Solidarité 2/2013

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Numéro 2, mai 2013

POINT FORT Génération sacrifiée? Le magazine de


2 ÉDITORIAL Chère lectrice, cher lecteur, On peut exprimer le chômage en pourcentages, comparer les Mais les chiffres et les analyses démographiques ne sauraient taux nationaux entre eux et examiner les systèmes sociaux à cacher une réalité humaine: des centaines de millions de jeunes l’aune de leur assurance-chômage. On peut être touché ou sont exclus du marché du travail – alors qu’ils rêvent de pouvoir épargné par cette inactivité forcée – et, bien sûr, être heureux subvenir à leurs besoins. que la Suisse connaisse un taux de chôSolidar Suisse veut «un travail décent mage très bas. pour une vie décente». Une exigence Le chômage déploie des effets plus vioessentielle pour tous ces jeunes qui, en lents dans les pays pauvres que dans les raison du chômage, sont privés de nations industrialisées. Cette réalité perspectives. Nombre de nos projets s’explique assez aisément. Les systèmes visent à garantir un avenir. Par exemple d’assurances sociales sont plus solides au Salvador (voir page 9), au Pakistan dans «nos» pays; la grande majorité des (voir page 10) et en Bosnie-Herzégovine personnes au chômage y bénéficie (voir page 12). d’un filet de protection. De plus, la crise Pour Solidar Suisse, des jeunes conéconomique mondiale touche de plein traints à l’inactivité ne sont pas qu’une fouet les personnes les plus démunies, statistique: nous nous engageons, avec Esther Maurer déjà durement frappées par 30 ans de eux et pour eux, en faveur de la justice Directrice de Solidar Suisse néo-libéralisme. Et, dans la plupart des sociale et pour une existence décente. pays pauvres, le chômage des jeunes est Avec votre soutien et grâce à votre bien supérieur au taux de chômage général, car les moins de générosité – dont je vous remercie du fond du cœur! vingt ans y représentent une proportion élevée de la population. Esther Maurer

REVUE DE PRESSE

07.03.2013 «Notre existence est menacée» Au Salvador, le réchauffement climatique augmente l’intensité et la fréquence des catastrophes naturelles. Solidar Suisse y soutient un programme de prévention des inondations. Solidar aide les villages les plus menacés à se protéger des cyclones. «Les habitant-e-s savent déjà comment réagir, souligne la responsable locale du projet, Rocío García de Las Heras. Vu que les catastrophes sont plus fortes, nous œuvrons à renforcer les moyens disponibles.» Le projet permet aussi aux villages de mieux faire entendre leurs revendications – en particulier l’amélioration des digues.

26.02.2013 Une campagne fracassante Le dernier spot de Solidar Suisse fait la promotion d’une initiative contre la spéculation sur les denrées alimentaires. Déjanté et fracassant. Dans un clip diffusé sur Youtube, la vidéo s’en prend à ceux qui jouent avec la nourriture… En d’autres mots: ceux qui s’amusent avec le prix des denrées alimentaires, qui spéculent sur la hausse du blé, de l’orge ou du manioc. Par ce biais, l’ONG soutient activement l’initiative «Pas de spéculation sur les biens alimentaires», lancée en octobre dernier par la Jeunesse socialiste. Le clip de Solidar Suisse ne devrait pas être au goût des banquiers…

24.02.2013 Menaces juridiques contre Solidar La dernière vidéo de Solidar, qui montre un banquier dérobant de la nourriture à une famille africaine, continue à faire des vagues. Une semaine après sa diffusion, Solidar Suisse se retrouve menacée par une plainte: un constructeur automobile italien exige le retrait immédiat du clip. «Nous sommes très heureux que cette grande entreprise condamne la spéculation sur la nourriture», explique Alexandre Mariéthoz. Solidar, qui ne veut pas courir le risque que l’argent de ses donateurs soit affecté à un procès, a remplacé sa vidéo par une nouvelle version, où l’on ne distingue plus la marque de la voiture.


3 POINT FORT Le chômage des jeunes

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Chômage des jeunes: état des lieux et mobilisations dans six pays

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Au Salvador, une boulangerie offre une seconde chance à de jeunes gangsters

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Au Pakistan, après de terribles inondations, des apprentissages offrent des perspectives

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Bosnie-Herzégovine: contre le chômage des jeunes, salons des métiers et formation professionnelle

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POINT DE VUE Vania Alleva: une génération entière de jeunes risque d’être sacrifiée

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POINT FORT

ACTUALITÉ En Bolivie, une table ronde élabore des stratégies pour créer des emplois utiles et durables

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CHRONIQUE

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CONCOURS

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RÉSEAU Nouvelles des OSEO régionales

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Le chômage des jeunes frappe une génération entière. Comment combattre ce fléau? Quelles sont les exigences des syndicats? Que fait Solidar?

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POINT DE VUE La crise économique éloigne les jeunes du marché du travail – une véritable bombe à retardement.

PORTRAIT Au Nicaragua, Lucia Herrera Martínez applique des stratégies novatrices contre les violences conjugales 18

ACTUALITÉ

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Signez l’initiative contre la spéculation alimentaire! Ce jeu mortel doit cesser.

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PORTRAIT Lucia Herrera Martínez associe les hommes à la lutte contre les violences domestiques. Les résultats sont spectaculaires.

IMPRESSUM Editeur: Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Postfach 2228, 8031 Zürich Tél. 021 601 21 61, E-mail: contact@solidar.ch, www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen Solidar Rédaction: Katja Schurter (rédactrice responsable), Rosanna Clarelli, Christian Engeli, Alexandre Mariéthoz, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil Voices Traduction: Irene Bisang, Ursula Gaillard, Milena Hrdina, Interserv SA Lausanne, Jean-François Zurbriggen Correction: Jeannine Horni, Carol Le Courtois Impression et expédition: Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 Schaffhausen Paraît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé et respectueux de l’environnement. Page de titre: Au Salvador, les jeunes aspirent à des perspectives d’avenir. Photo: Frederic Meyer. Dernière page: Signez l’initiative contre la spéculation alimentaire! Photo: Spinas Civil Voices.


4 La jeunesse bolivienne veut mettre son espoir et son enthousiasme au service de la société.

CHÔMAGE DES JEUNES Partout dans le monde, le chômage des jeunes devient un immense problème. Une génération entière risque d’être perdue. Qu’en est-il dans différents pays? Quelles sont les répercussions de ce fléau? Quelles mesures lui oppose-t-on au Pakistan et au Salvador? En Afrique du Sud? En Bosnie-Herzégovine? En Italie? En Serbie? Et en Suisse? Photo: Désirée Good


POINT FORT

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DES ALTERNATIVES À LA MIGRATION Selon les chiffres officiels, 10,7% des jeunes Salvadoriens de 16 à 29 ans étaient sans emploi en 2011 – le chômage constituant un problème central pour cette tranche d’âge. Dans un pays comme le Salvador, les statistiques ne veulent cependant pas dire grand-chose: les emplois formels étant rares, les gens tentent leur chance dans le secteur informel – sans contrat et sans la moindre protection sociale. Le recensement de 2007 a révélé que, dans le département de Cabañas, seuls 32% des jeunes de 16 à 24 ans avaient du travail. Comment s’étonner qu’ils émigrent aux Etats-Unis? Voilà pourquoi Solidar Suisse soutient des initiatives qui offrent des perspectives aux jeunes. Ces projets sont cruciaux, notamment pour les jeunes femmes – «qui, aujourd’hui, se marient et se consacrent au ménage, tandis que leur époux quitte le pays», constate Elizabeth Córdoba du groupe de jeunesse Las Lomas. Dans un atelier de sérigraphie, neuf jeunes femmes et hommes de 13 à 25 ans, au bénéfice de connaissances préalables, acquièrent de l’expérience et se forgent une autonomie financière. «Nous avons déjà vendu quelques produits, souligne Ever Beltrán. Avec notre savoir-faire, nous devrions bientôt pouvoir imprimer les affiches de campagnes électorales.»

Raquel Cañas Coordinatrice de Solidar au Salvador

DES RECORDS DE JEUNES «INACTIFS» Selon l’Institut italien de la statistique (Istat), 37,1% des jeunes de 15 à 24 ans en Italie étaient au chômage en novembre 2012 – et 10,6% à la recherche d’un emploi. Le taux des jeunes qui ne sont ni étudiant-e-s, ni employé-e-s, ni stagiaires (aussi appelés les NEET: Not in Education, Employment or Training), atteint 22,1% dans le pays. L’Italie a ainsi détrôné l’Espagne, qui occupait le premier rang du classement au sein de l’Union européenne et affiche aujourd’hui 20,4% de NEET. Le taux de ces derniers atteint 14,6% en France et en Grande-Bretagne – contre 10,7% en Allemagne. Les coûts engendrés par cette jeunesse en perdition se sont montés à 25,6 milliards d’euros en Italie, soit le record de l’UE. Entre 2005 et 2010, la proportion des jeunes chez qui le statut de NEET est devenu un état durable est passée de 58,7 à 65,2%. Cette évolution prouve que la jeune génération rencontre des

difficultés croissantes à trouver une place d’apprentissage ou de travail. Alors que 26,8% des jeunes sans formation ou sans travail finissaient, en 2005, par décrocher un emploi, ce taux avait chuté à 19,2% en 2010. Vu que leurs chances de trouver un emploi s’amoindrissent, ils sont plus nombreux à reprendre des études (12,9%) et certain-e-s sont passés de la recherche active d’un emploi à l’inactivité (progression de 1,7%). C’est extrêmement préoccupant, car lorsque des jeunes sombrent dans la résignation et se coupent du monde, faute d’y voir des perspectives d’avenir, des répercussions dramatiques pour la société sont à craindre.

Sergio Bassoli Confédération générale italienne du travail CGIL


POINT FORT 7

LE TRAVAIL, SOURCE DE VALORISATION Vendeurs de rue au Nicaragua, paysanne au Sri Lanka ou sérigraphes au Salvador: partout, les jeunes cherchent un chemin vers un emploi stable. Photos (de gauche à droite): Veronica Pfranger, Malith Jayakody, Solidar

MIEUX RÉPARTIR LES RESSOURCES ET LE POUVOIR Au Pakistan, plus de la moitié des habitant-e-s, 56% plus précisément, ont moins de 24 ans. Ce sont surtout eux qui souffrent d’un chômage généralisé. Officiellement, 8% des jeunes de 15 à 24 ans sont sans emploi. Ils sont toutefois bien plus nombreux à gagner leur vie dans le secteur informel. Les chances de trouver un emploi sont minces, surtout à la campagne, où vit 60% de la population. Nombre de jeunes partent à la ville, où ils atterrissent dans des bidonvilles aux conditions de vie inhumaines. Sans travail et sans perspectives, leur frustration grandit. Les jeunes hommes risquent alors d’être attirés par les activités criminelles, tandis que les jeunes femmes n’ont souvent pas l’autorisation parentale de travailler à l’extérieur. Cet interdit repose sur les normes sociales et sur la crainte du harcèlement sexuel. En fin de compte, le chômage des jeunes pèse lourdement sur l’ensemble de la société.

La situation s’explique, d’une part, par l’absence d’un secteur industriel fort et générateur d’emplois. D’autre part, les jeunes sont pénalisés par l’absence de coordination entre les institutions de la formation technique et l’industrie. Il est peu probable que la situation évolue tant que quelques grandes familles domineront l’économie et la politique. Pour initier un changement durable, les jeunes chômeurs devraient s’allier aux employé-e-s de l’industrie et aux nombreux paysan-ne-s, qui souffrent aussi d’un système fondé sur l’exploitation. Des réformes agraires sont nécessaires, afin de distribuer la terre aux agriculteurs. En créant de nouvelles sources de revenus, elles freineraient l’exode rural.

Muhammad Arfan National Students Federation Pakistan

En Suisse, selon l’Office fédéral de la statistique, le chômage des jeunes de 15 à 24 ans s’est situé à 8% en moyenne durant les trois premiers trimestres de 2012. Par rapport à l’Union européenne, qui affiche un taux de 22%, la Suisse s’en sort plutôt bien. Entre 2001 et 2011, le chômage des jeunes n’a pourtant cessé de croître, même dans notre pays. Dans le baromètre des préoccupations du Credit Suisse, le chômage, et surtout celui des jeunes, figurait en tête des problèmes évoqués par la population suisse en 2012. L’exercice d’une profession est très valorisé: pour nombre de personnes résidant en Suisse, c’est un moyen d’identification et d’intégration. S’ils ne trouvent pas d’emploi, les jeunes sont voués à un avenir sans perspectives. Une véritable catastrophe sur le plan économique et éducatif. Divers projets favorisent le passage de l’école à l’apprentissage. Les dix associations régionales OSEO proposent ainsi aux jeunes, et surtout aux migrant-e-s, des semestres de motivation, des préapprentissages ou des cours de qualification, afin de les aider à choisir une profession. Des lacunes subsistent toutefois lorsque les jeunes diplômé-e-s se mettent à la recherche d’un emploi stable. Voilà pourquoi le programme Coaching individuel (CT2) des associations OSEO s’adresse aux jeunes qui peinent à trouver un emploi au terme de leur formation. Il contribue ainsi à combattre le chômage.

Daniel Lüscher OSEO Berne


8 POINT FORT A Zenica, l’organisation bosniaque Zora tient un stand pour informer les jeunes sur les possibilités de formation et d’emploi. Photo: Christoph Baumann

GUÈRE DE CHANCES POUR LES JEUNES FEMMES En Serbie, 22% de la population est sans emploi, le chômage étant particulièrement élevé dans la province autonome de Vojvodine – où il touche 46% des jeunes de 15 à 24 ans. Parmi eux, les femmes sont plus nombreuses que les hommes (44%). Bien qu’elles bénéficient d’une meilleure formation, elles n’ont guère de chances sur le marché de l’emploi. Leur potentiel est ignoré. Tant la Serbie que la Vojvodine appliquent des stratégies contre le chômage des jeunes. Elles sont notamment destinées aux jeunes femmes. Cours de spécialisation et stages visent à faciliter leur accès au monde du travail. On les encourage à devenir autonomes et à choisir des métiers ‹‹non féminins››, dans l’espoir qu’elles arrivent enfin à trouver un emploi. Mais ces efforts demeurent vains. Avec l’appui de Solidar Suisse, l’ONG The Cube a collaboré avec le gouvernement, les syndicats et le patronat, afin de mettre sur pied un programme. Objectif: aider les femmes de 18 à 30 ans à décrocher un emploi. Ces trois dernières années, cent jeunes femmes des zones rurales de la Vojvodine ont suivi des cours pour prendre confiance en elles et apprendre à postuler. Une année après la clôture du programme, un quart des participantes avaient trouvé du travail. L’ONG prévoit désormais d’aider les employeurs et les employeuses à intégrer des personnes insuffisamment formées dans leur entreprise.

Renata Blau The Cube, Novi Sad

LA CRISE DÉTRUIT DES EMPLOIS En Afrique du Sud, la statistique officielle a annoncé, en 2012, que 25% de la population active était sans emploi. S’y ajoutent les 15% ayant renoncé à en chercher un. Sur ces 40% de chômeurs et chômeuses, 73% ont moins de 35 ans. Les gens décrochent en moyenne leur premier poste à 30 ans; jusque-là, ils n’ont pas de revenu. Celui ou celle qui a la chance de trouver un emploi devra le plus souvent s’acquitter d’un travail non qualifié, mal payé et temporaire. Le chômage des jeunes favorise les grossesses précoces, la consommation de drogues, la criminalité et la marginalisation des jeunes. Le taux de chômage élevé a différentes causes. D’une part, l’économie fortement monopolistique et à forte intensité de capital ne crée guère d’emplois. Bien au contraire: entre 2008 et 2010, durant la crise économique et financière, les restructurations ont abouti à la suppression d’un million d’emplois. D’autre part, la tendance (mondiale) étant à la spéculation financière, les investissements dans l’économie réelle se font rares. Contre le chômage des jeunes, l’Etat a misé sur des emplois à durée déterminée et des stages, qui devraient permettre aux jeunes d’accumuler de l’expérience et d’améliorer leurs chances d’insertion.

Jusqu’ici, ces mesures sont demeurées sans effet. Une idée récente propose d’octroyer une réduction fiscale de 50% aux employeurs qui engagent des personnes âgées de 19 à 29 ans – la réduction ne pouvant toutefois excéder 1000 rands (100 francs) par employé-e et par mois. A l’heure actuelle, les syndicats s’opposent à cette idée, car elle incite à remplacer le personnel plus âgé par des jeunes. Par le passé, l’Union syndicale sud-africaine Cosatu revendiquait un moratoire sur les licenciements et la reprise de sociétés en faillite par les ouvriers et les ouvrières. Elle voulait aussi interdire les heures supplémentaires et instituer des allocations de chômage, même pour les jeunes n’ayant encore jamais travaillé. Ces revendications ne sont cependant plus à l’ordre du jour des syndicats traditionnels. Quant aux nouveaux mouvements sociaux, ils n’ont pas encore la force requise pour lutter contre le chômage des jeunes.

Ighsaan Schroeder Casual Workers Advice Office, Afrique du Sud


POINT FORT 9

nous sentons utiles et nous investissons dans notre boulangerie», s’exclame Jairo.

D’ANCIENS GANGSTERS FONT DU PAIN Au Salvador, dans une boulangerie d’Ilopango, des jeunes issus des gangs tentent de se réinsérer. Texte et photo: Ivonne Arquito A première vue, José Daniel Moreno*, 17 ans, est un jeune homme tout à fait ordinaire. Il semble calme et légèrement timide; en cours du soir, il fréquente une classe de cinquième. Son ancienne appartenance à un gang paraît incroyable. «Aucune mère ne souhaite avoir pour fils un criminel», murmure-t-il. José Daniel vit à Ilopango, une des banlieues les plus violentes de la capitale, San Salvador. Depuis que les gangs ont, suite à des négociations menées sous l’égide d’un archevêque, instauré un cessez-le-feu en mars 2012, le nombre de meurtres a diminué d’un tiers à l’échelle nationale. Une trêve fragile. A Ilopango, les meurtres ont légèrement augmenté depuis fin 2012.

Soutien de la commune Angélica Hernández, assistante sociale de la commune d’llopango, est elle aussi convaincue de l’efficacité de ce projet. «Les jeunes sont enthousiastes, ils reprennent confiance en la société. Et cela contribue aussi à améliorer l’image de la jeunesse.» Ce sont les jeunes qui ont eu l’idée de la boulangerie. La commune a rapidement décidé de soutenir ce projet. En collaboration avec Solidar, elle les a aidés à rassembler des fonds et à créer la boulangerie. Ensuite, elle les a conseillés en matière de gestion et leur a fait de la publicité. Image qui colle à la peau Le Salvador compte une population majoritairement composée de jeunes. Or, les perspectives d’emploi y sont rares (voir page 6). Les anciens membres des gangs, parfois tatoués jusqu’au front, ont peu de chances de se réinsérer, car ils sont mis à l’écart par la société. Même lorsqu’ils veulent renouer avec une vie normale, il est très difficile pour eux de se débarrasser de leur image. Et pourtant, ces jeunes confirment que, depuis qu’ils travaillent à la boulangerie, la communauté les soutient. Ils ont changé et la société l’a compris. José Daniel, un ancien «rebelle qui passait son temps à traîner dans les rues», gère aujourd’hui une boulangerie. Les familles de ces

Sentiment d’être utiles José Daniel ne fait plus partie d’un gang. Avec 25 autres jeunes hommes âgés de 15 à 24 ans, il travaille dans une boulangerie. Ce projet a été mis en œuvre fin 2011 par Solidar Suisse et la municipalité d’Ilopango. José Daniel Moreno, Jairo Perez* et Manuel Alexander Vázquez* y «Grâce à la boulangerie, suivent un apprentissage. nous ne traînons plus dans «C’est un projet qui tient la les rues.» route, expliquent-ils. Grâce à la boulangerie, nous ne traînons plus dans les rues.» Ils gèrent leur jeunes s’investissent elles aussi dans le commerce ensemble et s’organisent en projet. «Savoir que nous avons un emploi équipes au fournil, ou font du porte à por- et que nous agissons pour la communaute pour vendre leur pain. La boulangerie té les rassure», conclut José Daniel. leur offre un travail et un salaire. «Nous * Noms modifiés


10 POINT FORT

«BIENTÔT, J’OUVRIRAI MON PROPRE SALON» Les inondations de 2010 ont violemment frappé le nord du Pakistan. Aujourd’hui, des apprentissages novateurs ouvrent des perspectives. Texte et photos: Debora Neumann, Solidar Suisse

«Comme ouvrier du bâtiment, je n’étais pas bon à grand-chose, explique Abase Abbasi. J’ai toujours voulu devenir coiffeur. C’est un métier qu’on peut exercer en ne sachant ni lire ni écrire, mais seulement compter.» Ce jeune homme de 22 ans, qui n’a jamais fréquenté l’école, applique consciencieusement de la mousse à raser sur le visage de son client. Dehors, on entend le bruit du marché de Pir Sabaq. Abase est apprenti au salon de coiffure pour hommes de Mohamed Lal-Zadha.

Un soutien absolument vital Solidar Suisse soutient les victimes des inondations du siècle, survenues en 2010 au nord du Pakistan. En plus d’une aide d’urgence, Solidar s’attache à leur offrir des perspectives. Elle encourage notamment les possibilités de formation et d’emploi pour les jeunes, qu’il s’agisse d’apprentissages ou de mesures permettant de générer des revenus, comme la construction de poulaillers ou de ruches.

Lors des inondations de 2010, le niveau peut rembourser ses dettes. «Je travaille de l’eau est monté jusqu’au toit. à cinq minutes de chez moi, et jamais le Lorsqu’elle s’est retirée, seuls les murs vendredi», ajoute-t-il. Mohamed Lalétaient encore debout. Le salon de coif«On peut être coiffeur en fure était totalement sachant uniquement compter.» détruit. Solidar a apporté une aide financière à Mohamed Lal-Zadha et l’a aidé à Zadha y trouve aussi son compte: «Avant réaliser un business plan, afin qu’il puisse les inondations, j’avais 40 à 50 clients reconstruire l’infrastructure de son par jour. Avec Abase, il m’arrive d’en avoir commerce. La question d’engager un jusqu’à 60.» Et comment Abase Abbasi envisage-t-il son avenir? «J’espère que je apprenti s’est alors posée. pourrai rester encore quelque temps. Puis, lorsque je connaîtrai toutes les fiDu bâtiment à la coiffure Avant d’être apprenti-coiffeur, Abase celles du métier, j’ouvrirai peut-être Abbasi était ouvrier dans le bâtiment. même mon propre salon.» Cependant, une fois ses frais de déplacements professionnels déduits, ses Revenu suffisant pour vivre revenus irréguliers étaient insuffisants La menuiserie d’Alam Gull se trouve sur pour subvenir aux besoins de sa femme, la route qui mène de Charsadda à Agra, de ses deux sœurs et de ses parents. au milieu de nombreux ateliers d’artisans. Mohamed Lal-Zadha l’a embauché Il y a plus de deux ans, son atelier a été comme apprenti, même s’il n’appartient emporté par les inondations. Grâce au pas à la caste des «Nai», celle des coif- soutien financier de Solidar, Alam Gull a feurs. «Il était trop pauvre pour payer le pu le remettre en état, acheter une scie loyer du logement qu’occupe sa famille», et se procurer du bois. Il a pu acheter luimême le reste du matériel. Il avait prévu témoigne M. Lal-Zadha. Avec son salaire d’apprenti de 300 rou- dans son business plan d’embaucher un pies (trois francs) par jour, Abase Abbasi apprenti.


CHRONIQUE

THEMA 11

Hans-Jürg Fehr Président de Solidar Suisse et conseiller national

Merci, Monsieur Alder! En 2009, l’émission télévisée Kassensturz a cloué au pilori le fabricant d’articles de sport Alder+Eisenhut d’Ebnat-Kappel: il avait importé du Pakistan des ballons de football fabriqués par des enfants. Solidar Suisse avait apporté de l’eau au moulin de l’émission, car notre campagne «Non à l’exploitation grâce à nos impôts!» appelait les collectivités publiques à acheter uniquement des biens produits dans des conditions décentes.

Grâce à leur apprentissage, Abase Abbasi et Waseem Mohammad envisagent l’avenir sereinement.

Waseem Mohammad est debout, en plein soleil, et rabote le dessus d’une table. Il travaille à l’extérieur, car l’atelier est réservé aux matériaux et aux outils. Avant les inondations, Waseem Mohammad avait déjà entamé un apprentissage comme menuisier. «Mais les inondations ont tout fichu en l’air. Pour continuer à suivre cette formation, il aurait fallu que j’aille à Charsadda. Or mon salaire couvrait à peine les frais de transport et le loyer. Je suis très heureux

Votre don compte Grâce à votre don de 50 francs, une jeune fille ou un jeune homme pourra, au Pakistan, bénéficier d’une formation d’un mois. www.solidar.ch/pakistan-1

de pouvoir désormais travailler dans mon village, avec des revenus suffisants.» Son salaire journalier de 300 roupies lui permet de nourrir sa mère, ses six frères et sœurs. «Et je peux payer les médicaments de ma mère.» Chiffre d’affaires doublé Alam Gull ne regrette pas sa décision. Avant les inondations, son commerce rapportait environ 7000 roupies (70 francs); avec un apprenti, il peut gagner 12 000 roupies par mois. «Waseem Mohammad a déjà travaillé durant trois mois comme apprenti-menuisier. Son aide est très précieuse.» M. Gull étant très satisfait de son travail, Waseem Mohammad peut envisager l’avenir avec optimisme. «Une fois ma formation terminée, s’exclame-t-il, j’aimerais continuer à travailler dans cette menuiserie.»

L’entrepreneur incriminé m’a invité à visiter son usine et à discuter avec lui. Il se sentait accusé à tort. Il m’a montré des documents censés prouver que son fournisseur n’employait pas d’enfants. Doutant de l’authenticité du certificat, j’ai conseillé à Monsieur Alder de creuser le sujet et de se renseigner auprès de spécialistes qui délivrent et évaluent des certificats à l’échelle internationale. Je suis ensuite resté longtemps sans nouvelles de sa part. Mais je n’ai pas oublié sa promesse d’acheter équitable. Le 1er février de cette année, j’ai reçu le courriel suivant: «J’ai tenu parole: nous avons fini par changer de fournisseur. Depuis mars, nous commercialiserons des produits équitables portant le label Max Havelaar. Cela n’a pas été sans mal, mais nous avons réussi. Cordialement, Robin T. Alder.» Quel plaisir d’apprendre que notre campagne porte ses fruits! Je vous félicite et vous remercie du fond du cœur, Monsieur Alder.


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CHOISIR UN MÉTIER D’AVENIR Jovana Petrovic découvre le métier de coiffeuse, lors d’un salon des métiers.

Les portes de la salle polyvalente de Banja Luka s’ouvrent. Les jeunes qui arrivent en masse s’observent avec curiosité. L’odeur du pain, tout juste sorti du four, attire leur regard vers le stand de la boulangerie Bakal. A côté, les élèves du lycée agricole exposent les formations en production de denrées alimentaires. Ils expliquent aussi les débouchés du secteur.

En Bosnie-Herzégovine, des formations et salons spécialisés aident les jeunes à choisir un métier. Texte: Cyrill Rogger. Photo: Youth Communication Centre

intérêt grandissant, explique Ante Juri Marijanovi, du centre Youth Communication Centre YCC, qui a créé en 2010 le salon des métiers de Banja Luka. Les élèves peuvent avoir un aperçu du métier de mécanicienne ou cuisinière, car nous leur montrons les activités concrètes et les produits finis.»

Des formations inadaptées Pour les jeunes de Bosnie-Herzégovine, Vision concrète du métier les chances d’intégrer le monde du traLa jeune Jovana Petrovic, 13 ans, est ve- vail sont minces. Le taux de chômage nue au salon avec les camarades de sa des jeunes atteint 57% et le système de classe de cinquième. Le métier de bou- formation professionnelle ne correspond langère l’intéresse. Elle est venue se pas aux exigences du marché du travail. renseigner sur cette profession auprès «Lorsque nous avons lancé notre projet des jeunes diplômé-e-s du lycée agri- d’orientation professionnelle, nous voucole: «Boulangère, ce n’est pas un métier lions encourager les jeunes à choisir des formations menant vers des métiers où la main-d’œuvre fait défaut. Nous y sommes parveLes formations doivent nus, raconte Ante Juri. Pour que correspondre aux besoins les formations professionnelles des employeurs. correspondent aux besoins des employeurs, il faudrait qu’elles pour moi. Je n’aime pas me lever tôt», dit- évoluent fortement. Nous sommes, hélas, elle en riant. encore loin du système de formation Ce salon des métiers présente plus de duale existant en Suisse.» 50 professions. Parallèlement aux lycées professionnels, on trouve aussi des Elèves mieux informés entreprises, des associations et Mais le centre YCC a effectué un travail l’administration de Banja Luka. «Convain- remarquable. Alors qu’il y a trois ans, le cre les intervenant-e-s de venir n’a pas choix d’un métier n’était pas un sujet toujours été aisé. Pourtant, d’année en courant dans les écoles, les élèves disannée, cette manifestation suscite un posent à présent de brochures

d’information attractives et d’offres en ligne. Les enseignant-e-s ont intégré des séances d’orientation professionnelle dans leurs cours. De plus, l’engagement de l’équipe du Youth Communication Centre a mis en exergue les insuffisances du système éducatif – ce qui a renforcé les revendications en faveur de réformes en profondeur. Jovana Petrovic, les cheveux savamment tressés, se tient près de la sortie du salon, la brochure d’un lycée technique professionnel à la main. «Ils m’ont bien coiffée, dit-elle, rayonnante. Et ce qu’ils m’ont raconté sur le métier de coiffeuse m’a plu. Mais j’ai encore le temps de me décider. Je reviendrai sûrement l’année prochaine au salon des métiers.»

Faciliter l’accès à l’emploi Le Youth communication Centre YCC, de Banja Luka, est l’une des six organisations partenaires de Solidar en Bosnie-Herzégovine, en Serbie et au Kosovo. Ces organisations offrent des services qui facilitent l’insertion des jeunes. Elles font pression pour institutionnaliser l’accès à l’emploi et réclament des réformes de la formation professionnelle. Solidar encourage aussi le partage d’expériences et de savoir-faire entre les trois pays. www.solidar.ch/bosnie-herzegovine


POINT DE VUE 13

UNE BOMBE À RETARDEMENT Le chômage des jeunes frappe le monde entier. La politique et l’économie doivent unir leurs efforts, afin d’éviter une génération sacrifiée. Texte: Vania Alleva, co-présidente du syndicat Unia

Depuis l’irruption de la crise financière, en 2008, le chômage des jeunes prend des dimensions gravissimes à l’échelle mondiale. La crise a exercé des effets foudroyants, notamment dans le Sud de l’Europe. Une génération entière se retrouve face au vide, sans perspectives. Si nous n’agissons pas rapidement, nous irons au-devant de tensions sociales considérables.

chômage de longue durée a augmenté: si, en 2007, 28,5% des jeunes chômeurs restaient sans travail pendant six mois et plus, ce taux a atteint 35% en 2012. Dans certains pays, la situation est particulièrement désastreuse: en Espagne et en Grèce, un jeune sur deux est sans emploi.

Hausse du travail précaire En raison de la crise, beaucoup de jeunes trouvent au mieux un emploi préExplosion du chômage des jeunes Sur le plan mondial, près de 74 millions caire, mal payé, ou de durée limitée – et de jeunes âgés de 15 à 24 ans étaient vite perdu. Dans bien des pays, la proporsans emploi en 2012 – un chiffre qui tion de jeunes qui restent des années correspond à la population de la Turquie. inactifs est en augmentation; faute Les données publiées tout récemment d’expérience professionnelle, ils n’ont par l’Organisation internationale du tra- plus aucune chance d’intégrer le marché vail (OIT) sont alarmantes et aucun chan- de l’emploi et perdent tout contact avec gement ne se dessine à l’horizon. le monde du travail. Une génération L’inactivité professionnelle va de pair sacrifiée! avec une exclusion du marché du travail. Chômage et inactivité forment un cockLe nombre de jeunes est en augmenta- tail explosif. Que faire? Les milieux politiques et économiques doivent, de toute tion et leur taux d’activité en baisse. urgence, intervenir pour combattre le chômage des «Chômage et inactivité jeunes et, en particulier, le forment un cocktail explosif.» chômage de longue durée. L’OIT préconise une série de Dans les pays industrialisés, le taux de mesures spécifiques: resserrer les liens chômage est passé, de manière drama- entre les secteurs de la formation scotique, de 13 à 17%. Simultanément, le laire, de la formation professionnelle et le

monde du travail – ce qui améliorerait les chances des jeunes preneurs d’emploi; privilégier la formation professionnelle technique par le biais de l’apprentissage professionnel; ou encore introduire une garantie d’emploi pour les jeunes. Renforcer le système suisse Et en Suisse? Vu le contexte mondial actuel et la persistance de la crise, le système suisse de formation professionnelle, qui a fait ses preuves, doit être non seulement maintenu, mais renforcé. Les syndicats défendent plusieurs revendications sur l’apprentissage et l’intégration dans le monde du travail. Leur objectif central: qu’au moins 90% d’une volée obtiennent un certificat de fin d’apprentissage ou un diplôme délivré par une haute école. Chaque branche professionnelle doit se porter garante de la qualité de la formation professionnelle qu’elle dispense. Et puis, il y a aussi des progrès à faire pour garantir l’égalité entre hommes et femmes, car le choix d’une profession reste tributaire de stéréotypes liés au sexe. Enfin, pour que les jeunes en phase d’apprentissage ou en emploi appartiennent de plein droit au monde du travail, il faut qu’ils soient mieux protégés par la législation sur le travail et les conventions collectives.


14 BRÈVES Sri Lanka: soutien aux personnes migrantes

Le rapport annuel 2012 est arrivé! Solidar Suisse a traversé une année placée sous le signe du succès et présente des résultats positifs. Nos donatrices, donateurs et membres y ont généreusement contribué: les dons ont bondi de près de 7%. Merci de tout cœur, une fois encore, pour votre solidarité! Pour commander le rapport annuel: contact@solidar.ch

Près de 250 000 personnes quittent chaque année le Sri Lanka à la recherche d’un travail, le plus souvent dans les Etats du Golfe. Cette décision leur permet de soutenir leurs familles, en envoyant régulièrement de l’argent. Mais émigrer comporte des risques considérables: nombre de migrant-e-s sont abusés par des agences de recrutement ou des employeurs – et contraints à des horaires démentiels. La majorité des émigrant-e-s sont des femmes, souvent employées comme domestiques, et fortement exposées aux abus sexuels. Vu son engagement de longue date dans le nord du Sri Lanka et son expertise en matière de mesures génératrices de revenus, Solidar Suisse s’est vu confier un mandat de trois ans par la Direction du développement et de la coopération (DDC). Objectifs: informer les travailleuses et les travailleurs des

Bulgarie: vers une meilleure gestion des conflits La Bulgarie a parfois mauvaise réputation. Les relations de travail y génèrent souvent des tensions sociales. Dans le cadre de la contribution suisse à l’élargissement de l’Europe, le Ministère bulgare du travail examine, avec le soutien de Solidar, comment faire en sorte que les entreprises assument mieux leurs responsabilités sociales. Une politique bulgare de «corporate social responsability» doit être élaborée, en concertation avec des entreprises, des syndicats, des ONG et le Ministère du travail. Divers processus sont prévus pour une meilleure gestion des conflits du travail. La mise en place d’un système d’information doit permettre à toutes les parties potentielles en conflit d’avoir accès à l’ensemble des informations pertinentes. Des concepts pour l’institution d’un organisme paritaire dans la formation professionnelle et spécialisée sont en outre élaborés avec les partenaires sociaux.

Burkina Faso: ruée vers l’or Ces dernières années, la fièvre de l’or s’est emparée du Burkina Faso. L’or représente aujourd’hui 64% des exportations du pays. Mais ce métal précieux n’est pas seulement exploité industriellement. La population locale en recherche également dans des mines improvisées. A Zincko par exemple, dans la province de Sanmatenga – où Solidar Suisse soutient

risques de l’émigration, créer des centres d’écoute avec des représentant-e-s de communautés locales et soutenir les familles en détresse. www.solidar.ch/srilanka_migration

des projets, un véritable village d’orpailleurs a vu le jour, avec bar, restaurant et coiffeur. Le sol est perforé, jusqu’à 30 mètres de profondeur parfois. Les orpailleurs escaladent les parois de ces cavités. Des machines taillent les pierres, remontées ensuite à la surface afin d’en extraire le précieux métal. Les orpailleurs ne portent aucun vêtement de protection et les accidents sont monnaie courante. Quand une poussière d’or est mise au jour, tout le sol alentour est retourné. Perforées de toutes parts, les élévations menacent ensuite, par temps de pluie, d’ensevelir les hommes sous des glissements de terrain. Des problèmes graves sont aujourd’hui observés. Par exemple, moins d’enfants vont à l’école, parce qu’ils ne sont pas surveillés – leurs parents étant occupés au lavage de l’or ou à préparer des repas. Il arrive aussi que des enfants recherchent eux-mêmes de l’or.


ACTUALITÉ 15 Des allègements fiscaux ont permis à Adela Aruquipa de se mettre à son compte.

UNE ÉCONOMIE AU SERVICE DES GENS En Bolivie, syndicats, patronat et autorités tirent à la même corde. Objectif: créer des emplois durables. Texte et photo: Martín Pérez, Solidar Suisse

El Alto – un faubourg de La Paz situé à 4000 mètres d’altitude – est considéré comme le «berceau des luttes sociales» en Bolivie. C’est la ville la plus jeune du pays, celle où la croissance démographique annuelle (5,1%) est la plus forte. Elle abrite un million de personnes, des indigènes aymaras pour la plupart. Le taux de chômage officiel est de 7%. Mais ce chiffre ne signifie pas grand-chose, dans un pays où 75 à 80% de la population travaille dans le secteur informel, sans le moindre contrat. «Une bonne vie» A El Alto, Solidar a réuni les autorités, les représentant-e-s de la société civile, les syndicats et le patronat autour d’une même table. En collaboration avec la fondation INASET, spécialisée dans la promotion de PME et dans le droit du travail, nous favorisons les synergies, afin de créer des emplois durables – et dignes. Car, depuis 2010, une loi oblige les communes à encourager le développement économique local et à intégrer la société civile à ce processus.

La réflexion des acteurs réunis autour de exercer une autre activité, mieux rémula Table ronde d’El Alto dépasse la pen- nérée, avec une assurance maladie et sée économique dominante, centrée sur des vacances. Pour l’instant, je n’ai rien le profit immédiat. Tous veulent créer des de tout cela.» L’espoir d’un emploi digne conditions de travail dignes pour que les est déjà devenu réalité pour Adela Arugens aient «une bonne vie», comme ils quipa, qui a ouvert une petite fabrique de disent, un concept intégrant les valeurs chandails de laine. «Grâce à la Table indigènes de réciprocité et de rapports ronde, les petites entreprises comme la harmonieux avec la nature. Ils estiment mienne n’ont pas à payer d’impôts. J’ai que la création d’emplois dignes est prioritaire pour le dévelopLa «bonne vie» est basée pement durable de la commune. sur la réciprocité et Cet objectif contraste avec la l’harmonie avec la nature. politique nationale, qui encourage l’exploitation humaine et l’exportation de matières premières. Une donc pu former et engager deux jeunes politique qui, en l’absence de toute indus- femmes. Elles sont salariées et assurées trie de transformation, ne suscite aucune en cas de maladie.» A l’instar de Juan Apaza et d’Adela création d’emplois. Aruquipa, beaucoup de travailleuses et travailleurs locaux placent de grands Allègements fiscaux Travailleuses et travailleurs d’El Alto espoirs dans les initiatives de la Table tiennent à ce dialogue. Juan Apaza, 29 ronde. Ses premières réussites inspirent ans, qui vend des appareils électroniques aussi d’autres villes boliviennes. Elles les dans la rue, a entendu parler des propo- encouragent à expérimenter de nousitions formulées par cette Table ronde. veaux modèles de production, de parti«Comme vendeur de rue, j’aimerais bien cipation et de rémunération.


16 CONCOURS LE SUDOKU DE SOLIDAR 8

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Envoyez la solution à Solidar Suisse via le talon-réponse ci-joint, sur une carte postale, ou par e-mail à contact@solidar.ch, sujet «sudoku». Toutes les réponses correctes participent au tirage au sort.

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Règles du jeu Complétez les cases de la grille avec les chiffres de 1 à 9, afin qu’il n’y ait aucune répétition et aucun doublon dans chaque colonne, ligne et carré de 3x3. La solution se trouve dans les cases grises lues horizontalement, selon l’équivalence ci-dessous: 1=E, 2=V, 3=C, 4=S, 5=R, 6=T, 7=P, 8=S, 9=I

Prix Trois verres de Chutney (cocktail de légumes confits). Les prix sont offerts par le projet SalSAH de l’OSEO Zurich.

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La date limite d’envoi est le 10 juin 2013. Le nom des gagnant-e-s sera publié dans Solidarité 3/2013. Le concours ne donne lieu à aucune correspondance, ni à aucun recours. Le personnel de Solidar n’a pas le droit d’y participer. La solution de l’énigme de Solidarité 1/2013 était «catastrophe». Esther Guidon, résidant à Aesch, Raymonde Gaume, du Noirmont, et Jacqueline Hottelier, de Plan-les-Ouates, ont chacune gagné un bon gebana. Nous remercions vivement tou-te-s les participant-e-s au jeu, ainsi que gebana pour les prix offerts.

TRANSFORMEZ LE DEUIL EN ESPOIR

Lors d’un décès, transformez les condoléances en espoir pour les plus démunis. Ecrivez par exemple: «A la place de fleurs, pensez à Solidar Suisse, 1001 Lausanne; Compte postal 10-14739-9; IBAN CH49 0900 0000 1001 4739 9». Merci de tout cœur! Notre collaborateur Stéphane Cusin vous renseignera très volontiers: 021 601 21 61 ou stephane.cusin@solidar.ch


RÉSEAU 17 Cette rubrique constitue la plateforme des organisations de notre réseau. On y trouve des informations sur les associations régionales de l’OSEO, qui dispensent notamment un soutien aux personnes sans emploi et aux migrant-e-s. Une longue histoire et des racines communes unissent Solidar et les OSEO régionales.

Suisse centrale: 10e fête interculturelle Le 8 mars, à l’enseigne de «Rencontre et danse», Migration Co-Opera de l’OSEO Suisse centrale a organisé la 10e fête interculturelle des femmes, à Lucerne. Depuis 2004, 40 femmes se sont engagées dans le comité d’organisation. 29 groupes de femmes de tous

les continents ont contribué à un programme plein d’allant; des spécialités de 37 pays ont été servies; sept femmes de cinq pays ont assuré l’animation et plus de 600 bénévoles féminines ont contribué à la réussite de ces rencontres. Cette année, près de 250 femmes ont participé à la fête. www.sah-zs.ch

OSEO Zurich: offre élargie Le restaurant SAHltimboca allonge ses heures d’ouverture: dès le 1er juillet, il ouvrira ses portes du lundi au vendredi, de 8h à 22h. L’Office cantonal de l’économie et du travail a réservé un accueil très favorable à ce projet de l’OSEO Zurich – ce qui a rendu le nouvel horaire possible. La nouvelle MenSAH de l’école Rudolf Steiner à Wetzikon, destinée aux femmes et aux hommes, sera gérée avec SAHltimboca, à l’enseigne de «SAH Gastronomie». Le maintien de l’offre SalSAH, destinée aux femmes, est actuellement à l’étude. L’offre du pool emploi sera aussi largement étendue, avec 40% d’emplois individuels supplémentaires dans chaque branche. Et août marquera le début d’un semestre de motivation des jeunes pour le secteur de la restauration. ww.sah-zh.ch

L’OSEO Vaud fait le buzz Lancées en 2012, à l’occasion de ses 20 ans, les «Interviews de l’OSEO Vaud» – dont la réalisation est entièrement

Yves Ecœur quitte l’OSEO 17 ans à l’OSEO! Jamais je n’aurais pensé, ce 15 janvier 1996, passer de si nombreuses années dans notre ONG. Dans le train qui me ramenait de Zurich, je me demandais où j’étais tombé et réalisais, petit à petit, l’ampleur de la tâche: développer et assurer un futur à une petite structure de sept personnes, basée à Sion. Je n’ai pas été déçu et les projets se sont multipliés durant trois ans. Ensuite, fin 1999, il a fallu redimensionner la structure, suite à la baisse (heureuse!) du chômage. Puis il a fallu initier de nouvelles prestations d’insertion – pour arriver à gérer une structure de plus de 40 collègues en 2010. Au niveau national, je me suis vivement impliqué dans les projets de réorganisation, dont le dernier a abouti à la séparation d’avec Solidar Suisse et à la création de 10 associations OSEO

autonomes. Mes deux participations aux négociations de la CCT, une fois comme employeur et plus récemment en tant que secrétaire de la négociation, m’ont enseigné l’importance d’une collaboration saine entre partenaires sociaux. A la tête du secrétariat national depuis 2009, je termine un cycle et je suis très heureux de transmettre aujourd’hui le témoin. Dès avril, mon défi consiste à compléter l’équipe de consultants de KEK-CDC, à Zurich. Ma passion pour l’intégration pourra s’exprimer dans cette nouvelle fonction – et les contacts avec l’OSEO perdureront. C’est donc plus un «au revoir» que des adieux. Merci pour ces très belles années passées ensemble! Yves Ecœur

assurée par les jeunes de la mesure Inizio – donnent la parole à plusieurs personnalités romandes sur le chômage des jeunes. Le projet se poursuit en 2013, avec une nouvelle interview postée chaque mois sur Internet. L’une des dernières vidéos a été réalisée avec Jean-Christophe Schwaab, président du réseau national OSEO et conseiller national socialiste. Le thème de la prévention est lui aussi mis en exergue. C’est ainsi que le SeMo Riviera a obtenu le 1er prix du concours

Raid Blue, lancé par la Croix-Bleue Romande. «Pressentiments» est une action de prévention réalisée par des jeunes pour des jeunes. Le message touche. Personne ne reste indifférent devant le parcours de Lisa et les conséquences du choix qu’elle s’apprête à faire, à l’aube d’une nouvelle soirée. Déjà visionné plus de 2500 fois, ce film est un véritable succès. Retrouvez toutes les vidéos de l’OSEO Vaud sur: www.oseo-vd.ch/medias/videos


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UN AUTRE REGARD Au Nicaragua, Lucia Herrera Martínez s’engage au quotidien contre les violences domestiques. Avec des stratégies étonnantes. Texte et photo: Alexandre Mariéthoz


PORTRAIT 19 fient que leur épouse a effectué son contrôle. Et leur regard sur les femmes change. Ils les respectent davantage. De plus, ils acceptent que le thème des violences domestiques soit débattu publiquement. Tout cela contribue à réduire les violences.» Cette évolution progressive des mentalités est le fruit d’un rude combat. Il y a environ cinq ans, Lucia Herrera Martínez a rendu visite à une femme victime d’un cancer. «Son état était critique. J’ai dit à son mari qu’il fallait la transporter à Managua, afin qu’elle y soit opérée. L’homme a lâché les chiens sur moi. Son épouse est finalement décédée du cancer. Quelques mois plus tard, il a pu«Grâce à bliquement demandé hommes pardon. Cet acte de repentir a eu un fort impact sur la communauté.»

Lucia Herrera Martínez s’engage pour que les jeunes reviennent dans les coopératives.

«Je suis très heureuse de rendre à la coopérative ce qu’elle m’a donné.» Lucia Herrera Martínez est vice-présidente de l’Union des coopératives (UCA) de La Dalia, au nord-ouest du Nicaragua. Cette jeune femme de 24 ans, mère d’un garçon de cinq ans, lutte notamment contre les violences sexuelles et familiales – qui constituent un véritable fléau dans la région. Dès l’âge de 16 ans, Lucia Herrera Martínez s’est engagée contre les violences domestiques. «Ce fut très dur. Ici, le machisme est particulièrement fort». «Il a lâché les chiens» La jeune femme a très vite compris l’importance de s’adresser aux hommes. Elle les a notamment sensibilisés via la prévention des cancers du sein et de l’utérus. «Grâce à cette stratégie, les hommes se sentent concernés. Ils véri-

Résultats spectaculaires Au sein de l’Union des coopératives, les questions de genre ont commencé à être abordées en 2000. «Depuis, grâce au travail de nombreuses militantes, un immense chemin a été parcouru. L’examen de l’utérus est accepté. Auparavant, certains hommes refusaient que leur épouse se fasse examiner; en cas d’ablation de la matrice, certains pensaient qu’on allait «vider leur femme». Afin de dissiper ces mythes ancestraux, une coordinatrice a donné l’exemple, en subissant elle-même l’opération.» Désormais, les membres de la coopérative ont saisi l’importance d’un dépistage précoce. Les résultats sont spectaculaires. «Il y a dix ans, au sein de l’UCA, 20 femmes par année subissaient un examen. L’année dernière, ce chiffre a atteint 580.» Prise au sérieux Le destin de Lucia Herrera Martínez est intimement lié à celui de sa coopérative. «A 12 ans, j’ai commencé à assister aux réunions avec mes parents – qui ne savent ni lire, ni écrire.» Très vite, elle est chargée de rédiger les procès-verbaux. Son engagement et son intelligence

frappent la communauté. A 18 ans, elle devient trésorière de sa coopérative – alors que l’âge légal d’admission est fixé à 21 ans. En septembre 2012, elle est élue vice-présidente de l’Union des coopératives de La Dalia. «Ce fut un moment fort. J’ai eu l’impression d’être prise au sérieux en tant que jeune femme.» Retour des jeunes Dans sa nouvelle fonction, Lucia Herrera Martínez, qui a bénéficié d’une bourse de l’UCA pour accéder à l’université, veut contribuer à ce que les jeunes reviennent dans les coopératives. Les premiers résultats sont encourageants: la direc-

cette stratégie, les se sentent concernés.» tion de l’UCA compte désormais cinq jeunes – sur huit membres. «De plus, souligne la vice-présidente, beaucoup de jeunes ont récemment été engagés par la Municipalité locale. D’autres travaillent au Ministère national de l’agriculture; ils dispensent des conseils techniques aux membres des coopératives.» Lucia Herrera Martínez se réjouit de ces succès. «Le retour des jeunes, qui constitue l’une des priorités de Solidar Suisse, renforce nos coopératives. Grâce à leurs compétences, nous sommes mieux organisés. Et donc plus forts.»

Promotion des femmes L’Union des coopératives (UCA) de La Dalia regroupe 12 coopératives, au nord-ouest du Nicaragua. L’UCA est un partenaire essentiel d’un projet de Solidar visant à améliorer les conditions de vie de la petite paysannerie. Il entend notamment introduire une production plus efficace et respectueuse de l’environnement. Le projet met aussi l’accent sur la promotion des femmes et des jeunes. www.solidar.ch/nicaragua-1


LA SPÉCULATION ALIMENTAIRE: UN JEU MORTEL Un milliard d’êtres humains souffrent de la faim, car la nourriture est désormais trop chère. Les principaux aliments de base, comme le riz, le maïs et le blé, coûtent 2,5 fois plus cher qu’il y a 10 ans. La spéculation sur la nourriture a grandement contribué à cette augmentation. Halte à ce jeu mortel! Signez l’initiative «Pas de spéculation sur les biens alimentaires» sur: www.solidar.ch/speculation


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