L'invention sUr Le terrain
VIVRE ENSEMBLE
Mutum : les paradoxes d’une économie du partage aire pro ter les autres des ob ets que l’on n’utilise pas ou peu pourrait limiter la production et la consommation de biens et renforcer les liens de proximité C’est le pari de Mutum une plateforme numérique gratuite dédiée au partage L’ob ectif : construire un autre type de vivre-ensemble Une ambition qui demande un modèle de nancement la fois pérenne et compatible avec le caractère solidaire du pro et
B
esoin d’un vélo pour une balade entre amis ? Ou d’un siège auto pour un neveu de passage ? Quand des sites comme Leboncoin ou Zilok parient sur la revente ou la location d’objets, Mutum préfère le prêt gratuit entre voisins. Les utilisateurs ne peuvent emprunter (via un système de points, les mutums) que s’ils sont eux-mêmes disposés à prêter à la communauté. Mutum défend ainsi l’entraide et le partage comme le socle d’un vivre-ensemble plus pérenne et d’une société écologiquement plus responsable. En valorisant l’usage collectif plutôt que la propriété individuelle, elle entend participer à la construction d’une économie moins extractrice de ressources et relier les individus par les biens qui circulent entre eux.
Comment Mutum réussit-elle à financer, au sein d’une économie sociale, solidaire et respectueuse de l’environnement, un système d’échange gratuit sur le long terme, tout en cherchant à être économiquement indépendante ? La question est loin d’être anodine pour les plateformes numériques. Leur infrastructure technologique ne permet guère de grandes économies d’échelle : plus il y a d’utilisateurs, plus les coûts augmentent (serveurs, bande passante, sécurité, maintenance, évolutions, etc.). Et la juste rémunération de travailleurs humains reste un impondérable, n’en déplaise aux chantres d’un monde numérique automatisé...
Une PLateForMe GratUite et sans PUBLicité
Le développement d’une économie du gratuit sur Internet s’est essentiellement appuyé sur l’affichage de publicité ou la vente de données personnelles permettant un ciblage publicitaire. Mais ce modèle présente de nombreuses limites lorsqu’il s’agit d’entreprises évoluant dans l’économie sociale et solidaire. Imaginons que les données collectées via Mutum soient vendues à La Redoute. L’entreprise de vente à distance pourrait alors cibler les besoins de clients potentiels en fonction de leur activité sur Mutum : offre sur les produits qui intéressent les utilisateurs ou surtout sur des produits complémentaires. Le résultat pourrait être une augmentation globale de la consommation et entrer, donc, en contradiction avec l’objectif de Mutum.
Lancée en 2014, la plateforme Mutum affiche en septembre 2017 plus de 68 000 « voisins engagés » et de 113 000 « objets disponibles » pour l’échange. « Mon expérience de Mutum dépasse le cadre de la simple utilisation, elle induit un détachement par rapport à ce que nous possédons. À quoi bon vouloir posséder et conserver à tout prix ? C’est une vraie remise en question des modes de fonctionnement et d’éducation des décennies précédentes faites d’individualisme. Mutum s’inscrit dans un mode de pensée solidaire, tourné vers l’autre... et ça fait du bien ! », témoigne Colette L., de Lille, inscrite sur la plateforme depuis juin 2016. 70
Le « toUt-GratUit » À L’éPreUve dU MarcHé
VISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 2