Solidarité 2/12

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Numéro 2, mai 2012

POINT FORT Economie verte et justice sociale ACTUALITÉ Un soutien inédit au secteur laitier

Le magazine de


2 éDITORIAL

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Chère lectrice, cher lecteur, Dans un mois se tiendra Rio+20, sommet mondial qui doit poser les futurs jalons d’un développement durable. La conférence de 1992 l’avait défini comme un point d’équilibre entre développement économique, écologique et social. Qu’en est-il aujourd’hui? Les inégalités sociales se sont creusées partout dans le monde, même chez nous, et le changement climatique menace l’avenir de la planète. Les effets qui en résultent sont nettement perceptibles dans nos pays partenaires: sécheresses, tempêtes et inondations se multiplient, privant les habitant-e-s de régions entières de leurs moyens de subsistance et les contraignant à émigrer. La précarisation du travail entraîne la main-d’œuvre dans une spirale de la pauvreté: en Afrique subsaharienne, jusqu’à 80 % de la population doit travailler dans le secteur informel pour survivre.

avec nos partenaires et ceux qui nous soutiennent pour nous acquitter de notre mission première: lutter contre la pauvreté et pour la justice sociale. Rio+20 pourra nous y aider si la conférence parvient à promouvoir une économie verte et sociale, qui fait passer le développement durable avant la quête du profit.

Ruth Daellenbach, directrice de Solidar Suisse

C’est sur cet espoir, chère lectrice, cher lecteur, que je prends congé de vous. Je quitterai la direction de Solidar en juin, pour me consacrer à d’autres activités dans le domaine de la coopération au développement. Esther Maurer, qui me succédera, entrera en fonction début septembre. Avec l’appui de toute l’équipe et du comité de Solidar, je lui souhaite plein succès dans sa tâche.

Je tiens encore à vous remercier pour votre fidélité et votre précieux soutien. Ils m’ont toujours motivée à aller de l’avant.

Nous ignorons encore l’apport de Rio+20 pour la coopération au développement. Quoi qu’il en soit, nous continuerons d’œuvrer

Ruth Daellenbach

Revue de presse

27.02.2012 Le sort du Sud est partiellement pris en compte Solidar Suisse mène une campagne pour une politique d’achats publics équitables. Les collectivités publiques sont appelées à ne pas favoriser l’exploitation des gens du Sud. La députée écologiste neuchâteloise Doris Angst relaie la démarche dans le canton. Elle a demandé, en vain, une étude sur la question dans l’administration de l’Etat. Le canton a déjà pris des mesures. Un coordinateur des achats est affecté à cette mission, explique le conseiller d’Etat Jean Studer. Il admet cependant qu’il y a encore à faire. Le débat n’est pas clos.

01.03.2012 «Nous étions en pleine santé» Le plus grand salon de la bijouterie au monde ouvrira bientôt ses portes, à Bâle. Bonne nouvelle: Lucky Gems, une des pires entreprises de la branche, ne sera pas admise parmi les exposants – ce qui fut déjà le cas en 2011. «Sans Solifonds, Solidar Suisse et le syndicat Unia, nous n’y serions pas arrivés», lance Suki Chung, la directrice de Labor Action China. LAC organise régulièrement des campagnes médiatiques à Hong Kong. Dans la province chinoise côtière de Guangdong, elle propose un conseil juridique gratuit et encourage la mise sur pied d’organisations d’entraide ouvrière.

10.04.2012 Une ONG fait danser Blatter Solidar Suisse fait se déhancher le Valaisan sur un air de samba. Le but: dénoncer les conséquences du Mondial 2014 au Brésil. «L’ONG a lancé ce clip pour attirer l’attention de la FIFA sur le non-respect des droits humains au Brésil. Les ouvriers des chantiers du Mondial sont exploités et 150 000 personnes seront expulsées de leur domicile pour laisser la place à des stades ou des hôtels», explique son porte-parole Alexandre Mariéthoz. Solidar Suisse a été le témoin de ce qui s’est passé lors du Mondial 2010 en Afrique du Sud, où l’ONG travaille depuis plus de 25 ans.

POINT FORT «Rio+20»: concilier protection de l’environnement et développement durable

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Un sommet vert de l’équité, au service de la lutte contre la pauvreté?

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Quelle est la contribution de Solidar à l’économie verte?

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Nicaragua: une agriculture novatrice et qui atténue l’impact du réchauffement climatique 8 POINT FORT

POINT DE VUE Ambet Yuson: sans redistribution, pas de développement durable

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JEU & BAROMÈTRE

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«Rio+20»: l’économie verte doit donner un nouvel élan au développement durable. Mais tient-elle compte de la lutte contre la pauvreté?

ACTUALITÉ Notre directrice Ruth Daellenbach quitte Solidar: bilan 13 Kosovo: dialogue social et promotion de la qualité transforment le secteur laitier

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LIVRE Matières premières: la Suisse devient le paradis des prédateurs économiques

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POINT DE VUE

Une profonde redistribution des ressources, sous l’égide d’un Etat fort, est cruciale en matière de développement durable.

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LIVRE

RÉSEAU Nouvelles des OSEO régionales 17 PORTRAIT Burkina Faso: Appolinaire Nana lutte contre la pauvreté dans les zones rurales

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Glencore, et bien d’autres multinationales, violent les droits humains et spolient des pays entiers. Ce scandale doit cesser.

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ACTUALITÉ 18

Au Kosovo, le chômage est élevé dans les campagnes. Solidar mise sur le dialogue et la promotion de la qualité pour relancer l’économie laitière.

IMPRESSUM Editeur: Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Postfach 2228, 8031 Zürich Tél. 021 601 21 61, E-mail: contact@solidar.ch, www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen Solidar Rédaction: Katja Schurter (rédactrice responsable), Christian Engeli, Alexandre Mariéthoz, Friederike Pölcher, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil Voices Traduction: Irene Bisang, Ursula Gaillard, Milena Hrdina, Walter Rosselli, Jean-François Zurbriggen Correction: Jeannine Horni, Carol Le Courtois Impression et expédition: Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 Schaffhausen Paraît quatre fois par an. Tirage 37’000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé. Page de titre: Au Nicaragua, des familles de paysan-ne-s contribuent à la prévention des catastrophes naturelles. Photo: Frederic Meyer. Dernière page: A Rio de Janeiro, plusieurs quartiers seront ‘‘nettoyés’’ en vue du Mondial 2014. Photo: Ricardo Funari Lucia.


POINT FORT 5

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5

RIO + 20 Du 20 au 22 juin, Rio accueillera la conférence de suivi «Rio+20» – 20 ans après le Sommet de la Terre sur le développement durable. Les objectifs de 1992 n’ont pas été atteints. Ils sont donc plus que jamais d’actualité. L’économie verte sera au cœur de la conférence de cette année. De quoi s’agit-il au juste? L’économie verte est-elle en mesure d’encourager la justice sociale et d’éradiquer la pauvreté? Comment Solidar contribue-t-elle au développement durable? Réponses dans notre dossier spécial. Photo: Ming Pao

Une économie basée sur le respect de l’environnement et des droits du travail. Voilà qui changerait le quotidien d’un tailleur de pierres chinois.


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POINT FORT 7

Le développement durable comporte aussi une dimension sociale. Les paysannes pauvres, comme Pascaline Zomodo au Burkina Faso, doivent pouvoir subvenir aux besoins de leur famille.

Travail décent et durabilité l’accès à l’eau, l’alimentation, l’éducation, la santé et un travail décent, tandis que la capacité de charge écologique dessine la limite supérieure. Dans trois cas, à savoir les changements climatiques, la perte de biodiversité et le cycle de l’azote, la ligne jaune est déjà franchie. Ce n’est qu’entre ces deux limites que l’humanité parviendra à survivre à long terme.

Un sommet vert de l’équité? Conférence sur le développement durable «Rio+20»: éradiquer la pauvreté et protéger l’environnement constituent des objectifs complémentaires – et nécessaires.

Le dessin de Corinne Bromundt

Texte: Nicole Werner, Alliance Sud. Photo: Rosanna Clarelli

En juin 2012, trouver une chambre d’hôtel à Rio de Janeiro relèvera de l’impossible. En effet, des milliers de délégué-e-s d’instances publiques et de la société civile du monde entier s’y rencontreront pour la conférence de l’ONU sur le développement durable, organisée une nouvelle fois dans la métropole au Pain de Sucre, 20 ans après le Sommet mondial sur l’environnement et le développement. Thème phare de la réunion: «l’économie verte

dans le contexte du développement durable et de l’éradication de la pauvreté». Ligne jaune déjà franchie On est loin de s’entendre sur la définition de l’économie verte et sur la manière de l’appliquer. Alors que la plupart des nations industrialisées mettent les mesures de protection de l’environnement et des ressources en avant, les pays en développement défendent leur droit au dévelop-

Impact négatif des plus riches Mais ce schéma donne-t-il également une place à la justice? Les limites écologiques ne vont-elles pas sauter si toutes celles et tous ceux qui vivaient jusqu’ici au-dessous du seuil le franchissent? La réponse est claire: non! Pour parvenir à nourrir suffisamment les 13 % de la population mondiale souffrant de la faim, il ne faudrait augmenter que de 1 % l’offre actuelle en denrées alimentaires. Les 19 % de la population mondiale vivant sans électricité pourraient en bénéficier sans accroître de plus de 1 % les émissions globales de CO2. Ce ne sont

pement et exigent davantage de justice sociale entre le Nord et le Sud. Les fronts se raidissent de plus en plus. En fait, ce débat équivaut à se demander si, pour la survie de l’homme, respirer est plus important que se nourrir. Or les deux sont impératifs. Si l’humanité entend assurer sa survie, elle doit apprendre à évoluer entre deux limites. La limite inférieure est tracée par les besoins sociaux fondamentaux comme

pas les nombreux pauvres qui poussent la planète à ses limites écologiques. C’est la consommation excessive des 10 % les plus riches qui fait suer le globe: la moitié des émissions mondiales de CO2 est occasionnée par 11 % seulement de l’humanité. Les nations industrialisées peuvent se permettre d’investir une partie de leurs revenus actuels dans des lendemains respectueux de l’environnement. Mais cela ne vaut pas pour la plupart des pays de la planète. Ils doivent d’abord garantir à leurs populations une existence décente aujourd’hui et créer une marge de manœuvre pour demain. Si «Rio+20» n’en tient pas compte, les Etats peineront à s’entendre sur les mesures si impératives à prendre pour un développement viable. La délégation suisse à Rio doit aussi regarder cette réalité en face et tenir compte des besoins des pays en développement pour imposer ses propres objectifs environnementaux.

Un développement durable et la réduction de la consommation d’énergie sont les objectifs de l’économie verte. Mais si cette dernière doit bel et bien contribuer au développement durable, il faut que la création d’emplois décents, dans les pays en développement surtout, soit l’une de ses principales composantes. Les programmes de développement ne peuvent fournir qu’un modeste apport. D’abord parce que les moyens financiers affectés à la coopération au développement stagnent ou reculent, et ensuite parce qu’ils ne représentent qu’une infime part des capitaux investis. Par ailleurs, le mandat central de la coopération au développement, à savoir éradiquer la pauvreté, revêt la priorité première. Il serait désastreux, comme certains représentant-e-s suisses l’exigent, de détourner précipitamment les moyens destinés à lutter contre la pauvreté, afin de les investir dans la protection du climat. Ce qu’il faut surtout, ce sont des instruments étatiques supplémentaires et une gestion économique responsable. Quelle est la contribution de Solidar à cet objectif? Notre organisation con­ centre son engagement sur l’amélioration des conditions de travail et la création d’emplois décents. Par exemple pour la petite paysannerie du Burkina Faso et le secteur ouvrier sud-africain. Car le développement d’une économie respectant l’environnement doit toujours être lié à la question de la justice sociale. Solidar aide en outre les personnes concernées à lutter contre les effets des changements climatiques. Par exemple en lançant des techniques «écocompatibles» ou des mesures de prévention visant à atténuer l’impact dévastateur des catastrophes naturelles, lesquelles sont justement en forte recrudescence dans les pays les plus pauvres. Zoltan Dòka, Solidar Suisse


CHRONIQUE

THEMA 9

8 POINT FORT

«Déboiser les collines menace nos cours d’eau»

Hans-Jürg Fehr Président de Solidar Suisse et conseiller national

D’un projet pilote

Au Nicaragua, Solidar encourage une agriculture durable. Les paysan-ne-s disposent ainsi de moyens d’existence solides, tout en se protégeant de l’impact des changements climatiques.

à une loi

Texte: Veronica Pfranger, journaliste. Photos: Frederic Meyer, Urs Höltschi, Olivia Heussler

«J’ai expliqué à mes enfants qu‘abattre un arbre, c’était comme ôter la vie à quelqu’un», lance Eusebio García pour expliquer comment il implique sa famille dans la préservation du milieu ambiant. «Mes enfants savent que nos maigres cours d’eau disparaissent lorsqu’on déboise les collines. J’ai érigé des murs de protection et creusé des terrasses, ce qui me permet aujourd’hui de planter des arbres fruitiers, de cultiver des légumes et plusieurs sortes de céréales pour subvenir à nos propres besoins et diversifier nos menus.» De plus, le rendement de son champ de maïs a quasiment doublé depuis qu’il ne brûle plus la mauvaise herbe mais la coupe pour la laisser sur le sol, comme engrais.

L’association paysanne UNAG Organisation partenaire de Solidar, l’UNAG défend les intérêts de la petite paysannerie et s’engage notamment pour protéger les ressources naturelles par une culture écologique efficace. A ses membres, l’UNAG garantit des moyens d’existence en commercialisant leurs produits par le biais de dix coopératives.

Un cyclone «salvateur» Production écologique En 1998, le cyclone «Mitch» a provoqué Les spécialistes de l’UNAG ont, de plus, de terribles ravages dans le département mis en exergue toute l’importance d’une de Chinandega: d’énormes glissements culture écologique pour la préservation de terrain ont emporté les simples de- de l’environnement. Pour inciter à une meures, les champs et les animaux des production écologique, ils ont distribué familles paysannes. Les dommages aux paysan-ne-s des plantons ou des écologiques toujours plus visibles, et le fait qu’ils aient «Grâce aux murs de failli mourir, a marqué les habitant-e-s. L’ampleur inéprotection, je peux planter dite de la catastrophe natudes arbres fruitiers.» relle s’explique par la force de l’ouragan, mais aussi par l’érosion de vastes zones, conséquence vaches. Hilario Juárez s’est laissé des déboisements incontrôlés et de convaincre. Non sans fierté, il explique l’inexistence de mesures de conservation les changements intervenus dans sa des sols. finca, presque inculte voilà peu: «J’ai A l’époque, l’association paysanne UNAG construit de petits barrages et n’ai pas a proposé aux paysan-ne-s touchés des arraché les deux hectares et demi de formations et des petits crédits pour re- forêt sur mes terres. Même en période construire leurs exploitations. Les partici- sèche, deux sources donnent aujourd’hui pant-e-s devaient s’engager à pratiquer, de l’eau pour la culture maraîchère et sur leurs lopins, les formes de culture l’abreuvement des vaches.» écologiques apprises. Aménager des ter- Quelques délégué-e-s de l’UNAG ont rasses et des haies, creuser des canaux été élus au conseil communal, où ils d’irrigation, planter des arbres le long des s’engagent aussi pour une agriculture cours d’eau et diversifier la production durable. Ils ont par exemple obtenu une est entre-temps devenu usuel pour de réduction de 20 % des impôts fonciers nombreux petits paysan-ne-s. Ces der- annuels pour les paysan-ne-s protégeant niers ont par ailleurs remplacé les pra- la forêt sur leurs parcelles, ce qui accroît tiques traditionnelles de brûlis avant se- leur revenu et stimule encore la pratique mis par des méthodes plus écologiques. d’une agriculture durable.

Au Nicaragua, des méthodes de culture novatrices contribuent à la protection de l’environnement – tout en améliorant le rendement des récoltes.

De l’eau grâce au reboisement L’administration communale de San Pedro del Norte et l’UNAG soutiennent par ailleurs le reboisement des communes avoisinantes. Cette décision a permis d’empêcher le tarissement des sources des trois plus importants cours d’eau. Dans 150 fermes éparpillées, des collecteurs solaires ont en outre été installés pour produire de l’énergie. Avant, chaque ferme brûlait quotidiennement le bois d’un arbre et demi pour cuisiner et éclairer les lieux de séjour. La qualité de vie a rapidement augmenté, tandis que les dégâts environnementaux ont connu un

net recul. Les maisons sont désormais éclairées à l’électricité: on peut y faire les devoirs le soir et utiliser de petites machines. Elles ne sont plus enfumées et les arbres restent debout. Encouragés par les campagnes de l’UNAG, les paysan-ne-s reboisent à nouveau leurs fincas, conscients que les sols en pente sont ainsi moins soumis à l’érosion. La collaboration entre l’UNAG, les communes et la petite paysannerie a beaucoup contribué à lutter contre l’impact des changements climatiques. «Parce qu’il faut agir et cesser de se lamenter», estime Eusebio García.

Le Burkina Faso est un pays très important pour Solidar Suisse. Notre ONG et ses partenaires se trouvent à la veille d’une grande réalisation. Le Parlement burkinabé a voté une loi de portée générale en faveur de l’éducation bilingue, introduite par nos soins et testée via des projets pilotes. Le gouvernement veillera à ce que «notre» méthode soit adoptée par la plupart des écoles dans l’ensemble du pays, en l’espace de cinq ans. Solidar, qui s’occupera du conseil, a aussi été chargée par le gouvernement d’un volet important de cette réforme: la création de moyens d’enseignement. C’est un père de famille qui m’a expliqué la raison du succès de l’éducation bilingue, lors du récent voyage d’un groupe de parlementaires au Burkina Faso: à présent, l’enseignement sera d’abord dispensé dans la langue maternelle, ce qui implique que l’on respecte la culture africaine. Et puis, on enseigne aussi des branches pratiques domestiques, artisanales et agricoles, ce qui implique que l’on respecte l’activité manuelle des parents. L’école n’est plus un lieu qui éloigne les enfants de leur famille, mais un lieu auquel ils peuvent s’identifier. Ces effets positifs sont mesurables: le taux d’abandon est beaucoup plus bas et la réussite scolaire bien plus grande que dans les autres écoles. La coopération au développement donne-t-elle des résultats? Bien sûr. L’alphabétisation est-elle un objectif du développement? Et comment!


10 BRÈVES

point de vue 11

Sri Lanka: reconstruire son existence

Kosovo: «Diaspora pour le développement»

Près de trois ans se sont écoulés depuis la fin du conflit armé au Sri Lanka. Pourtant, de nombreuses personnes déplacées à l’intérieur du pays ne disposent pas, après leur retour, de moyens pour reconstruire leur existence. En décembre 2011, la Direction du développement et de la coopération (DDC) a confié un nouveau mandat à Solidar Suisse, en raison de son engagement de plusieurs années dans le nord du Sri Lanka et de son expérience pour aider la population à dégager des revenus durables. 890 familles recevront des aides et des conseils pour lancer un petit atelier d’artisanat. De plus, le travail d’utilité publique sera récompensé, afin de reconstruire les infrastructures détruites et de relancer l’économie locale. Le nouveau projet se déroule en étroite collaboration avec la DDC, qui soutient les familles dans la reconstruction de leurs maisons. www.solidar.ch/reconstruction

Dans le cadre de son mandat de conseil, Solidar a ouvert officiellement, le 30 mars dernier à Pristina, le projet de la DDC «Diaspora pour le développement».

Nicaragua: nouvelle loi contre la violence domestique

trimonial», soit la destruction ou la privation illégitimes de biens, moyens de travail, documents et moyens économiques, dans l’intention de porter atteinte à l’indépendance d’une personne. De plus, la nouvelle loi oblige tou-te-s les citoyen-ne-s – y compris les personnes investies d’une fonction (personnel enseignant, médical, etc.) – à dénoncer les actes de violence. www.solidar.ch/nouvelles

En janvier 2012, le parlement nicaraguayen a promulgué un durcissement de la loi contre la violence envers les femmes. Les revendications et l’engagement d’organisations féminines – parmi lesquelles les partenaires de Solidar – y ont grandement contribué. La loi reconnaît, outre la violence physique, sexuelle et psychique, la «violencia pa-

Modernisation des syndicats hongrois En Hongrie, les syndicats sont souvent caractérisés pas des structures vétustes, qui se concentrent sur de grandes entreprises. Cependant, la transition économique a engendré un changement radical du marché du travail. Avec le projet «Ensemble vers le changement», la fédération des syndicats hongrois MSZOSZ souhaite créer des structures modernes, fournissant des services innovants à l’est du pays. Le concept des «unions syndicales», réalisées en Suisse par la FTMH et le SIB avant qu’ils fusionnent pour devenir Unia, sert de modèle à ce projet. Outre un conseil juridique et des informations, les jeunes en possession d’un

Quelque 120 représentant-e-s d’institutions, de la société civile et de l’économie ont participé à cette mani­ festation. L’ambassadrice de la Suisse, le Ministre de la diaspora, la Ministre du commerce et de l’industrie, ainsi que le directeur de la Chambre du commerce du Kosovo, ont souligné l’importance des personnes émigrées pour l’économie de leur pays. Le président de la nouvelle fédération des Kosovar-e-s en Suisse, Orhan Spahiu, a relevé que le maintien d’un lien avec la patrie constitue un défi particulier. Enfin, la députée lucernoise Ylfete Fanaj a salué le rôle crucial des femmes de la diaspora dans le développement du Kosovo. www.solidar.ch/nouvelles

diplôme reçoivent un soutien spécifique, afin d’améliorer leurs chances sur le marché du travail. Finalement, le degré d’organisation des syndicats sera sensiblement augmenté. Solidar et Unia apportent, dans le cadre de ce projet pilote, leur soutien à la fédération MSZOSZ et aux syndicats sectoriels de la construction, de la chimie et des métaux.

Redistribuer les ressources Pour instaurer un développement durable, il faut complètement revoir la distribution des ressources. Et il incombe à l’Etat de s’en charger. Texte: Ambet Yuson, Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) années, l’Etat a sans cesse perdu du terrain dans le financement de l’approvisionnement énergétique, de la recherche et du développement de nouvelles technologies. Il doit désormais reprendre sa juste place dans ce domaine et guider la société vers un changement durable. Le passage aux énergies renouvelables appartient à toutes et tous. Il ne faut pas laisser le secteur privé le financer ou le confier à la «Le marché ne crée pas Banque mondiale, au Fonds monétaire international (FMI) des conditions de travail ou à d’autres institutions fidécentes.» nancières. Les pays du Sud ne feraient alors que s’endetdurable. Voilà pourquoi l’Internationale du ter davantage, le développement de ces bâtiment et du bois (IBB) s’efforce de énergies deviendrait inabordable et la préserver aussi bien les emplois que l’en- société civile n’aurait plus son mot à dire. vironnement. L’adoption du principe d’une économie verte offre l’occasion de Redistribution équitable redéfinir les fondements du système La crise mondiale est une crise du secmondial: redistribution du pouvoir et des teur privé. Or le monde a besoin de moressources et mise en place de struc- dèles de financement différents, qui ne tures sociales plus justes. soient pas fondés sur le profit, mais sur la répartition équitable des richesses. A court terme, il faudrait instaurer une taxe Rôle actif de l’Etat Ce sont les gouvernements qui doivent sur les transactions de capitaux afin de piloter le changement. Le secteur privé a lutter contre la spéculation, qui déstabibeau nous promettre un développement lise le système économique. durable, la crise économique mondiale Le secteur du bâtiment doit se convertir n’est pas finie et la concurrence, voire la sous l’autorité de l’Etat, en particulier au lutte, pour les ressources naturelles ne niveau communal, afin de lancer un vaste fera que s’intensifier. Ces trente dernières programme destiné à accroître l’efficaciLe déboisement est la deuxième plus grande source de CO2. La construction de bâtiments est responsable de 8 % environ des émissions mondiales et leur utilisation augmente cette part à 40 %. Au cours des deux décennies qui ont suivi le Sommet de la Terre de Rio, les syndicats ont peu à peu compris la complexité et l’importance du développement

té énergétique des bâtiments existants. Des projets publics d’investissement doivent fournir les moyens aux autorités d’acheter écologique sans dépendre du secteur privé. Le marché ne résoudra rien Nous devons réduire rapidement les émissions de CO2 et protéger nos écosystèmes. Pour ce faire, nous avons besoin d’un système démocratique ouvert à tous les citoyen-ne-s, tant au niveau local qu’international. C’est le seul moyen de prendre en considération les besoins de base effectifs de l’ensemble des habitant-e-s de la planète, de répartir équitablement les ressources entre les pays et d’instaurer un développement durable. Depuis la conférence de Rio en 1992, plusieurs crises et catastrophes écologiques ont secoué le monde. Elles prouvent que les choses doivent changer. Partout dans le monde, entreprises et gouvernements doivent cesser de croire que le marché pourra tout régler. Car le marché n’est pas infaillible: il n’assure ni le bien-être des consommatrices et des consommateurs, ni celui de la maind’œuvre. Il ne crée pas des conditions de travail décentes et ne protège pas l’environnement. Il incombe aux gouvernements et aux populations de veiller à ce que la croissance économique ne nuise ni à l’être humain ni à l’environnement.


12 jeu & baromètre

ACTUALITÉ 13

Le sudoku de Solidar

6

5

2

7

Règles du jeu Complétez les cases de la grille avec les chiffres de 1 à 9, afin qu’il n’y ait aucune répétition et aucun doublon dans chaque colonne, ligne et carré de 3x3.

8 4

2

8

3

6

La solution se trouve dans les cases grises lues horizontalement, selon l’équivalence ci-dessous:

6

1

7

4

1=E, 2=O, 3=G, 4=R, 5=B, 6=S, 7=J, 8=N, 9=E.

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Ruth Daellenbach quitte Solidar Suisse après onze années, dont plus de sept comme directrice. Bilan. Interview: Katja Schurter. Photo: Rosanna Clarelli

Envoyez la solution à Solidar Suisse via le talon-réponse ci-joint, sur une carte postale, ou par e-mail à contact@solidar.ch, sujet «sudoku». Toutes les réponses correctes participent au tirage au sort.

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Prix 1er prix: un jeu de stratégie 2e prix: un set d’aimants 3e prix: un porte-stylos

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Les prix ont été généreusement offerts par l’atelier Carrom de l’OSEO Bâle.

1 5

Notre approche est la bonne dont nous n’approuvions pas le fonctionnement. Nous ne voulions pas abandonner les réfugié-e-s à leur sort. Dans ce contexte difficile, nous avons poursuivi nos activités et avons relancé des programmes qui s’avèrent existentiels pour la population locale.

La date limite d’envoi est le 18 juin 2012. Le nom des gagnant-e-s sera publié dans Solidarité 3/2012. Le concours ne donne lieu à aucune correspondance, ni à aucun recours. Le personnel de Solidar n’a pas le droit d’y participer.

SOLUTION

La solution de l’énigme de Solidarité 1/2012 était «informal is normal». Reinhard Frey, de Kilchberg, a gagné une bouteille d’huile d’olive issue d’un projet de Solidar en Palestine et un mélange d’épices Zatar. Nous remercions vivement tou-te-s les participant-e-s au jeu.

Baromètre de Solidar La FIFA doit-elle s’engager activement contre l’exploitation et les violations des droits humains lors du Mondial de football? (voir pétition en page 20) Oui Non, cela relève de la responsabilité exclusive du gouvernement du pays-hôte.

Évaluation du baromètre Les multinationales suisses doivent-elles répondre juridiquement de violations des droits humains et/ou d’atteintes à l’environnement commises par leurs filiales ou fournisseurs? 9 74

74 Oui 9 Elles sont responsables des filiales qui leur appartiennent, mais pas des sous-traitants. 0 Non

Est-il judicieux que de grandes manifestations sportives, comme le Mondial de football ou les Jeux Olympiques, se déroulent dans des pays émergents ou en développement? Oui

Ruth Daellenbach lors d’une visite au Burkina Faso.

Quels furent tes moments forts à Solidar Suisse? J’ai eu un plaisir énorme à travailler avec toute l’équipe. Le sérieux et le respect d’autrui ont toujours prévalu sur les désaccords et les difficultés. Les contacts avec nos partenaires ont sans cesse renouvelé ma motivation. Je suis particulièrement fière que nous soyons parvenus à adopter une nouvelle stratégie en 2005, à affirmer ainsi notre orientation dans la coopération au développement et à appliquer, dans nos campagnes, le principe «penser globalement – agir localement».

Non

Pourquoi?

Participez à notre sondage en renvoyant le talon-réponse joint au présent numéro de Solidarité.

As-tu connu des échecs? J’ai ressenti comme un échec le fait de devoir interrompre notre programme de reconstruction dans le nord du Sri Lanka à cause de la guerre civile, alors que des gens se faisaient tuer et chasser de chez eux. Nous sommes restés dans le pays et avons même travaillé dans des camps,

changement climatique, justice fiscale, ou encore impact de la présence grandissante de la Chine en Afrique. Pourquoi quittes-tu Solidar? A mes yeux, un changement est toujours positif et je n’avais nullement l’intention de rester chez Solidar jusqu’à ma retraite. Si je veux apporter un dernier changement à ma vie professionnelle, je dois m’y prendre maintenant.

Que trouves-tu primordial dans le travail de Solidar? Notre approche, car elle est convaincante: en Suisse, nous sommes un organisme de «Avec nos partenaires, la société civile; dans les pays partenaires, nous rennous appartenons au forçons des organismes de mouvement international la société civile pour qu’ils pour la justice sociale.» puissent se faire entendre. Nos priorités – travail décent et participation – sont des fondements du développement. Nous collabo- De quoi te réjouis-tu? rons avec des partenaires engagés, qui De fixer à nouveau moi-même mon emmettent en œuvre leur vision du déve- ploi du temps et de pouvoir m’impliquer loppement. Ensemble, nous apparte- dans d’autres activités. Je n’ai jamais ocnons au mouvement international pour cupé un poste aussi prenant que celui de directrice chez Solidar. Je me réjouis la justice sociale. donc de devenir consultante en coopération au développement. Comment a évolué la politique de développement? Le débat autour de l’efficacité de la co­ Que souhaites-tu à Solidar? opération au développement occupe dé- Que Solidar continue d’affirmer son sormais plus de place. Il est certes né- orientation sociale et son appartenance cessaire et crucial, mais s’il n’entre pas à la gauche politique, qu’elle s’attache à dans les détails, il risque de privilégier la poursuivre ses objectifs en matière de quête du succès à court terme. De plus, politique de développement. on passe souvent sous silence les consé- Et aussi, bien entendu, beaucoup de quences néfastes du néo-libéralisme succès, de belles réussites, de l’argent dans les pays en développement. Mais en suffisance et des personnes compéon aborde aussi de nouveaux thèmes: tentes pour la faire évoluer.


14 ACTUALITÉ

ACTUALITÉ 15

Grâce à des contrôles de qualité, les paysan-ne-s reçoivent une rémunération convenable pour leur lait.

Kade Ninaj (à droite) a pu améliorer la qualité de son lait, grâce notamment à des méthodes de désinfection.

La qualité offre des perspectives Solidar Suisse s’emploie à développer le secteur laitier au Kosovo. Objectif: réduire le taux de chômage dans les zones rurales. Texte: Katja Schurter. Photos: Brigit Ruprecht Les zones rurales du Kosovo n’offrent guère de sources de revenus et le chômage y est élevé. La guerre, à la fin des années nonante, a mis à mal l’économie laitière traditionnelle, qui se reconstruit à grand-peine: d’une part, la production indigène ne parvient pas à concurrencer les produits subventionnés des pays voisins; d’autre part, elle souffre d’un problème d’image dû à la qualité du lait. Contrôles indépendants Comme l’Etat ne fixait aucune exigence, les laiteries contrôlaient elles-mêmes le lait pour en fixer le prix. «D’où une grande méfiance chez les paysan-ne-s», raconte

Donika Nila, qui travaille pour le projet pilote, soutenu par Solidar Suisse, visant à améliorer la qualité du lait. Deux fois par mois, elle visite les exploitations participant au projet, prélève des échantillons de lait pour les faire analyser par un laboratoire indépendant et dispense des conseils sur l’hygiène et les techniques de traite. Donika nous emmène chez Vlora et Dukagjin Deda, dont les 40 vaches produisent chaque jour 700 litres de lait, récupérés dans un circuit fermé. L’étable est grande et claire, les vaches très propres. Ici, les exploitants n’ont guère besoin de conseils. Vlora Deda nous montre fièrement les bêtes, dont cer-

taines ont été primées. Le couple est très content de la mise en place des contrôles indépendants: «Les disputes au sujet du prix n’en finissaient pas.» Améliorer l’hygiène Les conseils de Donika Nila sont toutefois très utiles aux plus de 70 % de paysan-ne-s qui ne possèdent que cinq à neuf vaches, qu’ils traient à la main. Pour améliorer la qualité du lait, la jeune femme leur distribue aussi du désinfectant et leur explique comment nettoyer les récipients à lait. «Le plus urgent consiste à accroître l’hygiène, explique-t-elle. Certaines fermes n’ont pas l’eau courante, ni

Donika Nila dispense des conseils en matière d’hygiène.

Promouvoir le lait grâce au dialogue Solidar favorise le dialogue entre producteurs, laiteries et autorités, afin de faire évoluer le secteur laitier et de le doter d’une réglementation claire. Grâce aux nombreux conseils dispensés, les associations paysannes et les groupements de laiteries préconisent aujourd’hui des réformes, qui profiteront à tous les acteurs du secteur, ainsi qu’aux consommatrices et aux consommateurs. Et même les autorités sont de la partie: la mise sur pied de contrôles indépendants du lait cru occupe une place de choix dans la nouvelle stratégie de développement du Ministère de l’agriculture. www.solidar.ch/lait

l’équipement requis pour traire et entretenir l’étable.» De plus, les centres de collecte de lait sont trop peu nombreux, de sorte que les producteurs des villages éloignés ne peuvent pas y amener tout leur lait, alors que les capacités des laiteries demeurent sous-utilisées.

«Le lait nous fait vivre» Naguère, les paysan-ne-s du hameau de Has versaient leur lait dans des bidons en plastique, qu’ils amenaient en tracteur à la laiterie du village le plus proche. Pour leur simplifier la vie, l’association paysanne Krusha a ouvert en mai 2011, avec l’appui de Solidar Suisse, un centre de collecte à Has. Les 20 productrices et producteurs locaux y livrent désormais leur lait, qui est refroidi puis transporté à la laiterie. La qualité du lait s’est ainsi sensiblement accrue. La ferme de Kade Ninaj, l’une des productrices, ne res-

Effets pervers du marché «vert» Une partie du lait est ainsi écoulé sur le marché «vert». Les petits paysans le vendent au bord de la route ou sur les marchés locaux: la vente directe leur rapporte un meilleur prix, mais l’hygiène laisse à désirer et les contrôles de qualité sont «Le dumping nuit à la inexistants. «Ils ne sont pas qualité du lait et à l’image sûrs de pouvoir vendre tout leur lait. De plus, ils doivent du secteur.» aller au marché en bus. En été, une partie du lait tourne pendant le transport», commente Donika semble en rien à celle du couple Deda. Nila, en relevant les inconvénients de ce Six vaches se tiennent dans une étable système. Le projet vise dès lors à at- petite et sombre, dépourvue d’eau couteindre tous les paysan-ne-s, afin qu’ils rante et de machine à traire. «Mon mari et ne soient plus obligés de vendre leur lait moi sommes sans emploi, soupire Kade sur le marché «vert». Notre guide affirme Ninaj. Nous trayons nos six vaches à la encore: «En pratiquant des prix de dum- main. Le lait nous fait vivre, nous et nos ping, ils nuisent à leurs collègues. Et la deux enfants. Grâce au centre de colmauvaise qualité de leur lait nuit à l’image lecte, nous pouvons désormais en livrer du secteur.» Aujourd’hui, 1600 produc- davantage.» trices et producteurs sur 4000 prennent part au projet visant à améliorer la qualité du lait.


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RÉSEAU 17 Cette rubrique constitue la plateforme des organisations de notre réseau. On y trouve des informations sur les associations régionales de l’OSEO, qui dispensent notamment un soutien aux personnes sans emploi et aux migrant-e-s, et sur la campagne «Droit sans frontières», soutenue par plus de 50 organisations suisses.

Swiss Trading SA Dans le domaine des matières premières, la Suisse devient le paradis des prédateurs économiques. Un livre le démontre. Texte: Alexandre Mariéthoz

Déclaration de Berne, Swiss Trading SA. La Suisse, le négoce et la malédiction des matières premières, Editions d’en bas, 2011

En 1964, la Zambie gagne son indépendance. Elle nationalise les mines, s’enrichit et permet l’accès pour tous à l’éducation et au système de santé. En 1975, son PIB est égal à celui du Portugal. Cependant, suite au choc pétrolier, les cours des matières premières chutent. La Zambie doit emprunter. Au début des années 1980, peu après l’arrivée de Reagan au pouvoir, la Réserve fédérale américaine hausse brutalement ses taux d’intérêt afin d’attirer les capitaux. L’Europe embraye. Du jour au lendemain, la Zambie doit rembourser trois fois plus d’intérêts. Le pays est pris à la gorge. Privatisations En 2000, sous la pression de la Banque mondiale et du FMI, le gouvernement finit par privatiser les mines. Les accords prévoient un minimum de responsabilités sociales pour les entreprises et des impôts très faibles. Résultat: la Zambie ne profite nullement de la flambée des prix du cuivre, intervenue en 2004. Contrairement aux multinationales.

Intoxications à l’acide La société Mopani Copper Mines Pic exploite quasiment toutes les mines de Zambie. Pour extraire le cuivre, elle utilise un procédé basé sur l’injection massive d’acide sulfurique. L’eau «potable» est parfois contaminée. Aux alentours des mines, le taux de dioxyde de soufre est 72 fois supérieur aux normes. Paradis fiscal En 2011, Mopani Copper Mines Pic prétendait ne réaliser aucun bénéfice. Or Mopani appartenait à Carlisa Investments, aux Iles vierges, elle-même propriété de Glencore Finance Limited, aux Bermudes, filiale à 100 % de Glencore International AG à Zoug. Chaque année, un millier de sociétés installent leur siège social à Zoug. Le capital des sociétés holding n’y est taxé qu’à 0,002 %. Cette fiscalité très douce permet de rapatrier les bénéfices réalisés à l’étranger sans payer d’impôts, ou presque. Halte à la spoliation! La Suisse risque de devenir le centre mondial de la prédation des matières pre-

mières. Pour éviter ce scénario, la Déclaration de Berne propose plusieurs solutions: ➔ empêcher que les entreprises utilisent leur siège ou leurs filiales suisses pour s’adonner à la soustraction fiscale au détriment des pays du Sud – ce qui passe notamment par l’abolition des régimes fiscaux préférentiels. De plus, toutes les sociétés doivent publier leur comptabilité ventilée par filiales et par pays. Les sociétés de négoce de matières ➔ premières sont des intermédiaires financiers; à ce titre, elles doivent être soumises à la Loi fédérale sur le blanchiment d’argent. ➔ Les multinationales doivent être tenues responsables juridiquement des violations des droits humains commises par leurs filiales. Cette exigence est au cœur d’une campagne (voir encadré) soutenue par plus de 50 organisations, dont Solidar Suisse. Glencore, et bien d’autres multinationales, violent les droits humains et spolient des pays entiers. En toute impunité. Ce scandale doit cesser.

Droit sans frontières La pétition «Droit sans frontières» a été lancée, en novembre 2011, par plus de 50 organisations. Elle demande au Conseil fédéral et au Parlement de faire en sorte que les entreprises sises en Suisse soient obligées de respecter les droits humains et l’environnement partout dans le monde. Plus de 60 000 signatures ont déjà été récoltées – dont 8000 via Solidar. Pour signer et/ou diffuser la pétition: www.solidar.ch/dsf

Punir les violations des droits humains Un congrès de la campagne «Droit sans frontières», visant à ce que les multinationales suisses soient tenues de respecter les droits humains et l’environnement partout dans le monde, a eu lieu le 20 mars dernier, à Berne. Plusieurs violations des droits humains ont été présentées, notamment de la part de Xstrata au Pérou et de Danzer Group en République Démocratique du Congo. L’avocat François Membrez a présenté une étude qui montre les nombreuses lacunes du droit suisse. Le droit pénal devrait poursuivre les entreprises non seulement pour des délits économiques, mais aussi pour le non-respect des droits humains et de l’environnement. La peine pécuniaire maximale devrait être décuplée, et portée à 50 millions de francs. De plus, Me Membrez propose une nouvelle loi qui rendrait la maison mère responsable des délits perpétrés par ses filiales. Avec une telle législation, les multinationales devraient adopter des mesures pour que l’ensemble de la compagnie, y compris les filiales, les sous-traitants et les fournisseurs, respecte les droits humains et l’environnement. www.solidar.ch/dsf

OSEO Valais: 10 ans de décors Une nouvelle exposition a débuté le 5 mai dernier, à la Maison de la Nature de Montorge. Pour la dixième fois, l’atelier «Bois et bâtiment» de l’OSEO Valais a entièrement fabriqué la muséographie de base de l’exposition. A la fin de l’exposition 2011, l’équipe dirigée par Fabrice Fournier, responsable du secteur «Bois et bâtiment», a démon-

OSEO Suisse centrale: fête interculturelle Depuis neuf ans, le 8 mars, l’OSEO Suisse centrale organise une fête inter-

té tout le matériel, puis en a récupéré le plus possible pour le thème suivant. «Je viens ici tous les jours, avec une équipe de 3 à 15 personnes, expliquait récemment Fabrice Fournier au Nouvelliste. Leur nombre dépend des gains intermédiaires des ouvriers et ouvrières, du fait qu’ils ont trouvé du travail, d’une éventuelle maladie. La plupart n’ont aucune expérience dans le domaine. Ils apprécient beaucoup d’effectuer un travail concret.» Ce partenariat entre la Ville de Sion et l’OSEO Valais bénéficie à toutes les parties, notamment aux participant-e-s, qui y trouvent un terrain d’activité proche du marché du travail. Lors de l’exposition 2012, plusieurs sociétés animales seront présentées aux 15 000 visiteurs et visiteuses. A découvrir du 5 mai au 11 novembre 2012. L’entrée et la visite sont gratuites; les dossiers pédagogiques le sont pour les écoles. www.oseo-vs.ch

culturelle, à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Cette année, 250 à 300 femmes ont savouré de la musique, des représentations et un buffet interculturel, à Littau, dans le canton de Lucerne. La fête interculturelle des femmes favorise la connaissance mutuelle de femmes issues de cultures différentes. Elle facilite l’intégration des femmes migrantes et leur cohabitation avec les femmes suisses. Les rencontres et les contacts aident les femmes issues de la migration à reconstruire un réseau social souvent menacé par l’émigration. Quelque 100 bénévoles ont participé à l’organisation de la soirée. Cet engouement montre à quel point la fête favorise l’intégration et les contacts entre population suisse et migrant-e-s. www.sah-zs.ch


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Au Burkina Faso, Appolinaire Nana aide des paysan-ne-s à améliorer le quotidien de leurs familles.

«De petites choses changent la vie» Appolinaire Nana lutte, chaque jour, contre la pauvreté au Burkina Faso. Rencontre. Texte: Cédric Wermuth, conseiller national PS. Photo: Alfred Nellen

«Grandir dans ce pays, c’est avoir constamment la misère pour compagne», explique Appolinaire Nana. «Je voulais à tout prix faire quelque chose là contre.» Une fois ses études d’économie politique terminées, cet homme de 30 ans s’y emploie en remplaçant le responsable de Manegdbzânga, une association avec laquelle travaille Solidar Suisse. Son engagement est vital. La misère et la pauvreté sont omniprésentes au Burkina Faso. 60 à 80 % de la population est analphabète, la mortalité infantile atteint 8 %. L’agriculture n’arrive pas à nourrir la population, le sol est sec. Il n’y a presque pas de machines – ni d’argent pour en

PORTRAIT 19 importer. Ces dernières années ont été marquées par l’absence quasi totale de précipitations. Selon l’index du développement humain de l’ONU, seuls six pays au monde sont plus pauvres que le Burkina Faso. Faire participer la population Manegdbzânga soutient la population rurale du Plateau Central, situé à une heure de route environ de la capitale Ouagadougou. «Tu dois savoir qu’ici personne ne parle le français, bien que ce soit la langue officielle», dit Nana, qui a grandi à Ouagadougou et travaille à la campagne depuis quelques années à présent. «Très peu de gens savent lire ou écrire. Comment pourraient-ils évaluer leurs récoltes, sans parler de tenir une comptabilité?» C’est pour cela que Manegdbzânga propose aux paysan-ne-s des méthodes pour cultiver des légumes et élever du bétail, ainsi que des cours d’alphabétisation. Quelque 15 000 personnes profitent de cette initiation. Appolinaire Nana et son équipe procèdent de manière très professionnelle. Ils commencent par faire un état des lieux dans chaque village. Quelles sont les techniques traditionnelles connues de la paysannerie? A quoi ressemblent les récoltes? Qui sait lire et écrire? Ensuite, ils discutent avec les habitant-e-s des villages pour définir ce qu’il faut faire. «Ce sont de petites choses qui aident les gens à subvenir à leurs besoins. Ce paysan a appris à lire et à écrire dans les cours dispensés par Manegdbzânga, m’explique Nana lors de la visite d’une ferme cossue. Nous lui avons montré comment améliorer l’hygiène dans son élevage de poulets et il a pu s’acheter un coq de race. Aujourd’hui, il a plusieurs centaines de poules, des dizaines de chèvres et des bœufs.» Un coq salvateur Durant ma visite au Burkina Faso, je n’ai cessé d’être impressionné par le fait que des choses apparemment évidentes, lire ou écrire par exemple, ou posséder un coq, peuvent changer la donne en

quelques années et favoriser le développement de tout un village. Pour comprendre cela, il faut se souvenir de la période coloniale. Les colons français ont exploité ce pays de manière brutale pendant des décennies, et utilisé massivement sa population comme main-d’œuvre bon marché. La culture africaine locale, considérée comme arriérée, devait être éradiquée. La population était obligée de parler le français, devenue langue officielle dans l’administration et à l’école. Les effets désastreux de cette politique se font encore sentir aujourd’hui: le pays n’a aucune chance de se développer tout seul. A peine 10 % de la population parle le français, ce qui signifie que la majorité est exclue de la vie économique et politique. La paysannerie n’a pas les moyens de produire le moindre excédent. Il lui est pratiquement impossible d’obtenir des crédits sans soutien ou d’ouvrir un compte en banque. Processus lent et efficace Les nombreux projets de l’organisation locale Manegdbzânga doivent permettre aux communautés villageoises et à la paysannerie de subvenir elles-mêmes à leurs besoins. Cela fonctionne-t-il? «Lentement», estime Appolinaire Nana. «Des paysan-ne-s que nous avons formés il y a dix ans s’occupent aujourd’hui du conseil agricole ou de l’enseignement dans leurs villages. Nous sommes fiers de ces succès.»

Votre don est une aide réelle Grâce à votre don de 70 francs, un-e membre de l’association locale Manegdbzânga peut suivre un cours d’alphabétisation qui lui permet, en gérant mieux son exploitation, d’améliorer durablement sa situation.


Non à l’exploitation lors du Mondial 2014 au Brésil Nettoyages de quartiers, violations des droits humains, exploitation. La face cachée du Mondial est peu reluisante. Et les premières victimes sont des pauvres. Signez et faites signer la pétition à la FIFA! Monsieur Blatter, vous vous réjouissez du Mondial 2014 au Brésil. Il implique cependant: ➔ l’expulsion, parfois violente, de 150 000 personnes; ➔ l’exploitation de milliers d’ouvriers et ouvrières; ➔ l’expulsion de dizaines de milliers de marchand-e-s ambulants. C’est un scandale! En tant que président de la FIFA, vous pouvez changer cela. Faites-le, avant qu’il ne soit trop tard! www.solidar.ch/fr/brazil


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