Module 3 Reprogrammation cellulaire: remettre la pendule des cellules à zéro Le développement cellulaire est-il à sens unique? Depuis des siècles, les biologistes se demandent comment il est possible qu’un seul ovule fécondé puisse donner naissance à un être humain, c’est-à-dire à un organisme incroyablement complexe comportant des centaines de types cellulaires différents. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les biologistes étaient convaincus que le développement de l’embryon en un organisme adulte était un processus unidirectionnel et irréversible, une voie à sens unique. Ils étaient sûrs que le développement cellulaire au cours duquel la cellule souche se transforme en cellule spécialisée, cellule de la peau par exemple, processus appelé la différenciation, était un mécanisme irréversible. À la fin du XIXe siècle, deux hypothèses sur le développement cellulaire se confrontaient. La première hypothèse était que les cellules se différencient par perte sélective de matériel génétique. Si nous comparons l’information renfermée par l’ADN avec un livre de cuisine, on pourrait décrire cette hypothèse de la manière suivante: si une cellule souche se transforme en cellule cutanée, certaines pages du livre de cuisine sont arrachées. La cellule cutanée ne dispose plus que des recettes dont elle a besoin en tant que cellule cutanée. Les autres recettes sont absentes. La deuxième hypothèse était que lors de la différenciation cellulaire, seul le modèle d’expression de l’ADN se modifie, sans perte de matériel génétique. Cela voudrait dire que la cellule cutanée dispose toujours du livre de cuisine complet, mais que certaines pages sont dissimulées, de sorte que la cellule ne peut plus en lire les recettes ou les cuisiner. Elle lit et transcrit uniquementles gènes lui donnant son identité de cellule cutanée. Vérification des hypothèses par transfert nucléaire Quelle est l’hypothèse exacte? Un moyen de le vérifier est le transfert nucléaire: cette expérience consiste à énucléer une cellule différenciée (cellule cutanée par exemple), c’est-àdire prélever son noyau à l’aide d’aiguilles microscopiques et de l’injecter dans un ovocyte également énucléé au préalable. Le noyau cellulaire d’une cellule cutanée se trouve donc dans le cytoplasme d’un ovocyte (fig. 1). Si cet ovocyte manipulé se développe alors pour donner un embryon, cela signifierait que la deuxième hypothèse est correcte. En effet, si du matériel génétique avait été perdu dans la cellule cutanée différenciée (livre de cuisine auquel des pages ont été arrachées), cette cellule manipulée ne pourrait plus engendrer de nouvel organisme puisque les recettes nécessaires manqueraient. Les organismes issus du transfert d’un noyau cellulaire sont dits «clonés». Les organismes clonés ne sont pas nés de la reproduction sexuée (fusion d’un ovocyte et d’un spermatozoïde), ils sont génétiquement identiques à l’organisme donneur.