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L’ATELIER DU BIDON

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ÇA M’ENERVE

ÇA M’ENERVE

Baril EN LA DEMEURE

SKIEUR, SURFEUR, SKATEUR, JORDAN PIERRU, INSTALLÉ À CONS-SAINTE-COLOMBE, PRÈS DE FAVERGES, A TOUJOURS SU QUOI FAIRE D’UNE PLANCHE… ET DE SES MAINS AUSSI, CAR C’EST UN HABILE BRICOLEUR. MAIS UN JOUR, C’EST DEVANT UN BIDON QU’IL EST TOMBÉ EN ARRÊT, ET C’EST LÀ QUE LA LUMIÈRE « FÛT »…

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PAR MÉLANIE MARULLAZ PHOTOS : BAPTISTE DIET

Jordan Pierru, dit « Jo », n’est ni tapissier ni ferrailleur, ni ébéniste ni brocanteur, mais un peu tout ça à la fois. Et son truc à lui, c’est le bidon. Plutôt massif et bourrelé, mais surtout recyclé. “Je suis un peu branché écolo quand même, alors plutôt que de donner de grandes leçons, je me suis demandé ce que je pouvais faire à mon échelle.” A partir de ses bidons, il conçoit donc des meubles propres, originaux et avec un minimum d’impact sur la planète. Jo, on l’a dit, n’est pourtant ni tapissier, ni ébéniste… mais il est bricoleur. Depuis qu’il est en âge de manier

une disqueuse ou une scie sauteuse, il traîne sur les chantiers avec son père électricien. “Et sur les chantiers il y a toujours un bidon, coupé en deux, qui sert de barbecue. Notre 1re idée, c’était donc d’en fabriquer un. Mais une fois qu’on l’a découpé et qu’on a posé la grille dessus, il avait plus l’air d’un fauteuil que d’un brasero.” Il retravaille la coupe avec sa mère, imagine une assise avec son père, sur laquelle sa grand-mère coud un coussin – oui, dans la famille de Jo, on est plutôt habile de ses mains –. “On l’a présenté à une salle de sport qui nous en a tout de suite commandé 4. Peu de temps après, sur une brocante, on en avait installé deux pour nous asseoir sur le stand qu’on tenait, comme on aurait pris deux chaises en plastique au fond du jardin, et ils sont partis en une heure…”

HÉ ! VIS, MÉTAL…

Jo, on l’a déjà dit – mais j’aime les anaphores –, n’est pourtant pas brocanteur… Mais il a des idées. Tellement d’idées qu’il attend d’être bien sûr de cette dernière avant d’embarquer son père dans l’aventure, “parce qu’il est d’accord à chaque fois, alors je fais gaffe à ce que je dis, faut aller jusqu’au bout !” Ils commencent donc à tailler du bidon au coup par coup, dans la cave de la maison familiale, puis dans un garage, avant de lancer officiellement l’atelier, il y a trois ans. Pour la matière première, Jo furète. Comme certains sont rompus à l’art de dénicher des chanterelles dans un sous-bois, lui repère immédiatement le bidon canon planqué au fond d’une grange. “Une fois, j’ai flashé sur un baril rainuré dans le jardin d’un vieux monsieur, mais il ne voulait pas me le donner, il en avait besoin pour récupérer l’eau de pluie. Il a fallu négocier, et l’échanger contre un nouveau bidon et une bouteille de rouge !” Il en récupère également auprès d’une entreprise partenaire dans un échange gagnantgagnant: ce qui lui assure un stock de récipients en bon état permet à

l’entreprise, de son côté, de faire l’économie de l’enlèvement et la compression de ses fûts.

PLUS BELLE LA SECONDE VIE

Et après? “Après ? Tout est possible ! C’est simple à travailler, il n’y a pas de limite. Ce qui prend le plus de temps, finalement, c’est la réflexion en amont.” Fauteuil, guéridon, bar et mange-debout, voire bancs ou meuble-vasque, le bidon s’adapte à toutes les décorations. Mais avant de lui attribuer une fonction, Jo le nettoie à la sciure, dégraissant naturel réutilisable à l’infini – enfin, plusieurs années en tout cas – et une fois coupé, essaie de réutiliser un maximum de matière. Ainsi, le couvercle du bidon devient l’assise du fauteuil et la découpe de la table basse se transforme en applique. Pour les finitions extérieures, soit il conserve les logos publicitaires quand ceux-ci sont d’intérêt, soit, en fonction des envies, il sable le métal, en accentue l’effet rouillé à coups de vinaigre citronné ou propose une couverture peinture thermo-laquée. L’idée, de toute façon, c’est de personnaliser. Et pour être totalement cohérent avec son approche « upcycling », tous les accessoires et matériaux qu’il y ajoute entament leur seconde vie: poignées et boutons de porte sont chinés, bois et cuirs récupérés sur de vieux canapés… Quant au tissu, s’il ne s’agit pas de chutes assemblées par sa grand-mère, il est bio et principalement français. Dans son atelier sur les hauteurs de Faverges, bidons du sol au plafond et musique à fond, Jo, 31 ans cette année, ancien saisonnier sur les côtes

landaises, est heureux d’avoir créé son activité, de bosser seul, en toute liberté. Il n’en revient pas, surtout, des rencontres que ses bidons ont occasionnées et du soutien qu’ils ont trouvé sur les réseaux sociaux. “Parfois, j’ai des périodes de doutes, j’en ai marre de mon pantalon crade et de mes mains sales, et puis un post sur Insta fait 300 likes et ça repart !” Par sécurité, l’hiver, il rechausse quand même spatules et habit rouge, pour enseigner le ski sur les pentes savoyardes. Mais il croit en sa bonne étoile: depuis qu’il s’est lancé, il n’a eu qu’un ou deux ratés. “On n’est pas pressé. On n’a pas d’argent, mais on a du temps !”

+ d’infos : www.latelierdubidon.com

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