Taiwan Kom Challenge

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RECIT ET TÉMOIGNAGE D’UNE ÉPOPÉE CYCLISTE À TAÏWAN PAR THOMAS LECOQ


DESSINE-MOI TAIWAN Taiwan est un pays un peu mystérieux pour les occidentaux, un pays qui doit faire face à beaucoup de préjugés. Il est difficile pour quelqu’un qui n’a jamais foulé le sol taiwanais ou qui ne s’est jamais intéressé au pays d’imaginer à quoi ressemble Taiwan. Cette ile de 400 km de large pour 140 Km de large située au large de la Chine, entre le Japon et les Philippines est dans l’inconscient collectif associée avec les mentions « MADE IN » et l’imaginaire fait le reste. Peu de gens chez nous savent que Taiwan est un pays industrialisé jouissant d’un niveau équivalent au japon ou à l’Europe et que l’ile est composée à 60 % de montagnes, avec plus de 60 sommets au-dessus de 3000m d’altitude. Paradoxalement le peu de place laissé par les montagnes est occupé par 23 millions d’habitants font de certaines villes taiwanaises parmi les plus denses au monde et de Taiwan un pays bipolaire : des montagnes vides (ou presque) et des plaines ou l’activité bat son plein. Les cyclistes que nous sommes savent au moins que l’ile est connue pour être aujourd’hui le plus grand producteur de vélos et composants haut de gamme (il y a de fortes chances que le vélo avec lequel vous roulez en ce moment ait été fabriqué à Taiwan). TAIPEI, LA TOUR 101 ET LES MONTAGNES

LE CYCLISME, UN SPORT EN PLEIN EXPANSION À TAIWAN Revenons sur deux éléments qui nous intéressent tout particulièrement : le vélo, pilier de l’économie Taiwanaise, soutenu par le gouvernement s’est peu à peu propagé au sein de la population et a pris une autre tournure. De plus en plus on utilise les vélos qui dans le passé n’étaient destinés qu’à l’exportation. Le cyclisme est un sport en plein essor qui intéresse de plus en plus les taiwanais bénéficiant d’un pouvoir d’achat et à la recherche de nouveaux loisirs orientés sur la santé et le bien être ; on passe de la production à l’utilisation des vélos produits sur place. Et cela tombe bien car cette ile montagneuse est particulièrement appropriée à la pratique du vélo.


« POUR UN OCCIDENTAL, DIFFICILE DE S’IMAGINER À QUOI RESSEMBLE TAIWAN, ET ENCORE MOINS DE SAVOIR SI LA PRATIQUE DU VÉLO Y EST PROPICE. » Ces chaines montagneuses remplies de routes en bon état font le plaisir des cyclistes taiwanais, et ce sport est largement soutenu par le gouvernement et l’industrie cycliste Taiwanaise. Ces dernières années les évènements et les infrastructures pour soutenir la pratique du vélo se sont développés un peu partout sur l’ile. Plusieurs fois dans l’année et dans différentes villes on voit des «festivals du vélo », série d’évènements s’adressant à tout public, compétiteurs passionnés ou pratiquants en phase d’initiation. Le gouvernement a investi pour faciliter la construction de pistes cyclables, la rénovation des routes, la possibilité de prendre son vélo dans les transports en commun etc. De nombreux clubs se sont créés, et il est courant de croiser des groupes de cyclistes taiwanais sur la route accompagnés d’un véhicule d’assistance qui partent à l’assaut des routes tortueuses de l’ile.

LE TAIWAN KOM CHALLENGE C’est dans ces conditions que se déroule depuis 2012 une épreuve un peu particulière. L’office du tourisme ainsi que la fédération de Cyclisme Taiwanaise ont imaginé une course unique, énorme, à l’image de leurs montagnes. L’idée est simple, géniale et terrible. Les organisateurs ont créé une course qui part du bord de mer de la côte Est, à une altitude de 0 m, pour se terminer 105km plus loin et surtout 3275m plus haut, à HeHuanShan, la montagne la plus haute de Taiwan accessible par la route. Une montée unique en son genre avec des pentes terrifiantes. Aussi magnifique que difficile le parcours emprunte la route du parc National des Gorges de Taroko puis poursuit son ascension dans un environnement différent, changeant sans cesse avec l’altitude. La forêt luxuriante de bord de mer laisse peu à peu la place aux pins sauvages, à une végétation de montagne et aux prairies Alpine à l’arrivée. LE MONT HEHUANSHAN 3275M


« PEU DE COURSES AU MONDE OFFRENT LA CHANCE DE SE RETROUVER DERRIÈRE LA LIGNE DE DÉPART AU CÔTÉ DU MEILLEUR GRIMPEUR DE LA VUELTA. » Le but des organisateurs est double : faire la promotion du cyclisme à Taiwan et mettre en avant le pays en empruntant une route aussi pittoresque qu’éprouvante pour les coureurs. Ils n’hésitent pas à mettre les petits plats dans les grands en invitant un nombre de coureurs professionnels à participer. Avec une dotation de 30000 euros (rien que ça) au vainqueur la course attire beaucoup de coureurs du continent asiatique et quelques européens. L’épreuve est ouverte aux amateurs permettant à qui le souhaite de se frotter à l’Elite mondiale. Peu de courses au monde proposent cette chance et cette année les 500 participants se sont retrouvés derrière la ligne de départ au côté entre autre d’Omar Fraile, vainqueur du meilleur grimpeur de la Vuelta. Autres participants prestigieux: l’équipe Nationale du Kenya, Mark Dowling, ou encore Chun Kai Feng coureur cycliste taïwanais membre de l’équipe Lampre-Merida. La course est largement médiatisé aves la présence des plus grands medias cyclistes internationaux. UNE BROCHETTE DE STARS

SPORT ET TRADITIONS


CÉRÉMONIE D’OUVERTURE

LA COURSE, LE PARCOURS

10

20

30

40

50

Legend TIMING TECHNICAL SUPPORT FIRST AID

WC WATER FEED ZONE

13 %

TAIWAN CYCLIST FEDERATION

2738

2453 - Bilu Tunnel

2243 2374 - Guanyuan Gas Station

1958 - Ci En

1644 - Xinbaiyang

1552 - Henshan Tunnel 2

1148 - Songshan Tunnel 1219 - Ci Yun Bridge

703 - Guyuan Tunnel 915 - Xibao 923 - Henshan Tunnel 1

401 - Ci Mu Bridge 448 - Tianxiang

59 - Clock Start Line 86 - Taroko National Park

189 - Xipan Tunnel 221 - Yianziko (Swallow Grotto )

12.14 %

2150 - Bilu Holy Tree

27.3 %

3158 - Hehuanshan Villa

Mais qu’est-ce que les 500 concurrents et journalistes sont venus chercher au juste ? Un parcours qui rend cette course unique et la découverte (ou redécouverte) d’un nouveau pays ou d’une région avec sa Profile culture, ses paysages et ses traditions.

60

70

80

90

100

« LE PARCOURS FORME UN TOTAL DE 105 KM AVEC UN DÉPART SUR LE BORD DE MER ET LA LIGNE D’ARRIVÉE À 3275M À BOUCLER EN MOINS DE 6H30, AVEC UNE ASCENSION PRESQUE ININTERROMPUE DE 87 KM. »


Les 18 premiers km sont neutralisés et la voiture du directeur sportif emmène les coureurs à l’entrée du Parc de Taroko, véritable départ de la course ; synonyme d’une ascension presque ininterrompue de 87 KM avec plus de 3200m à gravir. DÉPART EN BORD DE MER

Les 35 premiers Km et les 1200 m de montée sont assez progressifs avec des pentes entre 3% et 7 %, quelques relances en descente suivies de coups de cul assez pentu. Le paysage est sublime, les gorges empruntées par les coureurs sont impressionnantes, profondes avec une rivière bleu Cristal qui coule au fond. UNE ASCENSION PROGESSIVE

Les 35 Km suivants se corsent un peu, avec des coups de cul de plus en plus fréquents et une pente qui s’intensifie. A cela s’ajoute des jambes plus lourdes subissant la pente et l’air devient plus fin. Nous sommes dans des montées de 7 à 10 % avec des passages à 15 % histoire de rappeler à tout le monde que le patron à Taiwan, c’est la Montagne. Déjà 2200 m de gravit pour les concurrents. LES POURCENTAGES S’INTENSIFIENT


« AVEC LA PRISE DE HAUTEUR LES PAYSAGES DEVIENNENT ENCORE PLUS SOMPTUEUX. LA LIGNE D’HORIZON S’ÉLARGIT, LE CIEL DEVIENT PLUS GRAND, LES MONTAGNES PLUS NOMBREUSES S’ÉTALENT AU LOIN. » LES DERNIERS LACETS

Après 70 Km d’ascension non-stop la montée laisse des traces et le fait d’être toujours en prise est un effort que peu de coureurs connaissent. Qui a en effet déjà monté un col de cette distance ? … et le meilleur reste à venir… Le compteur affiche pour le moment 88 Km au total, il en reste encore 17 à parcourir. A la sortie d’un tunnel on change de vallée et le premier moment de répit arrive avec une descente de 5km, assez piégeuse, fraiche et humide. La fin de cette descente marque les 10 derniers km à gravir, et un peu plus de 1000m à monter. C’est clairement la partie la plus dure de la course, redoutée par tous les concurrents. Le retour dans la pente est soudain, brutal, impitoyable. Les 10 mn de descente ont littéralement coupé les jambes et la reprise de l’ascension se fait dans une pente qui flirte avec les 15 %. Les Km défilent à une vitesse ridiculement basse. Certains coureurs n’ayant pas choisi le braquet adapté explosent en plein vol. D’autres pris de crampes s’arrêtent. Le passage d’une série de de lacets à 27 % et vraiment le moment fort du parcours, celui qui fait le plus souffrir, et l’air qui se raréfie n’aide pas. On voit des coureurs marqués qui naviguent de gauche à droite. Les km déjà parcourus, la fatigue, le froid et la pente font douter. La plupart des coureurs se demandent forcement à ce moment de la course ce qu’ils font ici et pourquoi ils se sont engagés dans cette galère.

Les pentes à 9% sur la suite du parcours donnent l’impression de tourner les jambes facilement. Finalement une courte descente fait son apparition, les coureurs basculent sur un autre versant de montagne leurs permettant finalement d’apercevoir l’arrivée, si proche et si loin. Les deux derniers km sont impitoyables, une rampe droite dans la pente qui semble interminable. Un dernier effort et c’est la ligne d’arrivée, la délivrance, le sentiment d’avoir effectué quelque chose de grand. UN EFFORT ATYPIQUE



« 25 % DES PARTICIPANTS ENGAGÉS NE VERRONT PAS LA LIGNE D’ARRIVÉE N’AYANT PAS RESPECTÉ LA TRANCHE HORAIRE DE 6H30. »

CE QU’IL FAUT RETENIR La course s’est jouée entre costauds dans la dernière ascension, après qu’un groupe d’une vingtaine de coureurs se soit échappé. Au final c’est le Français Damien Monier de l’équipe Bridgestone qui s’impose en 3h34 de course. Derrière lui un habitué de la course, le Danois John Ebsen qui a remporté deux fois l’épreuve en 2013 et2014. Sur la troisième marche du podium on retrouve l’Irlandais Mark Dowling suivi du Franco Laotien Ariya Phounsavath et du Français Thomas Lebas. Le premier Taiwanais Chun Kai Feng termine à la septième position. Chez les dames c’est la Japonaise Eri Yonamine qui s’impose en 4h03 devant la canadienne Marg Fedyna et la taiwanaise Wan-Chang Lin.

25 % des participants engagés ne verront pas la ligne d’arrivée n’ayant pas respecté la tranche horaire de 6h30. Cette course au profil tellement atypique, cruel, difficile mais aussi accessible avec un minimum d’entrainement, est une expérience à vivre. Que l’on soit un amateur ou un Pro l’épreuve est tellement particulière que le sentiment après avoir franchi la ligne d’arrivée est le même pour tous. Après tout, ce n’est pas un hasard si le magazine français « Le Cycle » a classé cette épreuve comme parmi les 10 Cyclo sportives les plus dures du Monde ! Alors si vous êtes intéressé par la découverte d’un nouveau pays en même temps que d’un challenge sportif unique, foncez et rendez-vous en 2016 !

EN CE QUI NOUS CONCERNE Du point de vue résultat brut, j’ai terminé et c’est bien là l’essentiel, le but que je m’étais fixé. J’ai parcouru les 87 Km de montée depuis le départ des gorges en 4h35, me classant ainsi 91ème au scratch et 22ème de ma catégorie sur 300 Finishers. Le plus important est ailleurs, j’ai pris beaucoup de plaisir, profité du paysage et redécouvert un pays avec déjà l’envie de revenir l’an prochain. Mon partenaire d’aventure Nicolas Raybaud a de son côté fait beaucoup plus fort : il termine 18eme au classement scratch, et premier de sa catégorie amateur 20-30 Ans. Quelques chose me dit que lui aussi se verrait bien derrière la ligne de départ l’an prochain… Affaire à suivre donc… NICOLAS RAYBAUD


QUELQUES MOTS SUR NOTRE AVENTURE En Août dernier Nicolas Raybaud et moi-même avons décidé de participer à cette course et d’effectuer un voyage sur l’ile. Il a fallu alors tout mettre en place petit à petit, un tel déplacement ne s’improvise pas si on veut profiter du voyage et c’est un challenge à la fois logistique et sportif qui nécessite un minimum de préparation dans les deux domaines. NICOLAS ET THOMAS

Pour la logistique, nous avons opté pour un vol direct Paris Taipei via la compagnie Eva Air. Pour participer à l’épreuve il était bien entendu important d’amener notre vélo avec nous. Pour transporter mon vélo en toute sécurité j’ai opté pour la solution proposée par NutriCycles avec la location de valise Scion particulièrement adaptée au voyage. La facilité pour placer le vélo dans la valise une fois démonté et le fait que la valise roule très bien sont deux gros atouts. Une fois arrivé à Taipei vous devrez vous rendre à Hualien, lieu du départ de la course, le plus simple étant de s’y rendre en train. Ensuite une fois sur place et si vous êtes de tempérament aventurier vous pouvez louer une voiture. C’est l’option que nous avons retenue nous permettant d’être autonome et de voyager sur place avec les vélos, de rouler avant / après l’épreuve sur de superbes routes. Pour les moins téméraires, l’organisateur propose un pack comprenant la prise en charge à l’aéroport de Taipei, le transport sur le lieu de la course et l’hôtel. Facile !


« UN CHALLENGE À LA FOIS LOGISTIQUE ET SPORTIF QUI NÉCESSITE UN MINIMUM DE PRÉPARATION DANS LES DEUX DOMAINES. » Dans ma valise j’avais soigneusement emballé mon Tarmac Pro Race Disque qui m’a accompagné tout au long du voyage. Ce fut le compagnon idéal, le confort et la sécurité que procurent les disques en toutes conditions restent un vrai avantage pour ce genre de voyage. Ne connaissant pas la nature des routes que nous allions rencontrer j’ai opté pour des pneus Tubo en section de 25. Après avoir parcouru un total de 700 km de route en plus ou bon état je n’ai pas crevé une seule fois. Les pneus larges m’ont même permis de baisser légèrement en pression et d’améliorer le confort sans sacrifier l’efficacité au pédalage. Compte tenu du profil particulier de la course, la plupart des concurrents (dont le vainqueur) ont opté pour un braquet 34X28. De mon côté j’avais misé sur la sécurité de peur de ne pas passer sur les derniers 10 km en choisissant un 34x32. Ce choix s’est révélé judicieux et j’ai été bien content de trouver les quelques dents en plus lors de la dernière ascension et son terrible passage à 27 %.

A B C D E

SELLE POWER BODY GEOMETRY FIT TARMAC DISC PNEU TURBO SEMELLE BG

B

A

C E D

Autre point important j’ai réalisé trois mois avant le départ un Body Geometry fit chez mon revendeur AccroVélo à Caen. Cette méthode de positionnement dynamique m’a vraiment aidé dans ma préparation et dans l’accomplissement de mon objectif. Une fois positionné sur le vélo : hauteur de selle, longueur de la potence, recul de selle, nouvelle semelle dans mes chaussures Audax, remplacement de ma selle d’origine par une selle Power adaptée à mon écartement ischiatique j’ai vraiment eu la sensation d’être posé sur mon vélo. Je n’ai jamais eu, lors de 2000 km d’entrainement et pendant l’épreuve en elle-même, de douleur ou d’inconfort lié à ma position sur le vélo. Mieux encore, à chaque fois que je monte sur le vélo je me sens en confiance avec l’agréable sentiment que tout tombe sous la main. De plus la proximité qui s’installe avec un technicien est un aspect important du fit, et ce dernier est vite devenu mon confident vers lequel je me tournais en cas de doutes ou besoin de conseils.


REMERCIEMENTS

Merci à AccroVélo Caen et Justin pour le montage du vélo ainsi que le Body Geoemtry Fit, NutriCycles.com, pour la valise pour transporter le vélo, Jean-Christophe Lapierre mon training partenaire pour ses conseils, l’équipe Specialized Taiwan pour leur accueil, et surtout à ma femme pour son soutien. Un grand merci à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à cette aventure. Ils se reconnaitront !


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