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Numéro 3, septembre 2011

POINT FORT Des droits pour le personnel de maison BURKINA FASO Succès grandissant de l’éducation bilingue Le magazine de


2 ÉDITORIAL Chère lectrice, cher lecteur, Vous avez sans doute déjà eu affaire à l’une de ces «préposées aux fourneaux» ou «fées du logis»… bref, à l’une de ces femmes que nous payons pour entretenir notre ménage et qui font parfois un peu partie de la famille. Vous avez sans doute aussi entendu parler de ces employées de maison qui dépendent à tel point de leur patron ou de leur patronne, que cela frise l’esclavage.

depuis 2011, un contrat de travail standard existe en Suisse et, au niveau international, l’Organisation internationale du travail (OIT) a très récemment adopté une convention sur le travail domestique (voir pp. 4 –11).

Ce dernier succès, on le doit surtout aux syndicats des employées de maison, en particulier dans les pays émergents et en développement. Solidar Suisse soutient ces syndicats en Afrique du Sud (voir Leur point commun? Leurs conditions de page 6) et en Bolivie, où leurs activités travail ne tiennent qu’au sens moral et à comprennent surtout du travail la bonne volonté de leur employeur ou d’information et du lobbying. Parvenir à ployeuse. Le personnel domestique, em­ organiser les employées de maison re­ ce sont souvent des migrant-e-s, privés présente un défi délicat, car il est difficile de droits et même de statut professiond’atteindre ces femmes qui travaillent nel. Jusqu’à récemment, leur travail Ruth Daellenbach, chez des particuliers et sont donc soun’était pratiquement pas réglementé. directrice de Solidar Suisse vent isolées. Nos partenaires collaborent aussi pour faire respecter les droits de Avec ses partenaires, Solidar Suisse œuvre, depuis quelques années, pour que le sujet fasse débat ces travailleuses au niveau international. Solidaires de leur lutte, au sein de l’opinion et que des mesures soient prises sur le plan nous voulons que la Suisse ratifie la nouvelle convention. Ruth Daellenbach légal. Les efforts entrepris ont débouché sur quelques succès:

Revue de presse

06.07.2011 Delémont s’en sort bien, alors que Porrentruy se place en queue de peloton Solidar Suisse vient de mener une éva­ luation de l’engagement de 88 communes suisses en matière d’achats socialement responsables et de coopération au développement. Deux communes juras­ siennes y ont participé: Delémont se classe au 17e rang avec 51,9 points sur 100 et Porrentruy à la 50e place, avec seulement 13,3 points sur 100. Leur principal point faible est sans conteste leur politique d’achats socialement responsables, puisque, dans ce domaine, Delémont n’obtient que 11 points et Porrentruy seulement 6 points sur 50.

08.06.2011 75 ans d’engagement pour un monde plus juste Le vendredi 27 mai, Solidar Suisse a fêté ses 75 ans. A cette occasion, la présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey, a salué son action contre la pauvreté. Elle a aussi souligné la nécessité d’une lutte résolue contre le réchauffement climatique. Les 350 personnes présentes ont ensuite assisté à un débat entre Mme Calmy-Rey et Mme Koumba Boly Barry, ministre de l’Education du Burkina Faso. Mme Boly Barry a relevé que la Suisse assure un transfert durable de compétences et de savoir-faire. Elle a notamment mentionné l’exemple de l’éducation bilingue.

04.06.2011 Taxer la FIFA L’association Solidar Suisse (anc. Œuvre suisse d’entraide ouvrière OSEO) et la Jeunesse socialiste ont lancé une péti­ tion pour «mettre fin aux privilèges fiscaux de la FIFA», dont le siège est à Zurich. Selon eux, la fédération de football ne mérite pas les avantages accordés aux organismes d’utilité publique. Si elle était taxée comme une PME, la FIFA aurait dû payer 180 millions de francs d’impôts entre 2007 et 2010. Selon ses propres rapports, la fédération s’est acquittée d’environ 3 millions de francs d’impôts seulement.


3 POINT FORT L’économie domestique: un secteur extrêmement précaire

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Sadsawu s’engage pour le personnel de maison en Afrique du Sud 6 Convention de l’OIT: enfin des standards sociaux minimaux pour le personnel de maison

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Serge Gaillard: comment le SECO s’engage pour des conditions de travail décentes 11 ACTUALITÉ Burkina Faso: la ministre de l’Education veut étendre l’enseignement 12 bilingue à l’ensemble du pays Rating Solidar: comment les communes assument (ou non) leurs responsabilités sociales

POINT FORT

Dans le monde, 100 millions de femmes travaillent comme employées de maison: dans ce secteur, des normes sociales minimales sont absolument nécessaires.

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CHRONIQUE 7 BRÈVES

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JEU & BAROMÈTRE

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ACTUALITÉ

Le rating Solidar montre comment les communes suisses assument (ou non) leurs responsabilités sociales vis-à-vis des pays du Sud.

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CULTURE Exposition «L’autre côté du monde: histoires de la Suisse humanitaire» 16 RÉSEAU Nouveaux projets et actualités des OSEO régionales PORTRAIT Jelena Mijovic: surmonter la crise économique grâce à un dialogue social renforcé

CULTURE 17

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PORTRAIT 18

L’exposition «L’autre côté du monde» montre l’histoire de la Suisse humanitaire du point de vue de ses principaux acteurs.

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Jelena Mijovic combat les effets négatifs des privatisations en stimulant le dialogue entre partenaires sociaux.

IMPRESSUM Editeur: Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Postfach 2228, 8031 Zürich Tél. 021 601 21 61, E-mail: contact@solidar.ch, www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen Solidar Rédaction: Katja Schurter (rédactrice responsable), Rosanna Clarelli, Christian Engeli, Alexandre Mariéthoz, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil Voices Traduction: Irene Bisang, Ursula Gaillard, Milena Hrdina, Walter Rosselli, Jean-François Zurbriggen Correction: Stéphane Cusin, Jeannine Horni Impression et expédition: Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 Schaffhausen Paraît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé Page de titre: En Afrique du Sud, les femmes de ménage font tout et gagnent nettement moins que le salaire minimum. Photo: Sadsawu. Dernière page: Solidar Suisse s’engage contre l’exploitation dans le commerce du café. Photo: Spinas Civil Voices


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POINT FORT

Travail décent pour le personnel de maison L’économie domestique constitue un domaine très précaire dans le monde entier: salaires de misère, horaires démentiels, absence de contrat et de protection sociale. Le travail au noir y est fréquent. Des millions de femmes émigrent des pays pauvres vers les pays riches, des zones rurales vers les villes, pour travailler dans des ménages de personnes qu’elles ne connaissent pas. Elles laissent derrière elles leurs propres enfants, ou des personnes nécessitant des soins. Une grande partie de leur revenu est envoyée aux familles restées au pays, une mesure indispensable pour permettre l’éducation et la survie des enfants.

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6 POINT FORT En Afrique du Sud, les femmes de ménage s’occupent de tout. Elles ne touchent pourtant qu’un salaire de misère, largement inférieur au salaire minimum.

Pas de vraie liberté sans droits pour le personnel de maison La secrétaire générale de notre partenaire sudafricain, Sadsawu, décrit la situation des domesti­ques et explique les raisons pour lesquelles il est si dif­ficile de les organiser. Texte: Myrtle Witbooi. Photo: Sadsawu «Nous assumons tous les rôles», explique Phumzile Tsabalala. «Nous rangeons et nettoyons, faisons la cuisine, désherbons, élevons les enfants, soignons les malades, faisons les achats, repassons, distrayons les visites… mais nous n’existons pas. Nous sommes invisibles.» C’est en ces termes que Phumzile Tsabalala dépeint la réalité des employé-e-s de maison lors d’un séminaire de prépara­ tion à la Convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) tenu en juillet 2010 par le syndicat des travailleurs domestiques Sadsawu (voir encadré) et le Labour Research Service.

Sadsawu En Afrique du Sud, l’organisation partenaire de Solidar, Sadsawu (South African Domestic Services and Allied Workers Union), se mobilise pour les droits des travailleuses et travailleurs domestiques. Ce syndicat coopère avec le Ministère du travail afin de fixer des conditions de travail et des salaires minimaux, et défend les victimes de licenciements illégaux. Il organise le personnel domestique et, afin de lui faire connaître ses droits, lui propose une formation continue. www.sadsawu.org

Salaire de misère et absence de sphère privée L’Afrique du Sud compte plus d’un million d’employé-e-s de maison. Nombre de ces personnes ne gagnent même pas le salaire minimal légal de 1500 rands. Selon l’Office sud-africain de la statistique, les 5 pour-cent les mieux rétribués ga­ gnent 2500 rands (environ 300 francs) et les 5 pour-cent les moins bien payés 300 rands (36 francs) par mois. Le salaire moyen est de 1000 rands (environ 120 francs), une grande partie de ce montant étant déjà englouti par les déplacements professionnels. Les domestiques logeant chez leurs employeurs ont une sphère privée très res­ treinte et doivent souvent travailler plus de dix heures par jour. «Nous sommes les premiers debout: nous nous levons à cinq heures pour préparer le petit déjeuner de la famille. Et nous allons nous coucher seulement lorsque chacun-e a mangé et que la dernière assiette a été nettoyée, souvent après 22 heures. Nous pouvons être congédiées à tout moment si un membre de la famille est furieux contre nous, même si des principes de traitement correct du personnel domestique sont inscrits dans la loi», lance encore Phumzile Tsabalala pour expliquer ses conditions de travail. Un véritable ­enfer au quotidien.

Une organisation difficile Les activités menées par les employées domestiques sont essentielles. Le fait qu’elles soient si nombreuses le prouve. Elles représentent sept à huit pour-cent de tous les emplois en Afrique du Sud. Mais le chômage élevé a pour effet de les exposer à l’exploitation physique, émotion­nelle et sexuelle. Organiser les em­ployées de maison représente un défi de taille, car leurs employeurs ne veulent pas que le syndicat Sadsawu s’entre­ tienne avec elles. Ils menacent même, de temps à autre, de les congédier si elles s’affilient au syndicat. Le Sadsawu se fait le porte-­parole des travailleuses domestiques et les défend dans les procédures de mé­diation et les procédures arbitrales. Une percée historique Adoptée en juin 2011, la Convention de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques constitue un grand succès. Le syndicat Sadsawu en tirera parti dans sa lutte pour les droits et la dignité du personnel de maison. «Ce que nous savions depuis toujours est à présent reconnu par l’OIT: les employées de maison sont des travailleuses», affirme Hester Stevens, présidente du Sadsawu, après l’acceptation de la convention à Genève. On doit cette victoire aux organisations des employées à domicile, qui


CHRONIQUE

THEMA 7

Hans-Jürg Fehr Président de Solidar Suisse et conseiller national

Des droits contre la pauvreté

Le combat continue La ratification de la convention constitue la prochaine étape. Or, il n’ira pas de soi que les pays établissent des lois permettant au personnel de maison de jouir de ses droits. Mais le Sadsawu est con­ fiant. «Nous n’allons pas nous reposer sur nos lauriers, mais observer ce processus partout dans le ­monde et dénoncer les pays récalcitrants, explique Hes«Nous nettoyons, faisons ter Stevens. Il n’y aura pas la cuisine, désherbons, de vraie liberté tant que le élevons les enfants… mais personnel de maison ne nous n’existons pas.» sera pas libre. Nous pour­ suivrons ­notre lutte jusqu’à gouvernements ne voient pas la conven- ce qu’il accède à la dignité en Afrique du Sud et partout dans le monde.» tion d’un bon œil.» ont inlassablement fait pression auprès des gouvernements et dans les milieux commerciaux pour qu’une convention voie le jour. «Ce dossier nous a mobilisées durant plus de deux ans. Nous nous sommes engagées avec persévérance dans divers débats et commissions. Et nous avons réussi, même si quelques

Tunisie, Egypte, Libye, Syrie, Yémen. Les jeunes de ces Etats du Maghreb et du Proche-Orient aspirent à sortir de la pauvreté. Pour pouvoir vivre mieux dans leur propre pays, ils revendiquent la démocratie et le respect des droits de la personne humaine. Beaucoup de gens ne voient pas de rapport entre démocratie et meilleures conditions de vie. Chez Solidar, nous le percevons si bien qu’il sous-tend tous nos programmes de coopération au développement. Pour se libérer d’une vie de privations, il faut exiger le respect de ses droits fondamentaux. Droits de la personne humaine, droits démocratiques, normes fondamentales du travail. Voilà les moyens indispensables pour imposer des salaires décents, par le combat syndical, et garantir les prestations de base, par la voie politique. Ces deux aspects constituent à leur tour les conditions qui permettent de vivre dans la dignité et de participer à la vie sociale. Solidar conclut dès lors des partenariats avec des organisations de base, afin de les aider à lutter pour leurs droits. Car il faut pouvoir s’exprimer librement pour faire valoir ses besoins dans les processus de décision. Car le monde du travail doit pouvoir s’organiser librement pour former des syndicats et négocier des conventions collectives de travail. Car il faut jouir du droit de vote pour ne pas réélire des gouvernements corrompus. La pau­vreté allant toujours de pair avec l’injustice, seul le respect des droits fondamentaux peut la combattre efficacement.


8 POINT FORT

Des droits pour le personnel de maison Dans une convention historique, l’OIT exige des conditions de travail décentes et une protection contre l’exploitation du personnel de maison. Texte: Vania Alleva et Mauro Moretto. Photo: Christophe Koessler

Le 16 juin à Genève, la séance plénière de la 100e conférence de l’Organisation internationale du travail (OIT) a adopté une convention sur la protection au niveau mondial des travailleuses et travailleurs de l’économie domestique. Cette convention «concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques» fixe pour la première fois des normes de portée mondiale pour les rapports de travail dans le secteur informel. Une percée historique, à laquelle Unia et Solidar Suisse ont œuvré de concert. Enfin des normes minimales La convention vise à régler les conditions de travail de plus de 100 millions

Actions autour de de la Conférence de l’OIT «Nous constituons un pilier de la société, mais devons malgré tout vivre dans des conditions de semi-esclavage», s’est indignée Ernestina Ochoa, viceprésidente du réseau international des employé-e-s de maison, le 14 juin à Genève. La syndicaliste péruvienne a lancé la journée d’action pour l’égalité entre les femmes et les hommes, marquée notamment par une manifestation de soutien aux femmes actives dans

l’économie domestique. Des salaires de misère, des horaires démentiels et l’impossibilité d’obtenir un permis de séjour et de travail constituent les difficultés majeures auxquelles elles sont confrontées. Cette manifestation haute en couleurs exigeait la signature de la Convention internationale de l’OIT et l’amélioration des conditions de travail de leurs collègues en Suisse et dans le monde.


POINT FORT 9 En juin dernier, à Genève, les syndicats du personnel de maison manifestent bruyamment en faveur de conditions de travail décentes.

d’employé-e-s effectuant des travaux domestiques dans un ménage privé et à protéger ce groupe professionnel très vulnérable. Les Etats signataires sont tenus d’abolir dans l’économie domestique le

hortent la communauté des Etats, et le Conseil fédéral en particulier, à la ratifier au plus vite.

Un secteur en pleine expansion en Suisse Depuis dix ans, le nombre Au cours de la dernière d’employé-e-s domestiques décennie, le nombre en Suisse a plus que dou­ blé: on recense bien plus de de domestiques dans les 100 000 domestiques, et la ménages suisses a plus tendance est à la hausse. que doublé. Mais les conditions de travail sont précaires. Des cas travail forcé et le travail des enfants, ainsi graves de durées de travail bien trop que toute forme de discrimination, et de longues et de salaires horaires inférieurs garantir le respect des droits syndicaux. à onze francs sont régulièrement rapporUn contrat de travail précisant notamment tés au syndicat Unia. le salaire, la durée du travail et le temps Depuis janvier 2011, le contrat-type de libre devra désormais être conclu par travail obligatoire s’applique aux travailécrit. En outre, la convention introduit des leuses et travailleurs de l’économie donormes minimales valables au plan inter- mestique. Les employé-e-s domestiques national (respect des dispositions sur travaillant plus de cinq heures par sel’âge de protection légal et les salaires mi- maine dans un ménage privé ont droit au nimaux, droits en matière de sécurité so- salaire minimal – qu’ils accomplissent des ciale). D’autres articles concernent les tâches de nettoyage, lavent le linge, fasdroits spéciaux des migrant-e-s, le place- sent les achats ou la cuisine, s’occupent ment dans des ménages privés par les d’enfants ou aident des personnes âgées agences de recrutement spécialisées et ou malades dans leurs activités quoti­ diennes. Le salaire minimum est de 18.20 la protection contre les abus. francs pour des employé-e-s non quali­ fiés, de 20 francs pour des employé-e-s Des négociations laborieuses Ce succès marque l’aboutissement non qualifiés disposant de quatre ans d’années d’efforts déployés par le mouve- d’expérience professionnelle, et de 22 ment syndical international et de longues francs pour les travailleurs et travailleuses négociations menées au sein de la com- domestiques qualifiés. Certes légèrement mission tripartite ayant élaboré la conven- inférieurs aux exigences des syndicats, tion. La délégation syndicale a bénéficié ces salaires minimaux à caractère obligad’appuis gouvernementaux, notamment toire constituent une amélioration sensi­ en Asie, en Amérique latine, en Afrique, ble pour les personnes concernées. aux Etats-Unis et en Australie. La conven- Demeure cependant l’impérieuse nécestion constitue un pas important vers sité d’une régularisation des nombreux l’amélioration des conditions de travail du sans-papiers actifs dans des ménages en personnel de maison. Unia et Solidar ex- ­Suisse (voir encadré).

Fuite des cerveaux et absence de droits Les femmes migrantes qui travaillent comme domestiques disposent souvent d’une bonne formation. Leur émigration est synonyme de fuite de cerveaux et de gaspillage de matière grise: leurs compétences ne sont en effet pas utilisées. Ce constat vaut pour la Suisse également. Des sanspapiers travaillent dans de nombreux ménages privés de notre pays. Leur statut les contraint à travailler au noir: ces personnes accomplissent, dans le canton de Zurich, près de 30% des heures de travail de l’économie domestique. Les «senior-pair» composent un autre groupe: il s’agit de femmes qui s’occupent de personnes nécessitant des soins, font le ménage et sont disponibles 24 heures sur 24. Le démantèlement social et la privatisation des tâches d’assistance, ainsi que le vieillissement de la population et le fait que les femmes sont plus nombreuses à exercer une activité lucrative, ont engendré une demande croissante de services domestiques. Il est essentiel de faire reconnaître ce secteur d’activité et de le réglementer. Le contrat-type de travail suisse et la Convention de l’OIT pour le personnel de maison constituent une avancée majeure. Il s’agit à présent de les traduire en actes, ce qui implique des mesures de politique migratoire luttant contre l’économie souterraine dans le secteur domestique. Texte: Ruth Daellenbach


10 BRÈVES

Pakistan: un an plus tard

Fête du jubilé

Au Pakistan, les terribles inondations d’août 2010 ont détruit plus de 1,8 mil­ lion de maisons et 74 pour-cent de la surface agricole. Elles ont également dévasté le bétail. À l’heure actuelle, plus de 20 millions de personnes sont encore touchées par les conséquences de cette catastrophe. Grâce aux paquets d’aide d’urgence de Solidar Suisse, plus de 2000 familles ont pu évacuer les gravats de leurs maisons, sauver meubles et objets de valeur et se construire un abri d’urgence. En édifiant 800 logements temporaires, il a été possible de protéger les familles du froid et de l’humidité de l’hiver (cf. Solidarité 4/2010). Dans la même région, en mars 2011, nous avons démarré un projet avec notre partenaire local, la Labour Education Foundation, afin de redonner aux gens, en particulier aux femmes, la possibilité de trouver un emploi rémunéré. Nous prévoyons de remettre en état des systèmes d’irrigation, en collabora­ tion avec le Programme alimentaire mondial de l’ONU, afin d’assurer une bonne irrigation des cultures durant l’été. Solidar Suisse souhaite s’engager durablement dans ce domaine. Dans le sud du Pakistan également, nous avons distribué plus de 1500 paquets d’aide d’urgence. Solidar soutient la population dans le district de Layyah, par la formation d’artisans locaux à des méthodes de construction résistant aux crues. Ces méthodes ont rapidement été appliquées, par exemple en édifiant 350 maisons pour des veuves, ainsi que des personnes malades et handicapées. www.solidar.ch/pakistan

Fin mai, Solidar Suisse fêtait son 75e anniversaire et s’offrait un nouveau nom. À cette occasion, la Présidente de la Confédération, Mme Micheline CalmyRey, s’est entretenue avec la Ministre de l’éducation burkinabée, Mme Koumba

Boly Barry, au sujet des réussites et des échecs de la coopération au développement. Mme Boly Barry a relevé que la coopération avec la Suisse est bénéfique pour les jeunes exclus du système scolaire. Grâce au modèle de l’éducation bilingue, initié par Solidar Suisse, ces personnes sont alphabétisées. Mme Calmy-Rey a souligné qu’une bonne formation scolaire permet de combattre la pauvreté et a aussi relevé l’importance de favoriser les langues autochtones. 350 personnes ont participé au jubilé. Le film montrant les 75 ans d’histoire de l’OSEO, désormais Solidar Suisse, peut être visionné sur: www.solidar.ch/75.html

Halte aux privilèges de la FIFA! Le 1er juin, Solidar Suisse et la Jeunesse socialiste suisse ont lancé la pétition «Halte aux privilèges fiscaux de la FIFA!». Au vu des scandales répétés de corruption au sein de la FIFA, et du manque de considération de cette dernière pour les droits humains et du travail, le statut d’«organisation d’utilité publique» octroyé à la FIFA n’a plus aucune raison d’être. Entre 2007 et 2010, la FIFA a payé trois millions de francs d’impôts en Suisse – alors que la dernière Coupe du monde, jouée en Afrique du Sud, lui a rapporté 2,35 milliards de francs. Dans le même temps, la FIFA a versé des bonus de 50 millions de francs à ses dirigeants. Si elle avait été traitée comme

Nouveau mandat au Kosovo Solidar Suisse a obtenu le mandat «Diaspora pour le développement» de la Direction du développement et de la coopération (DDC). Son objectif est d’investir les ressources de la diaspora kosovare en Suisse – connaissances linguistiques et expérience – dans des initiatives sociales et économiques au Kosovo. La tâche de Solidar consiste à

une entreprise, elle aurait dû s’acquitter, en Suisse, de 180 millions de francs d’impôts entre 2007 et 2010. Le 15 juin, le conseiller national socialiste Hans-Jürg Fehr a déposé une interpellation invitant le Conseil fédéral à retirer le statut d’association d’utilité publique à la FIFA. Afin d’appuyer cette revendication, la pétition a été déposée en août dernier. Plus de 11 000 personnes l’ont signée. www.solidar.ch/fifawatch

établir des contacts avec la diaspora suisse et à conseiller les organisations locales chargées de réaliser les projets. La phase pilote, qui durera une année, débute en septembre: il s’agira d’abord d’identifier les besoins au Kosovo et les ressources en Suisse. Ensuite, les projets auront trois ans pour fonctionner de manière pleinement autonome. www.solidar.ch/kosovo


POINT DE VUE 11

Travail décent contre pauvreté Le travail décent joue un rôle décisif pour éradiquer la pauvreté à l’échelle mondiale. L’Organisation internationale du travail (OIT) contribue à le promouvoir, en adoptant par exemple la récente convention sur le travail domestique. Texte: Serge Gaillard, chef de la direction du travail au SECO

L’économie se mondialise, et cette internationalisation peut contribuer au succès de la lutte contre la pauvreté. À condition toutefois que les bénéfices du commerce international profitent à toutes et tous. On parle alors volontiers des dimensions sociales de la mondialisation, dimensions qu’il importe de renforcer. Un travail décent pour sortir de la pauvreté À ce titre, les conditions et les rapports de travail revêtent une importance centrale, car ils déterminent quelle propor­ tion de la population pourra prendre part au progrès économique. Le marché du travail comporte des aspects aussi bien quantitatifs que qualitatifs: quantitatifs, car seule la création d’emplois peut élargir le taux d’activité profes­sionnelle; qualitatifs, car seuls un travail décent et un revenu permettant de vivre dans la dignité sont à même de triompher de la pauvreté. Voilà pourquoi il importe tant de s’engager pour un travail décent à l’échelle mondiale. Dans ce domaine, l’Organisation internationale du travail (OIT) joue un rôle de premier plan. Sa structure tripartite – outre les représentant-e-s des gouver-

nements, elle réunit ceux des em­ployeurs et des employé-e-s – lui confère une légitimité unique.

Promotion des normes de l’OIT La Suisse a de tout temps joué un rôle très actif au sein de l’Organisation internationale du travail. Notre engagement suit trois priorités: nous œuvrons pour une OIT forte et dynamique, dotée d’organes efficaces et d’une politique crédible. Nous nous attachons ensuite à faire appliquer et à promouvoir les normes de l’OIT en Suisse. Ce travail comprend la ratification de normes et les questions générales relevant de la cohérence entre politiques économique et sociale. Enfin,

Egalité des droits pour le personnel de maison Le dernier exemple en date des efforts qu’elle mène pour promouvoir un travail décent partout dans le monde est la Convention concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques, adoptée en juin lors de la 100e session de la Conférence interna­ tionale du travail. Cette norme vise à garantir que le personLes conditions de travail nel domestique, une catégodéterminent quelle part rie des plus vulnérables dans de la population pourra le monde du travail, jouisse des mêmes droits que les prendre part au progrès autres travailleurs et travailéconomique. leuses. Lors du vote final, la Suisse s’est prononcée en faveur de la convention, entre autres le SECO s’efforce de promouvoir les norpour affirmer sa solidarité internationale. mes internationales dans le monde, en Un peu trop détaillée, la convention ne soutenant par exemple des projets de opération sera cependant pas facile à appliquer. l’OIT dans le cadre de la co­ Nous devrons commencer par analyser économique au développement. de près les diverses dispositions légales pertinentes avant de pouvoir nous prononcer sur sa ratification.


12 LES VERTUS Du bilinguisme Au Burkina Faso, un nombre croissant d’enfants fréquente les écoles bilingues. Visite à l’école primaire de Gambastenga.

Grâce à l’éducation bilingue, le niveau des élèves s’est amélioré et davantage de filles sont scolarisées. La ministre burkinabée de l’Education veut étendre ce modèle à l’ensemble du pays.

Texte et photos: Christian Walther «Calculs compliqués, grammaire, sciences naturelles, etc. En fait, j’aime toutes les branches», déclare Sonia Kiékiéta. À onze ans, c’est l’une des élèves les plus curieuses de Gambastenga, petite ville à 50 kilomètres au nord de la capitale Ouagadougou. Sonia fréquente l’une des quelque 130 écoles bilingues du pays. Elle fonctionne selon un principe aussi simple qu’attrayant: l’enseignement est tout d’abord dispensé en langue maternelle, puis en français. «Il y a quelques années encore, nous appliquions toujours l’ancien système datant du colonialisme, explique Dominique Ilboudo, enseignant à Gambastenga. Dès le premier jour d’école, les enseignant-e-s ne parlaient qu’en français. Et la plupart des élèves ne comprenaient rien, car personne ne parle le français à la campagne.» Français et mooré Si le français est certes la langue officielle et véhiculaire du Burkina Faso, on ne

le parle guère que dans les ministères et les universités. Ceux qui n’ont pas le privilège d’y travailler s’expriment dans l’un des quelque soixante idiomes locaux. A Gambastenga, il s’agit du mooré. À l’école, les plus jeunes commencent par apprendre à saluer en français, mais les élèves de cinquième m’épatent par leur maîtrise de la grammaire. L’élève interrogé se lève pour répondre. S’il donne la bonne réponse, le maître laisse d’autres élèves la répéter; s’il se trompe, ses condisciples tambourinent sur leurs bancs. Participation des parents À la cuisine de l’école bilingue, quatre femmes s’activent autour d’un foyer pour préparer le repas des cent-vingt élèves, leur dernier-né attaché au moyen d’un tissu sur leur dos. Grâce à ce repas pris en commun, on s’assure que chaque élève mange un vrai repas chaud au moins une fois par jour. Le Burkina Faso reste en effet l’un des pays les plus

pauvres du monde, où près de la moitié de la population vit sous le seuil de subsistance. Certaines écoles possèdent ainsi un jardin pour cultiver des légumes ou un élevage de volaille. En 2010, l’école de Gambastenga a récolté une demi-tonne de haricots. Les produits sont ensuite vendus sur le marché et la recette sert à acheter de nouveaux moyens d’enseignement. L’apprentissage de techniques agricoles et la promotion de la culture indigène font partie intégrante de l’école bilingue, ce qui accroît son attrait aux yeux de la population. Proportion de filles en hausse Car ce sont en fin de compte les parents qui envoient les enfants à l’école. Par le passé, ce privilège était en général réservé au fils aîné de la famille. Aujourd’hui, l’école bilingue compte autant de filles que de garçons. Les différences d’âge au sein d’une classe sont toutefois frappantes. «Lorsque j’ai commencé l’école,


ACTUALITÉ 13 Une vision globale de l’éducation Koumba Boly Barry, ministre de l’Education du Burkina Faso, a été invitée en Suisse par Solidar. Entretien sur l’éducation bilingue. Interview et photo: Katja Schurter

j’avais déjà 9 ans et je n’étais pas le plus vieux», se souvient Souleymane Bontogo. À force de travail, il a réussi à terminer le cycle primaire en quatre ans au lieu de cinq. Aujourd’hui, il étudie le droit à Ouagadougou et est persuadé que, sans l’école bilingue, il ne serait jamais parvenu jusque-là. «Quelques anciens de ma classe sont certes restés au village, mais deux jeunes filles sont devenues institutrices, quelques jeunes hommes me­ nuisiers et trois se préparent à devenir juristes, comme moi.» La voie que Sonia Kiékiéta entend suivre bientôt semble toute tracée: «Je veux devenir médecin pour pouvoir aider mes parents et les autres gens.» Visionnez le témoignage de Sonia sur l’école bilingue au Burkina Faso: www.solidar.ch/sonia.html

Le gouvernement souhaite généraliser le modèle d’éducation bilingue mis sur pied par Solidar. Pourquoi? Parce que c’est un excellent système d’enseignement de base qui se fonde sur une vision globale: culture, production et perspectives d’apprentissage à tout âge. Faisant intervenir les enfants, les jeunes et les parents, ce système revêt une grande importance pour la société. Voilà pourquoi le gouvernement a décidé d’étendre l’éducation bilingue à l’ensemble du pays. Nous devons toutefois non seulement transformer les écoles existantes en écoles bilingues, mais aussi ouvrir de nouvelles écoles. Comment comptez-vous mener ce projet à bien? Nous devons assurer une formation continue aux enseignant-e-s, sensibiliser la société, produire du matériel didactique et accompagner l’ensemble du processus. Aujourd’hui, 127 des 11 000 écoles au Burkina Faso sont bilingues. Selon notre plan d’action, à raison de 1500 écoles par an, la majorité des écoles devraient être bilingues d’ici en 2020. C’est là un objectif très ambitieux. Avec les moyens nécessaires, il est réalisable. Nous devrons toutefois pouvoir compter sur nos partenaires de la coopération au développement. Nous devons aussi nous doter d’une bonne stratégie, consistant par exemple à introduire ce modèle dans la formation du corps en­ seignant. Il faut surtout que ce dernier cesse d’enseigner selon le système colonial qu’il a lui-même connu.

Ce n’est pas la population, mais les intellectuels qui s’opposent à l’enseignement bilingue. Ils jugent inutile d’apprendre le mooré, car cela ne mènerait nulle part. Si je m’en tiens à leur logique, nous aurions tout intérêt à apprendre directement le chinois, et non le français. Quelle est votre vision de l’enseignement au Burkina Faso? Le système éducatif doit mettre en œuvre le droit à la formation. Chaque enfant, chaque adolescent-e et chaque adulte doit bénéficier d’une formation, qu’il soit homme ou femme, fille ou garçon, paysan-ne ou frappé d’un handicap. Ma vision est celle d’un système intégratif possédant un solide ancrage local: il importe d’inclure dans l’enseignement les spécificités de la commune et de la région concernées, afin de créer un lien entre ce que les élèves vivent et ap­ prennent. Le système édu­catif favorisera ainsi le développement régional. Des troubles ont agité le Burkina Faso ce printemps. Où en sont les choses à fin mai? Deux jours avant mon départ, des élèves ont occupé la place devant mon ministère pour inviter les enseignant-e-s en grève à retourner à l’école, car les examens approchaient. Comme nombre d’autres pays, le Burkina Faso traverse actuellement une crise sociale. L’alphabétisation des jeunes et des adultes a été si efficace que la population ­désire à présent une nouvelle forme de gouvernement. Nous devons répondre à cette attente.


14 JEU & BAROMÈTRE Le sudoku de Solidar 9 8

9

5

7

8

5

6

4

1

9

2

5 4 2

5 1

4

8

4

7

1

7

2

3

Baromètre de la solidarité

Règles du jeu

2

3

1

6

8

9

5

Complétez les cases de la grille avec les chiffres de 1 à 9, afin qu’il n’y ait aucune répétition et aucun doublon dans chaque colonne, ligne et carré de 3x3. La solution se trouve dans les cases grises lues horizontalement, selon l’équivalence cidessous: 1=R, 2=O, 3=C, 4=N, 5=D, 6=E, 7=K, 8=W, 9=T.

Les multinationales du café comme Nestlé doivent-elles proposer une offre conséquente de produits équitables (voir page 20)? Oui, elles doivent proposer uniquement du café produit dans des conditions équitables. Oui, mais. Elles doivent inclure le café équitable dans toutes les lignes de produits – et laisser ainsi le choix à la clientèle. Non, ce n’est pas nécessaire. Participez à notre sondage en renvoyant le talon-réponse joint au présent numéro de Solidarité.

SOLUTION:

Envoyez la solution à Solidar Suisse via le talon-réponse ci-joint, sur une carte postale, ou par e-mail à contact@solidar.ch, sujet «sudoku». Toutes les réponses correctes participent au tirage au sort. 1er prix: un bon d’achat Gebana d’une valeur de 150 francs 2e prix: un bon d’achat Gebana d’une valeur de 100 francs 3e prix: un bon d’achat Gebana d’une valeur de 50 francs Les prix nous ont été généreusement offerts par Gebana.

Envoyez un e-mail à George Clooney, afin qu’il exige de Nestlé des conditions de travail décentes pour les cultivateurs et cultivatrices de café: www.solidar.ch/cafe La date limite d’envoi est le 26 septembre 2011. Le nom des gagnant-e-s sera publié dans Solidarité 4/2011. Le concours ne donne lieu à aucune correspondance, ni à aucun recours. Le personnel de Solidar n’a pas le droit d’y participer. La solution de l’énigme de Solidarité 2/2011 était «pense global». Les gagnant-e-s ont été tirés au sort: Jean-Baptiste de Weck, de Pierrafortscha, Elsbeth Reutimann, de Dachsen, et Ferenc Ozvegyi, de Kriens, ont gagné des bons d’achat Gebana. Nous remercions Gebana pour ces prix, ainsi que tou-te-s les participant-e-s au jeu.

Modifier un testament

Les bonnes raisons d’adapter un testament ne manquent pas: inscrire de nouveaux ou nouvelles bénéficiaires, en supprimer d’autres, revoir la répartition de la donation, etc. C’est tout simple, à condition de respecter quelques règles. Dans le cas d’un testament écrit à la main, chaque modification comportera la date, le nom complet de l’auteur et sa signature. Vous trouverez toutes les informations utiles dans notre notice «Modifier un testament». Pour l’obtenir, envoyez-nous le bon de commande ci-joint ou adressez-vous à Stéphane Cusin: 021 601 21 61. P.S.: Si vous avez fait figurer l’OSEO parmi les bénéficiaires, vous n’avez pas besoin, suite à notre changement de nom, d’adapter votre testament. Si vous décidez d’y apporter des modifications, il serait néanmoins bon de remplacer OSEO par Solidar Suisse.


ACTUALITÉ 15

Penser globalement, agir localement! Les communes suisses prennent-elles au sérieux leurs responsabilités sociales? La réponse varie beaucoup d’une commune à l’autre. Texte: Cédric Wermuth et Alexandre Mariéthoz. Photo: Martin Gassner

Les communes doivent acheter uniquement des produits fabriqués dans des conditions décentes – comme ces pavés en provenance du Vietnam.

La première campagne lancée par Solidar Suisse sous son nouveau nom s’intitule «Rating Solidar des communes: penser globalement, agir localement». Elle émane en fait de la campagne «Non à l’exploitation grâce à nos impôts!» et s’adresse aux pouvoirs publics, notamment aux communes. Des entretiens téléphoniques comportant une septantaine de questions et des recherches approfondies. Voilà l’examen auquel nous avons soumis 88 communes, afin de savoir si elles assument leurs responsabilités sociales vis-à-vis des pays du Sud. Notre démarche, basée sur les chiffres 2009 et 2010, évalue l’engagement des communes en matière, d’une part, de coopération au développement et, d’autre part, d’achats publics équitables (achat de biens produits décemment, en l’absence de travail des enfants, de travail forcé et de salaires de misère); chacun de ces éléments entre pour moitié dans l’évaluation. Un maximum de 100 points peut être obtenu.

Les résultats Un bref coup d’œil sur les résultats révèle des écarts énormes. Entre les communes qui affirment ne guère se préoccu­ per des problèmes dans les pays en développement et les cas les plus exemplaires, nous avons tout vu. Une tendance se dégage néanmoins: les communes actives dans la coopération au développement tiennent plus souvent compte des conditions de travail lors de leurs achats, et vice-versa.

Les grandes communes ne se placent cependant pas toutes en tête: Coire se classe par exemple en queue de peloton. Ecarts régionaux Les écarts régionaux sont tout aussi frappants. Les communes du nord-ouest du pays (Berne, Argovie, Soleure) tendent à consacrer plus d’argent à la co­ opération au développement, mais sont à la traîne concernant les achats publics. Le sud-est de la Suisse s’en sort le plus mal: sur les six communes examinées, aucune n’obtient plus de 25 points. Les communes romandes brillent souvent en matière de coopération au développement (surtout à Genève et dans le canton de Vaud); s’agissant des achats publics, leurs résultats se situent dans la moyenne suisse, avec cependant de fortes variations en­tre, par exemple, Genève

Zurich détrônée par Genève Les villes se montrent en général plus responsables que les petites communes. En proportion, elles dépensent plus pour la coopération au développement et tiennent davantage compte des conditions de production des biens achetés. La palme revient d’ailleurs à la plus grande commune de Suisse (Zurich, 89 sur 100 points). Au niveau des communes, Son cas illustre hélas aussi la responsabilité sociale est une triste réalité: la coopération au développement est, moins une question de taille souvent, la première victime que de volonté politique. des mesures d’économie. Zurich a récemment décidé de réduire ses contributions annuelles de (42 pts), Nyon (32 pts), Delémont (11 2,6 millions à 0,5 million de francs. Lors pts), Bulle (7 pts) et Montreux (3 pts). du prochain rating, Zurich rétrogradera Le «Rating Solidar des communes» a été donc de 20 points. Quant à Genève, elle établi pour la première fois en 2011. obtient 85 points, tout en ayant opté pour Nous prévoyons de réitérer l’opération. une hausse de son engagement finan- Nous pourrons ainsi suivre l’évolution de cier. On peut donc considérer Genève la responsabilité sociale des communes. comme la championne suisse de la res- Vous trouverez les résultats détaillés sur: ponsabilité sociale vis-à-vis des pays www.solidar.ch/rating-solidar-desémergents et en développement. communes.html


16 CULTURE

De la philanthropie à la poursuite d’une carrière L’exposition «L’autre côté du monde – Histoires de la Suisse humanitaire» lance le débat sur le sens de l’aide humanitaire et de la coopération au développement. Texte: Katja Schurter L’exposition propose un voyage kaléi­ doscopique à travers les expériences de personnes qui se sont engagées en faveur des droits humains, dans la coopération au développement et l’aide humanitaire. Des films d’une durée de deux à cinq minutes abordent plusieurs sujets – de la motivation pour s’engager dans une mission jusqu’à l’influence des médias et au rôle de l’argent, en passant par l’eau, l’alimentation, les déceptions, l’amour et le partenariat, les traumatismes. Ces courts-métrages donnent un aperçu de réalités multiples. A vous de déterminer ce que vous voulez visionner, à l’aide d’une télécommande permettant de décider librement de chaque étape de la visite. Motivations et déceptions La motivation à s’engager dans la coopération au développement n’est pas chose immuable, le constat transparaît dans plusieurs témoignages. Alors que Laurent Barbanneau, de Médecins Sans Frontières, se plaint de ce que le désir de faire carrière ait pris le pas sur l’idéalisme d’antan, Rudolf Högger, de la Direction du développement et de la coopération (DDC), estime au contraire positif que l’attitude humanitaire légèrement dépréciative consistant à «faire le bien» ait cédé le pas à plus de sobriété. Barbara Burri Sharani, qui s’est rendue au Kosovo pour Solidar Suisse en 2000, considère que le sentiment de pouvoir faire quelque chose était très motivant: «Nous avons assisté à beaucoup de scènes tragiques, mais l’aide était indis-

pensable et nous avons vraiment pu apporter beaucoup.» Quant à Al Imfeld, écrivain lucernois très engagé en faveur de l’Afrique, il évoque son immense déception, quand il a rencontré son idole, Albert Schweitzer, à Lambarene, en 1951. Schweitzer lui a dit: «Si l’Africain est un être humain, c’est d’abord un enfant». En voyant Schweitzer accrocher des numéros au cou des Noirs parce qu’il n’arrivait pas à les distinguer, puis dire au ministre de l’Intérieur sudafricain qui se trouvait justement là: «Vous suivez la bonne voie», Imfeld a quitté Lambarene. Il a ensuite activement contribué à la lutte contre l’apartheid. Le rôle des médias Le parcours cinématographique nous incite à réfléchir au rôle des médias, un sujet sur lequel les acteurs de la Suisse humanitaire se montrent très ambivalents. Si Marta Fotsch, d’Amnesty International, souligne que la lutte contre les violations des droits humains serait impossible sans la pression des médias, on critique aussi le fait que l’aide humanitaire se soumette à la logique des mé­ dias, que des journalistes jettent parfois de l’huile sur le feu en publiant des photos sensibles. L’image spectaculaire ne respecte pas la dignité humaine. Martine Bourquin, qui travaillait pour le CICR dans un camp de réfugié-e-s à la fron­ tière entre le Cambodge et la Thaïlande, raconte qu’un journaliste a tout simplement arraché le drap qui couvrait une dépouille pour faire une photo. Elle était tellement furieuse qu’elle l’a frappé.

Les droits humains en Suisse L’exposition montre aussi des films créés par le public lors d’un concours de courts métrages organisé dans le cadre de l’exposition. Le film «Unknown», réalisé par une classe de septième primaire de Belp, dans le canton de Berne, a été primé. À l’exemple de quatre réfugiés afghans – des hommes exclusivement, et c’est dommage – ce film illustre la situation diffi­cile, sans issue et marginale des réfugié-e-s en Suisse. Il pose explicitement la question du respect des droits humains au cœur même de la Suisse humanitaire. A découvrir sous: www.humem.ch

Calendrier à venir de l’exposition 1er juin – 31 août 2011 Genève, Bibliothèque de la Cité 30 septembre – 11 novembre 2011 Zurich, Ecole polytechnique 7 octobre – 31 octobre 2011 Bâle, Université de Bâle 24 novembre – 2 décembre 2011 Lausanne, Cinémathèque 17 février – 2 avril 2012 Genève, Bibliothèque de la Cité L’exposition est soutenue par Solidar Suisse.


RÉSEAU 17 Valais: sept livres écrits par des migrantes

Sept femmes de Turquie, Syrie, Macé­ doine et d’Irak, toutes élèves des cours de l’OSEO Valais, se sont pudiquement racontées dans un livre réalisé par leurs

soins. Toutes en ont profité pour raconter leur histoire. Ces sept ouvrages «mon­ trent que les requérant-e-s d’asile et les personnes étrangères en général ont toutes quelque chose à donner», expliquait récemment Véronique Barras, responsable du programme intégration, dans Le Nouvelliste. Les cours de l’OSEO Valais, notamment ceux de français, affichent complet. L’OSEO dédoublera ses cours prochainement et projette d’ouvrir des modules d’alphabétisation. www.oseo-vs.ch

OSEO Suisse centrale: essai pilote Depuis le 25 juin, des réfugié-e-s sans emploi, principalement des personnes ayant obtenu ou requérant l’asile, net­ toyent sept établissements scolaires de la Ville de Lucerne. Cet essai pilote constitue d’abord une réaction à la forte fréquentation des places de jeux de ces établissements durant les fins de semaine, engendrant beaucoup de saleté et de vandalisme. Le nettoyage régulier assure l’accès aux installations et le bien-être des person-

nes habitant le quartier. De plus, le projet contribue grandement à intégrer des personnes défavorisées dans le marché du travail. Leurs compétences profes­ sionnelles et personnelles sont renforcées. En même temps, les réfugié-e-s au bénéfice de ce programme entretiennent des contacts avec la population locale. Le projet pilote est financé par la Ville et le Canton de Lucerne; il se déroule en collaboration avec l’OSEO de Suisse centrale. www.sah-zs.ch

OSEO Zurich: course contre le racisme Le dimanche 25 septembre, à Zurich, aura lieu la dixième édition de la course contre le racisme. Elle est organisée par l’Union syndicale zurichoise et par l’OSEO Zurich. Cette année, l’argent des sponsors profitera surtout au service de conseil de l’OSEO Zurich. Ce dernier propose de l’aide dans les domaines du droit du travail, de l’assurance-chômage et de la recherche d’emploi. Plus de la moitié des personnes nécessitant des conseils sont d’origine étrangère. Seront également soutenus d’autres mouvements, au nom de la campagne «Mouvement suisse des

sans-papiers – 10 ans», comme notamment le service d’aide aux sans-papiers de Zurich et la section alémanique de SOS Racisme. Pour les personnes souhaitant participer à la course ou la soutenir financièrement: 044 241 97 92 ou www.laufgegenrassismus.ch

Genève: quand la créativité renforce l’autonomie Les jeunes du Semo de l’OSEO Genève suivent des modules mensuels sous forme d’ateliers, articulés autour de thématiques artistiques et artisanales en phase avec les réalités socioculturelles actuelles. Tour à tour, les participant-e-s peuvent s’investir dans des ateliers Bois, Ecodesign, Multimédia et Activités créatrices, le tout encadré par des formatrices et formateurs professionnels dans leur domaine. Ces projets sont à la croisée des chemins de l’intégration socioprofession­ nelle et de l’autonomisation par la créativité. En effet, la découverte de nouveaux savoir-faire techniques, associée à la possibilité de produire une œuvre culturelle qui ne soit pas orientée vers des fins exclusivement commerciales, permet de développer, chez le jeune en rupture, sa motivation à réaliser un travail bien fait de bout en bout. Elle contribue aussi à renforcer tant sa concentration que sa confiance en soi, vecteurs essentiels pour une bonne intégration future sur le marché du travail. Par ailleurs, ces ateliers sensibilisent les jeunes à des métiers manuels trop souvent décriés et oubliés dans nos sociétés contemporaines et, finalement, ouvre le champ des possibles en matière d’orientation professionnelle future. www.oseo-ge.ch


18

Les femmes seules sont particulièrement vulnérables Pour Jelena Mijovic, coordinatrice de Solidar Suisse en Serbie, le dialogue social est le meilleur moyen pour surmonter la crise et le chômage. Texte: Katja Schurter. Photo: Solidar


PORTRAIT 19 Suisse, à la mi-mai, pour la rencontre de tou-te-s les responsables locaux de Solidar: à la fin du mois d’avril, une conven­ tion sociale valable pour tout le pays a été signée par les syndicats, le gouvernement et le patronat, afin de renforcer l’économie serbe et de rendre la prospérité accessible à chacun-e. La convention prévoit une assurance maladie pour le personnel, le rattrapage des cotisations non versées de prévoyance vieil­ lesse, ainsi qu’un salaire horaire minimum de 102 dinars (environ 1.20 francs). «Avec ça, tu peux tout juste survivre, tu ne peux pas nourrir une famille, mais c’est quand même un progrès», dit-elle, convaincue. «Je suis contente et soulagée que la convention ait été signée; le dialogue social était totalement bloqué, car les partenaires sociaux déniaient toute légitimité à leurs interlocuteurs respectifs.» L’objectif poursuivi n’est cependant pas encore atteint: «Maintenant, il s’agit de traduire cet accord dans les faits – bien des choses signées restent lettre morte.» Jelena Mijovic inspecte les conditions de travail dans une fabrique serbe.

Jelena Mijovic ne tient pas en place, elle est toujours à l’affût d’un nouveau défi. Ce n’est pas ce qui manque, quand on est responsable du bureau de coordina­ tion de Solidar en Serbie. «Soutenir les travailleuses et les travailleurs me motive, que ce soit en favorisant des contacts réguliers entre partenaires sociaux ou en faisant de la formation continue. Mais c’est difficile, les progrès s’accompagnent souvent de revers», dit-elle au terme de sa première année d’activité. Il faut savoir être patiente et tenace, car «tu ne peux pas changer la situation du jour au len­ demain. Depuis l’implosion de la Yougo­ slavie, nous nous trouvons dans une crise permanente, et les privatisations ont eu beaucoup d’effets négatifs.» Jelena Mijovic a tout de même pu se réjouir d’un succès avant son arrivée en

Lutter pour la sécurité sociale La loi sur le travail serbe prévoit un congé maternité d’un an, mais la dispo­ sition n’est pas respectée: «Les femmes jeunes trouvent du travail seulement si elles s’engagent par écrit à ne pas être enceintes. Et les femmes seules pour élever leurs enfants sont particulièrement vulnérables. Les femmes travaillent sans arrêt – pendant que les hommes regardent la télévision. Beaucoup ne se défendent pas contre les heures supplémentaires non payées ou les brimades, parce qu’elles craignent de perdre leur emploi», explique cette mère seule qui va jouer au football avec son fils après une longue journée de travail, fatiguée ou non. Beaucoup de salarié-e-s n’avaient pas d’assurance maladie, car l’Etat, qui était le principal employeur, n’avait pas versé ses cotisations. «Quand ce scandale a éclaté, il y a quelques années, les entreprises avaient déjà été vendues à des sociétés étrangères qui ne voulaient pas assumer ces arriérés. Nous n’avons

donc ni assurance maladie, ni caisse de pension. La signature de l’accord de partenariat social devrait enfin nous garantir une retraite.» Les vertus du dialogue social Solidar s’engage depuis six ans en faveur du dialogue social réunissant autour d’une même table employeurs, gouvernement et syndicats. «Nous soutenons les projets des sections femmes et jeunes au sein des syndicats, et nous favorisons le dialogue social à l’échelle locale et nationale. Si des partenaires qui n’auraient pas échangé un mot il y a quelques années se retrouvent autour d’une même table, c’est aussi grâce à Solidar», explique cette traductrice diplômée. Pour elle, le dialogue social est le principal instrument de lutte contre la crise économique et le chômage en Serbie. Mais il n’est pas facile de le met­ tre en pratique. «Le gouvernement de­vrait soumettre des projets de loi au Conseil économique social, mais ‹oublie› souvent de le faire, ou ne le fait qu’à la toute dernière minute, un jour avant l’échéance du délai de consultation», s’énerve Jelena Mijovic. Son prochain objectif consiste à intro­ duire des conventions collectives de travail dans les entreprises. A plus long terme, elle souhaite que la loi sur le travail soit systématiquement appliquée et que les investissements étrangers favorisent la création d’emplois durables et décents.

Solidar Suisse en Serbie Solidar s’engage pour le dialogue social, afin d’enrayer les effets négatifs des privatisations. Elle réunit les autorités, les syndicats et le patronat autour d’une table pour trouver ensemble des solutions à la crise économique et au chômage. Des conventions collectives, ainsi qu’un accord social valable pour tout le pays (voir article), ont été signés récemment.


e presso Non à l’exploitation dans le commerce du café Dans le monde, 100 millions de travailleuses et travailleurs actifs dans la culture du café luttent pour survivre, alors que, dans les pays du Nord, le prix d’un kilo de café atteint parfois 100 francs (capsules Nespresso par exemple). Le commerce équitable permet de lutter contre ce scandale, en garantissant des conditions de production dignes. Êtes-vous d’avis que Nestlé doit proposer du café équitable? Alors envoyez un e-mail à George Clooney! M. Clooney doit exiger de Nestlé des conditions de travail décentes pour les cultivateurs et cultivatrices de café – ou alors renoncer à faire de la publicité pour Nespresso. www.solidar.ch/cafe


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