De la bibliothèque au Learning Center, Therrin Simon, Mémoire de PFE, ENSAPL, 2016

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1 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


2 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Je souhaite commencer en remerciant Mme Victoria Pignot, pour son attitude pédagogue et son implication dans le suivi du projet au sein de l’atelier tout au long du semestre. Aussi, je remercie mes camarades d’atelier pour leur bonne humeur, l’ambiance sereine et de travail instaurée pendant l’ensemble du semestre. Une pensée particulière est dédiée à mon binôme n°1, pour son attitude réflexive et constructive sur le projet. Je voudrais aussi remercier le personnel de la bibliothèque de Lille 3 pour l’accueil chaleureux qu’ils nous ont réservé, et plus particulièrement la conservatrice pour le temps précieux qu’elle nous a accordé. Enfin, je remercie mes aimables relecteurs pour le temps et la patience qu’ils ont su m’accorder.

3 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


4 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Sommaire : 1)

Processus et Méthode théorique(s)

p.5

[P S E O L] Présentation de la méthode de travail et des thèmes opératoires inspirés par la lecture de Rem Koolhaas.

2)

Poser

un «Diagnostic» : entre analyse théorique et perception sensible p.9

[S L E A O V I D D R M E E S O C D G] Présentation des enjeux pour le futur Learning Center à l’échelle urbaine. Formulation d’un diagnostic pour la bibliothèque – au croisement entre ces objectifs et les perceptions sensibles – prémices d’une attitude par rapport à l’existant.

3)

Le « Palimpseste » : une attitude par rapport à la Bibliothèque de Pierre Vago

p.37

[P I P P C J E M 1% H] Analyse plus détaillée du bâtiment de Pierre Vago pour formuler une extension en dialogue avec le bâtiment.

4)

Le Learning Center : un programme « oxymorique » en soi

p.58

[O B P C S T A T] Programme, usage, fonctionnement, et, potentiel du Learning center

5)

Conclusion

p.72

[A E]

5 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


6 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


1) Processus et Méthode théorique(s)

Processus : Le processus de projet « n’implique pas le passage d’un stade à un autre mais un « dynamisme », une « tension » qui se déplace, sans point de départ ni point d’arrivée, de la structure de la narration à celle de l’architecture. » 1 Le processus du projet suit un temps contingent, « susceptible d'être ou de ne pas être, de se produire ou de ne pas se produire »2. Le temps de recherche projectuelle, suit une logique des vacillements, les expériences gommées font tout autant parti du processus que celles retenues. Je considère l’élaboration et la confection du mémoire comme un exercice d’écriture. Un élément de communication et un outil de travail représentatif d’états et de phases du projet. Le présent travail fonctionne comme un communiqué d’un cheminement, lequel – non figé et fini – demeure un travail en évolution. Ce support écrit permet de mettre en relation des plateaux de réflexion et moments de projets, pour fructifier et faire avancer l’état du projet. A l’initiation du semestre la lecture d’un auteur « compagnon » – Junkspace de Rem Koolhaas – m’a permis de me familiariser, d’adopter une méthode pour penser le projet, dans le but de l’appliquer à la confection du projet. Le processus « Koolhaasien » fonctionne avec un ensemble de notion qui accompagnent et parcourent la conception du projet apportant une directive pour nourrir ce dernier.

1

Gabriele Mastrigli préface de REM KOOLHAAS, Junkspace, Editions Payot & Rivages, Paris, 2011

2

(déf CONTINGENT selon le TLFi , B.− PHILOS. [En parlant d'un être, d'une chose] Susceptible

d'être ou de ne pas être, de se produire ou de ne pas se produire.)

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Les thèmes opératoires retenus des lectures de Junkspace et New York Délire (et qui seront développés au cours de ce rapport) sont issus principalement d’une méthode pour penser le projet par le style d’écriture ; La méthode « Koolhaasienne » considère l’écriture comme une architecture du projet.

Scénario : L’intérêt que porte Koolhaas à l’écriture et la construction de scénarios lui a permis de se rapprocher de l’architecture. Dans la préface de Junkspace, Gabriele Mastrigli présente un Rem Koolhaas « persuadé que le projet doit avant toutes choses exprimer une idée littéraire, raconter une histoire qui puisse justifier la présence ou la réalisation d’une œuvre d’architecture ». A travers la prose narrative, l’architecte utilise l’architecture et ses éléments comme « la trame qui permet de construire les scénarios les plus provocateurs pour cette expérimentations qu’est la ville moderne ».3 « Comme celui de l’œuvre cinématographique, [le] scénario répond, et c’est sa particularité, à deux exigences structurelles différentes : la structure de l’œuvre littéraire, la structure de l’œuvre architecturale.

La narration ne renvoie donc pas seulement à une œuvre à faire

(cinématographique ou architecturale), elle exprime plutôt (pour recourir à une paraphrase de Pier Paolo Pasolini) les significations d’une structure en mouvement, c’est-à-dire d’une structure dotée de la volonté de devenir une autre structure. ».4

La narration est pour Pier Paolo Pasolini comme « une structure qui fait du processus sa caractéristique structurale ». Suite à la première visite à la bibliothèque un scénario, a été écrit à la manière d’un pamphlet pour retranscrire et faire une critique exagérée de la bibliothèque et de son fonctionnement actuel. Passer par l’hyperbole5, permet de mieux rendre compte des enjeux et des problématiques

complexes

du

projet.

De

la

même

manière

des

3

Dans Rem Koolhaas, Exodus, or the volontary prisoners of architecture.

4

Gabriele Mastrigli préface de REM KOOLHAAS, Junkspace, Editions Payot & Rivages, Paris, 2011.

5

Définition du TLFi : « Figure de style consistant à mettre en relief une notion par l'exagération des termes employés. »

8 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


photomontages/photocollages narratifs ont été réalisés pour compléter ce que les mots ne peuvent exprimer et transmettre.

Ecriture/architecture : La structure en bloc ou l’écriture en bloc de NYD (New York Délire), « est un simulacre de la trame de Manhattan, une succession de blocs dont la proximité et la juxtaposition renforcent la signification individuelle.»6 L’une des caractéristiques commune – peut-être la principale – de l’écriture et l’architecture est la structure. Dans la préface de Junkspace, le critique italien Gabriele Mastrigli parle de « la nature architecturale de l’écriture de Koolhaas »7, de son travail comme d’une « courbe architecturale et littéraire qui va de NYD à Junkspace »8. Pour définir le statut d’écrivain de Rem Koolhaas, Mastrigli reprend une définition (de l’écrivain hollandais : Willem Frederick Hermans) sur la différence entre un journaliste et un architecte : « le premier écrit ce que pensent les masses alors que le second parle du contexte qui révèle ce que ces dernières n’osent pas penser »9. L’ « architecte star » hollandais « recompose en écrivain, dans un cadre plus complexe ; il en éclaire le contexte grâce à l’usage qu’il fait de la structure narrative. » A la manière de l’écriture Koolhaasienne, l’ensemble des écrits de ce rapport seront organisés en blocs d’écriture. Plus que chacun des blocs pris seul, c’est l’articulation entre l’ensemble de ces fragments d’écriture autonomes qui profère une cohérence à l’ensemble. A chaque bloc correspondra une «notion », laquelle fera office de titre pour ce même bloc écrit. Certaines notions identiques – par leur titre – apparaîtront dans des parties différentes et seront définies de différemment en fonction de la focale induite par chacune de ces différentes parties.

6

p11, REM KOOLHAAS, New York Délire, édition Parenthèses, Marseille, 2002 (première édition en 1978). 7

Gabriele Mastrigli préface de Junkspace, op. cit. ibid 9 ibid 8

9 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Oxymore : Koolhaas utilise l’oxymore comme méthode pour faire du projet – une manière didactique de comprendre la complexité du monde et d’aborder la conception projectuelle. L’oxymore est comme le Ying est interdépendant du Yang. Souvent l’un des deux termes est sous-interprété par la masse – c’est-à-dire par la majorité – de manière méliorative et l’autre dénigré. L’un est du domaine de l’idéal, de l’irréel, de l’utopie, comme un exemple vers lequel on veut tendre mais qui se trouve à l’infini – l’autre correspond au réel, au péjoratif. Parfois Koolhaas s’amuse à jouer avec ces aprioris sociaux et à les inverser. Il ne faut pas considérer la frontière de ces deux opposés comme fixe, rigide, et inébranlable ; au contraire l’oxymore Koolhaasien tend vers un estompage des frontières – une sorte de lutte contre la ségrégation et le fascisme. Pureté/contamination – Qualité/quantité – Coexistence/liberté – Sauvetage/Perte – perpétuelle/stationnaire – Anarchie Planifiée – Sublime Vulgarité – réalités artificielles – Fantasmes irrationnels –

hypothèse

théorique –

pragmatisme

idéalisme –

Respect/Retenu – Angoissant/Réjouissant – Pragmatisme/idéalisme, etc…10

Laboratoire : « Seule la reconstitution spéculative d’un Manhattan parfait permet de comprendre ses réussites et ses échecs monumentaux » 11

Le laboratoire est le lieu de la Recherche, de l’ « expérimentation sociale », du test des « stratégies » et des « mécanismes », un « banc d’essai » métropolitain. C’est le lieu de l’ « embryon », du « rejeton », du « prototype ». Le laboratoire « mesure [le] potentiel » jusqu’aux limites de la transgression. Le principal attrait du laboratoire c’est son échelle réduite, on peut y « expérimenter à bon marché ». La « réalité » du laboratoire est autre, c’est une « réalité artificielle » ou fictive. Il est préférable de se tromper dans le laboratoire que dans la réalité. « Pour chaque

10 11

Oxymores collectés dans, New York Délire, op.cit p11, Koolhaas Rem, New York Délire, op.cit

10 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


cauchemar exorcisé [dans le laboratoire], il y a une catastrophe évitée [dans le monde réel]». Inconsciemment on y élabore un « antidote ». L’atelier un laboratoire – comme Coney Island fonctionne pour la Manhattan de New York Délire – c’est le lieu du banc d’essai, du challenge : le lieu de tous les possibles pour l’embryon de Learning Center. Il n’y a pas de peur à tester des hypothèses osées. C’est le lieu où l’on peut travailler différents plateaux de réflexion de manière schizophrénique sans se soucier de la cohérence et la correspondance directe (à un instant t = X, et où le X de chacun des différentes avancées aurait la même valeur) entre chacun des plateaux. Le tissage de relations et l’interférence entre ces différents outils de projet, permet d’enrichir et nourrir le projet.

2)

Poser

un «Diagnostic» : entre analyse théorique et

perception sensible

On peut remarquer dans l’écriture de Rem Koolhaas l’usage récurrent d’un vocabulaire appartenant au domaine médical : « lobotomie », « schizophrénie », « laboratoire,

greffe »,

« symptômes »,

« contamination »,

« syndrome »,

« antidote », « embryonnaire », « fièvreuse »…12. L’architecte se positionne comme médecin – il enfile le costume d’un docteur spécialiste - dans le sens où il pose un diagnostic sur les tares et les maux de la société contemporaine complexe. « Art d'identifier une maladie d'après ses signes, ses symptômes »13, « Acquérir la connaissance à travers les signes observables »14 (observation) « Temps de l'acte médical permettant d'identifier la nature et la cause de l'affection dont un patient est atteint »15 (durée)

12

Mot appartenant au vocabulaire médical recueilli dans NYD, op.cit.

13

http://www.cnrtl.fr/definition/diagnostic

14

https://fr.wikipedia.org/wiki/Diagnostic

15

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/diagnostic/25154

11 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Vue du campus universitaire en 1984.

12 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Les différentes définitions et parties de définition du mot « diagnostic » implique qu’avant de se positionner – architecturalement – par rapport à la bibliothèque de

Lille 3, il est nécessaire de faire un état des lieux (contexte urbain), un état de la connaissance sur le bâtiment existant – sujet de la future intervention architecturale. Ce diagnostic s’établit à la fois avec des données relevant de l’objectif (observation prises seules) et des données subjectives (perceptions et interprétations des données « objectives » observées). Le diagnostic s’élabore à deux échelles différentes reliées intrinsèquement : l’échelle urbaine (large) et l’échelle du bâtiment (rapprochée).

Sujet : Le campus de l’université de Lille 3, a été bâti entre 1967 et 1974 dans l’actuel quartier du Pont de Bois à Villeneuve d’Ascq (technopôle situé à sept kilomètres à l’Est de Lille). Cette opération, s’inscrivant dans une politique de délocalisation des universités en dehors des centres ville, est contemporaine de l’explosion démographique vingt ans après la seconde guerre mondiale. Le campus de la faculté de lettres et de droit16 a été construit sur des champs avant même l’arrivée de la ville nouvelle de Villeneuve d’Ascq. Son architecte Pierre Vago, a souhaité créer un campus concentré pour favoriser les contacts interdisciplinaires et en faire un espace de rencontres et de communication. « Qu’est-ce qu’une université ? Deux conceptions s’opposaient. Celle anglo-américaine, élitiste, où les étudiants généralement issus des classes sociales privilégiées vivaient, avec leurs professeurs dans un cadre exceptionnel, souvent loin des villes. Et celle méditerranéenne et latine, où l’université était le lieu de rencontre et de communication, et l’étudiant plus mêlé à la vie.[…]aux unités éparpillées j’avais préféré un ensemble étroitement lié à la ville, facilitant les rencontres et le dialogue ».17

16 17

Aujourd’hui les locaux de la faculté de droit ont déménagé au centre-ville de Lille. Vago Pierre, Une vie intense, ed. Archives architecture moderne(AAM), Juin 2000, p.400

13 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Les bâtiments du campus (15 hectares de terrain) s'organisent en deux ailes (droit et lettres) lesquelles forment deux bras autour d’un vaste parc au nord. Les deux ailes de la faculté sont réunies par une vaste esplanade surélevée de 5 mètres au-dessus du niveau du sol naturel. Cette vaste esplanade (5000 m2), Vue du forum à la construction de l’université, auteur inconnu.

telle un forum de la rencontre entre les deux

Source : http://bsa.biblio.univ-lille3.fr/

facultés offre une vue plongeante sur le parc.

« Sur la grande place principale, ouverte en terrasse vers un vaste parc occupant la très grande partie du terrain, ouvrent les deux facultés.[…]Comme dans le passé, l’université fait partie de la ville ; son parc est ouvert à tous les habitants.»18

L’architecte souhaite une université en relation avec la futur ville ; il milite pour qu’il n’y ait pas de clôture entre l’université et la futur ville, pour que les riverains voisins de l’université puissent accéder au parc et terrasses de l’université. Le premier bâtiment public que l’on voit lors de l’arrivée sur le site depuis de centre de Lille par l’avenue du pont de bois est la bibliothèque universitaire. Le sujet de l’atelier consiste à transformer la bibliothèque universitaire du campus en un Learning Center universitaire pour la faculté de sciences humaines et sociales (SHS) de Photo depuis les immeubles de Josic.

Lille 3.

source : http://bsa.biblio.univ-lille3.fr

18

p.403, Une Vie Intense, Op. cit.

14 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Learning Center SHS : « Le terme de ‘Learning centre’ (français. De plus cette notion se démultiplie en learning resources center, learning commons, mot à mot : « centre d’apprentissage ») n’a pas d’équivalent en français »19

L’âme d’un Learning center réside dans un renouveau relationnel entre « L’intégration entre l’enseignement (teaching), l’acquisition de connaissances (learning), la documentation et la formation aux technologies (training)»20

L’usage du mot « Connaissance » tout au long du rapport correspond à une tentative subordonnée au terme Learning Center - la traduction littérale citée cidessus restant insatisfaisante – pour traduire de l’âme qui anime des Learning Center dont la caractéristique relève de l’appropriation et la diffusion du « Savoir » (autrement dit « Connaissance »). Le Learning Center, « centre de ressources pour l’information et la recherche »21, se définit comme un centre diffuseur et producteur de « Connaissance ». Ce programme nouveau a pour objectif de rapprocher les différents genres de diffusion et d’appropriation de la « Connaissance ». Le sous-titre du présent écrit – « transformation architecturale pour la Connaissance » – témoigne d’un changement dans la divulgation de la « Connaissance », et de l’architecture comme support participatif – acteur – de cette diffusion. La transformation de la bibliothèque en Learning Center témoigne d’un changement architectural de la dite « Connaissance » dont la diffusion se voit renouveler pour suivre et accompagner les évolutions contemporaines.

19

Jouguelet Suzanne, Les learning centres, un modèle international de bibliothèque intégrée à l'enseignement et à la recherche, Paris, Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, (Rapport n° 2009-022, décembre 2009), 58 p. 20

Les learning centres, un modèle international de bibliothèque intégrée à l'enseignement et à la recherche, op. cit. 21 Les learning centres, un modèle international de bibliothèque intégrée à l'enseignement et à la recherche, op. cit.

15 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Autrement-dit, de la possibilité d’appropriation communautaire et sociétale par l’architecture de la « Connaissance » par un public. Quelle image donne-ton d’un « centre d’apprentissage » aujourd’hui ? Comment concilier transformation et respect du patrimoine ? Comment construire un Learning center, programme hypercontemporain, à partir d’une bibliothèque des années soixante-dix ?

Enjeux urbains : Il est important dès les prémices du sujet de préciser les intentions des commanditaires de l’université de Lille 3. Avant d’évoquer les positions et lignes directrices liées au sujet, je souhaiterais analyser le projet urbain prévu du Learning center SHS (Sciences Humaines et Sociales) tel que le conçoit les responsables de l’actuelle université de Lille 3. Le projet prévu par l’université de Lille 3 consiste en une destruction totale de la bibliothèque existante pour construire un Learning Center sur le bord de l’avenue du Pont de Bois, en vis-à-vis directe avec l’ensemble de logements réalisé par l’architecte Josic. Cette solution radicale – sensée mettre en relation directe le Learning Center et la ville – est très questionnable. On peut notamment souligner quelques dissonances – ou du moins des affirmations non justifiées – entre les intentions formulées par les responsables du projet et la position qui consiste à détruire complétement la bibliothèque.

Accessibilité : « La programmation doit d’une part permettre d’assurer la continuité avec le campus situé sur la dalle du forum, et de rester accessible depuis la chaussée haute par laquelle cheminent actuellement les usagers arrivant depuis la station de bus et métro. »22

Il est question ici de résoudre par l’implantation du Learning Center le problème de liaison entre la dalle du forum et le niveau de la rue. Le site est desservi par des 22

Ibidem

16 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


transports en commun : le métro (ligne 1) et les lignes de bus et navette arrivant sur l’avenue du pont de bois Pont de Bois. L’étude du parcours des usagers, permet d’identifier deux groupes majoritaires : –Les personnes arrivant en bus ou métro depuis la rue basse doivent emprunter des escaliers pour accéder à la dalle surélevée du forum de l’université puis emprunter une passerelle (censée être provisoire) permettant de traverser l’avenue du Pont de Bois ; –Les personnes arrivant en voiture se garent sur un grand parking, toujours plein. Ils sont obligés de traverser ce parking à pied, car passer par le chemin arboré jouxtant le parking inclut un détour par la façade nord-ouest de la bibliothèque. Ce détour, dû à la position de l’entrée actuelle de la bibliothèque, suscite un retournement paradoxal du sens de la marche. L’accessibilité se résume à résoudre la liaison entre la dalle du forum et le niveau de la chaussée par lequel arrivent les usagers. « -Positionnement possible au niveau de la rue permettant de s’affranchir de l’accès forum et des contraintes d’accessibilité PMR et améliorant l’accès par les engins de secours pour la sécurité incendie. »23

Projeter un bâtiment sur rue pour s’affranchir de l’accès forum, c’est tourner le dos à l’ensemble des autres activités universitaires et isoler le Learning Center universitaire de l’ensemble auquel il est rattaché : l’université. Un tel isolement ne permet pas d’avoir les interactions toujours plus rapides des différents champs de la « Connaissance » entre eux. Néanmoins le signalement de l’accessibilité des engins de secours en cas d’incendie est un facteur non négligeable qu’il faudra inclure dans la pensée du futur projet. L’enjeu de l’accessibilité se joue à deux niveaux, celui de la facilitation d’accès à la dalle du forum de l’université depuis le niveau de la chaussée, et celui de la position de l’entrée du Learning Center, qui se doit d’être à la fois lié à la ville et l’université.

23

Ibidem

17 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Photocollage de la séquence d’accès à la bibliothèque depuis l’avenue du Pont de Bois et le parking. On remarque la difficulté de franchissement de l’Avenue et l’absence de traitement pour la liaison parking/Université.

18 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Orientation : La forme pure de la bibliothèque – patio carré dans un bâtiment à plan carré – pose le problème du choix de son orientation dans le site. Aujourd’hui le bâtiment est mono-orienté. Le bâtiment est fermé au forum en rez-de-forum (la terrasse esplanade principale) par des volets roulant en acier…peut-être que des parties du bâtiment sont en rénovation mais cela ne justifie pas le fait que la seule liaison entre le forum et la bibliothèque soit une porte de secours étroite et esseulée. La bibliothèque est orientée à la fois par sa structure (direction des poutres principales) et l’emplacement de son unique entrée (située sur la façade Sud-Ouest), laquelle se fait de manière latérale par rapport au sens de la marche lorsque l’on vient depuis l’avenue du pont de bois. Dans l’axe de l’entrée actuelle il n’existe pas de traversée du bâtiment, car en correspondance se trouve le bloc d’escalier B. La façade contenant cette cage escalier en béton (Nord-Est) est une façade « arrière », aujourd’hui « dénigrée ». Derrière cette façade existe une belle descente Plans de structure des planchers. Le bâtiment par la direction des poutres principales.

de terrain arborée : bouleaux, hêtres et saule

pleureur ont été plantés après la construction du campus. Aujourd’hui la bibliothèque ne dégage presque aucune vues vers ce parc arboré.

19 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Vitrine : « - Amélioration de la lisibilité urbaine du bâtiment en front à rue, et ouverture sur la ville ; »

Le positionnement du bâtiment à front d’avenue n’améliore pas forcément la « lisibilité urbaine ». Justement venir construire un nouveau bâtiment au bord de l’avenue, provoquerait un contraste d’échelle avec les immeubles de logements collectifs de Josic situés de l’autre de la chaussée. La hauteur de ces immeubles provoquerait une ombre portée durant la première moitié de la journée. L’intention des commendataires est de faire un «Projet d’espace vert à l’emplacement de la bibliothèque centrale (qui sera détruite), ouvrant le Learning center sur un campus moins minéral qu’actuellement ; »24

Il est absurde d’accuser un espace considéré comme trop minéral pour venir le remplacer par un « projet d’espace vert », alors qu’il y a un grand espace arboré – pas moins de quatre-vingt arbres – juxtaposé à la bibliothèque dont le potentiel n’est pas mis en valeur aujourd’hui. Pierre Vago voulait une esplanade minérale (forum) ouverte vers un parc dont la ville pouvait profiter des qualités. Il dira dans sa bibliographie « Sur la grande place principale, ouverte en terrasse vers un vaste parc occupant la très grande partie du terrain, ouvrent les deux facultés.»25 La vitrine de la bibliothèque est la façade Sud-Est, est la façade principale de la bibliothèque car c’est la première que l’on voit lorsque l’on arrive sur le site de l’université. Tournée vers la ville, cette façade instaure un dialogue direct et frontal avec l’environnement urbain proche. L’image donnée et transmise par cette façade doit traduire la relation du Learning center à la ville. La deuxième façade plus importante en termes de relation avec le contexte urbain est la façade Nord-est, car elle regarde aussi vers la ville de manière plus indirecte car entre la bibliothèque et la ville il y a le parc. Ces deux façades sont aujourd’hui les plus «dénigrées». On peut soumettre qu’elles s’ouvrent vers la ville – remise en avant

24 25

Ibidem p.403, Une Vie Intense, Op. cit.

20 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


et non plus considérées comme façades « arrière » – en recevant la futur extension. Comment intégrer un Learning Center dans l’actuel site ? Quel rapport à la ville mettre en place ? Comment gérer l’accessibilité au campus universitaire (dalle du forum) depuis la rue basse (avenue du pont de bois) ?

Intention urbaine : L’intention urbaine consiste à donner à la bibliothèque un nouveau rapport au sol. On se propose de requalifier l’entrée de la bibliothèque en la situant sur la façade principale SudEst au rez-de-chaussée (niveau du sol « naturel »). La nouvelle séquence d’accès, commence par un belvédère donnant sur le Learning Center depuis l’avenue. Un

Nouvel axe urbain.

cheminement piéton, animé par différents événements programmatiques (kiosques à journaux, escaliers et ascenseur reliant la chaussée basse et la dalle surélevée) relie l’avenue du pont de bois au seuil d’entrée du futur Learning Center. Cette intention, ancre le bâtiment au sol, et donne une dimension davantage

urbaine

à

l’université, laquelle est reliée physiquement (par le sol) à la ville par le Learning Center.26 La « Connaissance » n’est pas mise sur un « pied d’estale », elle est au contraire accessible par tout un chacun. Collage de la séquence d’accès au Learning Center.

26

On rappellera que le Learning Center est le premier élément programmatique en contact avec la ville.

21 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


La séparation des flux piétons et des flux automobiles dans les années soixantedix – idée fondatrice dans la conception de la ville nouvelle de Villeneuve d’Ascq – est questionnable aujourd’hui. A ce sujet, j’expérimente depuis plusieurs années – en tant qu’usager du restaurant universitaire du campus (situé en face de la bibliothèque) – la rue haute reliant l’université et le « centre-ville » de Villeneuve d’Ascq (Hôtel de Ville). Ce chemin piéton et cycliste ne fonctionne pas vraiment car la dalle de la chaussée haute –située à 5mètres au-dessus de la chaussée basse– est soumise au courant d’air, et demeure souvent difficile d’accès (surtout pour les personnes à mobilité Collage montrant la liaison entre le niveau de la chaussée et le rezde-forum.

réduite).

Décaissé : L’une des caractéristiques de la bibliothèque qui a retenu mon attention est le décaissement du niveau du rez-de forum par rapport à la dalle du forum. Nous nous aiderons d’une comparaison avec la bibliothèque universitaire de Bonn (1954-76), construite aussi par Pierre Vago, pour nous positionner face à ce décaissé. On retrouve dans les deux bibliothèques des similitudes notamment, un retrait du bâtiment par rapport à la rue, une typologie à patio, l’horizontalité des bâtiments pour s’intégrer dans un site27, et une descente de quelques marches dans le hall 27

Pierre Vago travaille dans la conception de ses bibliothèques en rapport avec le site (l’architecte dira « je ne pouvais pas concevoir quelque chose en dehors de son environnement » dans son livre Une vie intense). La volonté d’éviter la verticalité de la traditionnelle tour de livre des magasins au profit d’une horizontalité est commune aux deux bibliothèques.

22 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


caractérise la séquence d’entrée. Cette dernière

similitude

attention.

Dans

attirera la

notre

bibliothèque

universitaire de Bonn la descente de quatre

marches

s’inscrit

dans

une

séquence progressive d’un mouvement descendant, en correspondance avec topographie du site en pente ; ce seuil permet une séparation entre l’entrée et les salles de lectures suitées dans l’immédiate continuité du hall. Pour

la

bibliothèque

de

Lille,

le

décaissement de quatre marches (60cm) par rapport au niveau du forum est questionnable

par

rapport

à

la

caractéristique principale du site : une dalle haute et une chaussée basse. Pourquoi un décaissement alors que l’entrée du bâtiment se trouve à cinq mètres au-dessus du niveau sol naturel ? D’autre

part,

décaissement

je

trouve

produit

un

ce

Plan et coupe de la bibliothèque universitaire de Bonn (1954-76).

rapport

Source : De Araujo Ana Bela, Trois opérations complexes de Pierre Vago, TPFE, école de Nancy, 2000.

que

d’infériorité pour les lecteurs vis-à-vis des personnes situées à l’extérieur sous le porte-à-faux. On précisera que cette même dénivellation était dessinée comme ascendante dans les croquis de Vago avant l’appel d’offre.

Dessin réalisé par P.Vago avant l’appel d’offre, on voit l’inversion du sens des 4 marches de l’entrée. (orange) Source : Photo de Victoria Pignot, Dossier avant l’appel d’offre, Cité de l’architecture et du patrimoine.

23 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Décollement ou Ecrasement : Des schémas de perception effectués après ma première visite sur le site traduisaient d’une ambigüité entre « suspension », « décollement » et « écrasement » de la « Connaissance ». La masse opaque formée par le premier et deuxième étage semble portée par la surface vitrée translucide du rez-deforum. Le décaissement de soixante centimètres serait une traduction architecturale relative au poids transmis par la « Connaissance »? Cela interroge un ancrage de la masse de la « Connaissance » et sa répercussion sur le sol – sachant que le sol de l’université est un socle artificiel situé à 5m au-dessus du niveau du sol originel cela interroge la notion d’enracinement et d’ancrage du bâtiment avec son sol ? La matérialisation démonstrative du poids de la « Connaissance » est-elle encore contemporaine, est-elle porteuse de sens pour un Learning Center prônant l’accessibilité à la connaissance pour tous ?

Rapport au sol : Aujourd’hui la bibliothèque est ancrée dans un socle situé à cinq mettre au-dessus du sol naturel. Nous questionnerons le rapport avec le rez-de-jardin qui n’est pas mis en valeur aujourd’hui. Mise à part une Plan du RDC. L’extension du projet en violet, l’extension prévue par Vago en rose.

voie

de

desserte

pour

l’entretien de la chaufferie dix

mètres sous la dalle du forum sur la façade Nord Est, il n’y a pas d’entrée au niveau de rez-de-jardin. Le traitement des murs des façades Est– en béton lisse et percés de quelques petites ouvertures ne met pas en valeur la bibliothèque dans son site. Il y a comme une dichotomie entre le langage horizontal de l’enveloppe minérale de la bibliothèque en céramique, et ces murs de béton verticaux desquels on voit sortir les banches des blocs d’escalier. Ce manque d’attention provient du fait que 24 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


la bibliothèque devait accueillir une extension s’accolant à ces murs. L’extension n’a jamais été construite, il est légitime de questionner le statut de ces murs qui ne devaient pas être visibles. Comment changer l’apparence de ces murs, comment intégrer leur transformation dans le projet ?

Schémas de perception réalisés lors de la première visite de la bibliothèque puis deux semaines après.

25 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Mystification et Lobotomie : Mystifier c’est dissimuler le « tourbillon perpétuel » de la vie interne du bâtiment, par une façade rendu autonome de la structure interne par son écriture. C’est une lutte contre « la façade honnête » qui parle des activités qu’elle dissimule. Si un bâtiment est mystifié – rendu mystique – il « permet d’« épargner au monde extérieur [qui voit la façade/enveloppe] les agonies des perpétuels changements [et évolutions des activités] qui l’agitent au-dedans ».28 La lobotomie architecturale pour Koolhaas est la « Suppression par intervention [architecturale] des liaisons [morales entre le « dedans » et le « dehors » des constructions, entre « les architectures d’intérieures et d’extérieurs », entre le « cœur » et « l’enveloppe », entre la « structure » et la « façade »] pour remédier [aux chocs] émotifs » produits par les « perpétuels changements » et rapides évolutions des activités des masses à l’intérieur des bâtiments. »29Il est question ici de dissocier l’architecture intérieure et l’architecture extérieure (enveloppe), rendre indépendante l’intérieur du bâtiment. Le bâtiment de Vago peut être interprété comme un bâtiment pratiquant une sorte de lobotomie et de mystification dont parle Rem Koolhaas. Il est difficile d’affirmer que ce bâtiment est une bibliothèque universitaire lorsque l’on le voit de l’extérieur. La bibliothèque s’apparente davantage à une piscine ou un gymnase des années cinquante ou soixante, avec son parement en céramique vernissée beige. Le bloc opaque formé par les deux étages– mise à part le bandeau horizontal du premier étage – ne dévoile aucunement l’activité interne du bâtiment. Il y a une ambiguïté, veut-on protéger le monde extérieur de l’activité interne de la bibliothèque considérée comme néfaste ? Ou au contraire on aurait choisi de ne pas mettre en relation les lecteurs avec le monde extérieur (une lobotomie inversée) considéré comme une potentielle source de

28 29

New York Délire, op.cit., p.100-101. New York Délire, op.cit., p.100-101.

26 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


déconcentration ? Seul le rez-de-forum laisse transparaître les activités à l’intérieur de la bibliothèque et permet une interaction entre le bâtiment et le forum (lorsque les stores en acier ne sont pas baissés). Le patio est à mon sens, l’élément du projet le plus représentatif de la mystification. Il y a un effet de surprise, de découverte d’un cœur intérieur que l’on ne peut vivre qu’en entrant dans le bâtiment. La relation du patio avec l’extérieur est celle d’un intérieur protégé de l’extérieur par une masse opaque, comme si le bâtiment était une forteresse protégeant son trésor : la « connaissance ». Plus que la qualité de lumière naturelle apportée par le patio, c’est davantage l’intériorité du patio dans son caractère ambiguë avec l’extérieur qui attirera notre attention : la révélation d’un cœur intérieur non visible depuis l’extérieur.

Photomontage de la relation possible entre le forum et le patio.

27 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Photocollage du forum de l’université, espace de la rencontre entre les deux facultés.

28 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Echelle : Le rapport d’échelle similaire entre les bâtiments qui forment le périmètre du forum, crée une unité autour de la place centrale de l’université. Pour ne pas rompre le dialogue entre les bâtiments autour du forum, nous choisirons de conserver la hauteur et le gabarit volumétrique de la bibliothèque pour ses façades sur le forum. Ce choix permet d’affirmer le statut d’appartenance de la bibliothèque au campus universitaire. La Légende du Palais des Doges. La bibliothèque de Pierre Vago a été comparée au Palais des Doges de Venise de manière récurrente par différents professeurs de l’école d’architecture (source non trouvée). Il nous a semblé intéressant d’analyser la comparaison et d’interroger le caractère véridique de la légende30. Le Palais des Doges et la bibliothèque de Lille 3 (côté forum) peuvent s’apparenter dans le rythme ternaire des trois strates horizontales – niveaux – composant leur façade respective. On a une gradation du plus ouvert vers le plus fermé – du plus transparent au plus opaque – allant du RDC à l’étage. Les façades du rez-de-forum de la bibliothèque sont quasiment entièrement vitrées, avec un rythme de menuiserie ponctué tous les sept mètres vingt par les poteaux porteurs. On voudrait presque que cette interface vitrée, soit davantage autonome – amovible – pour permettre un flux continu entre l’espace dynamique intérieur du rez-deforum de la bibliothèque et l’espace extérieur du forum. Dissocier la façade vitrée des porteurs, en venant l’avancer devant le poteau porteur permettrait d’accentuer la continuité d’une surface vitrée autonome, davantage en interaction avec son contexte extérieur proche. Ce geste poursuit et accentue l’ambigüité d’une façade légère – vitrée – qui soulève une masse. Le porte-à-faux de la bibliothèque – une résonance aux arcades couvertes du Palais de Doges ?– accentue le soulèvement de cette masse avec l’ombre portée qu’il donne à la façade.

30

Il est important de rappeler que Pierre Vago a été marqué par son séjour en Italie lorsqu’il avait une dizaine d’année.

29 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Façade du Palais des Doges. Source : Livre de dessin de Durand.

Façade sud/ouest de la bibliothèque.

Photocollage de la place saint Marc, Pierre Vago en 1920.

Photocollage de la bibliothèque en 1974, sans la construction bouchant l’ouverture de l’esplanade sur le parc au Nord.

30 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Mais peut-être plus que le Palais des Doges pris seul, c’est

la

relation

qu’entretient la place Saint Marc avec la lagune, qui Vue aérienne de la plac e Saint Marc à Venise.

pourrait s’apparenter au

Source : Google maps.

forum de l’université. En effet – « La terrasse donnant sur le parc a été bouchée

par

une

construction

reliant initialement les deux facultés Vue aérienne de l’université de Lille 3.

et desservant l’affreuse bâtisse du

Source : Google maps.

nouveau resto »31 – l’ouverture de

la dalle haute de forum sur le parc, opérait comme une ouverture, une dilatation d’un espace contenu (le forum de l’université) vers un espace ouvert et d’une échelle plus grande (le parc). Ce parc semble interagir avec le forum comme la lagune interagit avec la place Saint Marc ; dans les deux cas on a un espace contenu s’ouvrant sur un espace dilaté. La nouvelle construction ajoutée, a eu peut-être pour rôle de limiter les appels d’air générés par cette colonne d’air présente jadis, cependant ces courants d’air existent toujours aujourd’hui.

Enveloppe : Aujourd’hui il y a une dissociation entre l’enveloppe et la structure de la façade aux étages, car ce sont des panneaux préfabriqués autoportants. La proportion de plein (surface opaque) par rapport au vide (surfaces vitrées) a pour résultat d’apporter peu de lumière naturelle pour la bibliothèque. Pourtant le rythme du bandeau horizontal qui semble courir le long de la façade du R+1 – interrompu néanmoins par le magasin – comporte une esthétique certaine et participe à l’horizontalité du bâtiment, à son insertion dans le site. La lumière révèle les magnifiques motifs des panneaux préfabriqués en béton par des artistes locaux

31

Une vie intense, op. cit., p.406

31 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


sur les façades des autres bâtiments du forum. Par volonté de l’architecte –volonté de lisibilité des fonctions – la bibliothèque et le restaurant universitaire se différencient par leur parement ; La céramique beige (posée verticalement) témoin d’une époque – que je considère davantage présentatrice des années cinquante plutôt que soixante-dix – donne à la bibliothèque l’apparence d’une piscine municipale ou d’un gymnase. Ces panneaux – transpiration de la rationalité de Pierre Vago – témoignent d’une époque passée par leur image et ne répondent plus aujourd’hui aux nécessités thermiques (l’isolant compris dans l’intérieur du panneau n’est plus efficace). Il n’est pas possible aujourd’hui de réguler la température interne de la bibliothèque, car elle a une très mauvaise inertie thermique. En hiver, la consommation d’énergie pour chauffer le volume est considérable (non durable) et en été il y a une surchauffe car toutes les baies sont à châssis fixe et ne permettent pas de ventiler le bâtiment.

Structure : La structure du bâtiment est sûrement l’une des caractéristiques du bâtiment existant dont le potentiel me semble le plus exploitable. Des poteaux de 60cm de diamètre, en béton, de forme carrée, portent des poutres principales courant dans la direction parallèle à l’avenue du pont de bois). Cette structure poteau/poutre porte des planchers formés par un réseau de caissons préfabriqués. Ces cavités aux lignes géométriques chanfreinées sont les entrailles préfabriquées et structurelles du bâtiment. Le creux du caisson – à l’apparence magnifique – lorsqu’il est éclairé par un néon diffuse la lumière et rayonne lui-même. L’onde rythmique régulière de ses caissons – peut-être un peu trop régulière – transpire la « rationnelle esthétique »32 du lieu. Quel dommage que ces éléments soient cachés par des faux-plafonds sans valeur esthétique. On peut considérer le caisson comme une unité de base, une échelle de mesure du futur projet. Le bâtiment se veut à la mesure de l’homme, de l’usager. Il convient de questionner la mesure du

32

Expression plusieurs fois utilisée par Koolhaas dans New York Délire, op.cit.

32 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


caisson par rapport à celle de l’homme. Quelles activités peut t on installer dans un rectangle de 1.8m sur 7.2m (dimension du module du caisson, Cf annexe plans de structure p82), dans un carré de 7.2m par 7.2m, dans un demi carré de 7.2m par 3.6m. Quel espace produit par la projection en volume de cet ensemble tramé? « Tout a été conçu sur une trame de 7,20 x 7,20. Ceci a permis une préfabrication presque totale. »33 Regarder cette structure c’est se familiariser avec la pensée rationaliste de Pierre Vago. Et plus précisément comprendre l’organisation du projet selon « l’unité et l’harmonie assurées par la trame »34. Pour l’intérieur de la bibliothèque la trame des porteurs n’est pourtant pas régulière, la trame détermine des espaces précis (rectangulaire ou carré). Analyser ces espaces induits et dimensionnés par la trame permet d’attribuer un potentiel spatial à chaque surface du bâtiment existant. La trame de 7,2 mètres n’est pas seulement structurelle, elle organise l’ensemble du campus : Vago ajoute en note qu’on retrouvait aussi cette trame sur le sol des espaces extérieurs (places et allées de circulation) avant que sans le consulter on le remplace.

Obsolescence : Le bardage du magasin fait penser au premier abord à un élément ajouté postérieurement à la construction pour palier un manque non prévu au départ. Comme une verrue dans le paysage, le silo contenant les archives devait à l’origine être caché par les deux autres bâtiments d’une extension (jamais construite) – autour duquel ils devaient s’accoler. Le silo magasin se compose d’une forêt de poteaux cruciformes inflammable qui soutient 29 kilomètres d’archives sur des demi-niveaux. Cet espace autrefois accessible aux chercheurs est hors norme aujourd’hui, et en théorie ne pourrait être accessible aux magasiniers pour des raisons de sécurité. Les 950 tonnes de 33 34

Une vie intense, op. cit., p.403 Une vie intense, op. cit., p.404

33 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


papiers sont soutenues par les planchers non voués à évoluer et supporter des magasins mobiles de type compactus nécessaires pour les futurs magasins du Learning Center35. L’état sanitaire du silo magasin ne lui permet pas de recevoir le même usage. Quelle valeur spatiale conférer ces anciens magasins dont la promiscuité avec le reste de la bibliothèque s’apparente à une mauvaise greffe ? Leur destruction est envisageable pour les raisons précédemment citées.

Circulations : Les escaliers magistraux B et C, permettent de lier les étages. On ne peut pas emprunter un autre chemin, c’est la seule trajectoire possible pour accéder aux étages. Jadis ouvert, ces escaliers

sont

aujourd’hui

cloisonnés

et

hermétiques à la circulation fluide dans le bâtiment. Ces escaliers ont été cloisonnés – pour Plan des étages de la biblitohèque. Mise en évidence des magasins et des blocs B et C.

des raisons de sécurité en cas d’incendie – car il n’y pas assez d’escalier de secours ; quel

dommage de déqualifié le flux continu – décloisonné – instauré par Vago. Ces blocs de circulations à l’allure magistrale jadis sont placés dans l’espace comme des rupteurs de continuité ; Leur positionnement dans l’espace du plan est stratégique et symétrique par rapport à la diagonale (est-ouest) ce qui coupent la transversalité créatrice de lien des deux axes majeurs du bâtiment ; à savoir l’axe (Sud-Ouest/Nord-Est) reliant l’entrée actuelle au parc côté parking et l’axe (SudEst/Nord-Ouest) reliant l’avenue du pont de bois au forum. Les blocs circulatoires et sanitaires (B et C) disposés en façade fonctionnent comme des blocs de service venant interrompre la linéarité des bandeaux de baies horizontales du RDC et du 35

Lors de la visite des magasins des archives départementales de Lille, nous avons pris connaissance du fonctionnement de ce type de magasins mobiles sur rail. En plus d’une structure dimensionnée pour porter des kilomètres d’archives papier, la conservation des ouvrages requiert des conditions hygrométriques et d’exposition à la lumière draconiens. L’isolation structurelle des magasins est une forme récurrente. Que ce soit pour le bâtiment des archives départementales de Lille ou pour l’OBA d’Amsterdam, les magasins ont leur propre structure.

34 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


premier étage, ainsi que la continuité des plateaux horizontaux formant les niveaux.

Diagnostic Critique : « Conclusion, généralement prospective, faisant suite à l'examen analytique d'une situation souvent jugée critique ou complexe »36. (Conclusion)

Le diagnostic est singulier, car tous les médecins n’établissent pas le même diagnostic lors qu’ils se confrontent à une situation complexe. Et même si des symptômes prépondérants peuvent ressortir– la notion de diagnostic inclue la formulation d’une solution, d’une manière de résoudre un problème de départ – il peut y avoir autant de traitements curatifs que de médecins convoqués. Suite aux multiples visites sur le site, il a été possible d’établir une liste de symptômes. La B.U souffre d’une image vieillissante, de repli sur soi-même, de manque d’ouverture sur la ville, de difficulté d’accessibilité physique (discrimination (involontaire ?) envers les personnes à mobilités réduites), d’un manque d’issues de secours (réglementation incendie), d’une obsolescence des magasins. A cet ensemble de symptômes s’ajoute un état sanitaire déplorable : un manque de lumière naturelle37, une isolation défaillante, une qualité acoustique très critique (mauvaise isolation entre les niveaux, espace bruyant du hall).38 Le diagnostic est évolutif, il prend du temps à s’élaborer. La proximité géographique du site rend permet de multiplier les visites et de faire évoluer le diagnostic.

36

http://www.cnrtl.fr/definition/diagnostic Cf. le scénario de l’homme à la meurtrière (annexe p77-80) et le collage associé : dans la bibliothèque ont été accroché sur les fils au plafond des néons (bruyants) pour combler le mauvais éclairage. 38 Cf. le collage de la chorale de la « Connaissance » qui s’égosille pour tenter de concurrencer le bruit fait par la pluie sur les skydômes dans le hall de la bibliothèque sous le patio. 37

35 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Les analyses ont permis de mettre en évidence l’existence d’une zone au diagnostic critique, une zone « malade ». Cette zone correspond à la portion de périmètre de piste qui empêchait l’athlète égyptien de terminer le tour de piste formé par le bandeau de fenêtres en longueur du premier étage de la bibliothèque39. Cette zone est la zone sans lumière, la zone coincée, enclavée entre les escaliers B et C. Structurellement cette zone – contenue entre deux joints de dilatation (points de soudure actuels) – est différente car elle contient le magasin actuel et les deux cages d’escalier dont les murs sont structuraux. Cette zone est formée par les deux façades – aujourd’hui « dénigrées » – est apte à recevoir l’extension. L’extension prendrait le statut d’une greffe occupant l’espace laissée par la zone diagnostiquée « critique » et que l’on retire.

Course de l’athlète égyptien le long de la piste formée par le bandeau horizontal de baies du R+1.

39

Cf. le pamphlet de l’homme à la meurtrière (annexe p.77) et le collage de l’athlète courant sur la piste formée par le bandeau de baies de premier étage.

36 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


La chorale de la « Connaissance » qui s’égosille pour tenter de concurrencer le bruit fait par la pluie sur les skydomes dans le hall de la bibliothèque sous le patio.

A part autour du patio il y a un manque crucial de lumière dans la bibliothèque, des néons ont été accrochés sur des fils.

Le chercheur de lumière ou l’homme à la meurtrière. Collage inspiré d’une scène véridique, à laquelle j’ai assisté au r+2 de la bibliothèque.

37 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Greffe : « En médecine, une opération

une greffe ou transplantation est chirurgicale consistant

à

remplacer

un organe malade par un organe sain, appelé « greffon » ou « transplant » et provenant d'un donneur. »40

La notion de greffe implique un potentiel rejet de greffe. Le rejet de greffe désigne une réaction immunitaire de la part de l'organisme qui reconnaît l'organe sain transplanté comme un intrus. On parle de compatibilité immunologique entre le receveur et l'organe transplanté afin de diminuer le risque de rejet (réaction du système immunitaire du receveur contre la partie greffée pouvant conduire à la destruction de cette dernière). La greffe n’est pas naturelle, elle est artificielle car c’est une action provenant d’un ajout d’un corps extérieur, lequel sera toujours considéré comme extérieur ; Le sujet recevant la greffe a besoin d’un traitement immunosuppresseur à vie pour éviter le rejet du greffon. Si on extrapole la notion de greffe à la structure, on soulève le problème d’une incompatibilité structurelle provoquée soit par une surcharge imposée à la structure d’origine. En d’autres termes une impossibilité de liée structure originelle et structure nouvelle. La nature du greffon en ce qui concerne la transformation/réhabilitation de la B.U semble loin de la proximité génétique du sujet receveur car on a un choc des époques – passage des prémices de la modernité dans les 70’s, à l’ère contemporaine – qui implique de traiter, d’une manière particulière, la rencontre entre deux architectures vouées à n’en produire qu’une. Finalement il y a différent degré de greffes, différentes échelles et gradations dans les greffes. On peut questionner ces degrés en remplaçant le mot greffe par extension. Aux antipodes on aurait une extension du bâtiment qui consiste à ne toucher quasiment en rien à l’existant – et une extension ne conservant qu’une

40

https://fr.wikipedia.org/wiki/Greffe_(medecine)

38 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


infime partie de l’existant. La greffe envisagée propose de retirer la partie jugée critique – entre deux joints de dilatations – pour venir insinuer une extension aux interstices de ces joints. L’enjeu de la greffe/extension se joue au niveau du point de soudure, de jonction entre les deux parties– existant et extension – formant le Learning Center.

3)

Le

« Palimpseste » : une attitude par rapport à la

Bibliothèque de Pierre Vago

« Toute œuvre est un palimpseste −et si l'œuvre est réussie, le texte effacé est toujours un texte magique » (GRACQ)41 « L'oubli n'est autre chose qu'un palimpseste. Qu'un accident survienne, et tous les effacements revivent dans les interlignes de la mémoire étonnée » (HUGO)42.

Palimpseste : entre économie de conservation, soucis de réemploi, et renouveau architectural « Un palimpseste (du grec ancien palímpsêstos qui signifie « qu’on gratte pour écrire de nouveau ») est une «feuille de papyrus, [un] parchemin manuscrit dont on a effacé la première écriture pour pouvoir écrire un nouveau texte».43 « Manuscrit sur parchemin d'auteurs anciens que les copistes du Moyen Âge ont effacé pour le recouvrir d'un second texte. »44 « Œuvre dont l'état présent peut laisser supposer et apparaître des traces de versions antérieures »45

41

42

Gracq Julien, Beau ténébreux, 1945, p.64. Hugo Victor, Homme qui rit, t.2, 1869, p.163.

43

Définition du TLFi, http://www.cnrtl.fr/definition/palimpseste Ibid. 45 Ibid. 44

39 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


« Mécanisme psychologique tel que les faits nouvellement mémorisés se substituent à ceux qui leur préexistaient dans la mémoire »46

Par extrapolation, on pourrait parler de palimpseste et de réécriture en se référant à la réhabilitation d’un bâtiment. Réhabilitation qui nécessiterait une destruction partielle

évaluée

au

préalable

par

un

diagnostic

-

et

une

construction/reconstruction, une extension nouvelle qui garderait la valeur historique, l’intégrité de l’architecture existante. Cette notion est d’autant plus remarquable dans le sens où le programme Learning Center universitaire de lille 3 –est dédié en plus des sciences humaines et sociales à l’archéologie et l’égyptologie, disciplines particulièrement sensibles, car intrinsèquement liées à la notion de « palimpseste ». On pense aux fouilles archéologiques qui convoquent le fait de chercher des traces d’histoire dans différentes strates pour les révéler. Autour du palimpseste il y a un travail sur la stratification, laquelle permet de « développer le thème des confrontations d’époques, où tout nouvelle intervention devient l’occasion d’ajouter une strate, prolongeant un palimpseste architectural. »47 Une réhabilitation articulant différentes strates – architecturales et historiques – visibles donne l’opportunité de regarder d’une autre manière et de questionner l’héritage historique, dans notre cas la pensée rationaliste de Pierre Vago dans les années soixante. On interrogera dans quelle limite il faudrait mettre en valeur cette architecture rationnelle, ou au contraire l’effacer pour réécrire avec un autre langage architectural.

Intégrité : La question de l’intégrité du bâtiment existant, implique de s’interroger sur l’attitude à adopter par rapport à la bibliothèque de Pierre Vago. Quelle attitude dénature le plus son l’intégrité? Est-ce que retirer l’ensemble des panneaux de

46

47

Ibid. « Jean François Milou, le goût du palimpseste », in Revue D’Architecture, n°191, mai 2010, p8

40 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


façades a plus d’impact sur l’intégrité de la bibliothèque, que n’en a le fait de retirer une section du bâtiment située entre deux joints de dilatation ? Au préalable jugée comme démodée et contraire, voir antinomique à l’image contemporaine que voudrait donner un Learning Center, la conservation des panneaux de façade n’était pas envisagé. Le redessin de l’ensemble de la bibliothèque à partir du dossier d’exécution Coignet a permis de remettre en question le diagnostic attribué en première intention. Un détail en particulier attirera notre intention : la précision du dessin des panneaux de façade (trois décimales après la virgule pour le joint entre les briques vernissées.) On choisira de donner une importance à ces panneaux – dont l’hyper-précision, témoin d’une époque, a su susciter notre attention – en les conservant. Cependant la conservation des panneaux –enveloppe auto-structurelle qu’il faut ré isoler48- doit être regardé en miroir avec la qualité critique qu’ils induisent à l’intérieur du bâtiment. Des trois panneaux de façade, le panneau opaque du deuxième étage de la bibliothèque incarne une austérité, qu’on se doit de requestionner. En effet l’opacité de ce panneau, prive le deuxième étage de lumière naturelle, et de vues sur l’extérieur, de ventilation naturelle (Cf. le scénario de l’homme à la meurtrière).

Panneau de façade préfabriqué, précision à 3 décimales après la virgule pour le joint. [114 plaquettes de 5,2 = 592,8 et 113 joints de 1,115 = 126.] Source : Dossier d’exécution Coignet, Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris, photo prise par Victoria Pignot,

L’ensemble du programme complexe du campus (quinze hectares) a été organisé selon un système de dissociation programmatique en fonctions. Pierre Vago a

48

Pour conserver l’apparence des panneaux en façade, l’ajout d’une isolation par l’intérieur est envisagé.

41 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


attribué un parement particulier, pour chaque identité programmatique : -les communs (bibliothèque et le R.U) ; - l’université subdivisée en trois catégories : salle de cours/administration, la recherche, les amphithéâtres. Sa pensée fonctionnaliste s’applique également pour la partition de la façade de la bibliothèque les trois niveaux, sont différenciés, du plus ouvert (rez-de-forum pensé comme un espace public) au plus fermé (second étage réservé aux chercheurs). On peut critiquer cette bibliothèque universitaire qui prône le fonctionnalisme, et dont la fonction principale – lire et travailler convenablement avec un apport de lumière de qualité – n’est pas possible, tant les conditions d’éclairage sont déplorables.49 Aujourd’hui, contrairement à la pensée fonctionnaliste, il n’y a pas de nécessité à rendre lisible la fonction de chaque niveau du Learning Center depuis l’extérieur, autrement dit que le dessin de façade reflète, se rapporte à l’activité interne. Le Learning center est un programme qui au contraire articule les programmes de manière hybride, et dont la façade doit d’avantage être unifiée et perçue comme un ensemble au service d’une même fonction : l’accessibilité à la « Connaissance ». Comment inviter par l’image externe que divulgue le bâtiment – notamment le traitement de la façade –à séjourner dans le Learning Center. Remplacer le dernier panneau opaque par un autre panneau similaire en taille – incluant à la fois une entrée de lumière naturelle, donnant une vue sur l’extérieur, permettant de ventiler naturellement, et d’isoler convenablement – n’est pas antinomique avec la volonté de conserver la hauteur de bâti de la bibliothèque du côté du forum, pour conserver l’échelle de la place italienne de l’université méditerranéenne. Cette dernière caractéristique est propre à l’identité de la bibliothèque comme élément appartenant à l’université et en relation avec les autres bâtiments campus autour du forum.

49

Mise à part autour du patio et les zones juxtaposées à la zone

42 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Préfabrication : L’esthétique de la préfabrication – témoin d’une époque – est l’une des valeurs principale et porteuse de potentiel pour la transformation de la bibliothèque en Learning Center. Le positionnement choisi consiste à mettre en exergue ce qui est caché aujourd’hui : la structure formée par le réseau de caissons préfabriqués posés sur les poutres. Pour se faire, on démonte les faux-plafonds actuels (« bon marché ») qui octroient la lecture des caissons, afin de revaloriser le caisson – unité structurelle préfabriquée du bâtiment. Pour libérer la sous-face caissonnée des plafonds, on installe un système de faux-planchers; lequel a pour fonction de recevoir les éléments

techniques

et

remédier

aux

problèmes acoustiques entre les niveaux. Coupe sur la façade, redessin à partir des plans d’éxécution Coignet.

Maquette de structure.

Maquette de structure.

43 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Le redessin et la modélisation en maquette des plans d’exécution – notamment le rapport la structure des planchers et de la façade entre le porte-à-faux et le patio – a permis de comprendre l’indépendance structurelle de chacun des éléments. La préfabrication quasi complète du bâtiment lui confère un statut modulaire, producteur de potentiel et de libertés d’intervention. Les panneaux de façade, autoportants et soutenus par les planchers, sont indépendants les uns par rapports aux autres. A la manière d’un jeu de construction il est possible de retirer des panneaux de façade ou des caissons sans perturber la structure. Les deux actions les plus significatives sont :- le remplacement du panneau de façade opaque du deuxième étage, et la suppression de caissons pour accueillir les nouveaux blocs techniques. Les deux anciens escaliers (B et C) contenus dans la zone « critique » contreventaient les plateaux horizontaux. Les nouveaux blocs – contenant des escaliers de secours, des sanitaires, des ascenseurs, et locaux d’entretiens – remédient aux normes en termes d’évacuation incendie, et sont disposés de manière stratégique afin d’assurer le contreventement du bâtiment. Ces blocs ont été dimensionnés de manière à s’immiscer précisément dans la trémie – surface constructible de 7,2m x 6,6m – laissée par quatre caissons et les poutres soutenant ces caissons.

Démontage des caissons pour insérer les nouveaux blocs techniques.

44 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


L’analyse des plans d’exécution a permis de montrer certaines limites dans la relation entre le rythme des ouvertures dans les panneaux de façade et la structure de poteaux. On remarque à certains endroits un strict alignement entre des baies verticales rythmant la façade et les poteaux. En correspondance avec

cette

« non

composition »,

la

disposition du mobilier actuel n’établit aucun rapport avec le rythme des ouvertures de la façade. Aux endroits où justement les baies verticales sont non alignées

avec

les

poteaux

(cadrant

potentiellement des vues sur le forum) des étagères interfèrent et obstruent la continuité visuelle. La conservation de panneaux de façade – les meurtrières du deuxième étage et les baies verticales du bandeau du premier étage, lesquels participent à l’intégrité du bâtiment – implique de composer avec le rythme de la façade et de mettre en valeur depuis l’intérieur les cadrages qu’offrent Rapport entre les vues données par les ouvertures en façade, et la partition interne du bâtiment (notamment la structure).

les

ouvertures

dans

les

panneaux

conservés. Pour se faire, les allées de

circulation entre les rayonnages dans les zones de consultation s’alignent avec les ouvertures de façade positionnées verticalement. Cette action, permise lorsque les ouvertures de façade ne sont pas alignées avec un poteau, permet d’exploiter le rythme des façades de Pierre Vago en les intégrant à la composition de Learning Center.

45 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Patio : Dans le bâtiment actuel le patio est l’élément central, autour duquel s’organise l’ensemble du bâtiment. Ce patio carré, centré dans un bâtiment à plan carré, fonctionne comme un poumon intérieur aveugle depuis l’extérieur du bâtiment. On a déjà cité précédemment l’importance de l’ambiguïté, de l’effet de surprise que procure l’intériorité de ce patio. Il me semble important de conserver la fonction existante du patio comme d’élément majeur, organisateur, unificateur créateur de lien. Ce que l’on interroge c’est sa forme actuelle : on questionne la notion de «symétrie» dans un bâtiment qui n’est pas entièrement symétrique. La bibliothèque n’est pas un carré parfait, sinon un carré tronqué par le magasin. Le porte à faux de 3 mètres soixante formé par le premier et le deuxième étage n’est pas continue – interrompu par le magasin sur les façades Est – et n’a pas la même largeur sur tout le périmètre du bâtiment (deux mètres de porte à faux sur la façade Nord/Est). Interroger la forme symétrique du patio, c’est finalement interroger la symétrie/asymétrie de la « Connaissance », en tant que le patio présente le cœur de la « Connaissance ». La « Connaissance » n’est pas symétrique, elle est dissymétrique, bigarrée, versatile, anormale, surprenante, changeante, adaptable, bipolaire…ou plutôt elle devrait pouvoir s’exprimer sous n’importe quelle forme. Plus largement le monde et la société contemporaine ne sont pas symétriques – ont peur de la symétrie ? – qui reste un idéal inatteignable dans le sens ou la perfection n’existe pas. Ce n’est pas sans rappeler l’idéologie de la période classique qui associait et confondait « symétrie » et « perfection » dont Pierre Vago est influencé.

46 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Le vide fédérateur généré par le patio – centre de la connaissance – n’est pas tellement

le

centre

physique, mais plutôt le centre moteur, organisateur, et créateur de lien. Les neurones de notre cerveau – centre de « Connaissance » à l’échelle individuelle – sont séparés par un vide interstitiel. C’est peut-être dans ce vide qu’il y a le plus d’activité, le plus d’interactions possibles, une énergie cérébrale non palpable, non visible, non quantifiable mais infinie : un électroencéphalogramme invisible. L’espace du patio se veut propice à la rencontre, un point de repère d’où l’on peut voir, prendre de l’information où que l’on soit dans le bâtiment. C’est l’espace permettant le maximum d’interactions visibles et invisibles. On peut légitimement s’interroger sur la forme de la « Connaissance » pour la projection d’un Learning Center, centre dédié à l’apprentissage. L’espace du patio, comme cœur du projet, matérialise spatialement cette « connaissance ». Un espace vertical une direction ascensionnelle, directe et ininterrompue de la terre vers le ciel – milieu de prédilection de l’intellect. Une ascension intellectuelle qui porte la symbolique de l’élévation de l’âme. Aujourd’hui cette connexion n’existe pas car le vide du patio profite uniquement pour les étages. L’horizontalité donne la possibilité de déployer une vue panoramique, voir dans toutes les directions, et ainsi créer des interactions directes de proche en proche, plus singulières. La « Connaissance » est un continuum : à la fois verticale et horizontale. Il ne doit pas y avoir de frontière entre le vertical et l’horizontal : les idées, les interactions et produits intellectuels doivent pouvoir circuler librement, passer d’un état à l’autre, se nourrir, s’autocatalyser l’un et l’autre. La forme de cette « Connaissance » c’est la forme de son cœur : le

patio. On cherchera à

dissymétriser le bâtiment originel, pour cela on agira sur le patio actuel carré. On cherchera à ce que le nouveau cœur du projet soit une traduction spatiale de l’intention urbaine : relier par un espace continue les deux entrées, celle au niveau rez-de -jardin (côté avenue du pont de bois) à celle du rez-de-forum (côté université). 47 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Couvert par une verrière, le nouveau patio, s’étend verticalement sur trois niveaux du rez-dejardin au premier étage. Le changement de patio n’est pas visible depuis le forum car sa hauteur est inférieure d’un étage à celle la bibliothèque, et ainsi ne perturbe pas l’intégrité sur le forum. Vers la ville au contraire, l’intervention est clairement visible car les volumes de l’extension (en premier plan) donnent à voir la nouvelle façade plaquée sur le volume du bâti existant (en arrière-plan). Le patio articule d’une certaine manière les deux visages du Learning center ; lequel appartient à la fois à la ville et au campus universitaire.

Cœur : Plutôt qu’un cœur extérieur introverti – fonction qu’exerce de manière univoque l’actuel patio par rapport au site– le nouveau patio, d’avantage ambiguë, fonctionne comme un cœur intérieur ouvert. La notion de passage d’un cœur introverti à cœur ouvert – celle d’une bibliothèque des années soixante à un Learning center du vingt-et-unième siècle – illustre le changement d’état de l’accès à la « Connaissance ». Le nouveau patio, par sa couverture transforme un extérieur en intérieur. Dans le nouveau patio/cœur, les traces de l’ancien patio demeurent visibles et lisibles car l’une des deux volée du nouvel escalier majeur – situé dans le patio – trouve sa trémie dans le vide laissé par l’ancien patio. Cette opération permet aux usagers de la bibliothèque venant au Learning center de reconnaître l’emplacement de l’ancien patio, et prendre conscience des changements spatiaux que produit le nouveau patio. Ce nouveau patio articule l’ancien et le nouveau, la partie conservée et l’extension.

48 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Jonction, point de soudure : Le point de soudure est un interstice – la surface de contact privilégiée – où se joue la jonction entre la partie de l’existant conservée et l’extension. C’est dans le paradoxe entre césure et jonction, dans l’interstice laissé par les joints de dilatations, que naît et s’insinue la suture. La résidualité d’un joint de dilatation de 2 centimètres sert de base d’accroche où s’opère la rencontre, l’hybridation entre le bâtiment existant et l’extension. « il faut dire des idées qu’elles fourmillent dans la fêlure »50 La fêlure est comme un point aveugle, une ligne embryonnaire formée par le côtoiement de deux différents, deux éloignés, deux dissemblables, – incompatibles ? – pour faire naître ce qui n’existait pas encore. C’est autour du point de greffe que vient se formuler, s’articuler, s’organiser, une pollinisation issue de la rencontre de deux genres architecturaux. Il convient de s’interroger sur la nature de cette soudure entre un bâtiment existant et son extension. On choisira de mettre en évidence le point de soudure par un traitement particulier de la «frontière» entre l’existant et l’extension. La mise à distance subtile entre la partie conservé et l’extension est marquée par sa position du point de greffe– l’extension vient s’immiscer symboliquement dans la zone comprise entre les deux joints de dilatation existant. A l’intérieur, cette intervention a pour effet de laisser visible la douce cicatrice dessinée par les poteaux existants (29cm x 60cm) jadis séparés de 2 cm par le joint de dilatation de leurs homologues – compris dans la zone au diagnostic critique – supprimés. Le décalage de l’ensemble de l’extension d’une longueur d’une trame vers la ville et le parc – direction similaire à l’extension originelle (Cf. dessin de Vago) – à partir des joints de dilatation permet de signifier la zone ayant reçu la greffe/extension. L’éloignement subtil entre l’existant et l’extension se formalise par un décalage assumé entre les éléments porteurs verticaux de l’extension par rapport aux

50

Deleuze Gilles, Différence et répétition, Presse universitaires de France, Epiméthée, 2011, p220

49 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


poteaux de l’existant – différent par leur forme, leur matérialité. La distance entre les deux structures – ancienne et nouvelle – est suffisamment marqué pour être lisible par tout un chacun.

Extension :

Autour de la « douce accidentalité », provoquée par la greffe se créer une ambiguïté architecturale, productrice de richesse. On choisira de marquer la différence entre les deux parties composantes (conservée et ajoutée) d’un seul et même bâtiment pour s’interroger sur l’identité de ces deux parties par les différences – esthétiques, de forme, d’époque – qui les caractérise chacune. On montrera explicitement la différence de vocabulaire, entre le greffon et le receveur en rendant lisible, et en permettant à un tout un chacun d’identifier et reconnaître à la fois ce qui faisait partie de l’ancienne bibliothèque – et qui a été recycler par le Learning Center – et ce qui est nouveau (extension). Plus que les différents objets convoqués (existant et extension), c’est la relation différentielle entre ces objets, et leur association qui fait sens, « laissant de multiples chances à des tracés plus créateurs, à des liaisons moins probables »51. Autrement dit, on assume la différenciation entre le bâtiment existant et l’extension pour démultiplier les possibilités d’acceptation, assimilation, de reconnaissance de deux époques architecturales différentes. Il s’agit de relativiser

51

Deleuze Gilles, Pourparlers, Les Editions de minuit, 1990, p87.

50 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


une architecture rationnelle, stable, lisse, issue de la pensée d’une époque et d’un architecte pour l’intégrer dans une architecture contemporaine, davantage instable, susceptible de changer d’état, et où la fonction demeure plus ambiguë, et interprétative. Les principes organisateurs conservés de l’existant pour l’extension sont la préfabrication, et la trame. Le vocabulaire de l’extension convoquera aussi un langage préfabriqué par soucis d’économie du projet. L’utilisation du préfabriqué fait plus particulièrement sens pour la construction des magasins. Cet élément programmatique - gardien des archives – nécessitent l’emploi de matériaux « secs » à la construction, pour éviter les variations du niveau d’hygrométrie ; conditions qui risquerait de détériorer le papier des archives.52 L’extension oscille entre conservation et réappropriation de la trame régulatrice instaurée par Vago. Comment réutiliser cette trame pour la structure de l’extension ? Cette question s’applique pour notamment pour la trame porteuse des magasins qui nécessitent des conditions structurelles propres, et aussi pour la structure de la verrière du patio afin d’avoir une diminution des sections, et une couverture à l’image légère, proche de l’exploit structurel.

« L’apparente pesanteur de la nage d’une baleine permet une analogie pour cette structure diffuse. Si elle échoue, une baleine n’a rien de léger ; mais dans l’eau, la masse de son corps s’équilibre avec le milieu aquatique, la baleine se meut presque sans effort. De sorte que ces créatures massives sont pratiquement sans poids »53

52

L’emploi d’un béton classique, posé sur chantier restituerait une grande quantité d’eau dans les magasins pendant plusieurs années (temps de séchage nécessaire). 53 Koolhaas Rem, New York délire, Editions du Chêne, 1978, p101.

51 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


La métaphore de la baleine utilisée par Koolhaas, interroge la légalité de la gravité. Cette comparaison nous intéresse pour le langage structurel de la couverture du patio : comment rendre la structure légère, en rapport avec ce qu’évoque la relation de la verrière avec le ciel. Quelle structure serait en adéquation avec l’espace pneumatique54 et psychique du patio ? Comment traduire l’ambiguïté de la pesanteur ? L’emploi d’une structure à section minimale pour ce grand espace, permettrait-il d’oublier la couverture, et d’accentuer la pénétration de lumière zénithale dans le volume du patio ?

Évolution de l’espace du patio au cours des semaines. Comment formaliser le cœur de la « Connaissance » ?

54

Définition de « pneumatique » par le TLFi - PHILOS., dans le lang. des gnostiques. Qui représente le plus haut degré de perfection spirituelle (infra III B).Synon. psychique.

52 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Matérialité : La structure porteuse de l’extension est constituée de poteaux circulaires (30cm de diamètres) en acier. La différence avec les poteaux porteurs en béton de sections carré (60x60) de Vago est signifiée à la fois par la taille, la matérialité, la forme, et le rythme. Comme déjà évoqué précédemment, nous souhaitons conserver des panneaux préfabriqués de façade – bien qu’ils soient témoin d’une époque datée – car nous considérons qu’ils sont une caractéristique identitaire du bâtiment, laquelle participe à son intégrité. La matérialité de la façade ajoutée veut évoquer une image contemporaine du Learning Center, ambivalente, capable de changer d’état en fonction des différentes temporalités de la journée. La façade intégrerait un système de transparence permettant au bâtiment de changer d’apparence en fonction d’une lumière diurne ou nocturne. Le jour, la façade aurait un rôle protecteur : les rayons du soleil seraient filtrés par le parement de la façade ; la projection au sol du dessin du parement vivrait au rythme de la course du soleil. Tandis que la nuit, le bâtiment fonctionnerait comme une lanterne, un point lumineux dans la ville et l’activité interne – mouvement des usagers – serait un spectacle pour l’environnement urbain proche. La fonction ambivalente de la façade a pour but de jouer avec le couple diffusion/réception – projection/protection - de lumière. (Cf. annexe p.81). Quel système structurel faut-il utilisé pour mettre en place une façade autonome d’exercer sa fonction ambivalente? Quel rapport instaurer entre la façade enveloppe et la structure ? Il serait peut-être intéressant de réinvestir le principe de dissociation de la structure et de l’enveloppe qu’a utilisé Pierre Vago pour son bâtiment ? Le dessin des panneaux préfabriqués de la façade de l‘extension est une interprétation géométrique de la molécule de betterave. Ce geste fait hommage à l’origine archéologique du site : les champs de betteraves sur lesquels s’est construit l’université et la ville nouvelle. Une «façon

53 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


d’utiliser l’architecture pour mettre en scène des activités cachées afin de leur redonner des lettres de noblesse.»55 Cette commémoration d’ordre géologique et archéologique n’est pas sans rapport avec la vocation du Learning Center SHS archéologie et égyptologie.

1% artistique : Pierre Vago a œuvré pendant sa vie pour une réelle implication de l’artiste dans l’œuvre dès sa conception et plus largement « une véritable collaboration » entre architecte et artiste, contre le « one man show, même lorsqu’il s’agit d’un Le Corbusier, architecte, peintre sculpteur. »56. Vago souhaitait que les œuvres artistiques soient « une intégration plutôt que d’une superposition ou d’une décoration ajoutée »57 Le programme d’aide de l’état « 1% artistique » attribuait un pourcentage du budget total pour la promotion de l’Art dans les bâtiments publics. Pierre Vago était choqué par « L’ignorance de tant de (ses) chers confrères lorsqu’il s’agissait d’Art contemporain… »58. Sa réponse à la demande d’une définition de l’architecte lorsqu’il fut interrogé par le Figaro en 1937 : L’architecte est un homme cultivé, témoigne de son vif intérêt pour l’art contemporain. Pour l’université de Lille 3, l’architecte ne déroge pas à ses conviction et convoquent plusieurs artistes renommés et d’autres – moins connus – de la région. Pour ne citer qu’un exemple d’évolution et de nouveaux enjeux entrant dans le diagnostic de manière postérieure car ils n’avaient pas été remarqué ou dont la valeur n’avait pas été estimée : les muraux de Raoul Ubac, réalisés en 1973, pour l’université. Il n’arrivera pas aux fresques de Raul Ubac le même destin tragique

55

« Jean François Milou, le goût du palimpseste », in Revue D’Architecture, n°191, mai 2010, p7

56

Une vie intense, op. cit., p.518 Une vie intense, op. cit., p.515 58 Une vie intense, op. cit., p.518 57

54 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


subit par « La sculpture de Lardera […] exilée sur un pré, à l’extérieur de l’ensemble »59

« Ma peinture est axée sur la forme, le rythme. L’objet se transforme, se décante, jusqu’à devenir méconnaissable. Mais à l’origine, il y a un rappel, une question de mémoire d’une forme qui m’a frappé »60 (Raoul Ubac, 1964)

« Un simple champ fraîchement labouré, suffit à nourrir ma vision »61 (Raoul Ubac, 1966)

Positionnées sur les façades de la B.U, ces deux fresques de mosaïques (tesselles de briques et de marbres de Vérone) sont une interprétation plastique des champs labourés sur lesquels est venu s’implanter le campus universitaire dans les années soixante, et plus tard à plus grande échelle l’ensemble de la ville nouvelle de Villeneuve d’Ascq. Ces fresques sont les traces d’une histoire, d’abord celle du passé agricole de Lille Est, et ensuite celle de la collaboration artistique entre Pierre Vago et Raul Ubac62 . Ces œuvres pratiquent par leur sujet même la notion de palimpseste, elles réécrivent avec une poésie dont le thème est l’origine culturelle agricole de l’université. Le futur projet en respect à l’attention que portait Pierre Vago pour la collaboration entre artiste et architecte, choisit de conserver ces deux fresques murales, et plus encore, leur donne une valeur toute particulière (qu’elles n’ont peut-être jamais eue ?). Les deux fresques encadrent les deux séquences d’entrée. On peut même parler de scénographie pour la fresque de l’entrée depuis la ville. La dalle de l’extension vient autour de cette fresque sans la toucher directement ; cette mise à distance est une manière de valoriser la fresque.

59

Une vie intense, op. cit., p.405

60

http://bsa.biblio.univ-lille3.fr/blog/2010/11/raoul-ubac-a-lille3/

61

ibidem Il est intéressant de souligner la quasi gémellité des parcours de Pierre Vago et de Raoul Ubac. Nés à seulement quelques heures d’intervalle, le 30 août 1910 pour l’architecte, et l’artiste le lendemain, dans deux pays d’Europe de l’est. Les deux hommes ont francisé leur nom et ont trouvé dans la France une terre d’accueil pour leur Art respectif. 62

55 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


D’autre part c’est la considérer comme un objet d’art autonome parmi les autres œuvres de l’espace d’exposition du le hall d’entrée. La symbolique est forte car cette fresque est le seul élément conservé dans la zone diagnostiquée comme « critique ». La conservation de la fresque inclus aussi celle de son support de pose à savoir une banche en béton formant le bloc de l’escalier C. Sur trois niveaux ce mur au cœur de l’espace d’exposition, devient un support à deux faces destiné à l’Art que différents artistes locaux pourraient s’approprier. En bas de page cicontre on propose d’une interprétation artistique de la partie basse du mur en béton - support de la fresque de Raoul Ubac - à la manière de l’artiste américain Gordon Matta Clark63. L’intervention consistant à percer le mur pour laisser un passage sous la fresque d’Ubac, une manière

d’être

ne

contact

et

de

redécouvrir l’œuvre d’une façon tout à fait singulière. Gordon Matta Clarck, «Conical Intersect" (1975). Rue Beaubourg, Paris. Source : http://acasculpture.blogspot.fr/2012/02/tribute-togordon-matta-clark.html

Perspective de l’entrée au rez-de-jardin, mise en scène de la fresque d’Ubac et investissement artistique du mur support.

63

Gordon Matta-Clark (1943 – 1978) est un artiste américain célèbre pour ses œuvres réalisées in-situ dans les années 1970. Il est connu pour une série de travaux qu’il réalise dans des bâtiments abandonnés ; son action consiste à couper dans les bâtiments, enlever des morceaux de planchers, de plafonds, et de murs. Il suit un concept du détournement, de réutilisation d'éléments artistiques et matériaux préexistants pour en faire un nouvel arrangement.

56 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Fresque de Raoul Ubac du côté du forum. Source : http://bsa.biblio.univ-lille3.fr/blog/2010/11/raoul-ubac-a-lille3/

Photo de la fresque de Raoul Ubac, auteur inconnu. Source : http://images.google.fr/

Photo de université de Lille 3 en 1975, avant que les arbres ne poussent. Source : http://bsa.biblio.univ-lille3.fr/blog/2010/11/raoul-ubac-a-lille3/

57 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Hybridation : Sur le plan agronomique, l'intérêt de la greffe est d'associer les caractéristiques du porte-greffe et du greffon64. Pour le Learning center cette notion d’association entre l’extension et l’existant – enjeux même d’une réhabilitation – fonctionne comme une d’hybridation, une pollinisation dans le sens où l’ajout de l’extension permet d’initier un dialogue entre deux vocabulaires architecturaux : celui des éléments du bâtiment existant conservés et celui de l’extension. On retrouve différents niveaux d’hybridation selon la perception depuis l’extérieur ou l’intérieur du bâtiment. En façade on a une hybridation, dont l’intervention architecturale la plus signifiante demeure le bandeau périmétral supérieur qui donne une cohérence à l’ensemble du Learning Center. Cependant on perçoit une différence de vocabulaire – ancien et nouveau – entre le bandeau formé par les panneaux de façades ajoutés et les panneaux existants, surtout pour les façades orientées sur le forum, car les panneaux existants sont conservés dans leur état actuel en façade. A l’intérieur du bâtiment, l’hybridation a un caractère plus ambigüe, car l’articulation qu’effectue le volume couvert du patio donne à vivre un seul intérieur, composé par deux vocabulaires – matérialité, structure, etc…– architecturaux différents en interrelation constante. Il important de rappeler qu’une hybridation n’est jamais totale. La greffe d’organe, comme la greffe botanique rassemblent la notion de corps étranger, ou de corps indifférenciés. Le corps originel ne peut jamais reconnaître entièrement le corps greffé. Dans l’acceptation d’un corps d’origine par un autre il faut considérer le temps que prendront dans les mentalités pour accepter le changement d’image du bâtiment. C’est sûrement par l’activité interne du bâtiment – les multiples possibilités d’appropriation permises par les atmosphères architecturales plurielles et variables – que dans le temps la greffe sera acceptée.

64

La greffe d’organe ne comporte pas la notion d’hybridation- caractéristique de la greffe botanique. En agronomie, la greffe végétale permet la création d’une nouvelle espèce, hybride, prenant les qualités de ses deux parents-géniteurs. Cependant cette mutation, lorsqu’on veut la contrôler ne peut se faire sans l’ajout de produits chimiques pendant une durée spécifique aux espèces convoquées.

58 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


59 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


4) Le Learning Center : un programme « oxymorique » en soi Oxymore : Le rapprochement avec Koolhaas se fait dans la « rencontre oxymorique » que propose le learning center - relier deux termes (activités) apparemment incompatibles, afin d'évoquer un sens nouveau (un programme nouveau, une nouvelle manière d’habiter) de la seule coprésence (cohabitation) de sens contraires – L’hybridation d’activités définissables ni par la première activité, ni pas la deuxième mais par l’association, l’interrelation, le produit, le métissage des deux prises ensembles. L’oxymore tente d’estomper les frontières, de rapprocher les disciplines les unes des autres. Physique/numérique – convivialité/intériorité, intimité – scientifique/grand public – réel/virtuel – calme/animation – social/liberté individuelle – relation/replis sur soi – public/privé – isolement/partage – ouvrages en libre accès/magasin – collection

publiques/collections

privées

affordance/orientation

sagacité/accidentelle – papier/numérique – convivialité/concentration.65 La « rencontre oxymorique », implique l’apparition de nouvelles notions hybrides. Des nouvelles notions propres au programme du Learning center avec lesquelles il faut se familiariser. Plutôt que l’expression « programme oxymorique » il est préférable d’utiliser le terme de programmes dissociables, disparates, et différents. Car si certaines activités du Learning center sont strictement opposées, ce n’est pas le cas pour toutes. Par exemple dans un Learning Center un espace voué à l’activité « détente » n’est pas forcément opposé et paradoxale à un espace dit de « travail ». On peut rappeler que c’est parfois autour de la machine à café que dans une entreprise naissent les idées les plus productrices. Pour le Learning

65

Oxymores collectés dans le mémoire de d’étude (Diplôme de concervation de bibliothèque) de Cécile Vettoruzzo (sous la direction de Michel Melot) : Le learning center de Lausanne, prototype de la bibliothèque du futur, Université de Lyon, Enssib

60 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


center universitaire de Lille 3, il est indispensable de permettre à chaque utilisateur de pouvoir exercer – voir tester – les méthodes et attitudes de travail qu’il souhaite, et préconise pour sa propre réussite dans différentes atmosphères architecturales. L’espace détente comme l’espace de travail participent communément – à part entière – à l’objectif commun d’évolution et de croissance de la « Connaissance » propre aux Learning Center.

Bigarrure : « Juxtaposition de couleurs tranchantes ou mal assorties »; « Mélange et assemblages d’éléments disparates »66. Diversité plus ou moins disparate des couleurs ou des dessins. Cette notion rend compte du bariolage sociétal, du métissage de la cité, des pluralités de publics susceptibles de venir au futur Learning Center. L’un des enjeux est de permettre à tout un chacun d’y « trouver son compte », et de s’approprier le lieu. Les bibliothèques aux Pays-Bas ; lesquelles se rapprochent fortement des Learning Center dans leur usage, témoignent des différentes manières de s’approprier un lieu de travail. Des multiples activités possibles que nous avons expérimenter lors des visites de ces bibliothèque, on pourrait citer : lire un périodique à la cafétéria, assisté à une conférence le soir lorsque les espaces de lectures sont fermés, travailler dans un espace de groupe préalablement réservé, lire une livre allongé dans un fauteuil confortable, s’endormir dans ce fauteuil, visiter la dernière exposition en date, venir faire une simple recherche sur internet…Le mobilier reflète les nombreuses postures et attitudes de travail ou de détente correspondant à chaque activité. Le bariolage est présent dans la pluralité de programmes qu’abrite un Learning Center. L’une des vocations de ces centres de la « Connaissance » est de réunir différents programmes dans un même bâtiment.

66

Définition du TFLi

61 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Vue du bandeau périmétral de fenêtre du premier étage depuis les assies rondes de l’esapce détente.

Programme : Comment faire cohabiter les différents publics – commun, étudiant, chercheur et personnel – du Learning Center, revient à mettre en place une logique d’organisation spatiale des différents programmes. Les éléments de programmes sont partitionnés en trois grandes entités dans trois zones du bâtiment.– il permet plutôt d’organiser l’ensemble des activités du bâtiment en fonction des multiples besoins propre à chaque programme pour mieux mettre en relation les programmes entre eux. Les trois bandes programmatiques sont : – une bande d’avantage dédié au travail, c’est l’espace où se situent la quasi-totalité des consultations et la majorité des places de travail. Cette zone située dans l’aile sud avec des vues sur le forum est d’avantage tournée vers l’université ; – La bande centrale concentre les activités dynamiques (plus bruyante) la détente on y trouvera les programmes

62 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


d’exposition, la cafétéria, l’amphithéâtre. Cette bande d’avantage poreuse contient le patio et met relation –par de biais de la toiture de l’amphithéâtre – les deux entrées : c’est une traduction spatialement de l’intention urbaine ;– La dernière bande d’avantage privée, réservée principalement au personnel, contient les magasins et l’administration. Son orientation au Nord-Est protège les magasins – photosensibles – d’une forte exposition à la lumière,

tout en

offrant une vue généreuse vers le parc. Le volume parallélépipédique, semi-enterré, des magasins est plus bas que l’ensemble de l’extension pour donner au reste de l’extension de profiter de la vue sur le parc. Par sa façade Nord vitrée, le patio à cœur ouvert, induit la contemplation de l’espace végétal planté de bouleaux, chênes, peupliers et marronniers. L’organisation interne de la bande occupée par le personnel est fonctionnelle. Morphologiquement cette intention se traduit par le regroupement dans

une

colonne

des

bureaux

de

l’administration, des magasiniers et catalogueurs. Positionnée stratégiquement dans l’angle NordOuest du bâtiment, l’administration profite à la fois du dynamisme du forum à l’ouest et du calme du parc au nord. Lors de la visite guidée par la conservatrice de la bibliothèque, cette question avait été mise en avant car la non proximité d’un noyau de circulation empêchait les liaisons et la communication rapide entre les différents

Organisation programmatique.

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bureaux du personnel. Pour remédier à ce manque nous avons situé un noyau de service – incluant des escaliers, un ascenseur, et des sanitaires pour le personnel –dans la colonne administrative pour permettre des liaisons rapides entre le R-1 et le R+2 ; lesquelles sont indispensables pour une bonne synergie de l’équipe œuvrant au service du livre. La colonne du personnel est juxtaposée directement au bloc compact du magasin pour faciliter le chemin du livre. Le livre est pris en charge au niveau du bas de la colonne – une zone de traitement du livre a été prévu à cet effet – dès son arrivée dans le parking. La proximité du monte-charge permet d’optimiser les grandes distances67 parcourues par les magasiniers. Ce principe de « zonage » programmatique, n’est pas un principe rigide – toutes les entités ne respectent pas strictement cette organisation. Ainsi dans la bande programmatique dédiée au personnel se situe également des salles de cours, une salle de conférence, la salle des chercheurs et une grande salle de travail de groupe (au-dessus des magasins) en relation avec le patio et disposant d’une vue privilégiée sur le parc. A une autre échelle on retrouve une interaction interne à la bande « travail » avec des espaces de détentes calmes – plutôt de relaxation – situées entre les rayonnages de consultation.

Congestion interactive : Les trois entités programmatiques – bandes – s’auto-organisent chacune verticalement par un principe de superposition, et entre en relation les unes par rapport aux autres par juxtaposition. Cette relation de juxtaposition entre les entités rappelle par son principe le projet de la central methodist epicopal church dont parle Rem Koolhaas dans NYD – « le schisme vertical, qui donne la liberté d’empiler les activités disparates de la cathédrale et du parking directement les unes au-dessus des autres sans avoir à se soucier de leur compatibilité symbolique »68 –à la différence que pour le Learning Center ce n’est pas un empilement vertical et schizophrénique d’entités disparates, mais un

67

Lors de la visite des archives de Lille nous avons appris qu’un magasinier parcourt en moyenne une dizaine de kilomètres par jour. 68 New York délire, Op. cit., p.173

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empilement de plateaux composés de différentes entités programmatiques liées entre-elles par un principe de juxtaposition horizontale. Par sa diversité programmatique, et les interactions produites par leurs rencontres, le Learning center pratique la culture de la congestion chère à Rem Koolhaas. L’interaction entre les différentes entités est permise par le patio et se fait physiquement par l’utilisation des escaliers d’honneur. Ces escaliers sont moteurs des déplacements dans les différents niveaux du centre de la « Connaissance ». Koolhaas se réfère à un gratte-ciel de Hood, composé de 4 tours reliées par un noyau central de circulations, lequel est une « intersection artificielle » organisateur de lien et de congestion programmatique. Koolhaas utilise l’expression «perpétuelle heure de

« Le théorème de 1909 : le gratte-ciel comme invention utopique permettant la production d’un nombre illimité de sites vierges sur un emplacement métropolitain donné. » Source : New York délire, Op. cit, p83.

pointe en trois dimensions »69 pour qualifier ces circulations centrales. Les circulations magistrales dans le patio permettent par leur dimensionnement et leur place centrale d’accueillir les flux – de l’ordre de l’heure de pointe perpétuelle - dans le sens positif du terme – nécessaire à l’irrigation des plateaux la « Connaissance ». Tentative de création de double niveau dans un étage d l’existant. Exploitation des possibilités rendues permises par la modularité du bâtiment.

69

New York délire, Op. cit., p.191

65 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Sérendipité/Procrastination : Surprise, rencontre inattendue, accidentelle, hasard d’une découverte… C’est le concours de circonstances fortuit ayant pour manifestation de : « trouver autre chose que ce que l'on cherchait ». On retrouve cette expression dans le champ de la recherche scientifique, pour valoriser et prôner l’interdisciplinaire contre la spécialisation – voir l’hyperspécialisation – des champs d’étude différents.

« La sérendipité rejoint l’idée que notre environnement est riche d’opportunités, d’aubaines, de sources de performances alternatives, de potentiel, et qu’il faut savoir chercher la lumière ailleurs que sous le réverbère.70

Pour être dialectique dans la réflexion, il ne faut oublier la « Procrastination » : compagnon absolue de la sérendipité.

« La procrastination est la propension à toujours tout remettre au lendemain et la serendipité (traduction littérale du mot anglais serendipity) est la faculté à découvrir des choses qu’on ne cherchait pas. La procrastination semble antinomique à la performance […]. Pourtant sa version plus légère, que l’on peut définir comme la « capacité à faire une pause quand on est confronté à des sujets que l’on identifie comme importants », semble salutaire dans un monde où l’on confond souvent vitesse et précipitation. »71

70

Le manager et le philosophe, op. cit., Les auteurs parle d’un changement d’équation dans le secteur du management en ce qui concerne l’atteinte de la « performance « Nous quittons donc l’équation classique : P = M x A (Performance = Motivation x Aptitudes), pour celle beaucoup plus provocante, et encore instable de P = Pr x S (Performance = Procrastination x Sérendipité). A chacun de savoir dosé cette recommandation, car ce nouvel éclairage marqué par la capacité à la pause et la découverte, vaut aussi intrinsèquement pour la nouvelle façon de faire. » 71 Martin Yahn Hervé & Barth Isabelle, Le manager et le philosophe, Le passeur éditeur, 312p

66 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


« P = Pr x S (Performance = Procrastination x Sérendipité) »72. Dans l’équation suivante le terme « performance »

pourrait

s’interpréter comme une réussite de la communication et de l’accessibilité pour tous à la « Connaissance ». La sérendipité s’applique dans le projet par la mise en place d’un parcours interne organisé et initié par les circulations majeures dans le patio depuis les emmarchements formés par la toiture de l’amphithéâtre au rez-de-jardin jusqu’au deuxième et dernier étage. La singularité du parcours à chaque niveau, le rend dynamique. A titre d’exemple, on citera la circulation dans l’espace de travail au rez-de-forum se situe le long du patio pour ne pas interférer avec les vues données aux places de travail vers le forum. Au premier étage la circulation se trouve contre la façade de l’université, en longeant le bandeau horizontal de fenêtre, l’usager

ressent

l’horizontalité

originelle caractéristique du bâtiment de

Pierre

Vago.

(Cf.

schéma

programme.) Mise en évidence des éléments du projet de Vago dans différents espaces du Learning Center (orange). 72

Le manager et le philosophe, op. cit.

67 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Dans la déambulation proposée l’ordre dans lequel on rencontre les programmes est l’une des clés dans

l’application

de

la

sérendipité. L’un des principes appliqué sera de partitionner les espaces d’expositions – thématisés – dans différents niveaux du Learning Center pour proposer de manière indirecte un parcours dans le Learning Center avant d’accéder à l’espace ciblé au départ. Ainsi dès l’entrée au rez-de-jardin, l’usager traverse un espace d’exposition (ou il pourrait potentiellement s’arrêter), cet espace d’exposition par sa situation dans un hall –point de repère et de rencontre stratégique – peut convoquer l’éveil et la curiosité de d’un large public. Pour accéder à l’exposition permanente située au deuxième étage, il faut depuis le rezde-jardin emprunter les marches de la toiture de l’amphithéâtre, puis les deux volées de l’escalier d’honneur. Ce parcours dans le patio incite subtilement à s’approcher des ouvrages exposés (en accès libre), et ainsi faire un pas vers la « Connaissance ». Le parcours initiatique n’est pas obligatoire, et permet à tout un chacun d’appréhender et d’entrer en interaction avec l’université et la ville en fonction des panoramas et vues accusées vers la ville et/ou le forum. Une manière de redécouvrir et d’arpenter le site depuis l’intérieur du Learning Center. La procrastination– comme la faculté à savoir s’arrêter à des moments jugés comme « clé » – intervient dans le choix laissé à chacun de pouvoir s’arrêter, faire une courte coupure dans son travail et se détendre dans les zones prévues à cet effet dans l’optique d’être mieux concentré et plus productif. La pratique de la procrastination dans un bâtiment doit, pour être productive, permettre en un très court laps de temps d’accéder à une atmosphère spatiale différente de celle dite de « travail ». Cette équation implique à la fois une proximité des zones et en même temps une autonomie de chacune d’elle pour que les atmosphères différentes ne polluent pas – au niveau sonore par exemple – l’une sur l’autre. Ainsi au sein même d’une zone de travail, il doit être possible de sentir une transition entre la zone la plus calme – plus propice au travail individuel – et une

68 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


zone plus bruyante située dans la zone de détente comme la cafétéria ou un espace d’exposition.

Affordance : Potentialité. Le terme dérive du verbe anglais to afford qui a un double sens : « être en mesure de faire quelque chose » et « offrir ». C’est d’une part la capacité d’un objet à suggérer sa propre utilisation et d’autre part toutes les possibilités d'actions possibles (extérieur à l’objet lui-même) sur ce même objet. Ce terme est ambigu, car mêle à la fois la suggestion d’appropriation qu’émet en concepteur créateur lors de la confection d’un objet et l’appropriation individuelle propre à chaque individu dans la pratique de l’objet créé. Si on extrapole cette définition à l’échelle d’un l’espace architectural : la forme et l’atmosphère perçu par l’usager induirait la fonction/l’appropriation de ce même espace par l’usager. On retrouve l’interprétation intuitive de l’homme dans l’appropriation d’un espace suggéré au préalable par un concepteur. Dans le projet, l’espace généré par le patio témoigne le plus cette idée de potentiel : il peut être à la fois le plus vide et le plus plein, le plus calme et le plus dynamique ; Celui où il y a le moins de personnes (car c’est un vide) mais qui peut devenir l’espace où se rassemble le plus de personnes. Les emmarchements de la toiture de l’amphithéâtre, scénographie

inspirée d’Adolphe

du Appia

travail

de

pourraient

devenir des gradins pour une représentation scénique. La hauteur sous la verrière du patio Photo et dessin de scénographie d’Adolphe Appia. Auteur inconnu. L’escalier est un espace « scénographié ». Source : https://www.google.fr

offre la possibilité d’installer des œuvres d’art d’une taille importante (une statue géante d’un sarcophage égyptien pour l’une des expositions dédiée à l’égyptologie ?).

69 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


La notion d’affordance, au regard d’un travail de réhabilitation, inclue de choisir des éléments d’un existant qu’on juge porteurs de potentiel, et dont on souhaite ré exploiter – réaffirmer – les possibilités. Dans la partie de l’existant conservée, plus précisément au centre de la bande programmatique

accueillant

les

collections en accès libre, les poteaux tramés dessinent un rectangle dont les dimensions généreuses ont suscité notre attention73. L’espace induit par la structure se répétant à chaque niveau, il est possible

d’explorer

son

potentiel

spatial en faisant varier l’agencement du mobilier à chaque niveau. Chaque niveau, différent des autres par son atmosphère de travail exprime la liberté structurelle de la structure du bâtiment existant. Au rez-de-forum (inspiré de l’agencement du mobilier de la bibliothèque de Bonn74) le

Partition des espaces induits par la trame.

rectangle dessiné par la structure offre une grande salle de travail occupée par des assises ; lesquelles sont encadrés par des étagères suivant le périmètre formé par la structure. Pour le premier étage, le rectangle est à la fois composé d’étagères et des places de travail avec une circulation le long du bandeau de façade. Au 73

un rectangle (2 x 4 trames, soit 14m x 30m) dont les poteaux espacés d’une trame entre axe forment le périmètre. 74 De Araujo Ana Bela, Trois opérations complexes de Pierre Vago, TPFE, école de Nancy, 2000. Le mobilier est la base générant par ses dimensions l’ensemble de la structure depuis les magasins enterrés jusqu’aux étages de la bibliothèque de Bonn, réalisé en 1960 par Pierre Vago.

70 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


dernier étage le rectangle est partitionné en deux par la circulation. Respectivement on retrouve de chaque côté de la circulation les étagères vers l’université et les assises vers le patio.

Plan du Rez-de-forum. Agencement d’une salle de travail dans le rectangle (2 x 4 trames, soit 14m x 30m) induit par la trame de poteau de l’existant. Une manière de valoriser et s’approprier la trame de P.Vago.

Troisième Lieu : Un lieu de vie, entre le domestique et l’académique. Le fait de se sentir chez-soi, permet des échanges facilités, davantage automatiques et spontanés - « espaces Facebook 3D »75 (entre physique et virtuel). Un lieu « intermédiaire entre sphère privée, sphère professionnelle et espace public, intégrant, prolongeant, favorisant leurs pratiques et usages respectifs. C’est un lieu d’accueil pour tous les publics : pour des gens de passage, comme pour ceux qui restent, pour ceux qui lisent, ceux qui écrivent, ceux qui discutent, téléphonent et ceux qui font tout en même temps… »76 Un lieu « neutre, gommant les clivages sociaux, plutôt sans prétention, communautaire »77 ; les troisièmes lieux « constituent des territoires familiers, confortables, accessibles, qui favorisent l’interaction, la conversation (dans certaines limites) et une ambiance enjouée ; ils sont fréquentés par des “habitués”

75

Servet, Mathilde. Les bibliothèques troisième lieu. Bulletin des bibliothèques de France [en ligne], n° 4, 2010 [consulté le 11 avril 2014]. Disponible sur le Web : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-04-0057-001>.

76

Christophe Hugot, « De la Bibliothèque universitaire au Learning Center, Compte rendu d’une journée de formation interne du SCD Lille 3.», Insula [En ligne], mis en ligne le 23 novembre 2012. URL : <http://bsa.biblio.univ-lille3.fr/blog/2012/11/de-la-bibliotheque-universitaire-au-learningcenter/>. Consulté le 11 April 2014 77

Les bibliothèques troisième lieu, op. cit.

71 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


et [fonctionnent comme] un second chez-soi, soulageant les individus du traintrain quotidien, procurant réconfort et distraction. »78. Cette notion de troisième lieu est symptomatique des Learning Center, centres d’apprentissage. Le futur Learning Center tente par son discours architectural et les procédés mis en place pour le réaliser d’être ce troisième lieu. Certaines notions déjà évoquées précédemment permettent d’approcher le phénomène anthropologique du « se sentir comme chez soi » (pour l’affordance), ou provoque le désir de se perdre dans les couloirs et rayonnages de la « Connaissance »( pour la sérendipité). Au-delà d’un bâtiment au service optimal de la Connaissance, l’âme du Learning Center réside dans la lutte pour cultiver le savoir, le nourrir et le partager au-delà de la sphère de l’université…entre académisme et politique la culture de l’apprentissage rayonne et vit…

78

ibidem

72 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


73 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


5) Conclusion

Ambitions : Il est intéressant de regarder le projet en parallèle des dix ambitions que ce sont fixés les responsables du futur projet de Learning Center. « 1. Disposer d’un bâtiment neuf, accessible et en sécurité ; des espaces innovants en matière de documentation, de pédagogie, de recherche et de valorisation de la recherche 2. Favoriser la réussite étudiante en maintenant la capacité d’accueil actuelle en places de travail et en améliorant l’accès aux ressources documentaires 3. Assurer de meilleures conditions de conservation des collections (avec des choix énergétiques relevant du développement durable) 4. Redéfinir la présence au public pour mettre la qualité d’usage au cœur du projet 5. Accompagner et anticiper la mutation numérique et les nouveaux usages 6. Etre un support pour la recherche et contribuer à la valorisation de la production scientifique 7. Accompagner les nouveaux modes d’enseignement et l’innovation pédagogique dans une perspective de formation tout au long de la vie 8. Etre un lieu de vie et favoriser le développement de l’action et la médiation culturelles 9. Participer à la valorisation urbanistique de l’ensemble du quartier et requalifier l’entrée de l’université 10. Etre un outil au service du territoire et en faveur de tous les publics »79.

79

Liste des objectifs (en guise de conclusion) posés par les organisateurs du futur Learning Center de Lille 3 dans le document de travail, Projet, Learning Center Lille 3, 06/01/2015.

74 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


On retrouve dans la liste d’ambitions une priorité portée sur l’ « Accessibilité » à plusieurs échelles : accessibilité physique au bâtiment dans son contexte (point 1 et 9), l’accessibilité physique aux ouvrages et ressources documentaires (point 2), l’accessibilité en terme d’usage à des publics différents (point 4 et 10), accessibilité future ou la possibilité de mutation du bâtiment dans le temps (point 6). Les différentes expérimentations, recherches tout au long du semestre tente de formuler une proposition de projet autour de ce cette thématique de l’accessibilité à la « Connaissance ». La réponse donnée n’est pas figée, elle est toujours en construction car elle s’inscrit dans un processus de projet. La démarche de projet se veut évolutive, et pose la question d’un après projet.

Evolution : Il est intéressant de penser la potentielle évolution dans le temps du Learning Center; autrement dit, de prendre en compte les capacités de transformation du projet en cas d’une nouvelle extension. Vago avait déjà pensé le caractère évolutif de son projet, dès les premières phases, en dessinant la future extension comme partie intégrante du projet. La surface de terrain située entre la bibliothèque et l’avenue du Pont de Bois est libre de construction donc exploitable pour étendre le bâtiment. L’extension que nous proposons est située dans cette zone, et suit l’axe directionnel (du campus vers la ville et le parc) choisi par Pierre Vago ; une manière de prévoir les futures extensions. L’extension se caractérise par de passage d’un cœur introverti (patio aveugle) à cœur ouvert – celle d’une bibliothèque des années soixante à un Learning center du vingt-et-unième siècle – illustre le changement d’état de l’accès à la « Connaissance ». Le nouveau patio intérieur couvert par une verrière, accuse un principe de transformation d’un extérieur en intérieur. Par déclinaison cette action sur l’existant – qui consiste à intérioriser un espace extérieur en l’intégrant dans le projet – pourrait être reproduite lors 75 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


de des futures extensions et transformations du Learning Center en 2050 ou 2060. On convoque ici la problématique d’inclure dans la conception du projet un principe, qui pourrait être décliné lors des futurs évolutions. Qui sait comment l’accessibilité et la matérialisation de la « Connaissance » évolueront dans les quarante prochaines années ?

« Virtuellement réel » ou « réalité virtuelle » ? Photomontage réalisé à partir d’une photo modifiée Source : Google image

76 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Annexe

77 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


78 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Rencontre avec la Bibliothèque Universitaire de Lille 3 (ou le chercheur de lumière accolé à la meurtrière)

Au loin une ligne horizontale, termine un volume opaque, où presque car ce volume est divisé horizontalement en deux par un fin bandeau de fenêtres – dont le dessin est vertical tous les 10 mètres environ. Ce volume lourd et pesant, décollé du sol, semble écraser son soubassement plutôt transparent. Cette masse flottante différenciée de son soubassement, vient en débord de celui-ci. Serait-ce une allégorie de l’écrasement de la connaissance ? Est-il aussi pesant d’aller consulter-emprunter un livre dans une bibliothèque ? Ou peut-être que ce bloc de la « Connaissance » fonctionne comme un contenu, lequel croule sous le poids de son contenant : les manuscrits de la connaissance. Incitation dissuasive à la connaissance ? (le silo comme une verrue) D’apparence monochrome de loin, on découvre en s’approchant que le périmètre de la façade est formé de carreaux beiges posés verticalement- il y a même une jointure répétitive plus marquée que les autres. L’architecte aurait-il eu une promotion pour sa salle de bain ou serait-il passionné par les écailles de reptile ? Cette façade/lézard perdrait-elle sa peau à chaque saison ou en fonction de ses humeurs ? En tout cas, l’orientation du parement cette façade indique que la façade n’est pas porteuse. Abrité par le volume en porte à faux je trouve en longeant la façade vitrée un large redent (lequel indique l’entrée). 2 mètres après, une porte coulissante me permet d’entrée à l’intérieur du bâtiment. Après le passage d’une deuxième porte coulissante - je descends 5 marches avant de passer les portes de contrôle de la bibliothèque. Cette descente pourrait passer inaperçue dans un autre contexte ; dans notre cas elle souligne et enfonce, la sensation d’écrasement du « bloc de la connaissance » et/ou confirme sa fondation dans le sol, son assise sur le plan horizontale. Je suis dans un volume peint de blanc éclairé par de la lumière artificielle. Un univers aseptisé : on se croirait dans un hôpital. Au centre de l’espace on voit en levant les yeux que le plafond est percé de quelques carrés apportant de la lumière zénithale. Il y a trop de surface pleine pour que l’on perçoive l’entrée de lumière naturelle provoquée par ces petits orifices carrés. A croire que ces orifices sont des néons projetant une lumière plus blanche que la lumière artificielle.

79 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


En face de moi et sur ma droite, des murs avec des portes coupe-feux. Derrière ces portes : rupture d’ambiance – on reste néanmoins dans l’artificiel – une lumière jaunâtre illumine les parois de béton brut ; on est dans les escaliers d’un parking : lieux de violence esthétique et d’initiation aux agressions. Les deux seules différences sont que dans les parkings on n’a pas de dédoublement de l’escalier (les escaliers ne sont pas aussi larges car les mètres carrés sont comptés) – Faut-il compter les innombrables mètres carrés de connaissance et les kilomètres de rouleaux de papyrus égyptiens lorsque que l’on conçoit une bibliothèque universitaire ? – et que le sol n’est pas en céramique blanche. En montant la première volée d’escalier on arrive sur les portes des toilettes : charmant accueil ! Puis retournement du sens de la marche au niveau de l’inter-palier urinaire, on a alors le choix d’emprunter la volée de droite ou de gauche comme dans le hall d’un opéra – Peu importe, les deux sont aussi peu éclairées l’une que l’autre. On aperçoit au bout de cette montée hermétique et effrayante un peu de lumière naturelle car les portes séparant le palier du couloir ne sont pas complétement opaques. Derrière ces portes, une circulation donne sur un patio sur deux niveaux – on voit le ciel. Devant moi un atrium carré est composé du même parement écaillé que la façade extérieure. La différence entre

cette

façade

interne

et

l’enveloppe

externe

réside

dans

le

ratio

opaque/transparent. Pour le patio interne les façades ont les même surface de plein et de vide, on est devant un surprenant bandeau de fenêtre carrées à châssis fixes - seul des panneaux pleins étonnamment ouvrables et mobiles viennent interrompre ce continuum vitré et hermétique. On a comme une inversion des fonctions. L’opaque est ouvrable et le vitré verrouillé. Le sol de l’atrium est couvert d’un horrible isolant vert, jonché de cheminées carrées ne servant pas à faire du feu. Le peu de lumière naturelle au RDC venait de ces 25 étroits puits de lumières. 1er étage On tourne autour du patio pour accéder aux salles de lectures. C’est l’élément le plus vide et le plus négligé qui est au centre de la connaissance. Ce qui marque c’est l’omniprésence de la trame. Ce doit être cette trame solide et régulière qui porte depuis les fondations la masse de la connaissance. Le calme hermétique qui règne dans cette enceinte hypostyle (toute aussi hermétique), porte à croire que la prouesse structurelle laisse les étudiants et visiteurs sans voix - presque impressionnés.

80 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Un bandeau continu de fines fenêtres horizontales court sur la façade externe non porteuse. Le rythme du bandeau vitré, est régulièrement ponctué par un élément vitré vertical. Le bandeau crénelé continu même à l’angle du bâtiment rappelle la course d’un athlète égyptien ou grec lors d’un saut de haie dans les arènes olympico-universitaires. En tout cas on ne saura jamais s’il finira la course car le bandeau horizontal qui semblait continu, est interrompu sur toute la demi-moitié de la surface de la bibliothèque par des cloisonnements sûrement nécessaires à d’autres activités que la lecture ou la course à pied. Cette course dans l’ombre du cloisonnement fait encore plus peur que la chute de Rome. 2ème étage Ayant besoin d’un livre sur la sociologie égyptienne (voisine de celle syrienne) je dois monter au deuxième et dernier étage par le même escalier de parking – je ne croise personne, et évite le risque de me faire agressé par quelqu’un qui me séquestrait dans les toilettes. Après avoir contourné l’atrium et m’être dirigé vers cette la grande salle de lecture – On la différenciera des petites salles cloisonnées sombres, effrayantes et quasi inoccupées de la demi-moitié de bâtiment que l’on trouvait déjà au niveau inférieur). La salle hypostyle est sombre. Les seules fenêtres sont des meurtrières. La seule lumière naturelle provient de quelques mini-puits de lumière zénithale, aussi petits en taille que les orifices des cheminées du RDF. Le deuxième étage est une Forteresse, un château fort de la connaissance. Cette connaissance est tellement riche qu’on ne veut pas la partager, la dévoiler. Pour cela les autorités ont décidé qu’elle devait être protégée du reste du monde. Seuls les chercheurs peuvent y venir, les autres doivent en être fortement dissuadés…Deux raison plausibles : la peur que ces chercheurs soient distraits par le monde extérieur ou que le monde extérieur vienne polluer la sainte écriture antique. On parlant de chercheur, j’ai assisté à une drôle de situation en marchant entre les rayons – dont les étagères sont presque aussi datées que les manuels de sociologie eux-mêmes – un homme de dos, debout, accolé à une des meurtrière est en train de lire avec une loupe. Ce chercheur illuminé par une meurtrière, chercherait-il son inspiration dans la bande verticale vitrée de 25cm de large ? (Je précise qu’il n’y avait pas de panne d’électricité ce jour-là.) Je suis partagé entre la malédiction d’avoir voulu ce jour m’intéresser à la sociologie, et le drôle de souvenir que je vais conserver en mémoire de la situation pathétique et risible du chercheur de lumière accolé à la meurtrière. 81 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


.

Plan de structure et de démolition.

Place de travail et zone de consultation

82 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


²

83 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Table des Matière : Sommaire ................................................................................. 3 Processus et Méthode théorique(s) .................................................................. 5

Processus .................................................................................................................... 5 Scénario ...................................................................................................................... 6 Ecriture/architecture ................................................................................................ 7 Oxymore ..................................................................................................................... 8 Laboratoire .................................................................................................................. 8

Poser un «Diagnostic» : entre analyse théorique et perception sensible

............................................................................................. 9

Sujet ........................................................................................................................... 11 Learning Center SHS

............................................................................................... 13

Enjeux urbains ......................................................................................................... 14 Accessibilité .............................................................................................................. 14 Orientation ............................................................................................................... 17 Vitrine ....................................................................................................................... 18 Intention urbaine ..................................................................................................... 19 84 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Décaissé .................................................................................................................... 20 Décollement ou Ecrasement .............................................................................. 22 Rapport au sol ......................................................................................................... 22 Mystification et Lobotomie

............................................................................... 24

Echelle ....................................................................................................................... 27 Enveloppe ................................................................................................................. 29 Structure ................................................................................................................... 30 Obsolescence

......................................................................................................... 31

Circulations .............................................................................................................. 32 Diagnostic Critique ............................................................................................... 33 Greffe ........................................................................................................................ 36

Le « Palimpseste » : une attitude par rapport à la Bibliothèque de Pierre Vago ........................................................................ 37

Palimpseste .............................................................................................................. 37 Intégrité

.................................................................................................................... 38

Préfabrication .......................................................................................................... 41 Patio .......................................................................................................................... 44 Cœur ......................................................................................................................... 46 85 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Jonction, point de soudure

.................................................................................... 47

Extension ................................................................................................................... 48 Matérialité ............................................................................................................... 51

1% artistique ...................................................................................................... 52 Hybridation ............................................................................................................... 56

Le Learning Center : un programme « oxymorique » en soi ........................................................................................................................................... 58

Oxymore ................................................................................................................... 58 Bigarrure .................................................................................................................... 59

Programme ............................................................................................................... 60 Congestion interactive ............................................................................................ 62 Sérendipité/Procrastination

................................................................................. 64

Affordance ................................................................................................................. 67 Troisième Lieu .......................................................................................................... 70

Conclusion ........................................................................................................................................... 72

Ambition

................................................................................................................... 72

86 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Evolution ................................................................................................................... 73

Annexe .......................................................................................................................................... 75

Table des matières .......................................................................................................................................... 82

Bibliographie .......................................................................................................................................... 86

87 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


Bibliographie :

-Deleuze Gilles, Pourparlers, Les Editions de minuit, 1990, p87. -Deleuze Gilles, Différence et répétition, Presse universitaires de France, Epiméthée, 2011, p220. -De Araujo Ana Bela, Trois opérations complexes de Pierre Vago, TPFE, école de Nancy, 2000. -Gracq Julien,Beau tén., 1945, p.64. -Hugo Victor, Homme qui rit, t.2, 1869, p.163. -Hugot Christophe, « De la Bibliothèque universitaire au Learning Center, Compte rendu d’une journée de formation interne du SCD Lille 3.», Insula [En ligne], mis en ligne le 23 novembre 2012. URL : <http://bsa.biblio.univ-lille3.fr/blog/2012/11/de-la-bibliothequeuniversitaire-au-learning-center/>. Consulté le 11 Avril 2014. -Jouguelet Suzanne, Les learning centres, un modèle international de bibliothèque intégrée à l'enseignement et à la recherche, Paris, Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, (Rapport n° 2009-022, décembre 2009), 58 p. -Koolhaas Rem, Junkspace, Editions Payot & Rivages, Paris, 2011. [Junkspace publié dans « Project on the City 2 / Havard Design School », Guide to shopping, (Taschen, Koln, 2001, p. 408-421)]. -Koolhaas Rem, New York Délire, édition Parenthèses, Marseille, 2002, 320p. [Première édition en 1978] traduit de l’anglais par Catherine Collet. -Martin Yahn Hervé & Barth Isabelle, Le manager et le philosophe, Le passeur éditeur, 312p.

88 © Therrin Simon, Rapport de Projet de fin d’étude, Ecole National Supérieur d’Architecture et de Paysage de Lille, 2016.


-Servet Mathilde, Les bibliothèques troisième lieu. Bulletin des bibliothèques de France [en ligne], n° 4, 2010 [consulté le 11 avril 2014]. Disponible sur le Web : <http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2010-04-0057-001>.

-Vago Pierre, Une vie intense, ed. Archives architecture moderne(AAM), Juin 2000, p.400.

-Vettoruzzo Cécile (mémoire de d’étude pour le Diplôme de conservation de bibliothèque) sous la direction de Michel Melot) : Le learning center de Lausanne, prototype de la bibliothèque du futur, Université de Lyon, Enssib.

Revue : -« Jean François Milou, le goût du palimpseste », in Revue D’Architecture, n°191, mai 2010, p8.

Document de travail : -Université de Lille 3, Document de travail (06/01/2015), Projet, Learning Center Lille 3, juin 2015.

Webographie : -http://bsa.biblio.univ-lille3.fr/ -http://bbf.enssib.fr/

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