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SAYPE
«Beyond Crisis» sur 3000 m 2 , une œuvre comme message d’espoir et de positivité au monde face à la pandémie COVID-19. A Leysin, Suisse. 2020
cours
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de champ
“ON N’EST QU’UNE TRACE”, PLUS OU MOINS MARQUANTE, es silhouettes en noir et blanc qui allongent leurs milliers de m 2 à flanc de montagne, mais disparaissent au bout de quelques semaines… Les fresques géantes que Saype dessine sur l’herbe sont faites pour être balayées par la pluie, soufflées par le vent ou recouvertes par la végétation. Il n’en éprouve que satisfaction, car pour lui, “chercher à figer une situation est forcément source de souffrance”. La casquette vissée sur son profil de boxeur, avec son look de skater et son regard rêveur, entre deux éclats de rire, Guillaume Legros de son vrai nom parle spiritualité bouddhiste
PORTEUSE DE SENS ET DURABLE. CELLE DU LAND-ARTISTE SAYPE EST ENGAGÉE, POÉTIQUE, MONUMENTALE ET DÉLIBÉRÉMENT ÉPHÉMÈRE. IL MARQUE LES ESPRITS SANS LAISSER D’EMPREINTE ET SORT SES BOMBES POUR PARLER DE PAIX.
Saype, détail de «Au-delà de la crise» Leysin, Suisse
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PAR MÉLANIE MARULLAZ - PHOTO VALENTIN FLAURAUD
Saype à l’œuvre, à Genève
et volonté de trouver de nouvelles formes d’expressions. Celle qu’il a choisie, c’est avec de la distance et souvent depuis le ciel qu’on en perçoit toute la dimension. Saype, la contraction de «Say Peace», c’est le nom de graffeur qu’il a adopté après en avoir changé 50 fois, “parce qu’il correspondait à mon univers actuel, à l’idée de bienveillance”. A Belfort, où il a grandi, Guillaume n’était pourtant pas du tout destiné à être artiste. “Mes parents n’étaient pas intéressés, je n’avais jamais mis les pieds dans un musée… Mais à 14 ans, j’étais un peu rebelle, j’avais envie d’exister en
«Beyond Walls» - Créons ensemble la plus grande chaîne humaine au monde. Projet sur plusieurs années un peu partout dans le monde. Ici, à Genève sur 5000 m 2 . 2019
société, alors j’ai fait du graff : c’était marrant de voir son nom sur les murs en allant au collège le matin.” Sur toile, il se met ensuite au spacepainting, des représentations de planètes et de voie lactée à l’aérosol : “on partait dans le sud de la France, je peignais ça très rapidement, dans la rue, mes potes vendaient mon bordel et on faisait vivre toute la bande. Et puis je me suis posé la question du sens. Je pense que c’est là qu’on met le premier pied dans le domaine artistique.”
PIGMENTS DOUX
A partir de 2012, son autre pied est dans le médical. Avec son diplôme d’infirmier, Saype exerce en Suisse et s’installe en Gruyère. Il n’est pas pour autant rangé des peintures, en continuant à créer, il cogite philosophie et écologie. “Le sens primaire de l’art, c’est capter l’attention sans autre artifice. Je trouvais que les tags ou l’affichisme ne servaient plus à grand-chose, il fallait que je trouve un autre moyen d’interpeller. Mes parents ont 8 hectares de jardin, alors je me suis mis à peindre dans l’herbe et pour que ça fasse sens, j’ai commencé à réfléchir aux matières que j’utilisais.” Pendant une année, il teste des pigments et des colles. Il commence avec un alliage de farine et d’eau, qu’il cuit, et auquel il ajoute de la craie pour le blanc ou du charbon pour le noir. Mais la mixture ne se conserve pas, elle fermente, obligeant son équipe à la fabriquer sur site au moment où il peint. “Il fallait transporter une bonbonne de gaz et ça faisait tout de suite 500 litres de préparation et 2 jours de cuisine !” La solution vient alors de la caséïne, cette protéïne de lait qui sert notam ment à la fabrication des pastilles vertes ou rouges incrustées dans la croûte du reblochon, et qui se transforme en une sorte de colle quand elle est mélangée. Saype demande également à des biologistes d’analyser le terrain avant et après son passage. Verdict : son action n’aurait pas plus d’impact que le passage d’un troupeau de moutons. “Je sais qu’il y a aussi le problème de l’empreinte carbone, mais quand on part par là, c’est infini ! Ce que je défends, c’est d’avoir conscience de ce que je fais. L’année dernière, j’ai commencé une série « Trash » avec une bouteille en plastique géante, peinte dans les Vosges, la représentation de quelque chose qui pollue énormément et qui va rester là, alors que ma fresque, elle, va s’effacer.
«Message from Future» sur 5000 m 2 à Genève. 2018
Du coup, on m’a invité à Buenos Aires, pour parler du tri des déchets. Mais si je pense que les artistes doivent prendre la parole et assumer des positions, je ne suis pas non plus un expert, plutôt un vecteur de communication.”
MOMENT PRO-PEACE
Son message ? Des ondes positives, souvent symbolisées par des enfants, dont il aime la naïveté. “En parlant d’eux, on parle de nous et des valeurs qu’on va laisser.” C’est d’ailleurs avec une petite fille relâchant un bateau en papier dans le Léman qu’il a manifesté, en 2018, son soutien à l’association d’aide aux migrants « SOS Méditerranée ». Devant les retombées, il continue à s’engager. L’année d’après, il se lance dans «Beyond Walls», une série de mains entrelacées, chaîne symbolique qui parle d’entraide et du fait que “ce n’est qu’ensemble que l’Humanité pourra surmonter ses difficultés”. Mais sa première œuvre très médiatisée, en 2015, c’est sur un versant du Col des Aravis qu’il l’a dessinée. Elle représentait le visage d’une femme, “une sorte d’hommage à la nature, comme les Grecs la
«Les contrebandiers de l’amitié» sur 5000 m 2 - Dents du Midi. 2019
personnifiait parfois. Avoir la chance de peindre en montagne, ça donne quelque chose de plus à l’œuvre. Il y a d’abord l’aspect technique : avec la pente, j’arrive à avoir des dégagements incroyables derrière”, comme quand ses deux petits « Contrebandiers de l’amitié » assis au-dessus du Lac Vert aux Crosets (Portes du Soleil côté Suisse) montrent du doigt les Dents du Midi. “Et l’autre chose que j’aime, c’est qu’à chaque fois qu’on y va, comme en mer, c’est une leçon d’humilité, on regarde l’im mensité des paysages et on a la sensation de n’être pas grand-chose.”
MESURES D’ART-PENTEUR
Qu’il peigne dans les Alpes françaises, devant le siège de l’ONU à Genève ou autour de la basilique de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, les performances de Saype sont presque aussi artistiques que sportives. Plusieurs jours pour préparer le terrain, des dizaines de bornes parcourues pour le peindre, les allers-retours, la chaleur… “Physiquement, je m’entretiens, je cours pas mal, je dois rester en forme. Mais en Afrique, j’ai perdu 5kg sur la plus grande œuvre qu’on a réalisée (18 000 m 2 ). Et puis, il y a toujours des couacs à gérer, un groupe électro qui tombe en
« Beyond Walls » Paris. 2019
panne, des pigments bloqués à la douane ou une autorisation de survol par les drones difficile à obtenir… Mais honnêtement, je ne m’en plains pas, ça fait partie du challenge et c’est d’autant plus cool quand on a réussi. Pour toutes ces raisons, chaque projet est une aventure !”
+ d’infos : saype-artiste.com
UN ENDROIT POUR… … en prendre plein la vue ?
Le bord du Léman, du côté de Montreux.
… buller ?
A Bulle ! (ndlr : Chef-lieu de la Gruyère).
… se dépenser ?
En montagne dans les préalpes fribougeoises.
… faire la fête ?
Entre amis !
… manger ?
Partout où on trouve de la fondue ! :)
Ton endroit doudou, celui où tu vas pour te ressourcer ?
C’est soit en forêt, soit dans mon atelier où je me retrouve avec moi-même et c’est un endroit très particulier...
«Trash» Les Bagenelles, Vosges. 2019
VÉLO, SKI, SNOWBOARD, TROTTINETTE… QUAND ELLES SONT « FREESTYLE », TOUTES CES ACTIVITÉS ONT EN COMMUN LA RECHERCHE D’ADRÉNALINE, C’EST SÛR, MAIS AUSSI LA MAÎTRISE DE LA PEUR ET CELLE DE SON CORPS. ET TOUT ÇA, ÇA S’APPREND. EN REBONDISSANT.
EN DEUX TRAMP ’ TROIS MOUVEMENTS
C’est une salle de trampo pas comme les autres. Ici, la plupart des jeunes qui enchaînent les figures, à plusieurs mètres du sol, le font sous le regard attentif d’un coach.
Avec lui, ils se familiarisent avec les sports alternatifs, mais se sont échauffés avant de s’élancer et s’étireront une fois la séance terminée. “On veut qu’ils prennent confiance et qu’ils repartent avec le sourire, résume Yoann Djidel, on est des créateurs de souvenirs !”
Avec Sébastien Laurence et Aurélien Bianco, ses deux comparses passionnés, cet ancien athlète de ski freestyle a monté, il y a 4 ans, « Elevation Indoor », le 1er centre freestyle de Haute-Savoie : 800m 2 de bacs à mousse et de trampolines, une zone hiver, un espace gym, une microrampe… et des chaussettes anti-dérapantes. Le tout pour accueillir des curieux ou des pratiquants réguliers, débutants ou confirmés, pour des sessions individuelles encadrées ou, au sein de l’école de Freestyle, des cours à l’année. “De 6 à 10 ans, les enfants touchent à toutes les disciplines ; après 11 ans, ils se spécialisent et après, peuvent se lancer en compétition. Pour les adultes, c’est plus du maintien en forme, du gainage par exemple, mais de manière ludique.”
Alors oui, ici comme partout ailleurs, le free-styler porte une casquette, un short baggy et écoute du rap, mais il a surtout un diplôme de gym et la sécurité de ses pratiquants chevillée aux baskets. Gage de leur sérieux, des athlètes confirmés viennent ici répéter leurs mouvements, améliorer leur acuité aérienne et entraîner leur oreille interne. Alors on saute ?