Cannat book 12 oct test

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Catherine Cannat  Itinéraire d’une femme artiste

Catherine Cannat

Itinéraire d’une femme artiste



Catherine Cannat ItinĂŠraire d'une femme artiste



L'artiste doit aimer la vie et nous montrer qu'elle est belle. Sans lui, nous en douterions.

Anatole France


Longwy-bas, une ville ouvrière.


Chapitre 1

Sur les traces d’une artiste longovicienne Une fille de Lorraine En plein cœur de la Lorraine, une famille mi ardennaise par le père, mi vosgienne par la mère, accueille leur troisième enfant, une petite fille aux yeux bleus dénommée Catherine. Elle voit le jour un 12 juillet 1960 à Longwy et deviendra une artiste-peintre dans l'Hérault malgré un parcours contrarié. A priori, rien ne prédestinait cette enfant à exercer ce métier et encore moins dans une région si méridionale. Cet album a pour ambition de donner quelques clés de compréhension du parcours forcément unique, puisqu’humain, de cette femme longovicienne et de sa trajectoire artistique.

La ville de Longwy Dans les années 1960, Longwy est un haut-lieu de la sidérurgie française où la société Usinor-Sacilor est le premier employeur de ce « pays du fer ». Gourmande de main d’œuvre, cette industrie recrute de nombreux d’étrangers. Au lendemain de la première guerre mondiale, c’est toute l’Europe et même une partie de l’Afrique qui sont représentées sur un bassin de 15 km de long. La ville est aussi connue pour sa faïencerie. (Les Faïences et Émaux de Longwy). Démographiquement, Longwy connaît probablement son pic l’année de naissance de Catherine. Les Hauts-Fourneaux tournent à plein régime. La ville est économiquement prospère jusqu’aux premières restructurations en 1968 qui sont vécues comme un tremblement de terre. Heureusement, la famille de Catherine a été très peu touchée par ce bouleversement régional. Son père, éducateur sportif

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Roland, le père de Catherine. Lucette, la mère de Catherine.


puis gérant de société, garde son emploi. Sa mère, Lucette, s’occupedu foyer. L’un de ses oncles, employé de la sidérurgie, venait de partir à la retraite lorsque les hauts-fourneaux ont cessé de fumer. La famille Rambourg est épargnée et très indirectement impactée par cette crise régionale majeure qui transforme la cité du pays de fer en ville morte. Toujours est-il qu’en 1960, la croissance n’avait pas encore montré de signes de fatigue. Les yéyés faisaient danser et Catherine est née… Catherine ? Pourquoi pas Corinne ? Non, pour la grand-mère paternelle, Corinne, c’est vraiment trop moche. Alors elle met la pression à son fils chéri le jour de la déclaration en mairie et voilà une Corinne qui se transforme en papillon, heu, …en Catherine. Changer de prénom à la dernière minute, c'est une chose; changer de profession, c’en est une autre. Voici ce dont Catherine nous fait le récit : « Il y a une anecdote amusante concernant ma naissance. À cette époque, mon père est moniteur d’éducation physique dans un établissement scolaire. Un jour, son meilleur ami décide de créer sa société de serrurerie et lui demande de devenir son directeur technique. La proposition est tentante. Mon père hésite beaucoup et ne sachant que faire, il joue sa décision sur le sexe du bébé à naître, c’est à dire moi. Il lance un pari à son ami : « Si c’est un garçon je reste où je suis et si c’est une fille, je viens avec toi ». Donc ils ont changé de vie quand je suis née. » La décision paternelle s’avère judicieuse car l’entreprise prospère convenablement et l’ami-patron de Roland fait construire une maison, en 1966, qu’il propose à la location à son ami. La famille migre ainsi d’un quartier HLM à une zone résidentielle d’un village attenant à Longwy. Roland et Lucette ne quitteront plus cette maison dont ils sont devenus, longtemps plus tard, propriétaires. En 1968, les Rambourg sont au complet. La deuxième fille et le quatrième enfant de la famille, Cécile, naît. Gilles, l’aîné et Claude, le cadet ont déjà respectivement quatorze et treize ans. Catherine, en a huit. Tout ce petit monde va vivre à Hussigny-Godbrange une enfance heureuse et paisible rythmée par le handball, les fêtes familiales et amicales.

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La maison de la famille Rambourg, à Hussigny-Godbrange, dans les faubourgs de Longwy. la cuisine où se préparaient les repas familiaux (à droite).


Les parents de Catherine dans leur jardin.


Les influences créatives familiales Comment Catherine a-t-elle pu échapper à la tyrannie sportive familiale ? Les influences familiales de Catherine sont plurielles. Citons dans un premier temps celles d’une grand-mère couturière, éprise de mode . Vient ensuite l’influence majeure du père qui « avait des mains en or » et un frère qui peint tout de suite très bien. Malgré un environnement culturel que Catherine considère comme pauvre, la création manuelle et artistique est malgré tout présente dans son quotidien.

Une grande-mère couturière Sans qu’elle soit ni salariée, ni véritablement à son compte, la grand-mère paternelle de Catherine n’a jamais cessé de coudre pour sa famille et pour assurer un revenu supplémentaire à la maigre pension de veuve qu’elle percevait, son mari cheminot étant décédé à l’âge de 56 ans. On devine des talents de créatrices dans les propos de Catherine : « Ma grand-mère était couturière sans que cela soit vraiment professionnel. Par contre, je ne l’ai jamais vu faire autre chose que cela. Je ne sais pas comment elle fonctionnait, mais elle confectionnait toujours des vêtements dernier cri. Elle se renseignait sur les tendances de la mode et du coup, j’ai toujours été en avance question vestimentaire. Au collège et au lycée, lorsque j’avais de nouveaux habits, les gens me disaient ‘hoo, tu as trouvé ça où ? C’est un truc de dingue !’. Elle nous a toujours superbement habillée ma grand-mère ! »

Un père sportif, bricoleur et esthète à ses heures Les chats ne font pas des chiens, Roland hérite de la fibre créative de sa mère. Il a le réflexe de faire par lui-même, de créer. Sa fille ne tarit pas d’éloges quant à l’adresse et l’ingéniosité de son père. « Il avait des mains en or. Le genre de type ingénieux, malin et doué de ses mains. Mon père était ultra ultra manuel ». En sus de cette dextérité, Roland fait preuve d’un certaine sensibilité à l’esthétisme. Pour un fils de cheminot, dont l’instruction s’est cantonnée au certificat

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d’étude, il est tout de même étonnant d’apprendre qu’il avait osé émettre le souhait de faire les Beaux-Arts. « Mes parents ont le certificat d’étude tous les deux. Ils n’ont pas été plus loin. Mon père voulait faire les beaux-arts. Ce sont mes grands-parents qui n’ont pas voulu. Il fallait qu’il ait un travail ! Artiste, ce n’est pas un travail ! »Les velléités de Roland ne tiennent pas face au jugement du père et à son manque d’habitus culturel. Quelques indices permettent de révéler que cet attrait pour la création et l’esthétisme ne s’est jamais totalement éteint. Ce n’est pas un hasard si Catherine se souvient de visites d’exposition de peintures en sa compagnie et de sa signification. « Je me souviens avoir fait quelques expositions avec mon père. C’était rare parce qu’il occupait tellement de temps au sport !» De manière plus concrète, l’oeil aiguisé de Catherine ne peut s’empêcher d’être admirative du «bricolage» de son père. « Il était sensible à la création même s’il ne suivait aucune actualité artistique. Ses loisirs ont été très longtemps exclusivement sportifs. Cependant, quand il fabriquait des choses, c’était plus par « besoin ». Je dirais plutôt qu’ il se créait des besoins. […] Il y avait un petit truc dans son mode de faire. Il trouvait toujours des petites astuces. Par exemple, dans le cadre de son travail, la serrurerie dont il gérait l’atelier technique est devenue le premier fabricant de fenêtres plastiques en France. Cela l’a conduit à être présent à la foire expo de Paris. Si tu avais vu les stands qu’il faisait, c’était extraordinaire. C’était magnifique. Il y avait toujours des petites manifestations comme ça. Et puis dans la maison, il fignolait tout un tas de petits détails. » Il était très très manuel et très doué. Il créait tout le temps des trucs. A partir du moment où il est rentré à la serrurerie, il n’a cessé de fabriquer des objets en ferronnerie. Je ne peux pas dire qu’il ait vraiment dessiné mais il était capable de prendre un crayon et de concevoir quelque chose. Il ne dessinait pas parce qu’il n’avait pas le temps mais il s’est mis à peindre à la retraite.

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Un grand frère peintre Claude, le frère cadet, est incontestablement son meilleur complice avec qui les après-midi pluvieuses de Lorraine se passent au fond d’un canapé, les yeux rivés devant un écran où défilent une multitude de séries télévisées américaines. L’entente entre le frère et la soeur est réelle mais Claude, c’est avant tout un modèle pour Catherine notamment en termes artistiques. « Mon frère Claude était souvent à la maison. C’était un casanier. Il faisait beaucoup de dessins, de peintures, et même du bricolage de toutes sortes».[…] Il est énormément valorisé par rapport à sa peinture tout comme dans le sport puisqu’il réussit tout ce qu’il entreprend. » Cette jeune soeur est nécessairement admirative car la seule décoration présente sur les murs de sa maison ne sont que des peintures de Claude. « Tout ce qu’il y avait c’était des tableaux de mon frère. Comme il s’y est mis très tôt, je n’ai jamais rien vu d’autre à la maison que les peintures de mon frère. » « Je ne sais pas à quel âge il a commencé à peindre mais il a pris des cours par correspondance avec une boîte anglaise. Il avait à peine commencé la peinture qu’il a tout de suite montré des talents certains.» Qu’il s’agisse d’un effet de circonstance ou non, toujours est-il que Catherine commence le dessin (ou bien s’autorise à prendre des cours de dessin) qu’une fois son frère parti du giron familial. « Moi, quand je me suis vraiment mise à dessiner, il n’était plus à la maison. »

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Chapitre 2

Le sport, une religion familiale, sauf pour Catherine

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ue faisaient tes parents, à part du handball ? Du sport, du sport, du sport… répond Catherine. Roland Rambourg est un insatiable sportif. Educateur sportif, basketteur puis joueur et membre fondateur du club de handball longovicien, seule la maladie l’arrêtera. Ses fils vont suivre ses pas et contribuer à la réussite du club. Il en est tout autrement pour Catherine. Elle suit les matchs en famille, en tant que spectatrice. Elle passe d’ailleurs de bons moments en compagnie d’une amie, toutes deux entraînées par cet élan collectif généré par cette équipe aux résultats enthousiasmants. Elle s’investit à sa manière en créant une affiche pour le club. « En tant que spectatrice, il y avait toujours une bonne ambiance et puis j’y retrouvais une copine. Ses frères jouaient également au hand et leurs parents étaient de très grands amis de mes parents. On partait souvent ensemble en vacances. » Pour autant, peut-on lui demander de jouer au handball ? Sa réponse est catégorique. « Ah non! Ni de courir (rires). Mon père me l’a pourtant imposé assez souvent ! Parfois, il venait me réveiller à sept heures du matin qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, pour courir. On a fait cela plein de fois. ‘Non mais regarde-moi ça, tu es en train de chopper un gros cul, allez hop, demain sept heures !’ En plus je ne sais pas respirer donc je m’étouffais […] Mes parents m’ont harcelée toute mon enfance pour que je fasse du sport mais j’ai toujours refusé. On

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Affiche réalisée par Catherine pour le club de handball familial.


s’est même un peu fâché à un moment. » Son père ne comprend pas ce refus de Catherine. Il ne conçoit pas que sa fille n’ait aucune activité extra-scolaire. «Il faut que tu fasses une activité, tu ne vas pas rester comme cela sans rien faire! » Il est impératif que Catherine se choisisse un loisir, quel qu’il soit. Il en va de la santé mentale de son père. «Je n’avais jamais dessiné avant mais comme je voyais mon frère peindre et dessiner, je me suis dit, 'je veux faire du dessin'. » C’est ainsi qu’à partir de la sixième, à onze ans, Catherine se lance presque par défaut dans le dessin.

Le père de Catherine en pleine action et sa caricature en coin.

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Chapitre 3

Le dessin, comme une révélation

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atherine a une enfance heureuse. Une partie des tâches de sa mère tient à véhiculer l’ensemble de sa meute, aux différentes activés qui se situent toutes ou presque à Longwy. Les grands-parents, proches géographiquement et affectivement, accueillent chez eux la famille pour de grandes tablées dominicales. En comité plus restreint, les franches rigolades ne se comptent plus. Catherine a des parents aimants, des frères et sœurs bienveillants et même complices. « Le repas familial, c’était grosse rigolade tous les soirs. C’était des parties de rire incroyables ! » En dehors du cercle familial, Catherine a deux amies avec qui elle bourlingue pendant son temps extrascolaire. Il s’agit de Catherine et de sa sœur Christine. Plus tard, au lycée, c’est avec Annick qu’une forte amitié se crée. Pour autant, Catherine n’est pas pleinement épanouie. Elle souffre silencieusement, mais cruellement d’un grand manque de confiance en elle. Elle est docile et disciplinée, mais l’apprentissage scolaire est laborieux et les reproches se font de plus en plus lourds de la part de ses professeurs. Le retard qu’elle sent s’accumuler l’angoisse et lui fait croire qu’elle est moins intelligente que les autres. Ni l’école ni le sport ne la valorise, bien au contraire. Alors quand elle se met au dessin et que les premiers traits de crayon s’avèrent justes, que des encouragements sont donnés, c’est comme une voie qui se trace pour son avenir.

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« Je crois que je suis quelqu’un de très obéissant. Je suis très attentive à ce que l’on peut me dire. J’ai rapidement assimilé les conseils de mon professeur. Du coup, j’ai très vite dessiné très bien. Ça a été déterminant parce que pour la première fois, j’étais valorisée pour quelque chose. Dans ma famille, c’était plutôt du style à dévaloriser les gens. « T’es bonne à rien, tu ne feras jamais rien de bien. J’ai entendu cela toute mon enfance […] Ses parents sont pourtant bienveillants et pour comprendre ces propos il faut nous replonger dans le contexte. Ses deux grands-mères et sa mère ont toujours géré le foyer, toutes dévouées aux tâches domestiques. Lucette et Roland, nés dans les années 1930, sont issus d’un milieu populaire où l’émancipation des femmes n’était pas véritablement une revendication. Les injonctions familiales sous-jacentes étaient puissantes. Elles ont marqué Catherine qui n’a jamais vraiment pu s’en défaire.

« J’ai toujours été dévalorisée. Comme sur le plan scolaire j’étais en échec, je me suis entendu dire très très rapidement “tu n’es bonne à rien”. Enfin, je pense parce que je n’ai pas un souvenir précis. Il est fort probable que cela vienne plus de ma mère que de mon père. Elle a toujours été négative, toute sa vie. » En dépit de ses difficultés scolaires qu’elle analyse comme étant de la dyslexie et indubitablement de la dyscalculie, Catherine ne subit pas de pression de ses parents. La nécessité à réussir est moins forte pour une fille en 1960. Elle l’exprime d’ailleurs très clairement.

« Parce que pour une fille, ce n’est pas grave. J’ai grandi dans cet esprit-là. “Ce n’est pas grave, tu te marieras, tu feras le ménage à la maison et tu élèveras tes enfants” ».

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L'académie Darche Grâce au dessin, Catherine s’aperçoit qu’elle n’est pas bonne à rien puisqu’elle parvient à joliment dessiner. Dès lors, trois heures de cours hebdomadaires vont rythmer la vie de cette collégienne au sein de l’académie Darche, dirigée par Monsieur Doudoux. Aujourd’hui encore, des enseignements y sont dispensés avec un programme qui repose sur un « enseignement traditionnel et progressif du dessin et de la peinture en toutes techniques afin d’accéder aux échelons artistiques et culturels supérieurs. » Ce sont bien ces règles qui ont guidé l’apprentissage de Catherine. À l’académie, elle apprend les principes fondamentaux du dessin. Toutes les semaines, elle entame ou poursuit un dessin en cours d’après un modèle qui l’attend à sa place attitrée.

« Tous les dessins que tu as vus, ce sont des dessins techniques, très académiques. Toujours des natures mortes. On ne faisait que cela. Par contre, pas d’après une photographie. Comme j’avais ma place attitrée, mon modèle ne bougeait pas. » Elle garde un souvenir ému de ses professeurs .

« Il y avait monsieur Doudoux et monsieur Dutretet, tous deux des artistes longoviciens reconnus. Monsieur Dutretet, c’était un petit monsieur âgé célèbre pour ses caricatures dans l’Est Républicain. Je l’adorais. L’autre professeur était un petit peu particulier, mais ceci dit, je lui dois tout mon dessin. C’est lui qui m’a formée comme cela. » Ces deux adultes sont les premiers à valoriser Catherine, et à l’encourager. Ils l’inscrivent à un concours d’affiche, qu’elle gagne. Ils lui donnent la confiance nécessaire pour se présenter au concours d’entrée de l’École des Beaux-Arts de Nancy même s’ils ne l’ont pas préparée spécifiquement à cette épreuve.

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Les dessins de Catherine réalisés à l'académie Darche.



« J’ai décidé de faire les Beaux-Arts bien avant la Terminale. Je n’ai pas de date précise, mais je savais que je ne pourrais pas faire d’études. La seule chose que j’aimais, le seul centre d’intérêt que j’avais c’était celui-là. » C’était comme une évidence ; Catherine ne savait que peu de choses sinon rien de cette école.

« Rien, je ne savais rien des Beaux-Arts. Je savais juste que j’avais envie de dessiner. […] Je ne me suis jamais posé d’autres questions que celles-là. Donc j’ai passé le concours ».

Le concours des Beaux-Arts Sans même penser qu’il pouvait y avoir d’autres concours possibles dans d’autres villes ou dans d’autres écoles, Catherine se présente à celui de l’école de Nancy dont elle garde quelques souvenirs. « Nous devions rédiger une dissertation sur l’art. Il y avait un travail sur les volumes à réaliser en pâte à modeler. Je ne me rappelle plus des sujets précisément. Par contre, je me souviens d’un sujet d’observation : une théière. Ensuite, nous avions l’épreuve du dessin de création. Pour finir, nous avions à créer un objet en volume avec du carton. C’étaient des épreuves très longues, jusqu’à quatre heures à chaque fois. Peut-être pas pour la dissertation, mais pour tout ce qui était pratique, c’étaient des épreuves très longues. J’ai même dû réaliser une pyramide. Ensuite j’ai présenté l’ensemble de mon book à l’oral, c’est-à-dire tous mes dessins de l’académie. » Non seulement Catherine obtient le sésame tant désiré d’entrée aux Beaux-Arts de Nancy, mais elle le fait avec brio. Elle arrive première du concours et s’abstient d’aller passer le baccalauréat, qui, à l’époque, n’était pas obligatoire. Elle savoure ainsi pleinement sa réussite. Elle organise alors son déménagement à la capitale lorraine. Seulement…

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Chapitre 4

Premier amour, premier tournant

«L

’été, avant que je n’attaque les Beaux-Arts, je suis partie faire une colonie de vacances grâce au BAFA que j’avais obtenu. C’est là que j’ai rencontré Jean-Paul, mon premier mari. Du coup, même si j’étudiais aux Beaux-Arts dont j’adorais l’enseignement, je n’avais qu’une hâte, c’était partir le rejoindre. » Le rejoindre signifie déménager à Montpellier où il poursuit ses études de médecine. Cette rencontre lui fait ainsi quitter une école où pourtant, elle se sent bien. Elle parle des Beaux-Arts de Nancy avec grand enthousiasme :

« On abattait un travail de dingue ! On n’arrêtait pas. Et l’institution était très sérieuse, voire stricte. Déjà, si tu arrivais à 8 h 5 au lieu de 8 h, le portail était fermé. Il fallait que tu sonnes et le gardien venait t’ouvrir, mais tu avais intérêt à avoir un billet d’excuse sinon il ne t’acceptait pas. C’était strict au possible, mais tellement riche ! On travaillait tous intensément et c’était génial. En un an, j’ai tout appris. J’imagine le niveau que j’aurais pu atteindre si j’étais restée quatre ans de plus ! Les débuts étaient un peu difficiles à cause de ma timidité. Mon côté introverti se sentait dans mon travail. Comme je te disais, le premier nu que j’ai fait était petit comme cela, sur une feuille grande comme cela. (Gestes à l’appui) C’était très significatif et je n’ai pas manqué de me le faire remarquer. Bizarrement, cela ne m’a pas braquée et j’ai fini par me sentir très vite à l’aise. »

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1979-1980 : L’année nancéienne Les études, les travaux s’enchaînent. La technique de Catherine ne cesse de progresser. Un groupe d’amis se constitue. Des affinités se créent, se développent et l’une d’entre elles n’est pas loin de se transformer, mais la relation épistolaire entretenue avec Jean-Paul depuis l’été et son arrivée en février à Nancy, freinent cet amour naissant. Catherine s’étonne aujourd’hui de la tournure des événements : « Le pire c’est qu’on ne se voyait quasiment pas avec Jean-Paul. Par contre, on s’écrivait tous les jours. On a dû se voir aux vacances de février. Comme les mois passaient, j’étais tout le temps avec un garçon aux Beaux-Arts. Nous avions une forte affinité qui aurait sûrement débouché sur autre chose sans ces fameuses vacances où Jean-Paul est arrivé. Je pense qu’avec le temps et la distance… mais bon, c’est comme cela. » Les doutes sur un possible avenir commun avec Jean-Paul s’évanouissent et Catherine n’a donc plus qu’une seule idée en tête : le rejoindre à Montpellier. Même le frileux accueil de ses futurs beaux-parents à sa première visite dans le sud de la France ne l’arrête pas. Elle maintient sa décision et quitte Nancy. Elle demande au préalable à intégrer l’école des Beaux-Arts de Montpellier. « Je passe un oral où il a fallu que je présente mon travail et que je donne ma motivation. Ça ne se faisait pas par lettre à l’époque ».

L’école des Beaux-Arts de Montpellier Le grand virage est pris, Catherine quitte sa Lorraine natale et emménage avec son amoureux dans un studio à Montpellier. Coupée de ses liens familiaux, Catherine commence sa vie de couple en tant qu’étudiante. Elle garde un souvenir mémorable de son premier jour dans sa nouvelle école, notamment par contraste avec ce qu’elle avait connu l’année précédente. Elle le raconte avec amusement :

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Travaux de Catherine réalisés à Nancy.


Détails d'une sérigraphie en couleurs réalisée aux Beaux-Arts de Montpellier.


« Premier jour de cours, j’arrive à huit heures : personne ! Il n’y a pas cours, je vais voir les gardiens. L’un d’entre eux, qui s’est avéré au demeurant très gentil par la suite, ne m’a pas fait un premier accueil évident.…. Elle se dit alors : “Oups, où est-ce que je suis là ? C’était terrible. Et puis tout doucement, on a vu arriver les premiers élèves, vers 9 h 30. Le ton avait été donné. L’année s’est poursuivie ainsi.” L’enseignement délivré à Montpellier paraît beaucoup moins structuré, voire amateur à notre nouvelle étudiante. Elle ne peut réfréner quelques remarques acerbes : “Les professeurs, c’étaient des glandeurs. Ils étaient tous pour le ‘conceptuel’ et donc il fallait que l’on fasse tous soit des happenings, soit des peintures pipi caca. Je dis cela parce qu’un des élèves de ma promotion a eu une petite célébrité en écrivant pipi caca partout” dit-elle en levant les yeux au ciel. “Au cours du premier cycle, on suivait des cours fixes, mais plus par la suite. Nous avions des boxes à disposition dans lesquels on travaillait. Les enseignants y passaient pour assurer un encadrement minimum” ironise-t-elle. “On était censé avoir un cours fixe d’histoire de l’art, mais le professeur nous le faisait tous les 36 du mois…” La comparaison est rude entre Nancy et Montpellier pour cette artiste en herbe. “La première année on avait des cours de couleurs. Beaucoup moins pointus qu’à Nancy, c’est sûr. Déjà, les profs arrivaient avec une demi-heure de retard […] Je n’étais pas très bien à Montpellier. J’ai toujours regretté Nancy. Je n’y apprenais pas grand-chose et en plus, la seule chose que je savais bien faire, on m’interdisait de la faire. Si cela se trouve, j’aurais pu produire des choses prodigieuses en dessin si on m’avait laissé continuer. Je me souviens qu’à Nancy on me faisait des compliments sur ma qualité de dessin.” Malgré ce laxisme ambiant qui la désole, Catherine admet tout de même y avoir développé sa créativité :

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“À Nancy, ce n’étaient que des exercices, on ne faisait rien de personnel. À Montpellier, j’ai été obligée de me dépasser parce que je n’étais pas habituée à cela. Les professeurs ne nous apportaient pas grand-chose côté technique, mais exigeaient de la créativité. À partir de la troisième année, on choisissait un sujet et c’était à nous de nous débrouiller. De temps en temps, ils nous donnaient des références. Comme cela, j’ai pu découvrir quelques artistes… je ne sais pas si tu connais Arnulf Reiner ? Ils m’ont donné cette référence-là pour étudier les corps emballés. Un autre de mes professeurs m’a conseillé d’étudier Alma-Tadema pour les drapés. On n’était pas complètement livrés à nousmêmes non plus. Enfin, on ne les voyait quand même pas beaucoup. Après, comme nous étions une petite quinzaine dans ma promotion, à quinze, forcément, La carte d'étudiante de Catherine, à Montpellier.

une émulation se crée.” Ses efforts sont récompensés par des appréciations positives notées sur ses livrets, mais Catherine ne le perçoit pas. Un travail de sape permanent l’habite. La peur de l’échec la tiraille. La conscience de n’être bonne à rien l’habite et la frustration de ne plus pouvoir être valorisée par le dessin qu’on l’empêche de pratiquer la fragilise. Elle ne retient que les remarques négatives, évacue toutes celles qui pourraient la flatter et la rassurer. Ses livrets prouvent que son travail est apprécié, alors même que son point fort n’est pas mobilisé. Elle n’en garde malheureusement aucun souvenir. Je lui relis les appréciations de ses professeurs. Elle répond :

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“Ce n’est pas du tout le souvenir que j’en avais ! Je suis surprise parce que j’avais énormément de critiques négatives oralement. Toutes les semaines, ils me démontaient mon travail, toutes les semaines ! Maintenant, c’était peut-être une manière de me faire réagir pour aller plus loin. Moi, je voyais cela comme de la critique négative et non pas constructive, car j’ai toujours eu un énorme complexe d’infériorité.” L’innocent, mais toxique propos parental “Tu n’es bonne à rien” est finalement si bien intériorisé par Catherine que toute critique, négative comme constructive, ne fait que nourrir sa crapule intérieure appelée dévalorisation. Aucun éloge, aussi éloquent soit-il, ne permet d’ébranler cette tenace bête intérieure. Pour en donner un aperçu, tournons-nous vers les appréciations de ses enseignants. Que nous apprennent-elles ? En graphisme, “Les idées et la réalisation des projets sont d’un très bon niveau” et ce, dès le premier trimestre (1981-1982). En sérigraphie, Catherine a de “très bonnes intentions”. En dernière année, sa démarche artistique est perçue comme “riche de potentialités et de développements”. Ce n’est pas tout puisqu’elle est aussi qualifiée de rigoureuse “en refusant toute facilité, toute complaisance”. Son “investigation photographique trouve ici un impact original et inattendu”. On souligne la diversité de ses recherches qui permet à son travail de s’affirmer dans la profusion et l’énergie qu’elle développe ». Il est non seulement conséquent, mais sa grande qualité est « un déplacement intérieur et une transformation méthodique et esthétique d’un corps ». Catherine semble sourde à tout compliment. Pourtant il est écrit que « Les prolongements de son travail seront très conséquents. » TRES CONSEQUENTS !!!! Le professeur t’a dit « TRES CONSEQUENTS. Ah oui, mais que retient Catherine ? La remarque isolée qui ne remet pas en cause la richesse de ses travaux. Riches, ses développements sont « trop souvent mal explicités, mal exploités » selon l’un des

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C'est dans le box ci-dessus que s'élabore le projet artistique de Catherine autour de la question de l'enfermement.


enseignants. Ah oui, il est également écrit qu’elle doit « sortir de son isolement et ouvrir ses préoccupations ». C’est-à-dire qu’elle peut tout simplement faire encore mieux. Heureusement, son talent dépasse ses doutes et Catherine termine son cursus montpelliérain. Elle obtient son « diplôme national supérieur d’expression plastique, mention Art ». Elle est officiellement artiste-plasticienne. Oui, mais…. car il y a forcément un, mais, Catherine retient seulement la phrase d’un enseignant : « Il va falloir fournir un énorme travail pour continuer ! » et l’interprète très négativement. Alors quelque part, le fait d’être enceinte trois mois avant son diplôme lui offre une « porte de sortie » à la confrontation du marché du travail.

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Chapitre 5

Quand la vie de mère et d’épouse étouffe l'artiste

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atherine clôt donc ses années d’étudiante par une grossesse. Bien qu’inattendue, cette dernière est bienvenue. L’enthousiasme du père, en revanche, fait plus que défaut et malgré la pression qu’il exerce pour qu’elle avorte, Catherine lui tient tête. En 1985 naît Nadège.

« La seule chose que j’ai imposée dans cette vie de femme, ce sont mes deux enfants, autrement je n’en aurais pas eu parce que Jean-Paul ne voulait pas d’enfants. Alors je me suis retrouvée enceinte par accident les deux fois, mais je n’ai surtout pas voulu me faire avorter. C’est la seule chose que j’ai voulue. Après, tout le reste m’a été imposé. » Artistiquement, c’est un vrai tournant pour cette jeune femme nouvellement mère. Parler d’arrêt soudain serait plus approprié. Malgré des velléités de devenir professeur d’art plastique via un cursus d’histoire de l’art auquel elle s’inscrit, Catherine décide d’entrer dans la vie active rapidement, répondant ainsi aux injonctions maritales.

« Il fallait travailler. C’est toujours pareil. Il fallait tenir son rang social. Pour cela, je devais travailler pour ramener des sous. Le dessin, la peinture, c’est devenu du loisir et ce n’était plus une priorité. C’est devenu un loisir. » Par le biais de connaissances, elle trouve une place dans une banque, un endroit

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Peintures sur photographie rĂŠalisĂŠs dans le cadre du projet sur l'enfermement.





Les références majeures du travail de Catherine. En haut à gauche : Arnulf Reiner pour les liens. En haut à droite : Lawrence Alma-Tadema pour les drapés. En bas : Goya pour les sacs. Cette gravure de Francisco Goya réalisée pendant sa période noire inspire de manière forte le travail de Catherine sur l'enfermement avec la thématique du corps humain emprisonné dans des sacs.


sérieux pour y exécuter des tâches bien définies. L’ambiance est plutôt sympathique, mais Catherine ne s’y épanouit pas véritablement, c’est le moins qu’on puisse dire. « J’ai travaillé trois mois dans une banque. À part le fait que j’ai rencontré des gens très sympathiques, cela n’a pas dû me convenir parce que j’ai commencé à avoir des troubles psychiques. Je suis devenue agoraphobe et j’ai passé quelques mois difficiles » grimace-t-elle. Un de ses anciens professeurs la met en contact avec une société d’édition. Elle intègre cette structure dans le cadre d’un contrat « jeune » dont le bon acronyme lui échappe. Un TUC, un CES, un SIVP ? Dans tous les cas, il s’agit d’« un contrat où tu es payé la moitié du SMIC et tu fais autant de travail qu’ils te demandent ». Après cette période de bons et loyaux services en tant que graphiste, elle finit par obtenir un contrat à durée indéterminée, sésame ô combien précieux après ces années de vaches maigres. S’en suivent huit années d’exercice du métier de graphiste dans différentes structures. Ses talents de dessinatrice sont ainsi exploités tout comme sa créativité bien que celle-ci soit bridée par des contraintes commerciales.

« Quand il fallait faire de la mise en page, c’était créatif et cela ne me déplaisait pas. Ce n’était pas évident pour autant. Tu es obligée de faire comme le client qui voit les choses différemment et qui t’impose tout un tas de contraintes. Comme je n’ai jamais été sûre de moi, j’avais peur de leur présenter un logo sur un plateau. Mais sinon, le travail de graphiste ne m’a pas déplu. C’était quelque part une manière de créer un peu. » Le rythme de travail dans la profession est soutenu, laissant peu de place à ses élans artistiques.

« Artistiquement, je ne faisais plus rien. Quand j’avais Nadège et que j’étais graphiste, je ne travaillais plus de huit heures par jour. C’était épouvantable. C’était un travail de cinglé. Et puis j’ai eu Hugo, avec ses problèmes de santé.

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Là, je ne touchais plus terre ! Par la force des choses, j’ai mis un grand couvercle sur mon côté artiste. De temps en temps, je prenais un crayon, histoire de m’octroyer un petit plaisir. C’était bien insuffisant pour avoir une démarche artistique. Juste un petit exercice de détente par-ci, par-là. » En sus de ses contraintes professionnelles, Catherine doit gérer la maladie chronique d’Hugo, qui enchaîne bronchiolite sur bronchiolite. Elle se met à son compte pour ne plus subir les contraintes horaires d’un employeur. L’expérience n’est pas concluante, car les charges l’étranglent. Elle se résigne à reprendre un travail salarié. Les semaines sont d’autant plus chargées que son mari s’absente la semaine entière depuis deux ans. Sa contribution au foyer est financière. Catherine court pour gérer ce foyer. Comment le vit-elle ? Page de gauche et de droite : exemples du travail de graphiste de Catherine.

« Je gère très bien. Néanmoins, je bosse comme une folle ! » Difficile dans ces conditions de s’ouvrir à la création. Outre la pression temporelle qui s’exerce sur son agenda, Catherine subit une pression psychologique de son mari dont la puissance se manifeste dans l’extrait suivant :

« Jean-Paul m’obligeait à travailler. Cela n’a jamais été un choix personnel. J’étais son pantin pendant treize ans. J’étais la chose de quelqu’un pendant treize ans, je n’ai pas vécu pour moi du tout. Quand j’ai fini par partir, il a fallu que je me reconstruise. » On le perçoit, dans le quotidien de Catherine, rien ne favorise la création si ce n’est son métier de graphiste qu’elle finit par abandonner au profit d’une nouvelle expérience : celle de l’enseignement. Ce changement intervient en 1993 et coïncide à quelques mois près avec une séparation salutaire pour elle.

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L’expérience de l’enseignement Les quatre sociétés au sein desquelles Catherine a travaillé ferment successivement les unes après les autres et la carrière de Catherine prend un nouveau chemin lorsqu’un ancien professeur de l’école de Montpellier, avec qui elle a gardé le contact, l’oriente vers un poste de professeure d’éducation socioculturelle au lycée agricole de Castelnau-le-Lez, anciennement appelé « La Fondraie ». Nouvel environnement, nouveau public, nouvelles tâches : tous ces changements ne sont pas faits pour rassurer Catherine qui manque toujours autant de confiance. Il s’agit dorénavant d’enseigner. À des jeunes. À des jeunes qui n’aiment pas l’école, comme elle. Pas d’enfants capables de se passionner pour l’histoire de l’art d’un seul coup. il faut les canaliser, les captiver, voire faire montre d’autorité ! Une meute de jeunes tigres rugissants en quelque sorte. Rien que cela. Et cela t’a plu, Catherine ?

« J’aimais bien le contact avec les jeunes. Une fois que je connaissais tous les élèves, c’était bon, parce que pendant les premiers cours, j’étais terrorisée. » Une fois apprivoisés, les tigrons se transforment vite en chatons qu’il faut abreuver de culture et d’apprentissages artistiques divers. Qu’à cela ne tienne : une pièce de théâtre par-ci, un concert de musique par-là ou bien encore un spectacle de danse ici ou ailleurs. Tout cela saupoudré d’histoire de l’art avec un zeste de graphisme : c’est le cocktail que propose Catherine tout au long de ses années d’enseignement. La mixture est appréciée et même elle est capable de le reconnaître. Elle enseigne douze ans, dans le secteur public, sans avoir passé le moindre concours. Ses contrats sont reconduits chaque année, la direction étant satisfaite de son travail.

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« Comme je faisais bien mon travail, j’ai toujours eu de très bonnes appréciations, le proviseur ne mettait pas mon poste au mouvement. Je ne travaillais pas forcément à 100 %. J’ai rarement eu un temps plein. J’ai démarré à 33 % et ils ont augmenté tout doucement. » En 2001, elle devient professionnellement établie. Personnellement, Catherine s’installe à Lunel-Viel avec Gilles, son mari depuis cinq ans et ils s’investissent dans les travaux d’une maison de village dont ils sont les nouveaux propriétaires. La créativité de Catherine est ainsi mise à contribution pour donner vie à ces murs anciens, quelque peu défraîchis, mais dont le potentiel l’a immédiatement conquise. Nadège, Hugo et Jeanne, la fille de Gilles, ont ici chacun leur chambre. Et puis, au fond de la chambre parentale, on aperçoit une porte. Serait-ce un placard ? Une salle de bain privative ? Un cabinet de toilette ? Non, rien de tout cela. La porte donne sur soixante mètres carrés de lumière, un atelier d’artiste de rêve. Catherine s’y projette. Elle imagine très naturellement ce qu’elle pourrait y faire. Elle retrousse ses manches et se lance dans la restauration : nettoyer, briquer, refaire, réparer, construire, bâtir, peindre… tout en s’occupant du foyer… Préparer ses cours, corriger des copies, organiser des sorties scolaires, assister aux conseils de classe. Accessoirement : dormir, manger, respirer. Un équilibre s’instaure dans cette nouvelle maison et les journées s’enchaînent à un rythme soutenu. Le mouvement perpétuel n’existant pas, un grain de sable vient enrayer cette belle mécanique : l’arrivée d’un nouveau directeur à son lycée qui la harcèle. Il ne cesse de lui faire des avances. Elle est fortement déstabilisée et ne sait comment réagir. Obéissante de nature, elle peine, mais supporte un temps son supérieur hiérarchique. Une tension forte s’instaure sur son lieu de travail. Le malaise va crescendo et puis vient la main baladeuse de trop. Les nerfs de Catherine, mis à rude épreuve depuis plusieurs mois, ne tiennent plus. Elle retourne instinctivement deux belles gifles à son supérieur. Ce dernier ne supporte pas cette rébellion et l’évince en présentant son poste au concours. Faute d’en avoir passé un et de s’être garanti une place de titulaire, Catherine est, de fait, obligée de quitter

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l’établissement où elle enseigne depuis plus d’une décennie. « Et maintenant, que vais-je faire ? » se dit-elle… Serait-ce enfin l’opportunité de se remettre à peindre ? Vingt ans viennent de s’écouler depuis l’obtention du diplôme des Beaux-Arts. Hormis ses créations graphiques pour des éditeurs et imprimeurs, son travail artistique est resté au point mort. Comment pouvait-il en être autrement ? Dominée, voire manipulée par un mari toxique, Catherine ne peut aller contre le diktat marital d’avoir une position sociale honorable, ce qui passe, selon lui par un travail rémunéré. Elle s’exécute et enchaîne les postes de graphistes une petite dizaine d’années tout en assumant les tâches domestiques et en élevant quasiment seule ses enfants. Hugo, malheureusement, tombe très souvent malade dans les premières années de sa vie. Il faut gérer les priorités. Le couple va mal et la séparation sonne comme une délivrance. Catherine devient éducatrice socioculturelle dans un lycée agricole. Gilles, son nouvel amour, intègre officiellement sa vie. Jeanne naît de cette nouvelle union. Les années défilent ainsi entre unions, enfant, travail et désunion, emménagement, travaux. Son travail artistique est au point mort, faute de temps, de disponibilité intellectuelle, d’énergie, celui-ci étant relégué au titre de loisir. Alors quand Catherine prend bon gré, mal gré, la porte du lycée, une place est à prendre dans son emploi du temps. Car c’est bien connu, la nature a horreur du vide.

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Affiche du lycée professionnel La Fondraie, réalisée par Catherine.


Illustrations de Catherine dans la Gazette de Montpellier.


Chapitre 6

Quand l’art reprend ses droits 2004 -2006

C

atherine n’a jamais eu besoin de personne pour se dévaloriser alors son éviction au poste d’éducateur ne fait que conforter ses croyances limitantes. Convaincue de n’être qu’une usurpatrice depuis le début, elle ne peut pas envisager de postuler dans un autre établissement scolaire à un poste similaire. Son horizon semble se rétrécir. L’angoisse la tenaille. Connaissant son potentiel créatif, son entourage proche l’encourage à prendre les pinceaux :

« Quand j’ai perdu le poste, je n’étais vraiment pas bien. Je me demandais ce que j’allais faire. En plus cela s’est fait de façon tellement épouvantable. J’étais allée avec Babeth, une amie, m’acheter tout le matériel. C’est la première à m’avoir encouragée à peindre de nouveau. Je n’avais pas tellement d’options non plus et je savais qu’au fond de moi, cela m’a toujours plu. » Dans la foulée, Catherine fait une rencontre facilitant sa reprise artistique. « J’ai rencontré cette fameuse Joëlle. Il s’est avéré qu’on a exactement le même parcours. Nous nous sommes aperçues que nous avions exposé ensemble, sans le savoir, lorsqu’elle était aux Beaux-Arts à Nîmes et moi à Montpellier. Il s’agissait d’une exposition commune des élèves de ces deux villes. Nous avons rapidement sympathisé et comme moi, elle ne faisait plus rien. Elle disait qu’elle n’avait pas de place donc je lui ai offert la possibilité de venir dans mon atelier. C’est ainsi que

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Tulipe blanche sur fond gris, huile, 38x46cm, première toile de Catherine depuis les Beaux-Arts.


deux fois par semaine, elle venait peindre avec moi. » Catherine s’exerce d’abord sur des toiles, à la peinture à l’huile. C’est avec tendresse qu’elle se penche sur sa toute première toile.

« J’aime bien ma toute première toile. Pourtant le cadrage aurait pu être différent, mais le sujet a ce velouté, cette sensibilité que j’aime bien. » Elle expose environ un an plus tard à l’Orangeraie de Lunel-Viel avec l’association des Peintres du loisir avec déjà douze toiles à son actif.

L’enseignement du dessin Très timidement, Catherine se lance comme professeur de dessin avec Andréa à son domicile. Sans même qu’elle communique sur cette activité, le nombre de ses élèves augmente suffisamment pour envisager, en 2008 de s’installer dans de vrais locaux. La mairie lui en accorde dès l’enregistrement de son association auprès de la préfecture. Outre la satisfaction d’exercer une activité qui lui correspond, l’enseignement du dessin lui permet une lente prise de conscience de ses capacités artistiques. « Au début j’enseigne surtout à des enfants. Puis, à partir du moment où je commence à avoir un certain nombre d’adultes, mon regard change et je trouve enfin ma légitimité à enseigner le dessin. Je pense que je suis un bon professeur. J’ai réalisé cela. D’ailleurs, les élèves continuent à venir et s’ils reviennent en grande majorité, c’est qu’ils sont satisfaits. Je me rends compte que je suis plus douée que ce que je croyais. Je suis capable de corriger n’importe quoi. Et à partir de là, si j’en suis capable c’est que je peux faire autre chose. »

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L'atelier Ceruleum. Catherine avec ses Êlèves.


L'Orangeraie, dans le parc du château de Lunel-viel où Catherine expose chaque année.


Etude réalisée à Vic-le-Fesq en juin 2014. D'une représentation figurative précise, Catherine se détache progressivement du sujet pour aboutir à un visage bicolore sur un bout de carton.


Arbres sur toile, technique mixte, 2015


Sa production picturale se poursuit à un rythme régulier. En sus des cours qu’elle prodigue, Catherine réalise une dizaine de toiles par an jusqu’en 2009. La naissance de ses petites-filles jumelles en 2010 et la longue hospitalisation de sa fille Nadège quelque temps plus tard ont une incidence majeure sur sa production. Elle consacre son temps disponible à s’occuper de Lili et Louise. En quatre ans, elle ne réalise qu’une quinzaine d’œuvres. Trois mois après leur naissance, elle achève une toile Nu au coussin et un dessin Arbres en bord de route.

Juin 2014 : l’atelier de Vic-le-Fesq, une renaissance Tout comme la Renaissance redécouvre au XVe siècle la littérature, la philosophie et les sciences de l’Antiquité, Catherine redécouvre après trois décennies le travail d’artiste qu’elle avait entrepris aux Beaux-Arts. Fidèle organisatrice de l’exposition des Peintres du loisir à Lunel-Viel, elle côtoie plusieurs artistes locaux, dont une personne en particulier, Marina De Bruyne, qui s’intéresse à son travail. Cette dernière l’encourage vivement à rejoindre l’atelier de Catherine Scotto, à Vic-le-Fesq, à une trentaine de minutes de son village. Catherine reste terrorisée à l’idée de mal faire. Heureusement, son amie artiste trouve les mots justes pour la convaincre et l’envie prend enfin le pas sur la peur. Catherine se confronte désormais aux regards de ses pairs qui l’aident à se dépasser.

« Je cherchais à faire autre chose et c’est ce que j’ai commencé à faire en allant à Vic. Cela a été fulgurant. Je suis allée à trois cours en juin qui m’ont incitée à travailler autrement. Dans la foulée, pendant l’été, je suis partie en vacances avec du matériel très limité : pas de crayon, mais un bambou, des encres, des aquarelles. Je suis sortie de ma routine en utilisant des techniques dont je suis peu familière et j’ai dessiné presque tous les jours. C’est la première fois que cela m’arrivait. »

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Trois cours ont donc suffi à Catherine pour faire évoluer sa démarche artistique dans un sens plus créatif. Elle explore de nouveaux champs, de nouveaux supports. Elle mixe les techniques.

« Jusqu’à maintenant, j’avais une démarche différente. Je prenais une toile et je devais arriver à un tableau abouti. Maintenant je fais, ce n’est pas bien, cela va à la poubelle. Au pire, je le mets dans un coin et je le retravaille. Je peux aussi faire quelque chose par-dessus. Du coup, ce n’est pas du tout la même démarche. Je ne cherche pas le produit fini. Je fais ce qui me plait, je me fais plaisir. Parfois cela me conduit à quelque chose d’inédit, une toute autre étape. » Désormais, la perfection n’est plus une fin en soi. Le plaisir de faire dicte sa conduite et libère sa créativité.

« J’ose utiliser des outils dont je n’ai pas l’habitude, tester des techniques que je ne maîtrise pas. D’un seul coup, j’abandonne ma petite pointe de crayon et mon pinceau fin pour bosser avec mes doigts, avec une brosse, un bout de chiffon pour voir jusqu’où je peux aller. À l’heure actuelle, je n’ai pas envie d’aller vers de l’abstrait. Je préfère rester dans le figuratif. Mais j’ose me chercher une écriture. J’en avais une parce que les gens reconnaissaient mon travail, mais c’est une écriture banale. Maintenant je veux quelque chose qui soit plus percutant. Je pense que le côté délicat, un peu velouté, c’est mon écriture de fond. Je ne peux pas m’en défaire. Ce qui a véritablement changé, c’est que j’ai envie de travailler, j’en éprouve le besoin. »

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Les préparatifs de l'Arlésienne, peinture à l'huile et à la feuille d'or, 2013


Chapitre 7

A la recherche de son écriture

L

es premières créations de Catherine réactualisent ses compétences techniques et vont même jusqu’à les développer, car au fond, Catherine n’a que peu fait usage de la peinture, qu’elle soit acrylique ou à l’huile. Précisons qu’à l’École des Beaux-Arts de Montpellier, ses travaux étaient essentiellement photographiques.

« Au départ, je me suis mise à la peinture que je n’avais jamais vraiment pratiquée. Mon réflexe a été de pousser la technique au maximum. Cependant, plus j’avançais dans la technique, plus j’étais frustrée de ne pas être capable de mettre autre chose dedans. Parce que mon travail, n’importe qui peut le faire avec la technique. » La qualité graphique, la précision de son pinceau, le réalisme de ses tableaux éblouissent les visiteurs lors des expositions. Les commentaires sont élogieux, mais Catherine ne l’interprète pas de cette manière. L’appréciation admirative face au réalisme de son travail « On dirait une photo » loin de la satisfaire, l’agace.

« Je me suis mise au pastel parce que j’en avais marre qu’on me dise que je faisais de la photo. Grâce au travail de mon élève Véronique, je me suis rendu compte, en corrigeant ses pastels floutés, que c’était un outil intéressant pour me sortir de mon côté trop réaliste, juste en prenant une craie. J’ai fait un essai et j’y ai pris immédiatement beaucoup de plaisir. »

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Papillonnage, pastel, 28 x 40cm, juillet 2013


Papillonnage est son premier pastel après 78 peintures à l’huile et 13 dessins au crayon. S’en suit alors une longue série de cette craie sèche et colorée à l’aspect velours qui l’autorise à travailler le flou dans son graphisme. Cette nouvelle écriture permet l’expression de la douceur de Catherine. Son attirance pour les ombres et les drapés font des fleurs son sujet de prédilection depuis longtemps. Après les avoir peintes, elle les dessine au pastel : roses, pivoines, dahlias, fleurs de lin, tulipes vont être croquées avec brio. Les pinceaux rangés, Catherine crée trente-quatre pastels d’affilée, dans son atelier personnel ou dans l’atelier Ceruleum, celui de ses élèves. Elle atteint une maîtrise certaine de cette technique, mais se sent désormais au bout de cette démarche. Grâce à l’émulation artistique générée au cours de ses rencontres hebdomadaires à Vic-le-Fesq elle s’essaye à mixer les techniques, à créer ses couleurs à base de pigments. Les résultats sont probants, car Catherine pose enfin un regard positif sur sa création. « Au pastel, je ne sais pas si je peux aller plus loin. Je préfère dorénavant me focaliser sur de la technique mixte. » Elle cherche à se libérer de son apprentissage qui l’a imprégnée et auquel elle a tendance à recourir pour éviter de prendre le risque d’être confrontée à l’échec, à la médiocrité d’un tableau. Une fois encore, la confrontation avec ses pairs est douloureuse, mais elle se dépasse ses inhibitions, coûte que coûte, pour avancer. « Je ne suis pas contente de ce que je fais. Elles sont beaucoup plus libres que moi. Certaines n’ont jamais fait de dessin de leur vie et elles créent avec une facilité ! Pour moi, eux, ce sont de véritables artistes. À Vic, je ne me sens pas à ma place, mais je continue parce que je sais qu’il faut que j’aille au fond des choses, que je me dépasse. » En 2015, ses œuvres ont été exposées plus d’une vingtaine de fois. Sa notoriété au niveau local est établie à tel point que la mairie de St-Just souhaite la mettre à l’honneur. Elle dispose de l’ensemble de la salle municipale pour exposer une trentaine de pastels. Elle a trois mois pour répondre à la commande. Sous la pression, elle va y parvenir, malgré un dos bloqué et l’état inquiétant de son père atteint d’Alzheimer.

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Douceur de lin, pastel, 100 x 43cm, mai 2014 (page ci-contre) Fleurs sauvages, pastel, 21 x 40cm, mai 2014



Balade sous la pluie, pastel, 11 x 26.5cm, 2015


Chapitre 8

La série brouillard en Lorraine

«E

n fait, le 25 décembre, je me bloque le dos en déménageant le meuble que j’avais restauré pour Nadège. Je suis restée couchée pendant trois semaines. Seulement j’avais accepté l’exposition très peu de temps avant. Elle avait lieu le 6 mars et j’ai attaqué les trente pastels le 15 décembre. Je n’ai pas pu tout faire donc j’ai repris d’anciens travaux que j’ai réaménagés. J’ai mis un portrait de mes petites filles que je ne supportais pas. Cependant, il fallait que j’en produise trente. Finalement, j’ai pu créer 21 pastels. Il fallait également que je les encadre en quinze jours, pendant les vacances de février. J’ai tout emmené à la maison et j’ai bossé non-stop. Je n’ai fait que cela. Au début j’ai eu besoin de travailler sur deux photos en particulier auxquelles je suis restée assez fidèle, mais seulement sur les premiers pastels. Après, je me suis surprise à ne pratiquement plus regarder de photos et à la fin, à les faire comme ça, sans aucun modèle. » Le travail au long cours de Catherine a un premier effet : elle se détache petit à petit d’un modèle pour entrer pleinement dans un graphisme qui lui est propre. Le fait de se plonger dans une série comme celle-ci lui permet, dans un second temps, d’exprimer, sans même qu’elle n’en ait conscience, une véritable émotion.

« La série des pastels est arrivée à un moment où mon papa était super mal et j’ai vécu une bouffée de nostalgie de mon enfance. Pour autant, je n’ai pas choisi intentionnellement de parler de mon père malade. J’y suis venue parce que je voulais faire du flou. Or il n’y a pas mieux que le brouillard pour faire du flou. Indirectement, je suis rentrée dans ce sujet et j’ai eu du mal à en sortir. »

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Après-midi de pluie, pastel, 20.5 x 30cm, 2015

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Balade d'automne, pastel, 50 x 35cm, 2015


La pression mêlée à l’émotion stimule très fortement la créativité de Catherine. Il en résulte une série percutante et innovante. Sa plus grande satisfaction tient à la surprise que son travail a provoqué.

« J’étais contente du retour et des critiques lors de l’exposition parce que j’ai surpris les gens même si pour la plupart d’entre eux, cela ressemble à une photo de brouillard. Je n’ai pas échappé à l’histoire de la photo. Cependant, j’ai surpris positivement les visiteurs non pas sur la qualité, mais sur le fond de mon travail. Je me suis dit “ha, enfin”!. »

Prête à s’assumer artiste ? Cette dernière expérience permet-elle à Catherine de s’assumer enfin comme une artiste ? Pas si simple, car son manque de confiance reste tapi au fond de son inconscient comme une menace sourde à ses élans assertifs. Malgré tout, Catherine lutte face à ses doutes et trouve du soutien auprès de ses consœurs artistes qui déverrouillent occasionnellement quelques-uns de ses blocages, certes nombreux mais pas aussi indéboulonnables qu’il n’y paraît. Lorsqu’elle s’interroge à haute voix sur son potentiel artistique, ses amies parviennent à désamorcer ses angoisses inutilement paralysantes. L’une des peintres de Vic évacue ainsi la question : « Elle considère que certaines personnes font des reproductions à la perfection. Pourquoi ne seraient-ils pas plus artistes que quelqu’un qui balancerait de la peinture d’un seul coup de pinceau sur sa toile ? Seul le résultat compte. » Cette vision l’apaise surtout qu’avec son trait de crayon, Catherine possède l’outil pour exprimer ses émotions.

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« En fait, je vois une image et je suis tout de suite attirée, en me disant waou, c’est super beau, j’ai envie de le faire et je ne me pose pas plus de questions. » Car elle l’assume pleinement, voire le revendique, elle n’intellectualise pas son travail.

« La chose que j’ai à transmettre c’est une certaine sensibilité. Je pense que ce que je mets dans mon travail, c’est de la douceur. Après je n’ai pas une idée précise, ou un concept à transmettre. Je ne sais pas comment je pourrais travailler cela, mais d’ailleurs, je n’ai même pas envie d’y réfléchir. J’ai envie de faire un arbre, je n’ai même pas envie de savoir pourquoi je veux faire un arbre. Je sais que le graphisme est super important pour moi. J’ai dû être “déformée” par l’apprentissage que j’ai eu au départ. On ne faisait que du dessin crayon, que du graphisme même si c’est cela qui m’a amenée où je suis. Je pense que je ne suis pas quelqu’un qui intellectualise en fait. Déjà je me considère comme bête donc déjà, je ne peux pas intellectualiser. » L’authenticité de Catherine dans son travail est à l’égal de son discours. Elle ne triche pas, elle ne feint pas. Lorsqu’elle tombe en admiration sous la coupole de la chapelle Sixtine, c’est la qualité du travail réalisé qui l’émerveille.

« J’étais époustouflée. Je ne peux pas te dire que j’ai ressenti des émotions particulières dont je pourrais te parler. Je l’ai pris en pleine figure. Une qualité de travail extraordinaire ! Moi je crois que c’est vraiment deux choses qui comptent pour moi dans la création. En premier lieu, il y a l’esthétique et par conséquent tout ce qui touche à la perfection. Ensuite, j’aime les œuvres noires, percutantes, comme ce que fait Egon Schiele. »

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« S’il y a une exposition que je ne manquerais pour rien au monde à Paris, c’est pour Ingres. J’ai halluciné lors de la dernière exposition. C’est le côté purement technique que j’admire parce que après les sujets ne m’intéressent pas plus que cela. Ce sont principalement des portraits. » Malgré ses doutes et son manque d’assurance sur bien des points, Catherine continue de peindre et de dessiner en superposant les matières, en explorant de nouvelles pistes tout en gardant cette authenticité qui la caractérise. Elle développe petit à petit de nouvelles compétences. Désormais, elle réalise ses propres couleurs à partir de mélanges de pigments. Afin de sortir des formats classiques, Catherine a appris à encadrer ses travaux. Elle réfléchit actuellement à l’encadrement très spécifique d’une de ses toiles (technique mixte) pour une mise en valeur optimale. Elle peaufine son métier et son souci du détail et de l’esthétisme ne la quittent pas, pour le plus grand plaisir de nos rétines.

60


Épilogue

D

epuis la rédaction de cet ouvrage, en 2015, le travail de Catherine a beaucoup évolué. Tout enpoursuivant ses activités de professeure de dessin dans l'atelier qu'elle a fondé, Catherine a multiplié les expositions, les rencontres et les stages de professionnels. Sa technique est toujours aussi pure mais ses sujets gagnent en complexité et profondeur. C'est avec le pastel sec qu'elle exprime au mieux sa sensibilité. Elle privilégie trois thèmes majeurs. L'arbre, pour les histoires qu'ils racontent grâce au graphisme de ses branches et à la diversité de de ses couleurs : La brume, pour son velouté et la douceur qu'il poste sur le monde. La pluie pour les distorsions visuelles qu'elle produit et la musique qu'elle émet. Ses portraits sont quant à eux, d'une poésie rare. Les quelques photos qui suivent donnent un aperçu de sa créativité et de l'esthétisme de ses oeuvres.

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La liseuse, pastel, 30 x 40cm, 2015


Mélancolie, pastel, 30 x 30cm, 2015


Brume d'octobre, pastel, 20 x 30cm, 2018


Brume, pastel, 24 x 30cm, 2017


Pastels 2018 : Saison à la plage I et Saison à la plage II (page ci-contre), 40 x 40cm



Les balades de Véro, Pastel, 40 x 50cm, 2019


Les balades de Véro, pastel, 40 x 50cm, 2019


Instant de pluie, pastel, 40 x 50cm, 2019


Mon p'tit prince, pastel, 40 x 50cm, 2019



Sommaire Chapitre 1 — Sur les traces d’une artiste longovicienne

3

Une fille de Lorraine................................................................................................................. 3

La ville de Longwy .................................................................................................................. 3

Les influences créatives familiales .................................................................................... 8

Chapitre 2 — Le sport, une religion familiale, sauf pour Catherine

11

Chapitre 3 — Le dessin, comme une révélation

13

L'académie Darche . .............................................................................................................. 15

Le concours des Beaux-Arts................................................................................................... 18

Chapitre 4 — Premier amour, premier tournant

19

1979-1980 : L’année nancéienne............................................................................................. 20

L’école des Beaux-Arts de Montpellier.................................................................................... 20

Chapitre 5— Quand la vie de mère et d’épouse étouffe l'artiste

27

L’expérience de l’enseignement............................................................................................... 35

Chapitre 6 — Quand l’art reprend ses droits

39

2004-2006 . ........................................................................................................................... 39

L’enseignement du dessin . ..................................................................................................... 41

Juin 2014 : l’atelier de Vic-le-Fesq, une renaissance................................................................ 46

Chapitre 7— A la recherche de son écriture

49

Chapitre 8 — La série « brouillard en Lorraine »

55

Prête à s’assumer artiste ? ...................................................................................................... 58

Epilogue

61


Réalisation : Cécile Frank-Prad Graphisme : Simon Heptonstall

www.vimage.online



Catherine Cannat  Itinéraire d’une femme artiste


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