Solidarité 2/2015

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Numéro 2, mai 2015

POINT FORT L’héritage du colonialisme BOLIVIE Du théâtre pour la démocratie

Le magazine de


2 ÉDITORIAL Chère lectrice, cher lecteur, En 1962, l’Algérie s’est libérée du joug de la France après une du Kosovo envers d’autres Etats et puissances occupantes a sanglante guerre d’indépendance. En 1966, mon frère et sa des points communs avec l’exploitation coloniale et le fait de femme sont partis à Alger pour établir un centre de formation négliger, par voie de conséquence, le développement intérieur. professionnelle sur mandat de l’OSEO. Les premiers diplômés La plupart des pays prioritaires de trouvaient un emploi avant la fin de leurs Solidar Suisse ont un passé colonial. Vu études déjà car, après toutes ces années la politique commerciale pratiquée par de mainmise étrangère, il n’y avait quasiles puissances coloniales, ils ont entamé ment pas de spécialistes locaux dans le leur carrière d’Etats indépendants avec pays. Lorsque je me suis rendue pludes désavantages initiaux conséquents. sieurs fois en Algérie dans les années Souvent, ils servaient uniquement de 1980, ce déficit restait perceptible. La pourvoyeurs de matières premières et fameuse fuite des cerveaux est toujours toute relation commerciale avec d’autres une réalité puisque seules quelques perEtats leur était interdite. Certains pays sonnes voient des opportunités de travail ont dû lutter pour leur autonomie dans dans leur propre pays et sont prêtes à des guerres d’indépendance destrucrenoncer à une carrière rimant avec bienEsther Maurer trices dont les blessures ne sont pas être, à l’étranger, pour mener chez elles Directrice de Solidar Suisse toutes guéries. Que ce soit au Burkina une activité de reconstruction complexe. Faso, en Amérique latine ou au Sri Lanka, Naturellement, on peut prétendre que d’autres facteurs ont fait seuls des principes démocratiques fondamentaux garantissent reculer plus fortement l’Algérie que l’exploitation coloniale par un développement ne profitant pas à quelques-uns seulement la France. Mais je me demande fondamentalement si de tels mais au bien-être de larges couches de la population. excès ne trouvent justement pas un terreau idéal dans la sociéLa lutte contre la pauvreté, inscrite dans notre nouvelle straté postcoloniale. tégie, repose sur trois piliers: travail décent pour couvrir les Vous me ferez remarquer qu’on assiste actuellement au Kosovo besoins vitaux, aide humanitaire ainsi que démocratie et à une vague migratoire provoquée par un système social dans participation. Ce dernier pilier est la réponse de Solidar Suisse lequel la population ne voit pas d’avenir et que ce pays n’a pas aux anciennes blessures encore larvées du colonialisme et aux été colonisé. Je vous rétorquerai que la dépendance séculaire nouvelles plaies sanglantes, une des facettes de la mondialisation. Esther Maurer

REVUE DE PRESSE

11.12.2014 L’impact des dons suisses en Asie du Sud 10 ans après le tsunami Les projets menés en Asie du Sud grâce aux 227 millions de francs récoltés par la Chaîne du Bonheur après le tsunami de 2004 ont eu un impact généralement positif. L’évaluation concerne les 29 plus grandes opérations réalisées par les antennes suisses de ADNA et de Caritas, ainsi que l’Entraide protestante, Swisscontact, Solidar Suisse et la Croix-Rouge.

21.03.2015 La FIFA n’encaisse pas de but au National Pas touche à la FIFA! Le Conseil national a refusé hier de donner suite à une pétition demandant de mettre fin aux privilèges fiscaux accordés à la Fédération internationale de football. La Jeunesse socialiste suisse (JSS) et l’organisation Solidar avaient recueilli plus de 10 000 signatures. Dans un communiqué, Solidar affiche sa déception face au rejet de

la pétition. «La FIFA exige une vaste exemption d’impôts dans un pays où les Coupes du monde sont organisées. Or cet allégement fiscal est justifié par la FIFA sous prétexte qu’elle paie déjà des impôts en Suisse.» Selon l’œuvre d’entraide, «la FIFA réalise au final des bénéfices très élevés, non imposés, et accumule des milliards au détriment de la population suisse et des pays hôtes.»


POINT FORT L’héritage du colonialisme

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Les coordinatrices et coordinateurs nationaux de Solidar s’expriment sur les traces que le colonialisme a laissées dans leurs pays 6 Accaparement de terres: une forme moderne de colonialisme 9 L’entreprise Pacific Rim porte plainte contre l’Etat du Salvador et lui demande une indemnisation pour les pertes potentielles subies 10 Pour gommer les anciennes structures colonialistes, il faut des normes relatives au travail décent 12 ACTUALITÉ Travail décent et participation démocratique – ces piliers de la nouvelle stratégie de Solidar sont la clé de la lutte contre la pauvreté 16

POINT FORT

Le colonialisme a posé les bases du capitalisme et de la mondialisation et, en de nombreux endroits, il marque encore le monde d’aujourd’hui.

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PORTRAIT En Bolivie, Nayra Muñoz encourage par le théâtre la réflexion sur les enjeux sociaux et donne une voix à la jeunesse 18 CHRONIQUE

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BRÈVES

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CONCOURS

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18 PORTRAIT Nayra Muñoz invite le public à engager le débat et donne aux jeunes Boliviens la possibilité d’exprimer leurs idées et leurs perspectives.

IMPRESSUM Editeur: Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Case postale 2228, 8031 Zurich, Tél. 021 601 21 61, E-mail: contact@solidar.ch, www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen Solidar Rédaction: Katja Schurter (rédactrice responsable), Rosanna Clarelli, Eva Geel, Lionel Frei, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil Voices Traduction: Ursula Gaillard, Milena Hrdina, Jean-François Zurbriggen Correction: Jeannine Horni, Catherine Vallat Impression et expédition: Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 Schaffhouse Paraît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé et respectueux de l’environnement. Photo de couverture: Fausta Carmi travaille dans des conditions décentes sur une plantation de cannes à sucre en Bolivie. Photo: Désirée Good. Dernière page: Signez la pétition pour des multinationales responsables. Photo: Oliver Gemperle.


4 Dans la carrière de pierre de Pissy, à proximité de Ouagadougou au Burkina Faso, des femmes, des hommes et des enfants tentent de gagner leur vie.


POINT FORT

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L’HÉRITAGE DU COLONIALISME Le colonialisme a jeté les bases du capitalisme et de la mondialisation. A présent que les anciennes colonies ont accédé à l’indépendance, il se mue en néocolonialisme. Des accords de libre-échange perpétuent de vieilles servitudes, les flux financiers bénéficient en fin de compte aux pays du Nord et l’accaparement des terres s’aggrave sans cesse. Dans ce dernier cas, les cultures pratiquées dans le Sud pour approvisionner le Nord rappellent étrangement les pratiques coloniales. En lisant les pages ci-après, vous en apprendrez davantage sur l’héritage du colonialisme et comment Solidar y fait face dans ses activités. Photo: Jürg Gasser


6 POINT FORT Quel héritage le colonialisme a-t-il légué aux pays prioritaires de Solidar Suisse? Nous avons posé la question à nos coordinatrices et coordinateurs sur place. Photos: Désirée Good, Jürg Gasser, Hamish John Appleby, Rico Jacometti Solidar contribue à surmonter l’héritage négatif du colonialisme avec notamment l’introduction de la formation plurilingue au Burkina Faso (à droite au milieu) ou le soutien aux familles tamoules de cueilleurs et cueilleuses de thé au Sri Lanka (à droite en bas).


POINT FORT 7

MENTALITÉ COLONISÉE La colonisation de la Haute-Volta, l’actuel Burkina Faso, poursuivait trois objectifs: utiliser la population indigène comme réservoir de main-d’œuvre, cultiver des produits d’exportation, tels les arachides et le coton, et mener une «mission civilisatrice». Soumis durant de longues années à la domination coloniale, les colonisés ont commencé à croire l’allégation selon laquelle ils étaient incapables de penser. Il leur fut donc impossible d’imaginer un avenir qui s’écarterait du modèle de développement préconisé par les colons. Cette mentalité reste si répandue que les pays africains, désormais indépendants, ont toujours besoin de l’appui des anciens colonisateurs pour définir leurs stratégies de développement. Par le biais des accords de libre-échange, des mesures d’ajustement structurel et la présence militaire étrangère, les économies africaines continuent de servir les intérêts des anciennes puissances coloniales. L’héritage transmis par le colonialisme au Burkina Faso va de l’habillement – costume trois-pièces et cravate par 43 degrés à l’ombre – à l’analphabétisme en passant par la dévalorisation du mode de vie rural. Les colons ont profité du fait que la plupart des gens ne savaient ni lire ni écrire pour empêcher la population de participer aux décisions. Le néocolonialisme perpétue cette tradition: aujourd’hui encore, l’enseignement scolaire est dispensé en français, langue que beaucoup d’enfants ne comprennent pas. Solidar Suisse tente de faire évoluer la situation en introduisant par exemple la formation plurilingue au Burkina Faso.

Dieudonné Zaongo Burkina Faso

DROITS HUMAINS UNIVERSELS A La Paz, des hommes et des femmes en costumes multicolores dansent dans les rues. Ils célèbrent la Fiesta del Señor del Gran Poder, une fête d’inspiration chrétienne: les fidèles promènent le saint dans la ville et les prêtres autochtones les accompagnent en portant des offrandes à la Pachamama (la Terre-Mère). A 1000 kilomètres de là, à Camiri (est de la Bolivie), des Guaranis remettent aux autorités communales (une institution de la démocratie représentative) les revendications formulées par l’assemblée villageoise (une institution de la démocratie précoloniale). A Icla, des greffiers et greffières autochtones participent à une réunion conviée par un réseau contre la violence. L’objectif est d’éradiquer la violence envers les femmes, qui sévit aussi bien à la campagne que dans les villes. Leur meilleure arme est la Constitution bolivienne, puisqu’elle associe l’idéal traditionnel des autochtones («bien vivre») et le respect des droits humains modernes. La colonisation a laissé des traces dans tous les secteurs de la société bolivienne. L’un de ses héritages positifs est la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui s’applique à tout individu indépendamment de son origine. Respectant les différentes cultures du pays, Solidar contribue à construire des valeurs communes afin d’assurer la cohésion sociale. Nos activités reposent sur les droits humains, en particulier ceux des femmes, des jeunes et des travailleurs. Ces droits sont aussi une source d’inspiration pour promouvoir la justice sociale.

Martín Pérez Bolivie

INÉGALITÉS SOCIALES Au Salvador, les colonisateurs se sont approprié la capacité de travail et les richesses de la civilisation préhispanique en accaparant les terres et en réduisant la population à l’esclavage. En taxant d’hérétiques les cultures et les idées précoloniales, l’Eglise a joué un rôle décisif pour établir la puissance coloniale. L’accession officielle à l’indépendance, en 1821, n’a rien changé. Les grands propriétaires terriens, les anciens fonctionnaires coloniaux et les membres du clergé catholique ont pris le pouvoir et accru leurs richesses en exportant des matières premières. L’exploitation s’est perpétuée même en l’absence de puissance coloniale, creusant les inégalités sociales et entravant le développement industriel. Aujourd’hui encore, pouvoir et propriété foncière sont répartis entre seulement quatorze familles. Depuis 2009, le pays est dirigé pour la première fois par un gouvernement qui n’est pas orienté à droite. Des progrès prometteurs commencent à briser les structures héritées du colonialisme: promotion de la petite production, intensification du dialogue entre population et instances étatiques. C’est tout bénéfice pour Solidar Suisse, qui s’attache depuis 1992 à promouvoir la participation démocratique de la majorité pauvre de la population et à améliorer ses perspectives de développement économique. Le legs colonial reste néanmoins bien présent: la petite production ne peut pas concurrencer les produits bon marché, car subventionnés, importés dans le cadre des accords de libre-échange et la torréfaction du café reste l’apanage de l’Europe et des Etats-Unis.

Yolanda Martinez El Salvador


8 POINT FORT

VOIES DE TRANSPORT COLONIALES Au Mozambique, la puissance coloniale a construit les voies de transport en fonction de ses intérêts économiques. A ses yeux, le développement local était secondaire. Cette inégalité reste clairement perceptible: les localités présentant un attrait économique sont reliées par un efficace réseau de communications, alors que de vastes portions du pays restent à l’écart. Cet héritage du colonialisme perdure encore aujourd’hui, puisque la communauté internationale fournit un appui considérable au couloir de Beira qui revêt une importance cruciale pour l’économie. Mais la population locale passe au second plan. Les trains qui empruntent la ligne transportent de grandes quantités de bois, de carburant, de céréales et d’engrais, sans que les trois millions d’habitants du couloir de Beira en profitent. Même les projets d’investissement étrangers délaissent la population locale. La location de grandes surfaces cultivables à des multinationales nuit à l’environnement et concentre la propriété de vastes territoires entre les mains d’une minorité, alors que la population indigène se voit privée de ses moyens d’existence (lire l’article à la page 9). Pour se débarrasser de l’héritage colonial, les personnes concernées doivent prendre part aux décisions. Voilà pourquoi Solidar Suisse œuvre pour renforcer leur participation démocratique.

Jorge Lampião Mozambique

EXPLOITATION ET RIGIDITÉ HIÉRARCHIQUE La présence de Tamouls indiens au Sri Lanka est un héritage colonial. Ces migrants ont commencé à quitter le sud de l’Inde à partir de 1840 pour rejoindre l’ancienne Ceylan, car la population locale ne suffisait plus à assurer tout le travail dans les plantations des colons anglais, tout d’abord vouées à la culture du café, puis à celle du thé. Avec l’essor du thé, les travailleurs ont ensuite fait venir leurs familles. Même si la situation des Tamouls indiens s’est améliorée ces dernières années, ils continuent de former le groupe de population le plus pauvre et le plus défavorisé du pays. Une autre conséquence du colonialisme, qui a toutefois aussi des origines culturelles, réside dans l’écart qui sépare les classes sociales. Cet écart est tel qu’il est extrêmement difficile d’introduire des «hiérarchies transversales». Dans les activités qu’elle mène au Sri Lanka, Solidar Suisse est confrontée à ces deux problèmes. Nous œuvrons dès lors à améliorer la situation des Tamouls en plaidant pour l’introduction d’une certification dans diverses plantations de thé (lire à ce propos l’édition 4/2014 de «Solidarité»). Cette certification inclut des critères sociaux, comme l’interdiction du travail des enfants, une durée de travail maximale de 48 heures hebdomadaires et le respect des salaires minimaux locaux. Pour assouplir la hiérarchie, nous faisons participer tous les membres des équipes de projet aux décisions et soutenons les processus démocratiques au sein de la population. www.solidar.ch/fr/plantation-de-the

Daniel Bronkal Sri Lanka

CORRUPTION ET FATALISME Le passé colonial est encore très présent dans le Nicaragua d’aujourd’hui: la corruption et le système de complaisances qui gangrènent l’administration remontent à l’ère où le pays était dirigé par la monarchie espagnole, qui mettait les postes politiques aux enchères. L’exploitation du pays par les colons a entravé le développement d’une production rentable et instauré une mentalité qui a perduré jusqu’à nos jours: les riches achètent des terres fertiles et des maisons pour spéculer, sans se préoccuper de créer des structures productives. La traite des femmes constitue aussi bien un héritage colonial qu’une forme moderne d’esclavage. Quant à l’attitude fataliste, selon laquelle il faut supporter une vie de misère pour connaître le bonheur dans l’au-delà, elle repose sur la «volonté de Dieu» propagée par la religion catholique. Aujourd’hui, le colonialisme trouve son prolongement dans des accords de libreéchange dont les dispositions sont définies par les pays riches. Ceux-ci protègent ainsi leur agriculture contre les importations, tandis que leurs produits subventionnés à grands frais accèdent librement aux marchés des pays pauvres, où les agriculteurs et les agricultrices sont dépourvus de tout soutien. Solidar Suisse œuvre pour améliorer leurs conditions de vie et leur participation aux décisions.

Carmen Ayón Nicaragua


POINT FORT 9 THEMA La population indigène du Mozambique risque d’être expulsée des terres où les entreprises multinationales investissent dans des projets agricoles.

Les ventes se font aux dépens des petits paysans locaux. Ils sont chassés de chez eux ou déplacés de force, souvent au mépris de leur droit à la terre, et sont ainsi privés de leurs moyens d’existence. Il est très rare qu’ils soient consultés. Allant de pair avec de vastes monocultures, l’accaparement des terres porte atteinte à l’environnement et appauvrit la biodiversité.

ACCAPAREMENT DES TERRES Dans nombre de pays, le néocolonialisme a remplacé le colonialisme sans coup férir. L’une de ses formes est l’accaparement des terres. Texte: Joachim Merz. Photo: Yunas Vally Kwame Nkrumah, le premier président du Ghana, a défini le néocolonialisme comme le système politique et économique appliqué dans des pays officiellement indépendants, mais qui est dirigé depuis l’étranger. Les investissements étrangers ne conduisent alors pas au développement, mais à l’exploitation. Ils creusent le fossé entre pays pauvres et riches. Formulée il y a une cinquantaine d’années, cette analyse n’a rien perdu de son actualité. L’argent continue en effet d’affluer des pays du Sud vers ceux du Nord, soit par le biais de l’extraction de matières premières soit grâce à l’exploitation d’une main-d’œuvre bon marché par les multinationales. Ces pratiques sont des caractéristiques du néocolonialisme. Depuis quelques années, celui-ci s’est enrichi d’un autre phénomène: l’accaparement des terres. L’expression «accaparement des terres» désigne

Le cas du Mozambique Ces divers problèmes se retrouvent dans le projet ProSavana, prévu dans le nord du Mozambique. Les autorités souhaitent ouvrir plusieurs millions d’hectares situés dans le couloir Nacala, une zone fertile et très habitée, aux investisseurs étrangers. Si l’idée a été lancée en 2009, les organisations civiles de la région n’ont été consultées qu’en 2013. Depuis, le projet divise villageois et villageoises: les uns y voient l’occasion de bénéficier de crédits et de moyens de production; les autres craignent que la monoculture du soja ne profite qu’aux investisseurs brésiliens, alors que les cultures vivrières traditionnelles seront négligées. De plus, des familles paysannes risqueraient d’être chassées de chez elles. La protestation citoyenne fut si vive qu’un nouveau plan directeur devra être élaboré pour ProSavana. De l’avis de Jorge Lampião, coordinateur de Solidar sur place: «Ce n’est qu’en tenant compte

l’achat ou le bail à ferme de vastes surfaces cultivables par des gouvernements étrangers ou des multinationales. Elles servent à la culture de plantes vivrières ou énergétiques destinées à approvisionner les Etats investisseurs, le pays de production ne bénéficiant en rien de ces produits. L’explosion des prix alimentaires en 2007 et en 2008 a décuplé ce phénomène. Entre 2001 et 2011, plus de 200 millions L’accaparement des terres d’hectares ont été achetés de creuse le fossé entre riches par le monde, soit davantage et pauvres. que la totalité des surfaces arables d’Europe. Les fonds proviennent de pays industrialisés, mais des besoins de la population, qu’il sera de plus en plus aussi de pays émergents possible d’instaurer un développement et du Golfe. Les achats interviennent sur- durable et équitable sur le plan social.» tout en Afrique, en Asie et en Amérique latine, soit le plus souvent dans des pays pauvres aux institutions fragiles et aux Joachim Merz est responsable gouvernements corrompus. des projets de Solidar Suisse au Mozambique.


10 POINT FORT

CABAÑAS N’AURA PAS SON ÂGE D’OR Accords de libre-échange et cours arbitrales servent à imposer une exploitation des matières premières qui fait fit des populations et de l’environnement. C’est là une nouvelle forme de colonialisme dont le Salvador fait la douloureuse expérience. Texte: Anja Ibkendanz. Dessins: Alecus Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), installé auprès de la Banque mondiale à Washington, n’est guère connu. Ce n’est pas surprenant, puisque ni le public ni les médias ne peuvent assister à ses audiences et que ses jugements ne sont pas sujets à recours. Les défenseurs de l’environnement et les paysans défavorisés du département de Cabañas, au Salvador, ne connaissent pourtant que trop bien cette cour arbitrale. Compensation de gains hypothétiques C’est au CIRDI que la société canadienne Pacific Rim a fait appel en 2008

pour exiger que le Salvador lui verse les ciété australienne OceanaGold, a traîné le gains qu’elle ne pourra pas réaliser. Le Salvador devant la cour. Motif: le retrait de gouvernement lui a en effet retiré l’auto- la concession la prive de gains futurs. Il ne risation d’extraire de l’or dans le Cabañas, Le différend porte sur des gains craignant que l’activité minière ne provoque hypothétiques que l’entreprise de graves dégâts enn’aurait peut-être jamais réalisés. vironnementaux. L’entreprise prévoyait d’utiliser une solution de cyanure pour s’agit donc pas de compenser des investisisoler l’or présent en faibles quantités sements déjà effectués, mais des gains dans la roche. Or, c’est à cause de hypothétiques que l’entreprise n’aurait ce procédé que les concentrations de peut-être même pas réalisés… Montant cyanure et de plomb mesurées dans les du litige: plus de 300 millions de dollars. eaux salvadoriennes dépassent jusqu’à Base légale: l’accord de libre-échange mille fois les valeurs limites admises. d’Amérique centrale et une loi nationale Pacific Rim, désormais aux mains de la so- en faveur des investisseurs.


CHRONIQUE

THEMA 11

Les organisations partenaires de Solidar informent la population par des émissions radio sur les conséquences environnementales de la mine d’or en projet.

trois défenseurs de l’environnement ont été tués dans le Cabañas en l’espace de six mois; en juin 2011, un étudiant a connu le même sort et nombre d’activistes ont reçu des menaces de mort. Ces crimes n’ont jamais été élucidés.

Résistance et répression Des organisations civiles régionales, des radios locales et des groupes environnementaux ont manifesté et lancé des pétitions contre ce projet polluant. Divers partenaires de Solidar ont également pris part au mouvement. Ce fut le cas de l’association des petits paysans qui luttent pour préserver leurs moyens d’existence: de l’eau propre, de petites exploitations (qui risquaient d’être expropriées) et la culture de denrées alimentaires saines. Leur résistance a largement motivé le moratoire gouvernemental. Le prix à payer fut toutefois lourd: en 2009,

Cabañas Cabañas est un département situé au nord du Salvador qui a subi des destructions massives durant la guerre de 1980 à 1992. Après avoir appuyé les travaux de reconstruction, Solidar soutient actuellement trois organisations civiles engagées dans le développement communautaire et un groupement de femmes. L’objectif est de permettre à la population locale d’intervenir dans le développement villageois et communal, ainsi que d’améliorer les conditions de vie d’une population en majorité très pauvre et principalement formée de petits paysans. Par leurs actions et par le biais de leur radio locale, les partenaires de Solidar s’efforcent de préserver l’environnement et le libre accès à leurs terres. www.solidar.ch/fr/cabanas

Décider en toute souveraineté Depuis, des groupes environnementaux et religieux, des radios communautaires, des communes et d’autres organisations de la société civile ont constitué ensemble une table ronde contre l’exploitation minière. En 2014, celle-ci a mené diverses actions pour souligner le droit du Salvador à décider en toute souveraineté. La dernière audience dans le cas qui oppose Pacifique Rim Cayman LLC./ OceanaGold à la République du Salvador a eu lieu le 15 septembre 2014 devant la cour arbitrale de la Banque mondiale. La décision est attendue courant 2015. Alors qu’il existe depuis plusieurs décennies, le CIRDI n’a acquis son poids actuel qu’avec l’avènement des récents accords de libre-échange, qui réservent le droit à des entreprises de porter plainte contre des Etats afin de protéger leurs investissements. A ce jour, la procédure a coûté plus de 6 millions de dollars au Salvador. Le montant vertigineux des coûts peut dissuader les pays pauvres de s’opposer aux intérêts des multinationales. D’où toute l’importance du soutien que Solidar apporte aux organisations de la société civile dans leur engagement en faveur de la protection de l’environnement, d’une production à petite échelle et respectueuse des ressources et de la participation démocratique. Anja Ibkendanz est responsable des projets de Solidar Suisse au Salvador. Alecus est le nom d’artiste du dessinateur bédéiste Ricardo Clement.

Hans-Jürg Fehr Président de Solidar Suisse

Je suis membre La coopération au développement est financée par des impôts et des dons. Elle dépend donc de toute manière de la volonté du peuple de lui consacrer des ressources financières. Cette volonté dépend pour sa part de l’opinion que chaque citoyenne et citoyen se fait de la qualité de cette coopération. Voilà pourquoi nous tenons à diffuser des informations sur nos objectifs et nos méthodes de travail, et à amener ainsi les gens à s’intéresser à nos programmes et à nos projets. Les membres de Solidar Suisse se soucient davantage que d’autres personnes de nos activités et bénéficient aussi d’une excellente information, en particulier grâce au présent magazine. Ils sont en mesure de lancer le débat sur la coopération au développement dans leur entourage, voire de défendre sa cause avec des arguments rationnels. Cette défense s’avère hélas bien plus nécessaire que les œuvres d’entraide ne le souhaiteraient. La droite nationaliste aimerait en effet réduire les dépenses consacrées à la coopération au développement et même les supprimer totalement. Pour contrecarrer ces visées, il importe qu’un maximum d’individus et d’organisations se mobilisent. Nos membres ont ainsi un rôle crucial à jouer: diffuser nos informations et renforcer nos efforts visant à sensibiliser la population et à faire percevoir la coopération au développement comme un effort aussi utile qu’indispensable. Je remercie dès lors nos membres pour leur engagement solidaire et invite les autres lecteurs à le devenir.


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MOTEUR DU CAPITALISME

Le colonialisme a préparé le terrain au capitalisme. Afin de changer cela, des réglementations mondiales pour un travail décent sont nécessaires. Texte Eva Geel. Photo: Public Domain Les moyens étaient archaïques, mais le système moderne. Lorsque les colonisateurs européens firent main basse sur le monde il y a 500 ans, ils créèrent un système économique dont la forme fondamentale est aujourd’hui encore en vigueur. L’historien Sven Beckert le montre dans son dernier ouvrage «King Cotton» à l’aide de l’exemple, a priori banal, du coton. Plus que l’argent ou l’or, le coton fut la monnaie et le moteur du colonialisme. A l’époque précoloniale déjà, de fines cotonnades de la meilleure qualité étaient produites

par des tisserand-e-s indiens. Les Européen-nes-s, vêtus de laine râpeuse, convoitaient vivement cette matière aux couleurs vives, légère comme la plume. Mais ce n’est que lorsque la route maritime vers les Indes fut découverte, vers 1500, que le commerce se développa à grande échelle. Du sang, de la sueur et des larmes C’est ainsi que s’établit un circuit destructeur: les marchands coloniaux et les compagnies commerciales, comme l’East

India Company britannique, achètent le coton indien, qui leur permet d’acquérir des esclaves noirs qu’ils déportent ensuite en Amérique. Là-bas, hommes, femmes et enfants travaillent sur les plantations. Les produits agricoles qu’ils cultivent au prix du sang, de la sueur et des larmes reviennent ensuite en Europe où ils sont consommés. Ce faisant, les Européens développèrent une nouvelle méthode d’organisation des circuits économiques et posèrent les fondements du capitalisme. Expansion, vol


POINT FORT 13 Les conditions de travail dans l’industrie du coton restent précaires: des enfants récoltant le coton en Ouzbékistan en 2012 (à gauche).

Des commerçants armés s’emparaient des terres et de leur population et menaient une chasse – au vrai sens du terme – à la main-d’œuvre, mise en esclavage pour assurer le succès économique des colonisateurs.

des terres et esclavage en étaient les pierres angulaires. Et le coton y joua un rôle central. Il était, selon Beckert, «le moyen d’échange prédominant pour acquérir des esclaves sur le littoral africain». Cette phase du colonialisme, jusqu’en 1800, été marquée par une violence privée massive. Ce n’est pas par hasard que Beckert l’appelle le «capitalisme guerrier»: les Etats n’exerçaient guère leur pouvoir souverain sur ces lointains territoires étrangers. A la place, ils soutenaient les rapines des entreprises commerciales.

péens sous la forme de t-shirts bon marché, de téléphones mobiles, de bijoux, de chocolats. Bien sûr, un certain nombre d’entreprises respectent des normes. Et entre-temps, ce n’est plus seulement l’Ouest qui profite de la logique et des méthodes de l’économie mondiale. Mais sa part d’ombre reste bien présente: selon l’Organisation internationale du travail (OIT), plus de 20 millions de personnes végètent dans une existence misérable, comme esclaves ou travailleurs forcés. Une solution: le travail décent Il est donc d’autant plus important de briser enfin cette dynamique par des reglementations mondiales. Un pas important semble avoir été fait dans la bonne direction. Non seulement à travers la nouvelle initiative suisse pour la responsabilité des multinationales du pays (voir annexe), mais aussi par le biais des nouveaux objectifs du développement de l’ONU qui doivent être approuvés en automne 2015. L’ONU va pour la première fois placer en tête de son ordre du jour la question du travail décent pour tous et toutes. C’est un succès, même s’il s’agit d’un objectif parmi d’autres et que son application est encore dans les limbes. Car pour la première fois, les Etats reconnaîtraient qu’il

La dissociation du droit Le capitalisme guerrier s’appuyait sur une division schizophrénique du monde: le monde interne aux colonialistes suivait les lois, les institutions et les règles du pays d’origine. Le monde externe était en revanche le lieu de la domination impériale, de l’expropriation impunie d’immenses régions, de la décimation et de la mise en esclavage de peuples entiers. Cette analyse de Beckert a des accents familiers. Même si le monde L’esclavage fut la clé du a changé depuis l’époque du succès des colonisateurs colonialisme, si l’esclavage a été officiellement aboli et s’il existe des réglementations économiques existe une nécessité fondamentale d’agir contraignantes, de nombreuses entre- dans ce domaine. prises occidentales continuent de diviser Solidar Suisse s’est engagé dans la prole monde en deux parts, interne et ex- cédure de consultation pour des conditerne, cette dernière ne connaissant pas tions de travail décentes. Nous allons les mêmes règles. En témoignent les continuer de suivre avec attention les disconditions de travail catastrophiques dans cussions et la mise en œuvre à venir. Car les fabriques de vêtements asiatiques, le avec l’objectif onusien d’un travail décent, travail des enfants en Amérique du Sud, une nouvelle perspective prometteuse l’exploitation et la pollution de l’environ- s’ouvre à l’humanité: celle de tourner enfin nement lors de l’extraction des matières la page du colonialisme. premières en Afrique: la liste peut s’allonger à volonté. Et les marchandises parviennent comme par le passé aux Eva Gelle est responsable de la consommateurs et consommatrices euro- communication de Solidar Suisse.


14 BRÈVES Une nouvelle coopération en Asie L’Asie reste l’atelier du monde et le centre de l’exploitation des travailleurs et des travailleuses. Une bonne raison pour renforcer notre engagement dans cette région. L’an dernier, Solidar Suisse a entamé sa collaboration avec le Asia Monitoring Research Centre (AMRC). Elle a permis de soutenir différentes formations continues pour les travailleurs et travailleuses dont des journées d’étude sur les risques dans les branches de l’électronique et du textile en Chine ou un échange d’expériences d’organisations asiatiques de salarié-e-s en matière de protection sociale et de droit du travail. L’AMRC, fondé en 1976, est particulière-

Pakistan: une loi contre la violence faite aux enfants Le 6 mars 2015, le premier ministre Nawaz Sharif a approuvé une modification du Code pénal qui interdit l’exploitation sexuelle des enfants, leur commerce et les peines corporelles. C’est un succès important dans un pays où le travail des enfants est largement répandu et les enfants travailleurs souvent touchés par la violence et les agressions sexuelles. A cause de la grande

Un portrait vidéo de Solidar Suisse Une nouvelle vidéo de trois minutes donne une idée du travail de Solidar Suisse: l’engagement pour le droit à des conditions de travail décentes dans le monde entier, l’aide humanitaire en cas de catastrophe et les campagnes de sensibilisation en Suisse. On peut la visionner sous: www.solidar.ch/fr/mediatheque

ment connu en Asie pour ses recherches rigoureuses autour de la question du travail, pour son activité de centre de formation et donc son suivi des tendances évolutives. Une voix indépendante pour le respect du droit du travail, qui dénonce publiquement les abus. www.solidar.ch/fr/amrc

pauvreté, plus de la moitié des enfants ne vont pas à l’école. L’organisation partenaire de Solidar, Group Development Pakistan, a contribué à ce changement législatif par son travail de lobbyisme. Le prochain obstacle à fran-chir sera celui du Parlement. Si la loi est adoptée, elle offrira un moyen d’action contre la violence faite aux enfants et aura en outre un effet préventif. Elle pourra aussi avoir des effets positifs sur le projet de Solidar à Lahore contre le travail des enfants: d’une part, les parents pourraient être ainsi motivés pour renvoyer leurs enfants à l’école et, d’autre part, elle permettrait de punir les auteurs des maltraitances et des agressions sexuelles. www.solidar.ch/fr/travaildesenfants

3603 signatures pour une adjudication décente Le 19 décembre, Solidar Suisse a remis sa réponse à la procédure de consultation relative à la révision de l’Accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP). Nous y défendons la nécessité d’inscrire dans la loi le fait que l’adjudication respecte des critères sociaux, écologiques et de développement durable, puisque, malheureusement, l’occasion n’en avait pas été saisie lors de la rédaction du projet de loi. Il est essentiel que les pouvoirs publics qui achètent annuellement 40 milliards de marchandises et de services se préoccupent du respect du droit du travail lors de la production de ceux-ci. C’est aussi la conviction des 3603 cosignataires de la réponse à la consultation.

Le Mondial au Qatar La Coupe du monde au Qatar en 2022 suscite l’attention des médias. Et avec raison: plus de 1000 travailleurs et travailleuses migrant-e-s sont mort-e-s sur les chantiers qataris ces trois dernières années. Ils travaillent trop, pour un salaire trop faible, parfois payé partiellement, et ne peuvent pas démissionner, sans parler même de quitter le pays, car les entreprises retiennent leurs passeports. Solidar soutient depuis peu un centre qui fournit sur place des conseils juridiques aux travailleurs et travailleuses migrant-e-s. Par cet engagement, nous contribuons à l’amélioration des conditions de travail et de vie et obtenons des informations de première main pour nos campagnes en faveur de Coupes du monde socialement responsables.


CONCOURS 15 LE SUDOKU DE SOLIDAR 8

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Envoyez votre réponse à: Solidar Suisse sur une carte postale ou par courriel à: contact@solidar.ch, avec la mention «concours»

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1er prix: une corbeille à linge 2e prix: un sac à main

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Les prix proviennent d’un groupe de producteurs de palmes du nord du Sri Lanka. Après la guerre, ils sont rentrés dans leur village et, avec l’aide de Solidar, se sont unis en groupes de production afin d’assurer leur existence.

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Règles du jeu Remplissez les cases vides par des chiffres de 1 à 9. Chaque chiffre ne peut figurer qu’une seule fois sur chaque ligne, chaque colonne et dans chacun des neuf blocs de 3 x 3 cases. La solution est trouvée à partir des chiffres inscrits dans les cases hachurées, en suivant la clé suivante: 1 = S, 2 = L, 3 = E, 4 = M, 5 = C, 6 = N, 7 = O, 8 = A, 9 = I

La date limite d’envoi est le 15 juin. Les noms des gagnant-e-s seront publiés dans le numéro 3/2015 de «Solidarité». Aucune correspondance ne sera échangée concernant ce concours. Tout recours juridique est exclu. Les collaborateurs et collaboratrices de Solidar Suisse ne peuvent participer au concours. La solution du concours paru dans «Solidarité» 1/2015 était «Social Media». Michelle Ody de Lausanne a gagné un sac à dos LanzArte, Laurent Junier du Mont-sur-Lausanne un t-shirt LanzArte et Susanne Sturm de Langnau un porte-clés Doctora-Edilicia. Nous remercions Solidar Bolivie pour les prix offerts ainsi que tous ceux et toutes celles qui ont participé au jeu.

Solution

MERCI! L’an passé, de nombreuses personnes ont pu retrouver l’espoir et améliorer durablement leurs conditions de vie. Les legs faits à Solidar par des personnes qui ont pensé à notre organisation en sus de leur famille et de leurs proches amis ont notablement contribué à ce résultat. Nous voulons très chaleureusement en remercier les donateurs. Si vous envisagez vous aussi de nous mentionner dans votre testament, nous vous fournirons volontiers les renseignements ou les aide-mémoire nécessaires. Prière de vous adresser à: christof.hotz@solidar.ch, 044 444 19 45


16 ACTUALITÉ

RENDRE L’AVENIR POSSIBLE

Avec sa nouvelle stratégie, Solidar Suisse mise sur le travail décent et la participation démocratique comme véritables piliers de la lutte contre la pauvreté. Texte: Esther Maurer. Photos: Jürg Gasser, Paola Lambertin, Désirée Good «Le bon cœur ne suffit pas!» Avec cette citation de Regina Kägi-Fuchsmann, fondatrice de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO), la stratégie 2015 – 2019 de Solidar Suisse lance un pont vers nos racines: créée dans le contexte de la détresse de la population lors de la guerre civile espagnole, l’aide humanitaire était initialement notre priorité. Mais comme les interventions humanitaires ne font pas reculer la pauvreté et l’injustice sociale, l’engagement à long terme dans la coopération au développement a toujours constitué un complément approprié. La division des projets à l’étranger – comme on l’appelait alors – de l’OSEO est devenue indépendante en 2005. Depuis 2011, nous poursuivons notre engagement à l’enseigne de Solidar Suisse. La réorganisation a aussi conduit à une professionnalisation sur fond de nouvelle orientation stratégique: il s’agissait de lutter contre la pauvreté en s’engageant

pour des conditions de travail couvrant les besoins vitaux. L’Agenda pour le travail décent de l’Organisation internationale du travail (OIT) a tracé le cadre normatif: créer des emplois, garantir les droits du travail et une protection sociale et encourager le dialogue social – transposé dans le contexte local respectif. Consolider ce qui a fait ses preuves et oser innover Nous fondant sur une analyse de contexte détaillée et sur un processus qui a inclus les collaborateurs en Suisse et à l’étranger, nous avons formulé en 2014 les lignes directrices pour les cinq prochaines années. Il est apparu qu’au vu de l’exploitation de la main-d’œuvre, dans le secteur informel surtout, la priorité d’un travail garantissant des conditions d’existence convenables restait judicieuse et importante. Notre stratégie concrétise cinq nouveaux objectifs dans ce domaine.

Objectifs: • La main-d’œuvre exploitée est mieux protégée – par des mesures sur les lieux de travail, le respect des lois du travail et une couverture sociale. • Les personnes démunies et vulnérables obtiennent des possibilités de s’assurer un revenu couvrant leurs besoins vitaux. • Les personnes sans travail peuvent subvenir à leurs besoins et les jeunes ont davantage d’opportunités sur le marché de l’emploi. Le nombre de travailleurs occupant un emploi précaire recule. • Les formes extrêmes d’exploitation comme le travail forcé, le travail des enfants et l’esclavage moderne sont éliminées. • Des organisations représentatives et démocratiques de la société civile contribuent à des changements structurels socialement équitables et durables.


ACTUALITÉ 17

Solidar s’engage notamment contre le travail des enfants et pour la formation professionnelle des jeunes au Burkina Faso et pour de meilleures conditions de travail des cueilleurs et cueilleuses de cannes à sucre et des employé-e-s de maison en Bolivie (de gauche à droite).

Ces objectifs permettent à Solidar Suisse de devenir la plateforme la plus compétente pour toutes les questions liées à la lutte contre les conditions de travail faisant fi de la dignité humaine. Travail décent pour tout un chacun «Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible», écrivait Antoine de Saint-Exupéry. En forgeant notre vision, la question de savoir ce qui était possible et à quel niveau nous pouvions agir s’est posée. Bien que conscients de nos limites, nous avons formulé la vision d’une société pour laquelle il vaut la peine de lutter: Vision: Le droit à un travail décent, à la justice sociale et à la couverture des besoins vitaux est respecté partout sur la planète – et la pauvreté est vaincue. Chacune et chacun peuvent mener leur vie de manière autonome et dans la dignité.

Notre mission souligne comment nous entendons réaliser cette vision. Il s’avère que nous ne sommes efficaces que si nous encourageons simultanément des structures démocratiques et la participation aux processus sociopolitiques. Mission: Dans des pays en développement, émergents et en transition, Solidar Suisse lutte pour la justice sociale et contre l’exploitation. Des conditions de travail décentes, la répartition équitable des ressources et des services ainsi que la participation politique et des structures fédéralistes pour aménager son propre cadre de vie sont des droits humains fondamentaux, au cœur de l’engagement de Solidar Suisse. Felix Gnehm, responsable des programmes internationaux, précise ce que la nouvelle stratégie signifie concrètement pour Solidar: «Nous adaptons nos programmes au cadre stratégique. Au Sri

Lanka et au Pakistan, nous mettons déjà en œuvre une nouvelle génération de projets centrés sur la protection des personnes exploitées dont les conditions de travail sont marquées par la précarité: enfants, cueilleuses de thé, victimes de conflits.» Lors de la conférence de Solidar de cette année, nous identifierons avec nos coordinatrices et coordinateurs nationaux les endroits où le besoin d’agir est le plus pressant. Ensemble, nous voulons faire en sorte que les gens puissent se défendre efficacement contre l’exploitation et obtiennent des conditions de travail convenables ainsi que des salaires assurant une vie décente. Nous nous réjouissons de continuer à compter sur votre soutien. Engagez-vous à nos côtés! www.solidar.ch/fr/strategie Esther Maurer est la directrice de Solidar Suisse.


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L’ARME DE NAYRA MUÑOZ, LE THÉÂTRE

En Bolivie, Nayra Muñoz, jeune femme de 23 ans lutte en faveur des droits humains. Son engagement rayonne au-delà des murs des théâtres. Texte et photo: Stéphane Cusin


PORTRAIT 19 «Nous jouons dans des lieux inattendus: dans la rue et les écoles. J’aime ce théâtre.»

Nayra Muñoz s’appuie sur sa passion pour le théâtre afin d’initier des changements.

«El Animal parle de la réalité quotidienne. Nous nous inspirons d’histoires réelles, notamment de la violence, et nous créons des spectacles. Ainsi, nous sensibilisons notre public et nous provoquons le débat», déclare Nayra Muñoz pour expliquer son engagement au sein de la troupe de théâtre El Animal. En mettant en scène la vie quotidienne, la troupe anime le débat public et permet aux enfants et aux jeunes d’exprimer leurs préoccupations.

Votre don compte! Un don de 70 francs suffit pour financer un atelier de théâtre d’une journée entière pour quinze jeunes.

Lorsque la troupe est en tournée dans les écoles, des jeunes approchent souvent les comédiennes, car ils souhaiteraient aussi faire du théâtre. Ils sont alors Une création bouleversante invités à rejoindre la relève composée de Nayra Muñoz a découvert le théâtre neuf groups. Nayra Muñoz s’occupe des à 9 ans déjà. Son père l’a «forcée» à plus jeunes: «Je les aide à entrer dans le monter sur les planches afin de vaincre monde du théâtre et des acteurs. C’est sa timidité. A 18 ans, elle est devenue super de leur transmettre ma passion!», membre de la troupe de théâtre El Animal, ajoute-t-elle enthousiaste. formée de neuf femmes. Elles donnent Ces jeunes vivent ou connaissent des actuellement des représentations d’une situations de violence ou de précarité. pièce, fruit de leur création: «Invisible». Il y Le théâtre leurs permet de développer, est question de jeunes femmes enlevées notamment la confiance et l’estime de par des organisations mafieuses et soi. Ainsi, ils sont mieux armés pour se projeter dans un avenir incertain. Sans succomber «Nous jouons dans des au découragement Nayra lieux inattendus: dans la rue Muñoz poursuit la lutte: «Malgré les coutumes, je et les écoles.» n’accepte pas que d’autres me dictent ce que je dois soumises à la prostitution ou au vol faire ou ne pas faire. Je transmets aux d’organes. «Nombre de personnes ne jeunes mon engagement pour la liberté prennent conscience de cette réalité et les droits humains. Je les encourage à qu’en assistant à notre spectacle et sont respecter autrui et à exiger d’être resbouleversés par la mise en scène», ra- pectés en retour.» conte Nayra. Dans cette pièce elle interprète trois personnages: une mère Stéphane Cusin est chargé de la dont la fille a été enlevée, une jeune collecte de fonds chez Solidar Suisse femme obligée de se prostituer et une et a récemment visité nos projets en femme proxénète. Ce sont des rôles Bolivie. éprouvants. «Nous arrivons à peine à imaginer la réalité de ces gens. Alors, les jouer!… Trois scènes sont particulièrement dures: dans l’une d’elles, deux hommes – joués par des femmes – me crachent au visage et l’un d’eux me saisit LanzArte les seins. Puis je cherche ma fille disparue. Elle est tout près, mais on l’empêche La troupe de théâtre El Animal parde crier.» Nayra Muñoz pense qu’elle ne ticipe au projet LanzArte de Solidar. parviendrait pas à interpréter ces rôles Celui-ci offre la possibilité aux jeunes sans la confiance et le soutien entre les d’utiliser le théâtre, la danse et le filles de la troupe. cinéma afin de parler de leur quotidien Aujourd’hui, Nayra a l’envie de poursuivre et d’exprimer leurs idées. En Bolivie, son activité dans le théâtre. Peut-être pour les jeunes, il n’est en effet pas même d’en vivre. Cependant, elle est réahabituel de faire connaître publiqueliste. Ses parents l’encouragent à suivre ment leur avis. Le projet les encousa passion, «mais ils trouvent que je rage dès lors à aborder des problèmes devrais d’abord terminer mes études de du quotidien. droit, pour avoir un métier ‹sérieux›», ditwww.solidar.ch/fr/lanzarte elle en souriant.


LES MULTINATIONALES DOIVENT RESPECTER LES DROITS HUMAINS! Les multinationales suisses violent les droits humains et les standards environnementaux à l’étranger. Avec d’autres organisations, Solidar Suisse lance l’initiative «pour des multinationales responsables». Celle-ci demande des règles contraignantes pour que les entreprises suisses respectent aussi à l’étranger les droits humains, le travail décent et l’environnement. Signez l’initiative populaire pour des multinationales responsables. La feuille de signatures est disponible en annexe ou sur www.solidar.ch/fr/multinationalesresponsables


2 ÉDITORIAL Chère lectrice, cher lecteur, En 1962, l’Algérie s’est libérée du joug de la France après une du Kosovo envers d’autres Etats et puissances occupantes a sanglante guerre d’indépendance. En 1966, mon frère et sa des points communs avec l’exploitation coloniale et le fait de femme sont partis à Alger pour établir un centre de formation négliger, par voie de conséquence, le développement intérieur. professionnelle sur mandat de l’OSEO. Les premiers diplômés La plupart des pays prioritaires de trouvaient un emploi avant la fin de leurs Solidar Suisse ont un passé colonial. Vu études déjà car, après toutes ces années la politique commerciale pratiquée par de mainmise étrangère, il n’y avait quasiles puissances coloniales, ils ont entamé ment pas de spécialistes locaux dans le leur carrière d’Etats indépendants avec pays. Lorsque je me suis rendue pludes désavantages initiaux conséquents. sieurs fois en Algérie dans les années Souvent, ils servaient uniquement de 1980, ce déficit restait perceptible. La pourvoyeurs de matières premières et fameuse fuite des cerveaux est toujours toute relation commerciale avec d’autres une réalité puisque seules quelques perEtats leur était interdite. Certains pays sonnes voient des opportunités de travail ont dû lutter pour leur autonomie dans dans leur propre pays et sont prêtes à des guerres d’indépendance destrucrenoncer à une carrière rimant avec bienEsther Maurer trices dont les blessures ne sont pas être, à l’étranger, pour mener chez elles Directrice de Solidar Suisse toutes guéries. Que ce soit au Burkina une activité de reconstruction complexe. Faso, en Amérique latine ou au Sri Lanka, Naturellement, on peut prétendre que d’autres facteurs ont fait seuls des principes démocratiques fondamentaux garantissent reculer plus fortement l’Algérie que l’exploitation coloniale par un développement ne profitant pas à quelques-uns seulement la France. Mais je me demande fondamentalement si de tels mais au bien-être de larges couches de la population. excès ne trouvent justement pas un terreau idéal dans la sociéLa lutte contre la pauvreté, inscrite dans notre nouvelle straté postcoloniale. tégie, repose sur trois piliers: travail décent pour couvrir les Vous me ferez remarquer qu’on assiste actuellement au Kosovo besoins vitaux, aide humanitaire ainsi que démocratie et à une vague migratoire provoquée par un système social dans participation. Ce dernier pilier est la réponse de Solidar Suisse lequel la population ne voit pas d’avenir et que ce pays n’a pas aux anciennes blessures encore larvées du colonialisme et aux été colonisé. Je vous rétorquerai que la dépendance séculaire nouvelles plaies sanglantes, une des facettes de la mondialisation. Esther Maurer

REVUE DE PRESSE

11.12.2014 L’impact des dons suisses en Asie du Sud 10 ans après le tsunami Les projets menés en Asie du Sud grâce aux 227 millions de francs récoltés par la Chaîne du Bonheur après le tsunami de 2004 ont eu un impact généralement positif. L’évaluation concerne les 29 plus grandes opérations réalisées par les antennes suisses de ADNA et de Caritas, ainsi que l’Entraide protestante, Swisscontact, Solidar Suisse et la Croix-Rouge.

21.03.2015 La FIFA n’encaisse pas de but au National Pas touche à la FIFA! Le Conseil national a refusé hier de donner suite à une pétition demandant de mettre fin aux privilèges fiscaux accordés à la Fédération internationale de football. La Jeunesse socialiste suisse (JSS) et l’organisation Solidar avaient recueilli plus de 10 000 signatures. Dans un communiqué, Solidar affiche sa déception face au rejet de

la pétition. «La FIFA exige une vaste exemption d’impôts dans un pays où les Coupes du monde sont organisées. Or cet allégement fiscal est justifié par la FIFA sous prétexte qu’elle paie déjà des impôts en Suisse.» Selon l’œuvre d’entraide, «la FIFA réalise au final des bénéfices très élevés, non imposés, et accumule des milliards au détriment de la population suisse et des pays hôtes.»


POINT FORT L’héritage du colonialisme

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Les coordinatrices et coordinateurs nationaux de Solidar s’expriment sur les traces que le colonialisme a laissées dans leurs pays 6 Accaparement de terres: une forme moderne de colonialisme 9 L’entreprise Pacific Rim porte plainte contre l’Etat du Salvador et lui demande une indemnisation pour les pertes potentielles subies 10 Pour gommer les anciennes structures colonialistes, il faut des normes relatives au travail décent 12 ACTUALITÉ Travail décent et participation démocratique – ces piliers de la nouvelle stratégie de Solidar sont la clé de la lutte contre la pauvreté 16

POINT FORT

Le colonialisme a posé les bases du capitalisme et de la mondialisation et, en de nombreux endroits, il marque encore le monde d’aujourd’hui.

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PORTRAIT En Bolivie, Nayra Muñoz encourage par le théâtre la réflexion sur les enjeux sociaux et donne une voix à la jeunesse 18 CHRONIQUE

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BRÈVES

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CONCOURS

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18 PORTRAIT Nayra Muñoz invite le public à engager le débat et donne aux jeunes Boliviens la possibilité d’exprimer leurs idées et leurs perspectives.

IMPRESSUM Editeur: Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Case postale 2228, 8031 Zurich, Tél. 021 601 21 61, E-mail: contact@solidar.ch, www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen Solidar Rédaction: Katja Schurter (rédactrice responsable), Rosanna Clarelli, Eva Geel, Lionel Frei, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil Voices Traduction: Ursula Gaillard, Milena Hrdina, Jean-François Zurbriggen Correction: Jeannine Horni, Catherine Vallat Impression et expédition: Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 Schaffhouse Paraît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé et respectueux de l’environnement. Photo de couverture: Fausta Carmi travaille dans des conditions décentes sur une plantation de cannes à sucre en Bolivie. Photo: Désirée Good. Dernière page: Signez la pétition pour des multinationales responsables. Photo: Oliver Gemperle.


4 Dans la carrière de pierre de Pissy, à proximité de Ouagadougou au Burkina Faso, des femmes, des hommes et des enfants tentent de gagner leur vie.


POINT FORT

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L’HÉRITAGE DU COLONIALISME Le colonialisme a jeté les bases du capitalisme et de la mondialisation. A présent que les anciennes colonies ont accédé à l’indépendance, il se mue en néocolonialisme. Des accords de libre-échange perpétuent de vieilles servitudes, les flux financiers bénéficient en fin de compte aux pays du Nord et l’accaparement des terres s’aggrave sans cesse. Dans ce dernier cas, les cultures pratiquées dans le Sud pour approvisionner le Nord rappellent étrangement les pratiques coloniales. En lisant les pages ci-après, vous en apprendrez davantage sur l’héritage du colonialisme et comment Solidar y fait face dans ses activités. Photo: Jürg Gasser


6 POINT FORT Quel héritage le colonialisme a-t-il légué aux pays prioritaires de Solidar Suisse? Nous avons posé la question à nos coordinatrices et coordinateurs sur place. Photos: Désirée Good, Jürg Gasser, Hamish John Appleby, Rico Jacometti Solidar contribue à surmonter l’héritage négatif du colonialisme avec notamment l’introduction de la formation plurilingue au Burkina Faso (à droite au milieu) ou le soutien aux familles tamoules de cueilleurs et cueilleuses de thé au Sri Lanka (à droite en bas).


POINT FORT 7

MENTALITÉ COLONISÉE La colonisation de la Haute-Volta, l’actuel Burkina Faso, poursuivait trois objectifs: utiliser la population indigène comme réservoir de main-d’œuvre, cultiver des produits d’exportation, tels les arachides et le coton, et mener une «mission civilisatrice». Soumis durant de longues années à la domination coloniale, les colonisés ont commencé à croire l’allégation selon laquelle ils étaient incapables de penser. Il leur fut donc impossible d’imaginer un avenir qui s’écarterait du modèle de développement préconisé par les colons. Cette mentalité reste si répandue que les pays africains, désormais indépendants, ont toujours besoin de l’appui des anciens colonisateurs pour définir leurs stratégies de développement. Par le biais des accords de libre-échange, des mesures d’ajustement structurel et la présence militaire étrangère, les économies africaines continuent de servir les intérêts des anciennes puissances coloniales. L’héritage transmis par le colonialisme au Burkina Faso va de l’habillement – costume trois-pièces et cravate par 43 degrés à l’ombre – à l’analphabétisme en passant par la dévalorisation du mode de vie rural. Les colons ont profité du fait que la plupart des gens ne savaient ni lire ni écrire pour empêcher la population de participer aux décisions. Le néocolonialisme perpétue cette tradition: aujourd’hui encore, l’enseignement scolaire est dispensé en français, langue que beaucoup d’enfants ne comprennent pas. Solidar Suisse tente de faire évoluer la situation en introduisant par exemple la formation plurilingue au Burkina Faso.

Dieudonné Zaongo Burkina Faso

DROITS HUMAINS UNIVERSELS A La Paz, des hommes et des femmes en costumes multicolores dansent dans les rues. Ils célèbrent la Fiesta del Señor del Gran Poder, une fête d’inspiration chrétienne: les fidèles promènent le saint dans la ville et les prêtres autochtones les accompagnent en portant des offrandes à la Pachamama (la Terre-Mère). A 1000 kilomètres de là, à Camiri (est de la Bolivie), des Guaranis remettent aux autorités communales (une institution de la démocratie représentative) les revendications formulées par l’assemblée villageoise (une institution de la démocratie précoloniale). A Icla, des greffiers et greffières autochtones participent à une réunion conviée par un réseau contre la violence. L’objectif est d’éradiquer la violence envers les femmes, qui sévit aussi bien à la campagne que dans les villes. Leur meilleure arme est la Constitution bolivienne, puisqu’elle associe l’idéal traditionnel des autochtones («bien vivre») et le respect des droits humains modernes. La colonisation a laissé des traces dans tous les secteurs de la société bolivienne. L’un de ses héritages positifs est la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui s’applique à tout individu indépendamment de son origine. Respectant les différentes cultures du pays, Solidar contribue à construire des valeurs communes afin d’assurer la cohésion sociale. Nos activités reposent sur les droits humains, en particulier ceux des femmes, des jeunes et des travailleurs. Ces droits sont aussi une source d’inspiration pour promouvoir la justice sociale.

Martín Pérez Bolivie

INÉGALITÉS SOCIALES Au Salvador, les colonisateurs se sont approprié la capacité de travail et les richesses de la civilisation préhispanique en accaparant les terres et en réduisant la population à l’esclavage. En taxant d’hérétiques les cultures et les idées précoloniales, l’Eglise a joué un rôle décisif pour établir la puissance coloniale. L’accession officielle à l’indépendance, en 1821, n’a rien changé. Les grands propriétaires terriens, les anciens fonctionnaires coloniaux et les membres du clergé catholique ont pris le pouvoir et accru leurs richesses en exportant des matières premières. L’exploitation s’est perpétuée même en l’absence de puissance coloniale, creusant les inégalités sociales et entravant le développement industriel. Aujourd’hui encore, pouvoir et propriété foncière sont répartis entre seulement quatorze familles. Depuis 2009, le pays est dirigé pour la première fois par un gouvernement qui n’est pas orienté à droite. Des progrès prometteurs commencent à briser les structures héritées du colonialisme: promotion de la petite production, intensification du dialogue entre population et instances étatiques. C’est tout bénéfice pour Solidar Suisse, qui s’attache depuis 1992 à promouvoir la participation démocratique de la majorité pauvre de la population et à améliorer ses perspectives de développement économique. Le legs colonial reste néanmoins bien présent: la petite production ne peut pas concurrencer les produits bon marché, car subventionnés, importés dans le cadre des accords de libre-échange et la torréfaction du café reste l’apanage de l’Europe et des Etats-Unis.

Yolanda Martinez El Salvador


8 POINT FORT

VOIES DE TRANSPORT COLONIALES Au Mozambique, la puissance coloniale a construit les voies de transport en fonction de ses intérêts économiques. A ses yeux, le développement local était secondaire. Cette inégalité reste clairement perceptible: les localités présentant un attrait économique sont reliées par un efficace réseau de communications, alors que de vastes portions du pays restent à l’écart. Cet héritage du colonialisme perdure encore aujourd’hui, puisque la communauté internationale fournit un appui considérable au couloir de Beira qui revêt une importance cruciale pour l’économie. Mais la population locale passe au second plan. Les trains qui empruntent la ligne transportent de grandes quantités de bois, de carburant, de céréales et d’engrais, sans que les trois millions d’habitants du couloir de Beira en profitent. Même les projets d’investissement étrangers délaissent la population locale. La location de grandes surfaces cultivables à des multinationales nuit à l’environnement et concentre la propriété de vastes territoires entre les mains d’une minorité, alors que la population indigène se voit privée de ses moyens d’existence (lire l’article à la page 9). Pour se débarrasser de l’héritage colonial, les personnes concernées doivent prendre part aux décisions. Voilà pourquoi Solidar Suisse œuvre pour renforcer leur participation démocratique.

Jorge Lampião Mozambique

EXPLOITATION ET RIGIDITÉ HIÉRARCHIQUE La présence de Tamouls indiens au Sri Lanka est un héritage colonial. Ces migrants ont commencé à quitter le sud de l’Inde à partir de 1840 pour rejoindre l’ancienne Ceylan, car la population locale ne suffisait plus à assurer tout le travail dans les plantations des colons anglais, tout d’abord vouées à la culture du café, puis à celle du thé. Avec l’essor du thé, les travailleurs ont ensuite fait venir leurs familles. Même si la situation des Tamouls indiens s’est améliorée ces dernières années, ils continuent de former le groupe de population le plus pauvre et le plus défavorisé du pays. Une autre conséquence du colonialisme, qui a toutefois aussi des origines culturelles, réside dans l’écart qui sépare les classes sociales. Cet écart est tel qu’il est extrêmement difficile d’introduire des «hiérarchies transversales». Dans les activités qu’elle mène au Sri Lanka, Solidar Suisse est confrontée à ces deux problèmes. Nous œuvrons dès lors à améliorer la situation des Tamouls en plaidant pour l’introduction d’une certification dans diverses plantations de thé (lire à ce propos l’édition 4/2014 de «Solidarité»). Cette certification inclut des critères sociaux, comme l’interdiction du travail des enfants, une durée de travail maximale de 48 heures hebdomadaires et le respect des salaires minimaux locaux. Pour assouplir la hiérarchie, nous faisons participer tous les membres des équipes de projet aux décisions et soutenons les processus démocratiques au sein de la population. www.solidar.ch/fr/plantation-de-the

Daniel Bronkal Sri Lanka

CORRUPTION ET FATALISME Le passé colonial est encore très présent dans le Nicaragua d’aujourd’hui: la corruption et le système de complaisances qui gangrènent l’administration remontent à l’ère où le pays était dirigé par la monarchie espagnole, qui mettait les postes politiques aux enchères. L’exploitation du pays par les colons a entravé le développement d’une production rentable et instauré une mentalité qui a perduré jusqu’à nos jours: les riches achètent des terres fertiles et des maisons pour spéculer, sans se préoccuper de créer des structures productives. La traite des femmes constitue aussi bien un héritage colonial qu’une forme moderne d’esclavage. Quant à l’attitude fataliste, selon laquelle il faut supporter une vie de misère pour connaître le bonheur dans l’au-delà, elle repose sur la «volonté de Dieu» propagée par la religion catholique. Aujourd’hui, le colonialisme trouve son prolongement dans des accords de libreéchange dont les dispositions sont définies par les pays riches. Ceux-ci protègent ainsi leur agriculture contre les importations, tandis que leurs produits subventionnés à grands frais accèdent librement aux marchés des pays pauvres, où les agriculteurs et les agricultrices sont dépourvus de tout soutien. Solidar Suisse œuvre pour améliorer leurs conditions de vie et leur participation aux décisions.

Carmen Ayón Nicaragua


POINT FORT 9 THEMA La population indigène du Mozambique risque d’être expulsée des terres où les entreprises multinationales investissent dans des projets agricoles.

Les ventes se font aux dépens des petits paysans locaux. Ils sont chassés de chez eux ou déplacés de force, souvent au mépris de leur droit à la terre, et sont ainsi privés de leurs moyens d’existence. Il est très rare qu’ils soient consultés. Allant de pair avec de vastes monocultures, l’accaparement des terres porte atteinte à l’environnement et appauvrit la biodiversité.

ACCAPAREMENT DES TERRES Dans nombre de pays, le néocolonialisme a remplacé le colonialisme sans coup férir. L’une de ses formes est l’accaparement des terres. Texte: Joachim Merz. Photo: Yunas Vally Kwame Nkrumah, le premier président du Ghana, a défini le néocolonialisme comme le système politique et économique appliqué dans des pays officiellement indépendants, mais qui est dirigé depuis l’étranger. Les investissements étrangers ne conduisent alors pas au développement, mais à l’exploitation. Ils creusent le fossé entre pays pauvres et riches. Formulée il y a une cinquantaine d’années, cette analyse n’a rien perdu de son actualité. L’argent continue en effet d’affluer des pays du Sud vers ceux du Nord, soit par le biais de l’extraction de matières premières soit grâce à l’exploitation d’une main-d’œuvre bon marché par les multinationales. Ces pratiques sont des caractéristiques du néocolonialisme. Depuis quelques années, celui-ci s’est enrichi d’un autre phénomène: l’accaparement des terres. L’expression «accaparement des terres» désigne

Le cas du Mozambique Ces divers problèmes se retrouvent dans le projet ProSavana, prévu dans le nord du Mozambique. Les autorités souhaitent ouvrir plusieurs millions d’hectares situés dans le couloir Nacala, une zone fertile et très habitée, aux investisseurs étrangers. Si l’idée a été lancée en 2009, les organisations civiles de la région n’ont été consultées qu’en 2013. Depuis, le projet divise villageois et villageoises: les uns y voient l’occasion de bénéficier de crédits et de moyens de production; les autres craignent que la monoculture du soja ne profite qu’aux investisseurs brésiliens, alors que les cultures vivrières traditionnelles seront négligées. De plus, des familles paysannes risqueraient d’être chassées de chez elles. La protestation citoyenne fut si vive qu’un nouveau plan directeur devra être élaboré pour ProSavana. De l’avis de Jorge Lampião, coordinateur de Solidar sur place: «Ce n’est qu’en tenant compte

l’achat ou le bail à ferme de vastes surfaces cultivables par des gouvernements étrangers ou des multinationales. Elles servent à la culture de plantes vivrières ou énergétiques destinées à approvisionner les Etats investisseurs, le pays de production ne bénéficiant en rien de ces produits. L’explosion des prix alimentaires en 2007 et en 2008 a décuplé ce phénomène. Entre 2001 et 2011, plus de 200 millions L’accaparement des terres d’hectares ont été achetés de creuse le fossé entre riches par le monde, soit davantage et pauvres. que la totalité des surfaces arables d’Europe. Les fonds proviennent de pays industrialisés, mais des besoins de la population, qu’il sera de plus en plus aussi de pays émergents possible d’instaurer un développement et du Golfe. Les achats interviennent sur- durable et équitable sur le plan social.» tout en Afrique, en Asie et en Amérique latine, soit le plus souvent dans des pays pauvres aux institutions fragiles et aux Joachim Merz est responsable gouvernements corrompus. des projets de Solidar Suisse au Mozambique.


10 POINT FORT

CABAÑAS N’AURA PAS SON ÂGE D’OR Accords de libre-échange et cours arbitrales servent à imposer une exploitation des matières premières qui fait fit des populations et de l’environnement. C’est là une nouvelle forme de colonialisme dont le Salvador fait la douloureuse expérience. Texte: Anja Ibkendanz. Dessins: Alecus Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), installé auprès de la Banque mondiale à Washington, n’est guère connu. Ce n’est pas surprenant, puisque ni le public ni les médias ne peuvent assister à ses audiences et que ses jugements ne sont pas sujets à recours. Les défenseurs de l’environnement et les paysans défavorisés du département de Cabañas, au Salvador, ne connaissent pourtant que trop bien cette cour arbitrale. Compensation de gains hypothétiques C’est au CIRDI que la société canadienne Pacific Rim a fait appel en 2008

pour exiger que le Salvador lui verse les ciété australienne OceanaGold, a traîné le gains qu’elle ne pourra pas réaliser. Le Salvador devant la cour. Motif: le retrait de gouvernement lui a en effet retiré l’auto- la concession la prive de gains futurs. Il ne risation d’extraire de l’or dans le Cabañas, Le différend porte sur des gains craignant que l’activité minière ne provoque hypothétiques que l’entreprise de graves dégâts enn’aurait peut-être jamais réalisés. vironnementaux. L’entreprise prévoyait d’utiliser une solution de cyanure pour s’agit donc pas de compenser des investisisoler l’or présent en faibles quantités sements déjà effectués, mais des gains dans la roche. Or, c’est à cause de hypothétiques que l’entreprise n’aurait ce procédé que les concentrations de peut-être même pas réalisés… Montant cyanure et de plomb mesurées dans les du litige: plus de 300 millions de dollars. eaux salvadoriennes dépassent jusqu’à Base légale: l’accord de libre-échange mille fois les valeurs limites admises. d’Amérique centrale et une loi nationale Pacific Rim, désormais aux mains de la so- en faveur des investisseurs.


CHRONIQUE

THEMA 11

Les organisations partenaires de Solidar informent la population par des émissions radio sur les conséquences environnementales de la mine d’or en projet.

trois défenseurs de l’environnement ont été tués dans le Cabañas en l’espace de six mois; en juin 2011, un étudiant a connu le même sort et nombre d’activistes ont reçu des menaces de mort. Ces crimes n’ont jamais été élucidés.

Résistance et répression Des organisations civiles régionales, des radios locales et des groupes environnementaux ont manifesté et lancé des pétitions contre ce projet polluant. Divers partenaires de Solidar ont également pris part au mouvement. Ce fut le cas de l’association des petits paysans qui luttent pour préserver leurs moyens d’existence: de l’eau propre, de petites exploitations (qui risquaient d’être expropriées) et la culture de denrées alimentaires saines. Leur résistance a largement motivé le moratoire gouvernemental. Le prix à payer fut toutefois lourd: en 2009,

Cabañas Cabañas est un département situé au nord du Salvador qui a subi des destructions massives durant la guerre de 1980 à 1992. Après avoir appuyé les travaux de reconstruction, Solidar soutient actuellement trois organisations civiles engagées dans le développement communautaire et un groupement de femmes. L’objectif est de permettre à la population locale d’intervenir dans le développement villageois et communal, ainsi que d’améliorer les conditions de vie d’une population en majorité très pauvre et principalement formée de petits paysans. Par leurs actions et par le biais de leur radio locale, les partenaires de Solidar s’efforcent de préserver l’environnement et le libre accès à leurs terres. www.solidar.ch/fr/cabanas

Décider en toute souveraineté Depuis, des groupes environnementaux et religieux, des radios communautaires, des communes et d’autres organisations de la société civile ont constitué ensemble une table ronde contre l’exploitation minière. En 2014, celle-ci a mené diverses actions pour souligner le droit du Salvador à décider en toute souveraineté. La dernière audience dans le cas qui oppose Pacifique Rim Cayman LLC./ OceanaGold à la République du Salvador a eu lieu le 15 septembre 2014 devant la cour arbitrale de la Banque mondiale. La décision est attendue courant 2015. Alors qu’il existe depuis plusieurs décennies, le CIRDI n’a acquis son poids actuel qu’avec l’avènement des récents accords de libre-échange, qui réservent le droit à des entreprises de porter plainte contre des Etats afin de protéger leurs investissements. A ce jour, la procédure a coûté plus de 6 millions de dollars au Salvador. Le montant vertigineux des coûts peut dissuader les pays pauvres de s’opposer aux intérêts des multinationales. D’où toute l’importance du soutien que Solidar apporte aux organisations de la société civile dans leur engagement en faveur de la protection de l’environnement, d’une production à petite échelle et respectueuse des ressources et de la participation démocratique. Anja Ibkendanz est responsable des projets de Solidar Suisse au Salvador. Alecus est le nom d’artiste du dessinateur bédéiste Ricardo Clement.

Hans-Jürg Fehr Président de Solidar Suisse

Je suis membre La coopération au développement est financée par des impôts et des dons. Elle dépend donc de toute manière de la volonté du peuple de lui consacrer des ressources financières. Cette volonté dépend pour sa part de l’opinion que chaque citoyenne et citoyen se fait de la qualité de cette coopération. Voilà pourquoi nous tenons à diffuser des informations sur nos objectifs et nos méthodes de travail, et à amener ainsi les gens à s’intéresser à nos programmes et à nos projets. Les membres de Solidar Suisse se soucient davantage que d’autres personnes de nos activités et bénéficient aussi d’une excellente information, en particulier grâce au présent magazine. Ils sont en mesure de lancer le débat sur la coopération au développement dans leur entourage, voire de défendre sa cause avec des arguments rationnels. Cette défense s’avère hélas bien plus nécessaire que les œuvres d’entraide ne le souhaiteraient. La droite nationaliste aimerait en effet réduire les dépenses consacrées à la coopération au développement et même les supprimer totalement. Pour contrecarrer ces visées, il importe qu’un maximum d’individus et d’organisations se mobilisent. Nos membres ont ainsi un rôle crucial à jouer: diffuser nos informations et renforcer nos efforts visant à sensibiliser la population et à faire percevoir la coopération au développement comme un effort aussi utile qu’indispensable. Je remercie dès lors nos membres pour leur engagement solidaire et invite les autres lecteurs à le devenir.


12

MOTEUR DU CAPITALISME

Le colonialisme a préparé le terrain au capitalisme. Afin de changer cela, des réglementations mondiales pour un travail décent sont nécessaires. Texte Eva Geel. Photo: Public Domain Les moyens étaient archaïques, mais le système moderne. Lorsque les colonisateurs européens firent main basse sur le monde il y a 500 ans, ils créèrent un système économique dont la forme fondamentale est aujourd’hui encore en vigueur. L’historien Sven Beckert le montre dans son dernier ouvrage «King Cotton» à l’aide de l’exemple, a priori banal, du coton. Plus que l’argent ou l’or, le coton fut la monnaie et le moteur du colonialisme. A l’époque précoloniale déjà, de fines cotonnades de la meilleure qualité étaient produites

par des tisserand-e-s indiens. Les Européen-nes-s, vêtus de laine râpeuse, convoitaient vivement cette matière aux couleurs vives, légère comme la plume. Mais ce n’est que lorsque la route maritime vers les Indes fut découverte, vers 1500, que le commerce se développa à grande échelle. Du sang, de la sueur et des larmes C’est ainsi que s’établit un circuit destructeur: les marchands coloniaux et les compagnies commerciales, comme l’East

India Company britannique, achètent le coton indien, qui leur permet d’acquérir des esclaves noirs qu’ils déportent ensuite en Amérique. Là-bas, hommes, femmes et enfants travaillent sur les plantations. Les produits agricoles qu’ils cultivent au prix du sang, de la sueur et des larmes reviennent ensuite en Europe où ils sont consommés. Ce faisant, les Européens développèrent une nouvelle méthode d’organisation des circuits économiques et posèrent les fondements du capitalisme. Expansion, vol


POINT FORT 13 Les conditions de travail dans l’industrie du coton restent précaires: des enfants récoltant le coton en Ouzbékistan en 2012 (à gauche).

Des commerçants armés s’emparaient des terres et de leur population et menaient une chasse – au vrai sens du terme – à la main-d’œuvre, mise en esclavage pour assurer le succès économique des colonisateurs.

des terres et esclavage en étaient les pierres angulaires. Et le coton y joua un rôle central. Il était, selon Beckert, «le moyen d’échange prédominant pour acquérir des esclaves sur le littoral africain». Cette phase du colonialisme, jusqu’en 1800, été marquée par une violence privée massive. Ce n’est pas par hasard que Beckert l’appelle le «capitalisme guerrier»: les Etats n’exerçaient guère leur pouvoir souverain sur ces lointains territoires étrangers. A la place, ils soutenaient les rapines des entreprises commerciales.

péens sous la forme de t-shirts bon marché, de téléphones mobiles, de bijoux, de chocolats. Bien sûr, un certain nombre d’entreprises respectent des normes. Et entre-temps, ce n’est plus seulement l’Ouest qui profite de la logique et des méthodes de l’économie mondiale. Mais sa part d’ombre reste bien présente: selon l’Organisation internationale du travail (OIT), plus de 20 millions de personnes végètent dans une existence misérable, comme esclaves ou travailleurs forcés. Une solution: le travail décent Il est donc d’autant plus important de briser enfin cette dynamique par des reglementations mondiales. Un pas important semble avoir été fait dans la bonne direction. Non seulement à travers la nouvelle initiative suisse pour la responsabilité des multinationales du pays (voir annexe), mais aussi par le biais des nouveaux objectifs du développement de l’ONU qui doivent être approuvés en automne 2015. L’ONU va pour la première fois placer en tête de son ordre du jour la question du travail décent pour tous et toutes. C’est un succès, même s’il s’agit d’un objectif parmi d’autres et que son application est encore dans les limbes. Car pour la première fois, les Etats reconnaîtraient qu’il

La dissociation du droit Le capitalisme guerrier s’appuyait sur une division schizophrénique du monde: le monde interne aux colonialistes suivait les lois, les institutions et les règles du pays d’origine. Le monde externe était en revanche le lieu de la domination impériale, de l’expropriation impunie d’immenses régions, de la décimation et de la mise en esclavage de peuples entiers. Cette analyse de Beckert a des accents familiers. Même si le monde L’esclavage fut la clé du a changé depuis l’époque du succès des colonisateurs colonialisme, si l’esclavage a été officiellement aboli et s’il existe des réglementations économiques existe une nécessité fondamentale d’agir contraignantes, de nombreuses entre- dans ce domaine. prises occidentales continuent de diviser Solidar Suisse s’est engagé dans la prole monde en deux parts, interne et ex- cédure de consultation pour des conditerne, cette dernière ne connaissant pas tions de travail décentes. Nous allons les mêmes règles. En témoignent les continuer de suivre avec attention les disconditions de travail catastrophiques dans cussions et la mise en œuvre à venir. Car les fabriques de vêtements asiatiques, le avec l’objectif onusien d’un travail décent, travail des enfants en Amérique du Sud, une nouvelle perspective prometteuse l’exploitation et la pollution de l’environ- s’ouvre à l’humanité: celle de tourner enfin nement lors de l’extraction des matières la page du colonialisme. premières en Afrique: la liste peut s’allonger à volonté. Et les marchandises parviennent comme par le passé aux Eva Gelle est responsable de la consommateurs et consommatrices euro- communication de Solidar Suisse.


14 BRÈVES Une nouvelle coopération en Asie L’Asie reste l’atelier du monde et le centre de l’exploitation des travailleurs et des travailleuses. Une bonne raison pour renforcer notre engagement dans cette région. L’an dernier, Solidar Suisse a entamé sa collaboration avec le Asia Monitoring Research Centre (AMRC). Elle a permis de soutenir différentes formations continues pour les travailleurs et travailleuses dont des journées d’étude sur les risques dans les branches de l’électronique et du textile en Chine ou un échange d’expériences d’organisations asiatiques de salarié-e-s en matière de protection sociale et de droit du travail. L’AMRC, fondé en 1976, est particulière-

Pakistan: une loi contre la violence faite aux enfants Le 6 mars 2015, le premier ministre Nawaz Sharif a approuvé une modification du Code pénal qui interdit l’exploitation sexuelle des enfants, leur commerce et les peines corporelles. C’est un succès important dans un pays où le travail des enfants est largement répandu et les enfants travailleurs souvent touchés par la violence et les agressions sexuelles. A cause de la grande

Un portrait vidéo de Solidar Suisse Une nouvelle vidéo de trois minutes donne une idée du travail de Solidar Suisse: l’engagement pour le droit à des conditions de travail décentes dans le monde entier, l’aide humanitaire en cas de catastrophe et les campagnes de sensibilisation en Suisse. On peut la visionner sous: www.solidar.ch/fr/mediatheque

ment connu en Asie pour ses recherches rigoureuses autour de la question du travail, pour son activité de centre de formation et donc son suivi des tendances évolutives. Une voix indépendante pour le respect du droit du travail, qui dénonce publiquement les abus. www.solidar.ch/fr/amrc

pauvreté, plus de la moitié des enfants ne vont pas à l’école. L’organisation partenaire de Solidar, Group Development Pakistan, a contribué à ce changement législatif par son travail de lobbyisme. Le prochain obstacle à fran-chir sera celui du Parlement. Si la loi est adoptée, elle offrira un moyen d’action contre la violence faite aux enfants et aura en outre un effet préventif. Elle pourra aussi avoir des effets positifs sur le projet de Solidar à Lahore contre le travail des enfants: d’une part, les parents pourraient être ainsi motivés pour renvoyer leurs enfants à l’école et, d’autre part, elle permettrait de punir les auteurs des maltraitances et des agressions sexuelles. www.solidar.ch/fr/travaildesenfants

3603 signatures pour une adjudication décente Le 19 décembre, Solidar Suisse a remis sa réponse à la procédure de consultation relative à la révision de l’Accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP). Nous y défendons la nécessité d’inscrire dans la loi le fait que l’adjudication respecte des critères sociaux, écologiques et de développement durable, puisque, malheureusement, l’occasion n’en avait pas été saisie lors de la rédaction du projet de loi. Il est essentiel que les pouvoirs publics qui achètent annuellement 40 milliards de marchandises et de services se préoccupent du respect du droit du travail lors de la production de ceux-ci. C’est aussi la conviction des 3603 cosignataires de la réponse à la consultation.

Le Mondial au Qatar La Coupe du monde au Qatar en 2022 suscite l’attention des médias. Et avec raison: plus de 1000 travailleurs et travailleuses migrant-e-s sont mort-e-s sur les chantiers qataris ces trois dernières années. Ils travaillent trop, pour un salaire trop faible, parfois payé partiellement, et ne peuvent pas démissionner, sans parler même de quitter le pays, car les entreprises retiennent leurs passeports. Solidar soutient depuis peu un centre qui fournit sur place des conseils juridiques aux travailleurs et travailleuses migrant-e-s. Par cet engagement, nous contribuons à l’amélioration des conditions de travail et de vie et obtenons des informations de première main pour nos campagnes en faveur de Coupes du monde socialement responsables.


CONCOURS 15 LE SUDOKU DE SOLIDAR 8

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Envoyez votre réponse à: Solidar Suisse sur une carte postale ou par courriel à: contact@solidar.ch, avec la mention «concours»

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1er prix: une corbeille à linge 2e prix: un sac à main

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Les prix proviennent d’un groupe de producteurs de palmes du nord du Sri Lanka. Après la guerre, ils sont rentrés dans leur village et, avec l’aide de Solidar, se sont unis en groupes de production afin d’assurer leur existence.

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Règles du jeu Remplissez les cases vides par des chiffres de 1 à 9. Chaque chiffre ne peut figurer qu’une seule fois sur chaque ligne, chaque colonne et dans chacun des neuf blocs de 3 x 3 cases. La solution est trouvée à partir des chiffres inscrits dans les cases hachurées, en suivant la clé suivante: 1 = S, 2 = L, 3 = E, 4 = M, 5 = C, 6 = N, 7 = O, 8 = A, 9 = I

La date limite d’envoi est le 15 juin. Les noms des gagnant-e-s seront publiés dans le numéro 3/2015 de «Solidarité». Aucune correspondance ne sera échangée concernant ce concours. Tout recours juridique est exclu. Les collaborateurs et collaboratrices de Solidar Suisse ne peuvent participer au concours. La solution du concours paru dans «Solidarité» 1/2015 était «Social Media». Michelle Ody de Lausanne a gagné un sac à dos LanzArte, Laurent Junier du Mont-sur-Lausanne un t-shirt LanzArte et Susanne Sturm de Langnau un porte-clés Doctora-Edilicia. Nous remercions Solidar Bolivie pour les prix offerts ainsi que tous ceux et toutes celles qui ont participé au jeu.

Solution

MERCI! L’an passé, de nombreuses personnes ont pu retrouver l’espoir et améliorer durablement leurs conditions de vie. Les legs faits à Solidar par des personnes qui ont pensé à notre organisation en sus de leur famille et de leurs proches amis ont notablement contribué à ce résultat. Nous voulons très chaleureusement en remercier les donateurs. Si vous envisagez vous aussi de nous mentionner dans votre testament, nous vous fournirons volontiers les renseignements ou les aide-mémoire nécessaires. Prière de vous adresser à: christof.hotz@solidar.ch, 044 444 19 45


16 ACTUALITÉ

RENDRE L’AVENIR POSSIBLE

Avec sa nouvelle stratégie, Solidar Suisse mise sur le travail décent et la participation démocratique comme véritables piliers de la lutte contre la pauvreté. Texte: Esther Maurer. Photos: Jürg Gasser, Paola Lambertin, Désirée Good «Le bon cœur ne suffit pas!» Avec cette citation de Regina Kägi-Fuchsmann, fondatrice de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO), la stratégie 2015 – 2019 de Solidar Suisse lance un pont vers nos racines: créée dans le contexte de la détresse de la population lors de la guerre civile espagnole, l’aide humanitaire était initialement notre priorité. Mais comme les interventions humanitaires ne font pas reculer la pauvreté et l’injustice sociale, l’engagement à long terme dans la coopération au développement a toujours constitué un complément approprié. La division des projets à l’étranger – comme on l’appelait alors – de l’OSEO est devenue indépendante en 2005. Depuis 2011, nous poursuivons notre engagement à l’enseigne de Solidar Suisse. La réorganisation a aussi conduit à une professionnalisation sur fond de nouvelle orientation stratégique: il s’agissait de lutter contre la pauvreté en s’engageant

pour des conditions de travail couvrant les besoins vitaux. L’Agenda pour le travail décent de l’Organisation internationale du travail (OIT) a tracé le cadre normatif: créer des emplois, garantir les droits du travail et une protection sociale et encourager le dialogue social – transposé dans le contexte local respectif. Consolider ce qui a fait ses preuves et oser innover Nous fondant sur une analyse de contexte détaillée et sur un processus qui a inclus les collaborateurs en Suisse et à l’étranger, nous avons formulé en 2014 les lignes directrices pour les cinq prochaines années. Il est apparu qu’au vu de l’exploitation de la main-d’œuvre, dans le secteur informel surtout, la priorité d’un travail garantissant des conditions d’existence convenables restait judicieuse et importante. Notre stratégie concrétise cinq nouveaux objectifs dans ce domaine.

Objectifs: • La main-d’œuvre exploitée est mieux protégée – par des mesures sur les lieux de travail, le respect des lois du travail et une couverture sociale. • Les personnes démunies et vulnérables obtiennent des possibilités de s’assurer un revenu couvrant leurs besoins vitaux. • Les personnes sans travail peuvent subvenir à leurs besoins et les jeunes ont davantage d’opportunités sur le marché de l’emploi. Le nombre de travailleurs occupant un emploi précaire recule. • Les formes extrêmes d’exploitation comme le travail forcé, le travail des enfants et l’esclavage moderne sont éliminées. • Des organisations représentatives et démocratiques de la société civile contribuent à des changements structurels socialement équitables et durables.


ACTUALITÉ 17

Solidar s’engage notamment contre le travail des enfants et pour la formation professionnelle des jeunes au Burkina Faso et pour de meilleures conditions de travail des cueilleurs et cueilleuses de cannes à sucre et des employé-e-s de maison en Bolivie (de gauche à droite).

Ces objectifs permettent à Solidar Suisse de devenir la plateforme la plus compétente pour toutes les questions liées à la lutte contre les conditions de travail faisant fi de la dignité humaine. Travail décent pour tout un chacun «Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible», écrivait Antoine de Saint-Exupéry. En forgeant notre vision, la question de savoir ce qui était possible et à quel niveau nous pouvions agir s’est posée. Bien que conscients de nos limites, nous avons formulé la vision d’une société pour laquelle il vaut la peine de lutter: Vision: Le droit à un travail décent, à la justice sociale et à la couverture des besoins vitaux est respecté partout sur la planète – et la pauvreté est vaincue. Chacune et chacun peuvent mener leur vie de manière autonome et dans la dignité.

Notre mission souligne comment nous entendons réaliser cette vision. Il s’avère que nous ne sommes efficaces que si nous encourageons simultanément des structures démocratiques et la participation aux processus sociopolitiques. Mission: Dans des pays en développement, émergents et en transition, Solidar Suisse lutte pour la justice sociale et contre l’exploitation. Des conditions de travail décentes, la répartition équitable des ressources et des services ainsi que la participation politique et des structures fédéralistes pour aménager son propre cadre de vie sont des droits humains fondamentaux, au cœur de l’engagement de Solidar Suisse. Felix Gnehm, responsable des programmes internationaux, précise ce que la nouvelle stratégie signifie concrètement pour Solidar: «Nous adaptons nos programmes au cadre stratégique. Au Sri

Lanka et au Pakistan, nous mettons déjà en œuvre une nouvelle génération de projets centrés sur la protection des personnes exploitées dont les conditions de travail sont marquées par la précarité: enfants, cueilleuses de thé, victimes de conflits.» Lors de la conférence de Solidar de cette année, nous identifierons avec nos coordinatrices et coordinateurs nationaux les endroits où le besoin d’agir est le plus pressant. Ensemble, nous voulons faire en sorte que les gens puissent se défendre efficacement contre l’exploitation et obtiennent des conditions de travail convenables ainsi que des salaires assurant une vie décente. Nous nous réjouissons de continuer à compter sur votre soutien. Engagez-vous à nos côtés! www.solidar.ch/fr/strategie Esther Maurer est la directrice de Solidar Suisse.


18

L’ARME DE NAYRA MUÑOZ, LE THÉÂTRE

En Bolivie, Nayra Muñoz, jeune femme de 23 ans lutte en faveur des droits humains. Son engagement rayonne au-delà des murs des théâtres. Texte et photo: Stéphane Cusin


PORTRAIT 19 «Nous jouons dans des lieux inattendus: dans la rue et les écoles. J’aime ce théâtre.»

Nayra Muñoz s’appuie sur sa passion pour le théâtre afin d’initier des changements.

«El Animal parle de la réalité quotidienne. Nous nous inspirons d’histoires réelles, notamment de la violence, et nous créons des spectacles. Ainsi, nous sensibilisons notre public et nous provoquons le débat», déclare Nayra Muñoz pour expliquer son engagement au sein de la troupe de théâtre El Animal. En mettant en scène la vie quotidienne, la troupe anime le débat public et permet aux enfants et aux jeunes d’exprimer leurs préoccupations.

Votre don compte! Un don de 70 francs suffit pour financer un atelier de théâtre d’une journée entière pour quinze jeunes.

Lorsque la troupe est en tournée dans les écoles, des jeunes approchent souvent les comédiennes, car ils souhaiteraient aussi faire du théâtre. Ils sont alors Une création bouleversante invités à rejoindre la relève composée de Nayra Muñoz a découvert le théâtre neuf groups. Nayra Muñoz s’occupe des à 9 ans déjà. Son père l’a «forcée» à plus jeunes: «Je les aide à entrer dans le monter sur les planches afin de vaincre monde du théâtre et des acteurs. C’est sa timidité. A 18 ans, elle est devenue super de leur transmettre ma passion!», membre de la troupe de théâtre El Animal, ajoute-t-elle enthousiaste. formée de neuf femmes. Elles donnent Ces jeunes vivent ou connaissent des actuellement des représentations d’une situations de violence ou de précarité. pièce, fruit de leur création: «Invisible». Il y Le théâtre leurs permet de développer, est question de jeunes femmes enlevées notamment la confiance et l’estime de par des organisations mafieuses et soi. Ainsi, ils sont mieux armés pour se projeter dans un avenir incertain. Sans succomber «Nous jouons dans des au découragement Nayra lieux inattendus: dans la rue Muñoz poursuit la lutte: «Malgré les coutumes, je et les écoles.» n’accepte pas que d’autres me dictent ce que je dois soumises à la prostitution ou au vol faire ou ne pas faire. Je transmets aux d’organes. «Nombre de personnes ne jeunes mon engagement pour la liberté prennent conscience de cette réalité et les droits humains. Je les encourage à qu’en assistant à notre spectacle et sont respecter autrui et à exiger d’être resbouleversés par la mise en scène», ra- pectés en retour.» conte Nayra. Dans cette pièce elle interprète trois personnages: une mère Stéphane Cusin est chargé de la dont la fille a été enlevée, une jeune collecte de fonds chez Solidar Suisse femme obligée de se prostituer et une et a récemment visité nos projets en femme proxénète. Ce sont des rôles Bolivie. éprouvants. «Nous arrivons à peine à imaginer la réalité de ces gens. Alors, les jouer!… Trois scènes sont particulièrement dures: dans l’une d’elles, deux hommes – joués par des femmes – me crachent au visage et l’un d’eux me saisit LanzArte les seins. Puis je cherche ma fille disparue. Elle est tout près, mais on l’empêche La troupe de théâtre El Animal parde crier.» Nayra Muñoz pense qu’elle ne ticipe au projet LanzArte de Solidar. parviendrait pas à interpréter ces rôles Celui-ci offre la possibilité aux jeunes sans la confiance et le soutien entre les d’utiliser le théâtre, la danse et le filles de la troupe. cinéma afin de parler de leur quotidien Aujourd’hui, Nayra a l’envie de poursuivre et d’exprimer leurs idées. En Bolivie, son activité dans le théâtre. Peut-être pour les jeunes, il n’est en effet pas même d’en vivre. Cependant, elle est réahabituel de faire connaître publiqueliste. Ses parents l’encouragent à suivre ment leur avis. Le projet les encousa passion, «mais ils trouvent que je rage dès lors à aborder des problèmes devrais d’abord terminer mes études de du quotidien. droit, pour avoir un métier ‹sérieux›», ditwww.solidar.ch/fr/lanzarte elle en souriant.


LES MULTINATIONALES DOIVENT RESPECTER LES DROITS HUMAINS! Les multinationales suisses violent les droits humains et les standards environnementaux à l’étranger. Avec d’autres organisations, Solidar Suisse lance l’initiative «pour des multinationales responsables». Celle-ci demande des règles contraignantes pour que les entreprises suisses respectent aussi à l’étranger les droits humains, le travail décent et l’environnement. Signez l’initiative populaire pour des multinationales responsables. La feuille de signatures est disponible en annexe ou sur www.solidar.ch/fr/multinationalesresponsables


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