N°4 Le Quotidien de la Biennale-Paris 2012

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n°4

lundi 17 septembre 2012

le Quotidien de la biennale AFFInITéS ET RAYOnnEMEnT

On circule dans le Grand Palais avec le sentiment que les mentalités s’ouvrent, que les cloisons tombent. Parce que sous la verrière, les personnalités comme les objets correspondent, affranchis de toutes les barrières qui séparent entre eux les genres, les styles, les siècles et les métiers. Parce que des pièces antiques côtoient pour la première fois des pièces contemporaines. Ainsi chez L&M Arts, Dominique Lévy a fait aménager par Peter Marino « un salon d’après-guerre, où l’Europe et l’Amérique correspondent ». Le sentiment qui domine est celui de l’exigence dans l’éclectisme. « La Biennale est un rassemblement de chef d’œuvres », confie nicolas Bos, directeur international de la création chezVan Cleef & Arpels. « On sort ici de cette opposition entre culture et marché, argent et élégance, anciens et modernes. Il s’agit d’abord et avant tout de qualité, d’exception. Et tout est fluide… » En confiant la scénographie de la Biennale à Karl Lagerfeld, Christian Deydier, le Président du Syndicat national des Antiquaires, a recréé des liens de sens, irréductibles aux vingtdeux spécialités présentes : une histoire de rayonnement et de Lumières.

© François Tomasi

One walks around the Grand Palais with the feeling that mindsets expand, that barriers collapse. Because under the glass dome, personalities, just like objects, communicate, free from all boundaries that oppose genres, styles, centuries and arts among themselves. Because for the first time, antique pieces are placed alongside contemporary works. Thus at L&M Arts, Dominique Lévy asked Peter Marino to design “a post-war living room, where Europe and America mingle”. The overall feeling is that high standards meet eclecticism. «The Biennale is a collection of masterpieces,» says Nicolas Bos, International Creative Director at Van Cleef & Arpels. “One sets aside the struggle between culture and market, money and elegance, antique and modern. The event is first and foremost about quality, about what is exceptional.And everything just flows...” By entrusting the scenography of the Biennale to Karl Lagerfeld, Christian Deydier, the President of the Syndicat National des Antiquaires, recreated bridges between the irreducible 22 art specialties present: a history of radiance and Enlightenment. L.B.

éVéneMent / EVENT

interVieW

LE BESTIAIRE SuBLIMé

CheskaVallois

un tableau, un éCriVain / A PAINTING, A WRITER

L’OR COuCHé

C’est en 1971 que Cheska et Bob Vallois ouvrent leur première galerie à Paris, mondialement reconnue pour ses chefs-d’œuvre de mobilier Art déco. Cheska Vallois révèle ses coups de cœur.

The Ideal Bestiary Serpents, hippocampes et animaux fabuleux se disputent à la Biennale un jardin extraordinaire, comme autant de talismans précieux. Des panthères serties de Cartier aux créations de Claude Lalanne, le rêve se nourrit d’instinct.

Bob and Cheska Vallois opened their first Gallery in Paris in 1971, which enjoys worldwide recognition for its masterpieces of Art deco furniture. Cheska Vallois reveals her favorites. p. 6

Éléphant en terre cuite, Chine, dynastie des Tang (VIIe siècle) Elephant in terra cotta, China, early Tang dynasty (7th century AD) ÉriC POuiLLOt, stanD G15

Sleeping Gold Philippe Claudel, l’auteur des Âmes grises, traduit dans plus de trente pays, célèbre « les jaunes de douceur et de flammes » que lui inspire la toile de Pieter Brueghel le Jeune.

Philippe Claudel, author of Grey Souls, published in over thirty countries, celebrates “gentle flamelike yellows” that Pieter Brueghel the Younger’s painting inspires him. p. 8

Henri Simmen et Eugénie O’Kin, pot couvert en céramique émaillée, couvercle en ivoire et corail, vers 1925. Henri Simmen et Eugénie O’Kin, covered pot in enamelled ceramic stopper in ebony and coral, around 1925.

© Arnaud Carpentier

Snakes, seahorses and fabulous animals compete at the Biennale for an extraordinary garden, akin to many precious talismans. Cartier Panthers to creations by Claude Lalanne, the dream feeds off instinct. p. 2-3

édito

VaLLOis, stanD s30

Pieter Brueghel le Jeune, (Bruxelles 1564 - Anvers 1638), La Moisson, 1621.

Pieter Brueghel the Younger, (Brussels 1564 – Antwerp 1638), Harvest, 1621.

GaLerie De JOnCkheere, stanD s01

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FoCus

éVéneMent

The Absolute Eye

LE BESTIAIRE SuBLIMé

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The Ideal Bestiary

Claude lalanne

L’ŒIL ABSOLu l y a la paire de miroirs en bronze de Claude Lalanne et puis il y a sa marmotte, ou encore le Choupatte, un chou posé sur des pattes de poulet. Des pièces exceptionnelles à découvrir chez Jean-Gabriel Mitterrand, pour lequel le bestiaire fantastique des Lalanne représente « la dernière marque du “merveilleux” dans la création contemporaine, et qui fait montre d’une formidable qualité d’adaptation dans tous les environnements, du plus contemporain au plus classique.» Et de préciser : « Claude Lalanne a l’œil absolu, elle est exclusivement inspirée par le sens de la beauté qui guide chacun de ses gestes. Elle fait preuve d’une parfaite sensibilité, qui s’exerce par sa réactivité à la beauté de la nature et les idées d’assemblage qu’elle lui inspire. Chaque geste de création de Claude Lalanne est une émotion, et je suis toujours touché par le moment où elle commence, dans son atelier, à chercher, à assembler, à souder, à patiner, etc. du plus simple bijou au plus extraordinaire m iroir.»

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here is the pair of Claude Lalanne bronze mirrors and then there’s her marmot, or the Choupatte, a cabbage placed on chicken feet. Exceptional items that one can discover at Jean-Gabriel Mitterrand’s, for whom Lalanne’s fantastic bestiary represents “the last mark of ‘enchantment’ in contemporary art, and has demonstrated a great capacity of adaptation in all environments, from the most contemporary to most traditional”. He further adds: “Claude Lalanne has an absolute eye, it is exclusively inspired by the sense of beauty that guides her every move. It demonstrates a perfect sensitivity, which is exercised by her reaction to the beauty of nature and the ideas that it inspires her. Every act of creation by Claude Lalanne is an emotion, and I am always touched by the precise time it commenced, in her studio, looking, assembling, welding, patinating, etc. from the simplest jewel to the most extraordinary mirror.” L.B.

Claude Lalanne, console Crocodile, bronze, 2011.

Claude Lalanne, Crocodile console, bronze, 2011.

JGM GaLerie, stanD n11

Armand-Albert Rateau, table basse en bronze, plateau en marbre noir, 1920-1922.

Armand-Albert Rateau, low table in bronze with a black marble top, 1920–1922.

GaLerie VaLLOis, stanD s30

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u’ils soient réels ou fantastiques, stylisés ou au contraire représentés de façon très réaliste, sublimés par la magie créative d’un artiste ou par l’emploi de matériaux précieux et nobles, qu’ils soient hissés aux rangs de divinités par des cultures anciennes ou qu’ils incarnent les merveilleuses créations de la nature dans toutes leurs diversités, les animaux sont partout à la Biennale. Témoignage des premières expressions artistiques, un touchant fragment d’os de plus de 12 000 ans, gravé d’un bison et d’un faon opposés (galerie Gilgamesh, H2), montre que les hommes préhistoriques ont su représenter avec une grande exactitude l’anatomie des animaux qu’ils côtoyaient. un vase en terre cuite de culture précolombienne en forme de perroquet semble en grande conversation (galerie 1492, MS04) ; une gracieuse chatte Bastet en bronze (galerie Ghezelbash, MS07-08), figure incontournable du panthéon égyptien et un ours polaire en marbre blanc (univers du Bronze, Mn13), chef-d’œuvre d’un épurement radical du sculpteur moderne Pompon, se sont donné rendezvous au Grand Palais. Chez Oscar Graf (S34), une ornementation de dragons en bronze anime un cabinet d’encoignure réalisé par Christofle en 1874 et considéré comme une icône du japonisme flamboyant. un petit éléphant en ivoire sculpté surmonte avec prestance le couvercle en ébène d’une céramique Art déco signée Simmen et O’Kin chez Cheska Vallois (S30). À la JGM galerie (n11), une peau de crocodile en bronze, d’un incroyable réalisme, est le plateau d’une console imaginée par Claude Lalanne. La haute joaillerie contemporaine ne se lasse également pas de puiser son inspiration dans le répertoire animalier : bracelet panthère imitant parfaitement le pelage de l’animal chez Cartier (P05), clip coccinelle en Serti Mystérieux de rubis chez Van Cleef & Arpels (P04) ou encore extraordinaire broche cigale en jadéite verte et diamants chez Wallace Chan (P02). armelle Malvoisin

Léopold Survage (1879-1968), Le Coq, huile sur carton, 1914. Léopold Survage (1879-1968), Le Coq (The Cock), oil on cardboard, 1914. GaLerie Le MinOtaure, stanD n34

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hether real or imaginary, stylized or otherwise represented very realistically, sublimated by the creative magic of an artist or by the use of precious materials, elevated to the ranks of deities by ancient cultures or embodying the wonderful creations of nature, animals are everywhere at the Biennale. A testimony to the first forms of artistic expression, a touching bone fragment of over 12,000 years, engraved with a bison facing a fawn (galerie Gilgamesh, H2) shows that prehistoric humans were able to very accurately represent the anatomy animals they were in contact with. At galerie 1492 (MS04), a pre-Columbian terracotta vase shaped like a parrot appears to be in great conversation, a graceful bronze Bastet cat (galerie Ghezelbash, MS07-08), a key figure of the Egyptian pantheon, and a white marble polar bear (Univers du Bronze, MN13), a masterpiece of radical refinement by the modern sculptor Pompon, meet at the Grand Palais. At Oscar Graf’s (S34), an ornamentation of bronze sheened and gold dragons animate a corner cabinet made by Christofle in 1874 which is considered an icon of flamboyant Japonism. A small carved ivory elephant tops with great presence the lid of an ebony Art deco ceramic by Simmen and O’Kin at Vallois (S30). At JGM Galerie (N11), a bronze crocodile skin, of incrediblew realism, constitutes the tabletop of a console designed by Claude Lalanne. Contemporary high jewelry also never tires of drawing inspiration from the animal repertoire: panther bracelet perfectly imitating the animal’s coat at Cartier (P05), a ladybird clip with a mysterious ruby setting at Van Cleef & Arpels (P04) or also an extraordinary green jadeite and diamond grasshopper brooch at Wallace Chan. Armelle Malvoisin

3 Questions À LAURENCE VAUCLAIR (STAND MS09-10)

3 questions to Laurence vauclair (stand Ms09-10) Quelle part prend la représentation animale dans votre spécialité ? Dans la céramique artistique de la seconde moitié du XIXe siècle, la place de l’animal est prépondérante. Même dans ses formes les plus simples, à l’instar d’une paire de vases monumentaux de Christopher Dresser pour Minton, dont les supports font surgir trois têtes de lions rugissants avec une expression surnaturelle.

Bague Ladyhawke en or blanc, saphirs et diamants. Ladyhawke ring in white gold set with sapphires and diamonds. BOuCherOn, stanD P01

Quelles espèces apparaissent de façon récurrente ? Qu’il soit marin, des rivières ou marécageux, l’univers aquatique est très présent et vivant : crabes courants, serpents et anguilles grouillants, poissons en tout genre, langoustes, homards, dauphins, grenouilles, libellules… et aussi un bestiaire chimérique illustré notamment par une colonne monumentale de Massier, aux motifs répétés de serpents de mer s’entrelaçant. Quelle est votre pièce la plus spectaculaire dans ce registre ? Il y en a deux, dans des styles différents : un gigantesque bassin de plus d’un mètre d’envergure de Barbizet d’où sort une vipère crachant, ainsi qu’un légumier de Lachenal décoré de carpes japonaises.

How important is animal representation in your speciality? In the art of ceramics of the second half of the 19th century, animals are paramount. Even represented in their simplest form, as for example in a pair of monumental vases by Christopher Dresser for Minton whose bases conjure up three roaring lions’ heads bearing phantasmagoric expressions.

« Les chefs-d’œuvre sont comme les grands animaux. ils ont la mine tranquille.»

Which species are repeatedly represented? Whether they be from sea, rivers or wetlands, animals of the aquatic world are very much present and alive: scuttling crabs, swarming snakes and eels, fish of all sorts, lobsters, dolphins, frogs, dragonflies... and also a chimerical bestiary as illustrated in the monumental Massier column, which bears repeated patterns of intertwining sea snakes.

“Masterpieces resemble great animals. They have a calm face.”

GustaVe Flaubert

Clip Licorne en or, diamants, saphir et onyx.

What is your most spectacular piece in the genre? There are two, in very different styles: a gigantic pool of an over one meter wingspan by Barbizet out of which springs out a spitting viper, and a legumier by Lachenal, decorated with Japanese carp.

Licorne clip in white gold, diamonds, sapphire and onyx. Van CLeef & arPeLs, stanD P04

Interview : A.M.

Chiffres CLÉs Key figures 3 ans de travaux ont été nécessaires à la réouverture du Salon d’Honneur / 3 years of work were required to reopen the Salon d’Honneur. 817 diamants, pour un poids total de 10,7 carats, font rugir le bracelet Constellation du Lion de Chanel / 817 diamonds for a total weight of 10.7 carats make the Chanel Lion Constellation bracelet roar.

Albéric Collin (Anvers, 1886-1962), Cheval au pas, bronze à patine brune.

600 000 à 450 000 avant J.-C. : la date de création de l’objet le plus ancien présenté à la Biennale en 2012, un biface amygdaloïde de 32,5 cm (galerie Gilgamesh, H2) / 600 000 to 450 000 BC: the date of creation of the oldest object presented at the Biennale in 2012, a bifacial amygdaloid of 32.5 cm (galerie Gilgamesh, H2).

Albéric Collin (Antwerp, 1886-1962), Horse at the Walk, bronze with shaded patina.

XaVier eeCkhOut, stanD n30 Bis

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ses 3 Coups de Cœur

Galeriste

L’ART DéCO Au zénITH

her 3 favorites

Cheska Vallois, galerie Vallois, stand s30

Art Deco at its Peak

Christopher Dresser, méridienne égyptienne, 1880-1883. Poirier noirci et doré.

Christopher Dresser, Egyptian daybed, 1880-1883. Ebonized and gilded pearwood.

GaLerie OsCar Graf, stanD s34

« Bien que créateur de l’époque victorienne, Christopher Dresser a oublié les excès d’ornementation sur ce meuble dont la sobriété de formes et de motifs me paraît en faire un précurseur des créateurs auxquels je me suis intéressée, dans la beauté des détails et le luxe des matériaux.» “Although he was a creator of theVictorian era, Christopher Dresser omitted the excesses of ornamentation on this piece whose sober shapes and patterns appear to make him an precursor of the artists that I have been interested in, as regards the beauty of details and the luxury of materials.”

La galerie Vallois, que vous avez créée avec Bob Vallois en 1971, est présente à la Biennale depuis 1986. Comment abordez-vous cette nouvelle édition ? Toujours avec la même passion, le même enthousiasme renouvelé pour des pièces exceptionnelles que nous présentons, dans un espace très clair, un grand salon à vivre de 67 m2 signé Graff. Cette année nous avons choisi d’abandonner les monographies, car nous avons eu l’opportunité d’acquérir une collection réalisée à Paris il y a trente ans pour des collectionneurs américains. Quelles sont les pièces les plus emblématiques de votre stand ? Tous les plus grands noms sont représentés : Clément Rousseau et sa paire de cabinets à secrets, Rateau, Franck avec une commode en galuchat et palissandre, Ruhlmann avec un canapé « Spirale » et deux bergères « Doucet » en ébène de Macassar, réalisés en 1913, ce qui est très rare. Mais également Dunand, Eileen Gray dont l’ensemble des objets et des créations présentées ici seront au Centre Pompidou en février 2013, dans le cadre de l’exposition majeure qui lui sera consacrée. Parallèlement, nous avons eu l’opportunité d’acquérir une douzaine d’objets d’Henri Simmen et d’Eugénie O’Kin, jamais sortis sur le marché. Cela a été pour nous une surprise divine. Jamais nous n’en avions eu de cette taille (plus de 22 cm). Il était céramiste, elle rajoutait tout le travail d’ébène, de corail. Ce sont des merveilles. Ces objets constituent pour moi les parures absolues du mobilier que nous présentons. De quelle manière évolue selon vous le goût pour la période que vous représentez ? On peut dire non seulement qu’une éducation s’est faite, avec des collectionneurs de plus en plus avertis, mais également qu’une certaine intuition de la beauté s’est développée. Les collectionneurs sont essentiellement Européens et Américains, ils ont entre quarante et soixante ans. Leur intérêt pour l’Art déco a été encouragé, soutenu par des personnalités comme Hélène Rochas, Yves Saint Laurent, Karl Lagerfeld, que je connais depuis plus de quarante ans.

The galerie Vallois you created in 1971 with Bob Vallois has been present at the Biennale since 1986. How did you approach this new edition? Always with the same passion, the same renewed enthusiasm for exceptionnal pieces that we present, in a space basked in light, a large living room of 67m² created by Graff. This year we have chosen to abandon monographs since we had the opportunity of acquiring a collection made in Paris thirty years ago for American collectors. What are the most emblematic pieces on your stand? All the biggest names are showcased : Clément Rousseau and his pair of secrecy cabinets, Rateau, Franck with a shagreen and rosewood commode, Ruhlmann with a “Spiral” sofa and two “Doucet” wing chairs in Macassar ebony, made in 1913, which is very rare, but also Dunand, Eileen Gray whose ensemble of objects and creations will be presented here in Paris at the Centre Pompidou in February 2013, as part of the major exhibition devoted to her. Meanwhile we had the opportunity of acquiring a dozen objects by Henri Simmen and Eugenie O’Kin, never before released on the market. This was a divine surprise for us. We had never carried one this size (over 22 cm). He was a ceramist and she added all the ebony and coral work. They are absolute wonders. For me they embody the most absolute jewels of furniture that we are showcasing. How would you say the taste for the period you represent has evolved? One can not only say that an education has developed with collectors increasingly knowledgable, but that an intuition for beauty has flourished. Collectors are mainly Europeans and Americans, they are between forty and sixty years old. Their interest in Art deco was encouraged and supported by people like Hélène Rochas, Yves Saint Laurent, Karl Lagerfeld, whom I have known for forty years. Interview : L.B.

Fibule, bronze niellé d’or et d’argent, et incrusté d’un jade et d’onyx. Chine, période des Royaumes combattants, ve-iiie siècle avant J.-C.

Belthook, bronze inlaid with gold, silver, jade and onyx. China,Warring Kingdoms period, 5th-3rd centuries BC.

GaLerie Christian DeyDier, stanD s33

« J’aime le mélange d’extrême raffinement et de brutalité guerrière de cette fibule chinoise de l’époque des Royaumes combattants. L’attention extrême portée par les artisans à cet objet du quotidien dans ses moindres détails me touche profondément.» “I love the mix of extreme refinement and war-like brutality of this Chinese fibula from the Warring Kingdoms period. The extreme attention the artisans paid to this everyday object, in each and every one of its details, touches me deeply.”

Masque Kifwebe, peuple Songye, République démocratique du Congo.

Kifwebe mask, Songye people, R. D. C.

BernarD DuLOn, stanD s20

« Je sais que ce masque provient d’une société secrète et qu’il est porté lors de très importantes cérémonies. Je ne peux m’empêcher d’admirer l’épure formelle de cet objet réduit au strict minimum dans les formes et les couleurs.» “I know that this mask comes from a secret society and that it is worn during very important ceremonies. I cannot but help myself admire the formal quintessentialness of this object reduced to as strict minimum in its shapes and colours.”

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le billet d’HuMeur

paris pendant la biennale

Collier en or jaune, saphirs, émeraudes et un diamant.

Fauteuil Mauresques à haut dossier, new York, vers 1880.

Necklace in yellow gold with sapphires, emeralds and 1 diamond.

Moorish chairs with high backs, New York, circa 1880.

BuLGari, stanD s18

Météo du Jour WEATHER OF THE DAY

L’EXPOSITION / THE EXHIBITION

Fernando et Humberto Campana une exposition consacrée aux dernières œuvres des frères Campana : colorées et décalées, leurs créations forment une joyeuse farandole née du recyclage et de l’artisanat brésilien.

GaLerie DiDier aarOn, stanD s03

An exhibition of recent works by the Campana brothers: colorful and offset, their creations form a joyous medley born from recycling and Brazilian craft work.

THInK BIG !

Jusqu’au 3 février 2013, au musée des arts décoratifs, 107, rue de rivoli, 75001. www.lesartsdecoratifs.fr

le spa / tHe spa

Hôtel Meurice Havre de paix de 340 m² ouvert sur une terrasse arborée, le spa Valmont de l’hôtel Meurice réouvre ses portes après quatre mois de travaux. À tester, le soin Bulle émotionnelle, protocole revitalisant pour un visage rayonnant.

Dans la nef, à la Carpenters Workshop Gallery (Mn04-05), le cabinet de bronze d’Ingrid Donat (Hommage à Groult) affiche ses mensurations généreuses. Les courbes sensuelles du Design Art semblent aimanter les plaisirs des collectionneurs. un Orgone de Marc newson en aluminium côtoie un fauteuil sculpture en frêne teinté noir de Wendell Castle, qui fête ses 80 ans avec panache. Deux fauteuils « Mauresques » réalisés à newYork vers 1880 (galerie Didier Aaron, S03), prennent par leur monumentalité une allure de trônes parés de bronze et d’ivoire. À la Biennale, les rondeurs ne sont jamais autant bienvenues que lorsqu’il s’agit de carats. La joaillerie serait-elle la plus voluptueuse des douceurs ? « Think big », tel est le motto. De la manchette en citrine de Boivin (Siegelson, n23) au collier au saphir de Ceylan taille pain de sucre de 180 carats – 9,8 millions d’euros, la pièce la plus chère de chez Bulgari (S18) –, les femmes semblent adorer porter ce qu’elles refusent à leur corps : l’opulence. Les opales de Dior (S17) sont à croquer. « Très crunchy », dit une cliente. Dommage, sa préférée est déjà vendue : 400 000 euros.

A 340 m² Haven open onto a terrace fitted with plants and trees, the Valmont spa of the Hôtel Meurice re-opens its doors after four months of construction. Suggestion, try out the emotional bubble treatment, a revitalizing protocol for a radiant face.

228, rue de rivoli, 75001. www.lemeurice.com

le dÎner / THE DINNER

le Mathi’s Ambiance capitonnée de velours rouge, moulures au plafond et lumière tamisée… Pour un dîner, forcément en bonne compagnie, dans l’un des symboles de la nuit parisienne.

In the nave, at the Carpenters Workshop Gallery (MN04-05), Ingrid Donat’s bronze cabinet (Tribute to Groult) displays its generous dimensions. The sensual curves of the Art Design seem to magnetize collectors’ delight. A Marc Newson aluminum Orgone, rubs shoulders with a black tinted ashwood sculpture chair by Wendell Castle, currently celebrating its eighty years of existence with panache. Two “Moorish” armchairs created in New York circa 1880 (Galerie Didier Aaron, S03), in their monumentality, take the appearance of bronze and ivory adorned thrones. At the Biennale, curves are never as welcome as when it comes to carats. Is jewelery the most voluptuous of sweets? Think big! That is the motto. From the citrine Boivin cuff (Siegelson, N23), to the 180 carat-worth sugarloaf Ceylon sapphire necklace (9.8 million Euros, the most expensive Bulgari piece showcased (S 18) -women seem to love wearing what they refuse their bodies: opulence. Dior opals (S17) are delectable. “Very crunchy,” says a client. Unfortunately, her favorite is already sold for 400 000 Euros. L.B.

An atmosphere of upholstered red velvet, Parisian ceiling moldings and soft lights ... For dinner, obviously in good company, in one of the symbols of the Parisian night.

3, rue de Ponthieu, 75008. tél. : 01 53 76 01 62.

le bar / THE BAR

le Crillon Pour déguster un Rose Crillon, cocktail signature composé de vodka, sirop de rose, cranberry et pomme, dans un décor opulent aux tonalités rouge et or. To sip on a Rose Crillon, a signature cocktail made with vodka, rose syrup, cranberry and apple in an opulent red and gold toned setting. Karine Porret

un Jour un CHeF

LE RESTAuRAnT éPHéMÈRE Descendant d’une grande lignée de restaurateurs, fondateurs de l’institution La Côte Saint Jacques en Bourgogne, Jean Michel Lorain s’est formé chez Troisgros et Taillevent à Paris, Girardet à Crissier, avant de reprendre la table familiale. « Je sais que les convives qui viennent déjeuner dans le cadre de la Biennale veulent avant tout se régaler, mais ils ont aussi des impératifs d’horaires et de travail.» Il a ainsi composé un menu « très riche en saveurs mais léger en calories », faisant la part belle aux produits pour représenter au mieux sa cuisine. Son menu s’ordonne comme un festival de saveurs. « Exotiques avec la rosace de homard, rustiques avec le cabillaud et fin d’été avec le pigeon, le poivron et le romarin.» Pour conclure, un grand classique de la Côte Saint Jacques : le millefeuille aux trois crèmes légères.

Jusqu’à 2 heures du matin. 10, place de la Concorde, 75008 Paris. tél. : 01 44 71 15 39.

la biennale by Chantal Thomass Jean-MiCheL LOrain

«L

a scénographie de Karl Lagerfeld est exceptionnelle. Mes coups de cœur ? Des appliques de Sue et Mare chez Félix Marcilhac (SO8), uwn miroir fait par Rateau pour Jeanne Lanvin chez Mathivet (S27), le cabinet de Clément Rousseau chez Vallois (S30), le stand Chaumet (S19), les meubles de Marc Newson chez Carpenters Workshop Gallery (MN04-MN05), les céramiques de la galerie Vauclair (MS09-MS10) et Peter Marino, comme une apparition… »

Descending from a long line of restaurateurs, founders of the institution La Côte Saint Jacques in Burgundy, Jean Michel Lorain trained at Troisgros and Taillevent in Paris and Girardet in Crissier before returning to the family establishment. “I know that the guests who come to lunch at the Biennale want above all to enjoy the food, but they also have requirements and work schedules”. Consequently, he has composed a menu “very rich in flavor but light in calories”, that showcases products to their best and that represent his cuisine.The menu is organized as a festival of flavors. “Exotic with the lobster rose, rustic with cod and late-summer with the pigeon, pepper and rosemary”. To conclude the meal, a great classic of the Côte Saint Jacques: the millefeuille with three light creams. C.H.A.

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arl Lagerfeld is brilliant, the scenograhpy outstanding. What are my personal favorite pieces? Sconces by Sue and Mare at Felix Marcilhac (SO8), a mirror made by Rateau for Jeanne Lanvin at Mathivet (S27), Clement Rousseau’s cabinet at Vallois (S30), the Chaumet stand (S19), furniture by Marc newson at Carpenters Workshop Gallery (Mn04-Mn05), the ceramics from Galerie Vauclair (MS09-MS10) and Peter Marino, akin to an apparition ... “

le Quotidien de la biennale Le Quotidien de la Biennale est édité par le Syndicat national des Antiquaires www.sna-france.com Conception et réalisation : Stiletto éditions www.stiletto.fr Directrice éditoriale : Laurence Benaïm Design : Christophe Renard et nathanaël Day Impression : Point 44, France, 2012 Tous droits réservés

réservations : 01 53 23 15 25

Le Quotidien de la Biennale is published by the Syndicat National des Antiquaires www.sna-france.com Conception and edition: Stiletto Éditions www.stiletto.fr Editor: Laurence Benaïm Design: Christophe Renard with Nathanaël Day Printed: Point 44, France, 2012 All rights reserved

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un tableau, un éCriVain

L’OR COuCHé par philippe Claudel

Sleeping Gold

Pierre Brueghel the Younger (Brussels 1564 – Antwerp 1638) Harvest, 1621

Pieter Brueghel le Jeune (Bruxelles 1564 - Anvers 1638) La Moisson, 1621

GaLerie De JOnCkheere, stanD s01

L

e chaud du monde est là, qui se fait sentir et palper, sous la paume, sous le corps, dans la sueur que l’on devine perler sur les fronts et rouler dans le pli du dos, sous l’étoffe un peu rugueuse des chemises. Plein été lourd et fécond, exténué par le midi qui lasse les êtres et fatigue les épis. Blondeur. Solaire houle des blés qui déborde et que l’on éponge à la faux. La peinture brûle de ce feu, de ce fameux grain mort qui engendre la vie, la vie des hommes, travaillant, se reposant de leur travail, buvant et reprenant courage en mangeant une bouillie faite d’un parent lointain du même grain. La beauté sereine de l’image champêtre – parfaite église, parfait village à l’ombre de grands feuillus, parfait paysans aux rôles distribués comme dans un théâtre ouvert – vacille sur la perspective ouverte en son milieu par le vide de la toute neuve chaume et qui happe le regard en provoquant un délicat vertige. Rien ne bouge mais tout se meut : oiseaux sur la terre – « Une pie, malheur. Deux pies, bonheur », prétend la superstitieuse sagesse populaire, ici elles sont deux – comme au ciel, grillons, glaneurs, gerbeurs, porteurs, bouches, langues, dents, yeux et mains des mangeurs. La vie musicale. Heureuse. Quoique. Il y a ces jaunes de douceur et de flammes, mais il y a aussi le sombre, éclaboussures d’encre jetées par les vêtements de quelques convives, et surtout par le faucheur immense, qui nous tourne le dos, sa faux couleur de nuit, comme son chapeau, comme son gilet. un faucheur en pleine action, qui ne se repose jamais, lui. Faucheur sans visage. On prie pour qu’il ne se retourne pas trop tôt. On prie pour qu’il nous laisse encore dans l’or chaud du plein été. un peu. un peu encore. De grâce.

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he heat of the world is there, which one smells and feels, under the palm, within the body, in the sweat that one imagines beading on foreheads and rolling down the small of backs, underneath the slightly rough fabric of shirts. Full summer, heavy and fruitful, exhausted by noon which tires beings and fatigues crop ears. Blondness. Solar surge of overflowing wheat, moped by a scythe. The painting burns with this fire, with this famous dead grain that generates life, a man’s life: working, resting from this work, drinking and regaining strength by eating porridge made from a distant relative of the same grain. The serene beauty of the rural setting – a perfect church, a perfect village in the shadow of large hardwoods, perfect peasants whose roles are assigned as if in an open theater – balances on a perspective exposed in its middle by the vacuum of freshly made stubbles that grab the eye, causing a delicate vertigo. Nothing moves, yet all is in motion: birds on the land – “One magpie, misfortune. Two magpies happiness”, says the superstitious comon belief, they are two here – and in the sky, crickets, gleaners, harvesters, bearers, mouths, tongues, teeth, eyes and hands of the eaters. A musical life. A happy one. But then again. There are these gentle flame-like yellows, but there is also darkness in the ink stains splattered across for some of the guests’ clothing, and particularly for the tall reaper, who turns his back on us, his scythe black as night, just like his hat, just like his waistcoat. A reaper in action, who never rests. A faceless reaper. One prays that he does not turn round too soon. One prays that he may leave us for a while longer basking in the hot gold of high summer. A little. A little while longer. Please.

Philippe Claudel, born in 1962, is the author of Grey Souls (renaudot Prize 2003) translated in over thirty countries, Mr. Linh’s granddaughter, The Brodeck Report (Goncourt high-schoolers Prize 2007) and The Investigation. he has directed two films: I’ve Loved You so Long which won two Césars and All the Suns. in January 2012, Philippe Claudel joined the académie Goncourt in Jorge semprun’s seat. his latest work, Perfumes, was recently published by stock. and also, Self-Portrait Crumbs published by Nicolas Chaudun, a walk amongst the masterpieces of Nancy’s fine arts Museum.

Philippe Claudel, né en 1962, est l’auteur des Âmes Grises (prix Renaudot 2003) traduit dans plus de trente pays, de La Petite fille de Monsieur Linh, du rapport de Brodeck (prix Goncourt des Lycéens 2007) et de L’enquête. Il a réalisé deux films : il y a longtemps que je t’aime qui a reçu deux Césars et tous les soleils. En janvier 2012, Philippe Claudel intègre l’académie Goncourt au couvert de Jorge Semprun. Son dernier opus, Parfums, vient de paraître chez Stock. De même, autoportrait en miettes aux éditions Nicolas Chaudun, une promenade parmi les chefs-d’œuvre du musée des Beaux-Arts de Nancy.

Coordination : Stéphanie Des Horts

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