L’interface processus/produit. Regards croisés sur l’écrit(ure) ANR Ecritures <http://www.univ-paris3.fr/anr-ecritures-96530.kjsp>
On peut envisager l'écriture sous deux angles, parfois distingués, parfois confondus : l'écriture comme processus et l'écriture comme produit. Ces aspects sont l'objet de disciplines multiples: la psychologie cognitive, la génétique ou l'anthropologie appréhendent l'écriture en tant que processus - en portant sur celui-ci des regards très différents ; l'analyse de discours ou la linguistique textuelle traitent du produit, le texte ou discours écrit. On peut aussi tenter de saisir l'interface entre l’écriture comme production et l’écriture comme produit, en faisant dialoguer les différentes approches et en favorisant les croisement disciplinaires. Dans quelle mesure les observations de ceux qui travaillent sur l’écriture (production) ont-elles une pertinence dans le cadre des disciplines linguistiques ou interprétatives qui interrogent le fonctionnement de l’écrit (produit), et vice-versa ? Quel que soit l'angle choisi, des questionnements transversaux sont cependant régulièrement formulés, et plusieurs travaux interrogent le lien entre les deux versants, ou visent à établir un lien entre les deux. La pragmatique de l'écrit développée dans Perrin (éd.) (2003) est exemplaire d'une telle démarche d'articulation, qui confronte les intentions communicationnelles explicites ou supposées aux stratégies d'écriture réellement observées in situ. Sous l'angle du parcours longitudinal complexe ou sous l'angle de la dynamique s'inscrivant dans une temporalité (le temps réel de l'écriture, par exemple) et révélant la "mise en texte", le processus peut intégrer des dimensions aussi variées que le contexte (social, culturel, historique, matériel) de production, les pratiques d'écriture en tant qu'inscrites dans des pratiques socio-cognitives - des courants comme la Literacy et l'anthropologie de l'écrit contribuent grandement à appréhender les pratiques et à ancrer l'écrit dans un contexte demandant à être interprété (Barton & Papen éds 2010, Fraenkel 2007) - les étapes du processus d'écriture, avec les phases de rédaction et de révision, par exemple (Fuchs et al. 1987), les opérations mentales telles que stipulées par la psychologie cognitive (voir Alamargot & Chanquoi 2001 pour une synthèse), l'écriture en temps réel, enregistrée grâce à des logiciels de suivi de rédaction (Leijten & Van Waes 2006), etc. Deux grandes questions semblent sous-tendre la mise en relation du texte et du processus de production, celle de l'interprétation, où le processus d'écriture est doté d'un pouvoir explicatif, et celle des contraintes, dont le potentiel explicatif n'est pas négligeable, mais dont la portée centrale semble être la saisie de la complexité de l'activité d'écriture puisqu'intégrant les dimensions temporelle, textuelle (le texte déjà-là ou encore la qualité même du texte), mémorielle, visuospatiale, neurocognitive, etc. (cf. Olive et al. 2008, Plane et al. éds 2010, Van Weijen et al. 2008). L'étude des contraintes d'écriture permet de faire dialoguer linguistique et psychologie, l'activité mentale étant confrontée à la matérialité linguistique et la textualité dont l'écrit produit est constitué.