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MIKE HORN

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A TAAABLE

A TAAABLE

est-il transgénique ? MIKE HORN

MIKE HORN EST UN PHÉNOMÈNE. CET AVENTURIER EXTRÊME, HORS NORME, POURRAIT FAIRE PASSER BEAR GRYLLS POUR UN PROMENEUR DU DIMANCHE ET NICOLAT HULOT POUR UN TECHNOCRATE. MAIS QU’EST-CE QUI LE POUSSE À FLIRTER SI INTENSÉMENT AVEC SES PROPRES LIMITES ?…

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PAR AGNÈS GASIOT

Il y a les aventuriers férus de montagne qui gravissent les sommets, ceux qui préfèrent braver les océans… Et puis il y a Mike Horn. L’aventurier tous terrains. L’homme pour lequel : “Il y a beaucoup d’ours dans la vie de tous les jours”. Né en Afrique du Sud, citoyen du monde, mais Vaudois d’adoption, Mike Horn est un aventurier extrême professionnel. Rien qu’en 2015, il traversait 13 pays, entre la Suisse et le Pakistan, pour un road-trip dont l’ascension du K2 était le point d’orgue. L’année d’après, il embarquait

© Etienne Claret

QUELQUES EXPLOITS AU COMPTEUR

1995 Record du monde de descente de la plus haute chute d’eau (22 m) en hydrospeed au Costa Rica. 1997 Descente de l’Amazonie en hydrospeed, sans assistance (7 000 km). 1999 Tour de la Terre en suivant la ligne de l’Equateur en solitaire et sans moyen de transport motorisé (en 16 mois). 2002-2004 Tour du monde en suivant le cercle polaire (à pieds, en vélo, voilier, ski tracté par voile de kite). 2006 Il rallie le Pôle Nord avec Borge Ousland (1000 km de nuit sur des plaques de glace mouvantes, durant l’hiver arctique par -60° avec un traîneau de 160 kg de vivres et de matériel). 2008-2012 Expédition Pangaea, 4 ans autour du monde en voilier, pour sensibiliser des jeunes de tous les pays à la protection de l’environnement. 2016-2018 Pole2Pole, tour du monde en passant par les deux pôles. 2017 Premier homme à traverser intégralement l’Antarctique sans moteur et en solitaire (5 100 km en 57 jours).

sur son voilier, le Pangeae, pour son projet « Pole2pole360° », un tour du monde de 2 ans, par les pôles, à pied, en bateau, en 4x4 et en skikite. Comme pour se payer une bonne tranche… de globe. Pas de temps mort. Le temps, c’est de la découverte. Il ne faut pas gâcher. Il nous en avait pourtant accordé un peu, en 2014, alors qu’il rentrait tout juste de son ascension du Makalu.

BIG MIKE

Makalu, c’est l’Himalaya, la 5 e plus haute montagne du monde. 8485 m. C’est un peu comme s’il venait défier les Dieux, au plus près. Chatouillant les aisselles de Thanatos, puis tournant les talons en disant : “Non. Vous ne m’aurez pas encore...” Avec son ami Fred Roux, mais sans oxygène et sans sherpa, ils atteignent le sommet après avoir attendu 3 semaines la bonne fenêtre météo. Depuis 1955 et Lionel Terray, seulement 206 alpinistes ont gravi ce

terrifiant « 8000 », 22 n’en sont jamais revenus, dont un « himalayiste » jurassien, quelques jours avant eux. Mike connaît les risques. Il aime la difficulté. Il aime se surpasser, grimpe « libre », sans corde et sans harnais. Pas le droit à l’erreur, à cette altitude : 7 % d’oxygène, ça change un homme. “Tu es là, mais pas vraiment là… Tu sens que tu t’éloignes de la vie… Il te faut 2 heures pour faire 100 m, tu dois gérer tes ressources, te programmer pour descendre, pour rentrer à la maison, ne pas t’asseoir car tu es tellement fatigué que si tu t’endors, tu ne te réveilles pas. Fred est arrivé avant moi. En descendant, il est passé devant moi, m’a regardé, mais il ne me voyait pas… Je n’avais aucune importance, ça m’a choqué de le voir comme ça. On ne peut pas s’aider. J’avais mal au ventre, je ne me sentais pas bien du tout…” Chacun mobilise ses ressources pour sa propre survie. Réflexe animal. Il le sait, la frontière est ténue et au-delà de cette limite, c’est l’au-delà tout court. Mike rentrera en pleine nuit, sain et sauf.

Dernière expédition : traversée de l’Arctique, hiver 2019

BOULI-MIKE

Pour lui, le calcul est simple : on vit 30 000 jours (en moyenne et non garanti) et chacun d’entre eux compte. Le bonhomme n’a pas trop envie de dormir, il sait qu’il y a trop d’occasions de se dépasser, de choses à voir, à faire, à découvrir, à apprendre… A l’observer, ce n’est pas une flamme qu’on distingue au fond de son regard, mais tout un brasier, une énergie vitale sans commune mesure, à l’image de ses exploits. C’est clair, son quotidien ne ressemble pas au nôtre. Le voilà qui vous explique la psychologie des ours polaires, comment, selon la position de leurs oreilles, de leurs pattes et les traces qu’ils laissent dans la neige, il va comprendre si l’ours a faim (et aura donc potentiellement envie de le manger…) et adapter sa réaction… Un peu comme nous face aux monstres quand vient l’heure du dîner, à peu de choses près.

CLAP HORN ?

Mais en 2015, sa rage de vivre est ébranlée par la mort de son épouse Cathy, emportée par un cancer du sein. L’incroyable Mike révèle alors ses failles, sa vulnérabilité. “Moi qui ne m’avoue jamais vaincu, je n’étais qu’impuissance”, écrira-t-il dans L’Antarctique, le rêve d’une vie (Editions XO, mai 2018). “Perdre ma femme, c’était pire que perdre la vie.” “Vis pour moi, vis pour nous deux”, lui enjoint-elle pourtant, juste avant de mourir. Elle le connaît suffisamment pour savoir que ses mots seront le carburant qu’il lui faut pour repartir. GRAINE D’AVENTURIER… Sa mère notait sur un cahier les questions que Mike lui posait vers 2-3 ans : “ Estce que je peux marcher sur les nuages ? ” “ Pourquoi y’a du soleil ? ” “ A quoi servent les feuilles ? ” Une curiosité précoce sur la nature, son fonctionnement et déjà un intérêt marqué pour sa liberté : “ je ne veux pas d’une ombre qui me suit tout le temps ”. Son père lui a toujours laissé une grande liberté. A 8 ans, il peut aller où il veut, du moment qu’il rentre à la maison pour 18 heures. Mike commence alors à marcher autour de chez lui. Puis 5 km. Puis se dit qu’en courant, il irait plus loin et verrait plus de choses. En vélo, il pousse son champ de découverte… Un jour, il dit à son père qu’il part voir son cousin… L’un d’eux habite à 10 km, l’autre à 300… Ne voyant pas Mike de retour à 18 heures, son père comprend très vite lequel des deux il s’est mis en tête d’aller visiter. “J’ai reçu une éducation positive. Mon père ne me disait jamais : “attentiooon !!” ou “ne fais pas ça !”, mais : “ok, Mike tu peux t‘approcher de la falaise pour profiter du paysage, mais il y a un risque de tomber.” Ça m’a aidé à devenir ce que je suis aujourd’hui.” Et il repart. Toujours plus loin. Toujours plus risqué. En décembre 2019, il frôle d’ailleurs le point de non-retour. Piégé par la fonte des glaces que le réchauffement climatique a accélérée, à court de nourriture, il est récupéré de justesse par un brise-glace norvégien, après 87 jours d’une traversée de l’Arctique entamée avec son comparse explorateur Borge Ousland. Il faut rapidement remonter en selle après une chute de vélo. Mike, lui, a déjà largué les amarres pour affronter le Grand Nord à nouveau. Le 7 juillet dernier, il a quitté Brest, direction le Groenland. Comme le Cap du même nom, qu’on a longtemps dit infranchissable, Mike Horn est inarrêtable.

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