Douze innovations qui changent le quotidien d’établissements

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PRATIQUES EN ÉTABLISSEMENTS

Des innovations qui changent le quotidien Un peu partout dans les établissements qui accueillent des personnes fragilisées ou vulnérables, des initiatives sont mises en œuvre pour améliorer le quotidien des publics, l’air de rien. Qu’elles soient surprenantes ou plus classiques, toutes reflètent un souci de dépasser la mission initiale de prise en charge pour prendre vraiment soin de chaque personne. Toutes également reposent sur une démarche d’ouverture ou de partenariat avec d’autres univers. Tour d’horizon à travers douze exemples inspirants.

Institut Gustave-Roussy

Crédit photo : Mathieu Oui/Moderne Multimédias

SOIGNANTS ET PATIENTS DANSENT POUR OUBLIER UN INSTANT LE CANCER

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Quant la Fée Clochette arrive à l’hôpital de jour de l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif, c’est une bouffée d’air frais. Depuis cinq ans, Aude, de l’association Elles dansent1, propose une fois par semaine un moment joyeux aux personnes en chimiothérapie et au personnel soignant. Marine (au centre de la photo), venue accompagner sa maman pour son traitement, se lance avec Aude sur un rythme africain. « Ça fait du bien de voir autre chose que des murs », se félicite la patiente. Le projet a été initié à la demande d’une équipe de soins d’une unité confrontée à des pathologies lourdes et de nombreux décès. « Lors de la première rencontre entre Aude et l’équipe, j’avais un peu d’appréhension », confie Nathalie Renvoisé, qui coordonne le programme d’accompagnement et de soutien Mieux vivre le cancer à Gustave-Roussy. « Confronter des personnes alitées à quelqu’un à l’aise dans son corps me semblait risqué, mais le courant est tout de suite passé. La danse vient exploser les barrières entre les personnes hospitalisées et les soignants. Il ne s’agit pas de divertissement, mais plutôt d’un rappel de la vie, stimulant pour tout le monde. » 71


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Lycée privé professionnel Cognacq-Jay

UNE PLURALITÉ D’INITIATIVES POUR OUVRIR L’HORIZON DES ÉLÈVES

MAS Les Iris et lycée agricole

UN POTAGER RÉUNIT DES ÉLÈVES ET DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP Quand des lycéens aident des personnes en situation de handicap à créer un potager, se noue une relation particulière, faite de partage et d’inclusion. Au-delà de la transmission des techniques de plantation ou de recettes de cuisine, les élèves du lycée des Alpilles de Saint-Rémy-de-Provence ont mûri au contact des résidents de la Maison d’accueil spécialisée Les Iris. Ils se sont ouverts à la différence. Quant aux résidents, ils ont pu sortir d’un certain isolement social. « Nous les avons pris sous notre aile pour aller plus loin ensemble », résume Chloé, élève de terminale. 72

Centre hospitalier du Rouvray et ESAT de l’ARRED

RENCONTRE D’UN ESAT ET D’UN ÉTABLISSEMENT DE SANTÉ MENTALE AUTOUR DU MARAÎCHAGE Depuis mars 2018, à Sotteville-lès-Rouen, le Centre hospitalier du Rouvray, spécialisé en santé mentale, accueille une activité de maraîchage biologique gérée par l’ESAT (Établissement et service d’aide par le travail) Les Ateliers du Cailly de l’ARRED (Association rouennaise de réadaptation de l’enfance déficiente). Sous la conduite de Pascal, maraîcher référent (à gauche sur la photo), un petit groupe de patients de l’hôpital et de membres de l’ESAT cultive les serres et parcelles. Une vente de paniers, assurée par des stagiaires et des encadrants de maraîchage, est aussi proposée chaque semaine aux habitants du voisinage et au personnel de l’hôpital. « J’aime travailler dehors : je me sens beaucoup plus à l’aise que dans un bureau », témoigne Michael (à droite). Outre les bénéfices du maraîchage pour les travailleurs de l’ESAT et les patients de l’hôpital (stimulation des fonctions cognitives, capacité d’attention, réduction du stress, intégration sociale, etc.), ce partenariat offre aussi l’intérêt de faire se rencontrer le milieu sanitaire et celui du handicap. « C’est un enrichissement mutuel et cela aide aussi à fluidifier les parcours des personnes que nous accompagnons », reconnaît Nawel Gazdallah, directrice de l’ESAT. V

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Crédits photo : Bertrand Desprez (p. 70) ; Mathieu Oui/Moderne Multimédias (p. 71)

Fin 2020, dans le cadre d’un partenariat avec La Villette, des élèves du lycée d’Argenteuil ont eu la surprise de voir des danseurs surgir en classe. Cette initiative ponctuelle fait écho à une démarche plus globale vis-à-vis de jeunes ayant choisi la voie professionnelle : leur donner le goût d’apprendre en faisant appel à la curiosité, l’imagination, la créativité, l’écoute, l’initiative, l’auto-évaluation... Cela passe par du coaching pour développer les compétences comportementales autant que par des partenariats culturels (Comédie française, Centquatre-Paris, etc.) ou des accompagnements spécifiques, comme une cellule anti-décrochage pendant le confinement.




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Radiothérapie de Haut-Lévêque et artothèque

DES ŒUVRES D’ART COMME TRAIT D’UNION ENTRE PATIENTS ET SOIGNANTS De l’art contemporain pour ouvrir le quotidien des patients : c’est la philosophie du partenariat entre l’artothèque de Pessac et le Centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Trois fois par an, une vingtaine de salariés du service de radiothérapie de l’hôpital Haut-Lévêque de Pessac choisissent une quinzaine d’œuvres. Cela suscite « une discussion avec le patient sur un autre plan qu’entre soignant et soigné, qui est asymétrique », dit Aymeri Huchet, radiothérapeute. « Cela change des posters des couloirs et nous permet de nous évader », se réjouit un patient. Initié en 2016 en radiothérapie, le dispositif concerne désormais sept services du CHU.

IME et hôpital Cognacq-Jay CRPS de la Tour de Gassies

Crédits photo : Mathieu Oui/Moderne Multimédias

QUAND L’IMPRESSION 3D TRANSFORME DES AIDÉS EN AIDANTS Depuis 2016, le Centre de réhabilitation psychosociale (CRPS) de la Tour de Gassies, à Bruges, au nord-ouest de Bordeaux, propose un atelier d’impression 3D à des personnes atteintes de troubles psychiatriques stabilisés, pour aider à leur insertion professionnelle. Trois fois par semaine, de jeunes adultes, encadrés par une équipe pluridisciplinaire, participent à la modélisation des pièces sur logiciel et à leur fabrication avec les imprimantes en 3D. L’originalité du dispositif réside dans la collaboration avec le centre de médecine physique et de réadaptation (MPR) présent sur le même site. Les patients du CRPS fabriquent des porte-tablettes ou des supports de téléphone pour les personnes en situation de handicap physique du MPR. Ils remplacent aussi des pièces usagées de fauteuil roulant. Durant le confinement, 1 000 visières de protection ont également été produites pour plusieurs établissements de santé. « C’est très gratifiant de voir que nos productions servent à d’autres personnes handicapées », souligne Laurent, participant régulier de l’atelier. « Cette activité redonne confiance aux patients dans leurs capacités de travail et leur sentiment d’utilité sociale », complète Phylicia Chan Po Woo, infirmière. Avec un bénéfice en termes d’autonomie : les patients se rendent désormais seuls auprès des patients du MPR pour livrer les pièces et recueillir leurs besoins. Fin 2020, Bruno, ancien de l’atelier, a intégré G-Eco, entreprise adaptée créée par un partenaire de la première heure de ce dispositif. V

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DE JEUNES AUTISTES EN VOIE DE PRÉPROFESSIONNALISATION Apprentissages, responsabilisation, autonomie, utilité pour les uns ; découverte, apprivoisement, sensibilisation pour les autres… À Paris, des jeunes présentant des troubles du spectre autistique accompagnés par l’IME de la Fondation Cognacq-Jay se rendent dans les locaux de l’hôpital Cognacq-Jay voisin pour des temps de récréation et de sociabilisation ainsi que des activités comme le tri et la distribution du courrier interne. Une mission handicap se met d’ailleurs en place au sein de la Fondation pour répertorier des situations d’emploi vers lesquelles de jeunes autistes pourraient être accompagnés en préprofessionnalisation.

Maison d’enfants de Seine-et-Marne

RECHERCHE-ACTION SUR LES COMPÉTENCES PARENTALES Au Québec, Karine Dubois-Comtois développe avec d’autres chercheurs un type d’intervention relationnelle pour soutenir les parents dans leur comportement sensible à l’égard de leurs enfants. La Maison d’enfants de Seine-et-Marne lance en 2021 une étude avec cette chercheuse. L’objectif est de valider les conditions d’efficacité de la démarche AVI (Attachment Video-feedback Intervention), utilisant notamment la vidéo comme levier pour valoriser les compétences et comportements adéquats des parents avec leur enfant, en prévention et en accompagnement des situations familiales relevant de la protection de l’enfance. 75


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Résidence Le Chêne

LE DESIGN AU SERVICE DE LA DIGNITÉ DE PERSONNES ATTEINTES DE LA MALADIE DE HUNTINGTON

Hôpital Forcilles

Située à Cuvry près de Metz, la Résidence Le Chêne est une Maison d’accueil spécialisée de l’Association Fondation Bompard, dédiée aux personnes atteintes de la maladie de Huntington. Dans l’idée d’y intégrer davantage de « beau », plusieurs projets ont été réalisés avec la contribution d’une designer, Manon Pouillot. D’abord des « Habits de repas », pour des bavoirs plus dignes et moins infantilisants grâce auxquels les taches se font plus discrètes. Prévus initialement pour un usage quotidien, ils servent aujourd’hui pour les événements festifs et les sorties, car leur nettoyage en blanchisserie est compliqué. Deux autres innovations ont pris la relève : des « Bandanas hybrides », pour pallier l’inconfort d’un col humide chez des résidents sujets à une hypersalivation, et des « Nuances d’êtres », supports muraux en bois aimantés visant à faciliter le dialogue et le recueil des goûts esthétiques des résidents dont l’expression devient complexe avec l’évolution de la maladie. Sur ces installations évolutives, le résident peut venir déposer son nuancier personnel à base de petits objets (morceaux de textile, rubans, boutons et éléments symboliques) qu’il choisit lors d’ateliers créatifs. Chaque installation est en quelque sorte gardienne de la mémoire des goûts colorimétriques du résident et un référentiel sensible précieux, par exemple dans le choix d’objets utilisés au quotidien.

Depuis la fin 2019, pour leur séance de radiothérapie qui requiert de ne pas bouger pendant de longues minutes dans un environnement technologique potentiellement stressant, les patients de l’hôpital de Férolles-Attilly peuvent choisir quelle musique ils ont envie d’écouter dans une bibliothèque de morceaux sélectionnés par l’équipe soignante et un musicothérapeute. Il s’agit de musique d’ambiance, apaisante et relaxante. Cette nouveauté est née de l’écoute de suggestions de patients. Elle est également en place pour les traitements de chimiothérapie.

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DE LA MUSIQUE AU CHOIX DES PATIENTS EN RADIOTHÉRAPIE ET EN CHIMIOTHÉRAPIE

Clinique Saint Jean de Dieu

Les infirmières du service de chimiothérapie de cette clinique parisienne accueillent les enfants de personnes en traitement pour qu’ils comprennent où et comment est pris en charge leur parent. Une rencontre est organisée à leur intention, afin de leur faire découvrir son lieu de soin, leur donner une place dans ce qui se joue à ce moment de leur vie, leur permettre de constater qu’ils ne sont pas seuls dans leur situation et qu’ils peuvent échanger avec d’autres, enfants ou adultes, sur les questions qui les occupent. V

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Crédit photo : Frank Kirch

LES ENFANTS DE PATIENTS EN TRAITEMENT INVITÉS À UN GOÛTER DES PIRATES


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Maison des femmes

Crédit photo : Sylvie Legoupi/Moderne Multimédias

UN GUICHET UNIQUE POUR LES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE La Maison des femmes2, à Saint-Denis (93), est l’un des rares lieux en France regroupant toutes les compétences pour accueillir, écouter, soigner et orienter les femmes, sans considération d’âge, victimes de violences commises par leur conjoint ou ex-conjoint. Quand l’une d’entre elles arrive, immédiatement quelqu’un l’écoute et l’oriente vers un parcours. Ce premier contact est déterminant pour celles qui osent franchir le seuil. Isabelle (à droite sur la photo) n’hésite pas à quitter son poste d’accueil pour venir leur parler, les rassurer.

« L’important, dit-elle, est de tout leur expliquer et de leur laisser le choix, car la plupart du temps, elles n’ont justement jamais eu le choix dans leur vie. Nous tentons d’abord de leur redonner de l’autonomie, leur libre arbitre. » Ce refuge, fondé en 2016 par Ghada Hatem, gynécologue obstétricienne à l’hôpital Delafontaine, offre gratuitement un accompagnement global pour qu’elles se reconstruisent, des démarches juridiques à la santé physique et psychologique.

Martine Horel, Mathieu oui et sylvie Legoupi 1. Voir dans solidarum.org le sujet : « Elles dansent : des pas de deux pour faire reculer le cancer ». 2. Voir dans solidarum.org le sujet : « Pour soigner les bleus du corps et de l’âme, la Maison des femmes ». V

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Cet article en format PDF est directement tiré de Visions solidaires pour demain, revue papier annuelle dont l’objet est de réfléchir à ce qu’est, et ce que pourrait être dans le futur, la solidarité sociale. Ce fichier PDF est accessible au sein de la base de connaissances Solidarum, plateforme en ligne, gratuite et évolutive, qui propose à la consultation et au téléchargement des médias vidéo, texte, son et image : des visions et reportages créés spécifiquement pour elle, en Creative Commons. Solidarum et Visions solidaires pour demain sont édités par la Fondation Cognacq-Jay et réalisés par une rédaction autonome dédiée, avec l’appui d’un comité éditorial composé en majorité de personnalités extérieures à la Fondation.

www.solidarum.org


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