouvernement français installé à Vichy, que dans les combinaisons du pouvoir allemand vainqueur ou dans les préoccupations de la France Libre en exil, comme dans les calculs du parti communiste français qui, avant de s'illustrer dans la Résistance, fut pour son malheur, comptable du pacte germano-soviétique de l'été 1939. Un chapitre édifiant de cette période est en effet celui qui décrit la crainte d'un soulèvement communiste à Paris permettant un coup d'État au bénéfice du parti de Maurice Thorez. François d'Orcival décrit bien la rumeur qui, relayée par des canaux servant chacun des arrière-pensées politiques, fit croire au gouvernement en fuite à la fable d'un Maurice Thorez s'installant dans un palais de l'Élysée déserté par la Troisième République et proclamant sous la protection bienveillante de l'envahisseur allemand une république des soviets à la française. Le calme pourtant régnait à Paris et Maurice Thorez, qui était au même moment mobilisé sous les drapeaux, se trouvait loin de la capitale et dans l'incapacité de réaliser l'avènement d'un pouvoir communiste révolutionnaire en France. Les forces agissantes durant ce triste épisode - à savoir la hâte du général Weygand de conclure un armistice et la tentation de l'Amiral Darlan de prendre le pouvoir - se sont heureusement heurtées au sang-froid du ministre de l'Intérieur George Mandel, bien renseigné par la préfecture de police, évitant à cette tentative de déstabilisation de finir en sinistre farce. Cependant, les mois et les années qui allaient suivre ne permirent que rarement d'éviter les manipulations odieuses. L'histoire de la cérémonie du retour des cendres de l'Aiglon, dont Hitler prit la décision lors de son unique visite dans la capitale au matin du 23 juin 1940, et qui eut lieu six mois plus tard, c'est-à-dire cent ans, jour pour jour, après le retour des cendres de l'Empereur aux Invalides le 15 décembre 1840 sous la monar-

chie de Juillet du Roi Louis-Philippe, en est un exemple frappant. Les pages laissées par Sacha Guitry, qui faisait partie des invités de marque à cette célébration nocturne illuminée aux flambeaux dans un froid glacial, en dépeignent l'atmosphère sinistre et dérangeante. Tout au long de ces terribles années, l'Élysée allait rester un lieu déserté, toujours en attente d'un improbable locataire : le Maréchal Pétain pensera longtemps y résider afin d'y asseoir son autorité. Cette idée s'était imposée à lui très rapidement après l'installation de son pouvoir à Vichy. L'Élysée lui permettrait d'incarner cette ligne de collaboration avec l'Allemagne depuis les lieux qui conviennent aux autorités françaises. Mais cela ne pourrait se faire que lorsque celles-ci seraient libérées d'une tutelle occupante trop voyante. Plus tard, et dans un tout autre contexte, lorsque les premières défaites des puissances de l'Axe et l'engagement américain aux côtés des Alliés feront penser à un probable retournement de situation, Pétain rêvera d'accueillir les Américains et les forces de libération à Paris, dans un palais de l'Elysée où il se serait installé, incarnant la continuité du pouvoir depuis la défaite de 1940. Finalement, tout cela ne sera que chimère, et l'Élysée devra patienter encore, puisque même à la Libération, le nouveau pouvoir du général de Gaulle préférera installer sa légitimité au ministère de la Guerre, en attendant qu'une autre base institutionnelle, issue de pouvoirs constituants, appuie son installation future au palais de l'Élysée. Ce nouveau cadre auquel de Gaulle songe pour asseoir son nouveau pouvoir, les partis politiques vont le lui confisquer puisqu'au lieu de ce pouvoir fort qu'il défend, c'est d'un régime plus parlementaire que présidentiel dont la France se dote. Face à cette IVe République qui se dessine et qu'il réprouve, le Général tire immédiatement les conséquences qui s'imposent et se retire. L'Élysée attendra encore un peu et c'est seulement en 1947, avec l'installation de Vincent Auriol, ce socialiste qui devait tout à Léon Blum, que l'Élysée redeviendra ce lieu central du pouvoir exécutif français. Ce lieu de pouvoir que la Ve République consacrera grâce à une constitution où le rôle central du président de la République est affirmé selon les vœux du général de Gaulle. En mai 2012, l'Élysée aura un nouveau locataire pour une période de cinq ans - à moins que ce ne soit l'actuel président de la République qui ne se succède à lui-même(1). Dans ces lieux prestigieux et chargés d'Histoire, gageons que les années noires de cet Élysée fantôme ne laisseront plus aucune trace de ce désenchantement qu'avait noté Vincent Auriol lorsqu'il décrivait le palais du 55 rue du Faubourg St-Honoré qui accueillera bientôt le nouDOMINIQUE ORTIZ vel élu que la France se sera donnée. dominique.ortiz@bcv.ch

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(1) À l'heure où l'auteur écrit ces lignes, Nicolas Sarkozy n'a pas encore dit officiellement s'il serait candidat à sa propre succession. 115

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Peinture

PierreBonnard

a jolie trouvaille du commissaire de l’exposition de la Fondation Beyeler, Ulf Küster, est d’avoir organisé l’accrochage de façon non chronologique, mais en fonction des thèmes chers à Bonnard ; ainsi, le bâtiment de Renzo Piano devient sa “Maison Imaginaire” et l’on accompagne l’artiste successivement dans les rues de Paris, on déambule dans son jardin méditerranéen, on parcourt la salle de bain, la salle à manger d’appartements bourgeois… Plus de 60 toiles (1867– 1947) en tout. Les toiles proviennent de musées internationaux et de collections privées (aucune toile du musée Bonnard au

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Bonnard et Marthe. Photo de George Besson, en 1920.

Pierre Bonnard en 1944. Photo prise par Henri Cartier-Bresson.

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Unprophètedela modernitéàl’honneur àlaFondationBeyeler

Cannet ou l’artiste n’a terminé sa vie avec son épouse Marthe). Le public peut ainsi s’attarder devant les toiles représentant de célèbres scènes de baigneuses, d’autres de la vie quotidienne, ainsi que l’animation des rues de Paris et des autoportraits saisissants et même des objets japonisants tels un élégant paravent fortement inspiré du pays du Soleil Levant.

Pierre Bonnard, homme de droit et intellectuel

29 janvier 2012 : pendant une journée unique à la Fondation Beyeler, les visiteurs amateurs d’art ont pu admirer simultanément l’exposition consacrée au Surréalisme à Paris et celle dédiée au peintre Pierre Bonnard ; une belle façon de s’immiscer au cœur du monde d’artistes qui ont marqué notre imaginaire et soulevé notre enthousiasme en faisant fi des règles académiques du monde contraint de la critique d’art au passage des 19e et 20e siècles. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

Le peintre, graveur, illustrateur et affichiste français, a bien étudié à l’École des Beaux-Arts et à l’Académie Julian de Paris, peut-être pour mieux s’en distancer au moment de son intégration dans le groupe des Nabis ; mais avant ce plongeon dans le monde des arts, Bonnard a montré très tôt un intérêt vif pour les lettres, le latin, le grec et la philosophie. C’est ensuite selon les désirs de son père qu’il embrasse la carrière d’avocat en 1889 et c’est en se rendant chaque jour au Parquet que le démon du dessin le saisit, il croque alors les hommes de loi parmi lesquels il évolue. Pour finalement abandonner sans regret en 1891 sa carrière juridique car il fait 116


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quels ils échangent et définissent une nouvelle peinture en réaction contre l'impressionnisme, le naturalisme, libérant la peinture des entraves du réalisme, les nabis veulent donner une âme à leur peinture. Vœu pieux dont l’application n’est que de courte puisque les nabis se dispersent vers 1900.

alors la connaissance de Toulouse-Lautrec, avec qui il se lie d'amitié ; connivence largement perceptible au vu des affiches de la Revue Blanche dont il est l’auteur. Il se retrouve d’ailleurs en concurrence pour un projet pour le Moulin Rouge, Lautrec l'emporte. Bien qu’il ait développé une réelle admiration pour Van Gogh, Degas, Monet, Cézanne, lorsqu’il fonde en 1889 avec Maurice Denis, Paul Sérusier et Édouard Vuillard le groupe d’artistes “Les Nabis”, son inspiration véritable trouve sa source dans l’art de Paul Gauguin. Le festival de couleurs pures et vives, des compositions chromatiques peu orthodoxes utilisées par Bonnard, notamment dans les toiles représentant des paysages témoigne de l’influence du maître sur l’élève. Pierre Bonnard trouvait la plupart des motifs de sa pein-

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Une technique pour toutes les formes d’expression artistique

Les nabis se caractérisent par l'utilisation de grands aplats de couleurs “sorties du tube”, sans mélange, par le cerne, la perspective absente ou fausse, élément très frappant chez Bonnard. En tant qu'artistes, ils entendent également redonner ses lettres de noblesse à l'artisanat. Ne se limitant pas

Ne pas oublier qu’avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. ture dans la vie quotidienne parisienne, dans l’environnement pastoral de son jardin du Cannet mais aussi dans les gravures sur bois japonaises. C’est la rencontre avec Marthe en 1893 qui deviendra son modèle puis son épouse, évinçant la maîtresse et muse en titre, Renée Monchaty, infortunée suicidée, qui lui inspire, entre autre, la série sensuelle de la femme à sa toilette, bien qu’on puisse douter de la sensualité de la baignoire, sorte de cuvette qui ferait plutôt penser à un linceul ou un haricot géant trouvé dans un bloc opératoire. Heureusement, les nombreux voyages de Bonnard dès1907 - Hollande, Belgique, Grande-Bretagne, Italie, Espagne et Afrique du Nord lui font abandonner la salle de bains ou la table de la cuisine souvent noyées dans une pénombre mélancolique et donnent aux toiles de nus, paysages, natures mortes et portraits toute la puissance de la lumière et des couleurs captées par l’œil de l’artiste.

MAURICE DENIS

Fondation Marguerite et Aime Maeght, à St Paul, été 1917.

Pierre Bonnard : le nabi très japonard Un petit rappel des origines du mouvement Nabi : assez éphémère, ce mouvement est né d'une controverse autour d'une peinture de Sérusier, Le Talisman, réalisée sous la direction de Paul Gauguin, qui encouragea l’artiste à se débarrasser de la contrainte imitative de la peinture, à user de couleurs pures, vives, à ne pas hésiter à exagérer ses visions, et à donner à ses peintures sa propre logique décorative et symbolique. Lorsqu'il revint à Paris, le tableau fit naître des débats enflammés avec les autres étudiants de l'Académie Julian sur le rôle sacré de l'art et de la peinture. C'est alors qu'avec des proches partageant ses idées, il crée le mouvement Nabi (Prophète en Hébreu). Férus de littérature symbolique et de textes ésotériques, les Nabis se rassemblent chaque mois autour de dîners pendant les117

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strictement à la peinture, ils s'intéressent à toutes les formes de décoration et d'expression : tapisseries, vitraux, tissus et papiers peints, décors de théâtre, illustrations de livres, affiches. Peut-être les ancêtres des artistes contemporains mêlant peinture, vidéo, danse, sculpture… ou les descendants de Leonard de Vinci. Si les nabis sont subjugués par la personnalité et l'œuvre de Gauguin, ils se sont également intéressés, comme les artistes et musiciens de leur époque (Satie, Debussy) à l'orientalisme et plus particulièrement au japonisme, qui inspira le surnom de Bonnard, Le Nabi très japonard, notamment au travers des ukiyo-e, estampes japonaises gravées sur bois dont la conception différente de la perspective et de l'espace que l'on retrouve dans le kakemono (kakémono désigne au Japon une peinture sur rouleau de soie ou de papier destinée à être pendue au mur. Il peut également être un support de calligraphies). Vuillard possédait la plus importante collection d'objets japonais des nabis. Ils lisaient également tous la revue Le Japon artistique de Samuel Bing. Les lettres qu'ils

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échangent sont paraphées du sigle « ETPMVMP » (En ta paume mon verbe et ma pensée). Les nabis ont compté dans leurs rangs, entre autres, Paul Sérusier, Édouard Vuillard, Pierre Bonnard, Maurice Denis (le théoricien du groupe), Félix Vallotton, Georges Lacombe, ainsi que le sculpteur Aristide Maillol qui, sans l'aisance de leur culture bourgeoise, ne s'intégra pas au groupe mais en fut très proche. Ils se donnèrent un surnom, un peu comme les 7 nains de Blanche-Neige , humour en plus, comme un nouveau baptême et signe de l'initiation : > Sérusier : le nabi à la barbe rutilante, ou le bon nabi, ou encore nabi boutou coat. > Bonnard : le nabi très japonard. > Cazalis : le nabi ben kallyre. > Ranson : le nabi plus japonard que le nabi japonard. > Denis : le nabi aux belles icônes. > Vuillard : le nabi zouave.

1. Nu dans un intérieur 1912-1914. 2. La table de travail 1926 -1937. 3. Place de Clichy, 1912. 4. Terrasse à Vernon. 5. La Source, 1917. 6. Paysage au Cannet, 1938. 7. Autoportrait, Le Boxeur, 1931. 8. Le Café, 1915.

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> Ibels : le nabi journaliste. > Verkade : le nabi obéliscal. > Ballin : le nabi danois. > Lacombe : le nabi sculpteur. > Rippl-Ronai : le nabi hongrois. > Vallotton : le nabi étranger. Toute sa vie, Bonnard se consacra à la peinture aimant s'isoler dans ses différents lieux d'habitation et notamment dans sa maison du Bosquet au Cannet, pour donner naissance à une œuvre profondément inspirée et novatrice. N'a-t-il pas déclaré à son ami Matisse : « La peinture c'est quelque chosen à condition de se donner tout entier. » Toutefois, son isolement est relatif, car au Cannet, viennent lui rendre visite des grands artistes comme 118


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Matisse mais aussi de grands photographes tels Brassaï, Cartier-Bresson et Ostier, ou encore de collectionneurs comme les Hahnloser et les Maeght. Les Nabis ont contribué à réinventer un langage plastique qui marquera durablement les esprits et contribuera à l’émergence des avant-gardes du début du XXe siècle, le fauvisme notamment.

posées en aplat, c'est le dessin qui donne la profondeur et le relief au sujet. La démarche de Pierre Bonnard est de traduire une sensation en image, la peinture doit servir la représentation d'une idée. Conformément à la philosophie des Nabis qui ne cherchent pas à refléter dans leurs œuvres une réalité observée. Pour Bonnard, peindre, c’est transposer la nature et donner un équivalent plastique et coloré à des sensations, émotions ou états d’âme Sa production artistique se caractérise aussi par le sens du décor, par l’usage des arabesques et par une inspiration souvent japonisante.

Bonnard le Moderne

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L'œuvre de Bonnard aurait pu être jugée vieillote et être vite oubliée. Mais, bien au contraire, après la guerre, elle a influencé de nombreux peintres trouvant chez lui une "modernité autre" que la modernité abstraite occupant le devant de la scène. Bonnard n’a pas été l’homme d’une seule forme d’art : comme d’autres bien après lui qui ont lié peinture, sculpture, architecture, musique, littérature, Bonnard a été aussi illustrateur, ayant notamment produit 109 lithographies pour un ouvrage de poésies libres de Verlaine, il s’est aussi essayé à l’architecture d’intérieur

Pierre Bonnard et ses demeures

Les deux maisons que Bonnard aura habitées le plus longtemps dans sa vie existent encore aujourd’hui. La première, à Vernonnet, près de Giverny, où vivait Claude Monet à qui il rendait souvent visite ; l’autre se trouve au Cannet sur la Côte d’Azur. Bonnard avait acheté cette

J’ai tous mes sujets sous la main. Je vais les voir. Je prends des notes. Et puis, je rentre chez moi. Et avant de peindre, je réfléchis, je rêve.

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Fondation Beyeler

PIERRE BONNARD

EXPOSITION PIERRE BONNARD (1867-1947) JUSQU’AU 13 MAI 2012 Baselstrasse 101 CH-4125 Riehen/Bâle Tél. + 41 (0)61 645 97 00 - Fax + 41 (0)61 645 97 19 E-Mail : info@fondationbeyeler.ch TARIFS D’ENTRÉE EXPOSITION > Adultes : CHF 25.– > Jeunes de 11 à 19 ans : CHF 6.– > Enfants de moins de 10 ans, membres de l’Art Club, entrée libre Les entrées peuvent être payées en euros. HEURES D’OUVERTURE DU MUSÉE Tous les jours de 10 h à 18 h, le mercredi de 10 h à 20 h. Le musée est ouvert le dimanche et les jours fériés.

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maison en 1926 et l’a occupée jusqu’à sa mort en 1947. Bonnard a mené une existence faite de mouvements et de départs incessants, ce que sa vie d’artiste lui permettait, une « libre disposition de soi-même », une agitation en contradiction avec les thèmes familiers récurrents de sa peinture : la vie au quotidien, la toilette, les repas, la cuisine, une fenêtre ouverte sur un jardin ensoleillé. Tout cela de mémoire, ce qu’il faut relever, car les œuvres ont été réalisées en atelier, ce qui a pour effet d’abolir les règles fondamentales de la perspective au profit d’un œil qui vagabonde. Pierre Bonnard était un peintre obsessionnel, qui méditait sans répit à la lumière et à la couleur. La contemplation de ses peintures réclame qu’on prenne du temps, si l’on veut parcourir la gamme infinie de leurs nuances chromatiques. Le commissaire de cette exposition est Ulf Kuster, conservateur à la Fondation Beyeler. Le catalogue, en allemand et en anglais, est publié par les éditions Hatje Cantz, Ostfildern. Il contient des articles d’Evelyn Benesch, Andreas Beyer, Marina Ferretti Bocquillon, Michiko Kono, Ulf Kuster, Beate Sontgen ainsi qu’une biographie de Fiona Hesse. 176 pages, 121 illustrations, ISBN 978-3-905632-94-1 (Allemand); VÉRONIQUE BIDINGER ISBN 978-3-905632-95-8 (Aninfo@baleenfrancais.ch glais).

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vero.bidinger@bluewin.ch

(observez le paravent japonisant de l’exposition) . Bonnard replace la peinture au cœur de la vie. Elle doit être partout, pas seulement sur les tableaux de chevalet, au service du théâtre, de la décoration intérieure, en lithographie et illustration. Passionné par l'art japonais, ce qui lui doit d'être surnommé par ses amis le “Nabi très japonard”, il s'inspire des estampes et des ukiyo-é pour bouleverser les perspectives traditionnelles et tenter des cadrages audacieux. Les couleurs sont pures et


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Écho de Château d’Œx

L’artdes’envoyerenl’airen

montgolfières

e 34e Festival International de montgolfières a eu lieu à Château d’Oex du 21 au 29 janvier avec un envol de près de 80 ballons, des shows aériens avec un avion acrobatique et des dirigeables. Cette année comme toutes les autres, des nouvelles formes spéciales sont venues se gonfler devant vos yeux comme le Spoutnik russe et la fraise belge, il n’ont pas fait encore une frite ou un cornet en montgolfière ! Ce rassemblement de ballons à air chaud, sous le parrainage de Parmigiani, Honda et BCV est l’occasion de se retrouver entre aérostiers, échanger des idées et voir des nouvelles enveloppes avec des formes diverses et même à la limite de vol, car certains ne peuvent pas voler s’il y a des vents de travers d’une petite amplitude. L’année prochaine, si vous venez les week-ends, vous pouvez effectuer des vols en temps que passagers ; vous pouvez voir également des formes spéciales suivant le temps. Ce premier samedi pas de chance pour les spectateurs. La semaine, c’est technique pour les aérostiers, vous avez des épreuves comme la chasse au renard, coupe David Niven et trophées des sponsors, ainsi cible haute précision Parmigiani. En 2012, le vendredi soir, la Night Glow à 18 h 58 précisément, vous avez vu un spectacle son avec la musique d’Abba et lumière avec les 30 montgolfières eclairées par leurs allumages, ailes deltas et parapentes, ainsi que descente aux flambeaux pendant 30 minutes. L’endroit idéal pour voir le spectacle est la colline du temple. Un vol de jumelage depuis 12 ans à lieu traditionnellement entre les villes de Bristol en Grande Bretagne, Saint-Niklaas en Belgique, Romorantin en France et Château d’Oex. À l’heure de rendre ce reportage, c’est sous réserve de la météo. N’oubliez pas de faire un peu de tourisme pendant votre séjour d’en le pays d’Enhaut, le célèbre fromage de l’Étivaz vous tend ses caves pour une visite et une dégustation, Si vous poussez un peu, vous pouvez allez visiter les villages de Gstaad, Bulle, Rossinière ou Rougemont avec sa belle petite chapelle. Pour vous reposer et visiter la région quand vous êtes à l’Étivaz, vous pouvez dormir et vous restaurer à l’Hôtel du Chamois (contact : 026 924 62 66 ou http://www.hotelduchamois.ch). Si vous aimez voir des envols géants de montgolfières du 27 mai au 3 juin, profitez d’une ballade à travers les château de la Loire et assistez au trophée François 1er, du côté de Bristol c’est du 9 au 12 août et à St Niklaas c’est du 31 août au 2 septembre. ALAIN BARRIÈRE

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L

Contacts

[

Château-d’Oex Tourisme Place du Village 6 - 026 924 25 25 http://www.chateau-doex.ch

Parmigiani, François Chappuis.

Muir Moffat, écossais. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

Honda, Pierre Galley Caibac. 120


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Setsuko Klossowski Veuve du Peintre Balthus, Kirsty Bertarelli marraine de la 34e édition, et Bertrand Piccard.

Cheval, Zurgen Dobbelaere.

Montgolfiere Alain Pinsonneau.

Van Gogh.

Philippe Lusley.

Obélix.

Manfred Streit, viande fraîche. 121

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Jean Becker.


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Écho de Neuchâtel

Neuchâtel jetteuntroublesurleVin du Non-Filtré, l’a mis au monde en 1975 à Auvernier lorsqu’un ami est venu lui demander de lui tirer quelques bouteilles, mais en fin commercial, il en tire un peu plus et, en 2 ans, il en vend plus de 1000 ! C’est là où plusieurs encavages du canton le suivent grâce au terroir calcaire et la réverbération du lac sur les vignes qui confèrent au Non-Filtré cette fraîcheur typique. Janine Schaer, maître caviste à la Cave des Coteaux, Chantal Ritter du Landeron Vigneronne, Verena Lüthi de l’Auberge de Mont-Cornu, et Edmée Rembault-Necker, Cheffe de l’Office des vins et des produits du terroir (OVPT), ont présenté le millésime 2011 à la Cave des Coteaux à Boudry. La douceur exceptionnelle du printemps 2011 et l’automne ensoleillé et sec ont permis à la vendange 2011 d’atteindre une excellente qualité. Les vendanges ont eu environ trois semaines d’avance par rapport à la moyenne, les baies étaient en parfait état sanitaire et d’une maturité optimale, malgré un déficit hydrique de 200mm en juillet. Les vendanges ont même dû s’arrêter une journée de septembre avec 25°. Le Non-Filtré 2011 développe des arômes tout en finesse, sur des nuances caractéristiques de minéralité et de tilleul, et, selon les terroirs et les encavages, des notes de fruits exotiques. En bouche, il est très rond et tendre, avec une petite fraîcheur pétillante. Sa belle couleur or pâle séduira les amateurs. Ce nectar accompagnera à la perfection quelques filets de perche du lac et du fromage frais, ainsi que l’apéritif avec des tapas. Ce vin n’est pas forcément à consommer tout de suite,

Vin Non-Filtré Jungo Fellmann, Cressier 2011.

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Indications techniques Selon l’arrêté du Conseil d’Etat de 1995, le Non-Filtré est commercialisé dès le troisième mercredi du mois de janvier. C’est précisément ce jour-là que l’Office des vins et des produits du terroir (OVPT) organise des dégustations ouvertes à la population du Chasselas Non-Filtré. Cette année 2012 pour le Non-Filtré, ces dégustations ont eu lieu à Neuchâtel le 18 janvier et à la Chaux-de-Fonds le 19 janvier. C'est un vin blanc exclusivement du cépage Chasselas d'une AOC neuchâteloise de l'année précédente chez lequel la fermentation malo-lactique est terminée et il est mis en bouteille sans aucune filtration. Henri-Alexandre Godet, le fondateur ou le grand-père FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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vous pouvez le garder quelques années, après 5 ans, il est conseillé de ne pas remuer les lies qui se sont déposés au fond de la bouteille.

1. Vignes à Cressier. 2. Domaine Grillette à Cressier. 3. Fête du Vin Nouveau à Cressier. 4. Vin NonFiltré, Cave Ritter Cochand et du Château. 5. Cave des Lauriers, Cressier Jungo Fellmann. 6. Chantal Ritter Cochand, vigneronne dans Le Landeron.

Où trouver le Non-Filtré ? En regard de la proportion totale de Chasselas vinifié en 2010 à Neuchâtel, la part commercialisée durant l’année 2011 sous la forme Non-Filtré s’élève à 8%, soit environ 150 000 bouteilles. Ce pourcentage est très constant depuis ces dernières années. Le marché du Non-Filtré se répartit entre le Littoral (59%), le reste du canton (19%), la Suisse romande (8%) et la Suisse alémanique (14%). Le Non-Filtré est vendu à 43% à des particuliers, et à 57% aux restaurateurs et grossistes. Pour vous en procurer, il est préférable de le faire dans les 3 mois qui suivent sa sortie, sinon vous risquez d’attendre l’année suivante ! Tout le canton neuchâtelois commercialise le Non-Filtré du nord au sud et de l’est à l’ouest de la ville de Neuchâtel. Pendant les mois qui suivent sa commercialisation, les actions conviviales sont réalisées par les confréries locales (voir sur photo, de gauche à droite, la Noble Confrérie des Chevaliers de la Cave de Bevaix, la Noble Confrérie des Olifants du Bas-Lac, la Compagnie des Vignolants du Vignoble Neuchâtelois, et l’Ordre Bienfaisant des Goûte-vin). Également des Fêtes du Vin comme “la 38e Fête du Vin Nouveau” à Cressier, du 4 au 6 mai 2012, avec dégustations, guggens, fanfares, et le cortège du samedi avec une trentaine de groupes. Renseignements : http://www.feteduvin.ch

Quelques lieux de la région Au nord de l’appellation, il existe un village viticole solidement installé dans le cœur de l'Entre-deux-Lacs, au bord du canal de la Thielle, qui relie les lacs de Neuchâtel et de Bienne. Niché au cœur des vignes, Cressier perché à 438 m s’étend jusque sur les contreforts de la montagne de Chaumont. En 1879, dans ce village les Cressiacoises et Cressiacois, se réveillent avec une nouvelle église consacrée et, depuis, c’est l’occasion de faire la fête chaque année. À cette date, Clément Ruedin acquiert au pied du château une grande demeure viticole datant de 1505. Depuis cinq générations, la viticulture et le savoir-faire de cette cave Jungo-Fellmann vous permet d’apprécier les pinots noir et chasselas dont le Non-Filtré ! Cette cave, parmi toutes celles du village, organise des visites du terroir de la région, comme les Mines d’Asphalte et la Ferme Robert et le Creux du Van. Cette cave a reçu la Gerle d’Or en 2005 pendant la Fête des Vignerons à Neuchâtel. Renseignements : 032 757 40 62 ou http://www.75cl.ch

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8. Jean-Marc Jungo et Christian Fellmann. Tirage du vin Non-Filtré.

7. Conféries avec Eric Schild, Claude Le Coultre, Michel Tardin et Pierre-André Triponez.

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Même si, à Neuchâtel, les vignerons mettent le brouillard en bouteille, ce vin trouble le verre mais ne trouble pas l’esprit avec modération ! ALAIN BARRIÈRE

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Gastronomie

Thé,Café ou Chocolat? Un cacaoyer

Café cerises Une cabosse et des fèves.

Le café arriva jusqu'à Istanbul (à l'époque Constantinople) pour, finalement, transporté par des marchants Vénitiens, gagner l'Italie et dès la deuxième moitié du XVIIe envahir toute l'Europe. Le premier café à Paris à ouvrir et vendre ce breuvage fut, en 1686, le PROCOPE. Il existe toujours et est devenu une des tables emblématiques de Paris ; il est situé 13 rue de l'Ancienne Comédie, dans le VIe arrondissement.

LE THÉ (1610)

Cabosse de cacao

Il est très difficile de dater la découverte du thé, cela pourrait remonter, selon une légende chinoise de 2737 avant J.C., selon laquelle, alors que l'empereur Shen Nung faisait bouillir de l'eau à l'abri d'un théier sauvage, pour se désaltérer, une légère brise agita les branches et détacha quelques feuilles. Elles se mêlèrent à l'eau et lui donnèrent une couleur et un parfum délicat. L'empereur y goûta, s'en délecta, le thé était né. Par contre, il est devenu “boisson populaire” en Chine entre les VIIe et le IXe siècles. Les Hollandais l'ont introduit en Europe au début du XVIIe siècle. Son conditionnement, sa conservation et son transport ne présentant aucune difficulté, sa préparation (infusion) étant très simple, il s'est vite imposé et repandu dans tout le Nouveau monde. Le thé d'Amérique du Sud, le maté, infusion traditionnelle, consom-

LE CAFÉ (1615)

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Trois boissons ont envahi, à peu près à la même époque, le nouveau monde. Ils ont changé les habitudes et influencé largement les cultures. De goût différent, le café, le thé et le cacao ont des similitudes dans le temps et contiennent des substances appartenant à la même famille d'alcaloïdes, les méthylxanthines... Mais ne soyons pas trop techniques !

Connu depuis la préhistoire, le café serait arrivé au Yémen par le port de Moka vers le VIe siècle. La prohibition de l'alcool imposée par l'Islam l'a fait se répandre rapidement en Arabie et en Égypte, bien qu'à un moment, les avis des religieux étant partagés, il devint interdit, étant considéré contenir des substances toxiques, alors que le Coran interdit d'ingérer un produit pouvant amener une forme quelconque d'intoxication. Très vite, le sultan du Caire leva l'interdiction. Néanmoins, à plusieurs reprises, utilisant des arguments religieux, les controverses sur le caractère diabolique du café ressurgirent, et les persécutions contre les buveurs de café réapparurent dans les pays islamiques. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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mée en Argentine, au Chili, au Paraguay, en Uruguay, au Brésil ne l'a jamais concurrencé.

LE CHOCOLAT (1528) Le cacaoyer a poussé à l'état sauvage dans la région tropicale de l'Amérique du sud 4 000 ans avant J.C. C'est Hernán Cortés qui l'amena en Espagne en 1528, en même temps que d'autres produits inconnus en Europe : tomate, haricot blanc, pomme de terre, maïs, piment, tabac… Si la boisson chocolatée a été la première introduite en Europe, elle n'a pas suscité d'engouement, car au début, ce n'était qu'un breuvage amer et épicé, sa commercialisation a été moins rapide. Le berceau du cacaoyer est la région tropicale des Amériques. On a retrouvé des traces dans des récipients datant des XIe et XIIe siècles, notamment chez les Mayas et les Aztèques où la fève était utilisée en guise de monnaie. Le cacaoyer a la particularité de faire ses fleurs et, par conséquent, ses fruits sur son tronc et ses grosses branches et non sur les jeunes rameaux, comme c'est le cas pour la majorité des arbres fruitiers. Son fruit s'appelle une cabosse dans lequel se trouvent les fèves d'où est tiré le cacao. Surtout, ne vous avisez pas de gouter la fève à l'état brut, c'est âpre, amer, franchement désagréable, et vous seriez peut-être dégoûté de manger du chocolat à tout jamais. Le chocolat est le résultat de recherches menées par l'homme de façon empirique. Il est issu du végétal, d'un fruit impossible à consommer en l'état. Il est devenu une douceur largement appréciée, sous toutes ses formes, dont la mise au point, très complexe a demandé beau-

Une cueilleuse de thé. En-dessous : une plantation de thé.

Un champs de café.

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coup de temps. Ce fut une recherche continue qui a permis de doser l'amertume, d'affiner la consistance, d'adoucir l'âpreté, d'arrondir les parfums. Aussitôt récoltées, les cabosses sont ouvertes, les fèves sorties, puis mises à fermenter, vient le temps de les nettoyer, de les sécher, puis c'est la torréfaction, le concassage, le tamisage, le broyage, le laminage, tout un processus très précis, autant dans les gestes que dans le temps, à la suite de quoi on obtient une pâte de cacao qui va permettre de faire du cacao en poudre ou du chocolat. Hormis l'assemblage de différents cacaos afin d'obtenir un chocolat au goût recherché, c'est un procédé d'affinage, une technique spécifique inventée en 1879 par un chocolatier suisse, Rodolphe Lindt, le conchage, qui fut à la base de la renommée du chocolat suisse. Ainsi, aujourd'hui, le chocolat peut être noir très amer, plus doux, fondant, au lait, blanc, parfumé... C'est un produit élaboré, un produit fini mais reste quand même un produit de base puisque utilisé par les pâtissiers, chocolatiers, confiseurs qui vont en faire des pièces, des gâteaux, des entremets, des pralinés, etc. C'est encore un Suisse, Daniel Peter, qui inventa, en 1875, le chocolat au lait. Issu d'une famille alsacienne, qui avait quitté la France après la révocation de l'Édit de Nantes et qui s'était installée à Moudon, dans le canton de Vaud, ce fils de boucher ne se prédestinait pas à une telle découverte.

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Gastronomie >

Homme très intelligent, chercheur né, marié avec Fanny Cailler, il s'est alors orienté vers le chocolat où, à l'époque, la concurrence était rude entre Cailler, Köhler, Suchard, et Lindt. Il a découvert un procédé pour fabriquer du chocolat au lait soluble. L'adjonction de lait supprimant l'amertume du chocolat, le succès fut immense.

Que ce soit le café, le thé ou le chocolat, ces produits étaient nouveaux et méconnus. On en vantait les bienfaits toniques, curatifs, énergétiques,... même thérapeutiques ; les apothicaires de l'époque cherchaient à se les accaparer, à en avoir le monopole pressentant des sources de revenus substantielles, ils avaient déjà le monopole du sucre, presque indispensable pour ces boissons. On dit que sur dix individus, neuf adorent le chocolat et le dixième est un menteur ! L'étude du chocolat est fascinante, mais peut être devrais-je plutôt expliquer à celles et ceux qui adorent préparer des douceurs à leurs enfants ou à leur chéri(e), ce qu'est de la couverture, ou à quelle température doit on travailler le chocolat ou encore dire ce qu'est la ganache ou le pralin... Autant de termes sur lesquels on bute pour réaliser une recette, si simple soit-elle. Pour réussir une recette, le plus important, c'est surtout de savoir ce qu'il ne faut pas faire...

Pour en savoir plus...

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Pour tout savoir sur l'histoire du Chocolat, il vous faut lire CH. comme Chocolat l'incroyable destin des pionniers suisses du chocolat, le livre d'un passionné, Alain J. Bougard. Il a fait paraître un deuxième ouvrage, Lettres de chocolat, sorte d'abécédaire où il parle du chocolat avec son cœur, son vécu, ses sentiments, ses émotions… À travers une ville, un endroit, un moment, un personnage, une histoire, vous allez apprendre, découvrir des anecdotes sur le chocolat que vous n'imaginez pas.

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Photo du centre : Le Procope, premier café à Paris à ouvrir et vendre ce breuvage, en 1686.

JEAN-JACQUES POUTRIEUX


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Boulisme

ARGENTINE

Argentin vivant en France, Nestor Guevara lutte pour développer la pétanque en Amérique du sud. Unique médaillé argentin dans l’histoire des Championnats du monde, il décrit une situation complexe dans son pays, et veut mettre un terme à un certain élitisme.

Nestor, l’autreChe > On vous connaît pour être le seul Argentin à avoir remporté une médaille aux Championnats du monde. C’est un souvenir que vous conservez précieusement ? Quand on pratique un sport, on vise le plus haut niveau. Et cette médaille d’argent, obtenue au tir de précision en 2006, est forcément un moment à part dans ma carrière et ma vie. > Est-ce qu’elle a eu des répercussions dans votre pays ? En plein concours, le ministre des Sports argentin m’a téléphoné pour me demander de porter haut les couleurs du pays. Sur le moment, j’avais cru à une blague, parce que chez nous, la pétanque n’évoque rien pour les gens. Mais, ensuite, il m’a reçu au ministère pour en discuter. Pour une nation comme la nôtre, une médaille mondiale en pétanque est un événement. > Aujourd’hui, l’intérêt médiatique et politique existe-t-il encore ? Quand on est en haut de l’affiche, tout le monde vient vous voir. Surtout dans un pays comme l’Argentine où les gens sont très chauvins. Mais si les résultats ne sont plus là, il n’y a plus grand monde. C’est la règle du jeu. La priorité va vers le foot, le polo, le basket, le rugby, ou les sports olympiques.

« Le ministre des Sports me téléphone en plein concours. »

> Vous possédez donc un palmarès ahurissant, mais sans valeur... J’ai joué contre des débutants, donc sans réel enjeu. Il s’agit d’abord d’enseigner le jeu à ces gens. On part de loin. À titre d’exemple, au lancement de la fédération, il n’y avait que quatre licenciés. Ceux-ci disputaient les Championnats du monde sans connaissance de la pétanque, et prenaient fanny sur fanny. Pas très bon pour l’image.

> Comment est-ce que la pétanque parvient à subsister ? On vit à travers les sponsors, qui sont peu nombreux, et l’aide des passionnés.

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> Quel est le mode de fonctionnement de la pétanque ? Il existe seulement deux clubs dans le pays, à Mendoza et à Buenos Aires, la capitale. En un week-end, on fait tous les Championnats d’un coup : triplettes, doublettes et tête-àtête. Les licenciés restent des amateurs, des gens inscrits aux Championnats nationaux juste pour apprendre à jouer. C’est un comble. Ça n’a rien à voir avec ce qui se passe en France et, du coup, les titres ont peu de sens. De 2005 à 2010, je les ai d’ailleurs tous remportés dans chacune des trois catégories, c’est tout dire...

> Et les pouvoirs politiques ? Lors de ma rencontre avec le ministre, et malgré ma médaille, il m’avait laissé comprendre que la pétanque n’était pas prioritaire. Pour les sports de boules, c’est compliqué, d’autant qu’il existe chez nous une version de boule lyonnaise, la panaméricaine, qui, elle, parvient à susciter un peu l’intérêt du grand public. On a d’ailleurs eu deux champions du monde dans cette discipline.

> Beaucoup de Français vivent en Argentine. N’ont-ils pas apporté leur culture des boules ? Il est vrai que le développement de la pétanque dans un pays se fait souvent à partir des Français. Mais chez nous, le problème est d’abord économique. Ici, les boules sont chères. Un jeu coûte l’équivalent de 80 euros, ce qui fait vivre une famille pendant deux semaines. Le choix est vite fait. FRANCE MAGAZINE N°36 PRINTEMPS 2012

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> On est donc loin d’avoir un jour une grande compétition internationale chez vous ? Comme nous n’avons pas la capacité à accueillir un grand nombre de pays, on aimerait pouvoir mettre sur pied un “petit” Championnat du monde avec 8 nations. Pour ce qui est des vrais Mondiaux, je ne pense pas que je les verrai ici de mes yeux.

fille de 15 ans, Océane, qui vit en France aussi, et a été deux fois championne d’Isère en tête-à-tête. Elle a du talent, mais ne veut plus jouer. Je l’ai entraînée pendant 5 ans, mais elle est à un âge où la pétanque ne l’intéresse plus. > Vous avez essayé de la faire changer d’avis ? Quand elle a décidé quelque chose... Un jour, elle m’annonce qu’elle voulait faire le Championnat d’Isère têteà-tête, alors qu’elle n’avait pas joué aux boules pendant près d’un an. Je lui ai tout de suite fait comprendre que c’était une grosse erreur. Quand on ne joue pas pendant un an, on prend trop de retard. Mais elle y est allée quand même. L’avis de son père, je crois qu’elle s’en moquait. Elle a joué, et gagné. J’en ai eu les larmes aux yeux.

> L’Argentine était absente des derniers, en Turquie. Ça n’est pas le meilleur moyen de se montrer. C’est certain, mais participer à cette épreuve devient de plus en plus coûteux. Surtout qu’il existe désormais une phase de pré-qualification. Voilà pourquoi nous étions absents en 2010. Là, on rame pour pouvoir venir à Marseille en 2012, pour la prochaine édition. Marseille, c’est le rêve de tout joueur de boules, le berceau de la pétanque. C’est un peu comme participer aux Jeux olympiques.

> Comme pour vous dire : « J’ai gagné, tais-toi » ? C’était un peu ça, oui (il rigole). Mais derrière, elle m’annonce qu’elle arrête, c’est dommage. Parfois, je me dis que je l’ai trop poussée. Vu son niveau de jeu, je suis sûr qu’elle a le talent pour être championne du monde.

mpheulpin@boulisme.com

« La France n’aura plus le monopole de la pétanque mondiale. »

MARC PHEULPIN

La tour Monumental de Buenos Aires (ancienne tour des Anglais), a été bâtie en 1916. > La solution ne serait-elle pas d’avoir aussi des Championnats du monde en individuel ? Une épreuve en tête-à-tête à quatre boules permettrait aux petits pays d’avoir leur mot à dire. Il faut prendre conscience qu’on ne va pas dans le bon sens avec une pétanque d’élite, alors qu’il faut aider les pays les plus pauvres. On voit déjà que Madagascar, la Thaïlande, la Belgique ou la Suisse peuvent rivaliser. Si la pétanque était réellement ouverte à tous, on aurait des surprises. D’ailleurs, je pense que dans vingt ans, la France n’aura plus le monopole de la pétanque mondiale.

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Repères estor Guevara est né le 18/06/65 à Buenos Aires, en Argentine. Il est arrivé en France en 1976 et vit à Grenoble, en Isère. Il a remporté la médaille d’argent au concours du tir de précision lors des Championnats du monde 2006 (à Grenoble). Il est champion d’Argentine en triplettes, doublettes et tête-à-tête, de 2005 à 2010.

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FÉDÉRATION ARGENTINE DE PÉTANQUE Création : 2002 Membre de la FIPJP depuis 2002 Adresse : Calle Lamadrid nr 812 C.P. 5500 Mendoza Licenciés : 40 (source FIPJP) Président : José-Ricardo Verri Contact : argentina@fipjp.com

> Vingt ans, ça laisse le temps de former des jeunes. Vous estimez qu’il y a du potentiel en Argentine ? Il est difficile de les faire venir. On s’y efforce, mais la concurrence des autres sports est forte, et ils ont souvent d’autres centres d’intérêt. Moi, par exemple, j’ai une 129

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