Newsletter Prévention et promotion de la santé Septembre 2009
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Apprentissage sociétal 3
Lorsque la société apprend
L’apprentissage sociétal ne consiste pas seulement en l’appropriation de savoirs individuels mais en un processus collectif incluant l’ensemble de la société. La connaissance de ces mécanismes fournit notamment des réponses à des questions fondamentales de la prévention. Comment la société a-t-elle réagi à la détresse des toxicomanes sur les scènes de drogue ouvertes dans les années 80 et 90? Qu’en est-il avec le tabagisme passif? L’académie des dépendances 2009 qui s’est tenue au Tessin était consacrée à l’apprentissage sociétal, c’est-à-dire à l’élaboration commune de compétences permettant à une société d’analyser des problèmes complexes et de trouver des solutions. Ces nouvelles valeurs collectives doivent ensuite être durablement ancrées.
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Entretien avec Verena El Fehri et Sandro Cattacin Comment fonctionne l’apprentissage sociétal, quelle peut être son application dans la prévention et quelles sont les limites? Sandro Cattacin, professeur de sociologie et Verena El Fehri, spécialiste de la prévention du tabagisme, se sont entretenus avec spectra sur le concept et l’utilisation pratique de l’apprentissage sociétal, sur les échanges entre spécialistes dans le cadre de l’académie des dépendances 2009, sur les risques de manipulation, les opportunités et les limites des processus d’apprentissage sociétal.
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Une campagne contre la grippe en un temps record Il n’a pas fallu plus de quatre semaines à l’Office fédéral de la santé publique pour lancer une campagne destinée à enrayer la propagation de la grippe pandémique en Suisse. Selon les prévisions, trois à cinq fois plus de personnes pourraient être touchées par le virus qu’en année normale. Des indications simples à suivre informent avec humour sur ce que chacune et chacun peut faire pour freiner l’extension de la maladie. Des humoristes célèbres font passer les messages par le biais de spots télévisés et rappellent sans rire: Ce n’est pas une plaisanterie.
Des processus d’apprentissage sociétal à l’échelle mondiale OMS et OCDE. Pour la Suisse, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) sont des références internationales importantes en matière d’apprentissage sociétal. La réussite d’un processus d’apprentissage sociétal se traduit toujours dans une forme quelconque d’institutionnalisation (loi, ordonnance, etc.). Généralement, cette institutionnalisation est précédée de décisions politiques qui, de leur côté, suivent les lignes directrices et Impressum: spectra No 76, Septembre 2009 «spectra – Prévention et promotion de la santé» est un bulletin d’information de l’Office fédéral de la santé publique qui paraît six fois par an en français, en allemand et en anglais. Il publie également des opinions qui ne coïncident pas avec la position officielle de l’office. Editeur: Office fédéral de la santé publique 3003 Berne, Tél. 031 323 54 59, Fax 031 324 90 33, www.bag.admin.ch Réalisation: Pressebüro Christoph Hoigné, Allmendstr. 24, 3014 Berne, hoigne@datacomm.ch Responsable de la commission de rédaction: Adrian Kammer, adrian.kammer@bag.admin.ch Textes: Collaborateurs de l’OFSP, Christoph Hoigné et d’autres auteurs Traduction: Marie-Françoise Dörig-Moiroud Photos: OFSP, Christoph Hoigné, iStockphoto Graphisme: Lebrecht typ-o-grafik, 3006 Berne Impression: Büetiger AG, 4562 Biberist Tirage: 6400 ex. allemands, 3400 ex. français, 1050 ex. anglais Il est possible de commander des numéros séparés et des abonnements gratuits à: GEWA, Alpenstrasse 58, Case postale, 3052 Zollikofen, Téléphone 031 919 13 13, Fax 031 919 13 14, service@gewa.ch Le prochain numéro paraîtra en Novembre 2009 www.spectra.bag.admin.ch
n’y est plus définie comme un état mais comme un processus, créé et vécu par les hommes dans leur environnement quotidien. Cette définition dynamique pose comme facteurs importants de santé: la stabilité politique, des conditions de logement appropriées, un véritable espoir de formation, une alimentation équilibrée, un revenu minimum, un écosystème stable, et la justice sociale. Définition de la santé Pour faire passer les aspirations sanipar l’OMS: la référence taires dans d’autres domaines poliL’Organisation mondiale de la santé tiques, on a développé des stratégies in(OMS), fondée en 1947, est l’une des or- tégratives, à l’instar de la plus connue ganisations les plus influentes qui initie «Santé pour tous au XXIe siècle», dont des processus d’apprentissage sociétal les objectifs ont été concrétisés pour la dans son domaine et aide ainsi ses Suisse en 2002 par la Société suisse de Etats-membres à atteindre la meilleure santé publique. santé possible pour leur population. La L’OCDE pour une économie véritable inspiratrice de cet engagement durable est la définition ancrée dans la constitution de l’OMS selon laquelle la «santé» L’OCDE a été créée en 1948 par 16 pays est un état de bien-être social, physique européens avec pour objectif d’élaborer et mental complet qui ne se traduit pas et de mettre en œuvre des concepts uniquement par l’absence de maladie communs de reconstruction économique ou de handicap. Cette définition a per- et de coopération en Europe. Depuis, mis à l’OMS de lier dès le début l’appa- l’OCDE compte 30 Etats-membres et rition, la propagation et le développe- s’engage de manière accrue pour un dément d’une maladie au contexte social. veloppement durable de l’économie. Par Cette conception des choses a permis le biais d’analyses et de recommandad’atteindre des réussites mondiales tions, elle encourage l’égalité d’accès à dans la lutte contre les maladies infec- la formation et au système de santé et lutte tieuses et de camper la prévention struc- contre l’exclusion sociale et le chômage. turelle et comportementale. Dans un L’UE en tant que législateur monde interconnecté, la lutte contre les maladies infectieuses demeure un défi En matière d’apprentissage sociétal, dont les conséquences s’étendent jusque l’Union Européenne (UE) exerce avant dans le quotidien social. C’est pourquoi tout une fonction législative. Les Etatsla planification de la pandémie est l’une membres assument leur propre respondes formes d’apprentissage sociétal les sabilité pour la plupart des activités dans le domaine de la santé. L’UE est plus développées. En 1986, l’OMS a introduit le concept de toutefois tenue de compléter le travail promotion de la santé au niveau mon- des Etats-membres, notamment au nidial avec la Charte d’Ottawa. La santé veau des risques sanitaires transfronta-
liers, de la mobilité des patients et de la réduction des inégalités sanitaires. L’Agenda de Lisbonne est le principal instrument politique de l’UE orienté sur la croissance économique et la productivité. La prise en compte de l’aspect sanitaire dans cet Agenda peut être considérée comme l’une des plus belles réussites en matière d’intégration de l’aspect sanitaire dans d’autres domaines politiques.
mance, le manque d’activité physique sont, certes, souvent discrets, mais catastrophiques pour les victimes. Face à cette dimension humaine, on trouve les intérêts économiques. L’industrie des jeux affiche des chiffres d’affaires qui ont désormais dépassé toute l’industrie cinématographique. Le jeu en ligne World of Warcraft (WoW) et ses 11 millions d’utilisateurs qui dépensent chaque mois 15 dollars pour faire progresser leur identité virtuelle dans le cyberespace y contribue de manière sensible. Une étude allemande de grande ampleur a pu démontrer récemment le risque de dépendance élevé que WoW comporte. Cette constatation a conduit à fixer l’âge limite d’utilisation à 18 ans au lieu de 12. Il y a 15 ans, parler d’une utilisation pathologique d’Internet prêtait à sourire, alors qu’aujourd’hui, l’intégration du trouble dans les clés internationales de diagnostics cliniques est exigée et le problème abordé lors de chaque conférence sur les dépendances. Les premiers à avoir identifié le risque recelé par l’utilisation des nouveaux mé-
sent le Web 2.0 de manière habile, créative et sélective en fonction du but recherché. Pour la première fois dans l’histoire des médias, le développement de formes de communication électroniques est particulièrement déterminant dans la mesure où elles créent de nouveaux contacts et réseaux. Il est indispensable de prendre leurs aspirations au sérieux, de s’intéresser à leur action dans des mondes virtuels afin d’encourager le futur développement dans un esprit de dialogue commun et d’exercer une influence sur la politique et l’économie. L’objectif doit être d’établir une culture globale et une éthique dans l’utilisation des nouveaux médias, de réduire les risques et d’encourager les chances.
les standards des organisations internationales. Pour la Suisse, l’OMS et l’OCDE sont les références majeures en la matière. Or ces deux organisations puisent elles aussi leur efficacité dans les méthodes de l’apprentissage sociétal, le plus souvent au travers du développement et de la propagation de concepts et d’analyses comparatives.
Liens sur la question: www.who.int www.oecd.org, www.ec.europa.eu/health Contact: Regula Riˇcka, Unité de direction Politique de la santé, regula.ricka@bag.admin.ch
Qu’entend-on par apprentissage sociétal? L’apprentissage sociétal ne consiste pas seulement en l’appropriation de connaissances individuelles mais en un processus collectif incluant l’ensemble de la société. Les connaissances sur les mécanismes de ce type de processus d’apprentissage fournissent, entre autre, des réponses à des questions fondamentales de la prévention, par exemple: comment intervenir dans des processus et les influencer positivement dans un système social bipolaire? Que faire pour introduire de nouvelles valeurs et les ancrer durablement dans la société? Quelles interventions entreprendre pour atteindre de larges segments de population et leur inculquer de nouvelles valeurs collectives? En ce sens, l’apprentissage sociétal a pour but l’élaboration commune de compétences dans une société afin d’analyser des problèmes complexes et d’élaborer des solutions.
Forum Cyberdépendance, reconnaissance sociale et apprentissage sociétal Des groupes entiers de population modifient aujourd’hui en quelques années leur comportement de communication, poussés par une dynamique inédite des développements techniques. Le téléphone, par exemple, a mis 75 ans pour toucher 50 millions d’utilisateurs, alors qu’Internet a obtenu le même taux de pénétration en quatre ans. A l’époque du @, les pendules s’affolent! Cette nouvelle donne a généré une nouvelle forme de dépendance comportementale, la cyberdépendance. Le terme désigne l’utilisation excessive et nocive pour la santé de nouveaux médias. Il s’agit en particulier de la participation sans limite aux jeux en ligne, de la présence permanente dans les systèmes de communication tels que les chats, facebook, etc. et de la consommation durant des heures de sites sexuels et pornographiques. Les effets à long terme tels que l’isolement social, la baisse de perfor-
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dias pour leur groupe cible ont été des professionnel-les et des animateurs et animatrices socioculturel-les. Dès les débuts du nouveau siècle ces spécialistes ont demandé la diffusion d’informations en Suisse et l’organisation de séminaires sur la cyberdépendance. Un autre groupe, celui des parents et des enseignant-es, s’est également engagé en faveur de limites et de mesures préventives. Ce n’est que plus tard que d’autres professionnel-les du domaine social et en particulier des services de prévention des dépendances ont joint leurs efforts au premier groupe. Bien entendu, les médias étaient également impliqués dans le processus d’information. Ces impulsions venues d’horizons divers ont été et sont toujours importantes si l’on veut identifier à temps les chances et les risques de l’ère du multimédia et réagir immédiatement. Les processus d’apprentissage collectifs, tels qu’ils sont décrits avec l’apprentissage sociétal, sont déterminants dans la mise en place de compétences conduisant à l’utilisation constructive des nouveaux médias. Les jeunes et divers sous-groupes utili-
Franz Eidenbenz, lic. phil., psychothérapeute FSP spécialisé en psychologie et nouveaux médias
En première ligne
«Apprentissage sociétal» ou comment fumer est devenu un geste incongru Dépendances et processus d’apprentissage sociétal. Entre la démonstration scientifique de la nocivité du tabac pour la santé et l’interdiction officielle de fumer dans les lieux publics se déroule un processus d’apprentissage sociétal. De quelle nature? A quelles influences est-il soumis? Ces questions et d’autres aspects de l’apprentissage sociétal ont fait l’objet de la deuxième académie des dépendances qui s’est déroulée du 26 au 28 mars à Ascona.
propre santé? Comment les acteurs les plus divers peuvent-ils garantir une politique des dépendances cohérente? Telles sont les questions auxquelles se sont confrontés les 80 participant(e)s à la deuxième académie des dépendances qui s’est tenue sur le Monte Verità au dessus d’Ascona. Le Groupe d’experts Formation Dépendances (GFD) avait été chargé par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) de convier les spécialistes à cet atelier de réflexions et d’apprentissage dont les objectifs étaient les suivants: conceptualiser le thème de l’apprentissage sociétal, l’analyser à A la fin du XXe siècle, de séduisants l’aide d’exemples pratiques de procescow-boys fumeurs étaient des supports sus sociaux de changement et d’apprenpublicitaires efficaces. Aujourd’hui, fu- tissage dans le domaine des dépenmer n’a plus rien d’héroïque et est tou- dances et le faire fructifier. jours plus banni des lieux publics vers Connaissances de bases issues les espaces privés. L’attitude envers la de la sociologie consommation de tabac a enregistré un changement radical qui ne s’est pas fait Toute la discussion et le travail au sein du jour au lendemain, mais au cours des ateliers ont reposé sur la thèse du d’un processus d’apprentissage sociétal Prof. Sandro Cattacin, Directeur du département de Sociologie de l’Université de plusieurs décennies. de Genève, dans lequel il mentionne noL’exemple du tabac tamment le rôle ambivalent des subsContrairement à l’apprentissage indivi- tances engendrant des dépendances duel, l’apprentissage sociétal est un dans l’émancipation des jeunes. Par processus collectif incluant l’ensemble exemple, la consommation d’alcool qui de la société. Dès lors, la première trouve une connotation majoritairement question est celle de la manière dont la positive dans le monde des adultes qui société aborde ce changement de va- s’y adonnent devant et avec les jeunes. leur et dont les résultats d’un tel chan- En revanche, le cannabis et d’autres gement peuvent être ancrés, par substances soumises à la loi sur les stuexemple sous forme de nouvelles lois péfiants sont majoritairement proscrits, ou ordonnances. et c’est précisément cette interdiction Le tabac permet d’illustrer le processus qui les rend intéressants pour les jeunes d’apprentissage sociétal – et ses éven- qui veulent se démarquer, briser les intuels blocages. Environ 50 ans se sont terdits et entretenir leurs «propres déécoulés entre les affirmations médicales pendances». Dans une société ouverte et les conséquences législatives. Les pu- comme la Suisse, de nouveaux styles de blications scientifiques des années 1950 vie peuvent ainsi apparaître, liés à n’ont pas conduit à la percée attendue d’autres représentations morales. Le dans la lutte contre l’abus de tabac, pas développement des scènes de drogue même au sein du corps médical. Le pro- dans les années 1980 –1990 a particucessus d’apprentissage collectif a été en- lièrement souligné cette dimension motravé durant des décennies par l’indus- rale. Les effets connexes des scènes de trie du tabac. Des scientifiques «vendus» drogue ouvertes ont conduit à une forte ont contribué à embrumer, par des ar- pression dans la société et – contraireguments douteux, une situation parfai- ment à ce qui s’est passé pour le tabac tement claire. La crainte de perdre de – à un processus d’apprentissage sociégénéreux donateurs a même conduit tal rapide. De nouveaux modèles mod’importantes ONG à occulter le pro- raux peuvent ainsi s’établir, tels que la blème. Ce n’est que sous la pression des tolérance envers le haschich ou une atprocès en responsabilité civile aux titude d’aide en matière de drogues fesEtats-Unis que l’industrie du tabac a dû tives sous forme d’offres de tests et de cesser de contester la nocivité de ses recommandations comportementales. produits. Aujourd’hui, les interdictions La meilleure preuve en est l’acceptation de fumer dans les lieux publics sont à grandissante au sein de la population de l’ordre du jour et ne pas fumer est de- la prescription médicale d’héroïne aux venu la norme. personnes fortement dépendantes.
que de nouvelles lois voient le jour. Pour l’Etat, il est important d’ancrer légalement ces mouvements de société avant qu’ils ne sombrent dans l’oubli comme ce fut le cas dans le domaine des drogues dans les années nonante. La relative bonne ouverture de la population à l’égard du problème des drogues a partiellement disparu en raison des atermoiements sans fin des politiques, empêchant aussi la révision libérale de certains points essentiels de la loi sur les stupéfiants.
Connaissances et stratégies d’avenir La question de l’impact des connaissances actuelles sur les futurs processus d’apprentissage a occupé le centre des discussions plénières et des différents ateliers. Les débats ont porté prioritairement sur les aspects suivants du processus d’apprentissage sociétal: –P our lancer un apprentissage sociétal, il faut créer une certaine implication à l’égard d’un problème de dépendance. –L e côté émotionnel peut être un auxiliaire important tant qu’il repose sur des faits. –L es processus d’apprentissage sociétal efficients et efficaces sont la plupart du temps de durée limitée. La présence permanente d’un sujet peut être contreproductive. – L’exemple du cannabis le montre: des solutions pragmatiques telles que le modèle d’amendes d’ordre ou l’encouragement de compétences de consommation réussissent mieux que les exigences dogmatiques d’abstinence. –F ace à l’épidémie de surpoids, la question de mesures de réglementation dans l’offre de denrées alimentaires se pose. –U ne collaboration interdisciplinaire accrue s’impose dans un contexte de conception large des dépendances. –L es fournisseurs de produits potentiellement générateurs de dépendances (des jeux informatiques aux denrées alimentaires) doivent davantage être placés face à leurs responsabilités. –D ans le cas des médias électroniques on envisagera la possibilité et les modalités d’appliquer des concepts d’autres domaines.
Alors qu’aux XIXe et XXe siècles, acquérir, générer, créer des connaissances était la priorité absolue, le XXIe siècle se concentrera davantage sur la manière de préserver ce savoir et de l’exploiter efficacement. Pour ce faire, ces connaissances doivent être communiquées de manière à ce que les individus les identifient comme importantes pour leur propre action. C’est pourquoi nous devons nous demander comment les sociétés apprennent, ou ce qui les motive à adapter leurs règles, leurs attitudes et leurs actes aux nouvelles connaissances. Ce n’est pas une évidence, comme en atteste l’histoire de la prévention du tabagisme. Il aura fallu 50 ans pour que la connaissance de la nocivité du tabac soit véritablement intégrée par les politiques et par la société et que des mesures efficaces soient mises en œuvre. Il a fallu attendre la thématisation du tabagisme passif pour que la population se sente concernée concrètement dans son quotidien, créant ainsi la condition qui, d’un point de vue de santé publique, a réussi à rassembler une majorité politique autour de la limitation indiscutable de la consommation de tabac. A posteriori, que pouvons-nous apprendre de ce type de processus? Pourraient-ils livrer des indices sur la manière d’aborder d’autres problèmes de santé publique socialement importants afin d’atteindre des effets durables? Ces questions et leurs corollaires ont fait l’objet des débats lors de l’académie des dépendances qui s’est tenue du 26 au 28 mars 2009 à Ascona. Même si aucune réponse définitive n’a pu être apportée, une première approche de politique de dépendances a été discutée, qui relie les connaissances professionnelles sur les dépendances à celles dont on dispose à ce jour sur les lois générales de l’apprentissage sociétal. Cette manifestation a offert l’occasion de rapprocher des personnes d’horizons professionnels et d’opinions politiques différents; en d’autres termes, elle n’a pas seulement permis de thématiser l’apprentissage sociétal, mais aussi de le vivre. Le présent numéro de spectra souhaite vous motiver à intégrer les réflexions présentées dans votre quotidien, à les développer et ainsi à pratiquer l’apprentissage sociétal.
L’OFSP charge le GFD d’approfondir la question de l’apprentissage sociétal. Markus Jann, L’académie des dépendances constitue responsable section Drogues, un élément essentiel qui s’engage pour Office fédéral de la santé publique. un dialogue interdisciplinaire au-delà L’Etat réagit sous l’impulsion L’académie des dépendances: des clivages sur des questions de polide la population un atelier de réflexion et tique des dépendances. Pour ancrer ce Les changements d’attitude et de com- dialogue et les connaissances acquises d’apprentissage Quelles expériences peut-on tirer du portement n’émanent pratiquement ja- dans la pratique, il est prévu d’organiser domaine du tabac pour les autres mais de l’Etat. Ce dernier réagit presque des congrès régionaux en Suisse rodomaines de dépendances? Quels fac- toujours à des impulsions provenant de mande et en Suisse alémanique. teurs jouent un rôle central dans ces la population. C’est ainsi qu’il a fallu atLien: www.suchtakademie.ch processus d’apprentissage? Comment tendre les exigences de la population en Contact: René Stamm, section Drogues, convaincre la population d’adopter des matière de protection des non-fumeurs rene.stamm@bag.admin.ch processus de changement concernant sa d’un tabagisme passif involontaire pour
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«Il est plus difficile d’atteindre un consensus dans un monde globalisé, Entretien avec Verena El Fehri et Sandro Cattacin. L’académie des dépendances 2009 qui s’est tenue au Tessin était placée sous le signe de «l’apprentissage sociétal». Nous nous sommes entretenus avec Sandro Cattacin, sociologue, et Verena El Fehri, spécialiste de la prévention du tabagisme, sur ce thème et sur ses effets pour la prévention.
gisme, comment un apprentissage sociétal a vraiment eu lieu dans ce domaine concret. Le point de départ théorique était avant tout de décrire ce processus. A l’origine, les organisateurs voulaient répondre à la question de savoir que retirer de ce processus pour l’avenir ou pour d’autres domaines. Mais tirer de simples conclusions du style «Si nous faisons telle ou telle chose, nous atteindrons tel ou tel objectif dans 10 ans» ne fonctionne pas bien sûr. Pour spectra: La notion d’apprentismoi, l’académie des dépendances était sage sociétal est relativement passionnante car je m’intéresse au récente. Pouvez-vous, en changement social au-delà du cadre de quelques phrases, nous explimon domaine professionnel. J’ai pu voir quer l’essentiel? notre travail placé dans un contexte Sandro Cattacin: Les sociétés se trans- élargi. Enfin, l’académie des dépenforment en permanence, mais les pro- dances offre également un lieu cessus de changement ont des origines d’échange privilégié aux spécialistes variées. Pour se démarquer de l’existant, des domaines les plus divers. on parlera plutôt d’évolution. Mais s’il A propos de domaines les plus s’agit de processus d’apprentissage divers: y a-t-il, en matière d’apconcernant la société dans son enprentissage sociétal, un dénomisemble, on parlera alors de processus nateur commun dans les divers d’apprentissage sociétal. Ces types domaines? d’apprentissage collectif puisent leur origine dans des situations de stress so- Cattacin: Les processus sont très diffécial, de souffrance, d’injustice ou dans rents selon la situation, y compris dans d’autres thèmes peu fédérateurs, qui le travail de prévention. Nous savons conduisent à des débats dans l’espace que la consommation de tabac ne doit public. Les processus d’apprentissage pas être mise en relation avec la douleur sociétal correspondent à des institution- mais avec une bonne stratégie de marnalisations consécutives à un éclaircis- keting ou avec une manipulation publisement de l’apprentissage collectif, qui citaire, ce qui permet de poser la quesse manifestent ensuite aussi sous forme tion en d’autres termes: comment faire de nouvelles règles, de lois ou d’autres sortir l’image du fumeur du tableau? Ou comment influencer l’industrie du tabac changements constitutionnels. de manière à ce qu’elle poursuive une Des spécialistes dont vous faites stratégie de marketing moins manipulapartie, Madame El Fehri, sont trice? En revanche, le problème est ratrès intéressé-e-s par le profit dicalement différent dans le domaine que l’on peut tirer de ce genre des drogues illégales. Les scènes de drod’observation. Vous avez partigue ouvertes et le défi moral qu’elles pocipé à l’académie des dépensaient ont permis d’entamer un débat dances placée, cette année, sous public sur une souffrance sociale. Les le signe de l’apprentissage socié- toxicomanes et leur souffrance étaient tal. Pouvez-vous nous dire brièdirectement visibles dans l’espace puvement ce que vous y avez apblic, si bien qu’il n’était pas possible pris et ce que vous en avez retiré d’occulter ce problème social en suivant personnellement? la logique du tout ou rien. Ces débats El Fehri: Beaucoup de choses, car les publics ont ensuite conduit – dans la débats étaient très variés. Nous avions ligne directe du concept d’apprentisd’un côté les réflexions plutôt théo- sage sociétal – à des solutions pragmariques de Sandro Cattacin et, de l’autre, tiques, à savoir à notre politique moles nombreux exemples tirés de la pra- derne en matière de drogues. tique. Rétrospectivement j’ai trouvé très Mais la variété des situations conduit intéressant d’analyser, à partir de également à une variété des solutions. l’exemple de la prévention du taba- En matière de prévention, il est impor-
Verena El Fehri est responsable de l’Association suisse pour la prévention du tabagisme et membre de la Commission fédérale pour la prévention du tabagisme (CFPT). En tant que membre du comité d’initiative pour la protection du tabagisme passif, elle s’engage en particulier pour une réglementation nationale cohérente de l’interdiction de fumer dans tous les lieux accessibles au public et sur tous les lieux de travail.
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Sandro Cattacin est professeur de sociologie et directeur de l’Institut de sociologie de l’université de Genève. Ses domaines de spécialisation sont notamment la politique sociale et sanitaire, la sociologie urbaine, la sociologie économique et la sociologie des migrations. Il est membre de la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues ainsi que de la Commission fédérale pour les questions liées au sida. Il a enseigné aux universités de Malmö (Suède), Neuchâtel, Zurich, Fribourg et Constance.
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tant de savoir si l’on peut s’appuyer ou non sur un écho à priori favorable de la société lors de l’introduction de nouvelles lois. Si la société accepte la nocivité du tabac, il sera plus facile d’introduire des lois anti-tabac. Dans le cas des addictions encore tabou dans la société, telles que la boulimie, l’anorexie, le jeu compulsif ou aussi le nouveau genre de consommation excessive d’alcool chez les jeunes, il est plus difficile de déclencher ces processus d’apprentissage sociétal.
La souffrance est-elle synonyme de visibilité? En d’autres termes: tant que la souffrance reste cachée, la pression sociale n’est manifestement pas là. Ce n’est donc plus une question de souffrance mais de seuil de tolérance à la souffrance, comme pour la cyberdépendance. Puisque les personnes concernées sont la plupart du temps seules dans leur coin, comment la société peut-elle réagir à une souffrance invisible? Cattacin: Elle ne réagit pas. El Fehri: Cela me ramène au tabac: bien sûr, l’industrie du tabac a très bien réussi à occulter certaines découvertes médicales. C’est précisément le fait que la souffrance imputable au tabac soit si individuelle et invisible qui nous a empêchés de parvenir plus tôt à nos fins. Avec l’alcool, l’aspect social est bien plus im-
« Une politique de prévention ne pourra éviter le risque de la manipulation que si son développement et sa mise en œuvre sont intégrés dans un processus démocratique ouvert.» Sandro Cattacin
portant. L’alcoolisme exerce une influence beaucoup plus négative sur la famille et les amis que le tabagisme. Cattacin: Je ne suis pas entièrement d’accord avec cette analyse sur le tabac. Longtemps, le fait de fumer a eu une connotation très positive et symbolisait pour de nombreuses personnes un style de vie enviable. Pour moi, la question intéressante et déterminante est de savoir quand et pourquoi cette image est devenue subitement négative. Il a fallu attendre les années 1980, une époque où l’individu s’est redécouvert pour ainsi dire. La dimension sociale du tabac a donc perdu de son effet positif jusqu’ici et s’est transformé en son contraire. Fumer est devenu un problème social, ressenti depuis comme une gêne, quelque chose de désagréable. Il faut mettre ce retournement de tendance en rapport avec le nouvel «hygiénisme» apparu dans les années 1980 et l’apparition, à cette époque, d’une nouvelle manière d’appréhender son corps (pensons à l’importance accordée au sexe à
moindre risque, au sport et à la protection du corps en général). Des portes se sont alors ouvertes pour la politique de prévention qui a commencé de plus en plus à considérer le corps comme un bien public. Gardons toutefois un œil critique sur ces tentations biopolitiques venues des Etats-Unis. En effet, permettre à un service de l’État de décider de la manière dont nous devons traiter notre corps serait la porte ouverte au totalitarisme. Or, la tâche de l’État est d’empêcher que des personnes souffrent, ou d’empêcher que la souffrance augmente. El Fehri: C’était la même chose pour le problème de la drogue où c’était moins la souffrance même des toxicomanes qui dérangeait les gens que les scènes de drogue ouvertes, comme le Letten. La compassion envers les drogués n’était pas si grande, mais la souffrance en soi était visible; impossible de l’ignorer, car tout le monde la voyait. La société a alors ressenti cette souffrance individuelle comme une souffrance collective. L’exacerbation du problème du tabac par le tabagisme passif a très fortement contribué à la percée de la prévention du tabagisme. Bien sûr, les États-unis ont une certaine influence sur l’Europe, mais en Italie par exemple, cette «hygiénisme» n’a jamais atteint le même niveau que dans d’autres États européens et pourtant, la politique du tabac va beaucoup plus loin en Italie que chez nous. Cattacin: La nouvelle culture du corps a encouragé une sorte d’ingérence de la société dans ce domaine, qui a alors modifié son attitude face au fait de fumer. En revanche, le problème des drogues illégales et la souffrance qu’elles entraînent se sont publiquement manifestés sur la Platzspitz et le Letten. C’est pourquoi les milieux religieux et médicaux ont été les premiers à se saisir de ce défi moral en assumant presque un rôle de missionnaires. Ces «tierces» personnes jouent un rôle central dans ces contextes de souffrance dans la mesure où, au travers de leurs actes, elles portent la souffrance à la connaissance de tous.
Vous avez souligné une grande différence entre le tabagisme et les drogues. Comment, alors, améliorer les stratégies de prévention s’il n’y a pas de comparaison possible? Cattacin: Dans le fond, tout devrait partir de l’analyse d’une situation concrète. Mais il y a toujours apprentissage sociétal ou apprentissage collectif. La question qui se pose donc en premier lieu est de savoir s’il s’agit d’un sujet encore complètement occulté et tabou, comme le suicide, ou si des débats publics ont déjà lieu, comme pour la consommation de cocaïne actuellement. En général, les situations de départ des programmes de prévention sont très différentes, ce qui exclut toute possibilité de réutiliser sans cesse le même programme pour une campagne de prévention. En outre, la conception d’une campagne ne doit pas
mais une fois qu’il est atteint, il est profond.» tiques émanant de la population à l’égard du travail de prévention sont dictés par l’industrie du tabac. Cette dernière a en effet de très nombreuses ramifications qu’elle sait très bien utiliser pour protéger ses intérêts.
La mondialisation est-elle une chance ou un obstacle pour l’apprentissage sociétal? Cattacin: Les deux. Dans des sociétés différenciées, les consensus reposant sur des processus d’apprentissage sociétal sont étonnamment solides, à l’instar de la politique en matière de drogues. C’est l’apprentissage sociétal qui a
« L’académie des dépendances offre un lieu d’échange privilégié aux spécialistes des domaines les plus divers.» Verena El Fehri
Sandro Cattacin
systématiquement obéir à la logique géd’images publicitaire habiles. nérale de l’État mais impliquer égaleQue répondez-vous au possible ment les organisations qui conduisent la reproche d’une éventuelle manipulation par un processus d’apcampagne pour éviter que ces dernières prentissage sociétal réussi du ne se contredisent, voire se neutralisent, point de vue de la prévention? comme nous l’avons déjà trop souvent El Fehri: Il ne s’agit pas de vouloir mavécu. nipuler qui que ce soit. Le tabagisme est La plupart du temps, un procesun problème social complexe. Notre obsus d’apprentissage sociétal jectif n’est pas l’interdiction de fumer débouche sur une réglementamais la protection contre le tabagisme tion légale. Peut-il y avoir aussi passif et la prise de conscience par chad’autres résultats pour que la cune et chacun qu’il est mieux de ne pas société puisse, par exemple, fumer du tout. maîtriser un problème sans Cattacin: Le but peut-il vraiment être l’État? une société sans tabac? Cattacin: L’apprentissage sociétal n’en- El Fehri: Peut-être y arrivera-t-on, peuttraînera un changement dans la société être que les gens consommeront autre que si les résultats sont ancrés d’une fa- chose de nocif. Mais peut-être aussi que çon ou d’une autre et stabilisés ainsi les futures générations s’étonneront, pour un certain temps afin de libérer la dans 200 ans, de l’étrangeté de nos société de l’élaboration continuelle actes. Nous ne visons pas la consommad’une problématique. Ces ancrages peu- tion zéro. L’important est que notre obvent avoir lieu au niveau politique, éco- jectif soit ouvert et clair: moins de fumée nomique, ou au niveau de plus petites et moins de fumeuses et de fumeurs. unités territoriales. Si les résultats d’un Nous ne voulons pas seulement protéger processus d’apprentissage sociétal ne les lieux publics de la fumée. Si c’était sont pas stabilisés, ils peuvent de nou- notre démarche, nous ne serions pas veau être mis en cause, car chacune et honnêtes. Notre but est d’informer les chacun pourrait venir et dire «Que vous individus sur les risques et d’instaurer trouviez déplacé de fumer dans des des garde-fous capables de réduire l’atlieux publics ne m’intéresse pas, je fu- trait de la cigarette et de restreindre son merai tout de même.» Donc, si l’on veut accessibilité. stabiliser les consensus émanés d’un Revenons à la manipulation apprentissage sociétal, il faut toujours si vous voulez bien: est-ce un une forme quelconque d’institutionnalirisque? sation. Cattacin: Oui bien sûr. Lorsque les réVous avez parlé précédemment sultats de l’apprentissage sociétal ont de manipulation de la part de été institutionnalisés sous une forme l’industrie du tabac qui a rendu quelconque, de nouveaux mécanismes ses produits attrayants à force se mettent en marche, des mécanismes
Verena El Fehri
d’auto-préservation pour ainsi dire, de la part d’institutions ou d’organisations. Ces mécanismes peuvent conduire à des réinterprétations des réglementations et des normes susceptibles de contenir des éléments manipulateurs. Prenons l’exemple du tabac. On est allé très loin dans ce domaine dans la mesure où les fumeuses et les fumeurs sont aujourd’hui en partie discriminé-e-s. Il y a aussi la stigmatisation des enfants obèses dans certaines campagnes où la tentative de manipuler l’opinion publique viole, à mon sens, tous les principes moraux. Naturellement il incombe à l’État de lancer des programmes de prévention pour mettre en œuvre sa politique de santé, mais le développement et la mise en œuvre d’une telle politique doivent impérativement intégrer des voix critiques. L’OFSP donne l’exemple en la matière en impliquant systématiquement – comme lorsqu’il s’agit de trouver des slogans – les actrices et les acteurs principaux. Le domaine du sida est également exemplaire dans la mesure où des campagnes entières sont confiées aux groupes concernés. Cela permet de s’approcher au maximum des groupes cibles et de renoncer à l’instrumentalisation pour suivre une logique ancrée dans des processus démocratiques. En d’autres termes: une politique de prévention ne pourra éviter le risque de la manipulation que si son développement et sa mise en œuvre sont intégrés dans un processus démocratique ouvert. El Fehri: L’exclusion n’est certainement pas notre objectif. Il est évident que nous prenons aussi toute critique au sérieux, mais souvent, les arguments cri-
conduit au caractère aujourd’hui très pragmatique de notre politique dans ce domaine. Dans des sociétés complexes influencées par la mondialisation, la mobilité et la migration, les solutions pragmatiques, pour ainsi dire apolitiques et libres de tout dogme moralisateur, apportées à des questions très délicates, sont le plus souvent la seule possibilité d’atteindre un consensus. Dans un monde globalisé, il ne faut pas seulement communiquer davantage, il faut aussi s’attacher à atteindre des consensus de plus en plus difficiles à trouver; néanmoins, une fois atteints grâce, précisément, à des processus d’apprentissage sociétal, ces consensus sont souvent très solides. Mais cette solidité est limitée dans le temps, car le processus d’apprentissage collectif se poursuit en même temps que la société se transforme, notamment en raison de la forte mobilité. Permettez-moi de citer l’exemple de Genève qui accueille chaque année environ 60‘000 nouvelles et nouveaux habitant-e-s, si bien que la ville se sera complètement renouvelée dans 5 à 6 ans. On comprend, dès lors, la nécessité de poursuivre en permanence le travail sur les questions sociales dans les processus d’apprentissage sociétal, car toute stabilité à long terme est illusoire lorsque des sociétés changent si rapidement.
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Impressionen vom act-info-Symposium
Christopher Eastus
Mariana Delgrande
Barbara Broers
Harmonisation des statistiques d’aide aux personnes dépendantes – bilan intermédiaire Evaluation act-info. Aujourd’hui, act-info donne un aperçu satisfaisant des possibilités de recours aux institutions d’aide en matière de dépendance. L’objectif principal est donc atteint, mais il reste à améliorer le rapport coût-utilité à l’avenir. Placé sous l’égide de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), le projet act-info a permis, au cours des sept dernières années, de regrouper les cinq statistiques d’aide aux personnes dépendantes, SAMBAD (aide ambulatoire en matière de dépendance), Residalc (traitement résidentiel de l’alcoolisme), FOS (traitement résidentiel de la toxicomanie), HeGeBe (traitement avec prescription d’héroïne) et la statistique nationale des traitements avec méthadone en un système de monitorage unique de la clientèle à l’échelle de la Suisse. Après plus de 10 ans d’existence, la division Programmes nationaux de prévention et la section Bases scientifiques et juridique de l’OFSP ont mandaté une évaluation d’act-info afin de tirer un bilan intermédiaire.
Une enquête réalisée à grande échelle L’évaluation portait sur les questions centrales de la pertinence de la banque de données act-info, du caractère optimal des processus de mise en œuvre, de l’usage fait des données récoltées et de la forme sous laquelle act-info doit être
poursuivi. Les résultats doivent permettre d’optimiser act-info et offrir des aides à la décision concernant la poursuite du projet et la conception des nouveaux contrats avec les institutions de recherche impliquées. L’enquête a été conduite auprès des fournisseurs de prestations (OFSP et instituts de recherche), d’autres représentant-e-s de l’OFSP et du responsable d’InfoDrog. Dans un second temps, les principaux groupes cibles externes ont également été interrogés par écrit: diverses institutions d’aide en matière de dépendance, médecins cantonaux, milieux de la recherche, associations intéressées par la question, Conférences des délégués des villes et des délégués cantonaux aux problèmes de toxicomanie et autres spécialistes de l’OFSP.
mettant une gestion de la qualité), ou n’y a répondu que de manière incomplète.
Un relevé exhaustif et un rapport coût-utilité déficients
Les potentiels d’amélioration concernent essentiellement l’exhaustivité des données d’act-info. Le faible taux de retour dans les domaines particulièrement importants de la méthadone et de SAMBAD reste insatisfaisant par rapport aux objectifs d’exhaustivité. De même, la qualité des données dans ces domaines laisse souvent à désirer même si, dans l’ensemble, la qualité des données et des analyses est jugée bonne par les différents groupes cibles. Le rapport coût-utilité est, de l’avis des fournisseurs de données, tendanciellement négatif, ce qui explique sans doute en grande partie la faible disposition à liUne statistique de base vrer des données dans les domaines SAMsatisfaisante BAD et méthadone, alors que ce sont préSelon l’évaluation, l’objectif d’act-info, à cisément ces domaines qui devraient savoir la création d’une statistique de générer la plus grande part des données base apte à fournir à différents groupes (97%). Pour l’OFSP, principal bailleur de d’utilisateurs un aperçu satisfaisant des fonds du projet, le rapport coût-utilité possibilités de recours aux institutions n’est pas non plus optimal. Une partie des ambulatoires et résidentielles d’aide en coûts assumés par l’OFSP pour la fournimatière de dépendance en Suisse a été at- ture de prestations est investie dans des teint. En revanche, act-info n’a pas répon- produits et des données peu utilisées. du aux aspirations des groupes cibles déact-info: quel avenir? passant la pure information sur les aides en matière de dépendance (p. ex. bases La nécessité de disposer d’une statistique d’une planification de l’offre, comparai- commune telle qu’act-info est indiscuson avec d’autres institutions, bases per- table, car elle est un élément important
de la prévention et de l’aide en matière de dépendance en Suisse. Toutefois, l’appréciation négative de son utilité par les groupes cibles révèle un besoin d’optimisation et d’adaptation de manière à ce que le rapport coût-utilité soit amélioré, non seulement pour les fournisseurs de données, mais d’une manière générale. Partant de deux scénarii principaux (extension ou réduction), les auteur-e-s de l’évaluation penchent en faveur d’une réduction générale d’act-info et en particulier du questionnaire. Ils/Elles proposent un module de base que des modules complémentaires pourront compléter selon les besoins des institutions ou des bailleurs de fonds. Il serait ainsi possible de réduire considérablement le travail des prestataires et des fournisseurs de données. De plus, un questionnaire plus concis devrait accroître la disposition à participer – notamment de la part des institutions ambulatoires et des médecins cantonaux, ainsi qu’améliorer la qualité des données. Lors de la poursuite du concept on veillera également à harmoniser les activités d’act-info avec celles d’autres projet, notamment le futur monitorage des dépendances et le projet en cours QuaTheDa-E, qui a également besoin de données de client-e-s. Contact: Christine Heuer, service Evaluation et recherche, christine.heuer@bag.admin.ch
Symposium act-info: une réussite Symposium act-info. Le premier symposium act-info s’est tenu le 5 mars 2009 au Stade de Suisse à Berne en présence de 210 spécialistes du domaine des dépendances, sous le titre «Consommation de substances psychotropes en Suisse - Tendances et nouveaux défis». L’objectif du symposium était non seulement de favoriser les échanges entre professionnel-le-s mais aussi de mieux faire connaître act-info et d’entretenir le contact avec les institutions et les autorités fournisseuses de données. La manifestation a été ouverte par Roy Salveter, responsable de la division Programmes nationaux de prévention à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) qui, par son humour et son enthousiasme réussit à captiver le public
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et à donner au symposium un départ optimal.
Des intervenants de prestige Deux des exposés présentés le matin le furent par des membres de l’équipe d’act-info: Marina Delgrande et Etienne Maffli ont abordé l’évolution du profil des usagers du système d’aide en matière de dépendances, tandis que Michael Schaub a décrit les offres, les problèmes et la demande dans le traitement des personnes dépendantes de la cocaïne. Avec Franziska Eckmann d’InfoDrog et Françoise Dubois-Arber de l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive, Lausanne, les participant-e-s ont pu écouter deux expertes de renom. Franziska Eckmann a traité du développement de la consommation, du système de placement et de l’offre en matière de traitement et Françoise
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Dubois-Arber a présenté un exposé sur la situation des consommateurs et de la consommation dans les structures à bas seuil.
Des ateliers pourvoyeurs d’idées précieuses
responsables d’act-info des idées précieuses pour l’orientation future de leur projet.
Réactions positives
En conclusion, Martin Büechi, responsable de la section Bases scientifiques et L’après-midi était consacré à l’échange juridiques, revint avec beaucoup d’élovisant à rapprocher la recherche et la quence sur l’évolution d’act-info et répratique. Les 13 ateliers organisés cha- suma de manière percutante les cun deux fois n’avaient pas pour seul résultats des ateliers – clôture réussie objet d’informer mais aussi d’offrir à d’une manifestation couronnée de sucact-info et à l’OFSP la possibilité d’adap- cès! Ses paroles furent confirmées par ter leur offre aux différents besoins. Les les questionnaires remplis après le symateliers dédiés à des thèmes tels que le posium et qui ont accordé à la manifestraitement avec cocaïne, la consomma- tation des appréciations se situant mation d’alcool contrôlée, les botellones, le joritairement entre «très bien» et cannabis, les toxicomanes vieillissants «plutôt bien». ou l’ecstasy étaient dirigés par des perContact: Christopher Eastus, sonnes clés du domaine des dépensection Bases scientifiques et juridiques, dances. Les débats animés et les difféchristopher.eastus@bag.admin.ch rentes opinions ont fourni aux
Etienne Maffli
René Stamm
Felix Jeanmaire
Françoise Dubois-Arber
Evaluation: et maintenant? Développement ultérieur d’actinfo. L’avenir d’act-info peut en principe prendre deux directions: l’extension ou la réduction. Les deux scénarii devraient entraîner une meilleure participation des institutions au relevé des données et en améliorer la qualité. Toutefois, le scénario de la réduction présente un meilleur rapport coût-utilité.
peut être formulé par les institutions elles-mêmes ou par les organes qui en assurent le financement (avant tout les cantons et les communes). Ces derniers Maîtrise des données pourraient déclarer dès lors obligatoire L’OFSP conserve la maîtrise des don- l’utilisation d’act-info ou de certains nées pour les données registre et les modules. Si l’option de la réduction deMartin Büechi données clés. Les institutions ont la vait être adoptée, les modalités de publimaîtrise des modules particuliers aux cation des données devraient également secteurs. être redéfinies.
Les résultats de l’évaluation d’act-info, ceux du symposium du 5 mars 2009 (voir article ci-contre) et les expériences des années passées – autant de «matériel» emporté par l’équipe act-info dans sa retraite à la fin du mois d’avril 2009 afin d’élaborer à l’intention de l’OFSP la base d’un développement ultérieur à partir de 2010. La décision de poursuivre le projet sur des bases plus légères est vite tombée, car c’est la seule option pour atteindre un relevé complet dans le domaine des dépendances. L’équipe d’act-info s’attache désormais à procéder, sur cette base, aux adaptations et aux modifications dans les secteurs suivants:
– Accès accordé aux institutions fournisseuses de données et aux cantons (avec relevé complet). – Livraison des données aux services habilités dans les 48 heures (idéalement: accès en ligne).
données act-info importantes peuvent être reprises à partir d’autres systèmes informatiques.
Accès aux données
Offres et délais
act-info propose désormais les services suivants: – Banque de données act-info (réservée aux personnes habilitées, sur demande). – Rapports des institutions (sur demande, 14 jours après la demande). – Rapports sectoriels spécifiques (au printemps de l’année suivante). – Rapport global (à la fin novembre Questionnaire de l’année suivante). Les questions clés doivent être iden- – Articles d’actualité (une fois par an). tiques et contraignantes pour tous les – Symposium (tous les deux ans). domaines liés au travail sur les dépen- – Analyse sentinelle (un à deux dances. communiqués de presse par an). – Elaboration de (5 à 7) questions «re– Argumentaire pour le rapport global, gistres» identiques et contraignantes les rapports sectoriels et les rapports pour tous. L’objectif est de tenir un d’institutions. registre ad hoc qui sera utilisé pour – Documents utiles aux décideurs les collectes de la statistique méthapolitiques. done. Limite du système – Révision et réduction du questionLes secteurs suivants ne sont actuellenaire clé (selon les éléments TDI). ment pas pris en compte par act-info: – Révision et réduction des question– Groupes logés en extérieur. naires modulaires dédiés aux diffé– Médecins généralistes. rents secteurs. – Psychiatrie. – Mise en place du module de suivi – Services de sevrage. QuaTheDa-E. – Offres à bas seuil.
Recherche
Reformulation, harmonisation et coor- La collecte de données provenant de la dination des projets de recherche dans psychiatrie, des services de sevrage et le domaine des dépendances. des offres à bas seuil par act-info est souhaitable. Actuellement il reste des Technologie obstacles dans le transfert des données – Réduction des doubles saisies et des et des difficultés concernant l’anonymat. doublons dans le domaine des IT au Des clarifications sont en cours. niveau cantonal. L’OFSP commuApproche modulaire nique l’offre d’harmonisation des Le scénario de la réduction revient à projets correspondants d’act-info. créer un «module de base», qui pourra – Possibilité d’alimenter les projets en être complété par d’autres modules si cours dans le domaine des dépennécessaire. L’avantage réside dans le dances avec des données act-info. fait que les données ne sont relevées – Logiciel act-info PC: recherche d’une solution en ligne. Objectif annexe: les qu’en cas de besoin effectif. Ce besoin
Autres mesures En cas de réduction, d’autres mesures d’accompagnement devraient être étudiées: – Coordination optimale avec le monitorage des dépendances et le projet QuaTheDa-E. – Amélioration des outils électroniques Michael Schaub de saisie des données. – Adaptation du calendrier des relevés des données et des rapports aux besoins des institutions et des cantons/communes. – Meilleure diffusion d’act-info auprès des groupes cibles. – Meilleur ancrage d’act-info au sein de l’OFSP. Les idées concernant une réduction Gabriela Scherer d’act-info sont en cours de discussion. Les réactions pour l’orientation de fond sont très positives. En août 2009, le concept définitif sera soumis à l’approbation des décideurs au sein de l’OFSP. Contact: Christopher Eastus, section Bases scientifiques et juridiques, christopher.eastus@bag.admin.ch
Roger Gernet
act-info act-info (addiction, care and therapy information) est un système national de monitorage harmonisé destiné aux usagers de l’aide professionnelle en matière de dépendance. Ce système de documentation concerne l’offre de prise en charge ambulatoire et résidentielle des problèmes liés aux substances légales et illégales ainsi que des troubles assimilables à une addiction. act-info est le résultat du processus d’harmonisation des statistiques de traitement sectorielles. Les instituts de recherche impliqués dans ce projet (ISPA Lausanne, ISGF Zurich, ISPM Berne) sont responsables de la récolte des données et des analyses spécifiques aux différents secteurs de traitement. act-info est financé et coordonné par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), qui est également responsable du projet act-info dans sa globalité.
Geneviève Praplan
Roy Salveter
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«Unis contre la grippe»: des informations et des messages clairs Prévention de la grippe. Cet hiver, la grippe pourrait toucher entre trois à cinq fois plus de personnes (c’est-à-dire jusqu’à deux millions) que lors d’une année moyenne. Avant que la vague de grippe n’atteigne notre pays cet automne, la Confédération veut, au travers d’une campagne d’information, que toute la population sache comment se prémunir contre la propagation de la grippe. En cas de grippe, rester chez soi et adopter des mesures d’hygiène personnelles: ces mesures simples à mettre en œuvre permettent de se protéger et de protéger les autres efficacement contre la pandémie. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) fait passer ces messages clairs à la population par le biais de spots télévisés diffusés depuis le 27 juillet 2009 sur les émetteurs nationaux. La campagne d’information sur la grippe est adaptée en permanence et élargie en fonction de la propagation de la pandémie.
comportement. Pour ce faire, il a chargé une agence de publicité de concevoir une campagne capable de faire passer des messages de prévention crédibles sur la grippe pandémique et la grippe saisonnière. La campagne «Unis contre la grippe» permet aussi de tenir compte au quotidien de l’évolution de la situation.
L’humour à la rescousse
Lorsque des humoristes aussi célèbres et appréciés que Beat Schlatter, Ferruccio Cainero ou Marie-Thérèse Porchet (alias Joseph Gorgoni) apparaissent sur Informer au lieu de faire peur le petit écran, les téléspectateurs s’atL’OFSP a lancé la campagne d’informa- tendent à rire. Mais voir ces trois pertion «Unis contre la grippe» pour sensi- sonnalités dans le rôle d’ambassadeurs biliser la population à la pandémie grip- de la campagne contre la grippe propale et la motiver à changer son voque un effet de surprise réussi et ga-
rantit un impact durable – car la pandémie grippale n’est pas une plaisanterie. La première partie de la campagne 2009 contre la grippe comprend des spots TV diffusés en allemand, en français et en italien dans toutes les régions de la Suisse; par ailleurs, des panneaux d’information ont été préparés pour les aéroports et la présence sur Internet (www.pandemia.ch) a été remaniée et complétée par un chapitre conséquent dédié à la campagne. Le moment fort de la campagne, à partir de septembre 2009, sera très intense: 5 autres spots TV diffusés sur tout le territoire, des actions partenaires par affiches et sur Internet, des pancartes dans les bus et les trams, des bannières sur Internet et des annonces dans les journaux. Des documents d’information,
traduits dans les treize langues principales (romanche inclus) parlées en Suisse, ainsi que des posters et des pictogrammes peuvent être téléchargés sur www.pandemia.ch. Enfin, une brochure d’information de 16 pages est disponible dans différentes langues. La Confédération a débloqué 3,5 millions de francs pour cette campagne de prévention. www.pandemia.ch Contact: Adrian Kammer, responsable section Campagnes, adrian.kammer@bag.admin.ch Valérie Maertens, responsable de projet Campagne grippe, valerie.maertens@bag.admin.ch
«Une campagne prête en quatre semaines: un record.» 5 questions à Adrian Kammer. Le responsable de la section Campagnes à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) répond à nos questions sur une campagne médiatique mise sur pied en un temps record. Jamais encore, en Suisse, une campagne nationale de prévention n’a été mise en place si rapidement. Effectivement. Il nous a fallu deux jours pour dresser un briefing détaillé et 24 heures à la direction de l’OFSP pour l’approuver. Ce document en mains, nous avons alors invité six agences de notre choix à présenter, dans le temps record de dix jours, une stratégie, un concept et des propositions concrètes de mise en œuvre. Une fois choisie, l’agence Krieg Schlupp Bürge / Springer & Jacoby de Zürich a eu encore exactement quinze autres jours pour concrétiser le noyau de la première vague de campagne, le site Internet pandemia.ch, sur lequel il est possible de télécharger des documents utiles et de visionner quatre spots télévisés destinés aux trois grandes régions linguistiques. Au total, il nous a donc fallu quatre semaines pour préparer toute la campagne.
Pourquoi recourir à trois humoristes connus en Suisse alémanique, en Suisse romande et au Tessin pour en faire des ambassadeurs? Le rire est-il un
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vecteur adéquat pour un sujet aussi sérieux? D’une part, nous sommes convaincus que des humoristes sont de bons communicateurs et des personnalités crédibles. Or, la crédibilité est tout à fait essentielle dans cette campagne. Ensuite, nous voulions un concept nous permettant de réagir rapidement. Il fallait informer l’ensemble de la Suisse sans tarder (ce qui justifie notre choix des spots télévisés) et faire passer divers messages (les mesures d’hygiène préventives) selon une fréquence assez élevée, par le biais de spots dont la production ne pouvait pas s’éterniser. Nous avons donc laissé une grande liberté aux humoristes pour apporter leur touche personnelle dans la communication des messages. Marie-Thérèse Porchet aborde la question de manière complètement différente par rapport à Ferruccio Cainero ou à Beat Schlatter. En situation normale, on s’attend à passer un bon moment lorsque des humoristes apparaissent à l’écran. La surprise est ici dans la conclusion: ce n’est pas une plaisanterie. La campagne doit contrecarrer le résultat de l’enquête menée auprès de la population, à savoir que Monsieur et Madame Toutlemonde ne prennent pas la question vraiment au sérieux et se sentent assez peu concernés. Nombreux sont celles et ceux qui en rient encore et pensent qu’il faut arrêter de semer la panique.
Une campagne de grande ampleur peut soulever pas mal de
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poussière. Si, avec le temps, la grippe porcine ne se révèle pas plus grave que la grippe aviaire il y a quelques années, l’OFSP ne devra-t-il pas assumer le reproche d’avoir semé la panique? Toutes les observations faites dans l’hémisphère sud permettent de conclure que la pandémie grippale qui atteindra la Suisse en automne ou en hiver pourrait conduire à un nombre de cas trois à cinq fois supérieur qu’avec une grippe saisonnière normale. Nous sommes donc devant une situation extraordinaire à laquelle nous devons préparer la population. Les expériences faites dans le domaine des campagnes d’information et de prévention ont montré qu’une information neutre et professionnelle n’a rien à voir avec un vent de panique mais prouve que la Confédération assume sa responsabilité à l’égard de la population.
Quelles sont les réactions qui vous parviennent? Une grande acceptation de la campagne, tant auprès des médias que de nos partenaires qui sont les autorités sanitaires cantonales, les médecins cantonaux, les autorités scolaires, les universités, les médecins de famille, les pharmaciens, les entreprises de toute taille, etc. Tous estiment que la Confédération a raison de fournir ce travail d’information et qu’elle le fait bien. Les nombreuses notes explicatives disponibles sur pandemia. ch, avec leurs informations précieuses et
leurs indications simples à suivre, sont bien utilisées. A ce jour, ces informations existent dans les trois grandes langues officielles ainsi qu’en anglais, mais seront prochainement proposées dans les treize langues principales.
Quelle est la place de cette campagne par rapport aux autres campagnes de prévention traditionnelles de la Confédération? En quoi se différencie-t-elle d’une campagne contre le sida ou contre le tabagisme? Il n’y a pas de grande différence. Dans le cas de la campagne contre la grippe, nous mettons également à la disposition de la population des informations et des instruments qui lui permettent d’accroître sa culture sanitaire et d’assumer sa responsabilité afin de se protéger et de protéger les autres. La campagne est une campagne vivante capable d’adapter ses messages en fonction des dernières informations et des nouveaux besoins. Tous les jours, nos partenaires nous font part d’idées pour améliorer encore la diffusion des messages de la campagne. Nous tenons compte de ces réactions pour planifier la suite de la campagne. Une seconde enquête menée auprès de la population fin août nous fournira plus de détails sur l’impact de la campagne ainsi que sur ses éventuelles lacunes. La deuxième phase de la campagne qui débutera au mois de septembre utilisera ces résultats à bon escient.