Fédération Suisse des Sourds SGB-FSS
Novembre 2019
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Comment parle-t-on dans les familles sourdes? Diagnostic: votre enfant est sourd
Gian Reto Janki, enseignant à domicile, Fédération Suisse des Sourds
Après le choc, c’est un nouveau monde qui s’ouvre
«C’est émouvant de voir les enfants sourds exprimer leurs sentiments.»
«Après le choc, un nouveau monde s’est ouvert devant
S’exprimer et comprendre, se sentir en sécurité et se développer: c’est pour chaque famille a besoin d’une langue. Les familles avec des enfants sourds d trouver une langue commune. La langue des signes est celle qui convient le Christen et Simon Bolliger, dont le fils d’un an Jonas est fortement malenten convaincus. Véronique Murk Responsable de la prise en charge précoce auprès de la Fédération Suisse des Sourds
La prise en charge précoce des enfants – essentielle pour la vie entière Que serait une personne sans langue? La langue des sourds est la langue des signes. Elle nous permet de nous comprendre, elle nous ouvre les portes de notre communauté et de notre culture. Un enfant sourd ou malentendant devrait donc apprendre la langue des signes le plus tôt possible – dans l’idéal en même temps que les membres entendants de sa famille. La langue des signes devient ainsi la langue familiale commune et permet la compréhension mutuelle. Par ailleurs, le développement émotionnel de l’enfant est favorisé lorsqu’il peut s’exprimer dans sa langue naturelle et visuelle. Nos cours à domicile, faisant l’objet de la présente édition d’«écoutez», garantissent la communication en famille. Mais comme il existe aussi un monde en dehors de la famille, l’enfant sourd devrait également apprendre la langue parlée. Il le fera plus facilement s’il a déjà recours à la langue des signes. Il pourra ainsi s’exprimer avec assurance dans chaque situation et participer à tous les aspects de la vie. La Fédération Suisse des Sourds s’engage pour rendre accessible et favoriser le bilinguisme dès le plus jeune âge. Je vous remercie de tout cœur de votre soutien.
Véronique Murk (sourde)
Sibylle et Simon nous ont invités chez eux un dimanche après-midi. Le cours de langue des signes – leur future langue familiale – qu’ils suivent avec d’autres membres de la famille est sur le point de commencer. Mais avant cela, ils nous parlent de leurs expériences liées à la surdité de leur fils d’un an. Simon commence: «Nous avons appris que Jonas était fortement malentendant peu après sa naissance. Dans un premier temps, le diagnostic a été un choc. Nous avons ensuite fait des recherches sur le thème de la surdité et avons rapidement réalisé ce qui nous attendait, Jonas et nous.» Sibylle ajoute: «Nous échangeons énormément avec d’autres parents concernés. Nous parlons ouvertement et affrontons ensemble cette situation difficile. C’est précieux. Ainsi, après le choc, un nouveau monde s’est ouvert peu à peu devant nous, et c’est un enrichissement.» Jonas va recevoir un implant cochléaire*. Il n’aura néanmoins pas accès en permanence à cette technologie qui ne le soutiendra que jusqu’à un certain point. Simon déclare: «Malgré cette assistance auditive, il ne pourra jamais entendre comme nous. Il est donc important qu’il grandisse bilingue. Il pourra ainsi trouver ses marques dans le monde des entendants et celui des sourds. Nous nous sommes donc inscrits à un cours à domicile de la Fédération Suisse des Sourds. C’est bien pensé, car
Jonas, Sibylle Christen, Simon Bolliger, Elina.
non seulement nous les parents y participons, mais aussi toutes les personnes de référence de Jonas, comme ses grands-parents, ses tantes et ses oncles, son parrain et sa marraine.» Sibylle ajoute en riant: «Et en fait, ils ont tous été d’accord! Depuis le mois de janvier 2019, nous nous rencontrons toutes les trois à quatre semaines. C’est toujours un événement particulier qui resserre nos liens familiaux. Notre enseignant en langue des signes Gian Reto Janki accomplit son travail de manière remarquable. Étant lui-même sourd, il nous donne également de nombreuses astuces pour le quotidien des personnes sourdes.»
u nous.»
r cela que doivent d’abord mieux. Sibylle ndant, en sont
des verres. Car il ne s’agit pas seulement d’apprendre, mais aussi de partager une tarte flambée et des boissons. Ils en sont à leur huitième rencontre.
Apprendre une nouvelle langue – la langue des signes: toute la famille s’y met avec enthousiasme. Gian Reto Janki transmet la langue des signes au moyen des scènes quotidiennes d’une ville. Actuellement, la famille a encore un rapport ludique avec la langue des signes. Mais elle peut déjà utiliser ce qu’elle a appris – avec Jonas aussi. L’acquisition du langage est de toute façon essentielle à son âge. Sibylle déclare: «Son premier signe a été «framboise», c’était la saison. Cela nous a tous beaucoup touchés. Notre fille de cinq ans Elina participe aussi avec plaisir.» Simon ajoute en souriant: «Et pour les seniors, l’apprentissage de la langue des signes est un bon exercice cérébral.» Ensuite, ils se taisent tous deux un instant. Quelque chose leur tient à cœur – Sibylle: «Dans la société, il y a une grande mécon-
naissance et des préjugés envers les personnes sourdes. On nous demande souvent ce que Jonas ne peut pas faire d’autre. Nous répondons qu’il est une personne complète qui peut tout faire, à part entendre. C’est assez pénible de devoir toujours le réexpliquer. Nous sommes heureux que la Fédération Suisse des Sourds s’engage pour informer l’opinion publique sur la surdité. Elle accomplit vraiment un travail grandiose!» La leçon commence La famille s’installe à table; ils sont douze. La bonne humeur est de mise et tous ont devant eux de quoi écrire, des assiettes et
Après les salutations, Gian Reto Janki distribue à chacun une image de rue d’une ville avec différentes scènes: piétons, passages piétons, voitures, feux de circulation. Il explique les termes en langue des signes suisse alémanique. Il les complète par la labialisation – ce sont des mouvements bien distincts des lèvres accompagnés de sons à peine audibles. Gian Reto Janki n’utilise pas la langue parlée. Il aborde également les finesses de la langue. C’est ainsi qu’il explique au moyen d’un stand à glaces se trouvant dans la rue, la différence entre «manger une glace à la cuillère» et «sucer une glace en bâton». Tous participent avec enthousiasme et rient beaucoup. Puis c’est au tour des participants. Ils se décrivent mutuellement les scènes, il va de soi que seule la langue des signes est autorisée. Pour finir, ils se mettent tous en cercle dans le salon. Et chacun doit s’exprimer en langue des signes. Elina se met au centre et considère le «jeu» des adultes avec amusement.
* L’implant cochléaire est une aide auditive implantée offrant aux personnes sourdes et malentendantes une certaine capacité auditive, en fonction de leur déficience auditive.
Aidez-nous à renforcer les familles! Le soutien des enfants sourds et de leur famille compte parmi nos principales activités. C’est pour cela que nous offrons des cours à domicile depuis des années. Ils permettent à l’enfant sourd d’apprendre une langue familiale commune – la langue des signes – chez lui, avec ses parents, frères et sœurs et proches. Avec nos cours à domicile, nous accompagnons les familles dans l’apprentissage de la langue des signes. Un enseignant en langue des signes se rend dans la famille et enseigne la langue des signes dans un cadre familier à l’enfant sourd, ses parents, ses frères et sœurs et ses proches. Après quelques heures déjà, les partici-
pants peuvent dialoguer simplement en langue des signes et, avec le temps, celle-ci devient un précieux moyen de communication. Comme la personne qui enseigne est sourde, elle représente également une figure d’identification positive pour l’enfant sourd. C’est un aspect important des cours à domicile.
Langue des signes et langue parlée: les deux sont nécessaires
Signer Sur signsuisse.sgb-fss.ch/fr, vous trouverez notre lexique en ligne de langue des signes unique en son genre. Le lexique visuel comprend les trois langues des signes de Suisse: alémanique, française et italienne. Les termes sont illustrés par une vidéo, expliqués par écrit et complétés par un exemple pratique. Nous vous souhaitons beaucoup de plaisir lors de cette découverte! En lien avec le thème de cette édition d’«écoutez», nous vous présentons le signe «communication»: celle-ci joue aussi un rôle essentiel dans les familles avec des membres sourds et est favorisée dans nos cours à domicile.
Pour un enfant sourd, la langue des signes est sa première langue naturelle. Il est avéré que cette base linguistique lui permet un accès plus facile à la langue parlée. Les enfants sourds qui grandissent avec la langue des signes et la langue parlée développent mieux leur potentiel. Ce bilinguisme leur permet de communiquer dans chaque milieu selon la situation et de s’épanouir au sein de la culture des entendants et de la culture sourde. Et si en plus, ils bénéficient d’un enseignement scolaire dans les deux langues, ils peuvent acquérir les mêmes connaissances que les enfants entendants et ainsi avoir la chance de suivre une bonne formation: la condition sine qua non pour une vie autonome. C’est pourquoi l’éducation bilingue compte parmi nos en-
«Communication»
gagements essentiels depuis longtemps déjà.
votre don! Un grand merci pour s enseignants en tre autres de former de
en le, ils enseignent Votre don nous permet e de nos cours à domici dr ca le ns Da s. ne sig langue langue des e des signes – comme gu lan la s he oc pr rs aux enfants et à leu familiale commune.
«C’est émouvant de voir les enfants sourds exprimer leurs sentiments.» Ce sont les paroles de Gian Reto Janki. Lui-même sourd, il donne des cours à domicile pour la Fédération Suisse des Sourds depuis trois ans. Dans notre interview, il nous parle de ses expériences en tant qu’enseignant. Un enfant sourd ou malentendant devrait-il apprendre les deux langues – à savoir la langue parlée et la langue des signes?
Oui, absolument! Je suis sourd et j’ai grandi dans une famille où l’on communiquait uniquement en langue parlée. Cela a énormément compliqué notre communication. Les dialogues n’étaient souvent que superficiels. J’étais toujours exclu, car je n’arrivais pas à bien suivre les discussions. À l’époque, le bilinguisme n’était pas encore d’actualité et les cours pour apprendre la langue des signes en famille étaient inexistants. Depuis, les choses ont changé – notamment grâce à la Fédération Suisse des Sourds. Les cours à domicile de la Fédération Suisse des Sourds ont lieu chez les personnes concernées. Quels en sont les avantages?
À quels défis particuliers êtes-vous confronté en tant qu’enseignant?
Chaque famille a ses propres histoires, expériences et besoins. Comme expliqué, je tâche d’y répondre de manière individuelle. Cela représente toujours un défi, mais c’est également ce que j’aime particulièrement dans mon travail. Avez-vous vécu des événements particuliers lors des cours à domicile?
Oui, mais la place manquerait ici. Cela me touche toujours lorsqu’un enfant sourd aimerait exprimer ses sentiments ou ses souhaits à ses parents – à sa manière. Et qu’il est soudain compris! Ne serait-ce que lorsqu’il doit aller aux toilettes pendant le cours.
Le cadre familier est essentiel pour les enfants sourds et les autres membres de la famille. Ils sont entre eux et s’y sentent en sécurité. Cela leur facilite l’apprentissage et l’échange à propos des problèmes de communication au sein de leur famille. Pour moi, il est aussi important de connaître la situation et les souhaits de chaque famille pour pouvoir y répondre. Quelles sont les questions que vous posent souvent les familles?
Les parents aimeraient, par exemple, savoir comment dire à l’enfant de ranger sa chambre. Ou comment mieux comprendre leur enfant lorsqu’il ne se sent pas bien ou savoir exactement où il a mal. Par ailleurs, les questions sur les appareils auditifs, les implants cochléaires et l’intégration scolaire reviennent fréquemment. Dans la mesure du possible, j’essaie d’intégrer mes réponses à ces questions durant l’enseignement. En principe, je conçois les cours avec les thèmes et expériences du quotidien de la famille. J’utilise souvent la méthode de l’apprentissage par la communication ludique.
À côté de son activité d’enseignant à domicile et enseignant en langue des signes (pour adultes), Gian Reto Janki travaille comme chef de projet à la Fédération Suisse des Sourds. Les thèmes essentiels de ses projets sont la langue des signes et la participation sociale des personnes sourdes au quotidien. Durant son temps libre, il lit, voyage beaucoup et joue volontiers au badminton.
Apprendre les premiers signes de manière ludique Collection de l’Association Dico LSF de Suisse romande avec illustrations de Martine Leuzinger. Ces livrets d’apprentissage de la Langue des Signes Française (LSF) sont destinés à transmettre les premiers signes aux bébés sourds ou entendants. Pour apprendre en s’amusant! Mes premiers signes «No 1» Mes premiers signes «À table» Mes premiers signes «La Maison» Mes premiers signes «Les émotions»
Mes premiers signes «La communication» Mes premiers signes «Les animaux» Mes premiers signes «Les habits»
Chaque livret compte 36 pages, format 14,5 × 14,5 cm, CHF 10.–
s dans e l b i n : Dispo utique o b e r p not h/sho c . s s f sgb-
Impressum Adresse de contact: Fédération Suisse des Sourds SGB-FSS, Passage St-François 12, 1003 Lausanne Responsable: Peter Schläfli, T 021 625 65 55, dons@sgb-fss.ch, www.sgb-fss.ch Rédaction: Stefan Meier, Peter Schläfli Traduction: Daisy Maglia Photos: Peter Schläfli Graphique: www.designport.ch Paraît 4 fois par an, tirage total de 31 000 ex. en allemand et en français. Compte pour dons: CP 80-26467-1