L'invEntion sur LE tErrain
CULTURE ET SAVOIRS
Des livres hors les murs pour faire bouger les lignes Bibliothèques itinérantes, boîtes à livres, Ideas Box ou laveries automatiques transformées par le programme Wash & Learn en espaces de culture et d’éducation… Les dispositifs pour sortir le livre et les savoirs des murs des institutions afin de les apporter à des publics qui en sont éloignés se multiplient.
D
ans la province de Bamiyan, au centre de l’Afghanistan, le professeur Saber Hosseini enfourche chaque semaine son vélo pour apporter des livres à des dizaines d’enfants isolés dans des villages sans école. Une version modeste de la « bibliothèque ambulante », formule en plein essor. On compte en effet par dizaines les initiatives similaires sur la planète, de l’Éthiopie, où Plan International fait tracter une bibliothèque mobile par deux ânes, à l’Indonésie, où un bénévole monte en selle pour alimenter en bandes dessinées, livres d’histoire et manuels d’agriculture une centaine d’élèves près de Java1. Mais c’est aux États-Unis qu’une pratique inédite de bibliothèque « hors les murs » se développe : lancé en 2017 dans l’une des zones les plus pauvres du Bronx new-yorkais par Libraries Without Borders (LWB), branche américaine de l’ONG Bibliothèques sans frontières, le programme Wash & Learn a transformé les laveries automatiques de quartier en espaces privilégiés où initier aux livres, favoriser l’apprentissage… TRANSFORMER LES LAVERIES AUTOMATIQUES EN TIERS-LIEUX ÉDUCATIFS Allister Chang, directeur de Libraries Without Borders au lancement de l’opération, en a eu l’idée en arpentant New York. « J’ai essayé les coins de rue, raconte-t-il sur le site de l’association, les parcs, les stations de métro, mais les gens couraient toujours d’un endroit à un autre. Ce n’est que lorsque je suis passé devant un lavomatic que je me suis dit : “Voici l’endroit parfait pour une bibliothèque !” Dans les 84
parcs, la nature peut jouer contre vous. S’il pleut, il n’y a personne. S’il fait trop beau, il est impossible de lire un écran d’ordinateur. Quant aux gares et aux coins de rue, ils sont peu propices à l’arrêt des habitants, toujours pressés. Dans les laveries automatiques, en revanche, les gens ont du temps et cherchent souvent quelque chose à faire. » Un public captif en quelque sorte, coincé à attendre, pendant une heure et demie en moyenne, la fin des cycles de lavage et de séchage. Mais aussi un public choisi, car les laveries automatiques sont fréquentées 7 jours sur 7, parfois 24 heures sur 24, par les catégories les plus pauvres de la population, n’ayant guère accès à la culture. Sans compter que les adultes sont souvent accompagnés de jeunes enfants, qui eux aussi s’y ennuient. Des endroits parfaits pour toucher des personnes ne fréquentant pas ou trop peu les bibliothèques publiques, dont ils ignorent d’ailleurs le plus souvent qu’elles dispensent gratuitement des cours et des formations. ASSOCIER L’ÉDUCATION À LA RÉSOLUTION DE BESOINS PRATIQUES ESSENTIELS Trois ans après le lancement du programme pilote dans le Bronx, l’initiative Wash & Learn profite de partenariats avec des organisations philanthropiques comme LaundryCares, financée par les propriétaires de laveries automatiques, ainsi qu’avec des médiathèques publiques et des structures associatives dans neuf États américains. LWB a par ailleurs mobilisé pour l’initiative l’un de ses dispositifs : Legal Literacy. Ce programme était déployé dans des écoles, des centres communautaires et des églises V
O
O DA E PO
DE A