Rapport sur le café

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RaPpORT sur le café

e presso Halte à l’exploitation dans le commerce du café!


Sommaire Nos exigences

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1. Commerce du café: chiffres et faits

4

2. Informations essentielles

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D’où vient le café consommé en Suisse?

5

Qui gagne combien dans le commerce du café?

6

Pourquoi le prix du café est-il actuellement si élevé?

6

Pourquoi les caféicultrices ne gagnent-ils pas suffisamment malgré les prix élevés sur le marché mondial?

7

Comment les caféiculteurs vivent-ils sans commerce équitable?

7

3. Les labels de café

8

4. Nestlé: too big to be fair?

10

Que gagne Nestlé avec les capsules Nespresso?

10

Quelle est la position de Nestlé sur le commerce équitable?

10

Comment Nestlé se rend impopulaire auprès des producteurs et productrices de café: le plan Nescafé

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Exploitation – what else?

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Solidar Suisse: une action au quotidien contre l’exploitation

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Crédits photos Page 1: Spinas Civil Voices Page 4: Zica Keller Page 7: Edgard Garrido / Reuters Page 10: Christian Engeli Pages 12/14: Alberto Vargas

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Nos exigences Même si les prix du café sont actuellement élevés sur le marché mondial, les petits caféiculteurs et caféicultrices ne profitent guère de cette embellie. La plupart d’entre eux luttent pour survivre. Le commerce équitable est le seul moyen de remédier à cette situation. Aux paysan-ne-s, il garantit – dans les périodes fastes comme dans les moments difficiles – des prix minimaux et des relations commerciales durables. Mais les multinationales dédaignent le commerce équitable. Elles exploitent les paysan-ne-s et s’accommodent du fait que leurs fèves proviennent de plantations où travaillent des enfants et où des pressions terribles sont exercées sur les salaires. Nestlé figure parmi les premiers commerçants de café de la planète. C’est pourquoi nous lui adressons les exigences suivantes:

1. Nestlé doit proposer du café équitable pour l’ensemble de son assortiment Nespresso. Tout particulièrement dans le cas des capsules Nespresso coûtant la rondelette somme de 50 centimes l’unité, nous sommes en droit d’attendre un traitement correct des cueilleurs et cueilleuses de café, ainsi que l’absence d’exploitation des enfants. Proposer, dans l’assortiment actuel, des capsules Nespresso produites dans des conditions équitables serait un premier pas pour que la clientèle puisse consommer équitable. L’objectif final demeure, cependant, la reconversion de toute l’offre Nespresso au café négocié à des conditions équitables.

2. Nestlé doit proposer du café équitable dans toutes ses lignes de produit. Nestlé doit prendre au sérieux ses responsabilités sociales et introduire le café équitable dans tout son assortiment. Cette mesure permettra aux cultivateurs et cultivatrices de vendre, en tout temps, leur café à des prix équitables; elle garantira aussi des conditions de travail décentes aux cueilleurs et cueilleuses. 3. Il faut abandonner les labels marketing suggérant à la clientèle que Nestlé utilise du café négocié à des conditions équitables. Nestlé se présente comme une multinationale responsable sur le plan social et s’appuie, pour ce faire, sur des labels propres (4C et Nespresso AAA Sustainable Quality Program). Ces labels n’apportent cependant pas grand-chose aux cultivateurs et cultivatrices de café. Ils s’apparentent pour l’essentiel à de simples déclarations d’intention et manquent cruellement de transparence; de plus, seule une petite partie de la production fait l’objet d’une certification. Cela doit cesser: Nestlé doit utiliser des labels fiables et indépendants.

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1. Commerce du café: chiffres et faits Après le pétrole, le café est le deuxième bien commercial le plus important au monde.1 En 2010, près de 8 millions de tonnes de fèves de café ont été récoltées. 2 25 millions de petits paysan-ne-s produisent du café dans le monde. Si l’on compte leurs familles, les nombreux saisonniers et l’industrie de la transformation, 100 millions de personnes vivent du café.3 Dans la culture du café, l’exploitation, des salaires de misère et le travail des enfants sont monnaie courante. 4 Dans le monde, 4’600 tasses de Nescafé sont consommées chaque seconde. 5 Dans le monde, 205 tasses de Nespresso sont bues chaque seconde.6 Le café est le plus important produit d’exportation à destination de la Suisse (50’000 tonnes exportées).7 En Suisse, près de 10 kilos de café sont consommés par personne et par an. Notre pays constitue par conséquent le deuxième plus grand consommateur de café au monde. 8 La part de marché du café issu du commerce équitable est de près de 5% en Suisse. 9

http://www.jacobsfoundation.org/cms/index.php?id=kulturgeschichtliches Selon les statistiques de l’Organisation internationale du café: http://www.ico.org/prices/po.htm 3 http://www.procafe.ch/index.cfm?parents_id=831 4 Se référer par exemple au documentaire sur les plantations de café au Guatemala de l’ARD, diffusé le 31 octobre 2010: http://www.daserste.de/doku/beitrag_dyn~uid,tu4nji1fvo4oxh19~cm.asp ou «Kinder ernten Kaffee», Deutschlandradio Kultur, diffusé le 3 février 2011: 1 2

http://www.dradio.de/dkultur/sendungen/weltzeit/1379907 5 http://www.nescafe.de/Home/KaffeeWelt/RundumNescafe/default.htm 6 Rapport annuel 2010 de Nestlé 7 Statistiques de la Direction fédérale des douanes, 2010 8 crema magazine, édition spéciale Suisse, édition 2011/2012, p. 48 9 http://www.fao.org/fileadmin/templates/organicexports/docs/ Market_Organic_FT_Coffee.pdf

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2. Informations essentielles

D’où vient le café consommé en Suisse? Le café pousse exclusivement dans des conditions climatiques tropicales et équatoriales. Les principaux pays produisant pour la Suisse sont le Brésil, la Colombie et le Vietnam.10 En 2010, la Suisse a importé près de 113’000 tonnes de café brut. Sur cette quantité, 50’000 tonnes environ ont été transformées en Suisse, puis exportées comme café soluble, décaféiné ou torréfié. La consommation indigène avoisine donc 63’000 tonnes de café vert.11

Amérique du Sud 12

Amérique centrale et Mexique

49’000 tonnes Asie

20’000 tonnes

Afrique

21’500 tonnes

7’500 tonnes

Les plus grandes entreprises de café en Suisse 14

70 à 80% du commerce mondial de café passe par la Suisse.13 Tous les grands marchands de café ont leur siège ou pour le moins une succursale en Suisse, raison pour laquelle les trois quarts du commerce mondial de café passent – virtuellement – par notre pays. Le plus étonnant est que toutes les étapes, de l’exportateur à l’importateur, sont contrôlées par un seul commerçant. Les bénéfices ne concernent pratiquement que des paradis fiscaux et sont donc largement exonérés d’impôts. Ni les autorités de l’hémisphère sud, ni celles de l’hémisphère nord, n’ont les moyens d’empêcher ce mode de faire.

Statistiques de la Direction fédérale des douanes, 2010 Statistiques de la Direction fédérale des douanes, 2010 12 http://www.procafe.ch/index.cfm?parents_id=866

Commerçant de matière première

Quantité traitée: en tonnes par année

Bernhard Rothfos Intercafé AG, Zug

750’000 (50% en CH)

Volcafé Ltd (ED & F Man), Winterthur

720’000

Taloca (Kraft Foods), Zug

660’000

Ecom Trading, Pully

630’000

Nestlé, Vevey

600’000

Decotrade (Sara Lee), Zug

480’000

Louis Dreyfus Commodities, Genève

420’000

Strauss Commodities, Genève

192’000

Sucafina, Genève

180’000

Starbucks, Lausanne

150’000

crema magazine, édition spéciale Suisse, édition 2011/2012, p. 48 crema magazine, édition spéciale Suisse, édition 2011/2012, p. 49

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Preiszusammensetzung konventioneller Kaffee Vom durchschnittlichen Endverkaufpreis pro Kilo nicht fair gehandelten Kaffee gehen also 18 Prozent an die KleinbäuerInnen im Produktionsland. Das entspricht in etwa der Hälfte des aktuellen Weltmarktpreises.18

Qui gagne combien dans le commerce Den Rest teilen sich die ZwischenhändlerInnen (12 Prozent, eidu café? nerseits beim Direkteinkauf bei den BäuerInnen, andererseits bei Export und Import), Seetransportversicherung (2 Prozent), C’est avant tout le commerce des matières premières qui perZoll- und Importabgaben (2 Prozent) – sowie als grösster Posmet les meilleures affaires avec le café. Les entreprises les plus ten Rösten, Verpacken, Lagerung, Transport, Verteilung sowie puissantes actives dans le commerce du café – dont Nestlé, Margen und Kommissionen (61 Prozent). Beim Rösten entsteht Sara Lee, J.M. Smucker15, Kraft et Tchibo – détiennent près de ein Verlust von ca. 5 Prozent. la moitié du commerce mondial. Les sites commerciaux majeurs sont les bourses de New York et de Londres.

18% unorg. Kleinbauer 12% Zwischenhandel 2% Seetransport und Versicherung

Composition du prix du café2% équitable Zoll- und Importabgaben 5% Röstverlust Les producteurs et productrices optant pour le commerce équitable gagnent davantage. Ils reçoivent 21% duin prix du commer61% Transport Europa, Rösten, A Verpacken, ce de détail pour 1 kilo de café équitable. cela s’ajoute une Lagerung, Kommisionierung, nouvelle tranche de 9% que l’entreprise de commerce équitaDistribution CH, ble paie à la coopérative. Donc, avec du café équitable, au total Handelsmargen 20 31% du prix de vente final va dans le pays producteur, contre 18% seulement pour un café négocié de façon traditionnelle.

Preiszusammensetzung Kaffee aus

Les différentes étapes du commerce du café, en particulier fairem Handel les intermédiaires au Sud, appelés «coyotes», exercent une influence décisive sur les prix du café. Ils achètent le café directeAn die BäuerInnen, die vom fairen Handel profitieren, fliesst ment aux producteurs et productrices, empêchant par là que ne ein grösserer Teil zurück. Sie erhalten 21 Prozent des Detailsoient créées des coopératives susceptibles de négocier avec handelspreises, dazu kommen noch einmal 9 Prozent, die das lesdahinter grands stehende acheteurs.Unternehmen Comme les coyotes peuvent exercer an die Kooperative zahlt. des Inspressions, ils ne paient que 50 à 70% du prix du marché mongesamt gehen also bei fair gehandeltem Kaffee 31 Prozent des 16 dial. Endverkaufspreises an die ProduzentInnen, wogegen es bei tra-

Max Havelaar-Kleinbauer 21% 21% Petits paysan-ne-s

9% 9% Coopérative Max Havelaar-Kooperative 1% Transport maritime 1% Seetransport und Versicherung et assurance Zoll- unddouanières Importabgaben 2% 2% Taxes et d’importation

5% Röstverlust

5% Pertes induites par la torréfaction 59% Transport in Europa,

ditionell gehandeltem Kaffee nur 18 Prozent sind.19

Composition du prix du café conventionnel

6

Le reste, fort substantiel, se répartit de la manière suivante: intermédiaires, soit acheteurs chez les caféiculteurs et caféicultrices, ainsi qu’exportateur et importateur (12%); assurance contre les risques de transport maritime (2%); taxes douanières et d’importation (2%); torréfaction, conditionnement, entreposage, transport et distribution, marges et commissions (61%); pertes induites par la torréfaction (5% du prix final). 18% Petits paysan-ne-s

fair geerInnen es aktu-

zent, eirerseits rozent), er Posg sowie entsteht

, fliesst Detaildie das hlt. Insent des bei tra-

19

Sur le prix de vente final moyen du kilo de café (non équitable), 18 Ein Kaffee kostet im Detailhandel 13.60. 18% vaKilo aux petits producteurs etdurchschnittlich productricesCHF dans le pays de Stichtag für den Kaffeepreis war der 30. Mai 2011. Er lag damals bei USD production. Cela correspond à près de la moitié du prix actuel 5.30 pro Kilo bzw. CHF 4.50: http://www.wallstreet-online.de/rohstoffe/ sur le marché mondial.17 kaffeepreis.

fee

Rösten, Verpacken, 59% Torréfaction, conditionLagerung, Kommisionierung, nement, entreposage, Distribution CH, transport et distribution, Handelsmargen marges et commissions Max Havelaar-Lizenzgebühr 3% 3% Droit de licence

21

19 20 21

Berechnung von Max Havelaar 2011. Berechnung von Max Havelaar 2011. Berechnung von Max Havelaar 2011.

Pourquoi le prix du café est-il actuellement si élevé? La demande mondiale de café augmente. Depuis 2001, les besoins ont passé de 6,4 millions de tonnes par an à près de 8 millions de tonnes.20 Dans les pays producteurs eux-mêmes, Brésil en tête, toujours davantage de personnes boivent du café. Celui-ci fait donc l’objet d’une forte demande et les prix augmentent en conséquence.

18% unorg. Kleinbauer

12% Intermédiaires

Zwischenhandel 12% 2% Transport maritime et assurance

2% Seetransport und Versicherung

2% Taxes douanières 2% Zoll-d’importation und Importabgaben et 5% 5% Pertes induites par Röstverlust la torréfaction

18 20

Transport in Europa, 61% 61% Torréfaction, conditionRösten, Verpacken, nement, entreposage, Lagerung, Kommisionierung, transport et distribution, Distribution CH, marges et commissions Handelsmargen

21% Max Havelaar-Kleinbauer En 2008, J.M. Smucker a repris le commerce du café de Procter & Gamble. «Kaffee fertig?», documentation de la Déclaration de Berne, 3/2003, p. 11, www.evb.ch/cm_data/Doku_3_03.pdf 9% Max Havelaar-Kooperative 17 Un kilo de café coûte en moyenne CHF 13,60 dans le commerce de détail. 1%pour Seetransport Le 30 mai 2011 a été une date de référence le prix du und café.Versicherung Ce jour-là, il coûtait 5,30 dollars le kilo, soit CHF 4,50: 2% Zoll- und Importabgaben http://www.wallstreet-online.de/rohstoffe/kaffeepreis 18 / 19 Max Havelaar, 2011 5% Röstverlust 15 16

59% Transport in Europa, Rösten, Verpacken,

Mais la spéculation boursière joue aussi son rôle dans cette hausse. Après l’éclatement de la bulle immobilière, des fonds d’investissement à hauts risques (hedge funds) ont pris le café comme nouvel objet de spéculation, raison pour laquelle les fèves brunes sont recherchées comme investissement potentiel, ce qui fait grimper encore les prix.21 Vu l’intense spéculation dont il fait l’objet, le café est aujourd’hui acheté et revendu près de 14 fois avant d’arriver sur les rayons des détaillants.22

20 Statistiques de l’Organisation internationale du café: http://www.ico.org/historical/2000+/PDF/TOTPRODUCTION.pdf 21 Affirmation de Jan Wagenfeld, acheteur de café chez Tchibo, 28.02.2011: http://www.tchibo.com/content/540594/-/pid=310328/de/ presseinformationen/der-kaffeepreis-steigt-rasant-warum.html 22 Affirmation du marchand de café Tom Lebreton de Kraft, 06.02.2011: http://www.welt.de/print/wams/wirtschaft/article12460790/ Ein-Kaffeehaendler-sieht-schwarz.html

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Pourquoi les caféicultrices ne gagnent-ils pas suffisamment malgré les prix élevés sur le marché mondial? Les prix du café sur le marché mondial ont doublé depuis mi2010. Début mai 2011, le prix de la variété Arabica a atteint son niveau le plus élevé depuis 30 ans, à savoir 6 dollars le kilo. A fin mai, le prix de l’Arabica était de 5,30 dollars le kilo, à savoir CHF 4,50.23 Mais les producteurs et productrices de café ne profitent que très marginalement de cette hausse. La grande majorité d’entre eux vit toujours en dessous du seuil de pauvreté. Les causes de cette situation sont nombreuses: en raison de la constante baisse des prix au cours de la décennie passée, les paysan-ne-s n’ont toujours pas les moyens d’investir dans leurs plantations. Les plants de café sont trop vieux et les rendements marquent le pas.24 Les coûts de production ont aussi grimpé, notamment pour les engrais, les salaires et l’essence, ce qui engloutit totalement ou partiellement les bénéfices. Autre raison de la précarité de la situation financière: pour se mettre à l’abri des fluctuations du marché, nombre de producteurs et productrices vendent leurs récoltes d’avance, à des prix fixés. En d’autres termes, l’explosion des prix de la mi-2010 leur a peu profité jusqu’ici, vu qu’ils se sont engagés par contrat à livrer leurs fèves à des conditions bien moins avantageuses que le niveau effectif des prix sur les marchés mondiaux. Dans l’intervalle, le prix sur le marché mondial a déjà reculé de 17% au-dessous du pic de mai 2011.25

Comment les caféiculteurs de café vivent-ils sans commerce équitable?

Nestlé, Sara Lee, J.M. Smucker, Kraft, Tchibo. Ensemble, elles transforment plus de la moitié de la récolte mondiale de café et imposent leur loi sur le marché. Les grands groupes font de bonnes affaires dans les périodes de crise surtout, comme Nestlé l’avoue sans détour: «Trading profits increased ... and margins improved thanks to favourable commodity prices.»26 Les peines des paysans sont le bénéfice des multinationales: plus le prix sur le marché mondial est bas, plus les bénéfices des acheteurs sont importants. La crise du café de la précédente décennie, qui a vu le prix d’achat du café baisser à 1 franc le kilo, a été fatale à des centaines de milliers de caféiculteurs et caféicultrices de par le monde. Ils ont dû abandonner leurs plantations et chercher une autre source de revenu: culture de plantes pour produire de la drogue, prostitution, exode dans les bidonvilles des grandes cités, émigration vers d’autres pays. Certaines sont mortes faute de moyens de subsistance; d’autres ont péri dans leur quête d’une existence meilleure, à l’image de ces caféiculteurs et caféicultrices mexicains ayant pris le chemin des EtatsUnis et finalement morts de soif dans le désert. Mais même dans la phase de prix élevés actuels, les perspectives ne sont pas meilleures pour les producteurs et productrices ne bénéficiant pas d’un contrat du commerce équitable. Les multinationales achètent le café seulement lorsque le besoin s’en fait sentir pour elles. Si les prix grimpent exagérément, poussant les entreprises à puiser dans leurs stocks pour garantir leurs bénéfices, les producteurs et productrices ne peuvent de nouveau plus écouler leurs fèves. Même les producteurs et productrices de qualités de pointe, encadrés à grands frais par Nestlé, ne reçoivent pas de filet de sécurité qui les mette à l’abri de la très grande volatilité des prix et leur donne la certitude qu’on ne les laisse pas tomber – une différence décisive par rapport au commerce équitable.

En un mot comme en cent: mal! Le marché mondial du café est dominé par les cinq plus grandes multinationales du café:

www.wallstreet-online.de/rohstoffe/kaffeepreise En Colombie, les récoltes ont par exemple reculé de 25%: http://www.nytimes.com/2011/03/10/science/earth/10coffee.html 25 Le 18 juillet 2011, il se montait à 5 dollars le kilo: http://www.wallstreet-online.de/rohstoffe/kaffeepreis 23 24

26 Rapport annuel 2000 de Nestlé. La «crise du café» a commencé cette année-là. Elle a duré jusqu’en 2005 et a été essentiellement provoquée par les très grandes quantités de fèves Robusta mises soudain sur le marché mondial par le Vietnam.

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3. Les labels de café La branche du café est sous pression. La clientèle exige davantage de preuves que les produits de l’hémisphère sud sont élaborés dans des conditions justes et loyales. La branche du café a réagi à cette prise de conscience, en lançant divers labels dont l’importance va crescendo. Les différences entre les labels s’avèrent cependant très importantes. Alors que certains visent clairement à améliorer les conditions de vie des paysan-ne-s, d’autres servent avant tout des impératifs marketing. Leur soidisant engagement en faveur de l’environnement, ainsi que des cultivateurs et cultivatrices de café, se limite à des déclarations d’intention.

Max Havelaar: pionnier en matière d’équité Des produits dotés du label Max Havelaar (environ 1’500 à l’heure actuelle) peuvent être trouvés dans la gastronomie et auprès des détaillants suisses. Les plus connus d’entre eux sont les bananes, le café et le thé. Max Havelaar fait partie du réseau international «Fairtrade International» (FLO) ayant son siège à Bonn. Les lignes directrices communes sont définies au sein des organes de FLO. La certification des producteurs incombe à FLO-Cert, une filiale de FLO. Le label Max Havelaar est octroyé à des produits issus de matières premières commercialisées de manière équitable et élaborés conformément à des critères sociaux et écologiques stricts. Il assure des prix de vente minimaux aux paysan-ne-s, des relations commerciales stables et une prime par rapport au prix du marché mondial utilisée à des fins sociales (écoles, routes, ponts, eau potable). Le label aide les producteurs et productrices à améliorer leur position sur le marché mondial et à se libérer ainsi durablement de la pauvreté. Il comporte cependant une lacune: il ne prescrit pas de standards sociaux pour les étapes postérieures à la culture du café.

Le code 4C: de l’industrie, pour l’industrie Le code 4C (Common Codex for the Coffee Community) est une bonne idée dans sa conception, puisque tous les protagonistes du commerce du café se sont réunis pour trouver une manière de faire taire les reproches relatifs à l’exploitation des enfants. 4C a été lancé en 2002 par le Ministère fédéral de la coopération économique et du développement (BMZ selon l’abréviation allemande), la Coopération technique allemande pour le développement (GTZ) et l’Association allemande pour le café (Deutscher Kaffeeverband). Il a ensuite été traduit en actes par un comité de producteurs et de marchands de café, de représentants de

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http://www.teacoffeecocoa.org/tcc/Commodities/Coffee/UTZ-Certified

l’industrie du café (Nestlé, SaraLee, Kraft, Tchibo) et d’ONG (Oxfam, Rainforest Alliance, Pesticide Action Network RoyaumeUni). Grâce à cette large assise, 4C ne vise pas les petits créneaux, mais a une portée étendue. Comme les auteurs de cette initiative ont dû, pour la mettre en œuvre, systématiquement opter pour le plus petit dénominateur commun afin de trouver un consensus, 4C est le plus chiche des labels en termes de contenu. Le code ne définit pas de critères de qualité positifs, mais fonctionne par exclusion. A cet égard, seules les dix pires pratiques (p. ex. «worst forms of child labour») constituent des motifs de non certification. Tous les autres critères de la branche sont évalués sur le modèle dit des feux de circulation (rouge: to be discontinued; jaune: to be improved; vert: a desirable practice), mais les producteurs et productrices de café obtenant des notes rouges satisfont aussi à la norme 4C. La seule condition est que, s’agissant de la moyenne de toutes les pratiques, les feux soient au jaune. Cela signifie que, pour chaque type d’application rouge, les producteurs doivent décrocher un feu vert dans une autre, à titre de compensation. On peut par exemple continuer à recourir aux pesticides (feu rouge) pour autant que les eaux usées des plantations soient à nouveau traitées (feu vert). 4C est essentiellement orienté vers les besoins de l’industrie du café et les attentes d’une clientèle au fort pouvoir d’achat et intéressée au développement durable, mais se laissant convaincre par des slogans superficiels. C’est un instrument de marketing dont l’industrie profite bien plus que les producteurs et productrices. En Suisse, Coop fait partie, à côté de Nestlé, des membres fondateurs de 4C.

Utz Certified: contrôle de provenance possible Le label Utz certified a été conçu en 1997 par un détaillant de café hollandais, de concert avec des producteurs de café guatémaltèques; il est entre-temps devenu une fondation indépendante. Dans la langue des mayas, «Utz» signifie «bon». Le label se définit lui-même comme un partenariat entre producteurs, commerçants et torréfacteurs. L’objectif est d’encourager simultanément une caféiculture durable, respectueuse de l’environnement et des êtres humains, en tenant compte des impératifs du marché.27 Contrairement au label 4C, Utz Certified permet la traçabilité du café. En d’autres termes, les sacs sont marqués et on peut remonter jusqu’à leur lieu d’origine, ce qui est prépondérant pour déceler des violations comme le travail des enfants. Les droits fondamentaux du travail doivent être respectés sur les plantations. Utz ne fixe cependant ni prix minimum garanti, ni prime de commerce équitable. De plus, à l’instar de Max Havelaar, il ne prescrit pas de standards sociaux pour les étapes postérieures à la culture du café. En Suisse, Migros commercialise du café certifié selon les critères Utz, soit actuellement 90% de son assortiment.28

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http://www.migros.ch/fr/services/provenance/cafe-utz.html

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Rainforest Alliance: 30% de contenu certifié suffit

nouer des «partenariats de longue haleine» avec les cultivateurs et cultivatrices, sans préciser leur teneur et si les paysan-ne-s peuvent en tirer une quelconque sécurité pour eux.

À côté de 4C, Rainforest Alliance est le principal partenaire de Nestlé en matière de production de café. L’organisation, qui arbore la grenouille comme symbole, est régulièrement critiquée comme «Fair Trade light».29 Elle exige certes des standards en termes de protection de l’environnement et entend assurer de «bons salaires», mais sans garantir des prix de prise en charge minimums. De plus, les produits dont 30% des composants proviennent d’exploitations certifiées peuvent déjà arborer le sceau Rainforest. Cela signifie que des multinationales comme Nestlé peuvent compléter leur café avec jusqu’à 70% de fèves non certifiées, sans devoir ôter la grenouille de l’étiquette.30

Claro vend des produits négociés aux conditions du commerce équitable provenant de petits producteurs et productrices de l’hémisphère sud. Ces produits remplissent soit les directives de l’Association européenne de libre-échange (AELE), soit celles de l’Organisation internationale du commerce équitable FLO. Mais le contrôle n’est pas systématiquement mené par une agence indépendante.

Quel est le meilleur label?

Nespresso AAA Sustainable Quality Program: grandiloquent et creux C’est en 2003 que Nestlé a créé son «Nespresso AAA Sustainable Quality Program». Dans le cadre du programme AAA, les paysanne-s se voient offrir une formation continue, des cours d’agriculture durable et un perfectionnement de leurs connaissances de gestion. Nestlé a, de surcroît, conclu une alliance avec l’ONG Rainforest Alliance (voir plus haut), laquelle doit veiller à ce que les paysan-ne-s collaborant avec Nestlé respectent les prescriptions en matière de protection environnementale (notamment recours parcimonieux aux pesticides ou gestion économe de l’eau). Mais les informations données sur Nestlé AAA sont opaques. La multinationale dit seulement que seuls entrent en ligne de compte, pour le programme en question, des producteurs et productrices de terroirs de pointe respectant les conditions définies par Rainforest Alliance et attentifs à des critères comme le travail du sol, les pratiques de récolte et l’entretien des plantes. De plus, Nestlé exige un mode de recours aux engrais – pas décrit plus en détail –, des mesures économisant l’eau et la protection de la biodiversité. Les familles de caféiculteurs et caféicultrices doivent par ailleurs disposer de maisons acceptables, et leurs enfants avoir accès à l’éducation scolaire et aux soins de santé. Les sacs de grains AAA sont marqués pour en assurer la traçabilité; Nestlé garantit que chaque participant-e reçoit «au moins 75%» du prix du marché mondial. La multinationale entend ainsi

http://www.spiegel.de/wirtschaft/unternehmen/0,1518,665977,00.html http://www.rainforest-alliance.org/agriculture/faq-fairtrade. Il faut dire sans ambages que le produit contient aussi des composants non certifiés. 31 «Hintergrundbericht Labels für Lebensmittel», octobre 2010: http://assets. wwf.ch/downloads/hintergrundbericht_labelratgeber_2010_lowend.pdf 32 «Evaluation of corporate social and environmental performance», 2011: http://issuu.com/heclausanne/docs/hec-en-bd. Le label Claro n’a pas été examiné dans le cadre de cette étude.

Claro commerce équitable

Dans les conseils qu’il dispense, sur la base d’études périodiques, le WWF estime que seuls les labels Max Havelaar et Claro méritent d’être recommandés pour garantir un commerce équitable.31 Dans une étude publiée récemment, l’Université de Lausanne a comparé les labels entre eux. 4C – partenaire majeur de Nestlé – s’en tire le moins bien. 4C a été créé par l’industrie du café, n’est guère plus qu’une enseigne au nom ronflant et permet aux multinationales d’imposer leurs conditions aux paysan-ne-s. La force du label Rainforest Alliance réside dans la protection environnementale, mais il s’avère moyen en termes de standards sociaux. L’Université de Lausanne estime que le label Max Havelaar est, clairement, le meilleur et le plus fiable sur le plan des standards sociaux.32 Il s’agit du seul concept offrant une garantie de prix minimaux aux caféiculteurs et caféicultrices, leur assurant ainsi de survivre même durant les périodes difficiles.33

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33

30

L’idée du commerce équitable recouvre aussi la protection de l’environnement. En matière d’écologie, Max Havelaar défend une culture préservant l’environnement, la biodiversité et le recours contrôlé aux ressources naturelles, ainsi que la gestion des déchets. La culture biologique n’est pas impérative, mais encouragée. 57% du café certifié Max Havelaar en Suisse provient d’une culture biologique.

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4. Nestlé – too big to be fair? Chaque année, Nestlé transforme près de 10% de la production mondiale de café. Elle en tire notamment ce produit de masse qu’est le café instantané, et celui de luxe que constitue le Nespresso. Dans le secteur des capsules, la société détient une part de marché de 65% en Suisse.34 Pour le café instantané, les parts de marché sont supérieures encore, 80% au Mexique par exemple.35 Nestlé représente l’archétype d’une industrie qui ne se soucie pas des producteurs et productrices, mais les rend dépendants et les exploite.

Que gagne Nestlé avec les capsules Nespresso? Si l’on calcule par extrapolation à partir du prix de 50 centimes par capsule, le kilo de café Nespresso – pour un contenu de 5 grammes de café – coûte 100 francs36, donc 7 fois plus que le prix moyen d’un kilo de café dans le commerce de détail. Un prix exorbitant, qui permet des bénéfices en proportion: les coûts de production des capsules sont d’environ 20 francs le kilo. Déduction faite des coûts de production, sans la commercialisation, il reste à la multinationale une marge brute de près de 66 francs par kilo de café Nespresso commercialisé.37

www.procafe.weserve.ch/file/mediacorner/Pressespiegel_01_2011.pdf, p. 21 www.maketradefair.com/en/assets/english/MexicoPerez-.pdf, p. 11 36 Article de Ktipp 5/2003: http://www.ktipp.ch/themen/beitrag/1017147/ Kaffee_zum_zehnfachen_Preis; calcul actualisé. 37 La production d’une capsule coûte environ 10 centimes. À raison de 5 grammes de café par capsule, cela donne 200 capsules par kilo, multiplié par 10 centimes égale 20 francs. La multinationale doit calculer environ 7 francs par kilo pour le transport, la torréfaction, les taxes, etc. À cela 34

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Des marges aussi énormes sont scandaleuses. Les cultivateurs et cultivatrices de café doivent bénéficier d’un revenu décent. Une capsule Nespresso issue du commerce équitable coûterait 52 au lieu de 50 centimes – soit seulement 2 centimes de plus.38

Quelle est la position de Nestlé sur le commerce équitable? Nestlé est le plus grand groupe alimentaire au monde et l’un des plus importants acheteurs mondiaux de café vert. Sa responsabilité vis-à-vis du marché du café, ainsi que de la situation de ses productrices et producteurs, est donc de taille. La multinationale tente de prouver qu’elle assume cette responsabilité avec son produit phare et à succès Nespresso. Nestlé appelle son engagement pour la marque à la mode «Une Aventure Passionnée en Quête d’Excellence».39 Non sans raison! Ce produit est synonyme de bénéfices et de croissance supérieurs à la moyenne: depuis 2000, le volume des ventes de Nespresso bondit chaque année de 20 à 30%. En 2010, le Nespresso a engendré un chiffre d’affaires de 3 milliards de

s’ajoute le prix d’achat du café, à nouveau à 7 francs le kilo, y compris le supplément de qualité. En tout, on en arrive donc, pour la multinationale, à des prix de revient de 34 francs le kilo. Marge résiduelle à raison de 100 francs le kilo: 66 francs. 38 Calculs par Solidar Suisse. 39 Nespresso-Factsheet 2009: http://www.nespresso.com/mediacenter/xml/ int/resources/pdf/2009_FACT_SHEET_FR.pdf

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francs à l’échelon planétaire.40 Avec ses capsules, Nestlé promet à sa clientèle une «expérience café sans précédent», basée sur l’utilisation des variétés de café les plus nobles et les plus rares et sur un engagement en faveur de la durabilité.41 Nestlé s’engage effectivement pour les producteurs et productrices de fèves de café Nespresso; elle leur verse des prix supérieurs à la moyenne atteignant 75% du prix sur le marché mondial. Simultanément, le groupe tient aussi compte du souhait croissant des consommateurs et consommatrices d’acheter des produits respectueux de l’environnement et des normes sociales minimales. Le «programme AAA Nespresso», créé par Nestlé, a pour ambition de concurrencer le concept du commerce équitable. Nestlé s’est elle-même engagée à produire, d’ici à 2013, 80% du café utilisé pour les capsules Nespresso en conformité avec ces directives.42 Elle appelle cela «creating shared value»: les producteurs et productrices, la clientèle, le groupe et les actionnaires doivent en bénéficier.43 À y regarder de plus près, le programme AAA de Nestlé n’a toutefois pas grand chose en commun avec un café «certifié commerce équitable»: • Dans le commerce du café, il est usuel de verser un supplé ment sur le prix du marché mondial pour des fèves de qualité supérieure. • La logique du commerce équitable repose sur un prix minimum octroyé même si les prix sont très bas sur le marché mondial. Le programme AAA ne prévoit pas de clause de ce genre. • Le commerce équitable du café assure des relations commer ciales stables et offre des perspectives aux paysan-ne-s en vue d’une amélioration durable de leurs conditions de vie. Nestlé ne fournit pas de telles garanties à ses producteurs et productrices. Le programme AAA n’inclut donc aucun des principes de base de l’idée du commerce équitable telle qu’elle est par exemple concrétisée par Max Havelaar. Nestlé met la qualité du café, ainsi que les exigences d’une clientèle moderne et consciente des enjeux écologiques, sur le devant de la scène. C’est ce que souligne aussi la «trilogie» du concept Nespresso. D’après Nestlé, elle se fonde sur un «café grand cru parfaitement conditionné, un large éventail de machines à café intelligentes et un service à la clientèle raffiné et personnel fourni par le Club Nespresso».44 Les caféiculteurs et caféicultrices ne sont pas mentionnés du tout comme véritable assise du concept.

40 Communiqué de presse du 18.03.2011: http://www.nespresso.com/ mediacenter/index.php?page=international-press-detail&id=1 41 http://www.nespresso.com/precom/nmag/8/pdfs/de/nm8i_68_75_DE.pdf, http://www.nestle.com/CSV/CreatingSharedValueCaseStudies/AllCase Studies/Pages/Ecolaboration-Nespresso-platform-sustainable-innovation.aspx 42 http://www.nespresso.com/ecolaboration/article/8/2053/coffee.html 43 http://www.nestle.com/CSV/Pages/CSV.aspx 44 http://www.nespresso.com/ch/fr/pages/aboutus 45 Michael R. Solomon, Consumer Behaviour: A European Perspective, Essex, 2010, p. 229 (voir: http://books.google.ch/books) 46 http://www.nestleprofessional.com/australia/en/SiteArticles/Pages/ NESCAFEPartnersBlend.aspx

Nestlé elle-même se montre hésitante dans son approche du commerce équitable. La multinationale achète, chaque année, 2000 tonnes de café de production du commerce équitable et les transforme en cafés cependant uniquement disponibles en Angleterre; on veut parler de la variété «Partner’s Blend». Le café issu du commerce équitable ne représente toutefois que 0,02% de la quantité totale de café transformée chaque année par la multinationale.45 Nestlé se dit néanmoins convaincue des vertus du commerce équitable, par exemple dans sa publicité pour «Partner’s Blend»: «Partners’ Blend is not just exceptionally good coffee – it’s exceptionally good coffee that is good for the farmers, their families and their communities (…). So every sip is that much more satisfying.»46

Comment Nestlé se rend impopulaire auprès des producteurs et productrices de café: le plan Nescafé En automne 2010, Nestlé a lancé, au Mexique, le Nescafé Plan47 regroupant tout l’engagement de la multinationale autour du thème du café. Ce plan formule diverses exigences visant à optimiser toute la chaîne d’approvisionnement du café. La multinationale entend, entre autres, offrir à ses producteurs et productrices 220 millions de plants de café au rendement élevé, résistants aux maladies de la variété Robusta. Mais ce qui donne l’impression d’un geste généreux est, en définitive, un cadeau empoisonné. Seule la multinationale y trouve un avantage: pour Nestlé, le Robusta joue un rôle toujours plus en vue, puisque la vente de café instantané – exclusivement produit à base de fèves Robusta – explose, dans les pays émergents surtout. Dans ce contexte, la qualité importe moins que la quantité. De plus, les grains Robusta peuvent être obtenus à des coûts bien moindres: sur le marché mondial, ils ne coûtent qu’un tiers de ceux de la variété Arabica. Nestlé encourage donc par tous les moyens la plantation de Robusta.48 Mais les paysan-ne-s n’y trouvent pas leur compte. Exemple au Mexique: Nestlé domine le marché de ce pays. Elle livre 80% du café instantané, lequel représente à son tour 80% de la consommation nationale globale de café. À l’avenir, Nestlé entend récolter, dans la seule région de Tezonapa, une des plus importantes zones de culture de café du pays, jusqu’à 60 millions de kilos supplémentaires de café Robusta.

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http://www.nescafe.co.uk/sustainability_en_co_uk.axcms La surabondance de Robusta que projette Nestlé comporte d’autres désavantages: la variété Robusta doit au contraire de l’Arabica être cultivée en plein soleil. Alors que l’Arabica pousse à l’ombre des arbres, le Robusta a besoin de terres ouvertes profitant d’un ensoleillement maximal. Vu la hausse de la demande de café, il faut donc défricher des surfaces forestières supplémentaires. À Sumatra, la multinationale a montré qu’elle n’hésitait pas à acheter du café cultivé dans la forêt tropicale protégée voir: http://singapore.panda.org/news_stories/?91840/Illegally-growncoffee-threatens-tiger-habitat-in-Indonesia.

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Que Nestlé n’assortisse le cadeau ni de prix ni d’écoulement garantis ne convient guère aux campesinos. La surabondance de Robusta entraînera une chute massive des prix du café Arabica et provoquera une «nouvelle crise du café» dans le pays, selon l’Association mexicaine des organisations productrices de café (Coordinadora Nacional de Organizaciones Cefetaleras).49 Pour résumer: Nestlé est accusée de «concurrence déloyale». Avec cette politique agressive, Nestlé pratique une concurrence d’éviction: les paysan-ne-s qui reçoivent des plants de Robusta peuvent compter sur des plantes à fort rendement et résistantes aux maladies. Celui ou celle qui n’obtient rien se trouve dans une situation difficile, doit acheter les jeunes plants à ses frais et perd une bonne partie de sa capacité concurrentielle. Pour nombre de producteurs et productrices, cela peut signifier la disparition pure et simple de leur exploitation.

Exploitation – what else? Nestlé place la qualité du café et la satisfaction de ses actionnaires au-dessus du sort des producteurs et productrices de café. Alors que la publicité maison pour les produits Nespresso montre des caféiculteurs et caféicultrices bronzés, souriant à la caméra et tenant des fèves de café mûres dans leurs mains, la réalité est bien différente. Nestlé achète notamment des fèves à des plantations où des enfants sont exploités et où la main-d’œuvre engagée pour la récolte reçoit des salaires de misère. Un film récent de la chaîne ARD l’illustre bien.50 Il montre des journaliers ne recevant pas plus de 3 euros et des enfants portant des sacs de café de 50 kilos. L’un des acheteurs des cerises de café est Nespresso.

49 http://www.imagenagropecuaria.com/articulos.php?id_art=1039&id_ sec=11, 16 mai 2010 50 http://www.daserste.de/doku/beitrag_dyn~uid,tu4nji1fvo4oxh19~cm.asp 51 Communiqué de presse du 16.01.2011: http://www.worldwildlife.org/who/media/press/2007/WWFPresitem903.html

Nestlé pille la forêt tropicale. En 2007, le WWF a révélé comment, à Sumatra, la multinationale achetait du café illégalement cultivé sur des surfaces de forêt tropicale essartées.51 Nestlé essaie de gommer le gros déficit d’image que cela a signifié pour elle en se mobilisant maintenant pour la certification de son café. Nestlé se comporte de manière moins sociale qu’elle le dit. Nestlé entend, d’ici 2015, acheter un total de 180’000 tonnes de café conformes au standard dit 4C directement aux paysan-ne-s – en court-circuitant les intermédiaires. De plus, 90’000 tonnes doivent, d’ici 2020, être certifiées par l’organisation internationale de protection de l’environnement Rainforest Alliance.52 Même si Nestlé devait concrétiser ses intentions, seule une part limitée du café ferait l’objet d’un contrôle de production strict. De surcroît, avec 4C et Rainforest Alliance, la multinationale a choisi deux partenaires dont la réputation est controversée. À l’heure actuelle, une proportion élevée du café de Nestlé provient toujours de sources qui ne sont pas contrôlable en termes de normes salariales, de travail des enfants53 et de protection de l’environnement. En définitive, Nestlé se dit bien plus verte et sociale qu’elle ne l’est en réalité.

C’est pourquoi Solidar Suisse exige de Nestlé qu’elle adopte un comportement responsable sur le plan social. Soutenez Solidar dans ce combat: www.solidar.ch/cafe

52 Information à la presse d’août 2010: http://presse.nestle.de/presseinfo/nestle_1508/?kid=7 53 Le travail des enfants est largement répandu dans le secteur du café. Au Nicaragua, on estime à 250’000 le nombre d’enfants qui participent à la culture du café. http://www.unhcr.org/refworld/docid/4e37f5982d.html

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Solidar Suisse: une action au quotidien contre l’exploitation Gagner sa vie au Nicaragua, troisième pays le plus pauvre d’Amérique latine, n’a rien d’une sinécure. Surtout lorsque l’on est femme, sans formation et mère de jeunes enfants. Le propriétaire d’une plantation décide fréquemment, de manière parfaitement arbitraire, de payer une ouvrière moins que convenu (salaire ordinaire: 4 francs par jour). Il arrive aussi qu’il décide, sur un coup de tête et sans prévenir, de faire trimer ses ouvrières 12 heures par jour. Celles qui osent s’élever contre cet arbitraire risquent d’être aussitôt licenciées et chassées de la plantation avec toute leur famille. Dans les plantations de café au Nicaragua, des dizaines de milliers de femmes vivent et travaillent dans des conditions inhumaines. Elles sont les plus mal loties sur un marché du travail tendu à l’extrême et en souffrent jour après jour. Pour remédier à cette situation, Solidar Suisse s’engage depuis des années au Nicaragua. Avec des partenaires et syndicaux locaux, nous aidons les ouvriers et ouvrières des plantations à défendre leurs droits. Avec succès. L’an dernier, nous avons conseillé plus de 15’000 personnes et sommes intervenus dans plus de 4’000 litiges juridiques, dont 95% ont été tranchés en faveur des employé-e-s. Nous poursuivrons notre engagement aussi longtemps que les propriétaires des plantations ne comprendront pas qu’un ouvrier ou ouvrière agricole n’est pas un esclave et que les multinationales ne verseront pas un salaire décent aux cueilleurs et cueilleuses de café. Projets de Solidar dans le monde

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1. Salvador 2. Nicaragua 3. Bolivie 4. Burkina Faso 5. Mozambique 6. Afrique du Sud 7. Serbie 8. Kosovo 9. Palestine 1 0. Pakistan 11. Sri Lanka 1 2. Chine

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Solidar-Projekte Weltweit

Av. Warnery 10 | CP 1151 | 1001 Lausanne TĂŠl: 021 601 21 61 | Fax: 021 601 21 69 contact@solidar.ch | www.solidar.ch Compte postal: 10-14739-9


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