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L’Anthropologie de la Communication Françoise Albertini L’anthropologie de la communication proposée par Yves Winkin porte son intérêt sur les scènes de la vie ordinaire. Il ne s’agit pas seulement de « transmission intentionnelle de messages verbaux » - pour résumer très vite un des sens courants du mot communication- car des gestes, des regards, des sourires sont échangés également. Certains sont intentionnels, d’autres pas. Certains sont même perçus comme intentionnels alors qu’ils ne le sont pas. Il est clair que la communication ne se réduit pas à la conversation que l’on peut avoir. Elle intègre les multiples éléments non verbaux qui ont contribué a donner un sens à l’interaction. Au sein d’une culture, chaque interaction est intégrée dans des relations à long terme. Il y a donc confirmation de la relation et de l’appartenance à la même culture. Par la parole, les gestes, etc… les individus sont insérés dans le même « flot communicationnel » où chacun reste prévisible par rapport à l’autre. ( respect mutuel des tours de parole, rires et sourires à propos, distances corporelles attendues en situation publique). Les codes culturels seront alors « performés » et cette coperformance va rassurer chaque individu sur sa qualité à être membre. « Être membre, c’est être prévisible » disait Ray Birdwhistell un des pères fondateurs de l’anthropologie de la communication. Son collègue Ward Goodenough ajoutait : « la culture, c’est tout ce qu’il faut savoir pour être membre ». Alors du point de vue anthropologique, « la communication c’est la performance de la culture ». C’est-à-dire la capacité d’une parole, d’un geste, d’un silence à effectuer une action dans le monde social. L’anthropologie de la communication convoque et analyse les scènes de la vie ordinaire. Elle se caractérise par sa façon de recueillir, de récolter les données : le chercheur « va sur le terrain », se mêle à la population, observe, prend des notes, tient un journal, et procède le plus souvent à de nombreux entretiens approfondis. Les Anglo-saxons parlent le plus souvent d’ethnographie pour caractériser cette démarche. Actuellement cette expression est en train de revenir en France pour désigner cette même attitude méthodologique. Habitués aux terres « exotiques », certains anthropologues considèrent que travailler chez soi ne relève pas de « l’observation participante », cette attitude réflexive qui constitue une des grandes voies de la recherche anthropologique. « L’immersionnisme exotique » a beau être remis régulièrement en question, rien n’y fait. Certains, ceux que Winkin appelle les anthropologues « nobles »persistent dans cette attitude. Cependant, il faut savoir qu’il existe une autre anthropologie, celle qui « travaille au pays », comme il dit. Pour lui, les distances à maintenir entre le chercheur et son objet ne sont ni spatiales ni sociales ; elles sont théoriquement construites. On peut travailler ethnographiquement sur le pas de sa porte. C’est une question de disposition intellectuelle, un habitus scientifique aurait dit Bourdieu. En fait « le terrain » est ce que le chercheur décide de définir comme tel. Le plus souvent, il aura une assise spatiale concrète, mais ses limites seront posées par le chercheur. Une ville, un quartier, un bar, une mémoire locale, une certaine connaissance collective qui circule anonymement, une communication intergénérationnelle, une île comme c’est le cas pour moi… Autant d’exemples qui peuvent constituer des plans de recherche en anthropologie de la communication. Une mise en garde s’impose quand même : l’anthropologie de la communication ne croit pas à l’illusion suivante : la société serait faite d’interactions et qu’il suffirait d’en observer de près quelque unes pour saisir la vérité du social. Bourdieu disait à ce propos : « la vérité de l’interaction ne réside jamais tout entière dans l’interaction » ( in Winkin, p 18). L’observation des interactions est un mode privilégié d’accès au social, mais tout le social ne se résume pas à des interactions. On peut cependant « extraire » une foule de données d’une seule interaction. Cette phrase que l’on devrait à Goethe pourrait l’illustrer : « l’universel est au cœur du particulier ». Elle possède une portée incitative et Winkin s’en sert beaucoup pour justifier


2 la démarche ethnographique, qui « reste essentiellement un travail oeuvrant par carottages dans l’épaisseur du social ». Yves Winkin propose une approche ambitieuse, une anthropologie par la communication, une anthropologie communicationnelle, c’est-à-dire une posture scientifique construite sur la communication entendue non pas dans son acception courante de « transmission des messages » mais au sens de « performance de la culture ». L’anthropologie de la communication est une science sans objet, elle est une façon de lire et d’interpréter la vie en société. Elle n’est pas une lecture réductrice du monde car le chercheur doit se soumettre à « l’impératif ethnographique » qui seul le fait exister sur le terrain, en situation d’observateur-participant. Il définit et délimite lui-même son terrain, au sein de sa propre société ou ailleurs. Se pose clairement ici la question du sens de la relation entre le chercheur et ses objets. Y. Winkin propose, afin de renouveler la recherche en SIC, d’inverser la relation en « réfléchissant de la plateforme théorique vers le monde ». Il prend l’exemple des médias en France en disant que « ce sont les médias qui se sont d’emblée imposés aux chercheurs comme des objets d’étude « évidents », car « l’objet empirique a défini la discipline » Il n’y a en France que quelques équipes qui travaillent autrement. L’Américain Edward Sapir écrivait en 1927 : « Il n’y aucune différence entre une respiration , à condition de l’interpréter comme un comportement social, et une religion, ou un régime politique »(in Y.Winkin, p 21) . Cela signifie qu’il n’y a pas d’objet communicationnel en soi ; il n’y a que des objets que le chercheur en communication décide d’investir selon sa perspective propre. En proposant cette démarche Y. Winkin pense que l’Anthropologie de la communication peut contribuer à ce renouvellement de perspective et contribuer ainsi au redéploiement des SIC en France. A la lumière seule des fondements qui sont proposés par l’auteur, on se rend compte immédiatement qu’il ne peut souscrire à une conception « télégraphique » de la communication. Il s’inscrit bien évidemment dans la lignée de l’école de Palo Alto qu’il fera connaître à l’Europe par la traduction dans les années quatre-vingt d’un ouvrage fondamental : La Nouvelle Communication, 1981, Coll. Points Essais n 136, nouvelle édition, 2000 Pour revenir à l’anthropologie de la communication – dont la première édition date de 1996 chez De Boeck en Belgique, son pays d’origine- on notera que la deuxième partie de son ouvrage s’intitule : « Emergence d’une anthropologie de la communication » pp 99 à 129. En trente pages, l’auteur va situer sa démarche en trois temps : A / La communication des pierres et des éclairs : Dell Hymes p 99, B / La communication refoulée : Erwing Goffman p 109, C / L’anthropologie de la communication : Origine, principes, projet p 126. Cette partie s’ouvre sur une mise en garde quant à l’utilisation du modèle télégraphique par les chercheurs occidentaux en sciences sociales : « ils commettent une erreur épistémologique grave : ils emploient comme instrument d’analyse l’objet même qu’ils veulent étudier. Nul doute que le modèle émetteur-récepteur ne soit alors constamment redécouvert et confirmé dans son excellence. Nul étonnement aussi dans la stagnation de la recherche. » (in Winkin, p 95)

A / La communication des pierres et des éclairs : Dell Hymes C’est vers les années soixante aux Etats-unis que l’anthropologue et linguiste Dell Hymes propose un vaste programme de recherches sur les rapports entre langage et société qu’il intitule « Ethnographie de la communication » (Gumperz et Hymes, 1964). Son objectif est de forcer les anthropologues à enfin considérer le langage et les autres modes de communication interpersonnelle comme un phénomène culturel essentiel, au même titre que les systèmes de parenté ou les modes d’organisation sociale. Dans le même mouvement, il vise aussi les linguistes en particulier générativistes, qui ne voient pas dans le langage une activité comportementale et sociale: « C’est l’ethnographie, et non la linguistique, la communication et non le langage, qui doivent fournir le cadre de référence au sein duquel la place du langage dans la culture et la société pourra être définie » (Dell Hymes, 1974)


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À partir de cette citation, nous allons pouvoir cerner sa propre conception de la communication. Dans ses premiers travaux sur les fonctions sociales du langage, Hymes emprunte à Jakobson le fameux modèle concernant les fonctions du langage proposé en 1958 , mais assez vite il proposera d’élargir chacun des facteurs de Jakobson , et notamment de ne pas limiter le « message » aux échanges verbaux. Ainsi son « ethnographie de la parole » de 1962 devient deux ans plus tard l’ « ethnographie de la communication ». Même si le schéma de base reste celui de Jakobson, Hymes propose une réflexion sur la méthodologie et tente de s’ouvrir aux modes et aux codes non linguistiques afin de décrire ce qu’il nomme « l’économie communicative » de communautés culturelles données, c’est-à-dire de leurs ressources en moyens de communication. Il suggère alors le terme de « compétence communicative » pour désigner l’ensemble des connaissances que doit acquérir sur la langue et ses utilisations adéquates tout individu qui devient un membre à part entière de sa communauté de parole (speech community). Il rejoint ainsi Ward Goodenough dont la définition de la culture est fondée sur l’acceptabilité et la prévisibilité que doivent offrir en toute situation les membres d’une culture donnée. Il partage les convictions des « nouveaux ethnographes », comme Conklin, Frake, Black,… qui dès les années soixante pensent que toute description adéquate d’un secteur culturel repose sur une reconstitution des schémas cognitifs propres à la communauté étudiée. Partie d’une grille extérieure, « étique », l’ethnographe de la communication doit parvenir à dégager les cadres sociaux de la perception propres à la communauté étudiée, c’est à dire qu’elle doit être capable de proposer une description « émique ». Dès lors pour lui, l’acte communicatif est aussi impossible à identifier a priori qu’un phonème : les pierres et les éclairs parlent aux Ojibwa, aussi réellement que les hommes se parlent entre eux. Il prend l’exemple de l’aménagement de la maison familiale où l’anthropologue peut, selon lui, considérer les meubles et leur disposition comme autant de messages, comme autant de manifestations d’un ou plusieurs sous-codes culturels dans le cadre d’une sémiotique générale. Hymes accepte l’idée d’une extension maximale de la communication, par exemple aux objets, mais à condition que ceux-ci soient considérés par les membres de la culture qui les produit comme autant d’évènements communicatifs. Il faut, en outre, au sein d’une culture, faire la distinction entre participants et nonparticipants au partage d’un code, -hommes, femmes, enfants ne semblent pas « sémiotiser » de la même manière dans l’intérieur d’autrui-, examiner les variations contextuelles, dégager les niveaux de fluidité dans l’interprétation. Pour Hymes, il n’est pas possible de considérer globalement le comportement ou la culture comme un flot communicatif permanent. Cela n’est vrai que pour un observateur extérieur et non pour un participant. Il est un fait que la culture ou le comportement ne s’arrêtent jamais. Mais pour que la communication ait un sens, il faut qu’il y ait des « blancs », des différences, des contrastes : « S’il n’y avait pas d’intervalle ou d’élément du comportement qui ne soit communicatif, il n’y aurait plus d’information dans le concept de comportement communicatif ». (in Winkin, pp102-103). Il refuse de superposer communication, culture et comportements appris : « superposer ces trois termes ne peut se faire qu’au prix d’un effacement de nécessaires distinctions analytiques. « Communication » devient un synonyme inutile qui dépouille de leur nom plusieurs concepts dont on aurait encire besoin ». ( Id., p 103) Cependant Hymes reconnaît que les recherches peuvent être menées autrement c’est-àdire d’un point de vue extérieur, « étique ». Par sa démarche, il met en avant son souci de fonder un travail sur le point de vue de l’acteur. Ainsi l’intentionnalité est rendue aux participants des diverses économies communicatives existant de par le monde : c’est un élément du dossier ethnographique élaboré par chacune de ces économies. Ce n’est plus un outil analytique utilisé par l’observateur pour classer et interpréter les données recueillies. Alors la position qui consiste à dire que la communication est ce que ses participants y voient est commode à tenir, mais à une certaine échelle. La réserve Ojibwa, la petite communauté peu soumise aux influences extérieures conviennent bien mais que se passe-t-il dès qu’il y a une variation d’échelle ? En Occident, nous allons trouver des quartiers, des villages, etc… Si comme nous le dit Hymes les « Maoris de NouvelleZélande considèrent le son de la flûte comme une forme de parole » ( In Winkin p. 107) il faudra donc inclure la flûte dans l’économie communicative des Maoris. Mais remarque Winkin, « il est évidemment hors de question de décrire l’économie communicative de la société française… » (Idem)


4 Pour autant ce point de vue ne doit pas être considéré comme un échec de la démarche, il s’agit simplement d’une mise en garde sur les modalités d’application qui restent à trouver. Yves Winkin cite un des premiers élèves de Hymes, Joel Sherzer, qui développe une analyse critique pleine de perspectives : «(…) Comme le souligne le fait que des analyses comparables par leur subtilité à celle de Goffman n’ont pas encore été mises au point pour d’autres sociétés que la nôtre, l’ethnographie de la communication ( de même que l’anthropologie et la linguistique, de façon plus générale) a crucialement besoin de former des individus capables de mener des recherches sur leur propre société et communauté, en tant que chercheurs et analystes indigènes, en tant que participants-observateurs locaux ».

B/ La communication refoulée : Erwing Goffman Pour réfléchir sur la notion de communication à partir de Goffman, il faut avoir deux points de départ en tête : 1/ Les grandes théories l’énervent 2/ Les analyses, les gloses et les commentaires l’exaspèrent; pour lui il faut aller sur le terrain , et non s’enfermer dans un univers littéraire. « (…), le corps des écrits d’un homme n’est pas la réalité, n’est pas la société. » et, « Les Français sont totalement enfermés dans un monde fait de personnes qui ont écrit des choses. C’est un monde totalement littéraire. » (in Winkin, p.110). Enfin, la notion élargie de communication le désespère. Il fait une démonstration de l’intitulé de « ce concept (qui) a été un des plus prometteurs des Sciences Sociales » mais qui s’est toujours révélé décevant. Pour lui, il faut qu’il y ait usage de signes conventionnels dans le but de transmettre une information. Il faut donc une intentionnalité. Nous sommes apparemment loin des conceptions de Dell Hymes ou de Birwhistell mais il ne faut pas s’y méprendre car au delà des mots, il y a une certaine vision du monde social que ces auteurs partagent. Goffman va même réaliser la première « ethnographie de la communication » empirique dont Hymes pourra rêver dix ans plus tard. C’est en effet toute l’économie communicative de l’île de Dixon (probablement Unst), une île de 78 Km2 qui abrite les trois villages les plus isolés de Grande-Bretagne, qu’il décrit dans sa thèse de doctorat : Communication Conduct in an Island Community. Il décrit un cadre communicationnel : une île où les voisins se saluent en marmonnant trois mots, les bergers appellent leurs chiens d’un geste du bras, et les fermiers blaguent en châtrant les agneaux mâles. Peu à peu, Goffman n’utilise plus le terme de communication parce que –selon Yves Winkin- cellui-ci se serait « fondue dans la masse ». Pour Goffman et pour ceux que Winkin nomme les champions de la vision « orchestrale » de la communication, Birdwhistell en tête, on participe à la communication plus qu’on ne la produit, on est membre d’un groupe ou d’une société parce qu’on y est prévisible, et l’on performe la culture en permanence par nos faits et nos gestes. L’idée de base est qu’une interaction entre deux personnes n’est jamais seulement une intraction, c’est-à-dire une séquence d’actions/réactions limitées dans le temps et dans l’espace ; c’est toujours aussi « un certain type d’ordre social ». Toute interaction convoque la société tout entière par le fait qu’elle fonctionne sur les mêmes principes, principes qui le portent à lire l’interaction d’un point de vue social (sociétal) et non plus seulement psychologique. Il sera toujours fidèles à cette vision du social fondée sur l’interactionnel. En voyant dans chaque interaction un rituel de célébration de la société tout entière, Goffman a proposé un passage du micro au macro. Selon Winkin, la communication envisagée comme performance de la culture accomplit le même trajet, mais autorise le passage en sens inverse – du macro au micro- par le fait qu’elle agit comme un processus permanent de renforcement des normes sociales. L’interaction accomplit l’institution, tandis que l’institution permet à l’interaction de s’accomplir. La « communication » réside dans cette « double performance ».

C/ L’anthropologie de la communication : Origine, principes, projet C’est dans un texte de 1967 que Dell Hymes utilise pour la première fois l’expression « anthropologie de la communication ». « l’étendue de la « communication » en anthropologie doit dépendre de l’étendue de la communication dans les cultures ou communautés sur l’étude ethnographique desquelles reposent les faits et les théories anthropologiques. Dans toute culture ou


5 communauté, le comportement et les objets en tant que produits du comportement, sont sélectivement organisés, utilisés, fréquentés et interprétés pour leur valeur communicative ». Pour Yves Winkin, Hymes reprend à propos de la communication le premier principe de tout travail ethnographique qui consiste à faire émerger le point de vue local, indigène, « émique » ; mais il convoque aussi la définition de la culture que Ward Goodenough proposait dès 1957 : « La culture d’une société consiste en tout ce qu’il faut savoir ou croire pour se conduire de manière acceptable pour les membres de cette société, et ce dans tout rôle qu’ils accepteraient pour chacun des leurs ». (in Winkin, p 127). Cette définition renvoie à Birdwhistell qui donnait une très haute priorité à la prévisibilité « être membre, c’est être prévisible » Mais elle renvoie aussi à Goffman pour qui tout groupe social fait sens pourvu qu’on l’étudie de l’intérieur. Ces pensées peuvent s’appliquer à d’autres communautés que les communautés culturelles au sens classique. Selon Winkin : « C’est là où la culture de Goodenough se révèle efficace, de même que la prévisibilité de Birdwhistell. La taille de la société de Goodenough n’est pas spécifiée, pas plus que sa composition : il peut s’agir de primitifs comme de malades. L’anthropologue qui s’y insère devra « opérer d’une façon acceptable à ses membres », pour parler comme Goodenough, c’est-à-dire se rendre prévisible et les rendre prévisibles, pour parler comme Birdwhistell. » L’anthropologie de la communication proposée par Y. Winkin ( p 128-129) à partir des auteurs cités permet de penser les phénomènes sociaux en termes processuels, pour autant il ne s’agit pas de voir « de la communication partout ». Pour lui adopter une approche dite « sociale » de la communication consiste à adopter un cadre général de référence. « Utiliser un cadre « communicationnel », c’est tenter de réfléchir sur des données effectivement recueillies en termes de niveaux de complexité, de contextes multiples, de systèmes circulaires ; c’est encore concevoir derrière les conduites un ensemble de règles organisées en codes ; c’est enfin tenter de reprendre la suggestion célèbre de LéviStrauss, en 1958, de voir dans « divers aspects de la vie sociale » des phénomènes « dont la nature rejoint celle même du langage ». Déjà ce dernier voyait dans la notion de « communication » « un concept unificateur grâce auquel on pourra concilier en une seule discipline des recherches considérées comme très différentes ». Le souffle d’une « science de la communication » ainsi pensée permet, me semble-t-il, de porter un regard novateur sur un objet, un objet qui mérite mieux que ce que la science lui a jusqu’à présent offert. L’anthropologie de la communication proposée par Y. Winkin est le cadre théorique dans lequel je me reconnais en tant que chercheur, la plate-forme à partir de laquelle je pense « l’économie communicative de l’île de Corse ». Bien évidemment ici, le fait de dire « je pense » l’économie communicative d’un territoire particulier qui est le mien, où je suis née, où mes morts sont enterrés, où je suis très impliquée affectivement et professionnellement m’a conduit à me pencher sur la question de l’autobiographie intellectuelle que j’ai abordée à partir des travaux de deux chercheures américaines Judith Okely et Helen Callaway.


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