Solidarité 3/12

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Numéro 3, août 2012

CHINE Vers un commerce décent? AFRIQUE Un micro pour les sans voix

Le magazine de


2 éDITORIAL Chère lectrice, cher lecteur, Ce numéro de Solidarité est consacré à la Chine. Un pays aux facettes multiples et d’une grande richesse culturelle, qui se développe à un rythme effréné. Un pays dont la structure étatique résulte d’une combinaison étrange de parti unique et de capitalisme. Un pays où sont fabriqués à bas prix – et souvent dans des conditions indicibles – de nombreux produits que nous utilisons au quotidien.

Mais nous contribuons par un autre biais à la lutte contre l’exploitation en Chine. Il y a quatre ans, Solidar a invité les communes suisses à n’acheter désormais que des biens équitables, pour changer le pavage d’une rue ou d’une place par exemple. Souvent importés de Chine, les pavés provenaient rarement d’une production équitable. Une interview de Karoline Herrmann, de WiN=WiN, l’organisme qui gère le label Fair Stone, illustre les effets obtenus grâce à la hausse de la demande de pierre naturelle produite dans des conditions décentes.

Solidar s’engage, depuis deux ans, aux côtés des personnes qui luttent sur place pour faire respecter les normes du travail. C’est l’occasion de constater, une Un commerce respectueux du droit perfois de plus, que le désir de travailler met de promouvoir des conditions de dans des conditions décentes est une travail décentes. Voilà pourquoi Solidar revendication universelle: poussés aux Zoltan Dòka appelle le Conseil fédéral à inscrire les limites du supportable, les travailleurs et Département International de Solidar droits humains et du travail dans l’accord les travailleuses se rebiffent. Lorsque les de libre-échange qu’il négocie actuelleemployeurs et les autorités ne les prennent pas au sérieux, ils s’organisent pour se faire respecter. ment avec la Chine. Solidar s’oppose à un libre-échange Loin de poursuivre de grands objectifs politiques, ils veulent débridé. Nous voulons, au contraire, un commerce décent qui travailler dans la dignité. Notre partenaire en Chine, Labour profite à tout le monde. Zoltan Dòka Action China, les aide à faire valoir leurs droits.

Revue de presse

12.04.2012 Quand Blatter se lâche... Une franche réussite. Depuis lundi, la toile se régale de la chorégraphie de Sepp Blatter sur le tube planétaire du Brésilien Michel Telo. On y voit même le patron du football mondial faire le grand écart... Une parodie servie par le talent d’un danseur professionnel de 23 ans, étonnant sosie (après maquillage!) de son illustre modèle. Le clip «Blatter se lâche» crée déjà le buzz. C’était bien le but de Solidar, ONG suisse basée à Zurich, à quelques rues du bureau du Valaisan. Dans une pétition associée au clip, elle interpelle la FIFA et son président sur les conséquences so­ ciales du Mondial 2014 sur la population brésilienne.

01.06.2012 Solidar veut bloquer l’accord avec la Chine La conclusion d’un accord bilatéral de libre-échange entre la Confédération et la Chine pourrait être perturbée par Solidar, dont l’Assemblée générale du 24 mai a posé sept exigences à la poursuite des négociations. L’ONG exige notamment que le gouvernement chinois s’engage à appliquer les normes de l’Organisation internationale du travail (OIT), à interdire le travail des enfants ou encore à fermer les camps de travail. Si les autorités helvétiques devaient passer outre, l’ONG annonce qu’elle saisira le Parti socialiste suisse (PSS) et l’Union syndicale suisse (USS) de la nécessité de lancer un référendum.

01.06.2012 Un partenariat pour favoriser l’accès à l’eau potable Contributeur à hauteur de 1,3 million par an, le canton de Vaud a décidé de renforcer son soutien à la Fédération vaudoise de coopération (FEDEVACO). Hier, lors de la conférence annuelle de l’or­ ganisation, une convention a été signée. L’accord, qui porte sur une durée de trois ans pour un montant annuel de 50 000 francs, permettra de cofinancer des projets liés à l’accès à l’eau. Parmi eux, le projet salvadorien de Solidar «Agua para todos» (eau pour tous). Ce programme a déjà donné accès à l’eau potable à 4200 personnes, réparties sur cinq communes, alors que d’autres collectivités bénéfi­ cient indirectement de cette expérience.


3 POINT FORT Engagement pour les droits du travail en Chine

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LAC, partenaire de Solidar, aide les ouvriers et ouvrières à défendre leurs droits

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La Suisse doit faire du respect des droits humains une condition de l’accord de libre-échange avec la Chine

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La demande de produits équitables façonne l’offre: on peut aujourd’hui acheter des pierres chinoises produites dans la dignité 10 CULTURE Melina Kameric´: «Made in Yugoslavia»

POINT FORT

Droits du travail, commerce respectueux des droits humains, lobbying. Solidar s’engage activement pour des conditions de travail décentes en Chine.

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ACTUALITÉ Africa Labour Radio Project: une voix pour défendre les droits du travail

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CHRONIQUE

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CONCOURS

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ACTUALITÉ

Africa Labour Radio Project: ce projet utilise la radio pour informer les travailleuses et les travailleurs de leurs droits et leur fournir une plateforme d’échange.

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RÉSEAU Nouvelles des OSEO régionales 17 PORTRAIT Dans le Cabañas salvadorien, Maribel Abrego s’engage pour la participation des femmes et des jeunes

CULTURE

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Made in Yugoslavia: le pays natal de Melina Kameric´ ćn’existe plus qu’au fond des casseroles où elle apprête l’ajvar.

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PORTRAIT

Les femmes n’ont plus peur des dénonciations et les jeunes s’impliquent: au Salvador, l’engagement de Maribel Abrego contribue à faire évoluer les mentalités.

IMPRESSUM Editeur: Solidar Suisse, Quellenstrasse 31, Postfach 2228, 8031 Zürich Tél. 021 601 21 61, E-mail: contact@solidar.ch, www.solidar.ch CP 10-14739-9 Lausanne. Membre du réseau européen Solidar Rédaction: Katja Schurter (rédactrice responsable), Christian Engeli, Alexandre Mariéthoz, Rosanna Clarelli, Cyrill Rogger

Layout: Binkert Partner, www.binkertpartner.ch / Spinas Civil Voices Traduction: Irene Bisang, Milena Hrdina, Walter Rosselli, Daniel Süri, Jean-François Zurbriggen Correction: Jeannine Horni, Carol Le Courtois Impression et expédition: Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 Schaffhausen Paraît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex.

Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé. Page de titre: Un tailleur de pierres chinois atteint de la silicose montre une radiographie de ses poumons. Photo: Ming Pao. Dernière page: Le nouveau clip Post-it de Solidar est maintenant en ligne: www.solidar.ch


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POINT FORT En raison d’une protection insuffi­ sante contre la poussière, beaucoup de tailleurs de pierres contractent la silicose.

ChinE

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La Chine est le troisième partenaire commercial de la Suisse. Mais, malgré quelques progrès ces dernières années, la Chine conserve une mauvaise réputation en matière de droits humains et du travail. Beaucoup de produits chinois achetés chez nous sont fabriqués dans des conditions douteuses, voire inhumaines. La Suisse a récemment ouvert des négociations sur un accord de libre-échange avec la Chine. Quelle place pour les droits humains dans cet accord? Un commerce décent est-il possible avec la Chine? Comment Solidar s’engage-t-elle, en Suisse et dans l’Empire du Milieu, pour des conditions de travail dignes? Réponses dans notre dossier spécial. Photo: Ming Pao


6 Lutte pour les droits du travail Les syndicats indépendants sont interdits en Chine. Résultat: toujours davantage de travailleurs et travailleuses mènent des grèves sauvages, afin d’obtenir des conditions de travail décentes. Texte: Suki Chung, LAC. Photos: Ming Pao et LAC

La rapide croissance économique de la Chine renforce également les tensions sociales et l’insatisfaction des travail­ leuses et des travailleurs. Les grèves et les manifestations sauvages, toujours plus nombreuses, en témoignent. Elles ont poussé l’Etat chinois à créer des lois pour protéger les droits du travail et à instituer des systèmes de sécurité sociale. Mais, malgré quelques concessions aux exigences des employé-e-s, la politique et la législation, qui n’ont rien de démocratique, sont toujours au service du capital. La main-d’œuvre n’a pas le droit de s’organiser librement, car seul le syndicat public ACFTU est officiellement autorisé. Combat fructueux La lutte contre une norme salariale minimale à deux vitesses à Panyu, une région

de la province de Guangzhou dans le sud-est de la Chine, fournit l’exemple d’une initiative de la base couronnée de succès. A Panyu, le salaire minimal n’était que de 1100 yuans – contre 1300 yuans dans d’autres régions de la province. Depuis mi-2011, l’organisation partenaire de Solidar, Labour Action China (LAC), lutte avec les ouvriers et ouvrières pour la transparence du calcul du salaire minimum et son uniformisation. En février 2012, le gouvernement a annoncé, dans une déclaration officielle, le relèvement du salaire minimum à Panyu au niveau de celui de la ville de Guangzhou. Une victoire rare, d’autant plus importante qu’il y va également de la question fondamentale de la participation des travailleurs et travailleuses aux questions les concernant. Ce succès a eu un écho dans toute la Chine.

Victoire pour des victimes de la silicose Depuis 2004, LAC s’engage en faveur des droits des travailleurs et travailleuses migrants, aujourd’hui quasiment privés de tout droit. En 2010 et 2011, elle est parvenue à faire exclure la société Lucky Gems du Salon mondial de l’horlogerie et de la bijouterie Basel World (cf. Solidarité 2/2011: www.solidar.ch/magazine-solidarite). Depuis lors, elle a aidé d’autres ouvriers et ouvrières refusant les conditions de travail dangereuses pour la santé dans l’industrie des pierres précieuses. En février de cette année, au Salon international de la bijouterie de Hongkong, le deuxième plus grand salon de la bijouterie au monde, LAC a fait pression sur deux autres entreprises: Good Luck Jewelry et Worldwide Gems and Jewelry. D’anciens employé-e-s atteints de silico-


POINT FORT 7

Lors du Salon de la bijouterie de Hongkong, des manifestant-e-s exigent une indemnité pour des victimes de la silicose.

Le directeur a refusé de parler avec eux, «par peur des protestataires». Mais Worldwide a, dans la foulée de cette action, formulé une offre: une indemnité de 3000 yuans (450 francs) par mois pour les personnes concernées. Comme le jugement du tribu«LAC a fait exclure la société nal allouait plus de 300 000 Lucky Gems du Salon yuans à chaque plaignant, la mondial Basel World.» somme proposée était très nettement insuffisante. Ce ment et fait appel contre le jugement. d’autant plus qu’un des plai­gnants, Luo Suite aux plaintes de LAC, le Salon de la Youzhong, au dernier stade de la silicose, bijouterie de Hongkong a exclu ces deux dépendait d’un apport d’oxygène pour sa survie – les 3000 yuans lui auraient à sociétés de son édition 2012. peine permis de vivre, sans même couvrir les frais de ses soins médicaux. Une première reconnaissance Soutenus par 300 protestataires réunis La télévision par satellite de Guangdong devant le siège de Worldwide Gems, une s’est intéressée à cette action. Elle y a travailleuse et un travailleur malades ont consacré un reportage, qui a suscité un réclamé leurs indemnités en souffrance. vif émoi. Peu après, le gouvernement a se les avaient attaquées en justice et ont obtenu gain de cause voilà plus d’un an. Mais Worldwide Gems n’a versé que quelques indemnités aux plaignant-e-s, alors que Good Luck a refusé tout verse-

créé un prix pour les travailleurs et travailleuses migrants. Il a donc, pour la première fois, reconnu officiellement leur apport économique. Luo Youzhong figurait parmi les 13 personnes distinguées. Sa maladie l’a toutefois emporté le 2 juin. www.solidar.ch/chine

Votre don est une aide réelle Votre don de 100 francs permet à LAC d’aider des travailleurs et travailleuses atteints dans leur santé. Victimes de conditions de travail dangereuses, ils pourront ainsi obtenir des indemnités. Plus le nombre de plaintes est important, plus les entreprises sont poussées à améliorer la sécurité au travail.


8 POINT FORT

Commerce Décent plutôt que libre-échange L’accord de libre-échange avec la Chine pourrait encourager l’importation de produits issus de camps de travail forcé. Texte: Christoph Baumann, Solidar Suisse

Les négociations sur un accord commercial bilatéral entre la Suisse et la Chine prendront bientôt fin: le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann aimerait les boucler pour la fin 2012. L’exercice n’est pas facile car, à ce jour, aucun accord de libre-échange n’a été conclu entre la Chine et un pays européen. De plus, la Commission de politique extérieure du Conseil national a obligé la délégation suisse aux négociations à intégrer, dans l’accord, un chapitre sur la durabilité garantissant le respect des normes fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT). En clair: la Chine doit abolir les pires formes de travail des enfants, toutes les formes de travail forcé, et garantir la liberté syndicale. Absence d’information L’administration fédérale garde le plus grand silence sur l’avancement des négociations. Après chaque cycle, on a appris qu’on avait parlé «développement durable» – ce fut à nouveau le cas en mai dernier, après le cinquième round de négociations. Des expert-e-s doivent désormais poursuivre les discussions jusqu’au prochain cycle de négociations, prévu début septembre. On sait, dans l’intervalle, que les droits humains et du travail, ainsi que les standards environnementaux, ne sont mentionnés qu’en préambule, si tant est qu’ils le sont. On peut donc, à juste titre, craindre que

l’accord contienne uniquement des déclarations d’intention non contraignantes et contribue ainsi à miner les standards minimaux des droits humains et du travail en Chine.

exercée sur les tribunaux spécialisés compliquent la mise en application du droit du travail. L’enfer des camps Les camps de travail forcé constituent l’atteinte la plus grave aux droits humains et du travail. Le gouvernement chinois gère, aujourd’hui encore, des camps de travail forcé, où trois à cinq millions de personnes sont exploitées comme maind’œuvre bon marché. Les détenu-e-s peuvent être enfermés jusqu’à trois ans, sans con­­da­mnation formelle. Ils travaillent le plus souvent du petit matin jusque tard le soir, sans salaire et dans des conditions inhumaines. On prélève parfois les organes des prisonniers condamnés à mort et exécutés, afin de les ven­dre dans le pays ou à l’étranger. La multinationale suisse Roche teste, par exemple, un médicament antirejet en Chine. La plupart des organes utilisés à

Troubles sociaux et grèves Pour empêcher cela, Solidar Suisse s’engage dans la «Plateforme Chine». Main dans la main avec Alliance Sud, la Déclaration de Berne, la Société pour les peuples menacés et la Société pour l’amitié helvético-tibétaine, Solidar exige davantage de transparence dans les négociations et la formulation de standards minimaux relatifs au droit du travail et aux droits humains. Une étude du Centre suisse de compétence pour les droits humains, publiée en 2011, sou­ tient une telle revendication. Dans son papier de position «Accord commercial bilatéral entre la Suisse et la Chine: dans le respect des standards minimaux en matière de droit du travail», Solidar dit sa pré«Il n’existe aucune loi occupation face au manque interdisant l’importation d’autonomie syndicale en Chine. Cette situation aboutit de produits issus de camps à toujours davantage de de travail forcé.» troubles sociaux et de grèves spontanées des travailleurs et travailleuses. Des progrès ont beau des fins d’ex­pé­rimen­tation proviennent avoir été réalisés durant cette dernière de détenu-e-s exécutés. décennie, l’arbitraire des autorités lors des inspections du travail et l’emprise


POINT FORT 9

Des effets pervers en Suisse La Suisse et l’Europe ne disposent d’aucune loi interdisant l’importation de produits issus de camps de travail forcé. Le nombre de ces produits augmente donc en Occident, ce qui accroît la détresse en Chine. Le fait que la réglementation commerciale soit profondément lacunaire comporte des effets potentiels pour notre marché du travail. Le volume de travail fourni par trois à cinq millions de détenu-e-s sans salaire en Chine équivaut à celui de la Suisse (4,4 millions de personnes actives). Théoriquement – et peut-être dans les faits aussi, le système de travail forcé de la Chine pourrait détruire tous les emplois «délocalisables» de Suisse. Le démantèlement de barrières commerciales par un accord commercial pourrait ainsi amener l’Etat chinois à étendre les camps de travail forcé pour abaisser encore le coût du travail. Au détriment des droits humains en Chine et des personnes actives en Suisse.

Le dessin de Corinne Bromundt

Pas d’accord sans respect des droits humains Un accord commercial avec la Chine doit aussi être au service du développement et du respect des droits humains. Pour cette raison, Solidar a formulé sept exigences liées à un accord commercial (voir encadré). L’Assemblée générale de Solidar Suisse a adopté cette résolution le 24 mai dernier. Si le Conseil fédéral ne veille pas à ancrer les droits humains et du travail dans l’accord commercial, Solidar Suisse demandera aux Cham­ bres de le refuser. Le Parti socialiste suisse a voté une résolution énonçant des exigences similaires, lors de son Assemblée des délégué-e-s du 23 juin. Si l’accord n’inclut pas de dispositions suffisantes sur la durabilité, il envisage de lancer le référendum contre l’accord en question. www.sp-ps.ch/fre/Positions/ Resolutions/2012

Accord commercial avec la Chine: nos exigences minimales 1. L’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine comporte un chapitre sur la durabilité avec des exigences sociales et écologiques. 2. Le chapitre sur la durabilité spécifie clairement que les normes fondamentales de l’Organisation internationale du travail (liberté syndicale; interdiction du travail forcé, du travail des enfants et de la discrimination) sont des normes minimales. Il définit d’autres normes contraignantes sur la base du pacte 1 de l’ONU (droits sociaux). 3. L’accord de libre-échange garantit la liberté et l’autonomie des organisations syndicales; il leur assure également le droit de s’affilier à des syndicaux internationaux. 4. L’accord stipule clairement que l’entrée en vigueur du libre-échange dépend de la fermeture de tous les camps de travail forcé. 5. Une commission tripartite veille à l’intégration suffisante des exigences relevant du droit du travail dans l’accord de libre-échange, ainsi qu’à l’application effective de ce dernier. En tant qu’organisme suisse de contact pour les plaintes, elle prend des mesures, notamment des sanctions, en cas de violation de ces règles. 6. Une procédure d’arbitrage bilatérale est prévue en cas de violation des normes du travail et des droits humains inscrites dans le chapitre sur la durabilité. 7. L’accord commercial régit de ma­ nière contraignante la collaboration dans le domaine du travail, en particulier les questions relevant du droit du travail et de son application pratique. www.solidar.ch/accordcommercial.html


10 «Nous ne sommes pas toujours les bienvenus»

De la pierre naturelle équitable en Chine? Cela existe. Entretien avec Karoline Herrmann, qui gère le label Fair Stone. Interview: Christian Engeli. Photo: WiN =WiN GmbH Il y a quatre ans, Solidar Suisse a invité les communes suisses à n’utiliser que des pierres naturelles produites de manière équitable. A l’époque, ce n’était pas facile, car les pierres certifiées équitables étaient rares. Qu’en est-il à l’heure actuelle? En Suisse, nous comptons aujourd’hui neuf partenaires qui commercialisent des pierres portant le label Fair Stone. On trouve donc des pierres équitables sur le marché. Mais cela ne suffit pas. Plus la demande de pierres produites dans le respect des normes sociales sera grande, plus les importateurs seront nombreux à inclure cette exigence dans leur chaîne d’approvisionnement. Les clients recherchent-ils aujourd’hui des pierres équitables? Les communes exigent, de plus en plus souvent, des pierres naturelles produites

dans le respect des normes sociales et environnementales. En Suisse, les villes de Zurich et de Berne donnent l’exemple. Bien qu’une offre existe, il est toutefois rare que la demande émane de clients privés.

verture sociale sont rares. Nous ne pouvons toutefois rien affirmer quant au travail des enfants. Ce sont surtout les mauvaises conditions de travail qui posent problème.

Les pierres naturelles certifiées Fair Stone sont-elles vraiment produites Les pierres naturelles utilisées ici dans des conditions équitables? proviennent souvent de Chine. Quels Pouvez-vous le vérifier sur place? sont les principaux problèmes sur place? Les ouvrières et les ouvriers sont rarement conscients des «Il est possible de savoir risques, et beaucoup travailen tout temps d’où provient lent sans protection. Des la marchandise.» mesures simples mais efficaces (tampons auriculaires, mas­ que, lunettes de sécurité) permet­ Les importateurs européens nous antraient pourtant de prévenir des maladies noncent les noms de leurs fournisseurs. professionnelles telles que la silicose ou Nous visitons les sites de production et la surdité, ainsi que les accidents. De évaluons les conditions de travail. Nos plus, les contrats de travail et une cou- partenaires, les importateurs, s’engagent


point fort 11 A Xiamen, dans une fabrique de pierres labellisées, des ouvriers portent un équipement de protection.

Les propriétaires d’usines s’opposentils à ces contrôles? Leurs réactions varient. Bien entendu, la plupart souhaitent avant tout vendre leurs pierres à une société européenne. Si celle-ci exige que la production respecte les conditions de Fair Stone, les responsables chinois ne peuvent faire autrement. Voilà pourquoi les commandes à long terme jouent un rôle absolument crucial dans ce système. Les commandes ponctuelles ne peuvent pas motiver un engagement social. Une grande partie de notre travail consiste, dès lors, à convaincre les gens.

ensuite avec la direction de l’entreprise à améliorer la situation et à nous rendre compte régulièrement des progrès accomplis. Nos représentant-e-s sur place vérifient leurs affirmations. De plus, chaque lot expédié porte une marque spécifique et est enregistré dans notre logiciel de suivi (www.tracingfairstone.com). Il est, par conséquent, pos­ sible de savoir en tout temps d’où pro­ vient la marchandise. Existe-t-il des contrôles indépendants? Après trois ans au maximum, chaque partenaire de Fair Stone reçoit la visite d’un inspecteur. En Chine, les contrôles sont effectués par un spécialiste du droit du travail et par le TÜV Rheinland, qui a un bureau sur place. Nous n’avons aucune influence sur ces contrôles. Les premières entreprises seront inspectées cette année.

Et vous pouvez aussi opérer des contrôles inopinés dans un pays comme la Chine? Oui. Certes, nos représentant-e-s ne sont pas forcément bien accueillis, mais les contrôles sont obligatoires. Une en­ treprise qui les refuse ne peut plus participer à notre système. Que se passe-t-il si vous constatez un non-respect de vos critères? Nous accordons au maximum trois ans à l’entreprise pour se mettre en règle. Au terme de ce délai, elle doit avoir fait des progrès réels. Si elle ne respecte pas le délai, elle reçoit une sommation. En collaboration avec le partenaire, nous tentons de cerner le problème. En principe, nous essayons toujours de fournir un soutien à l’entreprise. Nous sommes actuellement confrontés à une entreprise qui a embelli ses rapports. Nous venons de lui accorder un dernier délai. Si nos conditions ne sont pas respectées jusque-là, elle sera exclue. C’est extrêmement dommage, car nous de­ vrons alors admettre que la situation de la main-d’œuvre s’est détériorée dans cette usine. Mais Fair Stone ne peut

fonctionner que si tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement tirent à la même corde. Qu’en est-il en Europe? L’achat de pierres équitables fait-il son chemin? Si l’on considère le nombre d’importateurs de pierres naturelles, les partenaires de Fair Stone sont encore rares. Mais leur nombre augmente sans cesse. Il arrive que des importateurs créent leur propre label. Les clients, qu’ils soient publics ou privés, doivent alors se montrer très prudents. Bien qu’ils fassent bonne impression, ces labels ne sont souvent que du vent. Leurs critères ne sont parfois même pas définis, et personne ne vérifie leur respect sur place. Plus il est transparent, plus un certificat est crédible. Nous misons donc beaucoup sur la transparence. Le suivi des commandes n’en est qu’un aspect. Les rapports des entreprises, les normes, le manuel de contrôle, ainsi que nombre d’autres documents, figurent en libre accès sur notre site internet.

WiN=WiN WiN=WiN GmbH, agence spécialiste des projets de responsabilité sociale des entreprises dans les pays émergents et en développement, a créé le label Fair Stone en 2008. Karoline Herrmann, coordinatrice du label, est responsable de la communication avec les partenaires, du soutien ca­ tion des normes dans les à l’appli­ entreprises productrices, des relations publiques et de la communication avec les communes. www.win--win.de


12 BRÈVES Concert de sifflets contre la FIFA Le 21 mai, lors d’une rencontre internationale à Bogota, StreetNet International, l’alliance des marchand-e-s ambulants, a adressé une lettre à la FIFA, exigeant que le Mondial brésilien respecte leurs droits: • La FIFA doit inciter les autorités locales à dialoguer avec les organisations de personnes travaillant de manière informelle. • Aux abords des stades, 50% des espaces de vente doivent être réservés aux personnes du lieu, exerçant le commerce informel et proposant de l’artisanat traditionnel, de la nourriture et des boissons de la région. • Des forums pour le commerce informel doivent être établis dans toutes les villes accueillant des matches. Les 17 organisations, provenant de 13 pays d’Amérique latine, d’Europe, d’Afrique et d’Asie, ont envoyé cette lettre à la FIFA, afin de l’inviter à une rencontre pour discuter de leurs revendications. En signe de soutien à la pétition de Solidar, les manifestant-e-s ont organisé un concert de sifflets. www.solidar.ch/news

Empêcher une terrible famine Au Burkina Faso, la diminution des récoltes due à la sécheresse de l’an dernier – qui s’est produite aussi dans d’autres pays du Sahel – a causé une crise des denrées alimentaires. Les

135 285 personnes exigent des règles Le 13 juin dernier, les 135 285 signatures de la pétition «Droit sans frontières» ont été remises à la Chancellerie fédérale. La pétition demande au Conseil fédéral et aux Chambres de veiller à ce que les entreprises basées en Suisse soient tenues de respecter, partout dans le monde, les droits humains et l’environnement. Parallèlement, des élu-e-s de plusieurs partis ont déposé des interventions parlementaires.

101e conférence de l’OIT

Pour un Mondial équitable La campagne de Solidar Suisse contre l’exploitation lors du Mondial 2014 au Brésil a démarré fort. Plus de 25 000 personnes ont exigé du président de la FIFA, Sepp Blatter, un engagement clair contre l’expulsion forcée de 150 000 personnes, les mauvaises conditions de travail sur les chantiers des stades et la mise à l’écart, parfois violente, des marchand-e-s ambulants. www.solidar.ch/brazil-fr

Lors de la conférence annuelle de l’Organisation internationale du travail (OIT), Guy Rider a été élu directeur. Il s’agit du premier directeur en provenance du milieu syndical. L’approbation des recommandations de l’OIT «Déclaration sur la justice sociale pour une mondialisation équitable» constitue une avancée essentielle, qui souli­ gne l’importance d’un système minimal d’assurances sociales (maladie, perte de gain, rente) pour réduire la pauvreté dans les pays en développement. Plus de 70% de la population mondiale vit sans assurances sociales. Le chômage des jeunes a constitué un important sujet de discussion. Considéré jusqu’ici comme un phénomène propre

gouvernements des pays concernés et la communauté internationale ont adopté des mesures, afin d’éviter une famine semblable à celle qui avait frappé l’Afrique orientale en 2011. Grâce au soutien de la Chaîne du Bonheur, Solidar Suisse intervient, au Burkina Faso, pour distribuer de la nourriture aux élèves des écoles bilingues enfantines et primaires. Nous encourageons ainsi les enfants à fréquenter les écoles. Quant à leurs familles, elles reçoivent un précieux soutien jusqu’à la prochaine récolte. www.solidar.ch/news

La coalition «Droit sans frontières» englobe plus de 50 organisations, dont Solidar. Elle continuera à œuvrer, notamment sur le plan politique, pour que ses revendications soient appliquées. www.solidar.ch/dsf

au Sud, il atteint désormais une ampleur considérable dans les pays industrialisés. En Espagne, 50% des jeunes en âge de travailler sont au chômage. Au niveau mondial, le chômage des jeunes a été multiplié par quatre depuis la crise de 2008, pour atteindre 75 millions. La Commission des normes, qui sanc­ tionne les plaintes contre les violations des conventions de l’OIT, a suscité un éclat. La délégation des employeurs a refusé à la Commission d’établir une liste des plaintes, en arguant du fait que les spécialistes de l’OIT n’agiraient pas de manière impartiale. Pour la première fois, aucune plainte n’a donc été examinée. Reste à espérer que, l’année prochaine, les employeurs reconnaissent la compétence de la Commission des normes.


culture 13

Melina Kameric «Made in Yugoslavia» Le pays qui m’a vu naître n’existe plus que dans les casseroles où cuit l’ajvar. Une fois l’ajvar cuit, je nettoie les casseroles. Lorsque je les retourne sur l’égouttoir, la mention «made in Yugoslavia» miroite sur le fond. J’ai grandi avec Cockta et Jupi1, la glace Stella et Rum ploice2. Dans un pays où tout, absolument tout, portait la mention «made in Yugoslavia». J’ai un vrai problème. Sur ma demande de visa pour les Etats-Unis figure la question: nationalité à la naissance? Je n’ose pas demander ce que doivent écrire celles qui sont nées dans un pays qui n’existe plus. Je laisse la ligne vide. Et je saute aussi la question: avez-vous déjà été membre du parti communiste? Je suis absolument honteuse, car d’une certaine manière, j’ai le sentiment que je trahirais mon honneur de pionnière, Tito et tous les partisans. Mais j’ai peur que les Nord-américains ne me donnent pas de visa si j’avoue que je suis née dans la République fédérative socialiste de Yougoslavie; et que, théoriquement, les pionniers aussi sont des communistes. Comme toujours, quand je suis nerveuse, ma cicatrice au genou me démange. Pendant que je me gratte hystériquement, je me souviens de mon vélo. Un Pony, avec lequel je suis tombée, m’écorchant le genou jusqu’à l’os.

Ce vélo, c’est le témoin de mariage de papa qui me l’avait offert. J’avais dix ans et oncle Pero me donna une bicyclette Pony. A mes yeux, c’était quelqu’un de terriblement important, puisque tout le monde disait qu’il était un orphelin des monts Kozara3. Mira, sa femme, me donnait des leçons d’anglais au centre des pionniers «Boško Buha». Elle venait de l’île de Lošinj et, en été, nous rendions visite à sa grand-mère et observions les dauphins.

en sortir, d’une manière ou d’une autre. Salutations.»

Les témoins du mariage sont maintenant aux Etats-Unis. Et je vais y aller, en sachant que je ne les verrai pas. Nos témoins de mariage ne le sont plus et les Etats-Unis sont grands.

Je vais aux Etats-Unis. Pour rendre visite à des amis. Dave est diplomate. Démocrate, aussi. Avec son partenaire, Steve, un farouche républicain, ils ont adopté deux enfants: Moni, de Russie, et Naser, de Malaisie. Une grosse nurse guatémaltèque et analphabète s’en occupe. Elle se nomme Maria et cuisine le meilleur curry du monde. Le chat vient de moi. Il s’appelle Mrkva.

Ils sont partis juste après la fin de la guerre. J’ai toujours voulu comprendre quelle autre contrainte les avait poussés, à part celles de la faim et des grenades. Ils sont partis sans vraiment prendre congé. Ils ont marmonné quelque chose comme «quitter cette merde et commencer une nouvelle vie». Ensuite, aucune nouvelle. Sauf une fois: «Nous avons emménagé. Pero travaille. Je reste à la maison. C’est difficile. Nous n’avons pas d’amis. Les Serbes nous évitent parce que je suis Croate. Pour les Croates, c’est pareil, puisque Pero est Serbe. Et vos Bosniaques veulent encore moins de nous. Nous essayons de nous

Maman a simplement dit: allez au diable, avec vos Serbes, vos Croates et vos Bosniaques! Puis elle s’est tournée vers moi et a ajouté: «Rappelle-toi bien d’une chose: chacun trimballe sa merde dans sa tête!» Depuis ce jour-là, ils ne sont plus nos témoins de mariage.

Je me réjouis de les voir bientôt. Enfin, si je reçois le visa. Je ne sais toujours pas ce que je dois répondre à la question: nationalité à la naissance? J’ai peur que ma réponse soit: ajvar. 1 2 3

Des limonades produites par Droga Kolinska. Une barre de chocolat, produite par Kandit. Dans les monts Kozara, près de 4000 partisans, hommes et femmes, furent tués en 1942.

Traduit du bosniaque par Margit Jugo. Publié dans: Wespennest No 159 (novembre 2010), www.wespennest.at


14 ACTUALITÉ

Faire entendre les sans voix Dans plusieurs pays anglophones d’Afrique, une radio informe les travailleurs et les travailleuses de leurs droits. Texte et photo: Martin Jansen, Workers’ World Media Productions

En Afrique, la radio est le média idéal pour atteindre les gens. Elle est populaire et tout le monde possède un poste. Voilà pourquoi Solidar Suisse soutient le projet d’une radio syndicale (Africa Labour Radio Project), qui informe la population pauvre sur ses droits. L’animatrice ghanéenne Susan Sekyere est fière des résultats obtenus dans son pays: «Tous les lundis, notre émission aborde des sujets qui préoccupent la main-d’œuvre du Ghana, comme le chômage, la pauvreté ou la sécurité au travail. Beaucoup de gens nous appellent en direct pour nous poser des questions ou donner leur avis,

raconte-t-elle enthousiaste. Récemment, une station d’Accra nous a même demandé l’autorisation de reprendre nos programmes.» En Ouganda aussi, les émissions remportent un vif succès. Preuve en sont les nombreux appels d’auditeurs et d’auditrices, mais aussi le fait que de plus en plus de salarié-e-s dénoncent les violations des normes du travail aux autorités. Ils savent à l’évidence à qui s’adresser pour se défendre. Un vaste éventail de sujets Lancé en 2008, le projet informe les ouvriers et les ouvrières sur leurs droits

et essaie de les rassembler. Il propose aussi une formation sur les médias aux représentant-e-s des syndicats – pour moitié des femmes. Enfin, il produit et diffuse des émissions en anglais et en langues locales pour les stations de différents pays: Ghana, Lesotho, Malawi, Ouganda, Zambie, etc. Le partenaire de Solidar, Workers World Media Productions, produit en outre des émissions hebdomadaires, qui sont relayées dans plusieurs pays. Les émissions abordent un vaste éventail de sujets sociaux et sociétaux: précarité de l’emploi, inégalités sociales, VIH/sida


CHRONIQUE

aktuell THEMA 15

Emission de l’Africa Labour Radio, avec Bosco Onyik (à gauche) et des représen­ tant-e-s du Zimbabwe, de Tanzanie et du Malawi.

ou toutes les formes de discrimination – qu’elle soit basée sur le sexe, l’origine ou l’orientation sexuelle. Il reste pourtant bien des écueils à surmonter afin d’atteindre la classe ouvrière, surtout active dans le secteur informel. Il faut même, parfois, convaincre les dirigeant-e-s syndicaux du rôle que la présence dans les médias peut jouer pour améliorer la situation des travailleurs et des travailleuses. Droit à la liberté de parole Le manque d’occasions de faire connaî­ tre, dans les médias publics et commer­ ciaux, le point de vue des syndicats et l’avis des ouvriers et ouvrières constitue un autre problème. Il s’explique notamment par la faiblesse des syndicats, auxquels les gouvernements africains n’accordent généralement guère de

Africa Labour Radio Project L’Africa Labour Radio utilise la radio comme moyen d’information et de formation, mais aussi pour promouvoir l’autonomie des gens et renforcer la voix des syndicats dans les débats publics sur la lutte contre la pauvreté et le travail précaire. Le projet a pour objectif de diffuser des émissions hebdomadaires dans dix pays africains anglophones, afin d’aborder divers sujets du point de vue ouvrier, de développer les compétences mé­ diatiques des syndicats et de renforcer leurs capacités à s’organiser. Extraits d’une émission: www.soundcloud.com/velapi/promo www.solidar.ch/alrp/fr

crédit. Les représentant-e-s du projet se sont ainsi heurtés à des obstacles insurmontables lorsqu’ils ont demandé des heures d’émissions auprès des radios publiques et commerciales. En Ouganda, Onyik Bosco n’a obtenu des plages pour émettre qu’auprès d’une radio locale. Les autres l’ont éconduit sans ménagement: «Nombre de radios demandent des sommes colossales, que nous n’avons pas.» L’Ougandais estime que les syndicats participant au projet devraient insister davantage auprès des radios publiques: «Une plateforme pour les travailleurs et les travailleuses dans les médias étatiques, c’est une forme de liberté de parole à laquelle nous avons droit, affirme-t-il avec conviction. Nous devons lutter pour l’obtenir.» Le projet mettra d’ailleurs bientôt l’accent sur la liberté des médias, pour que celle-ci ne reste pas lettre morte, mais se concrétise dans la pratique, par exemple par l’octroi d’appuis à des plateformes médiatiques. En effet, selon un rapport publié en 2012 par Freedom House sur la liberté de la presse, seuls 10% des médias d’Afrique subsaharienne sont entièrement libres, 46% le sont partiellement et 44% pas du tout. Printemps arabe Début 2011, suite à l’éclatement du Printemps arabe, des syndicats tunisiens et égyptiens ont été conviés à prendre part au projet. Afin de soutenir les travailleurs et travailleuses de ces pays dans leur lutte pour la démocratisation, une collaboration a été entamée avec l’union syndicale du Moyen-Orient et d’autres organisations partenaires en vue de lancer un projet de radio syndicale arabe.

Hans-Jürg Fehr Président de Solidar Suisse et Kade Ninaj (rechts) konnte dank Beratung conseiller national und Desinfektionsmitteln die Milchqualität steigern.

Une passivité nuisible Le comportement des entreprises suisses à l’étranger influe sur l’image de notre pays. C’est la leçon à tirer de l’affaire des grandes banques: en aidant de riches clients étrangers à échapper au fisc de leur pays, elles ont sali la réputation de la Suisse. Outre les banques, mentionnons les multinationales des matières pre­ mières domiciliées en Suisse, telles Glencore et Xstrata, qui enfreignent les droits de la personne humaine et exploitent la main-d’œuvre, tout en dé­ truisant l’environnement. Elles agissent souvent avec la complicité de la classe dirigeante d’un pays. Corrompue jusqu’à la moelle, celle-ci s’enrichit éhontément et place l’argent amassé illégalement à l’abri à l’étranger, dans une banque suisse par exemple, en le soustrayant bien sûr à l’impôt… Le Conseil fédéral ne voit aucune raison de garder un œil sur les multinationales suisses. Préférant détourner le regard, il s’étonne ensuite qu’on lui batte froid un peu partout dans le monde. Cette passivité est nuisible et désormais inacceptable. La Suisse doit se doter d’un observatoire qui surveille les multinationales et tire au besoin la sonnette d’alarme. Comme l’exige la campagne «Droit sans frontières», elle doit aussi mettre en place un système permettant de demander des comptes aux multinationales fautives et de les punir. Nous ne voulons plus pâtir de l’inconséquence d’entreprises qui violent notre Constitution à l’étranger.


16 jeu & baromètre Le sudoku de Solidar

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La date limite d’envoi est le 23 septembre 2012. Le nom des gagnant-e-s sera publié dans Solidarité 4/2012. Le concours ne donne lieu à aucune correspondance, ni à aucun recours. Le personnel de Solidar n’a pas le droit d’y participer. La solution de l’énigme de Solidarité 2/2012 était «green jobs». Regina Sinz-Krauss, de Berne, a gagné un jeu de stratégie; Anne-Marie Ramel, de La Tour-de-Peilz, un set d’aimants; et Martin Krieg, de Maisprach, un porte-stylos. Nous remercions vivement l’atelier Carrom de l’OSEO Bâle pour les prix offerts, ainsi que tou-te-s les participant-e-s au jeu.

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1 6

Prix Trois draps tissés à la main, en provenance du Burkina Faso. Les prix ont été généreusement offerts par l’Association pour le développement du Département d’Ipelcé, qui est notre partenaire au Burkina Faso.

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Envoyez la solution à Solidar Suisse via le talon-réponse ci-joint, sur une carte postale, ou par e-mail à contact@solidar.ch, sujet «sudoku». Toutes les réponses correctes participent au tirage au sort.

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Solution

Règles du jeu Complétez les cases de la grille avec les chiffres de 1 à 9, afin qu’il n’y ait aucune répétition et aucun doublon dans chaque colonne, ligne et carré de 3x3. La solution se trouve dans les cases grises lues horizontalement, selon l’équivalence ci-dessous: 1= O, 2=A, 3=I, 4=B, 5=D, 6 =R, 7=N, 8=U, 9 =L.

BAROMÈTRE DE SOLIDAR Solidar Suisse réalise des projets dans plusieurs pays où la situation politique est difficile et la liberté d’expression bafouée. Si nous critiquons publiquement ces pays, nous risquons de mettre nos partenaires sur place en danger. Solidar devrait … … se contenter de s’engager dans de tels pays en y réalisant des projets et renoncer à des commentaires politiques. … se retirer de tels pays. … exprimer librement son avis. Quiconque veut changer la situation doit assumer certains risques. Participez à notre sondage en renvoyant le talon-réponse joint au présent numéro de Solidarité.

Évaluation du baromètre La FIFA doit-elle s’engager activement contre l’exploitation et les violations des droits humains lors du Mondial de football? 1

91 oui 1 non

91

Est-il judicieux que de grandes manifestations sportives, comme le Mondial de football ou les Jeux Olympiques, se déroulent dans des pays émergents ou en développement? 7

10 25 50

25 oui 50 non 7 oui et non 10 ne sait pas

La seconde question a suscité des réponses contrastées, souvent motivées par la même réflexion. La plupart des personnes ayant répondu par l’affirmative veulent que le Mondial profite à la population locale et que la FIFA veille au respect des droits humains et du travail. D’autres soulignent que la médiatisation de l’événement permet d’attirer l’attention sur les injustices dans le pays hôte. Les personnes ayant répondu non pensent que les bénéfices n’enrichissent que la FIFA, que le Mondial ne favorise pas un développement durable et qu’il détériore encore la situation des personnes démunies. A leur avis, l’événement coûte trop cher au pays hôte, qui manque ensuite d’argent pour des activités plus cruciales et se retrouve avec des stades inutilisés, une nature détruite et un énorme déficit.


Réseau 17 Cette rubrique constitue la plateforme des organisations de notre réseau. On y trouve des informations sur les associations régionales de l’OSEO, qui dispensent notamment un soutien aux personnes sans emploi et aux migrant-e-s. Une longue histoire et des racines communes unissent Solidar et les OSEO régionales.

Un soutien pour entrer dans la vie professionnelle

Jean-Christophe Schwaab, président du réseau OSEO Jean-Christophe Schwaab, conseiller national socialiste vaudois, a été élu à l’unanimité président du réseau OSEO, le 5 juin dernier. Ce docteur en droit de 33 ans est également, depuis ce printemps, président romand de l‘Association suisse des employés de banque (ASEB). Ses activités de syndicaliste, sa présence au comité de l’OSEO Vaud, ainsi que son bilinguisme, le destinaient tout naturellement à reprendre ce poste de direction. De plus, au moment où l’OSEO développe de nombreuses mesures contre le chômage des jeunes, sa relative jeunesse constitue un atout indéniable. En étroite collaboration avec le secrétaire national, Jean-Christophe Schwaab poursuivra le développement des mesures d’intégration et de formation au niveau suisse. Il sera un relais déterminant aux Chambres fédérales, afin qu’elles soient davantage sensibles à l’intégration et à la nécessité de donner une chance à chaque personne, quelle que soit son origine. www.sah-schweiz.ch/fr

L’entrée dans la vie professionnelle re­ présente une difficulté pour de nombreux jeunes adultes, indépendamment de leur niveau de formation. Depuis l’été 2010, «CT2, Coaching Transition 2» soutient de jeunes adultes durant ce processus. Avec succès: ce programme, qui s’étend à toute la Suisse, assure le co­a­ ching de près de mille participant-e-s; son taux de réussite est de 82%. Il est mis en œuvre par les dix OSEO régionales et est financé jusqu’à l’été 2013 par Credit Suisse. CT2 cherche à présent de nouveaux partenaires pour assurer la continuité de ce projet très fructueux. Chômage, problèmes d’orientation, stages et emplois précaires: le passage de la formation à l’entrée dans la vie professionnelle est souvent problématique pour de nombreux jeunes adultes. Les statistiques du chômage, avec des chif­ fres nettement plus élevés pour cette tranche d’âge, le démontrent. Pour en­ trer dans la vie professionnelle, les jeunes adultes doivent disposer d’objectifs réalistes, d’excellents documents de candidature et d’une forte motivation.

Du jardinage pour encourager l’intégration Du romarin et de la roquette au lieu de gazon et broussailles: dans la cour intérieure de l’Ecole d’art de Lucerne naît un jardin, dont la récolte atterrit toute fraîche à la cuisine de la cantine. Suzan

La Suisse ne dispose pas encore d’un programme d’envergure nationale visant à faciliter l’entrée dans la vie professionnelle. CT2 comble cette lacune: il propose aux jeunes adultes des offres accessibles et spécialisées dans le cadre d’un soutien individuel. CT2 est dispensé dans douze cantons suisses des trois régions linguistiques (Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Berne, Fribourg, Genève, Lucerne, Schaffhouse, Tessin, Valais, Vaud, Zoug et Zurich). Le programme est ouvert à toute personne ayant suivi une formation, de la forma­ tion certifiante au master universitaire – que l’on soit en train de terminer sa formation, à la recherche d’un emploi ou déjà inscrit-e auprès d’un Office régional de placement. 82% des participant-e-s ont trouvé une solution d’insertion satisfaisante et durable. Le rapport d’évaluation de l’Ecole Supérieure du Nord-Ouest de la Suisse confirme cette remarquable efficacité: le programme est jugé «très bien structuré» et «mené de façon précise et efficace»; de plus, l’approche adoptée «a parfaitement fait ses preuves». www.sah-schweiz.ch/fr Curtis, enseignante de design industriel et illustration, dispense un cours en plein air à ses 28 étudiant-e-s de Bachelor. D’une part, pour aménager un bel espace vert. D’autre part, afin de créer un lieu de rencontre qui encourage les relations sociales. L’OSEO Suisse centrale, qui mène elle aussi des projets de jardinage pour l’intégration, met à disposition de l’Ecole d’art des personnes réfugiées et admises provisoirement, qui travaillent avec les élèves de Mme Curtis. Les produits du jardin sont ensuite utilisés par la cantine, pour le plus grand bonheur de ses habitué-e-s. www.sah-zs.ch


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«Les femmes revendiquent enfin leurs droits» Maribel Abrego s’engage très activement au Salvador. Son action aide des femmes à faire valoir leurs intérêts. Texte: Katja Schurter. Photo: Solidar


Maribel Abrego au milieu de son équipe de football, qui aide de jeunes femmes à retrouver confiance en elles.

«Les gens sont extrêmement pauvres, peu éduqués, habitent dans des conditions indignes et l’agriculture ne rapporte rien», explique Maria Maribel Abrego Mercado en recensant les problèmes qui touchent Cabañas, l’une des régions les plus pauvres du Salvador. «S’y ajoutent la violence contre les femmes et la criminalité juvénile.» La couverture médicale aussi est insuffisante. Depuis l’entrée en fonction du gouvernement de gauche en 2009, elle est certes gratuite, mais les médicaments sont rares. Femmes nettement défavorisées Pour changer cette situation, cette femme de 35 ans a cofondé, en 2002, l’organisation des femmes AMUC. «Les femmes ont moins accès à l’éducation et au travail rémunéré. Elles dépendent souvent économiquement de leur com-

PORTRAIT 19 pagnon, ce qui rend la séparation plus difficile lorsque le mari est violent. Par ailleurs, il y a beaucoup de mères célibataires qui ne reçoivent aucune allocation du père de l’enfant.» Afin de créer des possibilités de travail pour les femmes, l’AMUC les soutient par des crédits. Elle a aussi fondé une coopérative, qui duit des denrées alimentaires et pro­ des tuiles, destinées à la construction d’habitations. Renforcer la participation Dans la région, 600 femmes sont organisées dans 30 comités de l’AMUC; quatre autres comités rassemblent les jeunes. Dans ces groupes, des questions comme la violence, le genre, l’estime de soi et les droits humains sont discutées, car «les femmes doivent connaître leurs droits, afin de pouvoir chercher de l’aide.» En outre, les comités agissent pour que les autorités prennent en compte les besoins des habitant-e-s des villages. «Nous demandons la poursuite judiciaire des violences contre les femmes et des procès loyaux. Souvent, l’agresseur dispose d’un avocat, mais pas la victime», s’irrite Maribel Abrego. Les raisons de son engagement, on les trouve dans ses expériences familiales, et aussi dans son enthousiasme lorsqu’il s’agit de renforcer l’organisation des femmes. «Je suis active dans des organisations depuis 17 ans et je trouve formidable que les femmes revendiquent leurs droits.» Recul de la violence Les efforts de l’AMUC sont couronnés de succès. «Les femmes ont aujourd’hui moins peur de déposer plainte lorsqu’elles ont été molestées. Quand nous avons lancé l’organisation, certaines femmes pleuraient presque quand on leur demandait simplement de se présenter», rappelle Maribel Abrego pour montrer le chemin parcouru. «Grâce à une plainte, nous avons récemment pu empêcher qu’un homme mette sa femme à la rue. Et il y a moins de violences que dans les régions où aucun travail avec les jeunes n’est effectué.»

Agir avec les jeunes Le problème croissant de la violence juvénile est à mettre en lien avec l’absence de perspectives. Certes, il y a de plus en plus d’écoliers et d’écolières qui obtiennent leur maturité, mais pour faire des études, il faut se rendre en ville. La plupart du temps, l’argent manque pour cela. Maribel l’a appris elle-même: à cause des longs trajets et de l’organisation des études, qui n’est pas conçue pour des étudiant-e-s qui travaillent en plus, cette mère célibataire a dû abandonner ses études de droit. Mais même celui ou celle qui termine ses études a peu de chances de décrocher un travail. De nombreux jeunes émigrent alors aux Etats-Unis. «La composition de nos groupes de jeunes change constamment, car les jeunes quittent le pays à 15 ans déjà», explique Maribel Abrego. Dans ces comités, les questions abor­ dées sont celles de la violence, de la criminalité, des drogues et du genre. On y trouve des cours de danse et de théâtre; deux équipes féminines et quatre équipes masculines de football ont été formées. «Bien sûr, de nombreux jeunes qui ont des problèmes ne viennent pas dans nos groupes», tempère Maribel, «mais il y a aussi des jeunes qui ont quitté leur bande.» Le travail avec les jeunes est crucial pour prévenir la violence contre les femmes. «Il faut s’appuyer sur les jeunes, car il est plus difficile de changer l’opinion des adultes.»

La participation à Cabañas L’organisation de femmes AMUC est l’une des quatre organisations avec lesquelles Solidar Suisse a construit un réseau à Cabañas, afin d’améliorer le quotidien des 15 000 habitant-e-s de la région. L’AMUC soutient la participation et l’indépendance économique des femmes. www.solidar.ch/elsalvador



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