GRIMPE

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EXPOSÉ

ACCÈS :

LE COEUR DU PROBLÈME PORTRAIT D’ROCHER

LA COUR DU ROI

TROIS QUESTIONS À...

MONIQUE RICHARD 1 > grimpE

> numéro 1, juillet 2012


Page couverture Crédit photo : Nicolas Charron

Édito L’escalade est un sport jeune, où il reste beaucoup à faire. J’en ai la preuve régulièrement. Tenez, prenez cette fin de semaine lorsque je suis allé à Rumney récemment, avec un bon ami. Arrivé à une des parois, un grimpeur, Québécois lui aussi, me demande si j’ai vu quelqu’un sur Great White, tout à gauche du mur. Il avait laissé ses dégaines sur la voie, probablement dans l’espoir de l’enchaîner sans avoir à les poser de nouveau, une pratique commune sur des projets. Plus tard, j’ai appris qu’un autre grimpeur avait grimpé la voie plus tôt en journée, et qu’à l’incitation de ses amis, il avait ramassé les dégaines. Notre infortuné Québécois a pu récupérer ses dégaines, non sans avoir couru d’un mur à l’autre pour retrouver le coupable. Une autre de ces règles non écrites qui en prenait pour son argent.

Dites-lui, pour vous et pour lui – mais tout en expliquant ce qui ne va pas. L’escalade ne deviendra pas qu’un meilleur sport seulement avec le travail d’entités comme l’IFSC ou la FQME. C’est l’implication, la sensibilisation au quotidien qui va aussi largement y contribuer. Vous pouvez aussi faire du bénévolat, encadrer des jeunes, expliquer des consignes de sécurité, ou simplement discuter avec d’autres grimpeurs. C’est mon sport, c’est aussi le vôtre. Ces jours-ci, il y a un engouement inégalé pour l’escalade sous toutes ses formes au Québec. Il s’agit, selon moi, d’une opportunité à saisir pour transformer et faire évoluer notre sport à tous.

La nature de notre sport fait en sorte qu’il est difficile de tout baliser. Mais on imagine mal un cycliste voler le vélo d’un compétiteur – à l’incitation de ses amis ! En escalade, ça se fait. Faut-il tout réglementer, tout encadrer ? Non, l’escalade n’entre pas dans une boîte carrée – après tout, l’alpiniste et le « bloqueur » pratiquent le même « sport », mais ça n’a rien à voir. D’une certaine façon, il faut que notre sport s’autorégule. Ce qui veut dire, à mon sens, dénoncer des pratiques douteuses. Récemment, j’ai choisi d’arrêter de me taire quand je vois des trucs qui m’agacent dans mon sport. J’interpelle plus souvent des grimpeurs maintenant, quand je vois un noeud douteux ou une dégaine qui semble être dans la mauvaise direction. C’est un peu la contribution que chacun peut faire pour son sport: tenter de l’améliorer. Vous voyez quelqu’un qui assure de façon dangereuse?

par David Savoie Rédacteur en chef david_savoie@hotmail.com Ventes et publicités: EscaladeQuebec.com info@escaladequebec.com

GRIMPE > PRISE 2!

C’est avec joie et aussi une certaine fierté que nous lançons la nouvelle mouture du magazine Grimpe. David Savoie reprend donc là où il avait laissé avant que le défunt Grimpe au Québec imprimé ne soit abandonné par la FQME. Le magazine sera gratuit et distribué électroniquement afin d’économiser les coûts. Espérons que tout le monde, annonceurs et grimpeurs, seront au rendez-vous afin d’assurer une pérennité au projet. par Ian Bergeron Éditeur

Mise en garde : L’escalade comporte desrisques pouvant causer des blessures ou un décès. Toute information ou tout conseil reçu par le présent magazine ne dispense quiconque d’évaluer lui-même les risques auxquels il peut être exposé. EscaladeQuebec.com recommande d’acquérir les connaissances et l’expérience nécessaires avant de s’aventurer en paroi, en montagne ou sur toute structure verticaale. Vous devez accepter les risques et responsabilités inhérents pouvant survenir lors de la pratique de vos activités. Tous droits réservés EscaladeQuebec.com : Le contenu de ce magazine ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans le consentement explicite de l’éditeur. Les opinions qui sont exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement la position d’EscaladeQuebec.com.

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Les conseils du doc

LE DOIGT À RESSORT

Chez les grimpeurs, la charge extrême appliquée sur les mains stimule après un certain temps l’hypertrophie de l’ensemble des tissus. Ligaments, tendons, gaine synoviale – qui entoure le tendon, tous vont s’adapter à leur nouvelle fonction que leur imposent les grimpeurs. Cette adaptation est avant tout protectrice des structures, cela permet de solidifier les articulations et les tissus mous afin de supporter les charges induites par le poids du corps. Selon le même même principe, lors de notre développement, nos cuisses et nos genoux deviennent plus gros et plus solides que nos coudes et nos bras. Par contre, une hypertrophie de certaines structures de la main (plus souvent la gaine synoviale) peut devenir problématique et causer un doigt à ressort (le fameux « trigger finger »). Les symptômes principaux seront de la difficulté lors de l’extension d’un doigt. Si la pathologie progresse, elle pourrait même bloquer un doigt en flexion. La prévention est avant tout de limiter l’inflammation par l’application de glace de façon régulière après les longues et dures séances d’escalade. Les bains de mains en alternant chaud et froid contribuent également à

une vascularisation plus importante de l’ensemble des structures, ce qui favorise une réparation tissulaire adéquate. Les thérapies manuelles permettent de diminuer les adhérences dans les doigts et la main, améliorent l’amplitude de mouvement et préviennent l’apparition d’importantes zones de fibrose. Les étirements du poignet, de la main et des doigts sont très nombreux et parfois complexes. C’est pourquoi une bonne routine est importante pour minimiser vos chances de développer un doigt à ressort. Consultez votre spécialiste de santé sportive pour savoir quel exercice ou étirement pourrait vous aider. par Guillaume Gelderblom Chiropracticien à la Clinique chiropratique St-Joseph

Aconcagua | JANVIER 2013 AVEC LOUIS ROUSSEAU

chinookaventure.com


Demandez à l’entraîneur

METTRE L’ÉPAULE À LA ROUE DISONS-LE, IL Y A ÉNORMÉMENT DE GRIMPEURS QUI SE SONT BLESSÉS AUX ÉPAULES. ET POUR LA PLUPART D’ENTRE NOUS, À UN MOMENT OU À UN AUTRE, NOS ÉPAULES NOUS ONT FAIT SOUFFRIR, BONNE CONDITION PHYSIQUE OU PAS ! La raison en est simple. L’escalade est un sport extrêmement complexe, qui met beaucoup de pression sur l’articulation de l’épaule, sans compter que celle-ci est l’articulation la plus faible du corps ! En plus, nous vivons dans un monde où les mauvaises informations sur l’entraînement circulent à un rythme effarant. Alors, que faire entraîneur ? Démystifions tout d’abord une chose. L’escalade ne sollicite pas uniquement les muscles du dos, mais aussi les pectoraux, les dentelés et les petits pectoraux. Pour prévenir les blessures aux épaules, il est donc important de ne pas qu’entraîner les dorsaux, mais les muscles qui font les mouvements opposés aux dorsaux. À vrai dire, plus l’escalade est verticale, plus les pectoraux sont sollicités. Rien d’étonnant qu’après avoir fait une de nos longues voies techniques du Québec, après avoir mousquetonné le relais, que vous ayiez senti une douleur intense à l’avant le l’épaule ! C’est également le cas dans des voies ou des problèmes de bloc en compression. Il est donc primordial de maintenir vos épaules en santé. Voici quelques petits conseils. AU GYM Il est maintenant commun de lire, dans les magazines, qu’il faut faire des « push up » - des pompes - pour maintenir sa posture. Par contre, cet exercice sollicite les triceps à 80%. Donc, arrêtez d’en faire 200 par semaines en vous disant que cela est complémentaire ! Je vous entends déjà dire: «mais, entraîneur, branche-toi, tu nous dis d’entraîner nos pectoraux !» Oui, mais pas n’importe comment. Pour prévenir les blessures en escalades et augmenter vos performances par le fait même en solidifiant l’épaule, voici ce qu’il faut faire : Élévation latérale des bras : bras parallèles au corps, en les gardant presque droit, levez-les vers le haut, arrêter lorsque la main est à la même hauteur que les épaules. Élévation frontale des bras : même chose que le premier exercice, mais cette fois, élevez vos bras devant vous;

Crédit photo : Richard Cosme

Rotation interne/ externe : bras à 90 degrés, avec le coude à la hauteur de l’épaule, descendez la main vers l’avant, en contrôle, en effectuant une rotation de l’épaule. Les coudes ne doivent pas bouger. Ouverture des bras avec poids libres: couché au sol les bras droits, à la hauteur de la poitrine, vous devez ouvrir les bras vers l’extérieur en descendant jusqu’à ce que vos mains soient presque au sol. Décollement des omoplates: couché au sol avec poids libre dans les mains, les bras droits devant soit, à la hauteur de la poitrine, essayer d’aller porter vos bras le plus loin possible vers le ciel et redescendre. Effectuer 2 à 3 séries de chaque exercice, en faisant de 15 à 20 répétitions. Prenez une minute de pause entre chaque série et exercice. Si vous vous en sentez capable, un programme d’entraînement avec des anneaux de gymnastique est très intéressant, mais il s’agit d’exercices avancés. À LA PAROI Il est important de développer une routine d’échauffement lorsque vous serez à la paroi, pour bien préparer vos épaules à l’effort qui leur sera demandé. Voici une suggestion d’échauffement pour vos épaules. En effectuant de manière systématique cet entraînement, vous pourrez prévenir, ou du moins, réduire la chance qu’une blessure ne survienne. Faire pendant une minute chaque exercice, et utiliser une bande élastique que vous aurez amenée avec vous ! Élévation frontale Élévation latérale Rotation interne de l’épaule Rotation externe de l’épaule Développé par-dessus les épaules Les épaules sont donc une articulation majeure pour l’escalade, raison de plus d’en prendre bien soin pour vous assurez de ne pas développer de problèmes. Cajolez-les lors de votre prochain entraînement. par Guillaume Raymond grimpE < 5


FACE À FACE

Cellulaires, Facebook, Twitter, vidéos, 8a.nu, la technologie est omniprésente aujourd’hui dans la vie des grimpeurs – ne serait-ce que pour organiser une expédition, rejoindre des secours dans des cas urgents ou simplement se coordonner pour aller faire une journée de grimpe dehors. D’un autre côté, cette même technologie envahit le sport, si bien que vous auriez du mal à suivre tous les vidéos d’escalade mis en ligne chaque jour et que des sites comme 8a.nu dictent presque l’éthique à avoir en falaise. Nous vous proposons ici un face-à-face entre deux générations de grimpeurs pour comparer comment ils utilisent et perçoivent la technologie en grimpe.

Profil QU’EST-CE QUE LA TECHNOLOGIE A CHANGÉ DANS LE MONDE DE LA GRIMPE AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES ?

Crédit photo : Kai Larson

BARRY BLANCHARD, 53 ANS, GUIDE DE MONTAGNE, PROBABLEMENT L’ALPINISTE LE PLUS PROLIFIQUE AU CANADA, AVEC UNE LISTE LONGUE COMME ÇA DE PREMIÈRES ASCENSIONS UN PEU PARTOUT DANS LE MONDE, SURTOUT DANS LES ROCHEUSES CANADIENNES. QUELLE EST VOTRE RELATION À LA TECHNOLOGIE ? Je me sers d’une radio ou d’un GPS, selon la réception que je peux obtenir dans les Rocheuses – un GPS dans un blizzard, c’est exceptionnel. Le deux tiers de l’escalade que je fais, c’est à titre de guide, donc j’amène toujours un cellulaire avec moi. Mais c’est seulement pour appeler, je l’éteins quand je suis en paroi. Avec des clients, de toute façon, ce serait impossible de l’utiliser. C’est pour ça que mes clients me paient. Le téléphone satellite est parfois le seul contact avec le monde que je peux avoir – au Népal ou au Yukon, par exemple. J’ai un compte Twitter et une page Facebook, mais je suis nul avec tout ça. Je sais que mon site est un peu vieux, mais j’espère que les gens ne me choisissent pas en fonction de mon site Web ou de ce que je peux faire avec un ordinateur, mais bien pour mes qualités de guide, et comment j’utilise une corde! Vous pourriez demain m’enlever mon compte Twitter et ma page Facebook, et ça ne me manquerait pas. Mais si vous preniez mes livres, ça me tuerait. Je préfère l’écrit, et je n’aime pas lire sur un écran. Moi, j’aime bien les bons vieux livres-guides en papier. Ça me plaît. 6 > grimpE

C’est beaucoup plus sécuritaire. À une certaine époque, la seule façon d’avoir un contact avec le monde extérieur, c’était de se rendre à une ville à proximité où il y avait un téléphone ou une radio. Désormais, à peu près partout sur la planète, il est possible de contacter qui on veut. Cela signifie également une importante perte au chapitre de l’engagement. Google Earth est un outil extraordinaire pour faire de la recherche. À l’époque, nous utilisions des cartes, et j’espère que la venue d’une telle technologie ne fasse pas en sorte que les alpinistes ne savent plus se servir d’une carte topographique – ce serait une grosse erreur de tenter un 8000 mètres sans savoir utiliser une carte ! Mais des gens l’ont certainement déjà fait. Vous ne pouvez pas savoir comment sera le terrain de votre écran d’ordinateur à la maison, Google Earth permet de brosser les grandes lignes, tout au plus. EST-CE QUE CE SONT SURTOUT DES AVANTAGES OU DES INCONVÉNIENTS ? C’est plus facile d’avoir des secours rapides, surtout dans un endroit comme les Rocheuses. Si vous êtes dans un mauvais pas, que vous ayez besoin d’être secouru, vous pouvez l’être. Ç’a sauvé des vies, et plusieurs complications avec des blessures ont été évitées. Quelques-uns de mes amis sont encore en vie aujourd’hui en raison de la présence de la technologie. Malgré tout, à certains endroits, les secours sont inaccessibles, donc avoir tous les moyens technologiques du monde ne change rien. L’autre côté de la médaille, c’est que l’engagement n’est plus le même. Les gens n’ont plus besoin d’être aussi responsables et aussi capables qu’auparavant. Aujourd’hui, des grimpeurs sont confortés par l’idée qu’ils peuvent avoir accès à des secours, alors qu’avant, il fallait s’assurer d’avoir beaucoup d’aptitudes et d’expérience pour être suffisamment sécuritaire sur un flanc de montagne. Peut-être y’a-t-il encore des gens aujourd’hui qui se disent prêts à mourir plutôt que d’être secourus, mais je n’ai pas cette mentalité-là. À titre de guide, je dois toujours avoir avec moi un moyen pour communiquer – que ce soit la radio, le GPS ou un cellulaire. Je pense que ce serait une faute grave, une négligence professionnelle, pour un guide de ne pas les avoir. par David Savoie


Profil

revient. Pour le bêta, c’est devenu quelque chose d’important: les gens « flashent » du V14 désormais, et ils savent exactement les mouvements. Pour augmenter le niveau de difficulté, je pense que ç’a apporté beaucoup. Avec notre film « 15 Nord », on a montré des problèmes qui sont peu connus, et je pense que ç’a un meilleur effet que le bouche-à-oreille. Tu vois un problème et tu as envie d’aller l’essayer. EST-CE QUE CE SONT SURTOUT DES AVANTAGES OU DES INCONVÉNIENTS ? Il faut faire attention au niveau des accès, quand tu filmes. Si tu filmes dans un endroit comme Val-David, il n’y a pas de problèmes. Mais à d’autres endroits, où l’accès est fragile, ça n’a pas le même impact. Dans ce contexte-là, il faut faire attention à ce qui est dit sur Facebook. Parfois, il y a des discussions qui partent, et plusieurs personnes demandent où se trouve telle ou telle paroi. Tout le monde va voir ça. Certaines personnes ne semblent pas comprendre que l’accès à certains sites soit problématique. Moi, ça n’est pas dans cet esprit-là: quand je filme un bloc, je veux le montrer aux gens, mais si l’accès est problématique, il faut y aller par étape.

Crédit photo : Mathieu Elie

MATHIEU ÉLIE, 22 ANS, JEUNE GRIMPEUR DE LAVAL, OUVREUR EN CHEF CHEZ ACTION DIRECTE, AVEC PLUSIEURS PREMIÈRES ASCENSIONS DE BLOCS À SON ACTIF. IL A MIS EN LIGNE PLUSIEURS COURTSMÉTRAGES SUR LE BLOC DANS LES LAURENTIDES.

Du côté des vidéos, c’est très personnel, mais je pense qu’il y en a peut-être trop ! C’est devenu tellement accessible, tu t’achètes une caméra, tu filmes un bloc ou une voie, tu mets ça sur Internet. C’est certain que ça aide pour du bêta, mais ça dilue la qualité de ce qui est produit. Il y a beaucoup de vidéos sans intérêt. Ça ne semble pas apporter grand-chose à la communauté. par David Savoie

QUELLE EST VOTRE RELATION À LA TECHNOLOGIE ? À 13 ans, j’ai ouvert Photoshop pour la première fois. À 15 ans, j’ai commencé à faire du graphisme, et par la suite, j’ai étudié dans ce domaine. Il y a quelques années, avec un ami, on se disait que ce serait bien de faire un film sur le bloc dans les Laurentides, mais on n’avait pas vraiment l’équipement à ce moment-là. Je me suis acheté un bon appareil depuis, et on a commencé à filmer des blocs. On a mis en ligne récemment le film « 15 Nord ». Je suis pas mal sur tous les réseaux sociaux, je vais sur Twitter pour m’informer, et j’ai un compte Facebook. Bref, tout ce qui aide avec la promotion de l’escalade. QU’EST-CE QUE LA TECHNOLOGIE A CHANGÉ DANS LE MONDE DE LA GRIMPE AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES ? La communauté de grimpeurs au Québec est tellement petite que tu peux rejoindre tout le monde (avec Facebook), même des gens que tu ne connais pas nécessairement. La technologie ne change pas l’expérience de la grimpe, mais ça change ce que tu peux apporter à la communauté de l’escalade. On a fait un vidéo, le but de ça, ce n’est pas de montrer à quel point on grimpe fort, mais plutôt, regardez les blocs, à quel point ils sont intéressants ! Allez-y, sortez et cherchez des blocs. Personnellement, moi, les petits films qu’on trouve sur Internet me permettent de rester motivé. Si je suis un peu déprimé, que ce soit dans l’ouverture de voie ou simplement pour grimper fort, je vais en regarder quelques-uns, je vais suer des mains un peu et la motivation grimpE < 7


TECHNO:

QUI UTILISE QUOI GOOGLE EARTH: Louis Rousseau s’en sert pour observer les prochains sommets sur sa liste de montagnes à grimper. Les photos prises du ciel lui permettent de voir et prévoir ses expéditions, et même de trouver de nouvelles lignes qui n’ont pas encore été grimpées. On est loin des cartes en papier ! TWITTER: Tommy Caldwell s’est récemment joint à la vague des médias sociaux, pour faire des mises à jour de ses progrès sur son fameux projet du Dawn Wall, dans la vallée de Yosemite. D’abord réticent à l’idée, il a dit trouvé intéressant le moyen de communication... mais qu’il avait l’impression d’être observé comme si c’était une partie de football. Peu de grimpeurs québécois sont sur Twitter, semble-t-il. FACEBOOK: Beaucoup de grimpeurs québécois y sont déjà. Une arme à double tranchant: une bonne façon de recevoir des encouragements de vos amis, mais cela peut également créer de l’intérêt pour des sites à l’accès problématique. Et une fois qu’une image est mise en ligne...

VIDÉOS: Le fait d’avoir des vidéos en ligne de beaucoup de sites de grimpe – au Québec ou ailleurs – a donné naissance à une toute nouvelle tactique: le vidéobêta. Avant même d’embarquer sur une nouvelle voie ou un problème de bloc, vous en connaîtrez les crux et les bonnes prises. Bon, mauvais, à vous de juger. Autre impact des vidéos: appuyer les dires d’un grimpeur, qui clame avoir fait tel problème ou telle voie. Il n’y a qu’à se rappeler la controverse entourant une 5.14d, enchaînée par Charlotte Durif, que certains médias remettaient en question parce qu’il n’y avait pas de vidéo à l’appui. BLOGUES: Plus lents que les réseaux sociaux, mais plus riches en termes de contenu. Plusieurs Québécois tiennent des blogues sur la grimpe – Peewee, les frères Bourassa-Moreau, Aryane Bouchard notamment – mais ils ne provoquent pas encore autant de réactions que chez nos voisins du Sud, où les écrits de grimpeurs assez connus – entre autres Matt Wilder et Jamie Emerson – amènent des discussions intenses COURRIELS: Un courriel pour organiser une sortie à l’extérieur, une expédition, un voyage. A-t-on besoin d’en dire plus ?

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Cliché d’rocher

Si plusieurs secteurs de bloc de Val-David sont bien connus, d’autres sont encore aujourd’hui en développement. C’est notamment le cas de la Cour du roi, un secteur situé à droite de la Bleue, et où plusieurs lignes doivent encore être grimpées. Ici, Hans Christian Montenegro saisit les réglettes acérées du projet baptisé « Le purgateur », une ligne qui pourrait donner naissance à un Vdifficile ! Les lieux ont d’abord été explorés par la bande de DrTopo, qui à l’époque ont ouvert de nombreux problèmes. Puis, le secteur est tombé un peu dans l’oubli, lentement envahi par la mousse. Il y a eu un regain d’intérêt récemment, et d’autres grimpeurs ont depuis amené brosses et craie pour ouvrir de nouvelles lignes. Il n’existe pas encore de topo officiel, mais grâce au bouche-à-oreille, de plus en plus de grimpeurs connaissent les lieux. De nombreux classiques existent déjà, mais d’autres restent encore à découvrir. par David Savoie

Crédit photo : Nicolas Charron grimpE < 9


Exposé >

ACCÈS: LE COEUR DU PROBLÈME POUR CERTAINS, LE SUJET EST DÉPRIMANT. POUR D’AUTRES, IL EST CARRÉMENT FRUSTRANT. C’EST UN DOSSIER CHAUD, SI BIEN QUE CERTAINES PERSONNES REFUSENT D’EN PARLER. COMME UNE ÉPÉE DE DAMOCLÈS, LES PROBLÈMES D’ACCÈS PLANENT SUR L’ESCALADE AU QUÉBEC. PETIT TOUR D’HORIZON DE CE PROBLÈME AUX VASTES RAMIFICATIONS. Si vous avez un peu grimpé dans la Belle province, vous avez déjà entendu parler, au moins une fois, d’une paroi fermée, d’un mur désormais interdit aux grimpeurs, ou encore de sites à l’accès problématique. La plus récente victime dans le domaine : le Petit cap des pères, dans les Laurentides, non loin du Mont Tremblant. Cette paroi se trouve sur un terrain privé, et après quelques problèmes

l’année passée, la propriétaire a décidé d’interdire l’escalade, malgré des discussions avec des représentants de grimpeurs. L’accès au Grand cap des pères, une paroi qui jouxte le Petit cap des pères, n’est pas sécurisé lui non plus. Comme l’explique le site des Parois Laurentiennes, « l’escalade est toujours tolérée au Cap des pères, mais sans plus. Ce n’est pas un accès officiel, mais plutôt une entente orale avec le Club des montagnards laurentiens (CML). Vous devriez donc être excessivement discret et respectueux quand vous y grimpez. » « Nous avons eu plusieurs rencontres avec les propriétaires. Ils ne sont pas fermés à nous donner l’accès », explique le président du CML, Ghislain Allard. Malgré tout, les propriétaires ne voulaient pas nécessairement de grimpeurs chez eux à la base. Différents scénarios sont explorés, mais un seul grimpeur pourrait être le grimpeur de trop, et l’accès pourrait être interdit à n’importe quel moment. À l’heure actuelle, la possibilité de grimper au Grand cap des pères demeure donc dans une zone grise. Ce n’est qu’un des nombreux cas d’accès problématiques au Québec. À peu près toutes les régions du Québec sont affectées par un ou plusieurs problèmes d’accès. En faire la liste serait long, mais les parois menacées de fermer ou celles où la grimpe est difficile, voire interdite, sont nombreuses. Et les causes, tout autant. « ...IL FAUDRA UN Des parois sur des CHANGEMENT À LA LOI terrains privés, des QUI PERMETTRA AUX sentiers privés qui PROPRIÉTAIRES FONCIERS mènent à des parois. Les D’ACCORDER L’ACCÈS autorités d’un parc qui AUX GRIMPEURS SANS décident de réduire le AVOIR À SUPPORTER nombre de murs où les LE FARDEAU D’UNE TELLE grimpeurs peuvent se RESPONSABILITÉ. » rendre, pour des raisons environnementales. Ou simplement des propriétaires excédés de voir des grimpeurs qui ne respectent pas les règles sur leurs terrains. Pour grimper à certaines parois, si vous êtes accompagnés de la bonne personne, vous pourrez passer. Sinon, vous devrez contempler le mur de loin. Ce qui a donné lieu à un phénomène où plusieurs grimpeurs évitent de publiciser certaines parois, pour éviter que trop de gens y aillent, ce qui pourrait compromettre l’accès. Le Code civil québécois est un des problèmes, comme l’explique Dominic Asselin, président de la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME). La loi au Québec signifie qu’un grimpeur qui se blesse pourrait lancer une poursuite contre

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le propriétaire d’un terrain, même s’il est l’unique responsable de sa chute, par exemple. Et selon le président de la FQME, les sites d’escalade au Québec sont majoritairement sur des terres privées. « C’est certain que les gens n’ont pas le goût d’être poursuivis parce que quelqu’un veut aller grimper chez eux », dit Dominic Asselin. Dans une déclaration datant de 2009, le Club alpin canadien (CAC) abonde dans le même sens. « Au Québec, le texte de loi du Code civil pose un défi supplémentaire pour l’accès aux parois d’escalade. Les propriétaires fonciers y font face à des risques plus élevés de poursuites en responsabilités civiles comparativement à ceux des autres régions du Canada. Pour résoudre ce problème

qui tolèrent l’escalade chez eux. « Il ne faut pas paniquer, dit cette personne, mais il faut prendre des mesures pour atténuer les risques. » Et les grimpeurs là-dedans ? Ils font aussi partie du problème, affirment de nombreux intervenants dans le milieu. Peu de respect pour la propriété privée, attitude rebelle ou même agressive: c’est un souvent une poignée de personnes qui provoque des problèmes, selon plusieurs personnes. « On a failli perdre un des sites d’escalade de glace dans Lanaudière parce que les gens se stationnaient dans l’entrée du propriétaire et l’envoyaient promener quand il disait que c’était son entrée », rappelle Dominic Asselin. Il dit comprendre les propriétaires qui refusent l’accès à leurs parois. Dans certains cas, des propriétaires ont découvert des ancrages, des déchets ou des véhicules sur leurs terrains, fait valoir Ghislain Allard du CML. La situation mène parfois à des ententes verbales entre propriétaires et grimpeurs – ce qui explique pourquoi certains sites demeurent sous le radar, pour protéger un accès déjà très précaire. Pour certaines petites parois, où il n’y a qu’une poignée de voies, peut-être un statut particulier est inutile, avance Ghislain Allard.

PARMI LES SITES DONT L’ACCÈS A ÉTÉ PROBLÉMATIQUE: BALDY, DANS LES LAURENTIDES. propre au Québec, il faudra un changement à la loi qui permettra aux propriétaires fonciers d’accorder l’accès aux grimpeurs sans avoir à supporter le fardeau d’une telle responsabilité. Le CAC croit que cet objectif est partagé par tous les grimpeurs au Québec et il souhaite collaborer avec tous pour l’atteindre. D’ici à ce que la loi change, les propriétaires fonciers doivent être protégés contre des poursuites en responsabilité civile. » En ce sens, l’escalade n’est pas unique: la randonnée et le vélo de montagne doivent se plier aux mêmes règlementations. Un nouveau règlement, passé récemment dans l’État du New Hampshire, pourrait peut-être changer la donne. Avec le projet de loi 1551, les propriétaires terriens seront maintenant davantage couverts. Selon des grimpeurs bien impliqués dans le dossier, cela pourrait signifier que les propriétaires pourraient être plus enclins à avoir de l’escalade sur leurs terrains. Même si la décision du New Hampshire peut inspirer des élus d’ici, il reste que le cadre législatif n’est pas du tout le même qu’au Québec. Reste aussi la perception du sport, soutient Dominic Asselin. « L’escalade est encore perçue comme un sport dangereux, et c’est une des problématiques qu’on a avec la FQME lorsqu’on entame des négociations. » Certaines personnes ont demandé l’anonymat pour discuter des problèmes d’accès. Selon une source, chaque accident ou décès qui se produit en escalade au Québec interpelle les propriétaires

À l’inverse, pour d’autres parois, il y a très peu d’espoir de pouvoir y grimper dans un avenir rapproché. Dans certains cas, les propriétaires sont hermétiques à l’idée de voir des grimpeurs sur leur terrain, ou encore, les murs se situent dans des parcs régionaux, où le sport est mal vu. « Certains directeurs de parcs ne connaissent pas l’escalade et n’en veulent pas. D’autres penchent davantage du côté écologique, et ne veulent pas qu’on aille détruire des écosystèmes, du lichen ou de la mousse », note Dominic Asselin. « Les gens ne se rendent pas compte que l’accès n’est pas quelque chose de permanent », explique le président de la FQME. Preuve en est : deux sites de la Fédération devront faire bientôt l’objet de nouvelles négociations pour en préserver l’accès. La popularité croissante de l’escalade pourrait également poser une difficulté supplémentaire au cours des prochaines années. Plus de grimpeurs sur les sites mettraient une pression sur l’accès, affirment certains observateurs. Parmi les solutions, le modèle américain du Access Fund a déjà été exploré brièvement au Canada. Une rencontre pancanadienne s’est tenue il y a quelques années, mais l’idée est demeurée sur papier depuis. Malgré les problèmes, il y a tout de même de bonnes nouvelles. Le site de Baldy, dans les Laurentides, a été longtemps problématique, et après des années d’imbroglio et de flou autour de l’accès, il pourrait y avoir une solution sous peu. La ville de Sainte-Adèle est désormais propriétaire des terrains où se trouve la paroi, et des négociations sont en cours pour obtenir un sentier d’accès. Le président de la FQME a bon espoir que ce sera réglé. Entretemps, il conseille d’être discret. De son côté, Ghislain Allard rappelle qu’en dépit des difficultés, il y a eu des avancées dans les dernières années, citant comme exemple le Lac Long. Les négociations se font plus facilement, alors que les clubs et les organismes sont désormais habitués. « Il y a encore beaucoup de sensibilisation à faire, on est encore loin dans le processus », conclut Ghislain Allard du CML. par David Savoie grimpE < 1 1


Brin de vie

HOMMAGE À UN DISPARU Raphaël Gagné POURQUOI GRIMPE-T-ON? QU’EST-CE QUI NOUS MOTIVE? DE QUOI SE SOUVIENT-ON, QUAND QUELQU’UN QU’ON AIME DISPARAÎT? CE SONT DES QUESTIONS AUXQUELLES SONT CONFRONTÉS LES GRIMPEURS QUAND UN PROCHE EST EMPORTÉ. FRANÇOIS BÉDARD NOUS LIVRE ICI SON TÉMOIGNAGE, APRÈS LA MORT D’UN DE SES AMIS PROCHES. Que cherchons-nous en tant que grimpeur? Certains d’entre nous rêves d’une cote dans les limites des leurs capacités physiques. D’autres d’aventures extrêmes où le mental prend souvent le dessus. Certains d’entre nous vont même faire des milliers de kilomètres pour accéder à des roches pas plus hautes que quelques mètres. Pour ma part, les gens que j’ai eu la chance de côtoyer depuis les dix dernières années m’ont tous un peu influencé dans la manière de pratiquer mon sport. Aujourd’hui, je suis accroc à tout ce qui peut ressembler à une expédition, que se soit sur du rocher, de la glace ou du mixte. Pour moi, peu importe de quelle branche on provient, et peu importe la manière dont on le pratique. L’escalade, c’est avant tout une simple et magnifique aventure avec nous même. Je tiens aujourd’hui à rendre hommage à un grand grimpeur et un ami, qui m’a beaucoup influencé et qui nous a quittés voilà déjà un an, Raphaël Gagné. J’ai rencontré Raphaël à Squamish à l’automne 2006. 1 2 > grimpE

À la buanderie, derrière notre machine à laver respective, on s’est vite rendu compte qu’on avait des amis en commun, et que nous aimions tous les deux plaisanter. Il s’en est suivi un remarquable automne de complicité entre grimpeurs. J’ai découvert cet homme avec une remarquable endurance, un grimpeur technique qui se battait toujours jusqu’au bout. Il préférait faire des voies à vue. Il y aurait beaucoup à dire à propos de Raphaël, mais ce qui me revient le plus souvent en tête, c’était sa manière romancée de voir tous ses projets. C’était un personnage presque sorti d’un conte de Fred Pellerin. Chaque sortie était ponctuée d’un événement cocasse, ce a qui rendu mon voyage dans l’Ouest Canadien mémorable. Suite à une visite au marché, il lui était venu à l’idée de faire « The grand wall » avec, attaché à son harnais, un saucisson au « baloney » entier. Quelle photo ça aurait faite ! Malheureusement, au matin, un ami l’avait déjà entamé pour déjeuner, ce serait donc pour une prochaine fois. À un autre moment, nous étions sur « The Great White », à Skaha, par une journée chaude d’automne. Nous avions tous les deux de vieux chaussons, beaucoup trop grands pour nous. Et nous n’avions qu’une seule paire de chaussettes, alors pourquoi ne pas les partager ! Plus la journée avançait, plus il était hilarant de mettre, chacun notre tour, ces chaussettes de plus en plus mouillées et, évidemment, de plus en plus odorantes. Nous avons eu une journée vraiment productive. Plus elle avançait, plus ladite paire de bas rendait


l’escalade difficile. On aurait presque pu les tordre tellement ils étaient humides ! La question était de savoir qui de nous deux allait refuser de mettre ces foutus bas. À la fin de la journée, nous avions enchainé une bonne quinzaine de voies chacun, et toujours avec les bas !

Raphaël avait pris l’habitude de remarquer toutes les voies dans lesquelles il restait du matériel. Que ce soit une dégaine, des protections mécaniques ou un simple maillon rapide, il se faisait un défi d’aller les récupérer. Dans cette conquête de « maille patente » comme il les appelait, Raphaël se lança dans la voie « Doctor Megatweek », au mur « Doctors wall », une voie que nous croyions être une 5.11d. Durant sa grimpe, il a tout donné. Pas question de prendre à sec dans une 11d, se disait-il! Il ajouta donc un autre maillon à sa grande collection, après avoir réussi à la voie en question. Un autre grimpeur était là et regardait attentivement Raphaël enchainer cette voie. Quand il mit les pieds au sol, le type vint le féliciter, impressionné de sa détermination. Il apprit à Raphaël qu’il venait de réussir une 12d à vue. Quoi! Une 12d ! Raphaël éclata de rire. Tout ça grâce à une « maille patente », disait-il. Cette anecdote résume bien la folie qui l’habitait et quel grimpeur il était. Il me manque, ce vieux bougre. Et pour moi, il est sans contredit un des meilleurs grimpeurs avec lesquels j’ai eu la chance de grimper. Je lui suis très reconnaissant de tout son apport à l’escalade ici au Québec. Désormais, à chaque fois que je verrai du matériel laissé dans une voie, j’aurai envie d’aller le chercher. Merci, Raphaël. Natif du Saguenay, Raphaël Gagné s’est fait connaître dans sa région natale, ainsi que dans la région de Canmore. Grimpeur humble et peu connu, il pouvait grimper du 5.12 en escalade traditionnelle même après de longues périodes d’inactivité. Il était aussi un grand grimpeur de glace et avait un courage exemplaire. Il est malheureusement décédé l’année dernière, dans d’autres circonstances que celle de l’escalade. Selon ses amis, l’escalade était un aspect important de sa vie, où il était heureux et où il considérait avoir réussi. par François Bédard

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MONIQUE RICHARD AU SOMMET DE L’EVEREST LE 19 MAI 2012.

TROIS QUESTIONS @ Monique Richard MONIQUE RICHARD EST PARVENUE AU SOMMET DE L’EVEREST LE 19 MAI DERNIER, À SA DEUXIÈME TENTATIVE DE CONQUÉRIR LE SOMMET. ELLE DEVENAIT AINSI LA PREMIÈRE CANADIENNE À COMPLÉTER LA COURONNE DES SEPT SOMMETS EN DEUX ANS ET DEMI. COMMENT S’EST DÉROULÉE TON ASCENSION ? J’étais dans une équipe de gens que je ne connaissais pas, c’est bien tombé, c’était une bonne équipe. La fenêtre météo a été très tard dans la saison, comparativement aux saisons précédentes. Quelques équipes ont mis fin à leur expédition: en raison des mauvaises conditions météo, la cascade de glace était fragilisée. J’ai eu peur que ça ne soit pas encore possible pour moi de faire une tentative, mais finalement, on a attendu et le 19 (mai), tout le monde a tenté le sommet. L’Everest, c’était le dernier pour compléter les sept sommets, mais ce n’était pas évident. J’étais plus fatiguée, j’avais beaucoup plus de pression, parce que c’était le dernier. Je suis satisfaite, je l’ai vécu, mais là je passe à autre chose. J’aimerais faire des montagnes plus techniques. J’ai déjà d’autres projets de montagne, comme aller faire le Cervin et l’Eiger en Suisse, et je voudrais m’attaquer à l’Aba Dablam et au K2, si je trouve le financement. CE FUT L’UNE DES SAISONS LES PLUS OCCUPÉES AU MONT EVEREST, DÉCRIS-NOUS À QUOI CELA RESSEMBLAIT ? C’est en raison de la fenêtre météo, qui est arrivée tard en saison et qui était très courte. Normalement, c’est plus éparpillé dans le mois. Il y avait beaucoup de monde, il y a eu des accidents et des décès, dont la Canadienne. Parfois, certaines personnes étaient épuisées, mais elles demeuraient sur la piste, et une trentaine de personnes étaient bloquées parce qu’une seule ne voulait pas bouger. Tout le monde prenait son mal en patience, mais on sentait que c’était dangereux, ce bouchon-là. En plus, il a fait très froid durant cette nuit-là, et comme j’étais derrière, sur la corde fixe, je devais bouger les pieds et les mains constamment pour éviter les engelures. C’était 1 4 > grimpE

vraiment trop dangereux de se désencorder et de dépasser quelqu’un, Ce bouchon-là n’a pas aidé, parce que les bouteilles d’oxygène se vident. À un moment donné, j’ai dû attendre sur une corniche pendant une heure et demie pour redescendre, en plein vent, j’avais froid, j’étais épuisée. C’était complètement bloqué, parce qu’il y avait des gens qui voulaient monter, d’autres qui voulaient descendre. C’est sûr que ce n’est pas tout le monde qui a sa place là, c’est la plus haute montagne, c’est sûr que ça attire beaucoup de gens. Ce n’est pas un sommet très technique, par contre, c’est difficile et long. Ce n’est pas fait pour tout le monde, je crois qu’il faut un minimum d’expérience pour ne pas se mettre en danger ou mettre les autres en danger. AU SOMMET DE L’EVEREST, TU AS DÉPLOYÉ UN DRAPEAU D’UNE ASSOCIATION POUR LA FIBROMYALGIE. CERTAINES PERSONNES ONT ÉMIS DES CRITIQUES À PROPOS D’AINSI PARTIR AU NOM D’UNE CAUSE. QU’EN PENSES-TU ? Je ne peux pas parler pour les autres. Mais dans mon cas, c’est quelque chose de très personnel. Une semaine et demie avant mon départ, je discutais avec ma soeur, qui est atteinte de fibromyalgie. Elle me parlait de sa maladie, et je parlais, moi, de la montagne, et on a fait énormément de parallèles, comme la gestion de l’énergie, la sensibilité à la température... Je lui ai offert d’amener son drapeau, parce que les gens atteints de cette maladie souffrent de ne pas être reconnus. C’était pour ma soeur que je l’ai fait en premier lieu, c’était symbolique, un acte d’amour envers elle. Ça fait boule de neige, et beaucoup de membres de l’association de fibromyalgie ont suivi ce que je faisais. Je leur partageais mes problèmes lors de l’ascension, et ça me nourrissait. J’avais tellement de beaux commentaires et des encouragements, c’était très motivant. Mais tout ça n’était pas prévu des mois à l’avance, j’ai eu le drapeau à la dernière minute. Mon but était atteint, beaucoup de gens se sont intéressés à l’association, et il y a même des alpinistes qui voudraient faire la même chose que moi, donc tant mieux. par David Savoie



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