Magazine 03 2011 L E
M A G A Z I N E
D ’ U N
M O N D E
Q U I
I N N O V E
La biomasse Une question d’énergie ?
Cradle to Cradle Quand la consommation devient “soutenable”
Web 3.0.
Internet fait sa révolution
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Solar Impulse 04
Slow Food 10
Giraud versus Mœbius 14
La biomasse 20
Cradle to cradle 26
Social Media 32
Un tour du monde sans carburant grâce au soleil
L’anti-malbouffe au secours de la planète
Itinéraire d’un artiste bipolaire et génial
Les vertus d’une source d’énergie “ made in nature ”
Un concept qui impose le zéro pollution et le 100 % recyclage à tous les niveaux
Nomade et interactif, Internet opère une nouvelle révolution...
Magazine Stûv nr. 3 - Septembre 2011 Editeur responsable : Gérard Pitance, administrateur délégué Stûv s.a. 4 rue Jules Borbouse - 5170 Bois-de-Villers (Belgique) - info@stuv.com Direction, Coordination & Production : Wanabe, 161 Drève Richelle - 1410 Waterloo Office Park Chef de projet : Emilie Jaupain I Direction artistique & Layout : François Tirou Rédaction : Estelle Spoto - Saâd Kettani - Hervé Jacques Poskin - Admon Wajnblum Pre-press : Sylvain Dumont & Studio Wanabe Print : JCBGAM s.a. - Responsable Communication Stûv : Serge Alhadeff
STUV MAGAZINE I Editorial
Imaginer sans relâche Aujourd’hui le constat est sans appel : notre planète affronte un quadruple défi. La croissance démographique est sans précédent : 9 milliards d’habitants sur terre prévus en 2050. Le développement des pays émergents exige toujours plus d’énergie. L’usage immodéré des combustibles fossiles contribue au réchauffement climatique. Et ces mêmes ressources énergétiques non renouvelables sont en voie d’épuisement. Que faire pour enrayer ce cataclysme annoncé ? Deux solutions s’offrent à nous : opter pour une décroissance hasardeuse ou favoriser une consommation plus intelligente et respectueuse de la Planète. Chez Stûv, la réponse coule de source : nous plaçons avant tout l’imagination et les potentialités de progrès au centre du débat. Dans cet esprit, notre magazine se fait l’écho de toutes les initiatives – modestes ou ambitieuses – en mesure de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. A l’image du tout récent concept industriel C2C (Cradle to Cradle*) qui intègre, à tous les niveaux, l’exigence écologique du zéro pollution et du 100 % recyclage. A l’image également du mouvement mondial “ slow food ” qui mène une véritable croisade contre la malbouffe et l’ultra-standardisation de l’alimentation. A l’image encore de Bertrand Piccard, ce “ savanturier ” suisse qui entend effectuer le tour de la planète sans carburant grâce à son avion solaire. Et à l’image enfin de GIR/Mœbius, cet artiste bicéphale qui nous projette sans transition dans les confins oniriques et réalistes de nos univers pluriels.
www.stuv.com Cradle to Cradle : du berceau au berceau.
*
Pour la troisième fois, Stûv vous propose un catalogue qui est aussi un magazine de tendances qui expriment bien notre état d’esprit. Un état d’esprit que nous partageons avec vous. N’hésitez pas à donner votre avis en envoyant un mail à l’adresse info@stuv.com
03
Š Solar Impulse / StÊphane Gros
Voler sans carburant
en vue I BERTRAND PICCARD
Après avoir réalisé en 1999 le premier tour du monde sans escale en ballon, le “ savanturier ” suisse Bertrand Piccard s’est lancé un nouveau défi : effectuer le tour de la planète sans carburant, grâce à un avion solaire capable de voler de jour comme de nuit. Baptisé “ Solar Impulse ”, cet incroyable projet est bel et bien en train de devenir réalité. Une manière innovante de sensibiliser le grand public aux alternatives aux énergies fossiles.
Issu d’une famille de scientifiques avides d’explorations, Bertrand Piccard a toujours eu “ la tête dans les nuages ”. Ce passionné de vol libre et d’ULM est devenu mondialement célèbre grâce à son “ Tour du monde en 20 jours ”, réalisé à bord d’un ballon en compagnie du Britannique Brian Jones : le voyage le plus long en distance et en durée de toute l’histoire de l’aéronautique. Un exploit au cours duquel 3,7 tonnes de propane liquide auront été consommées. Réalisant qu’il ne restait que 40 kg de propane à l’atterrissage et que sans des vents favorables au-dessus de l’Atlantique ils auraient abandonné, Bertrand Piccard se jure de réaliser un nouveau tour du monde où, cette fois, aucun carburant ne sera utilisé. L’idée de Solar Impulse venait de naître : démontrer que les nouvelles technologies et les énergies renouvelables peuvent accomplir des choses incroyables, jusqu’à s’affranchir de notre dépendance aux énergies fossiles.
Solar Impulse I Premier vol
© Solar Impulse / Stéphane Gros
Par Estelle Spoto
Dübendorf I Mai 2008 Bertrand Piccard avant la préparation au vol virtuel.
Breitling Orbiter 3 I Mars 1999 Premier tour du monde en ballon sans escale.
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Si on peut voler de nuit comme de jour sans aucun carburant, plus personne ne peut prétendre qu’on ne peut pas utiliser les énergies renouvelables pour les voitures, les chauffages, la climatisation ou l’industrie. © Solar Impulse / Stéphane Gros
Dübendorf I Novembre 2009 Première sortie du prototype sur la piste.
Du soleil dans les moteurs A travers ce projet de tour du monde en avion solaire, Bertrand Piccard entend prouver que les énergies renouvelables, associées à une technologie de pointe, sont en mesure de relever des paris considérés jusque-là comme impossibles. Lancé officiellement en 2003, le projet Solar Impulse nécessitera quatre années d’études et les efforts d’ingénieurs venus de tous les horizons – notamment de l’Ecole Polytechnique de Lausanne, de l’Agence Spatiale Européenne et de Dassault Aviation – pour parvenir au design du premier prototype, immatriculé HB-SIA (HB en tant que préfixe des immatriculations d’aéronefs suisses, SI pour Solar Impulse et A puisqu’il s’agit du premier prototype). Il faudra encore deux ans de recherches, de simulations, de construction, de réalisation et de tests avant que l’avion ne soit présenté officiellement au public au cours de l’été 2009. Avec une envergure de 63,40 mètres, soit celle d’un Airbus A340, le prototype HB-SIA pèse 1 600 kg, le poids d’une petite voiture. Cet incroyable appareil, véritable concentré des technologies de pointe du moment, résout cette équation a priori impossible : disposer d’un système de propulsion assez puissant pour faire le tour du monde tout en étant suffisamment léger pour fonctionner uniquement à l’énergie solaire. L’appareil est formé d’une structure en fibre de carbone qui garantit une très grande résistance et une légèreté maximale. Mais le véritable secret de l’avion se trouve dans son aile : une surface de 200 m2 recouverte de 10 748 cellules photovoltaïques en silicium monocristallin, de 140 microns d’épaisseur en moyenne, qui alimentent quatre moteurs électriques de 10 CV chacun. C’est à peu de choses près la puissance dont disposaient les frères Wright en 1903 lorsqu’ils réalisèrent le premier vol motorisé …
© Solar Impulse / Stéphane Gros
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Test Flea hop I Décembre 2009 à Dübendorf Le flea hop consiste à voler à quelques mètres du sol.
© Solar Impulse / Stéphane Gros
Immatriculation I HB-SIA.
en vue I BERTRAND PICCARD
Prochains défis : en 2011 des vols hors de la Suisse sont prévus avec le prototype HB-SIA. Parallèlement, le design du second avion (HB-SIB) a déjà commencé et sa construction débutera en 2011. Une fois le deuxième prototype terminé, des vols tests seront effectués en préparation de la traversée de l’Atlantique puis en 2013 voire 2014, une tentative de tour du monde en cinq étapes est prévue. D’ici-là, il faudra encore améliorer les performances de vol, la structure de l’avion et les batteries mais le rêve de Bertrand Piccard se rapproche : le vol perpétuel, sans carburant ni pollution. La réussite de Solar Impulse prouvera que les innovations technologiques de pointe sont capables de fournir des solutions durables à la dépendance aux énergies fossiles.
André Borschberg et Bertrand Piccard I 24 mai 2010 Premier vol d’André Borschberg.
Voler, de jour comme de nuit 7 juillet 2010, 6h51', aérodrome de Payerne, dans le canton de Vaud. Le projet Solar Impulse s’apprête à franchir une étape décisive. Soutenu par toute une équipe au sol (dont le météorologue belge Luc Trullemans), le pilote André Borschberg, directeur général et co-fondateur de Solar Impulse, est aux commandes du prototype HB-SIA. Trois mois plus tôt, l’appareil a réussi un vol d’une heure et demie. Mais aujourd’hui, il s’agit de prouver que les batteries au lithium-polymère sont capables d’emmagasiner assez d’énergie solaire pour maintenir l’avion dans les airs pendant la période d’obscurité nocturne. Avec une vitesse moyenne de 38,2 km/h, atteignant une altitude maximum de 8 720 mètres, le HB-SIA a volé pendant 26 heures, 10 minutes et 19 secondes. Le vol solaire le plus haut et le plus long de l’histoire, une première mondiale. “ Ça fait plus de quarante ans que je pilote, mais ce vol a été le plus incroyable de toute ma carrière ”, s’exclamait André Borschberg une fois arrivé au sol. “ Observer le niveau d’énergie augmenter en plein vol grâce au soleil … et ensuite quel suspens ! Nous ne savions pas si nous allions réussir à rester en l’air toute la nuit. Et enfin, quel bonheur de voir le soleil se lever et imaginer l’énergie circuler à nouveau dans les panneaux solaires ! ”.
© Solar Impulse / Stéphane Gros
© Solar Impulse / Stéphane Gros
Solar Impulse I L’avion solaire pèse seulement 1600 kg pour une envergure de 63,40 mètres.
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© Solar Impulse / Revillard
Genève I Solar Swiss flight - Septembre 2010 Premier atterrissage de Solar Impulse dans un aéroport international.
© Solar Impulse / Revillard
Genève I Solar Swiss flight - Septembre 2010
© Solar Impulse / Stéphane Gros
Genève I Mai 2007 Solar Impulse virtual flight – Luc trullemans et David Dehenauw, experts météorologiques à l’IRM de Bruxelles.
Les grands exploits du 20e siècle ont été des conquêtes : les Pôles, l’Everest, les Abysses, la Lune. Ceux du 21e siècle devraient consister beaucoup plus à préserver, voire améliorer la qualité de vie sur notre planète. Soutenir le projet Pour réussir l’impossible, l’équipe de Solar Impulse a besoin de soutien. Le Supporters Program propose à toute personne intéressée par le projet de participer à cette épopée contemporaine. Plusieurs possibilités de participations originales ont été imaginées, depuis les badges de l’équipe à collectionner jusqu’aux visites VIP de la base de Solar Impulse. Il est par exemple aussi possible d’adopter l’une des 11 628 cellules solaires de l’avion et de la personnaliser. Toutes les cellules, adoptées, pré-réservées ou en attente d’un acquéreur, sont visibles sur le site www.solarimpulse.com/ supporters_program. Yann-Arthus Bertrand, Paulo Coelho, Hubert Reeves, le Prince Albert II de Monaco, Al Gore et Nicolas Hulot se sont déjà associés à l’aventure en acceptant de former un comité de parrainage pour témoigner de leur soutien au projet. www.solarimpulse.com/supporters_program
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en vue I BERTRAND PICCARD
Les Piccard, trois générations de “ Savanturiers ” Auguste Piccard (1884-1962) Professeur de physique à l’Université de Zürich puis de Bruxelles, ami d’Albert Einstein et de Marie Curie, Auguste Piccard est le premier homme à explorer la stratosphère, la seconde couche de l’atmosphère terrestre. En 1931, il s’élève en effet à près de 16 000 mètres d’altitude à bord d’un ballon. Après les hauteurs, Auguste Piccard se lance dans la conquête des profondeurs abyssales, grâce à un sous-marin révolutionnaire : le Bathyscaphe. Incarnation idéale du savant et de l’inventeur, Auguste Piccard a inspiré le dessinateur Hergé pour créer le personnage du Professeur Tournesol dans les aventures de Tintin.
Jacques Piccard (1922-2008), fils d’Auguste Après ses études en économie, Jacques Piccard est pris par le virus familial et collabore aux projets d’exploration sous-marine de son père. En 1960, dans la fosse des Mariannes, il plonge à bord du “ Trieste ” avec Don Walsh pour atteindre à -10 916 mètres le point le plus profond des océans. C’est avec le premier sous-marin touristique du monde, le mésoscaphe baptisé l’ “ Auguste Piccard ”, que Jacques Piccard emmène des milliers de passagers dans les profondeurs du Lac Léman, à l’occasion de l’Exposition nationale suisse de 1964. En 1969, l’océanographe a parcouru pendant un mois 3 000 kilomètres à la dérive en suivant le courant du Gulf Stream.
Bertrand Piccard (né en 1958), fils de Jacques A la fois médecin spécialisé en psychiatrie et aéronaute, Bertrand Piccard est un des pionniers du vol libre et de l’ULM en Europe. En 1992, il remporte la première course transatlantique en ballon. Sept ans plus tard, Bertrand Piccard réalise, avec Brian Jones le premier tour du monde sans escale à bord du Breitling Orbiter 3, ballon exposé aujourd’hui dans le hall du célèbre Smithsonian Air and Space Museum de Washington. Cet exploit est considéré comme la dernière grande aventure du XXe siècle. Initiateur et président de Solar Impulse, Bertrand Piccard ambitionne aujourd’hui d’effectuer le premier tour du monde sans carburant, grâce à l’énergie solaire. Ambassadeur itinérant des Nations Unies, il préside la fondation humanitaire Winds of Hope, engagée dans la lutte contre les maladies oubliées qui touchent les enfants. En 2000, Bertrand Piccard est entré dans le dictionnaire Larousse, aux côtés de son père et de son grand-père.
© Francis Démange (Gamma)
Lent & DĂŠlicieux
TENDANCES I Le SLOW FOOD
Depuis sa création en 1986, le mouvement Slow Food se bat contre la malbouffe et l’ultra-standardisation de l’alimentation. Aujourd’hui portée par plus de 100 000 membres à travers le monde, cette association défend des aliments “ bons, propres et justes ”. Parce que “ le choix de ce qu’on mange oriente le monde ”. Par Estelle Spoto
Le Slow Food, c’est bien plus qu’un effet de mode, c’est un mouvement social, une communauté internationale dont les membres sont pleinement conscients que les choix que nous faisons chaque jour pour remplir notre assiette ont des conséquences sur les plans économique, écologique et même politique. Reconnue par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’association Slow Food poursuit trois objectifs principaux : la défense de la biodiversité, l’éducation au goût et le développement de liens de plus en plus étroits entre producteurs et consommateurs. Un vaste programme qui se traduit notamment par des salons alimentaires, des rencontres mondiales, des activités dans les écoles, un Prix, une Fondation, de nombreuses publications et la création d’une Université des Sciences Gastronomiques. Partie de rien, la vague Slow Food prend chaque année un peu plus d’ampleur.
Biodiversité I Slow Food lutte contre l'ultra-standardisation de notre alimentation.
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Proximité I Il s'agit de privilégier le circuit de distribution le plus court possible.
Slow Food contre Fast Life 1986. La célèbre chaîne de fast food au grand M jaune ouvre un établissement à Rome, sur la place d’Espagne, perle architecturale de la capitale italienne. Pour Carlo Petrini, c’est la goutte qui fait déborder le vase. Ce sociologue, membre du Partito di Unità Proletaria, est depuis 1977 chroniqueur spécialisé en œnologie et fondateur en 1983 d’Arcigola, une association de défense de la nourriture et des vins italiens. Au cours d’un souper, Petrini et ses amis gastronomes rédigent le manifeste du “ Slow Food ”, en réaction à l’invasion dictatoriale de la “ Fast life ” sur notre alimentation. Contre une nourriture industrialisée, dépourvue de saveur, uniformisée, irrespectueuse de l’environnement et parfois dangereuse pour la santé, les partisans du Slow Food prônent des ingrédients de qualité, locaux, élaborés par des producteurs-artisans, en harmonie avec les rythmes des saisons. Le texte déclenche de multiples réactions à travers le monde. L’association Slow Food International est officiellement créée le 9 novembre 1989, quand le manifeste de Slow food est approuvé par des délégués venus de 15 pays. L’association prend l’escargot, incarnant la lenteur et la saveur, comme symbole. Vingt ans plus tard, Slow Food compte plus de 100 000 membres et 1 300 groupes locaux, baptisés “ convivia ” (du mot latin “ convivium ” signifiant “ festin ”, “ banquet ”). En 2008, Carlo Petrini a été désigné par le quotidien britannique The Guardian comme l’une des “ 50 personnalités qui peuvent sauver la planète ”.
Carlo Petrini I Fondateur du mouvement Slow Food, désigné comme l'une des “50 personnalités qui peuvent sauver la planète”.
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Derrière chaque aliment traditionnel, savoureux et écologiquement soutenable, il y a des siècles de savoir-faire, d’intelligence et de créativité : comment courir le risque d’effacer tout cela au nom du productivisme ?
Le WWF de l’alimentation
TENDANCES I Le SLOW FOOD
Chaque jour, des espèces de fruits et de légumes, des races animales disparaissent de la planète à cause de l’uniformisation grandissante de l’alimentation mondiale. On considère que, depuis le début du siècle dernier, le continent américain a irrémédiablement perdu 93 % de ses produits agricoles. En Europe, la perte s’élève à près de 85 %. A l’exemple de Noé sauvant les animaux du déluge sur son navire, l’Arche du Goût, créée en 1996, a pour but de sauvegarder l’existence de saveurs presqu’oubliées et de produits d’excellence menacés d’extinction. A ce jour, plus de 900 aliments uniques, comme le maïs blanc Criollo d’Argentine, les noix Bunya d’Australie, la saucisse Mangalica hongroise ou le miel du volcan Wenchi en Ethiopie, ont été “ embarqués ” sur l’Arche. Dans le même objectif, Terra Madre, “ rencontre mondiale entre les Communautés Nourricières ” réunissant plus de 5000 paysans, pêcheurs, nomades et artisans provenant de 130 pays différents, a été organisée pour la première fois à Turin en octobre 2004. Pendant plusieurs jours, ces représentants d’économies locales basées sur la nourriture, l’agriculture, la tradition et la culture participent à des ateliers et à des débats et peuvent échanger leurs expériences et leurs points de vue. La quatrième édition de cet événement biennal s’est tenue du 21 au 25 octobre 2010.
Des aliments uniques I Slow Food a déjà embarqué plus de 900 produits sur son Arche du Goût.
Manger Slow Des dizaines de salons alimentaires à vocation éducative ont été mis sur pied pour renforcer les liens entre producteurs et consommateurs. Organisé parallèlement à Terra Madre, le Salone del Gusto (huitième édition en 2010) prend place tous les deux ans à Turin. Pendant cinq jours, plus de 130 000 visiteurs parcourent un gigantesque marché et ont la possibilité de rencontrer des chefs, des œnologues, des paysans, des artistes et des conférenciers issus du monde scientifique. Bra, la ville natale de Carlo Petrini, accueille tous les deux ans depuis 1997 Cheese, festival international du lait et du fromage. Slow Food organise également à Gênes depuis 2004 Slow Fish, le Salon de la pêche durable. Au fil des ans, ce type de salon a essaimé hors d’Italie : Aux Origines du Goût à Montpellier, Barossa Slow en Australie, Urban Harvest, célébrant la saison des moissons à New York, Goûter Bruxelles, Burren Slow Food festival en Irlande, Slow Food Nippon à Yokohama …
Un nombre croissant de restaurants, de l’établissement étoilé au simple snack, se rallient au mouvement. Mais comment appliquer les principes du Slow Food au quotidien ? Au niveau des ingrédients, il s’agit de privilégier les produits de saison, équitables, distribués dans des circuits les plus courts possibles (voire carrément issus de son propre potager), de mettre en valeur des aliments de qualité élaborés par des producteurs-artisans de taille modeste et respectueux de l’environnement. Ainsi, Catherine Piette, fondatrice de Karikol, le convivium Slow Food bruxellois, propose par exemple au menu de son enseigne “ Trop Bon ” un œuf cocotte au Pas de bleu de Hinkelspel, un fromage très peu connu produit près de Gand. Le snack ne dispose pas de carte imprimée puisque les produits varient en fonction des arrivages et de la qualité des récoltes. Au-delà de ces exigences parfois contraignantes de biodiversité et de protection de l’environnement, il convient de rappeler une idée essentielle du mouvement Slow Food, particulièrement chère à ses fondateurs : le plaisir ! Avec comme souhait ultime le tissage d’un lien de plus en plus étroit entre responsabilité et convivialité, entre conscientisation et gourmandise.
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Un tunique bleu au pays des chamanes …
RENCONTRE I Mœbius
Icône incomparable de la bande dessinée, inventeur de formes extraordinaires, dessinateur génial, Jean Giraud alias Mœbius est un artiste qui dépasse les limites traditionnelles de sa discipline. Exploration … Par Saâd Kettani
“ On ne peut être et avoir été ! ” Depuis plus de cinquante ans, Jean Giraud s’évertue pourtant à faire mentir l’adage. Arpenteur du quotidien, l’auteur défriche, invente, explore de nouvelles voies. Inlassablement, il réemprunte d’anciens chemins pour mieux les transformer. Signant de divers noms, son envie de dessiner ne s’est jamais tarie, même s’il affronte régulièrement ses limites. On a longtemps disserté sur la dualité de l’auteur : Gir est populaire, Mœbius * plus novateur et donc plus hermétique. Giraud s’évade dans les aventures de Blueberry tandis que Mœbius vagabonde dans un graphisme où la création n’a pas de limite. Pour l’auteur, ces deux modes de fonctionnement sont complémentaires, voire indissociables. “ J’ai deux pôles, deux gestes ”. * Jean Giraud doit son pseudo au célèbre mathématicien August Ferdinand Möbius ou Mœbius qui fut le premier à décrire un ruban doté d’une seule face.
Paris I Jean Giraud à la Fondation Cartier.
Gir I Blueberry, antihéros de légende.
Dessin préparatoire pour “Arzach” I 1975
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La chasse au Major I Mœbius 2009
Bipolarité permanente L’œuvre de Gir/Mœbius est ainsi marquée par cette bipolarité permanente. Dans Blueberry, c’est son côté besogneux, minutieux qui lui permet de raconter des histoires, de faire de l’action, de l’ambiance. Durant cette période de gestation artistique (de 1963 à 1975), l’auteur a mis en place un savoir-faire, une technique, le contrôle de la ligne, du pinceau, de la plume ... qui lui ont permis, le moment venu, de prendre son envol en tant que Mœbius. Car avec Mœbius, il y a du relâchement, du laisser-faire, du hasard, du délire, presque de la folie. Cette liberté est cependant toujours portée par un savoir-faire, un vocabulaire graphique impeccable qu’il doit en grande partie à Blueberry.
Quête métaphysique Considéré comme un auteur moderne, presque d’avantgarde, Gir/Mœbius est ainsi paradoxalement attiré par ce que la modernité a mis de côté. On pense là aux pratiques chamaniques, aux médecines douces, au don de voyance … Rien de contradictoire à ça puisque que l’auteur revendique dans sa pratique une familiarité constante avec des techniques d’ultra perception. “ Jodorowsky, avec lequel j’ai beaucoup travaillé, m’a aidé dans ma quête métaphysique et m’a fait connaître le tarot divinatoire et l’œuvre de Carlos Castaneda ”, l’anthropologue américain devenu son “ auteur de chevet ”, explique Jean Giraud. “ Pour dessiner, il a fallu que je développe le muscle de la foi … J’ai beaucoup étudié les religions, le chamanisme, lors de mon séjour au Mexique. J’ai aussi fait partie d’une secte ufologique (croyance dans les OVNI) dans les années 70 pendant 4 ou 5 ans, avec ma famille, à Paris, dans les Pyrénées, à Romorantin, Tahiti et Los Angeles ”, raconte-t-il encore, sans rien renier de cette aventure.
Mœbius “Box Office” I 1994
Jonction inéluctable Difficile dès lors pour lui de se positionner de façon radicale, ni dans un sens, ni dans l’autre. “ Je suis dans un plan médian. J’ai la conviction que la rationalité, même l’hyper rationalité scientifique, va faire la jonction avec l’hyper subjectivité prétendue de la pensée magique, ce que l’on pourrait également appeler la sorcellerie ”. Avec leurs paysages et leurs personnages en perpétuelle transformation, ses œuvres explorent les confins de l’inconscient et dévoilent un monde imaginaire et fantastique. À travers la métamorphose souvent brusque et inquiétante d’une figure, d’un décor, Mœbius révèle un monde où les apparences ne sont pas aussi stables qu’on pourrait le croire. Image extraite du film d'animation 3D “La Planète encore” I 2010
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Bio express
RENCONTRE I Mœbius
1938
Naissance de Jean Giraud alias Mœbius ou encore Gir.
1954
Le jeune Jean Giraud entre aux Arts Appliqués à l'âge de 16 ans, où il restera pendant deux ans.
1956
Publication de sa première bande dessinée : Frank et Jérémie paraît dans le magazine Far West. La même année, il quitte la France pour le Mexique, où il séjournera huit mois durant.
1963
Sous la signature de Gir, il crée avec Jean-Michel Charlier – à l’époque directeur de Pilote – la série Blueberry, qu’il poursuit après sa disparition et qui compte aujourd’hui une trentaine d’albums.
1965
Giraud retourne au Mexique et séjourne également aux Etats-Unis.
1975
Cofondateur de Métal Hurlant et de la maison d’édition Les Humanoïdes Associés, Jean Giraud développe un style unique signé Mœbius. Il y publie des œuvres révolutionnant l’aspect créatif de la bande dessinée tels que Arzach (1976) ou Le Garage hermétique (1979).
1977
Passionné de grand écran, il travaille sur le story-board de l'adaptation cinématographique du Dune de Frank Herbert, pour les costumes d'Alien de Ridley Scott (1977), pour les story-boards des Maîtres du Temps (1978) et de Tron, pour Walt Disney (1980).
1980
Création avec Alexandro Jodorowsky de la série L’Incal et participation à de nombreux projets cinématographiques.
1997
Il refonde avec sa femme Isabelle sa propre maison d’édition, Mœbius Production / Stardom, où ils éditent ensemble livres et sérigraphies consacrés à son œuvre.
2010
Sortie du tome 6 de la série Inside Mœbius et participation à de nombreuses expositions à travers le monde.
Un monde réinventé Visionnaire, cet artiste pluriel modèle son univers à la mesure de ses rêves. Un pied dans le passé, l'autre dans l'avenir, il parcourt le monde sur le fil ténu de sa vie ... d'un pas feutré et exalté. En funambule de l'existence, ses périmètres de vie gravitent ainsi autour de ses envies et de ses élans créatifs. Impénétrables et surprenants à la fois.
Rencontre I Mœbius
Paris I Bâtiment Fondation Cartier.
6e Biennale du 9e art de Cherbourg
Mœbius Multiple(s) Jusqu’au 31 décembre 2011
Suite à la fabuleuse rétrospective que lui a consacré la Fondation Cartier à Paris, le dessinateur de l’Incal et de Arzach s’expose à nouveau à la Biennale du 9e art de Cherbourg (France).
Guidée par les thèmes de la métamorphose et de la transformation, l’exposition mise sur pied par la Fondation Cartier était très judicieusement composée de deux parties distinctes. L'une s'articulait autour des personnages fétiches de l'auteur (Blueberry, le major Grubert, John Difool ...), dans leur évolution propre au cours des décennies. L'autre, plus éclatée, restituait certaines expérimentations graphiques éblouissantes, qui reflètent la fascination de Giraud pour des formes en devenir et appelées à prendre vie sous son trait, mais aussi pour l’architecture futuriste, les cristaux, la physique quantique ou l'immensité désertique. Le jeu de mots qui a présidé au titre de l'exposition ("Transe-Forme") mettait également l'accent sur les voyages intérieurs de Jean Giraud, notamment sous l'effet de champignons hallucinogènes qu'il expérimenta au Mexique.
Mœbius Multiple(s), jusqu’au 31 décembre 2011 à la Biennale du 9e art du musée de Cherbourg www.ville-cherbourg.fr/themes/culture/musees/biennale-du-9e-art/ 18
LoremRENCONTRE ipsum I La biomasse I Mœbius
Quand je suis dans la peau de Mœbius, je dessine en état de transe, j’essaye d’échapper à mon moi. Je m’auto-hypnotise avec une feuille de papier et un crayon. Je pratique la voyance, la méditation, comme cela, assis à ma table.
Fondation Cartier I 2010-2011 Vue de l'exposition Trans-Forme.
Très attendue par les aficionados, cette partie a révélé toute la richesse de cet auteur mythique. Dessins et carnets de croquis inédits ont ainsi dévoilé d'invraisemblables bestiaires et personnages incongrus (La Faune de Mars, 2006-2008), des planches originales de l'Eclosion, une séquence de dessins dans laquelle un homme se transforme en un magma informe (publiées dans Le Bandard Fou)… Tous ont contribué à montrer l'intérêt de Mœbius pour l'expérimentation graphique à la manière des surréalistes. Une série de peintures, d’aquarelles et de croquis rappellaient ainsi qu'il a également beaucoup collaboré avec le cinéma : Le 5e élément (personnage de la Diva), Alien, Le huitième passager (les costumes), Abyss (créatures sous-marines). Ce n'est d’ailleurs pas la première fois que Mœbius était invité à la Fondation Cartier. En 1999 déjà, à l'occasion de l'exposition collective '1 monde réel' qui explorait les rapports entre réalité, fiction et science-fiction, le dessinateur avait présenté quelques carnets de croquis et, surtout, créé un genre de 'happening' artistique inédit : il avait organisé une discussion en direct avec l'astronaute Jean-Pierre Haigneré depuis la station Mir.
Des œuvres inédites sur Cherbourg
Mœbius. Dessin préparatoire pour “Arzach” I 1995
Conçue en collaboration étroite avec l’artiste et sa maison d’édition, Mœbius Productions, la 6e Biennale du 9e art est une invitation au voyage au sein de l’univers onirique et protéiforme de Mœbius. À travers 200 œuvres récentes, où tirages monumentaux sont mis en regard d'une multiplicité de supports graphiques, l’exposition Mœbius Multiple(s) invite à explorer Les mondes élémentaires, portfolio présenté pour la première fois au public et conçu pour Hermès. Mœbius revisite aussi l’épopée transatlantique à Cherbourg à travers une série de trois œuvres inédites. À découvrir… 19
La biomasse, une question d'énergie ?
ENERGIE I La biomasse
“ Retrouvons la chaleur et la lumière au cœur de nos forêts et au fond de nos détritus ”. Telle pourrait être la devise de la biomasse. Derrière ce mot un peu barbare se cache une pratique utilisée depuis des siècles. Il ne désigne ni la masse biologique d'un être humain, ni le dernier super-héros de dessins animés, mais, tout simplement, une source d'énergie. Par Hervé-Jacques Poskin
La biomasse-énergie, définition On appelle biomasse l’ensemble des matières organiques, végétales ou animales, naturelles (forêts, prairies) cultivées ou utilisées sous forme de déchets. La biomasse provient principalement des déchets de différentes origines agricoles (lisier, paille, …), forestières (copeaux, écorces, …), agro-industrielles (sous-produits de sucrerie, de brasserie, …), des déchets d’industrie (papeterie, industrie du bois, …) ou encore des déchets ménagers. Ces déchets peuvent être valorisés par deux types de procédés : les transformations thermochimiques (gazéification, pyrolyse) ou la bio-méthanisation, c’est-à-dire la décomposition de la matière par des micro-organismes, avec production d’un gaz combustible : le méthane. La biomasse peut donc être valorisée de différentes manières et devenir -par exemple- source d'énergie.
(eaux usées, déjections animales) susceptibles d’être valorisés dans un processus de production d'énergie. Pour se transformer en énergie, la biomasse énergétique doit être soit brûlée (combustion), soit transformée chimiquement (biocarburant) ou par méthanisation (gaz).
Nous utiliserons cependant le terme de biomasse énergétique non seulement pour cet ensemble de matières organiques (plantes très diverses telles que le maïs et la canne à sucre, riches en carbone, des algues, le miscantus, le bois, …) mais aussi pour l'ensemble des déchets solides (industriels, agricoles ou ménagers) ou liquides
Ainsi, de manière générale, la biomasse peut générer trois formes d'énergie : de la chaleur (combustion du bois par exemple) ; de l'électricité (par l'utilisation du biogaz et de cogénération) ou des biocaburants (deux familles de biocarburants : l'huile végétale brute (colza, …) ; et l'éthanol (produit à partir de blé et de betterave).
Consommation I La biomasse exploitable pourrait, selon l’APERE, fournir 90% de la consommation énergétique mondiale.
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ENERGIE I La biomasse
Le bois I Il est utilisé depuis longtemps comme source d’énergie.
Energie renouvelable I Le maïs est une source d’énergie renouvelable permettant la production de bioéthanol, de biogaz ou encore, la production de chaleur et d’électricité par combustion.
Ensuite différents événements tous liés à une période de pénurie ou de raréfaction ont permis une renaissance “ énergétique ” de la biomasse. La seconde guerre mondiale et ses gazogènes, les crises pétrolières des années '70, '80 et 2000, le réchauffement climatique, le protocole de Kyoto, ... en sont les aiguillons.
Transformation toujours Pour rappel, distinguons les différentes formes de biomasse :
Biomasse un jour ... Tout comme l'eau ou l'air, la biomasse est utilisée par l’homme depuis la nuit des temps sans parfois la nommer. Ainsi dans la préhistoire, les premiers êtres humains se chauffaient, s'éclairaient souvent grâce à la combustion du bois. Cette source de chaleur et de lumière universelle est encore aujourd'hui largement utilisée. Selon la FAO, en 2007, 53 % du bois coupé dans le monde étaient encore destinés au chauffage. Plus précisément, ce taux était de 8 % en Amérique du Nord, 21 % en Europe, 53 % en Amérique du sud, 77 % en Asie et 90 % en Afrique. Plus près de nous, les premières machines à vapeur, précurseurs du développement de notre révolution industrielle, utilisaient entre autre le bois comme combustible. Et dès 1853, la transformation d’une huile végétale en biodiesel fut réalisée par les scientifiques E. Duffy et J. Patrick. N'ayant pas trouvé d'application solide pour la production, il faut attendre la fin du XIXème siècle et l'invention du moteur à l'huile végétale (d'arachide) par l'inventeur allemand Rudoph DIESEL pour en mesurer l'intérêt. 22
> Solide (bois, paille), > Liquide (huiles végétales, bioalcool), > Gazeux (biogaz). L'humidité interne de ces types (de sèche à humide) va déterminer les techniques à utiliser afin de produire l'énergie. Ainsi, à côté de la production des biocarburants réalisés chimiquement, on parle de voie sèche et de voie humide. La voie sèche regroupe les technologies de la combustion, de la gazéification et de la pyrolyse. Quant à la voie humide, elle regroupe pour des raisons d'efficacité et de rendement l'ensemble des techniques liées à la biométhanisation (production de biogaz). Le biogaz est un gaz riche en méthane et à haute valeur calorifique. Brûlé dans une chaudière, il permet la production de chaleur. S'il est utilisé comme combustible dans un moteur à combustion interne, il produit de l'électricité. En utilisant le procédé de cogénération, chaleur et électricité peuvent être obtenues. Petit bonus, les déchets liés à cette biométhanisation seront utilisés en agriculture comme amendement organique en fonction de leur composition chimique et de leurs éventuelles teneurs en métaux lourds ou contaminants.
Biomasse solide : à la hausse toute ! La crise économique et financière n’a pas eu raison de la croissance de l’énergie issue de la biomasse solide qui comprend le bois et ses déchets ainsi que les déchets et matières végétales et animales. La production d’énergie primaire a ainsi augmenté, en 2008 (derniers chiffres disponibles), de 2,3 % dans les pays de l’Union européenne, soit un gain de 1,5 million de tonnes équivalent pétrole (tep) par rapport à l’exercice précédent. Elle atteint ainsi 68,7 Mtep. Cette croissance a particulièrement profité à la production d’électricité qui a crû de 10,8 % par rapport à 2007, soit un gain de 5,6 TWh.
L’impact de la biomasse sur l’environnement est nul puisque le CO2 émis par sa combustion est à nouveau absorbé par les plantes pour produire de la biomasse. Il ne contribue donc pas à l'effet de serre. Les déchets I Une valorisation possible des immondices.
La COMBUSTION et autres techniques Comme cité plus haut, la plus ancienne façon d'utilisation de la biomasse est la combustion. Dans ce cas, la production de chaleur se fait par l'oxydation du combustible en présence d'air. Le combustible le plus connu et le plus ancien est le bien sûr le bois. En Europe, le foyer ouvert peu rentable (rendement de moins de 10 % ne pouvant être considéré comme type de chauffage) a fait place aux foyers et chaudières modernes. Les recherches menées par les fabricants ont permis de progresser à pas de géant en termes de technique et garantissent des performances et rendements notoires. A côté de cette évolution technologique, le design a permis une intégration dans l'habitat moderne. Nous sommes loin du vieux poêle peu performant, sans esthétisme de nos grands-parents. A noter que la combustion en cogénération dans des chaudières modernes permet également la production d'électricité et de chaleur. Autre technique ; la gazéification permet dans un “ gazogène ” (puissant d'une dizaine de kWe à quelques MWe) la transformation complète de la matière solide (hors cendres), en un gaz combustible qui produit l’énergie mécanique ou l’électricité. La pyrolyse, enfin, permet la production à la fois de charbon de bois, d'huile pyrolytique et de gaz combustible.
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La biomasse et ses atouts Les atouts de la biomasse s'avèrent très convaincants. En effet, il s'agit d'une matière première renouvelable résultant de l’exploitation forestière, agricole ou humaine. Contrairement aux matières fossiles, elle peut être générée indéfiniment en respectant une gestion durable des ressources. Elle peut être produite localement, évitant ainsi les longs transports tout en favorisant l'emploi local. Le bilan CO2 est neutre car, pendant sa croissance, la plante absorbe par la photosynthèse le CO2. C'est l'effet puits de carbone. Lors de son utilisation, peu d'émission de CO2 vu le cycle court entre l'absorption et le rejet. Ce qui n'est pas le cas pour le pétrole.
En effet, l'absorption du CO2 s'est effectuée il y a plusieurs millénaires et son rejet par utilisation augmente son volume global. Les produits issus de la biomasse sont généralement moins, voire non toxiques et non-allergisants. La biomasse est propre en se biodégradant rapidement, sans laisser de résidus toxiques. Elle permet aussi une double rentabilisation par l'optimisation des déchets de l'agriculture notamment. Recourir à la biomasse permet aussi la diminution d'autres énergies plus polluantes.
L'utilisation de biodiesel permet une réduction significative des émissions de monoxyde de carbone et d'hydrocarbures allant jusque 73 % Biocarburant : une essence sans pétrole Il existe deux types de biocarburants : le bioéthanol et le biodiesel. Le bioéthanol s’obtient en usine, synthèse de l'éthanol issu de l'action de la levure sur le sucre. Il est obtenu à partir de végétaux tels que la betterave, la canne à sucre, la céréale ou pomme de terre. Pour obtenir du biodiesel, on procède au raffinage de l'huile brute issue de la pression et l’extraction de plante oléagineuse (tournesol, colza, ...). Pour le colza, le rendement est de 1,5 tonne de carburant produit par hectare. L'utilisation de biodiesel permet une réduction significative des émissions de monoxyde de carbone et d'hydrocarbures allant jusque 73 %. Cependant, la production de biocaburants, vu leurs rendements et l'espace agricole accaparé pour leur culture, ne consiste pas en LA solution au remplacement du pétrole. Il faut intégrer leur utilisation dans le contexte global de diversification des sources d'énergies.
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ENERGIE I la biomasse
Le bois et son rendement Si le choix du bois est important, le choix du foyer, poêle ou chaudière doit être fonction des besoins (source principale ou complémentaire de chaleur, fonction d'agrément, du volume de chauffe, …), des rendements et performances, du plaisir de la flamme et du design. Le dégré d’humidité a également son importance : plus un bois est sec (taux d’humidité inférieur à 20 %), mieux il brûle. Ainsi, le simple passage d'un appareil de chauffage d’un rendement de 50 % à un rendement de 70 % permet d’économiser près de 30 % de bois (source ADEME). Tout bénéfice, à la fois pour l'utilisateur et pour la planète.
Risque de déforestation des forêts européennes ? En Europe, l’utilisation du bois-énergie aide à la bonne gestion des forêts. Il permet d'utiliser des sous-produits et, en donnant une valeur au sous-produit, assure une valorisation de nos forêts. Par ailleurs, la forêt européenne a augmenté depuis plus d'un siècle. Selon la FAO, les forêts d’Europe progressent au rythme de 360 Mm3 par an, dont seulement 2/3 sont exploitées. Cette constatation varie selon les zones géographiques d’Europe (pays nordiques (Danemark, Finlande, Norvège, Suèdes), pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie), Europe centrale – propriétaires pas organisés), Europe de l’Ouest (France , Autriche, Allemagne), Europe du Sud (Portugal).
Quel bois brûler ? Il existe 2 grandes familles de bois : les feuillus (arbres à feuilles) et les résineux (sapins, épicéas, Douglas, mélèzes, ...). Selon leur densité, les feuillus peuvent être divisés en feuillus durs (chênes, frênes, charmes, arbres fruitiers ...) et tendres (peupliers, bouleaux, aulnes, ...). Les feuillus durs sont traditionnellement plus recommandé dans le chauffage domestique. Les tendres et résineux brûlent plus vite mais permettent une montée rapide en température. Cependant, le bois contenant de la résine est à éviter car il va encrasser plus rapidement la cheminée (dépôts de goudron), ce qui provoque un risque accru de feu de cheminée. Par ailleurs, les résineux se consomment plus vite que les feuillus et ont donc un rendement moindre. Le hêtre est souvent présenté comme le bois de chauffage idéal. On utilise le bois sous forme de bûches, de plaquettes ou de pellets (granulés).
Les feuillus durs Le chêne a une valeur combustible élevée.
Les feuillus tendres Le bouleau permet une montée en température plus rapide.
Les résineux Ce type de bois est peu recommandé pour une utilisation dans les foyers.
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Cradle to Cradle
STUV magazine I Cradle TO Cradle
Du berceau au berceau, en anglais Cradle to Cradle, aussi abrégé en C2C, ou encore éco-conception, est un concept d'éthique ou de philosophie de la production industrielle qui intègre, à tous les niveaux, (de la conception jusqu’au recyclage du produit en passant par la production), une exigence écologique dont le principe est zéro pollution et 100 % recyclage. En simplifiant à l’extrême, un produit fabriqué doit pouvoir, une fois recyclé, produire à nouveau le même produit. Par Admon Wajnblum
Raréfaction des réserves de combustibles fossiles, émissions dramatiques de gaz à effet de serre, pollution du sol, de l’air et des eaux, amoncellement de déchets, on en passe et des pires. La longue litanie du mal que les activités humaines infligent à la planète est aussi impressionnante que suicidaire. Exactement comme si on saccageait à dessein sa propre maison … Pourtant, des solutions existent pour atténuer notre empreinte environnementale. Le Cradle to Cradle est le dernier né des concepts en vogue. Révolutionnaire dans son propos, il séduit de nombreux entrepreneurs et pourrait bien être notre ultime planche de salut. Mis au point par le chimiste allemand Michael Braungart et l'architecte américain William McDonough, le concept C2C diffère radicalement des courants plus connus de l’écologie : loin d’une approche “décroissante ”, les concepteurs de la méthode défendent, en effet, une consommation “ intelligente ”, fondée sur la réutilisation permanente des matières et des objets. Tous deux préconisent une empreinte écologique “ positive ”, à travers une philosophie d’éco-conception qui consiste à penser le produit dès l’origine pour lui donner ensuite plusieurs vies. Et idéalement, le réutiliser à l’infini, y compris pour d’autres usages que sa fonction initiale. Avec le Cradle to Cradle, tout ce qu’on produit peut s’avérer positif pour l’environnement et ce, de deux manière différentes : soit sous forme de nutriment biologique, soit sous forme de nutriment technique.
C2C I Ce concept prône une consommation “ intelligente ”, basée sur la réutilisation permanente des matières et des objets.
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Bas Dim I Le fabricant Dim développe actuellement des bas entièrement biodégradables…
Le recyclage à l’infini
Et tout retourne à la terre En clair, un nutriment biologique est un matériau ou un produit qui est conçu pour réintégrer le cycle biologique. Exactement comme dans le monde naturel où tout retourne à la terre pour redevenir humus et perpétuer le grand cycle de la vie. Ces produits sont donc appelés à être consommés par les micro-organismes du sol et par d’autres animaux. On considère que pas loin de 50 % du volume de déchets solides au niveau mondial pourrait ainsi servir de nutriment biologique pour peu que ces produits soient composés de matériaux susceptibles de se biodégrader sans risque après usage. Il appartient dès lors aux fabricants d’exiger de leurs fournisseurs des matières premières pouvant se décomposer en sécurité et/ou être utilisées comme engrais. A titre d’exemples, les semelles des chaussures pourraient se dégrader pour enrichir l’environnement ou les savons et autres produits nettoyants liquides pourraient être conçus comme nutriments biologiques. La société Dim a ainsi conçu des bas “ compostables ” après usage en renonçant aux polyamides et teintures conventionnelles au profit de matières premières plus naturelles …
Les produits qui ne sont pas conçus pour être compostés peuvent, en revanche, soit réintégrer le cycle technique, soit être recyclables à 100 % de manière à fournir un produit qui présente exactement les mêmes caractéristiques que le produit initial dont ils sont issus. Tout le contraire de ce qui se fait actuellement. Ainsi, quand une automobile est mise à la casse, l’acier de ses composants est recyclé en un amalgame de toutes ses pièces en acier mélangé à divers alliages d’acier issus d’autres produits. La voiture est écrasée, pressée, et traitée de telle manière que l’acier hautement ductile de la carrosserie et l’acier inoxydable sont fondus ensemble avec diverses autres ferrailles et matériaux, ce qui altère la qualité initiale de ces métaux et restreint drastiquement leur usage futur. Dans ce cas de figure, cet acier recyclé, ayant perdu une grande part de ses propriétés, ne peut plus être utilisé pour faire des carrosseries de voiture par exemple. Selon le principe du C2C, les métaux doivent être fondus avec des métaux identiques de manière à maintenir leur qualité et propriété initiale ; idem pour les plastiques ou tout autre matériau. Dans cette optique, le concept Cradle to Cradle prône la “ démontabilité ”, à savoir que tous les matériaux doivent être “ séparables ”. En l’occurrence, il est impératif que tous les éléments qui constituent un produit puissent être isolés et récupérés de manière à être recyclés indépendamment les uns des autres pour fournir, in fine, des produits possédant exactement les mêmes propriétés. Une manière de procéder qui implique de la part des fournisseurs, fabricants ou concepteurs de prendre cette donnée en ligne de compte dès la conception du produit quel qu’il soit.
Un leasing à long terme Un autre postulat du C2C est que les produits de consommation ne sont pas destinés à durer plus longtemps que nécessaire. De fait, pourquoi l’industrie devrait-elle fabriquer des produits qui durent au-delà d’un certain temps ? Il en va de même dans la nature où chaque organisme est destiné à vivre un temps donné avant de disparaître … et de réapparaître sous une autre forme. Le concept de Cradle to
1987 I Bill Mc Donough et Michael Braugart, initiateurs du concept C2C avaient prédit à l’époque que “ La prochaine révolution consacrera l’abolition de la notion même de déchet. ”
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stuv magazine I Cradle TO Cradle
Il est impératif que tous les éléments qui constituent un produit puissent être isolés et récupérés de manière à être recyclés indépendamment les uns des autres pour fournir, in fine, des produits possédant exactement les mêmes propriétés.
Cradle induit ainsi la notion de “ produit de service ”. De fait, plutôt que de fabriquer des produits destinés à être achetés, possédés, et jetés par les consommateurs, on pourrait imaginer que ces produits soient conçus comme des services dont les gens pourraient profiter pendant un temps donné. Dans ce scénario, les clients pourraient acheter le service d’un produit donné pour une période d’utilisation définie – dix mille heures de télévision ou d’ordinateur plutôt qu’une télévision elle-même ; 200 000 km d’une voiture plutôt que la voiture elle-même, etc. Et une fois que le client en a terminé avec le produit ou quand il est tout simplement désireux de passer à une nouvelle version, le fabricant se chargerait de le remplacer, reprenant le vieux modèle, le démontant, et utilisant ses matériaux complexes comme nourriture pour de nouveaux produits. A charge pour le client de ramener son matériel usagé ou dépassé. De leur côté, les fabricants continueraient de grandir et de se développer tout en conservant ad vitam la propriété de leurs matériaux.
Des entrepreneurs déculpabilisés Dans ce scénario, les consommateurs pourraient satisfaire leur appétit pour les nouveaux produits aussi souvent qu’ils le désirent, sans culpabilité aucune, et l’industrie pourrait les y encourager en toute impunité, sachant que ce faisant, les deux parties soutiennent le métabolisme technique. Cette notion de “ déculpabilisation ” est pour beaucoup dans l’engouement des entrepreneurs pour le concept de C2C. Contrairement au principe de développement durable qui induit de produire moins, le Cradle to Cradle permet aux industriels de produire sans se sentir coupable pour peu, bien sûr, que leurs produits et/ou services répondent aux impératifs énoncés ci-dessus. 29
Croissance ou décroissance, telle est la quesTion Reste une question : est-ce que ce modèle est bien la panacée ? En tout cas, il est bien loin d’un autre modèle de développement durable qui est celui prôné par les partisans de la “ décroissance ”. Il est en effet permis de se demander si le concept de Cradle to Cradle n’encourage pas le consommateur impénitent qui sommeille en chacun de nous de consommer jusqu’à plus soif. Une manière de fonctionner qui a pourtant montré toutes ses limites en amenant notre planète jusqu’au point de rupture. Dans quelle mesure ne serait-il pas plus sage d’éduquer nos concitoyens à en revenir à plus de retenue ? Est-il vraiment utile de posséder un ordinateur par personne dans chaque famille ? Sommes-nous vraiment plus heureux de posséder un tas de choses qui ne contribuent qu’à notre bien-être matériel ? Autant de questions qui méritent d’être posées.
Recyclage I La fabrication de 1 kg de papier 100 % recyclé permet une économie d’électricité de 1,5kw/h par rapport à un papier fabriqué à partir de pâte à bois.
Avec le Cradle to Cradle, tout ce qu’on produit peut s’avérer positif pour l’environnement et ce, de deux manières différentes : soit sous forme de nutriment biologique, soit sous forme de nutriment technique. Une simple question de pragmatisme
Label I On retrouve le label C2C sur les produits qui s'efforcent à être écologiquement neutres.
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A cet égard, entrepreneurs et industriels ont déjà, en grande partie, choisi leur camp. Aux Etats-Unis, un pays où les pouvoirs publics se montrent particulièrement frileux en matière de développement durable, le secteur privé adhère en masse au concept de Cradle to Cradle dans lequel il voit un “ business model ”. Une simple question de pragmatisme. Idem en Chine où le concept C2C est accueilli les bras ouverts. Et pour cause, devant la hausse rapide du niveau de vie de ses habitants, la Chine va devoir utiliser des trésors d’ingéniosité si elle ne veut pas épuiser son sol – déjà passablement pollué – pour loger 400 millions de personnes désireuses d’accéder à l’habitat individuel. Ainsi, afin de construire d’ici 7 ans les quelques 200 millions de logements nécessaires (soit l’équivalent de six villes nouvelles !), l’Association chinoise du bâtiment s’est engagée résolument dans la démarche C2C.
Bâtiment C2C : on en mangerait Le secteur de la construction, précisément, est l’un des plus intéressés par le concept C2C. Et pour cause : outre le fait que le bâtiment est – avec le transport routier – l’un des secteurs d’activités les plus “ énergivores ” (environ 40 % de la facture énergétique globale de l’UE !), il génère également des monceaux de déchets dont la plupart ne sont pas recyclables. A cet égard, le titanesque chantier chinois qui se profile a dopé la recherche et le développement de nouveaux produits. Ainsi, l’Association chinoise du bâtiment a déjà pris contact avec la firme allemande BASF pour concevoir des matériaux de construction sans danger pour l’environnement, comme un polystyrène de BASF qui ne contient aucun produit chimique dangereux et qui peut servir pour construire des murs solides, légers et très isolants. Si l’on en croit William McDonough, un bâtiment ainsi équipé pourrait être chauffé et rafraîchi pour presque rien. Des bâtiments constitués de matériaux portant le label C2C permettraient également de juguler la problématique des pollutions intérieures. “ Il est de notoriété publique que l’air intérieur – qu’il s’agisse de logements unifamiliaux ou d’immeubles de bureaux – est trois à quatre fois plus pollué que l’air extérieur ! ”, souligne Steven Beckers, architecte associé de l’agence Art & Build, un bureau d’architecture qui dispose de bureaux à Bruxelles, Paris, Toulouse et Luxembourg. “ Cette pollution intérieure est directement liée aux matériaux de construction, lesquels contiennent de (trop) nombreuses substances nocives pour la santé humaine avec, à la clé, le développement d’allergies directement imputables aux matériaux de construction. Au point que c’est devenu un véritable problème de santé publique. Il en va donc de notre responsabilité d’architecte que de choisir des matériaux sains ”. Beaucoup de peintures contiennent encore des composés organiques volatiles (COV) et de ce fait libèrent des toxines dans l’air pendant des années après leur application. Dans le droit fil de l’essor de l’éco-construction, des éco-concepteurs collaborent aujourd’hui avec les industriels à la mise au point de peintures sans COV, respectueuses de l’environnement et de la santé.
Cradle to Cradle : un concept qui fédère par delà les frontières SNCF, Bouygues, Danone, Décathlon, Alstom, Dim (qui est en train de concevoir un collant biodégradable), Ford (qui a consacré 2 milliards de dollars à l’assainissement de River Rouge, sa plus grosse usine basée dans le Michigan où le bâtiment a été pourvu d’une gigantesque toiture végétalisée), Nike (qui récupère le caoutchouc de vieilles baskets pour le réinjecter dans des pistes de stades), Steelcase (qui propose du mobilier de bureau sans PVC – le chlorure de polyvinyle – omniprésent dans les matériaux de construction et banni dans tout produit certifié C2C), etc. Des dizaines de firmes de par le monde, qu’il s’agisse de très petites entreprises (TPE) ou de multinationales ne cessent de grossir le flot d’adeptes du C2C. De bon augure pour une planète au bord de l’asphyxie.
NIKE I La marque récupère le caoutchouc de ses chaussures usagées pour les revêtements de pistes d'athlétisme.
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Web 3.0
Société I Web 3.0
Web 3.0*, Smartphones, IPad… Nomade et résolument interactif, Internet est en passe d’opérer une nouvelle révolution… Pour les sociologues, ces nouvelles formes de sociabilité ne sont que de pures déclinaisons de réflexes tribaux archaïques. Pour les entreprises par contre, elles modifient intégralement nos comportements d’achat. Eclairage sur les enjeux d’une nouvelle manière de vivre son temps. Par Saâd Kettani
Quand internet fait sa révolution ! Sur les blogs, les réseaux sociaux virtuels ou les médias participatifs, des groupes variés se créent, s’organisent, échangent, débattent ou s’ignorent à l’échelle planétaire. Pour les chercheurs et les sociologues, ces nouvelles formes de sociabilité ne sont que de pures déclinaisons de réflexes tribaux archaïques. Pour les entreprises par contre, cette communication interactive et mobile modifie intégralement nos comportements d’achat. Les chiffres sont sans appel : plus de 85 % du contenu du Net est désormais généré par les Internautes, reléguant les médias traditionnels au rang d’acteurs de second plan. Présente aux quatre coins du monde, cette toile informelle 3.0 s’étend en effet sur plus de 50 millions de blogs actifs et plusieurs centaines de milliers de forums et autres réseaux sociaux. C’est que la plupart de ces plateformes Web intègrent dans leur structure des dynamiques relationnelles de réseau social couplées à un partage des contenus. Et si Flickr, Wikipedia, MySpace, Facebook, Bebo, Twitter, AgoraVox, YouTube, Dailymotion… n’ont pas tous les mêmes fonctions ni les mêmes usages, ils s’appuient tous sur un même principe, celui d’utiliser la force d’inertie de la participation et des relations entre internautes pour croître. En clair, ces canaux sont utilisés pour produire, valider, trier, sélectionner l’information, ou pour se créer, se constituer un cercle d’amis ou professionnel, pour rester en contact avec ses connaissances…
Réseaux sociaux I Pour une nouvelle sociabilité mondiale.
* Le Web 3.0 est synonyme d'activités commerciales, sociales et récréatives, en tout lieu et tout moment, à l'aide de réseaux rapides, fiables et sûrs. Il met fin à la distinction entre connexions mobiles et fixes et annonce une multiplication par dix de la portée de l'univers numérique d'ici à 2015.
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L’avènement des nouvelles tribus Une observation attentive de ces nouveaux moyens de communiquer montre qu’Internet exacerbe les communautés de pensées. Chaque individu se retrouve dans des univers indépendants les uns des autres – loisirs, information, jeux, altermondialisme… Tous projettent leurs images et leurs volontés via des “ avatars ” * et s’intègrent dans des tribus. La caractéristique principale de ce réseau est telle que chaque internaute a le sentiment d’être le point central autour duquel le reste évolue. Et chaque individu tisse son réseau à partir de ses centres d’intérêts et de ses valeurs. Ainsi, si des internautes sont “ fiers ” de voir leurs opinions publiées sur leur blog préféré, ils ne supporteront pas le fait que certains critiquent ou s’amusent dans leur média. Cela leur paraîtrait comme une insulte à leur sentiment d'appartenance à ce club. Deux sentiments permettent la cohésion interne propre aux tribus : la fierté et la honte. La fierté est étroitement liée à l’appartenance : le blogueur par exemple qui aura dévoilé une vidéo buzz à l’ensemble de ses amis qui l’approuvent ressentira un sentiment de fierté et d’appartenance au groupe. A contrario, chaque membre doit être crédible au sein du groupe sous peine d’être exclu et d’en avoir honte.
Plus de 85 % du contenu du Net est désormais généré par les Internautes, reléguant les médias traditionnels au rang d’acteurs de second plan.
* Un avatar est la représentation informatique d'un internaute, que ce soit sous forme 2D, (sur les forums et dans les logiciels de messagerie) ou sous forme 3D (dans les jeux vidéo, par exemple). Le mot avatar est issu de la tradition hindoue où il désigne l'incarnation d'une divinité sur terre.
Facebook à terre dans 5 ans ! Dans moins d’un lustre, Facebook aura vécu. C’est en tout cas ce que prédit Jeffrey Cole, directeur du Digital Future Center de l'université de Caroline du Sud. Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue en Australie, le gourou des NTIC * n’a pas hésité à lancer cette funeste prévision. Effet d’annonce ou prédiction crédible ? Pour les internautes avertis, l’info est digne de foi car les avis de cet expert en matière d’internet se sont toujours révélés exacts.
Nouveaux supports de communication I Facebook accessible via iPad, une nouvelle manière de vivre le Web 3.0.
C’est lui en effet qui avait prédit, bien avant les autres, la descente aux enfers des plateformes MySpace ou de Bebo. En 2006 déjà, il prévoyait la fin de MySpace dans les quatre ans à venir. Aujourd'hui, les dirigeants du site viennent d’annoncer une baisse flagrante de son nombre d’utilisateurs. Plus alarmant, il prévoit le même sort à la presse papier, en évoquant la “ mort ” des quotidiens américains d'ici 5 ans. En contrepartie, l’iPad aurait un bel avenir devant lui. Jeffrey Cole a ainsi expliqué que la tablette d'Apple était peut-être “ la meilleure chose qui soit arrivée aux journaux en 100 ans ”. * Nouvelles technologies de l'information et de la communication.
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Société I Web 3.0
Effet de groupe Lors d’une récente conférence de presse, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, était interrogé par une journaliste. De nombreuses personnes qui assistaient à la conférence n’étaient pas satisfaites des questions posées par la journaliste et le faisaient savoir de manière intempestive. Il se fait que toutes ces personnes communiquaient entre elles via leur Smartphone et l’outil de micro-blogging Twitter. Ainsi chaque personne isolée qui bénéficiait de Twitter connaissait en temps réel le sentiment des autres personnes : ce qui a créé une “ humeur ” collective de l’assistance. Celle-ci évoluait au fur et à mesure de l’entretien et, versatile, passait par des exaltations de mécontentement ou de contentement beaucoup plus fortes que si les individus n’étaient pas reliés entre eux. Les personnes qui n’avaient pas accès à Twitter ne comprenaient pas pourquoi l’humeur de l’assistance évoluait. Cet exemple illustre parfaitement l’influence que peut avoir l’utilisation d’un outil de micro-blogging sur les comportements de “ bande ”. Un fort sentiment d’appartenance à cette assistance a rassemblé et soudé les individus qui se sont “ ligués ” contre la journaliste. Dans cette dynamique, la peur et la haine de l’autre sont ainsi des liants très puissants et sont en fait utilisés pour faire face à la menace des tribus voisines. N’oublions pas que chaque tribu lutte pour sa survie et quand elle le peut, essaiera d’étendre son territoire. De “ Cromagnon ” à Bill Gate, l’histoire semble se répéter, inlassablement…
Consommation : Les Smartphones en première ligne En situation de mobilité, les réseaux sociaux et l'email ont décidément le vent en poupe. De nos jours, plus de 50 % des détenteurs de téléphones portables utilisent l'Internet mobile. Près de 65 % des internautes utilisent au moins 1 réseau social comme Facebook ou Twitter. 60 % des détenteurs de Smartphones accèdent aux réseaux sociaux via leur navigateur mobile. Des chiffres qui interpellent.
Smartphone I BlackBerry et iPhone au service de l'internet mobile.
C’est un fait ! Le haut débit a introduit de nouvelles dimensions dans nos vies. Pour les entreprises, cela signifie des gains de productivité, la capacité de s’informer et de décider rapidement là où auparavant l’accès à l’information pouvait prendre des heures, voire des jours entiers. Plus encore, les entreprises ont la possibilité de se rapprocher de leurs consommateurs, de les associer encore plus étroitement à la conception et à la commercialisation des produits mais aussi en retour d’améliorer la qualité et la précision des services grâce au feedback instantané et parfois sans mansuétude de ces derniers. Dans cet esprit, l'arrivée de l'iPhone et du BlackBerry a profondément modifié les usages des consommateurs. 46 % des détenteurs de Smartphones recherchent des informations sur un produit/service via mobile et 25 % ont acheté au moins 1 fois un produit sur mobile. Les “ mobinautes ” sont à la recherche de bons de réductions, offres promotionnelles, relevés de points de fidélité, disponibilité des produits en magasin, suivi des commandes. Quelle leçon tirer de cette évolution ? Que la crise économique qui a durement sévi en 2009 et 2010 (et qui perdure encore), ne doit pas occulter le formidable potentiel encore largement inexploré que le haut débit peut apporter. D'ici à 2014, il existerait plus de Smartphones que d'ordinateurs et d'ici à 2015, il existerait plus de connexions via l'Internet mobile que via l'Internet fixe. Les experts sont dès lors convaincus qu’en 2020, nous ne parlerons plus de 4 milliards d’abonnés mobiles comme à l’heure actuelle mais de 50 milliards d’objets connectés. Tout sera inter-connecté ! Car tout est désormais en place pour entrer dans une nouvelle ère du haut débit : réseaux LTE/4G, fibre optique, convergence et transformation tout-IP des réseaux, Internet mobile. Affaire à suivre… 35
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M A G A Z I N E
D ’ U N
M O N D E
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Magazine 03 2011 I N N O V E
La biomasse Une question d’énergie ?
Cradle to Cradle Quand la consommation devient “soutenable”
Web 3.0.
Internet fait sa révolution
Côté pile, un magazine de tendances qui expriment bien l’état d’esprit de la société Stûv. Un esprit d’innovation qui s’enrichit de nouvelles valeurs montantes, écologie, architecture, art, confort, environnement, dans un déferlement foisonnant d’idées, de formes et de matières que l’on retrouve dans le catalogue, côté face.
Catalogue 03 2011
Un état d’esprit
Côté pile, un magazine de tendances qui expriment bien l’état d’esprit de la société Stûv. Un esprit d’innovation qui s’enrichit de nouvelles valeurs montantes, écologie, architecture, art, confort, environnement, dans un déferlement foisonnant d’idées, de formes et de matières que l’on retrouve dans le catalogue, côté face.
St没v Catalogue
S E P T E M B R E 2 0 11
St没v Magazine